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Paroles d'Actu
28 février 2016

« Plus que du sport, un parcours initiatique », par Mahyar Monshipour-Kermani

Mahyar Monshipour compte parmi les athlètes qui ont le plus marqué le public français ces dernières années ; il est à coup sûr un des boxeurs « tricolores » les plus titrés (il fut champion du monde dans la catégorie de poids super-coqs de la WBA de 2003 à 2006). Dix ans presque jour pour jour après son dernier combat, perdu face au thaïlandais Somsak Sithchatchawal mais qui est entré dans la légende du sport (il fut désigné « combat de l’année » 2006 par le prestigieux magazine Ring), il a accepté à ma demande (datée du 25 février) d’évoquer pour Paroles d’Actu dans un texte inédit et très personnel son sport, la boxe, et son parcours - je l’en remercie de nouveau ici. Un focus que j’ai souhaité sur un parcours hors du commun, authentiquement « inspirant » et sur un sport, la boxe donc, qui n’a certainement que peu d’égaux en matières d’école, dexpérience de vie. Un article qu’à titre personnel je spécial-dédicace à l’ami Lucas. Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

« Plus que du sport, un parcours initiatique. »

par Mahyar Monshipour-Kermani, le 27 février 2016

Pratiquer la boxe, ce n’est pas « simplement » faire du sport. C’est être plus « homme » que les autres hommes. C’est vivre ce que d’autres ne font que rêver, fantasmer. C’est se mettre à nu : montrer au grand jour ses forces et ses faiblesses.

Boxer, c’est créer un environnement qui n’existe plus, celui du danger imminent, omniprésent et réel, que seuls les soldats, sur les zones de conflits, connaissent.

Être sur le ring, ce carré de lumière mal nommé, entre quatre cordes qui te lacèrent le dos si tu as le malheur d’être dominé, avec tes deux poings gantés, face à ceux - les poings - de l’adversaire qui te font croire qu’ils sont inoffensifs, et la gomme dans la bouche, gomme que tu serres pour faire passer la douleur...

Être sur le ring, c’est être dans la ligne de mire des poings de l’adversaire, et du jugement, des regards des spectateurs qui, eux, incapables de monter sur le ring, pourtant, te jugent.

Je voulais être l’un d’eux, gladiateurs du monde moderne ; l’un de ceux, virils, sans peur, qui comme un Hercule, saurait éblouir le monde, de son courage et de sa force.

Je voulais être un homme, et le chemin le plus court, ce fut le ring.

À dix-sept ans ans, en Terminale au lycée d’excellence Camille Guérin à Poitiers, je parcourais le trajet séparant le lycée de l’appartement de ma tante - qui eut ma responsabilité de l’âge de dix ans jusqu’à ma majorité - à moto, emmené par Thibaud, cet enseignant d’E.P.S. unique et hors du commun. Pour m’entraîner à la boxe... dans le salon de son appartement H.L.M, aménagé en dojo et qui jouxtait celui que nous habitions.

Eh oui, mes premiers entraînements se sont déroulés underground et en cachette de ma tante, jusqu’à ce que Thibaud me dise, « On arrête les bêtises : tu vas t’inscrire au club ».

À l’heure de cette annonce dans le cadre familial, ce fut la fin du monde : celui construit dans l’imaginaire de ma tante - qui avait endossé la lourde responsabilité de m’accueillir - et de mon père. Elle m’a dit, « Tu vas finir éboueur, Mahyar. Tu te débrouilles avec ton père... » Ce père qui, appelé alors qu’il était installé aux Pays-Bas, me raccrocha « au poing ». Ce père qui, en juillet 2003, lorsque je devins champion du Monde professionnel de boxe, m’enlaça avec fierté.

Juillet 2003. Le déclic, ce fut en janvier 1993. Les dix années et six mois qui me séparèrent de la reconnaissance de la France, qui tout entière vécut ma cause comme la sienne, ont été jalonnées de joies - nombreuses -, de souffrances - il y en a eu, très certainement - et de manques - matériels et affectifs.

Il en restera de merveilleux souvenirs de rencontres. Avec Philippe Mouroux, directeur de cabinet du président du Conseil général de la Vienne d’alors, Monsieur René Monory. Avec Mohammed Bennama, le technicien blagnacais qui me permit de gravir tous les échelons de la hiérarchie pugilistique, et avec qui j’ai parcouru neuf ans de ma vie d’homme. Je pense, enfin, à la rencontre de ma femme, Hanan, mère de mon unique enfant, Shirine. Je ne l’aurais probablement jamais rencontrée... si je n’avais pas perdu mon septième championnat du Monde, un certain 18 mars 2006.

