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Paroles d'Actu
3 août 2013

Yvette Horner : "Mettez de la musique dans vos cœurs..."

L'idée m'est venue peu avant que ne soit donné le "coup d'envoi" de ce Tour de France 2013, le centième. Combien d'exploits héroïques, de figures mythiques, désormais entrés dans ce qu'il convient d'appeler la "légende" du Tour" ? Étant né en 1985, je n'en ai pas connu l'"âge d'or", ce temps où tout un peuple vibrait presque littéralement au rythme des étapes, ce temps où subsistait encore au moins l'illusion de sa propreté. N'ayant, du reste, jamais compté parmi les adeptes les plus fervents de la compétition, je me garderai bien d'aller beaucoup plus avant dans l'évocation de ces souvenirs collectifs, d'autres étant bien plus à même de le faire. Yvette Horner fait partie de ces visages qui, pour moi, pour les Français, resteront à jamais associés à l'histoire du Tour de France. La Grande Boucle, cette accordéoniste virtuose l'a accompagnée à onze reprises, de 1952 à 1963. Elle est, depuis soixante-dix ans, l'une des ambassadrices les plus emblématiques de l'accordéon, instrument souvent moqué, voire méprisé, en général par des gens qui n'y connaissent d'ailleurs pas grand chose. Peu lui importe : le public lui est resté fidèle. Quant à son art, elle n'a jamais cessé de le vivre, de le partager avec enthousiasme. L'éclectisme de ses collaborations l'a aidée à traverser les décennies, à se faire connaître auprès des jeunes générations, sans jamais se renier. Égérie (et amie) de Jean-Paul Gaultier, celle que Jacques Higelin surnomma jadis "la Reine de France" a travaillé avec des artistes issus du classique, du jazz, de la Country... et même du rap. En 1994, elle offrit aux téléspectateurs de Taratata un improbable mais savoureux duo avec Boy George. Son album le plus récent, "Yvette Hors norme", sorti en 2012, invite l'auditeur à découvrir les fruits d'autres jolies rencontres : avec Marcel Amont, avec Didier Lockwood, avec Lio...

 

J'ai cherché, voulu voir si elle avait un site officiel sur internet. Celui-ci n'est pas directement référencé par Google. Heureusement, Wikipedia m'a vite renseigné : www.yvettehorsnorme.com. La fonction de contact était bien présente, mais elle était défaillante. Parmi les coordonnées affichées, celles de son agent, Jean-Pierre Brun, de Nabab Consultants. Je me suis débrouillé pour lui faire parvenir un message, le 29 juin. En lui proposant, en substance, de faire avec Yvette Horner ce que Jean-Paul Delvor avait accepté de faire avec Micheline Dax : lui lire mes questions, recueillir pour moi ses réponses. Son accord de principe, je l'ai reçu le 2 juillet. Le 7, je lui soumettai mon questionnaire. Trois jours plus tard, nous apprenions la disparition d'un autre grand accordéoniste, un ami d'Yvette Horner, André Verchuren. Une épreuve... J'ai reçu les réponses qui étaient celles d'Yvette Horner le 22 juillet, par un mail de Jean-Pierre Brun. Lui a bien voulu, à ma demande, participer à l'article, me raconter leur rencontre. Son texte, qui introduit les réponses de l'artiste, est extrait du "Biscuit dans la poche", l'autobiographie de cette dernière, à laquelle il a contribué. Je tiens à vous exprimer, à tous les deux, ma gratitude, ma profonde reconnaissance, ma sympathie, surtout... Merci de m'avoir accordé un peu de votre temps. Artiste authentique et authentiquement populaire, Yvette Horner aura bientôt 91 ans. Des projets plein la tête et, toujours, la musique au coeur... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

YVETTE HORNER

 

"Mettez de la musique dans vos coeurs..."

 

Yvette Horner 1

(Photos fournies à ma demande par M. Jean-Pierre Brun)

 

 

Jean-Pierre Brun : Voici le récit de ma rencontre avec Yvette Horner, tel que je l'ai décrite dans "Le Biscuit dans la poche".

 

« Madame descend dans un instant », a dit le maître d’hôtel.

 

À peine ai-je eu le temps de jeter un œil écarquillé au décor qui m’entourait que « Madame » est descendue. Et elle l’a bien descendu ! Le spectacle commençait. Il dure depuis plus de vingt-cinq ans.

 

Chevelure flamboyante, maquillage appuyé, deux immenses anneaux aux oreilles, chemisier vert pomme sur une jupe fleurie, large ceinture dorée, « Madame » avait mis le paquet. À croire que le Père Noël venait de lui offrir une panoplie d’Yvette Horner.

 

À cet instant, une bouffée d’enfance m’envahit. Je revoyais les arrivées du Tour de France à la télévision, en noir et blanc sur fond d’accordéon, les photos sépia dans « Miroir Sprint », les géants de la route, Bobet, Anquetil… Et cette scène immuable : le champion ruisselant embrassant Yvette Horner qui lui remettait le bouquet du vainqueur. Ay, sombrero !

