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Paroles d'Actu
14 novembre 2021

Xavier Mercier : « Les Douze Coups de midi, ça restera une parenthèse enchantée dans ma vie »

Il est agréable parfois, alors que l’actu n’est pas toujours rose, de s’accorder quelques plages de respiration bienvenues. J’ai plaisir, de temps en temps, à travailler à des articles qui ne font qu’effleurer la marche de l’info, et qui ne mobilisent pas un intervenant ayant "quelque chose à vendre" (même si c’est infiniment respectable). Cette année, la dixième de Paroles d’Actu, aura été une des plus riches, une des plus intenses aussi : plus de 30 articles, et ce n’est sans doute pas terminé. Elle a débuté avec l’interview-portrait rafraîchissant d’Arsène, maestro de N’oubliez pas les paroles (France 2).

C’est dans un même esprit que j’ai la joie de vous proposer, aujourd’hui, cette rencontre avec Xavier Mercier, un des plus grands champions des Douze Coups de midi (TF1) - je signale au passage qu’il célébrera son anniversaire au lendemain de cette publication, si si ! Je le remercie d’avoir accepté de sortir de sa réserve instinctive pour me faire toutes ces confidences, et pour tous nos échanges, très sympathiques. Un grand champion qui a arrêté en 2013, non sans panache et alors qu’il aurait pu sans peine monter plus haut et gagner davantage : il venait de trouver un job (le même jour, alignement des planètes ? Benoît XVI renonçait à sa charge, mais l’Histoire ne nous dit pas lequel a entraîné l’autre...) Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Xavier Mercier: « Les Douze Coups de midi,

ça restera une parenthèse enchantée dans ma vie »

JLR et Xavier

Crédit photo : TF1.

 

Comment aimerais-tu, Xavier, te présenter auprès de nos lecteurs ?

présentation

C’est une très bonne question. Xavier. 31 ans. Briviste de naissance (et donc chauvin), savoyard de cœur et dionysien de résidence. Ingénieur à EDF au service de la première énergie renouvelable de France (l’hydraulique donc) depuis bientôt 10 ans. Fan de voyages et de quiz ; et très accessoirement "star" (il manque quelques centaines de guillemets à ce mot bien mal employé) des jeux TV depuis mon passage aux Douze Coups de midi en 2013.

 

Quel regard portes-tu, avec le recul, sur ton passage aux Douze Coups de midi (entre janvier à mars 2013) ? En-dehors de l’aspect financier, quelles en auront été les retombées, et est-ce qu’en un sens, ça a modifié un peu ta vie ?

la vie après Les Douze Coups...

Sur mon passage dans l’émission à proprement parler, cela restera une parenthèse enchantée. C’est avant tout une aventure humaine, une formidable aventure humaine ! Ce serait sans doute galvaudé de dire "l’aventure d’une vie", surtout vu mon jeune âge mais cela reste un condensé, en à peine quelques jours de tournage, de beaucoup d’émotions. Bien sûr (et il ne faut pas le négliger), il y a également l’aspect financier : je ne m’attendais pas à remporter une somme aussi importante si jeune. Mais avec le recul, c’est ce côté humain avant tout qui ressort pour moi : avec la production, avec les différents candidats et "maîtres de midi" avec lesquels des liens se sont tissés au fil des années et perdureront, j’en suis certain, bien au-delà du cadre de l’émission.

C’est difficile de dire que cela n’a pas modifié ma vie, ne serait-ce que par l’effervescence médiatique, les rencontres que j’ai pu faire et qui n’auraient jamais eu lieu, etc... Cela ne m’a pas changé moi en tout cas, du moins je l’espère.

 

Xavier Mercier ouf

Illustration : capture TF1.

 

Ça se passe comment concrètement (au moins à ton époque), les tournages des Douze Coups de midi ?

ça tourne !

Les émissions sont tournées dans les conditions du direct sous forme de sessions de plusieurs journées avec cinq émissions enregistrées par jour, quatre jours par semaine, trois semaines de suite. Un rythme très intense pour les candidats, en particulier les "maîtres de midi" enchaînant les émissions. De la fatigue physique, de rester debout toute la journée, mais également psychologique pour rester concentré sur le jeu. Un vrai marathon, où la notion d’endurance prend tout son sens, pour ceux qui ont enchaîné des dizaines, voire des centaines d’émissions.

Les équipes de production sont vraiment géniales et font tout pour chouchouter les candidats, les préparer à ce qui se passera en plateau pour ne pas être déstabilisé par ce tourbillon de caméras, de projecteurs, etc... L’ambiance en coulisses est vraiment géniale. Je conseille à tout le monde de s’inscrire, pour voir au moins une fois l’envers du décor. C’est intéressant également de voir comment est tournée une émission et les différences que l’on peut percevoir par rapport au même contenu, diffusé sur notre poste de télévision.

 

Qu’est-ce que cette expérience t’a appris, en bien et peut-être, en moins bien, du monde de la télé et de tous ses à-côtés ? Bosser à la télé un jour c’est quelque chose qui pourrait te tenter, ou pas tant que ça ?

le monde de la télé

Le monde de la télé est un monde à part, sans aucun doute : il faut savoir faire la part des choses entre les relations superficielles et celles plus profondes, et éviter les miroirs aux alouettes. C’est un milieu qui peut avoir ses côtés assez malsains, à broyer les gens qui y travaillent et à vouer aux gémonies très rapidement ce qui était adulé hier. Il faut savoir garder la tête sur les épaules.

Ce n’est pas forcément un milieu naturel pour moi et je n’aspire pas spécialement à travailler à la télé un jour. Mais il ne faut jamais dire jamais si des propositions intéressantes (je doute de crouler dessous 😄) se présentent un jour...

 

Jean-Luc Reichmann, ça restera sur la durée une des vraies belles rencontres de ta vie ?

Jean-Luc Reichmann

À titre personnel, ça reste jusqu’à maintenant une des vraies belles rencontres de ma vie, pour reprendre tes termes. Il a toujours été très prévenant avec moi, comme avec l’ensemble des "maîtres de midi" d’ailleurs. J’ai eu l’occasion de le côtoyer dans des milieux plus éloignés des plateaux TV, comme lors de ses pièces de théâtre.

 

Le mariage

Illustration : capture Twitter @JL_Reichmann

 

Que t’inspire le parcours de Bruno, éliminé il y a peu après être devenu, sans doute pour un moment, le plus grand des "maîtres de midi" ?