Aujourd’hui, à part des souvenirs, il ne reste plus rien de cette vie passée. Rien ? J’exagère : mon nom, ma fille, et la fierté que je sens dans ses yeux lorsqu’elle me dit, « Papa, tu étais le plus fort du monde entier ? »...

 

MMK avec sa fille Shirine

M. Monshipour-Kermani avec sa fille Shirine. Photo : MMK. 

 

 

Album photo composé et commenté par Mahyar Monshipour-Kermani...

 

MMK par Harcourt

Shooting MMK. Photo : Harcourt.

 

MMK à Bam

À Bam, Iran, en janvier 2003. Photo : Alain de Montignac.

 

MMK lors d'un tournoi de boxe en Russie

Tournoi de boxe en Russie. Photo : MMK.

 

MMK avec Mohammed Bennama

Avec Mohammed Bennama, mon entraîneur. Photo : MMK.

 

MMK avec B

Avec Bouchaïb Chaddi et Michel Acheghane, entraîneurs de boxe et parmi mes meilleurs amis. Photo : MMK.

 

MMK avec Didier Botella

Avec Didier Botella, président-fondateur du Blagnac boxing club. Photo : MMK.

 

MMK Famille

En famille. Photo : MMK.

 

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12 février 2016

« Qu'on ne me demande pas de me renier... », par P.-Y. Le Borgn', député PS

Pierre-Yves Le Borgn’, député de la Nation depuis son élection en 2012 par les Français établis en Europe centrale et dans les Balkans, a fait montre à plusieurs reprises et de manière constante, dans les paroles et dans les actes, de son malaise face au projet de réforme constitutionnelle que porte l’exécutif, pourtant socialiste comme lui. Un an et demi après la tribune engagée - et toujours actuelle - qu’il avait écrite pour Paroles d’Actu (septembre 2014), il a accepté à nouveau, et je l’en remercie, de répondre à mes questions, et il le fait avec beaucoup de franchise. On pourrait imaginer un sous-titre pour cet article : « Conscience d’un homme de gauche »... Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Qu’on ne me demande pas de me renier... »

Interview de Pierre-Yves Le Borgn’

Q. : 04/02 ; R. : 11/02

 

Pierre-Yves Le Borgn'

 

Paroles d’Actu : Bonjour Pierre-Yves Le Borgn’, merci de m’accorder cet entretien. Mercredi dernier, vous avez voté contre le projet de révision constitutionnelle que porte le gouvernement, à savoir l’inclusion de l’état d’urgence dans la loi fondamentale et la possibilité de déchoir de leur nationalité celles et ceux (sentend : binationaux) qui participeraient à une entreprise terroriste - et peut-être à d’autres types d’activités malfaisantes. Comment jugez-vous globalement, en prenant un peu de recul, la teneur des discussions et débats qui ont eu cours dans la société française depuis les attentats de novembre, et dans quel état d’esprit vous trouvez-vous aujourd’hui, franchement ?

 

Pierre-Yves Le Borgn : Merci de me donner la parole sur votre blog, cher Nicolas. J’en suis un lecteur régulier et j’en apprécie la diversité des sujets traités et des personnes interviewées. J’ai été épouvanté par l’horreur des attentats du 13 novembre. C’est notre liberté et notre art de vivre qui ont été pris pour cible par des criminels terroristes. Je ne confonds aucunement l’islam, belle et grande religion de paix, prise en otage et dévoyée au nom de cette folie meurtrière, avec ces actes monstrueux. J’ai été frappé par le sentiment de peur, bien compréhensible au demeurant, qui s’est emparé de la société française dans les jours suivants le 13 novembre. Mes propres parents, vivant dans une petite ville de Bretagne, ont utilisé pour décrire leur réaction un mot que je n’avais jamais entendu dans leur bouche à ce jour : terreur. Cela m’a beaucoup marqué. Et pourtant il faut continuer à vivre, continuer à sortir, continuer à aimer la vie et ses plaisirs, continuer à le revendiquer. Faire recul sur tout cela serait comme apporter de l’eau au moulin des terroristes. Faire recul sur les libertés publiques aussi. Continuer à vivre sans rien oublier, en musclant nos services de renseignement, en développant les effectifs des forces de police et de gendarmerie, en frappant les bases de Daech à l’étranger et luttant par l’éducation contre la radicalisation.

