Marc Touati : "Pour être très franc, je suis assez inquiet..."
Son "Dictionnaire terrifiant de la dette", paru en mars 2013 aux Éditions du Moment, vient d'être sélectionné, il obtiendra peut-être le prix du livre économique de l'année. Marc Touati préside le cabinet Aux Commandes de l'Économie et de la Finance (ACDEFI), qu'il a fondé en 2007. Outre cette activité, il intervient régulièrement dans les médias pour livrer ses analyses sur les questions d'actualité qui touchent à ses domaines d'expertise. La France et une bonne partie de l'Europe de 2013 sont les témoins - pas tout à fait extérieurs - de la résurgence de ce drame humain que constitue le chômage de masse. Les niveaux de déficits et d'endettements publics, la faiblesse des perspectives de croissance inquiètent, bien au-delà du continent. Les tout derniers chiffres pour la France, tombés au moment de la rédaction de ce texte, ne sont pas forcément de nature à rassurer... Vous l'aurez compris, Marc Touati a de quoi faire, en ce moment. Il a accepté de répondre à mes questions, s'appuyant en partie sur des tribunes qu'il avait livrées par ailleurs. Un regard éclairant, sans concession sur la situation économique et financière de notre pays. Ses prises de positions, engagées, (voir : sa pétition Sauvez la France) ne feront sans doute pas l'unanimité, c'est aussi une invitation au débat, les commentaires sont là pour cela. Merci. Merci à vous, surtout, Marc Touati. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU
ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU
MARC TOUATI
Président du cabinet Aux Commandes de l'Économie et de la Finance
Auteur du "Dictionnaire terrifiant de la dette"
"Pour être très franc, je suis assez inquiet..."
(Photos fournies à ma demande par Marc Touati)
Q : 12/04/13
R : 27/06/13
Paroles d'Actu : Bonjour Marc Touati. Depuis cinq ans, la "crise" s'est installée dans nos quotidiens. Je n'en développerai pas l'historique. Quelques points. Un retournement de l'immobilier - prétendument toujours ascendant - provoque une crise aigüe de l'emprunt hypothécaire aux États-Unis. La confection de produits dérivés et leurs échanges facilite sa propagation, comme une traînée de poudre. Une dilution ultra-toxique du risque, risque en partie encouragé par des politiques monétaires contestables et l'action d'organismes publics ou parapublics (garanties, etc...). Certains établissements tombent, d'autres, "too big to fail", "doivent" être sauvés, souvent par l'argent public, également mis à contribution pour sauvegarder la foi dans le système, éviter tant bien que mal de reproduire les erreurs des années 30. Limiter la casse... Cela ne suffit pas pour préserver la confiance dans l'avenir, donnée fondamentale... L'octroi de crédits bancaires se contracte, la frilosité, pour ne pas dire la peur, se généralise. La crise financière américaine devient mondiale (poids de l'Amérique et mondialisation des échanges obligent), économique (diminution de la consommation, de la production, du commerce, explosion du chômage... le cercle vicieux par excellence) et budgétaire (baisse des recettes fiscales et plans de relance conduisant à une explosion de l'endettement public). L'Europe, particulièrement touchée et handicapée par la bancalité des fondations de sa monnaie commune, peine à entrevoir le bout du tunnel... Voilà, pour le tableau, rapide, de la situation. Vous me direz sans doute que la dérive des comptes publics, qui a aggravé la crise en privant le politique de marges de manœuvre et en plombant la croissance, est bien antérieure à 2007-2008, mais nous y reviendrons un peu plus tard.
Pour cette première question, j'aimerais vous inviter à nous donner votre sentiment sur les cinq années qui viennent de s'écouler. Quelles leçons l'économiste chevronné que vous êtes tire-t-il de cette "Great recession", de cet enchaînement d'évènements dramatiques qui nous rappellent, sur bien des points, ce que fut la "Great depression" ?
Marc Touati : Au moins quatre grands enseignements peuvent être tirés de cette crise historique.