Bruno alias "Fifou Dingo"

Son palmarès parle de lui-même. Il a réalisé un parcours exceptionnel. Un immense respect d’avoir su tenir aussi longtemps, de s’être renouvelé pour perdurer plus de 200 émissions. Les records sont faits pour être battus mais ceux qu’il vient d’établir risquent de perdurer quelque temps...

J’ai eu l’occasion de le rencontrer lors des derniers Masters, il est très sympathique et a beaucoup de détachement sur tout son parcours. Bienvenue à lui dans cette grande famille des Douze Coups de midi où il s’intègrera très bien, sans aucun doute.

 

Tu as été un des rares champions en titre de jeux à décider de partir volontairement, en pleine "gloire", parce que tu t’apprêtais à démarrer un nouveau job, peut-être aussi parce que tu estimais avoir atteint un beau palier. Peux-tu nous raconter ce moment, avec un recul de huit ans et demi ? Tu y repenses parfois, à ce choix ? Jamais de regret ?

quitter la table

Effectivement, et on m’en parle encore très régulièrement, j’ai choisi d’arrêter l’émission à cause de contraintes professionnelles puisque je démarrais mon premier travail au même moment, et qu’il était plus que difficile de faire cohabiter les deux. Cela n’avait clairement pas pour but de s’arrêter en pleine gloire ou de partir en étant invaincu. C’était un choix très personnel mais c’est au final, une belle manière de boucler la boucle. Sans doute que d’autres personnes n’auraient pas fait le même choix mais je suis tout à fait en accord avec moi-même sur celui-ci. Et tant pis pour mon esprit de compétition (plutôt très affirmé) qui a dû ronger un peu son frein. 😄

Je n’ai pas spécialement de regrets : je venais de battre le record de participations de l’émission, j’aurai très bien pu perdre dès l’émission suivante. À l’époque, il était totalement inimaginable de faire ne serait-ce que 100 participations aux Douze Coups de midi (et je ne parle même pas des hauteurs stratosphériques désormais atteintes par Bruno, Éric ou Paul). Un jour, sans doute proche, je sortirai du top 10 des plus longs parcours aux Douze Coups de midi mais c’est le sens de l’histoire ! Alors oui, peut-être très factuellement, j’aurais pu prolonger mon parcours de quelques émissions et remporter quelques milliers (voire dizaines de milliers) d’euros supplémentaires mais je pense toujours avoir fait le bon choix. Je ne saurai jamais jusqu’où aurait pu aller mon parcours mais je vis très bien avec cette incertitude (rires).

 

On assiste à une vraie starification des champions de jeux télé, qu’on suit de plus en plus comme dans un feuilleton. Les règles du jeu favorisent parfois leur maintien (particulièrement dans Tout le monde veut prendre sa place, où le tenant du trône bénéficie de privilèges exorbitants : il n’entre dans l’arène que pour la dernière épreuve, choisit son thème et celui de son challenger et, cruauté suprême, peut même choisir, via les questions finales ou entre deux égalités, son challenger). Bref, champion télé, est-ce que ça n’est pas un peu devenu, bien qu’éphémère, une sorte de métier ?

des champions starifiés

Il y a en effet une mode ces dernières années, depuis la création de Tout le monde veut prendre sa place en 2006, d’avoir des jeux TV avec comme principe, un(e) champion(ne) récurrent(e) qui reste plusieurs jours, semaines ou mois. Même Questions pour un Champion s’est récemment plié à ce "diktat" du feuilletonage des jeux télévisés, avec un champion récurrent après avoir abrogé la sacro-sainte limite des cinq participations consécutives. Et comme tout (bon) feuilleton, cela fait mécaniquement augmenter les audiences avec les partisans de tels ou tel champion qui veulent suivre son parcours ou les téléspectateurs qui n’attendent que sa chute. Et par effet boule de neige, on "starifie" ces champions, qui par l’intermédiaire de la télévision, sont rentrés dans le quotidien des gens.

Je ne sais pas si champion TV est devenu un métier, on est loin des pays anglo-saxons dans ce domaine-là ; mais on voit effectivement très souvent les mêmes candidats dans les différents jeux télévisés toutes chaînes confondues. De là à en faire un métier, la marche est haute et le business plan risqué. 😄

 

Tu as participé à plusieurs reprises à des émissions qui font s’affronter des champions de jeux parfois très différents : Des chiffres et des lettres, Questions pour un champion, Tout le monde veut prendre sa place, N’oubliez pas les parolesSlam, Les Douze Coups de midi... Tu connais un peu les règles, les mécanismes de chacun de ces jeux. Lequel est, à ton avis, et en tout cas pour toi, le plus redoutable ?

revue de jeux

La plus redoutable, c’est très subjectif. La mécanique des Douze Coups me convient plutôt bien avec différents types de questions : QCM, listes, rapidité, etc... Mais l’avis est forcément subjectif car c’est clairement chez moi (ce plateau, et tout) : cette émission a une place toute particulière dans mon cœur, donc dans un sens c’est très irrationnel. J’aime également énormément la mécanique de Questions pour un Champion, quasi inchangée depuis la création du jeu. Ça reste le graal en termes de jeu TV de culture générale et ses manches sont devenues "mythiques", en quelque sorte.

Tout le monde veut prendre sa place avait vraiment révolutionné les jeux TV en France à son arrivée, avec un format novateur. À voir avec Laurence Boccolini, mais je trouvais que ces dernières années le jeu était devenu une caricature de lui-même, avec une prépondérance énorme de questions cinéma et musique, quel que soit le thème de l’émission du jour.

Étant archi nul en anagramme (mais grand amateur de Scrabble, on n’arrête pas les paradoxes), j’aurais beaucoup plus de mal avec Des chiffres et des lettres par exemple, où les candidats sont pour moi de véritables extra-terrestres. Concernant N’oubliez pas les paroles, c’est un jeu différent puisqu’on sort du spectre des jeux de lettres et de culture générale. Je suis très impressionné par l’investissement et les résultats des candidats. Un exercice de mémorisation assez époustouflant pour retenir au mot près des centaines de chansons...

 

Parmi tes thèmes de prédilection, il y a le sport. Quels sont les athlètes, actuels et passés, les perf individuelles et collectives, que tu admires par-dessus tout ?

about sports

J’aime le côté romantique du sport, de la performance. Le panache. L’histoire du petit poucet qui renverse des montagnes. Des destins qui transcendent le côté sportif uniquement. J’ai d’ailleurs un peu parfois la même approche des jeux TV, j’aime les belles histoires et le panache au-delà du résultat brut.