 

Vous avez souligné ma position et mon vote sur la révision constitutionnelle. Ils expriment un doute : que la constitutionnalisation de l’état d’urgence et la déchéance de nationalité ne soient pas les réponses idoines dans la lutte contre le terrorisme. Je ne conçois pas que l’état d’urgence, d’une manière ou d’une autre (constitutionnalisation ou prolongation dans le temps) devienne peu à peu le droit commun, au détriment des libertés publiques et notamment du rôle du juge des libertés individuelles. Quant à la déchéance de nationalité, je n’ai pas aimé qu’elle tourne au procès a priori des binationaux, alimentant l’idée – diffuse dans l’opinion – que ces compatriotes seraient de moindres Français. Je vois davantage dans la révision constitutionnelle le risque d’un recul des libertés publiques et d’une rupture d’égalité entre Français que des instruments efficaces de lutte contre le terrorisme. Pour répondre à votre question, mon état d’esprit aujourd’hui, c’est la recherche de l’efficacité et des résultats, concrets et mesurables, dans la politique de lutte contre le terrorisme. Pas le suivisme à l’égard de l’opinion publique et des sondages.

 

PdA : On évoque souvent, quand on regarde ce qu’ont été et ce que sont les parcours de vie des jeunes partis faire le djihad, les notions de « quête de sens » ou d’« absolu », de recherche de « transcendance ». À l’heure de l’individualisme et de l’argent rois, à l’heure où les communautarismes sont exacerbés, il semble de plus en plus difficile de se rêver des destins collectifs, des perspectives communes à l’échelle par exemple d’une nation. La République et ses valeurs, elles, peinent à faire encore vraiment « rêver ». Est-ce que vous êtes sensible à cette question que je crois prégnante dans pas mal d’esprits, celle au fond d’une « crise de foi » peut-être plus répandue qu’on pourrait le penser ? Les attentats du 13 novembre auraient-ils, de ce point de vue, suscité une espèce de « sursaut » ?

 

PYLB : Je ne pense pas qu’une « crise de foi » traverse la société française et en son sein la jeunesse de notre pays. Une crise d’identité peut-être, une angoisse face à l’absence d’avenir plus sûrement. Notre société est bloquée par des choix aux conséquences dramatiques, opérés il y a longtemps, depuis les ghettos urbains et l’absence de moyens suffisants mis à disposition de l’école dans les zones d’éducation prioritaires jusqu’au refus de la mixité sociale entretenu dans de trop nombreuses villes. Un plafond de verre prive toute une part de la jeunesse des mêmes chances dans l’accès à l’emploi et au déroulement d’une carrière. Il est bien plus dur, disons les choses directement, d’obtenir un job à qualification équivalente quand on s’appelle Mohamed ou Rachida que quand on s’appelle Bertrand ou Élodie. Or, la France du XXIème siècle est celle de Bertrand et Mohamed, de Rachida et d’Élodie.

 

La République fait rêver lorsqu’elle donne à chacun les mêmes chances. La vérité est que ce n’est pas le cas à l’épreuve des faits. Dès lors, l’échec scolaire, l’épreuve du chômage, le manque d’avenir conduisent à l’amertume, à la révolte, au communautarisme, à la bigoterie, au rejet de la société et du pays duquel on est pourtant. Si les drames de 2015 peuvent contribuer à une prise de conscience de tout ce qu’il importe de faire pour lutter contre ces difficultés, ce serait heureux. Il faudra des années pour y arriver. Cela commande sans doute de penser à la discrimination positive : mettre la priorité de l’action publique sur certaines régions, certaines villes, certains quartiers. J’ai de ce point de vue la plus grande admiration pour ce que l’ancien directeur de l’Institut d’Études politiques de Paris, Richard Descoings, a fait, ouvrant l’accès à Science Po aux élèves de certains lycées de banlieue. De telles initiatives créent de l’espoir et s’inscrivent dans ce que la République a de meilleur.

 

PdA : Les attentats du 13 novembre vous ont-ils à titre personnel changé en quoi que ce soit ?

 

PYLB : Je ne pense pas. Comme tout Français, j’ai été épouvanté par l’horreur. J’ai un ami qui a perdu son fils dans ces attaques. Je pense souvent à ce jeune homme, réuni avec ses copains à La Belle Equipe. Il était plein de vie et de projets. Tout cela est tragique. Il faut redoubler de vigilance face au danger. Le parlementaire que je suis, davantage encore qu’auparavant, entend donner les moyens de son action à nos services de renseignements et à la police. Mais le citoyen, l’homme et le père se refuse à regarder l’autre différemment, à pratiquer la méfiance, à céder au repli. L’avenir reste pour moi dans la main tendue.

