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Paroles d'Actu
31 octobre 2013

Thomas Lauret : "Il faut supprimer les frontières mentales autour du 16e"

Le 8 octobre dernier, j'opérai la mise en ligne de mon interview du conseiller de Paris Pierre-Yves Bournazel. Deux jours plus tard, la liste des chefs de file censés mener, aux côtés de Nathalie Kosciusko-Morizet, la bataille pour l'alternance dans la capitale était dévoilée. Bournazel en est. Pour le 18e, qu'il connaît bien, même s'il sait que la tâche sera difficile : l'arrondissement est solidement ancré à gauche. Les noms des colistiers de la candidate socialiste Anne Hidalgo furent connus le 11 octobre. Parmi eux, Thomas Lauret, pour le 16e. Une place réputée imprenable, un bastion ultra-fortifié de la droite. Une réalité, implacable. Et quelques clichés tenaces... La tenue de cet entretien a permis à votre serviteur, qui n'est pas francilien, d'en apprendre un peu plus sur la géographie politique parisienne. Rencontre avec un militant enthousiaste. Confiant dans sa capacité à infléchir l'infléchissable. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

THOMAS LAURET

Tête de liste PS pour le 16e arrondissement de Paris

 

« Il faut supprimer les frontières

mentales autour du 16e  »

 

Thomas Lauret

(Photos proposées à ma demande par Thomas Lauret.

Ci-dessus : avec Anne Hidalgo. Crédit photo : Mathieu Delmestre et Ludovic Piron)

 

Q : 25/10/13

R : 30/10/13

  

Paroles d'Actu : Bonjour Thomas Lauret. Vous travaillez depuis plusieurs années dans l'administration d'hôpitaux de la région parisienne. Homme de centre gauche, vous êtes conseiller du 16e arrondissement de Paris (depuis 2008) et secrétaire de la section PS dudit arrondissement (depuis 2012). Ses militants vous ont élu, il y a quelques jours, pour mener au niveau du 16e la bataille des municipales de 2014, aux côtés d'Anne Hidalgo.

 

La réputation qui colle au 16e arrondissement de Paris est tenace : on pense immédiatement à des quartiers très bourgeois, à un bastion imprenable de la droite (Nicolas Sarkozy y a remporté le score colossal de 65% des suffrages dès le premier tour de la présidentielle de 2012, celle qui a vu l'élection de François Hollande). Ce cliché rend-il grâce à ce qu'est "votre" 16e ? Si vous nous le présentiez... ?

 

Thomas Lauret : Chaque arrondissement a son identité. Le 16e est riche de son histoire, mais autour de nous, le monde change, la France change et Paris change... « Mon » 16e, « notre » 16e est un arrondissement ouvert à ce changement, un arrondissement qui ose l’innovation avec Paris : nous ne devons pas nous vivre en marge du reste de Paris, c’est à dire un espace « sans histoires » et donc sans nouvelle Histoire. Nous trahirions d’ailleurs le passé culturel de l’arrondissement ou la vie foisonnante des villages d’Auteuil, de Passy et de Chaillot d’antan.

 

Nous devons envisager cette ouverture au changement comme un effort de cohésion avec notre environnement : le 16e doit s’inscrire dans le rayonnement culturel et universitaire de la capitale ; il doit aussi participer à l’innovation entrepreneuriale que les Français appellent de leurs vœux.

 

L’ouverture au changement que je propose aux électeurs du 16e n’est pas un reniement de nos valeurs mais un renouveau de l’esprit pionnier que le 16e a connu dans la première moitié du XIXème siècle et qui se traduit notamment dans son architecture. L’uniformité est ennuyeuse, le repli sur soi prôné par le maire du 16e (l'UMP Claude Goasguen, ndlr) est dangereux.

 

C’est pourquoi j’appelle de mes vœux un renouveau culturel et économique du 16e. La Fondation Louis Vuitton pour la création montre l’exemple au plan culturel. Le sport est aussi un vecteur de ce renouveau, qu’il soit amateur, grâce aux nouveaux équipements sur les pelouses d’Auteuil, ou professionnel, avec le très beau stade Jean Bouin et Roland Garros.

 

Le 16e doit aussi s’inscrire dans le développement de la nouvelle économie numérique, en lien avec le pôle universitaire de Dauphine.

 

Pour cela, nous devons être attractifs auprès des jeunes actifs, parfois rebutés par un certain manque d’animation de nos quartiers, grâce à une politique du logement qui favorise la remise sur le marché d’appartements vacants ou la transformation de bureaux en immeubles d’habitation.