J’ai donc une tendresse pour les "perdants" magnifiques, pour toutes ces grandes équipes maudites en football qui ont toujours buté sur la dernière marche et n’ont jamais été championnes du monde mais ont tout de même marqué leur époque et révolutionné ce sport comme la Hongrie de Ferenc Puskas en 1954, ou les Pays-Bas de Johan Cruyff en 1974.

Je pense d’ailleurs que je mettrais Johan Cruyff parmi les athlètes que j’admire le plus, le chantre du "football total" devenu un entraîneur à succès qui a marqué dans les deux rôles l’histoire du jeu. En dehors du football, je pense naturellement à Ayrton Senna, le talent à l’état brut fauché en pleine gloire. C’est une icône bien au-delà de son sport !

 

Xavier Grand Canyon

Au Grand Canyon. Photo personnelle confiée par X. Mercier.

 

Je prolonge un peu cette question. Si tu devais établir un panthéon perso des personnalités ou des personnes, connues ou pas, d’hier ou d’aujourd’hui, qui t’inspirent pour leurs actions ou pour leur être, qui y placerais-tu ?

panthéon personnel

C’est d’actualité (avec les 40 ans de l’abolition de la peine de mort en France), mais je pense que j’y placerais Robert Badinter, une figure morale forte de l’époque contemporaine et un homme de conviction. Une classe folle ! Il a une vie digne d’un roman et totalement captivante. Il s’est battu pour des causes que j’estime justes, contre vents et marées. C’est un peu l’incarnation des valeurs de la République française au sens large.

Je pourrais y ajouter des figures scientifiques majeures qui ont fait progresser notre connaissance et notre compréhension du monde qui nous entoure, comme Johannes Kepler ou Nikola Tesla.

Dans un autre registre, j’ai une énorme tendresse pour Winston Churchill et sa personnalité pleine d’excès et de contradictions, qui a eu une vie passionnante et un rôle clé dans un des moments les plus noirs de notre histoire.

 

Il y a aussi, dans tes spécialités, la géographie. Forcément, ça nous invite au voyage. Quels sont, jusqu’à présent, les coins et les lieux qui t’ont le plus fasciné, et ceux que tu rêves toujours d’aller voir ?

voyage, voyage

Les voyages sont une de mes plus grandes passions, et j’ai pu très largement en profiter ces dernières années avec ma compagne. Dur de faire des choix, j’ai eu cette (réelle) chance de voir de nombreux lieux magnifiques aux quatre coins du monde : les pyramides mayas du Yucatan, les merveilles naturelles du Sud-Ouest des États-Unis, la richesse des temples thaïlandais, etc... Depuis très petit, j’ai été fasciné par la cité de Pétra, "perdue" au milieu du désert, uniquement accessible par un étroit corridor dans la roche. J’ai eu la chance de la visiter et d’être émerveillé comme beaucoup par la découverte, au détour d’un virage, de telles merveilles gravées dans la roche. La réalité était clairement à la hauteur de mes attentes et j’espère bien avoir la chance d’y retourner un jour.

J’ai également été frappé par le Taj Mahal, si souvent vu en photos et qui, pourtant, en vrai conserve ce côté spectaculaire qui scotche le visiteur au premier regard. J’ai d’ailleurs adoré au cours de ce séjour en Inde l’ensemble des monuments moghols et leur architecture raffinée, symbiose de plusieurs cultures avec des dômes splendides et des ornements subtils.

Je suis également obligé de citer l’Île de Paques et ses mythiques moaï qui tiennent toutes leurs promesses sur ce petit confetti au milieu de l’océan Pacifique. D’autant que la visite de cet endroit a un côté unique, le temps est suspendu comme dirait Lamartine puisque, même s’il ne faut jamais dire jamais, c’est souvent un endroit où l’on n’a pas la chance de retourner dans sa vie.

Et pour finir la Patagonie, territoire méconnu que nous avons eu la chance de parcourir, avec ses glaciers splendides à portée de main comme le Perito Moreno, et d’oreille même puisque les craquements sont impressionnants ; ses vastes étendues sauvages et ses sommets enneigés, que ce soit côté argentin (le Fitz Roy par exemple) ou côté chilien (avec le parc des Torres del Paine).

Bref je pourrais parler voyages et découvertes durant des heures 🙂. Il me reste encore beaucoup de choses à découvrir. De manière anecdotique, j’aimerai bien boucler avec ma compagne le tour des "7 nouvelles merveilles du monde" avec la visite des deux qui manquent à "notre palmarès" : la Grande Muraille de Chine et le Christ Rédempteur de Rio de Janeiro. Et (j’aime décidément bien boucler des boucles) également visiter l’Ouzbékistan, avec ses magnifiques villes comme Samarcande, Boukhara ou Khiva qui évoquent les étapes de la mythique route de la Soie. Cela devait être notre voyage de noces avant que la pandémie vienne mettre notre vie à tous entre parenthèses.

 

El Perito Moreno 

El Perito Moreno. Photo personnelle confiée par X. Mercier.

 

Torres del Paine

Torres del Paine - Los Cuernos del Paine. Photo personnelle confiée par X. Mercier.

 

Voyage toujours, la minute fantaisiste de l’interview : si tu pouvais visiter une autre époque, où et quand ?

 

un séjour dans le temps ?

Les Grandes Découvertes, clairement ! Au Portugal ou en Espagne. Avec tous ces hommes comme Magellan ou Vasco de Gama qui partaient vers des territoires inconnus. Je pense que je serais un peu déçu par la réalité des choses, bien plus difficile que l’image romantique que j’en ai.

Ou alors, toujours en Espagne durant les grandes heures d’Al-Andalus, au carrefour de plusieurs religions et civilisations.

 

Petite question un peu taquine alors que se profile une élection présidentielle qui risque fort de ne pas se jouer sur des débats d’idée de haute tenue : penses-tu, toi qui travailles dans le secteur de l’énergie, que les questions énergétiques n’ont pas dans le débat public la place que peut-être, elles mériteraient ?

questions d’énergie(s)

Vaste sujet que les questions énergétiques et leur place dans le débat public. J’ai l’impression d’entendre assez régulièrement les mêmes questions (en particulier sur la transition énergétique) apparaître dans les débats mais elles sont souvent assez peu fouillées et tournent au débat assez caricatural ou démagogique. Il est important de construire une trajectoire sur la transition énergétique concrète et plausible sur le terrain. Le développement des énergies renouvelables est un enjeu actuel et des décennies à venir ; la place du nucléaire également puisque sa suppression à court terme est littéralement impossible. Je pense que ces thématiques auront une place importante dans la prochaine campagne présidentielle en espérant qu’on ne les prenne pas par le petit bout de la lorgnette.