 

PdA : La démission de Christiane Taubira, garde des Sceaux et figure de la gauche progressiste, du gouvernement conduit par Manuel Valls n’a pas fini de faire parler les commentateurs politiques. Ce départ s’est fait, paraît-il, sur un « désaccord politique majeur » qui s’ajoute à d’autres départs liés à des désaccords politiques majeurs. Aujourd’hui la ligne gouvernementale est peut-être plus cohérente mais elle s’appuie sur une majorité moins large qu’au début du quinquennat. Nombre de membres de ce qu’on appelle le « peuple de gauche » se sentent de bonne foi déboussolés (pour ne pas dire autre chose) par les orientations politiques de l’exécutif, je pense notamment au discours sécuritaire, aux attitudes autoritaires de Manuel Valls et aux positionnements, disons, iconoclastes d’Emmanuel Macron sur les questions socio-économiques. Comprenez-vous ces interrogations et, d’une certaine manière, les partagez-vous ? Est-ce que, pour l’essentiel, vous retrouvez de l’esprit de la campagne de 2012, de vos idéaux progressistes dans la gestion 2016 des affaires de l’État et du pays ?

 

PYLB : J’ai regretté le départ de Christiane Taubira. Sa voix, son charisme et ses combats manqueront dans l’action de l’exécutif. Je partage les raisons qu’elle a invoquées pour expliquer sa démission. Rejetant la déchéance de nationalité, je me sens en communion avec elle. Le souci de protéger les Français a tout mon soutien. Ce que je regrette, c’est la tentation de « triangulation », non sans penser à 2017. Je n’aime pas que la gauche lie l’insécurité et la nationalité. L’an passé, j’étais l’un des orateurs du groupe socialiste dans un débat à l’Assemblée nationale sur une proposition de loi de l’UMP visant à… la déchéance de nationalité. Ma mission était de m’y opposer. Moins d’un an après, le gouvernement voudrait que je me renie et me fasse le zélateur d’une mesure à laquelle je ne crois pas. C’est hors de question.

 

Je suis attaché aux droits et libertés publiques, partageant sans doute une part de chemin de ce côté-là avec les « frondeurs ». D’un autre côté, j’ai toujours été, expérience professionnelle aidant, modéré au plan économique et ce que fait Emmanuel Macron me séduit. C’est sans doute un curieux positionnement politique au sein du groupe socialiste. C’est un peu, finalement, comme si j’y étais « non-inscrit », à l’écart de toutes les chapelles. Quant à l’esprit de la campagne de 2012, il est loin malheureusement et je le regrette. Trop de prudence, trop d’atermoiements, trop peu de communication sur l’action de l’exécutif ont installé dans l’esprit des Français l’idée que le changement, ce n’est surtout pas maintenant. Je n’aime pas l’ambiguïté dans l’action publique. Il faut afficher les objectifs, obtenir des résultats, faire des compte-rendus d’étapes, ne rien cacher des difficultés. Etre mendésiste, ma filiation politique.

 

PdA : Question liée : considérez-vous que, pour ce qui concerne l’essentiel des promesses et engagements énoncés en 2012 par le candidat Hollande, le contrat est rempli ou en passe de l’être durant l’année 2016 ?

 

PYLB : Le contrat sera partiellement rempli et j’en suis heureux. Néanmoins, certaines promesses ont été passées par pertes et profits, comme le droit de vote des étrangers aux élections locales ou bien la ratification de la Charte du Conseil de l’Europe sur les langues régionales et minoritaires. Nous aurions dû les tenir. Nous avions entre 2012 et 2014 une majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat pour cela. Je regrette aussi que nous ayons renoncé à autoriser la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes mariées. Au bout du compte cependant, c’est sur l’emploi que nous serons jugés et l’absence de réduction de la courbe du chômage reste à ce jour un échec, reconnaissons-le.

 

PdA : Un point de détail sur lequel François Hollande s’était engagé, une thématique qui vous concerne directement et qui peut peser lourd dans la défiance de nombre de nos compatriotes par rapport à la chose politique : le mode d’allocation des sièges à l’Assemblée nationale. François Hollande avait promis qu’il introduirait une dose de proportionnelle pour coller au mieux (ou en tout cas coller mieux) aux aspirations des citoyens. Il a annoncé après les régionales qu’il y renonçait pour ne pas favoriser une entrée trop importante de députés Front national dans l’hémicycle (sans doute aussi pour assurer la formation de groupes potentiellement alliés). Trois questions : 1/ cet argument est-il valable et cette décision juste ? 2/ ne pensez-vous pas que le débat avec le FN doive se tenir aussi à l’Assemblée nationale ? 3/ où en êtes-vous à titre personnel et dans le détail de votre réflexion sur le mode de scrutin pour les législatives ?