Premièrement, le pire n’est jamais certain. Ainsi, en dépit des points de ressemblances, la « great depression » des années 1930 a été évitée. Pourquoi ? Car, deuxième enseignement, la force de notre système économique, voire de l’être humain, réside dans le fait que l’on arrive généralement à tirer les leçons des erreurs passées pour ne pas les rééditer. Ainsi, en 2009, le monde économique a fait l’inverse de celui de 1929. A l’époque, c’était le vrai ultra-libéralisme : on a laissé les banques faire faillite, la Réserve fédérale n’a pas baissé ses taux directeurs au début de la crise et la relance budgétaire n’existait pas. Autrement dit, on a laissé la crise s’installer et devenir une grave dépression. En 2009, les banques ont été sauvées, les banques centrales ont baissé leurs taux directeurs et la relance budgétaire planétaire a atteint 5 000 milliards de dollars.
Troisièmement, les crises sont toujours des phases d’opportunités. Celui qui baisse les bras est sûr de perdre, celui qui ose regarder vers l’avenir en investissant et en innovant dispose d’une grande chance de gagner. La preuve ? De nombreuses entreprises sont plus fortes aujourd’hui qu’avant la crise. Et pour cause : elles ont pris les parts de marchés des entreprises qui n’ont pas fait les bons choix stratégiques et ont souvent disparu.
Quatrièmement, l’augmentation « bête et méchante » des dépenses publiques n’est pas la recette absolue contre la crise. Il ne faut pas plus d’État mais mieux d’État, la faiblesse de la croissance française en dépit de la forte augmentation des dépenses publiques en est la preuve parfaite.
PdA : La gestion de l'"après" par les acteurs d'influence (les États, les banques, les institutions internationales, etc...), les décisions qui ont été prises vous rassurent-elles quant à la prévention d'une nouvelle crise de ce type ?
M.T. : Si les réactions des États et des institutions internationales au début de la crise ont été bonnes, le cafouillage et les erreurs stratégiques sont malheureusement revenus très rapidement. On peut noter au moins trois grandes erreurs. Primo, la trop forte augmentation de la réglementation bancaire (appelée Bâle III) qui limite l’octroi de crédits aux entreprises. Secundo, le maintien d’un euro trop fort. Tertio, l’exacerbation de la pression fiscale, en particulier dans l’Hexagone. Trois évolutions qui empêchent le retour de la croissance, donc la sortie réelle et définitive de la crise.
PdA : Nous évoquions tout à l'heure le cas particulier de l'Europe. Plusieurs pays membres de la zone euro ont vécu ces dernières années une dégradation brutale de l'état de leur économie... et de leurs comptes publics. Pour certains d'entre eux, la "crise" a agi comme un révélateur, révélateur de structures économiques pas forcément saines ni durablement soutenables. Qui dit déficits et dettes dit prêteurs. Ceux-ci, souvent institutionnels et étrangers, ont exprimé leur inquiétude s'agissant de la capacité de ces États à les rembourser. Le risque perçu a été intégré, il explique le différentiel constaté dans les taux d'intérêt réclamés, bien plus importants que ceux attachés aux emprunts allemands par exemple, moins onéreux car jugés plus sûrs. Les peuples chypriote, espagnol, grec, irlandais, portugais... n'ont pas fini de payer la facture, elle est écrasante. La solidarité financière joue à plein entre pays de la zone euro, mais ce au prix de cures d'austérité très douloureuses... L'idée : éviter coûte que coûte un défaut de paiement, qui sait quel impact celui-ci pourrait avoir sur l'euro... Combien de sommets de la dernière chance ? On ne les compte plus...
M.T. : La rigueur pour la rigueur n’a pas de sens. Si on augmente trop les impôts, on aggrave la récession, donc le chômage flambe encore, les déficits publics s’accroissent et la dette s’envole de plus en plus haut. In fine, la zone euro est menacée jusqu’à son existence même.
