Elizabeth II - Reine de Diamant
"Je déclare devant vous tous que je consacrerai toute ma vie, qu'elle soit longue ou courte, à votre service et au service de la grande famille impériale à laquelle nous appartenons". Nous sommes en 1947. La princesse héritière du trône britannique, Elizabeth, n'a que 21 ans. Cette jeune femme, qui n'aurait normalement jamais dû être couronnée, deviendra pourtant, cinq ans plus tard, la Reine. À la mort de son grand père, le roi George V, c'est son oncle, l'aîné, le futur Edward VIII, qui monte sur le trône. Un an de règne à peine : l'Angleterre de l'époque n'acceptant pas les désirs de mariage du chef de l'Église anglicane avec l'Américaine divorcée Wallis Simpson, il décide d'abdiquer. C'est son frère Albert, le père d'Elizabeth, qui guidera, de son autorité de monarque constitutionnelle et sous le nom de George VI, l'Empire et le Commonwealth durant l'une des périodes les plus dramatiques de l'Histoire, la Seconde guerre mondiale.
Le 6 février 1952, la princesse Elizabeth est au Kenya avec son époux Philip. Il est celui qui lui annonce la nouvelle : le Roi George VI vient de mourir. À 25 ans, elle pleure son père et est consciente de ce qui l'attend, désormais. Sur sa tête, bientôt, l'une des couronnes les plus prestigieuses du monde. Elle sera le chef d'État, le symbole de l'unité d'une multitude de nations, dont le Royaume Uni, le Canada, l'Australie. God save the Queen !
C'était il y a soixante ans... La reine Elizabeth II est toujours là. Peu de souverains ont régné aussi longtemps qu'elle dans l'histoire. Elle n'est battue que par la Reine Victoria, pour ne considérer que les monarques britanniques. Sous son règne, douze Premiers ministres (de Sir Winston Churchill à David Cameron en passant par Margaret Thatcher et Tony Blair) et présidents américains (de Harry Truman à Barack Obama) se sont succédés. Neuf présidents français, de Vincent Auriol à François Hollande. Un nombre considérable d'événements, de bouleversements majeurs sont intervenus dans la vie de son pays et de notre monde depuis son avènement en tant que monarque constitutionnel de seize pays (elle n'a pas de pouvoir politique réel mais symbolise la continuité historique et l'unité nationale).
60 ans... Trois générations... et un Jubilé de Diamant. Presque 140 millions de sujets aujourd'hui. Et une question légitime : sont-ils tous "derrière" elle ? Il y a six ans, l'année des 80 ans de la reine, j'avais décidé d'enquêter. J'étais alors un jeune étudiant français de 21 ans. Avec curiosité, mais sans préjugé, j'avais décidé de poser quelques questions, en anglais, à M. Graham Smith, responsable de l'organisation Republic. Cette année, à l'occasion du jubilé, j'ai contacté une Britannique parmi tant d'autres pour l'interroger sur la souveraine. Deux documents que je traduis pour la première fois en français. Une exclusivité Paroles d'Actu, par Phil Defer. EXCLU
ENTRETIENS EXCLUSIFS - PAROLES D'ACTU
ELIZABETH II
Reine de Diamant
(Photo : Gala.fr)
GRAHAM SMITH
(Republic)
Q : 30/06/06
R : 05/07/06
Paroles d'Actu : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Graham Smith : Je m'appelle Graham Smith, je suis responsable de l'organisation Republic, qui fait campagne pour une alternative démocratique à la monarchie.
PdA : Pourquoi Republic, à la base ? Quelles sont vos revendications principales ?
G.S. : Republic existe depuis plus de vingt ans. Ces dernières années, nous avons évolué, passant d'un petit club à une organisation de campagne sérieuse.
Notre seule et unique revendication est de dire que la monarchie est antidémocratique et inacceptable. Nous demandons son abolition pour la remplacer par une république démocratique.
PdA : Vos revendications sont-elles largement partagées au Royaume Uni ?
G.S. : Au Royaume Uni, environ 20% des gens sont constamment en accord avec Republic. En Écosse, ce chiffre est plus proche des 50%. La plupart des habitants du Royaume Uni n'ont pas d'avis tranché sur la question.
Notre mission, ainsi qu'exposée dans notre constitution, est la suivante :
1. Mettre en place une campagne pour persuader une majorité d'électeurs de soutenir le remplacement de notre monarchie héréditaire par un chef d'État élu.
2. Après avoir fait cela, participer au processus, et essayer de guider le mouvement du changement.
3. Promouvoir des formes de gouvernement républicaines et démocratiques, et organiser un débat sur le meilleur modèle à adopter pour une république future.