 

PYLB : Ma position est claire : lorsque l’on fait une promesse, on la tient. Revenir sur elle pour des considérations électorales n’est pas juste. Il n’est pas sain que des formations politiques qui pèsent lourd en voix ne soient pas représentées en sièges à l’Assemblée nationale. C’est vrai pour le Front national, que je combats de toutes mes forces. C’est vrai également pour le MoDem, que j’estime et respecte. Il est toujours infiniment meilleur pour la démocratie que le débat ait lieu dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale que dans la rue.

 

À titre personnel, l’idée d’allouer 25% des 577 sièges de l’Assemblée à la proportionnelle me conviendrait. Cela obligerait à redecouper les circonscriptions correspondant aux 75% des 577 sièges qui resteraient alloués au scrutin majoritaire uninominal à deux tours. J’ai, pour ce qui concerne la part déterminée à la proportionnelle, un attachement pour le scrutin d’arrondissement, car c’est au contact de la réalité d’un territoire qu’un parlementaire est efficace. Je ne pourrais m’imaginer député issu d’un scrutin proportionnel, sans lien avec un territoire. Je me sentirais hors sol. J’aime trop le terrain, le contact. 

 

PdA : Qu’est-ce qui, demain, devra vous singulariser sur le fond en matière d’offre politique par rapport à la droite ? Quels nouveaux horizons du « progressisme » devraient être portés par la gauche à votre avis ?

 

PYLB : Certainement le combat de l’égalité des chances dont j’ai parlé un peu plus haut dans l’interview et les bases de discrimination positive qui me semblent nécessaires pour sortir notre pays de ses ruptures territoriales et générationnelles. Lorsque vous voyez que 100% des classes bi-langues sont maintenues à Paris contre 5% seulement en Normandie, on se dit que l’égalité réelle est bien lointaine. Qu’une telle situation se produise sous un gouvernement de gauche est incompréhensible pour moi. La gauche doit aussi s’engager en soutien sincère et profond pour l’économie verte. L’avenir de la planète comme la pérennité de la croissance en dépendent. Je viens du secteur photovoltaïque et je sais tout le potentiel de cette nouvelle économie pour l’emploi et le bien-être de notre société. Je pense que la gauche doit encourager ce mouvement et lui donner les cartes d’un développement pérenne, notamment en revendiquant un meilleur traitement législatif et fiscal au bénéfice des activités favorisant la transition énergétique. 

 

PdA : Si vous deviez définir en quelques mots le sens que vous donnez à votre engagement politique ?

 

PYLB : Donner à chacun la chance de réussir sa vie. Cela passe par les moyens pour l’école, l’aide à la petite enfance, le soutien à la famille. Et se battre pour que nos enfants et petits-enfants vivent dans une société libre, reposant sur la responsabilité et la solidarité.

 

PdA : Si vous aviez un message à transmettre à François Hollande ? À Manuel Valls ?

 

PYLB : À François Hollande, ce serait de réformer notre pays jusqu’au bout de son mandat, sans se préoccuper des échéances électorales, quitte à ne pas être candidat. En politique, c’est comme au tennis : à jouer petit bras, on perd toujours. Je lui conseillerais aussi de renouer avec l’esprit et la volonté de 2012, en un mot d’oser.

 

À Manuel Valls, ce serait d’accepter la diversité de sa majorité, de se décrisper, d’entendre et de solliciter les voix critiques. De comprendre que ces voix critiques veulent autant que lui le succès du gouvernement. Je lui conseillerais aussi de sourire de temps en temps et de montrer son humanité en allant vers la jeunesse.

 

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8 février 2016

Barthélémy Courmont : « L'arme nucléaire est l'assurance-vie du régime nord-coréen »

Barthélémy Courmont est directeur de recherche à l’IRIS et maître de conférences à l’Université catholique de Lille. Également rédacteur en chef de la revue Monde chinois, nouvelle Asie, il compte parmi les meilleurs experts sur les questions touchant notamment aux affaires stratégiques d’Asie et du Pacifique et au nucléaire militaire. Près de deux ans et demi après notre première interview, qui avait pour thème central le bombardement atomique dHiroshima (août 1945), il a accepté, dans un contexte d’intensification des tensions liées au programme nucléaire nord-coréen, de répondre une nouvelle fois à mes questions - ce dont je le remercie. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« L’arme nucléaire est l’assurance-vie

du régime nord-coréen »

Interview de Barthélémy Courmont

Q. : 03/02 ; R. : 07/02

 

Corée du Nord

Revue militaire à Pyongyang. Photo : David Guttenfelder/AP.