Sur votre deuxième remarque, effectivement, cela finit vraiment par devenir lassant. Depuis la fin 2009, tous les six à neuf mois, nous avons droit à une nouvelle crise grecque, avec ses faux-semblants, ses dangers et ses « vraies fausses » solutions. À chaque fois, la majorité des économistes et des politiciens bien-pensants se répandent un peu partout pour annoncer que la crise grecque et, par là même, celle de la zone euro sont terminées. Malheureusement, rien n’a jamais été réglé. Bien au contraire. En fait, les dirigeants eurolandais ont simplement posé des gros pansements sur une plaie béante sans la cautériser. Si bien que lorsque le pansement s’effiloche, puis disparaît, la plaie est non seulement toujours là, mais elle s’est, de surcroît, infectée.
En effaçant la moitié de la dette grecque détenue par des agents privés, les Européens n’ont fait que gagner du temps. Car, dans la mesure où l’euro est resté trop fort et où rien n’a été mis en œuvre pour soutenir la croissance, la Grèce a continué de sombrer dans la récession et dans le malaise social. Depuis le début de la crise (c’est-à-dire depuis le quatrième trimestre 2007), le PIB hellène a plongé d’environ 30 %. Conséquence logique de ce marasme, le taux de chômage atteint désormais 27 %, et 62,5 % pour les moins de 25 ans.
Pour « couronner » le tout, la Grèce s’est engagée dans une crise politique qui rappelle de bien mauvais souvenirs, avec, qui plus est, une extrême gauche qui est toujours à deux doigts de prendre le pouvoir, ainsi qu’un parti néonazi qui est entré au Parlement et a même créé des « milices ». Dès lors, la moindre étincelle, comme la fermeture des médias publics par le gouvernement Samaras il y a deux semaines, réactive un incendie qui n’a en fait jamais été circonscrit.
Cela confirme que, sans union politique, la zone euro reste menacée par un pays qui ne représente que 2 % de son PIB.
PdA : L'erreur, majeure, n'a-t-elle pas été d'aller trop vite dans la constitution du dernier cercle communautaire, celui de la monnaie commune ? Ne fallait-il pas conditionner son intégration à un contrôle a priori bien plus poussé, coupler à sa création celle d'un véritable gouvernement économique ? Intégrer les pays petit à petit, quitte à n'en avoir que trois ou quatre, au départ, le temps de laisser aux autres celui d'assainir leur situation dans des conditions moins violentes... ? Quel est votre avis sur la question ? Comment sortir de ce long cauchemar par le haut, désormais ?
M.T. : Il faut arrêter de tourner autour du pot : l’Union Économique et Monétaire ne pourra sortir de la crise de la dette, et plus globalement de sa crise existentielle tant qu’elle ne sera pas une zone monétaire optimale. Cela signifie qu’il existe une parfaite mobilité des capitaux, des entreprises, mais aussi des travailleurs au sein de la zone en question. Pour y parvenir, les pays qui la composent doivent œuvrer à une harmonisation de leurs conditions fiscales, budgétaires et réglementaires, préparer le terrain à un marché du travail unique, sans oublier d’instaurer un budget fédéral conséquent, capable de supprimer les chocs asymétriques au sein de la zone. En d’autres termes, si un des États membres connaît une crise spécifique (que l’on appelle un choc asymétrique), le budget fédéral pourra y remédier directement, annihilant ainsi les risques de contagion à l’ensemble de la zone.
Ne l’oublions pas, la création de l’euro n’était qu’une étape visant à donner naissance à une union politique et fédérale. On peut être favorable ou opposé à cette dernière mais si on la refuse, il faut d’ores et déjà savoir que l’UEM finira par exploser, sortant donc de la crise de la dette par le bas, replongeant l’Europe dans un jeu non-coopératif et forcément destructeur.