PdA : Vous ne voyez rien de positif dans la monarchie britannique, dans son passé, son présent ?
G.S. : Non, Republic considère que le fait d'hériter d'une fonction publique, quelle qu'elle soit, est non seulement immoral sur le principe mais également mauvais en pratique. En démocratie, le pouvoir doit rendre des comptes. Ce n'est pas le cas dans une monarchie. La famille Windsor est la seule bénéficiaire de la monarchie.
PdA : Ne croyez-vous pas, comme le philosophe Edmund Burke, que la monarchie constitue un moyen de maintenir une certaine continuité dans les traditions et l'histoire britanniques, un lien entre le passé et la modernité ?
G.S. : Non, la Grande Bretagne est capable de maintenir ses traditions et son histoire sans que la famille Windsor ne s'immisce dans notre constitution. La continuité - pour ce que cela vaut - est maintenue par les coutumes et les valeurs du peuple, non par l'existence de la monarchie.
PdA : Vous êtes contre le système de la monarchie, mais avez vous quoi que ce soit à reprocher, à titre personnel, à la reine, à la famille royale ?
G.S. : Nous sommes très clairement opposés à l'institution. Nous ne critiquons les individus que s'ils se conduisent mal dans le contexte de leurs positions constitutionnelles.
PdA : Que pensez-vous de la reine Elizabeth II en tant que personne ? Quid de sa famille ?
G.S. : Je n'ai jamais rencontré qui que ce soit de cette famille. Et, comme je l'ai dit lors de la réponse précédente, leur personnalité n'entre pas en compte dans le débat.
PdA : Qu'aimeriez-vous lui souhaiter à l'occasion de son 80è anniversaire ?
G.S. : Une longue et heureuse retraite.
PdA : Vous semblez penser qu'un président élu constituerait la solution à tous les problèmes. Mais que pensez-vous des dérives qui peuvent conduire à la "monarchisation" de certains régimes à fort pouvoir présidentiel comme en France (reproches faits par exemple à François Mitterrand et à Jacques Chirac) ?
G.S. : Nous ne suggérons certainement pas que la république résoudrait tous les problèmes. Pour reprendre les mots de notre site, "Republic ne se fait pas d'illusion quant à la création d'une sorte d'Utopie, mais nous croyons dans la capacité du peuple britannique à remplacer une constitution antidémocratique, passéiste, par une constitution qui soit démocratique, juste et ouverte, orientée vers l'avenir".
Si les Français s'inquiètent de la "monarchisation" de leur présidence, ils ont toujours un contrôle démocratique sur le système. S'il ne fonctionne pas, réparez-le. Dans ce pays, nous ne disposons pas d'un tel moyen de contrôle.
PdA : Si vous réussisiez, qu'adviendrait-il de la famille Windsor ?
G.S. : Dans une république britannique, la famille Windsor serait libre, ils seraient des citoyens normaux, égaux par rapport au reste de la population. Ils décideraient eux-mêmes de leur avenir.
PdA : Quel système politique désirez-vous pour le Royaume-Uni ? Un président avec un Premier ministre, comme en France, ou bien un président ayant davantage de pouvoirs, etc... Quid du parlement ?
G.S. : Nous proposons un système assez proche de celui de l'Irlande (on le trouve également en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Israël...), où le parlement et le gouvernement ont le pouvoir et le président n'a qu'un rôle cérémonial.
PdA : Quel serait le siège de la présidence ?
G.S. : Si vous parlez de la résidence officielle, je ne sais pas. Sans doute quelque chose d'assez humble, mais qui serait bien sûr adapté pour les occasions d'État.
PdA : Quelque chose à ajouter ?
G.S. : Simplement, j'espère que le peuple britannique pourra un jour jouir de la même liberté que les Français et la plupart des Européens, de pouvoir choisir leur chef d'État, et d'être maîtres de leur propre système politique. La démocratie n'est jamais parfaite, mais elle l'est bien davantage que ne pourra jamais l'être la monarchie.
JANE CUNNINGHAM
Q : 07/02/12
R : 07/02/12
Paroles d'Actu : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Jane Cunningham : Mon nom est Jane, je vis à Londres avec mon époux et nos deux enfants. J'écris sur le monde de la beauté, je tiens d'ailleurs un blog sur ce sujet, http://www.britishbeautyblogger.com.
PdA : Quel regard portez-vous sur la monarchie britannique ? La famille, les coûts occasionnés pour le peuple britannique, son rôle dans le gouvernement et la société...