 

Paroles d’Actu : Barthélémy Courmont, bonjour. Pyongyang a prétendu début janvier avoir procédé avec succès à un essai de bombe à hydrogène. Une affirmation qui a été accueillie avec scepticisme par bon nombre d’observateurs. Est-ce qu’à votre avis, pour ce qui concerne en tout cas la maîtrise de la technologie en question, la Corée du Nord est devenue - ou est en passe de devenir - une « puissance thermonucléaire »  ?

 

Barthélémy Courmont : De nombreuses interrogations entourent ce quatrième essai nord-coréen, dont la faible puissance n’indique pas que la Corée du Nord soit en mesure de maitriser la puissance de la bombe à hydrogène. Il y a donc un décalage entre l’annonce officielle de cet essai, et les doutes qui persistent sur le fait qu’il puisse être de la même nature que les trois précédents. Cependant, il ne faut pas non plus écarter la possibilité que la Corée du Nord soit en mesure, ou proche, d’effectuer des essais de bombes à hydrogène, et il faut se souvenir qu’à l’occasion des trois premiers essais, en 2006, 2009 et 2013, la communauté internationale avait déjà émis des doutes sur l’authenticité des essais. Il s’agit là d’un des éléments de la stratégie nucléaire de Pyongyang, qui consiste à semer le doute sur ses réelles capacités, et pratique ainsi une stratégie de dissuasion qui ne repose pas tant sur la réalité d’un arsenal (difficile de savoir si, au-delà des essais, la Corée du Nord est capable de constituer un arsenal nucléaire) que sur un effet d’annonce rendu possible par l’opacité du régime et les difficultés à vérifier. En ce sens, et en dépit des doutes, nous sommes dans l’obligation de croire Pyongyang sur ses capacités nucléaires, ou alors de prendre le risque de sous-estimer ses capacités.

 

PdA : Que sait-on, à l’heure où des voix s’élèvent dans la région pour exhorter Pyongyang à renoncer à un tir d’essai de fusée (qui a finalement eu lieu le 7 février, ndlr), de l’avancée des connaissances et capacités du régime en matière de balistique ?

 

B.C. : Les capacités balistiques de la Corée du Nord, que le tir d’une fusée (sans doute un missile) début février n’a fait que confirmer, sont avérées depuis plusieurs années. De nombreux tests ont été effectués, et à plusieurs reprises des missiles nord-coréens se sont abîmés dans l’océan Pacifique après avoir survolé l’archipel japonais. Cela signifie que les missiles balistiques nord-coréens sont capables de frapper n’importe quelle cible au Japon, et donc en Corée du Sud. Là encore, il y a un décalage entre ce que Pyongyang affirme, et les doutes sur ses capacités. Le régime nord-coréen prétend ainsi être en capacité de frapper des villes de la côte ouest des États-Unis, ce qui semble peu probable. Mais nous ne disposons pas d’information suffisamment fiable permettant d’écarter tout doute.

 

PdA : Peut-on affirmer avec certitude, aujourd’hui, que tel ou tel État « nucléarisé » ou acteur non-étatique a contribué de manière décisive à l’acquisition par la Corée du Nord de la technologie nucléaire militaire et de ses indispensables à-côtés ?

 

B.C. : Les capacités nucléaires de la Corée du Nord sont essentiellement le résultat de ses propres programmes, ainsi que de l’enrichissement de l’uranium sur le site de Yongbyon. Si la participation d’ingénieurs soviétiques, et peut-être chinois, n’est pas à exclure, il ne faut sous-estimer la capacité de ce pays à avoir accompli un programme indigène, sans une influence décisive d’une puissance étrangère. La technologie soviétique a évidemment été à l’origine des capacités balistiques, qui sont dérivées de missiles scud autrefois vendus ou offerts par Moscou. La Corée du Nord est cependant parvenue à faire évoluer ces missiles scud, et même à mettre au point ses propres missiles, ce qui indique un savoir-faire réel en la matière, au point que Pyongyang est devenu un acteur de la prolifération balistique, comme l’ont indiqué l’identification de plusieurs filières au début des années 2000.