 

On espère sortir, petit à petit, de cette pandémie de Covid-19 qui nous aura fait vivre, aux uns et aux autres, des choses qu’on n’aurait pas pensé connaître un jour. Comment l’as-tu vécue à titre personnel ? Dans ce flot de malheur, cette crise sanitaire aura-t-elle eu aussi, des vertus ?

crise sanitaire

Plus ou moins bien, comme tout un chacun j’imagine. J’ai eu la chance de ne pas être touché de près ou de loin par la maladie, ou par les conséquences économiques de cette pandémie, ce qui reste une réelle chance par rapport à beaucoup de Français. Ces mois n’ont pas été les plus épanouissants de ma vie. Enfin, quand même ! j’ai eu la chance de me marier avec la femme que j’aime et d’organiser le mariage auquel nous aspirions, malgré les contraintes liées à la crise sanitaire.

Les confinements, en particulier le premier, étaient quelque chose de totalement inédits et inattendus. Pour quelqu’un de ma génération, je ne pensais jamais expérimenter concrètement la notion de couvre-feu par exemple. Cela a été également la source de nombreux bouleversements professionnels en termes d’organisation et de modes de travail. Sans doute sur ce sujet, un accélérateur de transformations qui auraient mis sinon de nombreuses années à se diffuser dans la société.

J’espère que cette crise sanitaire aura permis aux gens de se recentrer sur leurs priorités et d’accorder plus d’importance à la solidarité, ainsi qu’à la chance que nous avons de vivre au quotidien. J’espère également qu’on en tirera une vraie évolution sur les priorités en matière d’investissements publics (j’avoue être assez utopique parfois) !

 

Quelles sont tes recettes pour nourrir tes curiosités, alimenter ta culture ? Beaucoup de lecture j’imagine ?

alimenter sa culture

Beaucoup de lecture, oui et non. Par période, je lisais beaucoup plus en étant plus jeune, que ce soient des romans (je conseille d’ailleurs à tout le monde la lecture d’Alamut de Vladimir Bartol, et de L’Ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon), des biographies ou des ouvrages de types divers et variés. J’ai une impressionnante pile de livres en attente de temps (et d’envie parfois) pour les lire, je papillonne aussi beaucoup entre différents ouvrages.

Alamut

Je n’ai clairement pas de méthode toute faite pour alimenter ma culture et ne suis pas la personne la mieux organisée sur ce point. Je ne suis pas un bon exemple. 😄 Je suis curieux de pas mal de sujets et fais énormément de quiz (sur internet, avec des amis, dans des bars) ce qui permet d’entretenir cette culture générale. L’effet pervers de tout ça, c’est qu’on retient beaucoup mieux ce qui nous intéresse, et donc qu’on renforce ses points forts sans combler ses points faibles.

 

Des conseils pour quelqu’un qui rêverait, comme un challenge, de devenir "maître de midi" ?

devenir "maître de midi"

Je ne sais déjà pas pourquoi j’ai été pris aux sélections, alors de là à avoir une recette pour devenir "maître de midi" 😄. Blague à part, je pense que venir en pensant gagner est une bonne stratégie pour être sûr de perdre. Les questions sont sur des thématiques très variées, portant parfois sur des faits généralistes très connus mais aussi sur des informations très anecdotiques. Dur de se préparer au mieux sur ce plan-là : une culture générale variée est bien sûr un plus. Je pense que le petit plus qui peut faire la différence réside plus dans le "psychologique" que dans les connaissances pures : être détendu, ne pas stresser outre mesure, etc... L’essentiel reste de s’amuser, de passer un bon moment et d’en profiter pleinement. 🙂

 

Tes projets et surtout, tes envies pour la suite ?

​Reprendre mon bâton de pèlerin et reprendre la route des voyages. Mais aussi profiter de mes proches et ne pas laisser filer ce temps qui passe trop vite 🙂.

Point de vue jeux TV, pas beaucoup de projets en attente. J’ai eu la chance de faire récemment Questions pour un Super Champion même si l’aventure n’est pas forcément conclue comme je l’espérais. Si j’ai une nouvelle chance dans un futur proche ou lointain, j’essaierais de faire mieux !

 

Un message à adresser à quelqu’un à l’occasion de cette interview ?

Pas forcément à une personne en particulier mais plutôt à toutes les personnes qui ont cru en moi, qui m’ont permis d’arriver là où je suis aujourd’hui. À mes parents qui m’ont donné le goût de la connaissance et de la curiosité, à ma femme qui me supporte au quotidien (et ce n’est pas un vain mot), à mes amis bien sûr, etc... On est riches des rencontres que l’on peut faire au cours d’une vie qu’elles soient familiales, affectives ou amicales et il faut prendre soin de toutes ces relations.

 

Un dernier mot ?

Merci de m’avoir laissé l’occasion de m’exprimer sur ces sujets divers et variés. Je pense que cela transparaît un peu au travers de mes propos, mais je suis quelqu’un qui s’exprime peu et préfère l’ombre à la lumière des projecteurs. En espérant que ces quelques pages plaisent à tes lecteurs.

 

Et à tes fans ! Merci...

 

Xavier Mercier

Photo personnelle confiée par X. Mercier.

 

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13 novembre 2021

François-Henri Désérable : « Ce roman m'a permis de faire passer mes poèmes en contrebande »

Mon premier article avec François-Henri Désérable date de juillet 2013 : je l’avais contacté immédiatement après l’avoir découvert dans On n’est pas couché, il présentait alors sa première oeuvre, Tu montreras ma tête au peuple (Gallimard), remarquable recueil de nouvelles ayant pour cadre la Révolution, époque Terreur. L’échange fut tout de suite agréable, on réalisa l’interview dans la foulée. Et j’ai plaisir, depuis huit ans, à suivre dans mon coin, le parcours de cet auteur dont le talent est de plus en plus reconnu. En 2013, il fut pour l’ouvrage cité plus haut lauréat du prix Amic de l’Académie française. En cette année 2021, il vient de recevoir le Grand Prix du Roman de cette même Académie française, ce qui on peut en convenir, n’est quand même pas mal !