J.C. : Je crois que la famille royale a toujours un rôle à jouer pour donner une bonne image de notre pays. Les autres nations (avec de rares exceptions !) ont l'air d'aimer notre famille royale, et tout ce qui présente la Grande Bretagne sous un jour positif est une bonne chose.
En ce qui concerne les coûts, la famille royale semble être devenue bien plus consciencieuse en terme de budget. Ceci dit, puisqu'ils passent leur vie à recevoir des ambassadeurs et des têtes couronnées, mieux vaut le faire avec un certain style.
Je ne pense pas qu'ils aient d'influence sur le gouvernement, mais le prince Charles en particulier fait entendre sa voix quant à la manière dont il aimerait voir évoluer la société. Ce n'est pas courant, les autres sont plus discrets.
PdA : Quels sont vos sentiments à l'endroit de la reine Elizabeth II ? Peut-être l'associez-vous à des moments décisifs pour le monde, le Royaume-Uni ou bien votre propre vie ? Est-elle clairement "votre" reine ?
J.C. : Je crois que la reine contribue à me rendre fière d'être britannique, mais je n'ai jamais connu la vie sans elle, donc je ne sais quel serait alors mon état d'esprit. Je me souviens qu'à l'école primaire, on m'avait donné un mug de jubilé, on m'avait dit que c'était quelque chose de très spécial. J'étais fière de l'avoir.
Quand mon petit frère est né, ma soeur et moi avons insisté pour que son deuxième prénom soit Charles, en hommage au prince Charles. Je ne sais plus vraiment pourquoi !
PdA : Imaginez que vous en ayez la possibilité... Voteriez-vous pour ou contre l'abolition de la monarchie, le remplacement du monarque comme chef d'État par un président élu (directement par le peuple ou par ses représentants) ?
J.C. : Contre.
PdA : Qui préféreriez-vous voir succéder à la reine Elizabeth en tant que prochain roi, Charles ou William ? Pourquoi ?
J.C. : Je n'ai pas de préférence, mais je pense que le prince Charles serait un choix moins populaire dans le pays.
PdA : Une question plus générale... Que pensez-vous de l'état actuel de la société britannique ? Diriez-vous que le pays évolue dans la bonne direction ?
J.C. : D'une certaine façon, nous sommes une meilleure société, d'une autre, non. Je crois que nous avons réussi à maîtriser de nombreux problèmes comme le racisme, appris que la tolérance et l'intégration étaient meilleurs; il y a toutefois des pans de la société qui ne mettront jamais de côté leurs préjugés, c'est la vie...
Quelque part, nous sommes une société plus égoïste, certainement plus consumériste. Dans le passé, j'ai le sentiment que les gens s'intéressaient davantage aux autres. Il y avait un plus grand esprit de communauté. Nous sommes plus attentifs à la lutte contre la pauvreté infantile, pour l'éducation et la santé, mais il y a des gens qui se faufilent entre les mailles du filet, qui ne veulent pas se conformer aux valeurs de cette société.
Nous sommes certainement dans une situation plus mauvaise s'agissant de la nourriture, de la nutrition. L'obésité est aujourd'hui un problème énorme au Royaume-Uni.
JULIA MARGARET HENDERSON
Q : 21/04/12
R : 27/06/12
Notre reine est une dame charmante, elle est un atout pour le pays. Je voterais avec conviction contre tout projet visant à abolir la monarchie. Avoir un souverain fait partie de notre identité collective. Vous savez, tout le monde ne trouve pas les Américains formidables, et je ne voudrais certainement pas les imiter.
Je préférerais voir William accéder au trône après la reine. Il nous faut un jeune roi, une jeune reine, avec des idées fraîches. À vrai dire, ça ne me dérangerait pas, que Charles devienne roi. Simplement, je ne veux pas que cette briseuse de ménages, avec son visage en lame de couteau, soit reine. Le roi William et la reine Catherine. Ça sonne bien, vous ne trouvez pas ?
Le pays va dans la bonne direction, oui... tout droit vers la ruine, avec le gouvernement actuel. Cameron doit partir ! Merci.
Un grand merci à mes trois intervenants ! Mes souhaits de bonheur pour l'ensemble du peuple britannique à l'occasion de ces célébrations, et d'abord pour la première d'entre eux. "Long live the Queen !" (ou en tout cas, Elizabeth Windsor, selon les préférences) Phil Defer
Merci
Le site de la monarchie britannique
Pour commenter cet article, le groupe Facebook de Paroles d'Actu
Si vous appréciez Paroles d'Actu, "aimez"-le sur Facebook
Modification de la présentation de l'article le 21 juin 2012. Nouvelle contribution le 31 juillet 2013.
Times New Roman > Georgia : 01/10/12