 

Et voilà qu’Yvette Horner était maintenant devant moi. J’étais chez elle, cerné par des accordéons. J’étais face à un mythe. Elle m’avait invité à dîner dans sa maison de Nogent pour parler affaires. Nous nous étions rencontrés quelques temps auparavant à Sète, du côté de chez Brassens, et elle voulait en savoir un peu plus sur mon métier.

 

« Madame » étant servie, nous sommes passés à table.

 

Avec un étonnant talent de conteuse, elle m’a longuement parlé de sa vie, de ses drames, de ses joies, des valeurs qui lui sont chères : la musique, l’amour, la droiture. J’étais sous le charme : « Madame » était une grande séductrice.

 

Elle me décrivit le vide immense qu’avait causé la disparition de son mari, René, l’homme de toute sa vie. Peu à peu, la conversation prit un tournant plus professionnel, plus personnel. Insensiblement, ses questions s’orientèrent sur ma façon de travailler, sur mes goûts. Quelque part, je la voyais venir.

 

Je lui avouais qu’évoluant depuis de longues années dans le monde de la chanson et du jazz, j’étais professionnellement éloigné de celui des « flonflons, de la valse musette et de l’accordéon »… Bien que n’ayant pas d’interdits musicaux, je n’étais peut-être pas l’homme de la situation.

 

La conversation s’est prolongée et nous sous sommes quittés très tard. Le lendemain, à la première heure, elle m’appelait :

 

- J’ai bien réfléchi : voulez-vous vous occuper de moi ?

 

Une nouvelle fois, je lui fis part de mon peu de connaissance pour le monde de l’accordéon.

 

- Ce n’est pas ce que je vous demande. Vous savez négocier les contrats ? Vous savez lez rédiger ? Ca me suffit, le reste, j’en fais mon affaire. Au fait, que pensez-vous de ma nouvelle collaboration avec Jean-Paul Gaultier ?

 

- C’est une idée géniale. Il faut continuer.

 

- Parfait ! C’est la réponse que j’attendais. Voyons-nous rapidement et travaillons ensemble.

 

Avais-je le choix ? On ne dit pas non à la Tour Eiffel.

 

J’ai dit oui et notre collaboration a commencé. De contrat, il n’y en a jamais eu entre nous ; en tous cas pas sur le papier. Dans les Pyrénées, en bons terriens, on se regarde droit dans les yeux, on se tape dans la main et ça vaut tous les contrats du monde.

 

En peu de temps, j’allais réaliser à quel point j’avais affaire à un personnage hors norme. Je retournais à l’école : celle de la rigueur, du travail sans relâche, de la parole donnée. Celle de l’humour aussi… À se demander lequel des deux était le saltimbanque.

 

Ainsi, je suis devenu l’agent d’un mythe. Un mythe qui, depuis des années, n'a qu'une seule référence : la musique. Qu'un seul combat : donner ses lettres de noblesse à l'accordéon.

 

De la France profonde, celle des bals qu'elle a fait danser durant tant d’années, aux clubs les plus branchés, en passant par l'Opéra, elle a forcé le respect de tous. Elle est de toutes les musiques. Elle est la musique. Il n’est pas un seul défi qu’elle n’ait relevé. Un album classique mi-piano mi-accordéon de concert, un autre enregistré à Nashville avec Charlie McCoy, le Tour de France, le Casino de Paris, Casse-Noisette, Gaultier, Béjart… Rien ni personne ne lui a résisté.

 

Peu à peu, de notre relation professionnelle est née une belle amitié, aujourd’hui robuste comme la terre de Bigorre, solide comme la pierre. « Madame » est devenue Yvette.

 

 

 

Q : 07/07/13

R : 22/07/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Yvette Horner. Comment allez-vous ?

 

Yvette Horner : Comme une musicienne comblée par sa passion.

 

 

PdA : Cette année 2013 est celle du centième Tour de France. Vous avez accompagné, égayé par votre musique et votre bonne humeur un grand nombre d'éditions de la compétition, dans les années 1950 et 1960. Le Tour était sans doute plus populaire, à l'époque. L'engouement était plus fort, on entendait moins parler d'argent, de dopage. Regardez-vous toujours le Tour à la télévision ?

 

Y.H. : Je ne manque pratiquement aucune étape et suis toujours en contact avec mes amis du Tour.

 

 

PdA : Vous devez avoir des centaines de merveilleux souvenirs à l'esprit, en repensant à vos participations au Tour de France. Voulez-vous nous en raconter quelques uns ? 

 

Y.H. : René, toujours plein d’égards, faisait halte le plus souvent possible afin que je puisse souffler un peu. J’en profitai pour faire quelques pas hors de la machine infernale et ces instants-là, aussi brefs fussent-ils, étaient un vrai bonheur. Mais très vite, il fallait regagner la voiture, reprendre l’accordéon et faire bonne figure.