Dans Mon maître et mon vainqueur (Gallimard), il aborde avec beaucoup de sensibilité, et de bonnes doses d’un humour qui le caractérise (aussi), la passion et ces raisons du cœur qui parfois, s’opposent frontalement à la raison elle-même. Je le remercie chaleureusement d’avoir accepté de m’accorder cette interview, et pour les confidences qu’il a bien voulu me faire. Je ne peux que vous recommander, comme tant d’autres l’ont fait avant moi, de vous emparer de ce roman qui vous touchera, et des autres ouvrages signés François-Henri Désérable ! Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

François-Henri Désérable : « Ce roman

ma permis de faire passer mes poèmes en contrebande »

Mon maître et mon vainqueur

Mon maître et mon vainqueur (Gallimard, août 2021). Crédit photo : éditeur.

 

Tina est comédienne, elle est belle, désirable, aimée de deux hommes, son officiel, Edgar, père de ses enfants, et Vasco, son amant qui prend de plus en plus de place dans son cœur et dans sa vie. Et de manières différentes, les trois vont morfler...

François-Henri Désérable bonjour, et merci d’avoir accepté de m’accorder cette nouvelle interview. Ma première question, celle qui vient immédiatement à l’esprit quand on referme Mon maître et mon vainqueur (Gallimard), celle à laquelle, sans doute, tu ne répondras pas : dans quelle mesure le narrateur du récit, qui a des liens forts avec Venise, est-il toi, et dans quelle mesure mets-tu de ton vécu dans ce que lui vit et raconte ?

On sait très peu de choses du narrateur, il se livre assez peu, sauf sur son mariage à Venise – et ce mariage, c’est le mien. Je me suis marié à une fille formidable, et puis les circonstances de la vie ont fait que ce mariage n’a pas tenu. Ce narrateur, c’est bien moi. Mais il y a de moi dans chacun de mes personnages  : l’amour de Tina pour Verlaine et Rimbaud, c’est le mien  ; la mélancolie de Vasco qui va jusqu’à vouloir se tuer par amour pour Tina, c’est la mienne  ; et souvent, quand je me moque d’Edgar, le futur mari de Tina, c’est en réalité moi-même que je raille à travers lui. Ces personnages, je les aime jusque dans leur travers, et si j’ai pour eux de la compassion, c’est sans doute par complaisance envers moi-même.

 

Tient-on là ton roman le plus personnel ? Peut-être celui qui aura été le plus compliqué à écrire ?

Le plus personnel, c’est certain. Du moins pour ce qui touche aux poèmes, la plupart écrits parce que je me trouvais dans l’impossibilité d’écrire quoi que ce soit d’autre, à la fin d’un amour dont c’est peu dire qu’il fut passionnel. Mon intention était d’ailleurs de publier un recueil de poèmes… Mais si écrire de la poésie, c’est se mettre à nu, écrire des poèmes d’amour, c’est carrément sortir à poil dans la rue. Alors j’ai pris quelques-uns de ces poèmes, et je les ai enrobés de fiction – meilleur moyen de faire passer de la poésie en contrebande. Ce roman n’aura pas été le plus compliqué à écrire (le plus compliqué reste Un certain M. Piekielny, où j’ai connu de vraies périodes de découragement), mais il est celui pour lequel j’ai le plus ressenti l’impérieuse nécessité à écrire, sans laquelle on ne devrait jamais se lancer.

 

Un certain M

 

Sans surprise, la littérature est très présente dans le roman : le juge avec lequel se trouve le narrateur essaie de déchiffrer les haïkus de Vasco, qui bosse à la BnF, Tina aime lire et déclamer de la poésie, le tout sous le haut-patronage de Verlaine, de Rimbaud et de Voltaire qui, au vu des circonstances, s’en seraient peut-être bien passés. "La littérature, c’est la vie", comme aurait pu dire, peut-être, Jeanne Moreau ?

C’est la mienne en tout cas. J’ai pris conscience assez tôt que c’était là ma terre d’élection, mon terrain de jeu. Lire, écrire… Voilà comment depuis mes dix-huit ans j’emplis le cours de mon existence. Ça ne veut pas dire que je me retranche de la vie pour vivre pleinement dans les livres, non, ça veut dire que tout ce que je vis, tout ce que j’éprouve n’a qu’une seule vocation  : nourrir mon imaginaire et, in fine, mes livres.

 

À un moment de ton histoire, un des protagonistes entreprend de dérober, aidé du narrateur, une relique de philosophe, je n’en dis pas plus, pour épater celle qu’il aime. Quel serait-il, le Graal sur lequel toi, tu aimerais poser la main (et bim dans le sac) pour l’offrir à ta Tina à toi ?

Ma Tina à moi a dérobé pour me l’offrir – et c’est peut-être le plus beau cadeau que j’ai jamais reçu – un billet d’amour écrit par un grand écrivain suisse né en Céphalonie (je n’en dis pas plus, je ne voudrais pas lui causer de tort). Pour me montrer à la hauteur, il faudrait peut-être que je songe à dérober une relique de Prévert (son béret ?), pour qui elle a beaucoup d’admiration.

 

Si toi, tu devais commettre un crime passionnel, quelle serait ton arme ? On pense à la crosse de hockey, mais ce serait trop évident non ? ;-) Surtout, forcément, si tu l’écris dans cette interview...

Un Lefaucheux à six coups de calibre sept millimètres – le même que celui avec lequel Verlaine a tiré sur Rimbaud en 1873 à Bruxelles.

 

Je ressors, rien que pour toi, ma vieille machine à remonter le temps, celle avec laquelle, déjà en 2013, tu avais choisi de voyager dans le Paris du 14 juillet 1789. Là, tu as le droit d’aller où et quand tu veux, et même d’aller rencontrer un écrivain, ou quelqu’un, n’importe qui, et de poser à cette personne une question, ou de lui donner un conseil. Quel sera ton choix ?

J’irais voir Romain Gary le matin du 2 décembre 1980, et je lui dirais quel immense écrivain il est. Alors, peut-être…

 

Si tu avais dû, pu vivre dans une autre époque que la nôtre, plutôt le XIXe ?