 

PdA : Dispose-t-on d’éléments tangibles qui nous permettraient de constater sans ambiguïté qu’une Corée du Nord authentiquement « nucléarisée » sur le plan militaire représenterait un péril inédit par rapport aux autres puissances atomiques ? Cette question-ci est liée, au fond : le régime que dirige  Kim Jong-un est-il « rationnel » dans sa conduite des affaires internationales, dans sa gestion des risques/gains potentiels ?

 

B.C. : C’est une question essentielle, qui en appelle une autre : le dossier nucléaire nord-coréen doit-il encore être traité comme un enjeu de prolifération, ou plutôt comme un sujet de dissuasion ? Ainsi, à quoi sert l’arme nucléaire pour Pyongyang ? Il s’agit essentiellement d’une arme défensive, utilisée dans un but politique très simple mais essentiel : la survie du régime. Cette stratégie sur le fil est périlleuse, mais elle est rationnelle en ce qu’elle permet à Pyongyang de se maintenir en position de force dans les négociations avec ses voisins et les États-Unis. En ce sens, les capacités nucléaires de la Corée du Nord, réelles ou supposées, sont une garantie et une arme à un coût relativement faible, là où des capacités conventionnelles ne feraient pas le poids face à ses adversaires désignés, que ce soit la Corée du Sud, le Japon ou les États-Unis. Pour comprendre la stratégie de la Corée du Nord, il est indispensable de tenir compte de cet élément, de même qu’il semble désormais plus approprié de traiter de cette question comme d’un problème de dissuasion plus que de prolifération (ce qui ne doit pas bien sûr supposer une acceptation de la Corée du Nord comme puissance nucléaire).

 

PdA : Le Pakistan, détenteur de l’unique « bombe islamique », vous paraît-il devoir s’inscrire, de fait, au cœur des enjeux liés à la recrudescence des tensions confessionnelles au sein du monde islamique ?

 

B.C. : Franchement non. La bombe pakistanaise s’inscrit dans la rivalité avec l’Inde, et rappelons à ce titre que les deux pays ont conduit leurs essais à quelques semaines d’intervalle, au printemps 1998. On sait aujourd’hui que le Pakistan a profité d’une collaboration avec la Corée du Nord pour mettre au point sa bombe, mais aussi que la filière du Docteur Khan, le père de la bombe pakistanaise, pouvait alimenter des liens avec des réseaux islamistes. Cependant, le Pakistan n’a jamais offert ou vendu sa bombe à une autre puissance, qu’elle soit dans le monde musulman ou non, et n’a pas non plus profité de son statut de puissance nucléaire, même non reconnue par le Traité de non-prolifération (TNP), pour se positionner comme chef de file d’un courant transnational confessionnel, que ni les pays arabes ni l’Iran ne cautionneraient de toute façon. Le programme nucléaire pakistanais était, dès ses origines, inscrit dans une logique régionale, et sert une stratégie de dissuasion exclusivement tournée vers l’Inde.

 

Barthélémy Courmont

 

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5 février 2016

« Réflexions autour du principe de laïcité », par Gaëtan Dussausaye

On prête à André Malraux d’avoir annoncé un 21ème siècle « religieux ». Nul ne sait de quoi demain sera fait, encore moins après-demain, mais une chose paraît acquise : on n’a probablement jamais autant parlé de religion dans le débat public depuis cent ans que durant les quinze dernières années, marquées par l’accroissement des manifestations violentes de fondamentalisme religieux et, à l’intérieur de nos sociétés, des tiraillements entre ce qui relève de la religion et ce qui n’a pas à en relever. J’ai souhaité inviter Gaëtan Dussausaye, qui est depuis 2014 directeur national du Front national de la Jeunesse (FNJ), à nous livrer l’état de ses réflexions et sentiments de citoyen s’agissant de l’actualité d’un principe tellement ancré dans l’imaginaire républicain que beaucoup l’intégreraient volontiers à la devise nationale : le principe de laïcité. Une exclusivité Paroles d’Actu (Q. : 21/01 ; R. : 04/02). Par Nicolas Roche.

 

« L’État chez lui, l’Église chez elle. » Victor Hugo.

Prendre une télécommande. Allumer la télévision. Zapper sur quelques chaînes. Tomber sur l’intervention d’un Premier ministre de la République française sur une émission de divertissement. La regarder. Entièrement. Prendre la télécommande. Éteindre la télévision. Et avoir cette étrange sensation que jamais dans une nation, un pays, une société laïcs, le « religieux » n’avait pris autant d’importance et d’emprise sur le discours politique, sur le discours public.