Comme nous ne cessons de le répéter depuis le début de la crise, les plans de sauvetage de la zone euro ne font que colmater les brèches et continuent d’oublier l’essentiel : la croissance. Tant que l’euro ne passera pas sous les 1,15 dollar pour un euro, que les impôts augmenteront et qu’il n’y aura pas de budget fédéral, la récession perdurera et la crise de la zone euro empirera.
Le problème est que les dirigeants eurolandais continuent d’être dogmatiques et de se focaliser sur une faible inflation et une rigueur mal placée. Autrement dit, ils préfèrent « mourir guéri » que vivre avec un peu d’inflation. C’est vraiment dommage.
PdA : Zoom... sur la France. Dans votre dernier ouvrage, "Le dictionnaire terrifiant de la dette", vous dressez un état sans concession de la situation budgétaire de notre pays, de ses perspectives d'avenir. Quels chiffres, quelles données souhaiteriez-vous que nos lecteurs aient à l'esprit, à ce stade de notre entretien ?
M.T. : Lorsque l’on observe l’évolution récente de la dette publique des pays européens et en particulier celle de la France, une question revient souvent : comment en est-on arrivé là ? Autrement dit, comment la dette publique française a-t-elle pu passer de 20 % du PIB en 1980 à 59 % au milieu des années 1990 et à plus de 90,2 % en 2012 ? L’évolution de ce ratio est encore plus inquiétante depuis quelques années : 64,2 % en 2007, 79 % en 2009, 86 % en 2011 et certainement 100 % en 2013. Et encore, par convention comptable, la dette publique française (comme ses homologues européennes d’ailleurs) n’intègre pas le « hors-bilan », c’est-à-dire le paiement des retraites des fonctionnaires. Si tel était le cas, nous serions plutôt autour des 130 % du PIB.
En monnaies sonnantes et trébuchantes, le choc est encore plus effroyable. De 92 milliards d’euros en 1980, la dette publique a atteint 515 milliards en 1993, 1 000 milliards en 2003 et sera d’environ 2 000 milliards en 2013 ! Bien sûr, entre-temps, les prix ont également progressé de 172 %. Toujours est-il que de 1980 à 2013, la dette publique française a explosé de 2 073 % en valeur et de 1 901 % en volume (c’est-à-dire sans inflation). De quoi donner le vertige…
D’où une question incontournable : comment, en si peu de temps, la France a-t-elle pu passer d’une dette relativement normale à une dette aussi explosive ?
La réponse est malheureusement simple. La dette publique n’est que le cumul des déficits publics annuels. Plus ces derniers augmentent, plus la dette flambe. à partir du moment où la croissance économique ne suffit pas à rembourser les intérêts de la dette, alors cette dernière devient cumulative et auto-entretenue. Et encore, il faut noter que, dans son malheur, la France a bénéficié d’un atout incroyable, en l’occurrence des taux d’intérêt bas pour les obligations du Trésor. Lorsque ces derniers remonteront, ce qui se produira inévitablement en 2013, l’écart entre la croissance et la charge d’intérêts de la dette s’agrandira et la bulle de la dette deviendra encore plus explosive. Eh oui ! avec la dette publique, c’est un peu comme avec un célèbre liquide vaisselle jaune : « quand il n’y en a plus, il y en a encore… »
Le seul moyen de stopper l’hémorragie puis d’inverser la tendance serait déjà de restaurer une croissance durablement forte et ensuite d’obtenir un excédent des comptes publics. Seulement voilà, la dernière fois que la croissance française a été forte pendant plus de deux ans remonte aux années 1998-2000. Ce « phénomène » relativement court n’a pas permis de retrouver le chemin de l’équilibre budgétaire. C’est bien là que réside le mal principal de la puissance publique française : elle ne sait produire que des déficits sans réussir à relancer la croissance et à faire baisser le chômage. Le dernier excédent des comptes publics remonte à 1974.