Ma réponse varie en fonction de mes obsessions du moment. Là, je dirais à Montmartre, au début du XXè siècle… Traîner au Bateau-Lavoir, boire des coups avec Apollinaire et Picasso, être contemporain de la naissance de l’art moderne…

 

Dans Mon maître et mon vainqueur, au cours de tes multiples digressions, et non sans humour (les unes et l’autre n’abîmant pas ton charme), il y a une pointe d’ironie sur le fait que, finalement, être publié dans d’autres pays, traduit dans d’autres langues contribue aussi à accroître, par millions, le nombre de lecteurs qui ne liront pas un livre. Cette lecture cynique, c’est aussi un peu la tienne ou non ça va, tu es plutôt content à ce niveau-là ?

Je suis très heureux d’être traduit, vraiment. Mais c’est comme avec les chiffres de vente ou les prix littéraires  : on ne peut pas en tirer une quelconque vanité. Le succès d’un livre n’est pas gage de sa qualité. Il y a d’excellents romans qui se vendent à moins de cinq cents exemplaires, et d’autres, totalement ineptes, qui s’écoulent à des millions d’exemplaires et sont traduits dans le monde entier.

 

Et le Grand Prix du Roman de l’Académie française, que tu viens de recevoir pour Mon maître et mon vainqueur, comment le prends-tu ?

Cela m’a fait évidemment très plaisir, et pour plusieurs raisons. D’abord, des lecteurs qui n’auraient jamais lu mon livre vont le découvrir grâce au bandeau rouge qui le ceint désormais. Ensuite, si le palmarès du Grand prix du roman est loin d’être irréprochable (mais y a-t-il seulement un palmarès qui le soit  ?), y figurent plusieurs écrivains que j’admire – je songe entre autres à Modiano, à Littell, à Michon… Et puis j’ai commencé à écrire à dix-huit ans après avoir lu Belle du Seigneur, qui est un monument, qui est sans doute le grand roman de la passion amoureuse, et qui fut couronné du même prix en 1968. Alors me retrouver près d’un demi-siècle plus tard sous la Coupole, avec la même distinction pour un roman qui traite du même sujet, comment dire… c’est à la fois terriblement émouvant et follement intimidant.

 

Belle du Seigneur

 

Comment as-tu vécu, personnellement, cette crise du Covid qui quand même, nous embête bien depuis un an et demi ? A-t-elle fait bourgeonner en toi des remises en question ?

Les débuts du Covid, le premier confinement, etc… Il y avait un effet de sidération planétaire. Il fallait prendre des mesures fortes pour endiguer l’épidémie, rien à dire là-dessus. Mais je suis fasciné par la docilité avec laquelle la plupart des gens se sont par la suite accommodés des restrictions les plus drastiques à leurs libertés les plus élémentaires. Qu’on nous oblige encore à porter le masque quand on est vacciné me semble une absurdité. Et néanmoins nous y consentons sans trop protester  : nous sommes tous plus ou moins les valets serviles d’une idéologie liberticide qui sous prétexte de prolonger la vie en diminue l’intensité.

 

Quelle serait ta technique pour attirer un jeune ado, qui en serait éloigné, vers la littérature ?

Lui mettre entre les mains des romans dont la lecture m’a enchanté quand j’avais son âge : La Promesse de l’aube, La Vie devant soi, Le Parfum, Le Comte de Monte-Cristo, Le Crime de l’Orient-Express

 

La promesse de l'aube

 

Tes conseils pour quelqu’un, jeune ou moins jeune d’ailleurs, qui aurait envie, peut-être après t’avoir lu, d’écrire à son tour, et pourquoi pas, soyons fous, de chercher à être publié ?

Sommerset Maughan avait une formule que je pourrais faire mienne  : «  Il y a trois règles à suivre impérativement pour écrire un roman… Malheureusement, personne ne les connaît  ». Mais je dirais lire, lire beaucoup, tout le temps, pas seulement des classiques, mais aussi de la littérature contemporaine… Quant à être publié, il suffit d’envoyer son manuscrit par la Poste. Je ne crois pas au bon manuscrit qui passerait totalement entre les mailles du filet.

 

Tes coups de cœur littérature récents ?
 
Je pourrais en citer plusieurs, je vais en citer quatre  : le remarquable, l’incandescent Feu de mon amie Maria Pourchet (voilà plusieurs années que je ne cesse de répéter qu’il faut lire Maria Pourchet – notamment Champion, lisez Champion  : l’histoire d’un gamin de quinze ans, adolescent subversif et railleur qui raconte sa vie à sa psychiatre, sur des cahiers à carreaux. C’est drôle, émouvant, mélancolique, intelligent, drôle – je l’ai déjà dit, mais vraiment, c’est très drôle, aussi drôle que La vie devant soi de vous savez qui). J’ai aussi beaucoup aimé La plus secrète mémoire des hommes, de Mohamed Mbougar Sarr, roman ambitieux, érudit, porté par une langue inventive et lyrique – en voilà un qui n’a pas volé son Goncourt  ! Mais encore Sur les toits, de Frédéric Verger, dont j’envie l’imaginaire et les métaphores. Et enfin Le Voyant d’Étampes, d’Abel Quentin, peut-être le meilleur satiriste de notre époque, qui signe un grand roman désopilant sur (désolé pour les anglicismes) le wokisme, la cancel culture et les shitstorms à l’ère des réseaux sociaux – je l’ai terminé stupéfait, en me disant putain, quel talent  !

 

Champion

 

Si tu étais libraire, et que tu devais t’extirper un peu de François-Henri pour être objectif, qu’écrirais-tu sur un post-it pour présenter de façon désirable, Mon maître et mon vainqueur ?

Je ne sais pas ce que j’écrirais, mais j’aimerais qu’on dise de ce livre qu’il «  se glisse dans les interstices de la vie, dans ses gouffres, ses cruautés, ses étrangetés, ses supplices et ses beautés  ».

 

Tes projets et surtout, tes envies pour la suite ?

L’écriture avec Maria Pourchet d’un scénario autour de Romain Gary, et celle d’un récit de voyage en Amérique du Sud, sur les traces de Che Guevara.

 

Un dernier mot ?

Hasta siempre !

 

FH Désérable

Crédit photo : Claire Désérable.