 

La mixture du suiveur faisait son effet. Mais pas fatalement celui escompté. En fait, il jouait un rôle de collecteur d’insectes. Papillons, pucerons, mouches, moustiques et autres volatiles minuscules, soit qu’ils trouvaient la crème à leur goût, soit qu’ils fussent projeté sur elle par un vent peu soucieux de leurs préférences alimentaires, venaient s’agglutiner sur mon visage plus populeux qu’un pare-brise sur l’autoroute des vacances ! Outre ces visiteurs englués, la poussière de la route et les fumées noires exhalées par les pots d’échappement venaient parfaire mon maquillage.

 

René profitait de chacune de nos haltes pour faire une brève remise en état et, comme la maman singe épouillant avec amour le fruit de ses entrailles, il me désinsectisait patiemment ! A l’arrivée, honteuse de ce look plus qu’improbable, je suppliais mon époux de me trouver une fontaine, un évier ou n’importe quel lavabo où je pourrais laver le papier tue-mouche qui me servait de visage !

 

(Extrait de ma biographie, "Le Biscuit dans la poche", aux Éditions du Rocher)

 

 

PdA : Vous avez remporté en 1948 la Coupe du monde d'Accordéon, cet instrument remarquable dont vous n'avez cessé d'être depuis lors l'une des plus belles ambassadrices. Combien de prestations en public ? Combien de disques produits et vendus ? Difficile d'y répondre. Ce qui est certain, c'est que ces chiffres seraient impressionnants, très impressionnants. Quels sont, sur cet ensemble, les morceaux que vous préférez ? Ceux que vous aimeriez inviter nos lecteurs à découvrir, via les plateformes de téléchargement légal ?

 

Y.H. : Je sais que j'ai enregistré plus de 150 albums. Quant aux ventes , plusieurs dizaines de millions. Mes trois albums préférés sont "Le jardin secret d'Yvette Horner" (qui fit d'elle la lauréate du Grand prix du disque de l'Académie Charles-Cros en 1950, ndlr), "Yvette Horner à Nashville" (avec la star de la Country Charlie McCoy, en 1977, ndlr) et surtout le dernier, "Yvette Hors norme" (sorti en 2012, ndlr).

 

 

PdA : Les accordéonistes n'ont plus guère d'espaces d'exposition dans les grands médias généralistes, notamment depuis l'arrêt d'émissions telles que "La Chance aux chansons". Heureusement, pas mal de jeunes prennent la relève, avec enthousiasme, dans les villes, dans les villages, sur les scènes de France... Vous êtes confiante dans l'avenir de l'accordéon en tant qu'instrument de musique populaire ?

 

Y.H. : L'accordéon est éternel, il appartient à toute les musiques et il y aura toujours de nouveaux virtuoses pour le servir. La passion n'a pas de fin.

 

 

PdA : Vous êtes largement respectée par vos pairs du métier. Des artistes issus de plusieurs générations et adeptes de styles musicaux différents ont eu à coeur de vous témoigner leur affection. Je pense à Julien Doré - vous avez participé à l'une de ses chansons, "Homosexuel" -, je pense à Lio, à Didier Lockwood, à Marcel Amont - qui ont contribué à votre album "Yvette hors norme" -. Quels sont, parmi les artistes d'hier et d'aujourd'hui, celles et ceux qui vous plaisent, que vous aimez écouter ?

 

Y.H. : Il en a trop. J'aime le talent quel qu'en soit le style.

 

 

PdA : Quelles ont été, jusqu'ici, les grandes rencontres de votre carrière ? De votre vie ?

 

Y.H. : Mes parents, mon mari René, les musiciens, mes amis, et le public... J'en oublie ?

 

 

PdA : Quel message souhaiteriez-vous adresser à celles et ceux de nos lecteurs qui, nombreux, vous aiment et seront heureux, à l'occasion de cette interview, d'avoir de vos nouvelles ?

 

Y.H. : Mettez de la Musique, beaucoup de Musique dans vos coeurs, et vous verrez bien que vous finirez par danser...

 

 

PdA : Quels sont vos projets ? Vos envies ?

 

Y.H. : Travailler mon instrument, encore et encore. Découvrir de nouvelles aventures musicales.

 

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, chère Yvette Horner ?

 

Y.H. : Que la vie continue, le monde ne peut pas se passer de musique...

 

 

Yvette Horner 2

 

 

Merci encore pour ce joli cadeau... Que la vie continue oui. Puissiez-vous, Madame, continuer à nous enchanter, à nous surprendre, de longues années durant. Je le souhaite de tout coeur. Je vous embrasse ! ;-) Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

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Vous pouvez retrouver Yvette Horner...

 

Sur son site officiel ;

 

Sur les sites de téléchargement légal, comme musicMe ;

 

Chez tous les bons disquaires, pas loin de chez vous... ou en ligne ;

 

Sur YouTube.

 

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Commentaires
N
GRANDE Dame, que j'ai appris à apprécier l'âge venant.. J'ai une tendresse particulière pour l'accordéon.. Que de souvenirs.. Belle leçon de dynamisme<br /> <br /> Nelly
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