Aujourd’hui encore, en dépit d’autant d’années de déficits sans croissance et de gaspillage des deniers publics, le gouvernement français n’a aucunement l’intention de renverser la vapeur, même s’il multiplie les efforts marketing pour essayer de faire croire le contraire. Plus grave, la plupart des Français jugent ce comportement normal. Il est donc urgent de réagir. Non, une dette publique de 100 % du PIB n’est pas acceptable ! Non, une croissance économique structurellement inférieure à la charge d’intérêts de la dette publique n’est pas supportable ! Non, il n’est pas sérieux et responsable de laisser encore filer la dépense publique et de se contenter d’augmenter les impôts !
Tant que nos dirigeants n’auront pas compris ces éléments de bon sens, la crise de la dette publique enflera. À ce rythme, cette dernière atteindra aisément les 2 500 milliards d’euros en 2017. Dans ces conditions, l’économie française ne connaîtra pas de rebond et les crises sociales et sociétales deviendront notre quotidien.
PdA : Vous avez lancé il y a quelques jours une pétition, que l'on retrouve sur SauvezLaFrance.com. Le gouvernement y est exhorté à agir à propos du poids de la dette, du niveau des prélèvements obligatoires et de la dépense publique dans notre pays. Si vous deviez attribuer de bons et de mauvais points au pouvoir actuel en matière d'économie et de finance, quel en serait le bilan ?
M.T. : La situation économique de la France est de plus en plus catastrophique : la croissance a été nulle au cours des cinq dernières années, la récession est de retour, le chômage flambe et la dette publique devrait atteindre 100 % du PIB d’ici la fin 2013. Pour ne rien arranger, la crise politique qui sévit depuis quelques semaines fait craindre un véritable chaos.
Bref, l’heure est grave et il est urgent de réagir. Pourtant, bien loin de prendre le taureau par les cornes et continuant de se voiler la face, le Président Hollande et le gouvernement Ayrault préfèrent le dogmatisme et la méthode Coué. Pis, ils veulent continuer à augmenter la pression fiscale et la dépense publique, qui atteignent déjà des niveaux pléthoriques. Soyons clairs : avec cette double erreur, la récession va encore s’aggraver, le chômage augmenter et la dette publique battre de nouveaux records. Est-ce vraiment cela que nous voulons pour notre douce France ?
Certainement pas. C’est pourquoi, il est grand temps de dire STOP ! et d’inverser la tendance. Aussi, devant la dictature du politiquement correct et face à l’omerta économique ambiante, je vous propose de crier tout haut la nécessité d’un véritable changement vers une politique économique plus pragmatique et plus efficace. Celle-ci devra notamment passer par moins d’impôts et moins de dépenses publiques superflues. Une fois que ces deux évolutions auront été engagées, la France pourra retrouver le chemin de la croissance, mais aussi celui de la crédibilité économique et, in fine, sortir par le haut de cette crise qui n’en finit plus.
Exigeons donc simplement du gouvernement français qu’il s’engage à abaisser au plus vite le poids des impôts et des dépenses publiques dans le PIB vers le niveau moyen qui prévaut dans la zone euro, en l’occurrence 41 % et 49 %, contre actuellement 46 % et 57 % dans l’Hexagone (estimations 2013). Ces poids sont devenus insupportables et ruinent l’avenir de la France.
Alors disons Non ! au dogmatisme et Oui ! au retour de la croissance dans notre beau pays. Signons donc la pétition pour que, d’ici 2017, en France, le poids des dépenses publiques dans le PIB passe de 57 % à 49 % et celui des prélèvements obligatoires reculent de 46 % à 41 % !
PdA : Quand vous songez à notre pays, à notre continent, là tout de suite, quand vous pensez à leur avenir, le sentiment qui prédomine, c'est plutôt l'optimisme ou le pessimisme ?
M.T. : Pour être très franc, je suis assez inquiet, car cela fait quinze que j’essaie de convaincre les dirigeants français de faire les réformes qui s’imposent, mais ils refusent systématiquement, préférant le dogmatisme et pensant surtout à leur réélection. C’est vraiment triste.