 

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9 novembre 2021

Hélène de Lauzun : « Pour bien des Autrichiens, le traumatisme de 1918 n'a jamais été surmonté »

Quand on ne connaît que de loin l’histoire de l’Europe, on perçoit l’Autriche avant tout comme un petit pays prospère et pittoresque d’Europe centrale : on pense à des paysages comme le Tyrol, à des folklores, aux fameuses valses de Vienne. En fait, l’Autriche fut, du quinzième siècle jusqu’à 1918, une puissance majeure, centrale en Europe : elle a incarné pendant des siècles l’Allemagne, empire alors décousu mais dominé par les Habsbourg catholiques, avant d’en être chassés par une puissance plus cohérente, plus entreprenante aussi, la Prusse protestante qui allait elle, fonder un État allemand fort, au détriment d’une bonne partie de l’Europe. Une histoire partagée où se mêlent le romanesque et le tragique.

J’ai la joie de vous proposer aujourd’hui cette interview avec Hélène de Lauzun, historienne et auteure d’une passionnante Histoire de l’Autriche (Perrin, mars 2021), que je vous recommande. Je la remercie pour sa bienveillance face à ma démarche, et espère que cet article vous donnera envie d’approfondir ces questions. Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Hélène de Lauzun: « Pour bien

des Autrichiens, le traumatisme de 1918

n’a jamais été complètement surmonté »

Histoire de l'Autriche

Histoire de l’Autriche, par Hélène de Lauzun (Perrin, mars 2021)

 

Quelle est votre histoire personnelle avec l’Autriche, et pourquoi en avoir fait votre spécialité d’étude?

ich liebe dich Österreich!

Mes lecteurs me demandent souvent si j’ai un lien familial avec l’Autriche, des ancêtres autrichiens… Absolument pas  ! En revanche, j’ai eu la chance immense de pouvoir découvrir l’Autriche pour la première fois quand j’avais quatre ans, grâce à mes parents, avec qui j’ai sillonné toute l’Europe durant mon enfance. J’y suis retournée ensuite un certain nombre de fois, pour l’Autriche elle-même ou au détour de voyages en Suisse, en Pologne, ou encore en Allemagne. Ces voyages m’ont donné l’amour de cette extraordinaire civilisation de l’Europe centrale, dont l’Autriche est le pivot  : un savant mélange d’influences latines, slaves et germaniques, une immense richesse culturelle. Tout cela n’était malheureusement qu’effleuré pendant les cours d’allemand, qui s’évertuaient à nous assommer à coups de problématiques sur la pollution et l’activisme néo-nazi... Heureusement, j’ai eu aussi pendant deux ans un professeur d’allemand qui était d’origine tchèque  et jouait du violon  ! Cette dame adorable était une fenêtre ouverte sur cet univers qui me fascinait. Étant passionnée de musique et de danse, je rencontrai également en permanence l’Autriche sur mon chemin. J’ai passé ainsi un mois magique à Baden-bei-Wien, juste après le Bac, à goûter les délices de l’opérette et des Heuriger (bars à vins). J’en garde un souvenir extraordinaire. À la Sorbonne, deux cours sur les quatre que je suivais en licence étaient consacrés à l’Autriche et à l’espace danubien. J’ai hésité à un moment à me consacrer à mon autre passion, la Russie, à laquelle j’ai consacré mon mémoire de maîtrise, avant de revenir à mes premières amours pour la thèse.

 

Qu’y avait-il de rationnel, et au contraire d’irrationnel dans la vieille rivalité multiséculaire entre l’Autriche et la France?

Autriche/France : je t’aime, moi non plus

Cette rivalité multiséculaire n’a rien d’irrationnel, elle s’explique très facilement  ! La France et l’Autriche ont tenté pendant des siècles, si l’on peut dire, d’occuper «  le même créneau  »  : celui d’une monarchie catholique puissante à vocation universelle. La lutte pour l’héritage bourguignon, le combat de François Ier contre Charles Quint se poursuivent ensuite dans la rivalité qui oppose Louis XIV à Léopold Ier. La révocation de l’édit de Nantes en 1685 vient répondre à la victoire de la monarchie habsbourgeois contre les Turcs en 1683. L’Italie, puis l’Espagne sont les terrains où les deux dynasties se croisent, s’unissent, mais aussi se disputent en permanence.

En revanche, on peut peut-être parler d’irrationnel dans le monde post-révolutionnaire, alors que la rivalité entre la Maison de France et la Maison d’Autriche n’a plus lieu d’être. Il y a des blocages, des atavismes, des aveuglements idéologiques. La France ne comprend pas la carte qu’elle a à jouer à entretenir de bonnes relations avec l’Autriche, contre l’émergence d’une Prusse qui ne veut faire de cadeaux ni à l’une, ni à l’autre. C’est vrai à l’époque de Napoléon III, sous la IIIe République avant 1914, mais aussi dans l’entre-deux guerres dans les relations que la France entretient avec la fragile Première République autrichienne. Le manque de lucidité de notre pays est malheureusement lourd de conséquences pour la France comme pour l’Europe.

 

J’allais y venir : auraient-elles à votre avis été des alliées naturelles, notamment à partir du dernier tiers du XIXème siècle, face à l’émergence de la nouvelle Allemagne dominée par la Prusse? Voyez-vous dans ce non-rapprochement, une erreur historique?

face à Berlin, une erreur historique ?

J’ai répondu en partie avec la question précédente : à mon sens, oui, il s’agit bien d’une authentique erreur historique. L’incompréhension qui domine en France devant l’épisode de Sadowa, marquant la victoire des Prussiens sur les Autrichiens, est gravissime. La naïveté de Napoléon III devant le processus bismarckien d’unification de l’Allemagne est assez confondante. De fait, la France paie douloureusement au moment de la guerre de 1870 son incapacité à avoir renoué des liens solides avec l’Autriche. Les occasions manquées ont été légion.

 

À partir de quel point de la Première Guerre Mondiale, l’effondrement du vieil attelage habsbourgeois a-t-il été inéluctable?

Finis Austriae

Cette question n’est toujours pas tranchée et il est difficile d’y répondre en quelques lignes. Selon moi, il n’était pas écrit dans les astres que la monarchie habsbourgeoise devait s’effondrer. Son modèle multinational était peut-être trop en avance sur son temps… Ce qui est certain c’est que la guerre a constitué un formidable accélérateur des tensions déjà bien présentes avant le conflit. L’empereur Charles l’a bien compris, et c’est pour cette raison qu’il entame ses pourparlers de paix au printemps 1917. A partir du moment où ceux-ci échouent, le cours des événements devient très difficile à inverser. Je dirais que l’affaire Czernin* au printemps 1918 constitue définitivement un point de non-retour  : à cette occasion, Charles apparaît aux yeux de l’Europe, aux yeux des Allemands, aux yeux des Alliés, comme un homme faible sur lequel on ne peut plus miser. Le fameux adage de Tocqueville, à savoir que «  le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se réformer  », se prête par la suite particulièrement bien à la situation de la double monarchie. Les réformes que choisit de mener l’empereur Charles sont positives en soi, mais elles viennent au pire moment et accélèrent de ce fait la chute.