Une semaine après, même impression. La ministre de l’Éducation nationale, de passage à Canal +, côtoie sur le plateau un activiste religieux, et doit répondre des positions polémiques de ce dernier.

Depuis quand le politique doit-il nommer, commenter, se positionner face au religieux ? Qu’a-t-on fait de l’article 2 de la Loi du 9 décembre 1905 qui dispose que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » ? Le politique respecte-t-il ce texte d’ordre et d’équilibre lorsque le Premier ministre mentionne et reconnaît successivement les communautés musulmanes, juives, chrétiennes, bouddhistes, évangélistes, et même athées ? Que fait le gouvernement de ce fondement républicain qu’est la laïcité, quand son ministre de l’Intérieur rassure les chrétiens quand une église brûle, rassure les musulmans quand une mosquée est dégradée, alors que ce sont les Français, les Français tout court qui devraient être rassurés face à l’explosion des tensions communautaires dans notre pays ?

Suite aux événements douloureux de 2015, la considération des aspirations spirituelles et religieuses de chacun s’est imposée à la base de toute analyse et de toute parole politique. Certains ont ainsi cru bon pour la France, bon pour le « vivre-ensemble des citoyens », de devoir s’adresser aux particularités de chacun, et ainsi de donner des gages non pas à l’ensemble mais aux sous-ensembles. Le Français, citoyen et national, ne semble plus suffire au discours politique. L’on ne s’adresse plus désormais à l’individu en tant que citoyen français ; l’on s’adresse au citoyen français et musulman, et juif, et chrétien, et athée, etc… Comme si l’identité, notre identité, cette définition de ce que nous sommes, cette définition qui a vocation à nous unifier en un seul sujet qu’est le peuple, devait alors trouver son essence dans la somme d’une pluralité de sous-identités, d’une pluralité de sous-communautés.

En agissant de la sorte, certains politiques vont - peut-être involontairement, concédons-leur ce point - à l’encontre de la citoyenneté, seule unité dans laquelle chacun d’entre nous devrait se reconnaître. En agissant de la sorte, ces mêmes politiques ne jouent aucunement la carte de l’apaisement mais encouragent, développent encore davantage le repli sur « soi », le cloisonnement de l’individu dans un de ces multiples sous-ensembles, et par conséquent la méfiance puis le rejet de celui qui n’en est pas.

Ainsi le délitement de l’identité nationale et donc citoyenne, provoqué par la considération politique et publique d’une répartition des êtres dans ces sous-ensembles, est et sera à la source de conflits déjà existants, et de conflits à venir au sein même de notre société.

Aux politiques, alors, de rappeler et de marteler que notre société, notre identité sont fondamentalement protégées de la discorde par la laïcité. Aux politiques de réclamer aux chefs de culte, aux orateurs religieux de savoir s’abstenir de s’introduire dans le débat public et politique, et de maintenir la nécessaire séparation de l’espace public des citoyens et de l’espace privé des individus. Là n’est pas la place de la religion, d’aucune religion. « L’État chez lui, l’Église chez elle ! ». Aux politiques de faire valoir la laïcité dans son essence même et non pas, comme l’entendent ses détracteurs, soit une arme portée à l’encontre de l’existence des religions.

Aux politiques, donc, de rappeler cette formidable définition de la laïcité du philosophe Henri Peña-Ruiz : « La laïcité consiste à faire du peuple tout entier, sans privilège ni discrimination, la référence de la communauté politique. Celle-ci mérite dès lors son nom de République, bien commun à tous. Le clergé d’une religion particulière n’est pas contesté, tant qu’il se contente d’administrer les choses de la foi pour ceux qui lui reconnaissent librement un tel rôle. Mais dès qu’il entend exercer un pouvoir sur l’ensemble des êtres humains, et capter à son profit la puissance publique, il fait violence à ceux qui ont d’autres options spirituelles. ».

Il en va de l’unité des citoyens, de l’unité de la Nation, seules garantes de tranquillité et de sérénité pour les générations à venir, qui n’ont pas à subir ce que nous, jeunes, vivons au quotidien : la tentation du repli communautaire religieux, mirage d’une stabilité à court terme dans un environnement de plus en plus amputé de ses repères, de ses racines, de ses valeurs communes, et d’un projet collectif et unitaire pour l’avenir national.

Osons croire en ce qui nous unit, la laïcité, la citoyenneté, la Nation.

Gaëtan Dussausaye.

  

Gaëtan Dussausaye

Gaëtan Dussausaye est depuis 2014 directeur national du Front national de la Jeunesse.

 

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