PdA : Imaginons un instant que le président de la République, ou le Premier ministre, peu importe, décide demain de vous confier, sur la base de votre expertise et de votre expérience sur ces questions, une mission. La rédaction d'un rapport destiné à être suivi d'actes. Son objet ? "La régénération durable et prospective de l'économie et l'assainissement structurel des finances publiques de la France". Quelles seraient vos recommandations ?
M.T. : Les rapports ne servent à rien. Ils finissent tous dans les oubliettes de la République. Les mesures structurelles à prendre sont simples, je les ai évoquées dans la pétition SauvezLaFrance.com ou encore dans « Le dictionnaire terrifiant de la dette ». Après, il faut simplement avoir du courage politique.
PdA : La dernière question, en fait une tribune libre. Pour conclure comme vous le désirerez notre entretien. Merci !
M.T. : Je terminerai en enfonçant le clou sur la dépense publique. Certes, un pays développé comme la France a besoin d’un État fort et de dépenses publiques importantes. Ces dernières doivent effectivement permettre d’assurer la sécurité du pays, de ses citoyens, de mettre en place une justice efficace, un système éducatif performant, le tout en garantissant une croissance économique durablement forte, un chômage faible, une réduction de la pauvreté et des inégalités. Si la dépense publique parvient à tout cela, alors oui, elle est non seulement justifiée, mais également indispensable.
Relevons-nous ce défi aujourd’hui dans l’Hexagone ? Sans vouloir jouer les Cassandre, nous en sommes loin. Certes, nos infrastructures routières, ferroviaires, portuaires et aériennes sont exceptionnelles. Certes, l’école est gratuite, du moins jusqu’au Bac. Certes, le système de santé est plutôt performant.
Toutefois, depuis dix ans et a fortiori depuis cinq ans, nos « performances » économiques et sociales ont été déplorables. La croissance française n’a jamais été aussi faible. Le taux de chômage ne cesse de croître. La sécurité intérieure laisse de plus en plus à désirer. L’ascenseur social est bloqué au rez-de-chaussée depuis des années. L’égalité des chances à l’école et devant la maladie est loin d’être assurée. Le nombre de Bac +5 sans emploi devient affolant… Autant de piètres résultats malgré une débauche de moyens publics impressionnants. Ainsi, le poids de nos dépenses publiques dans le PIB atteint 56,3 % en 2012 (certainement plus de 57 % en 2013), contre 52,6 % en 2007. À l’exception du Danemark (avec un niveau de 58 %), aucun pays européen n’arrive à un tel sommet.
Loin de ces niveaux, la part des dépenses publiques dans le PIB atteint 49,3 % pour l’ensemble de la zone euro, 44,9 % en Allemagne, 42,7 % en Espagne. Même la Grèce a réduit la voilure, avec un niveau de 50 % en 2012, contre 54 % en 2009. Au niveau mondial, sur les 188 pays recensés par le FMI, seuls quatre font « mieux » que le Danemark et la France : l’Irak, les îles Kiribati, le Lesotho et la Monarchie des Tuvalu…
Bref, la France est bien le seul grand pays de la planète à s’engager dans une augmentation maladive de ses dépenses publiques et ce, sans parvenir à améliorer sa croissance. De la sorte, elle enregistre un déficit permanent, qui accroît continuellement la dette publique. Il est grand temps d’arrêter les dégâts.
Merci encore, Marc Touati. Bonne chance pour l'obtention du prix du livre économique de l'année pour votre "Dictionnaire terrifiant de la dette" ! Et vous, quel regard portez-vous sur la situation économique et financière de notre pays ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer
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Vous pouvez retrouver Marc Touati...
Sur le site du cabinet Aux Commandes De l'Économie et de la Finance (ACDEFI) ;
Sur le site de sa pétition, Sauvez la France.
En librairie pour son "Dictionnaire terrifiant de la dette" ;
...et bien sûr, régulièrement dans les médias.