 

Nous devons nous ouvrir enfin au tramway dont je soutiens la prolongation du pont de Garigliano à la Porte d’Auteuil et à terme jusqu’à la porte Maillot. Il est le symbole du refus de la vieille droite du 16e de connecter l’arrondissement à Paris.

 

Il faut supprimer ces frontières mentales autour du 16e. Bref, il faut oser le progrès et l’innovation !

 

PdA : Que retenez-vous des consultations entreprises, de vos rencontres avec les habitants du 16ème ? Quelles sont leurs préoccupations, leurs revendications principales, récurrentes ?

 

T.L. : Les habitants du 16e sont attachés à leur cadre de vie : les équipements sportifs, les espaces verts, le Bois de Boulogne, les musées, les écoles. Cette volonté de préservation se traduit par un besoin de sécurité bien naturel mais aussi, parfois, par une certaine crainte de la modernité, présentée comme un danger par un maire d’arrondissement souvent caricatural. En attisant les peurs, celles par exemple liées aux logements sociaux, ou à l’installation d’un cirque (Romanes dans le parc Parodi qui sera rénové à cette occasion), le maire du 16e tente de récupérer un certain électorat tenté par le repli sur soi.

 

Il suffit pourtant d’un mot aimable et de prendre le temps de développer des propositions concrètes et réalistes pour voir les visages s’ouvrir. Nous souhaitons améliorer notre cadre de vie : cela passe par exemple par la reconquête du Bois de Boulogne (pelouses d’Auteuil ouvertes à tous, nouveau carrefour des lacs faisant la part belle aux promeneurs, nouvelle promenade du Lac des patineurs). Nous souhaitons renforcer la sécurité, un droit pour tous, avec l’extension des équipes de veille et de prévention qui ont fait leurs preuves dans certains quartiers de Paris.

 

PdA : En quoi votre projet pour le 16e diffère-t-il sur le fond de ce qui a été fait jusqu'à présent, de la philosophie générale des majorités et des exécutifs de droite qui l'ont dirigé jusqu'ici ?

 

T.L. : Les électeurs du 16e auront le choix entre les conservateurs et les progressistes.

 

La droite du 16e a toujours été très conservatrice. Le maire depuis 2008 a même choisi l’opposition quasi-systématique aux projets portés par le maire de Paris : il lutte contre les logements sociaux en finançant sur sa réserve parlementaire certaines associations qui déposent des recours contre les permis de construire. Il excite les peurs et les pulsions d'exclusion à visée purement électoraliste. Il fustige les services publics, sans avoir pourtant engagé la moindre mesure d’économie dans la gestion de la mairie du 16e. Il s’est opposé à toute modernisation du 16e et de Paris : il était contre Vélib, contre Jean Bouin, contre les berges de Seine et même, au départ, contre les pelouses d’Auteuil ! Il n’a porté aucun projet d’envergure, mis à part son soutien à l’extension de Roland Garros. Son prédécesseur, Pierre-Christian Taittinger, avait au moins l’élégance de discuter avec le Maire de Paris des évolutions à apporter à son arrondissement.

 

Les valeurs que je porte sont très différentes : je soutiens la cohésion sociale, l’innovation et je raisonne dans une logique collective. Je cherche les conditions d’une vie harmonieuse et respectueuse de tous, mais sans angélisme sur les questions de sécurité.

 

La cohésion sociale, c’est notre capacité à vivre ensemble et non dans des ghettos isolés. Notre politique de logement vise par exemple à permettre aussi aux classes moyennes et aux jeunes actifs de vivre aussi dans le 16e : policiers, auxiliaires de puériculture, infirmières, cadres intermédiaires qui travaillent à Paris ne doivent pas en être exclus. Regardez sur mon blog (thomaslauret.unblog.fr) les professions de ceux qui sont logés dans les logements sociaux inaugurés vendredi 25 octobre au 60-62 rue de Passy : on est loin des clichés véhiculés par les plus farouches opposants à ces projets ! C’est cela la mixité sociale. Un programme mixte (moitié privés, moitié sociaux, avec 3 niveaux de loyers) de 350 logements et une crèche de 60 berceaux sont bloqués depuis 6 ans Gare d’Auteuil. Ce n’est pas acceptable.

 

L’innovation, c’est aussi le développement de la voiture électrique à Paris, l’installation de bornes de recharge, la possibilité pour ces véhicules d’utiliser les voies de bus. Cette innovation - qui implique d’ailleurs un illustre habitant d’Auteuil, capitaine d’industrie - est au service de la qualité de l’air et de la lutte contre la pollution.