* L’affaire Czernin est la révélation au printemps 1918 aux yeux du grand public, à la faveur d’une escalade de provocations diplomatiques entre le ministre des Affaires étrangères autrichien, Czernin, et Clemenceau, des négociations secrètes effectuées par l’empereur Charles pour faire la paix avec la France.

 

Quelle responsabilité imputer à la passivité des Français, et surtout des Britanniques, quant au choix mussolinien de s’allier à Hitler, et aux sorts qu’allaient subir, de leur déstabilisation à leur anéantissement, l’Autriche et la Tchécoslovaquie?

avant l’Anschluss, occasions manquées

La passivité des Français et des Britanniques s’explique sans trop de difficultés. Quant à savoir si elle se pardonne, c’est un autre débat  !

Les Français et les Britanniques dans l’entre-deux guerres sont empêtrés dans le mythe de la sécurité collective, la solution qu’ils ont échafaudée pour ne revivre à aucun prix le traumatisme de la Première Guerre mondiale. Tétanisées par ce souvenir, les classes politiques de ces deux pays, dans leur immense majorité, n’arrivent pas à faire preuve d’adaptation et de réalisme politique à l’égard des nouveaux défis des temps. Quand la France et le Royaume-Uni choisissent d’appliquer une politique de sanctions à l’égard de l’Italie dans l’affaire éthiopienne, ils se drapent dans une dignité diplomatique séduisante sur le papier, mais ne mesurent absolument pas les effets pervers d’une telle décision  : rejeté par les puissances démocratiques, Mussolini n’a dès lors pas d’autre choix géopolitique que de se rapprocher d’Hitler. Pourtant, l’épisode du coup d’État manqué contre l’Autriche et l’assassinat de Dollfuss, le chancelier autrichien, à l’été 1934, aurait dû les alerter  : à l’époque, l’indépendance de l’Autriche avait tenu grâce à l’envoi de troupes italiennes à la frontière, comme un signal adressé par Mussolini à Hitler sur les limites à ne pas franchir.

 

Les Autrichiens ont-ils toujours du mal à regarder en face cette histoire du Troisième Reich, auquel ils ont été incorporés de force, mais dont ils ont été partie intégrante? Les faits sont-ils bien établis, les disputes apaisées de nos jours?

les fantômes du nazisme

Les années ont beau passer, les blessures sont toujours là. Au sujet de sa responsabilité dans les crimes du IIIe Reich, l’Autriche avance en eaux troubles. Elle est le premier pays à avoir perdu son indépendance devant l’expansionnisme hitlérien… mais nombre d’Autrichiens ont activement collaboré au régime. Hitler lui-même était Autrichien de naissance… mais avait renié sa patrie d’origine de toutes ses forces, jusqu’à devenir apatride. Malgré des épisodes de repentance, le dilemme sur la responsabilité de l’Autriche reste entier et est inévitable. Le rapport des Autrichiens à leur histoire reste complexe. Un ami autrichien m’expliquait récemment que la période de l’entre-deux guerres, la Première République, restait par exemple encore très mal étudiée et peu connue. Ceci dit, quand je parle histoire avec des Autrichiens, il ressort souvent que le principal traumatisme reste 1918 et la fin de l’Empire, plus que la Seconde Guerre mondiale. Ce traumatisme initial, à bien des égards, n’a jamais été complètement surmonté.

 

Que reste-t-il aujourd’hui du passé impérial au sein de l’ex-ensemble Habsbourg? Les Autrichiens, les Hongrois et les Tchèques ont-ils encore le sentiment diffus de partager un héritage commun?

un héritage commun pour l’ex espace impérial?

Quand vous sillonnez les pays de l’ancienne monarchie, vous ne pouvez être que saisis par l’extraordinaire cohérence d’ensemble qui s’en dégage, malgré des particularismes très puissants. Sur le plan patrimonial, c’est manifeste  : l’Europe centrale unifiée par le baroque est une réalité. Les histoires sont totalement imbriquées, et l’empire affleure à chaque pas. Cette histoire commune n’empêche pas que les pays issus de l’ensemble habsbourgeois soient individuellement très jaloux de leur identité propre et de leurs spécificités, qu’ils entendent défendre bec et ongles… comme on peut le constater au vu des derniers débats qui agitent l’Union européenne.

Il est difficile de parler d’une nostalgie de l’empire, unanimement partagée, sur le plan politique. Mais le sentiment confus d’un âge d’or perdu, ou encore une nostalgie habsbourgeoise, oui. Prenez par exemple la Hongrie  : elle sait très bien employer les membres de la famille Habsbourg dans son corps diplomatique  ! Dans une certaine mesure, le groupe de Visegrad** peut être également compris comme un avatar de l’ancienne réalité impériale.

** Le groupe de Visegrad est un rassemblement intergouvernemental de quatre États de l’est de l’Europe  : la Hongrie, la Pologne, la Tchéquie et la Slovaquie. Il se caractérise par ses orientations conservatrices, notamment sur la question de la régulation des flux migratoires en Europe, point sur lequel il s’oppose aux orientations de Bruxelles. Tous les quatre ont appartenu d’une manière ou d’une autre (partiellement pour la Pologne) à la monarchie habsbourgeoise.

 

Vos projets et envies pour la suite?

Ils sont nombreux, je ne vais pas m’arrêter là  ! Plusieurs choses sont à envisager  : approfondir tout le versant culturel, autour de l’univers de la valse, que je connais bien pour la pratiquer et l’enseigner. Pourquoi pas organiser aussi, autour de la valse et de l’histoire, un voyage à Vienne  ? L’ouverture d’un train de nuit Paris-Salzbourg-Vienne cette année offre une excellente opportunité  ! J’aimerais aussi me lancer dans la biographie. L’Autriche regorge de personnalités passionnantes encore peu explorées, et le genre de la biographie est pour moi fondamental en histoire. Il pose la question de la liberté, des choix et des responsabilités individuelles, et a eu trop tendance à être négligé au profit de l’histoire du temps long.

 

Hélène de Lauzun

 

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