 

Le collectif, c’est notre capacité à prendre soin de nos enfants, par la poursuite de la création de crèches collectives, sujet somme toute assez consensuel. C’est aussi notre volonté d’accompagner nos aînés dans l’âge, et d’appuyer leurs aidants. La dépendance des personnes âgées et une priorité dans le 16e. Outre les établissements, il nous faut soutenir les aidants, souvent eux-mêmes âgés, par la mise en place de structures de répit susceptibles de prendre en charge les personnes dépendantes pendant quelques jours, et par le développement d’associations de soutien et de formation.

 

PdA : J'imagine, sans vouloir vous offenser, que vous n'espérez pas réellement prendre la mairie du 16e. Quels sont vos objectifs sur cette compétition, en termes de pourcentages, de nombre d'élus ?

 

T.L. : L’enjeu dans le 16e est le pluralisme. Depuis 1995, la mobilisation des électeurs a permis la représentation de nos valeurs au Conseil de Paris et au Conseil d’arrondissement du 16e. Mais, avec 17 % des suffrages exprimés en 2008, nous ne sommes que trois conseillers d’arrondissement sur 39, dont un conseiller de Paris sur 13. Or, le 16e a besoin de représentants de gauche et du centre gauche pour porter les projets d’amélioration de son cadre de vie, en coopération et non pas en opposition avec la mairie de Paris. Le 16e a besoin de relais progressistes locaux qui soient puissants. Et au niveau parisien, le 16e peut contribuer à la victoire d’Anne Hidalgo avec 1 ou 2 conseillers de Paris sur les 82 qui constituent la majorité absolue pour être élue maire.

 

Nous ferons progresser nos valeurs et convaincrons ceux qui sont tentés par l’abstention ou les votes extrémistes : le danger est réel de voir l’extrême droite, dont les thématiques sont parfois reprises par notre actuel maire d’arrondissement, nous enfermer pour longtemps dans des peurs stériles qui mèneraient à l’exclusion des plus faibles et à la violence.

 

PdA : J'aimerais désormais vous inviter à envisager ensemble Paris dans sa globalité, Paris dans toute sa complexité. Quel serait, le plus objectivement possible, le bilan que vous dresseriez des douze années de mandatures Delanoë-Hidalgo ?

 

T.L. : Beaucoup a été fait, et beaucoup reste à faire. Mais après deux mandats de Bertrand Delanoë, Paris s’est transformé et personne ne peut l’ignorer.

 

Paris a gagné 118 000 habitants depuis 1999 (-170 000 entre 1985 et 2000). Un Paris qui se repeuple, c’est un Paris dynamique : plus d’habitants et, donc, plus de structures d’accueil, crèches (+ 10 000 places), écoles, collèges, équipements culturels et sportifs.

 

70 000 logements sociaux auront été financés, permettant de loger 200 000 personnes. Un Paris qui favorise la mixité sociale, c’est un Paris solidaire qui préserve la diversité et lutte contre l’exclusion.

 

70 hectares d’espaces verts supplémentaires, + 8% d’arbres. Un Paris qui soigne le cadre et la qualité de vie, c’est un Paris où il fait bon vivre avec toujours plus d’espaces verts, d’espaces mixtes, des modes de transports modernes, moins de voitures, moins de pollution et plus de respiration.

 

Dynamisme démographique, justice sociale et cadre de vie forment désormais son identité, à des années-lumière de la période Chirac/Tiberi. Une ville en mouvement, créative et généreuse, ouverte sur les autres et sur le monde, une ville vivante qui avance avec confiance.

 

Le nouveau stade Jean Bouin, les pelouses d’Auteuil rendues aux promeneurs et aux sportifs, la renaissance de la piscine Molitor, le maintien des internationaux de tennis sur le site de la porte d’Auteuil et bien d’autres réalisations encore sont pour le 16e arrondissement autant d’illustrations de cette ambition d’un Paris pour tous... et pour longtemps.

 

PdA : Anne Hidalgo a récemment annoncé vouloir « créer un choc sur la chaîne du logement ». Un enjeu majeur, peut-être le tout premier, eu égard à son poids dans les dépenses des ménages parisiens, dans un contexte de saturation, d'extrême tension sur l'immobilier. Outre la création annoncée d'une agence  publique privée, quelles réponses apporterez-vous à cette problématique pour en être à la hauteur et espérer véritablement changer la donne ? La réorientation de l'urbanisme parisien au profit de l'édification de tours d'habitations pourrait-elle constituer une piste sérieuse ?

 

T.L. : La réponse apportée par Anne Hidalgo est très innovante : l’Insee évalue à 7,8 % le nombre de logements vacants à Paris. Parmi ceux-ci, certains sont occupés occasionnellement mais d’autres pourraient être remis sur le marché moyennant la prise en charge de travaux de remise en état par cette agence et le versement de redevances au propriétaire. Il faut tenter cette solution.

 

Je ne suis pas convaincu de la pertinence des tours d’habitation qui ont quelques désavantages en termes d’entretien, de charges et de sécurité. En revanche, je pense que le modèle haussmannien de six étages qui s’expliquait par l’absence d’ascenseur a vécu et que dans certains nouveaux quartiers délimités, comme à Batignolles, il serait bon de prendre un peu de hauteur.

 

Il faut parallèlement simplifier le Code de l’urbanisme, dont certaines règles contradictoires favorisent les recours abusifs. C’est la tâche du gouvernement.

 

PdA : Où en sont vos réflexions sur ce que devrait être, à terme, le travail en commun et en communauté de Paris avec ses voisines ? En sept mots comme en cent : quelle est votre vision du "Grand Paris" ?

 

T.L. : La question du logement doit être aussi envisagée au niveau du Grand Paris, qui disposera de cette compétence. Le plus grand potentiel de terrains constructibles et de densification se situe en effet dans les communes périphériques.

 

Le Grand Paris, c’est aussi l’occasion de créer une identité commune entre les habitants de Paris et de la petite couronne, d’effacer la frontière du périphérique. L’histoire du 16e, rattaché à Paris en 1860, est dailleurs aussi l’histoire réussie d’un agrandissement de Paris. Il faut donc regarder le Grand Paris avec optimisme.

 

PdA : Quelles questions, quel message souhaiteriez-vous adresser à Nathalie Kosciusko-Morizet à l'occasion de cette interview ?

 

T.L. : Comment peut-elle prétendre porter la volonté de créer du logement social et être alliée au maire du 16e arrondissement qui finance depuis des années une lutte virulente contre les logements sociaux ?

 

PdA : Ne craignez-vous pas, en ces temps d'impopularité très marquée pour l'exécutif national, de subir les effets d'un vote en partie détourné de son objet premier, un vote "sanction" à la faveur duquel Paris risquerait de vous échapper ? Qu'aimeriez-vous dire aux Parisiennes et aux Parisiens pour les convaincre de ce que leur intérêt résiderait dans le vote "Thomas Lauret" pour le 16ème, dans l'élection d'Anne Hidalgo à l'Hôtel de Ville ?

 

T.L. : L’élection de mars 2014 est celle du maire et de son conseil. Il ne s’agit pas de désigner le gouvernement. Les Parisiens savent ce que le maire de Paris a fait pour le cadre de vie et la cohésion sociale et l’importance de son rôle dans la dynamisation de la cité. Je veux que le dynamisme que Bertrand Delanoë a insufflé à la ville se poursuive et que les habitants du 16e en bénéficient.

 

Ils ne sont d’ailleurs pas dupes de la posture populiste du maire d’arrondissement qui, en instrumentalisant les questions sécuritaires, s’adresse malheureusement plus souvent à nos pulsions qu’à notre intelligence.

 

Je crois que les habitants du 16e méritent le respect, la sincérité et la proximité. Cela passe aussi par le non-cumul des mandats entre député et maire. C’est notre culture politique, et c’est cela qui fait de Paris une ville beaucoup plus belle et respectée qu’elle ne l’était en 2001 à la fin du mandat de Tibéri, mandat pendant lequel Claude Goasguen était adjoint au maire.

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci !

 

T.L. : Je vous remercie de votre écoute et du sérieux de vos questions. Cette campagne dans le 16e a d’autant plus de sens que nos valeurs sont encore peu représentées. Je vous remercie de vous en faire l’écho.

 

Thomas Lauret 2

(Avec Pierre-Alain Weill et Audrey Keysers, rue de l'Annonciation, le 27 octobre 2013.)

 

 

Merci à vous, Thomas Lauret, pour vos réponses, pour votre implication. Si Claude Goasguen ou un de ses proches souhaite réagir, il est le bienvenuEt vous, que vous inspire l'élection municipale parisienne ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Vous pouvez retrouver Thomas Lauret...

 

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