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Paroles d'Actu
15 septembre 2014

Edwige Camp-Pietrain : "Le Royaume-Uni n'a jamais constitué un État-nation"

   La semaine qui s'ouvre sera, plus personne n'en doute, l'une des plus cruciales qu'aura connues le Royaume-Uni dans son histoire contemporaine. "L'Écosse doit-elle devenir indépendante ?" : bien aventureux, celui qui, à cette heure, serait prêt à parier lourd sur l'issue de cette consultation locale, dont on sait d'ores et déjà qu'elle sera acceptée et validée par le parlement et le gouvernement britanniques. Trois jours avant le vote, les sondages sont capables de nous dire deux choses : la question passionne et est prise très au sérieux ; le résultat sera très serré.

   Edwige Camp-Pietrain a accepté de répondre aux trois questions que je lui ai adressées, je l'en remercie. Professeur de civilisation britannique à l'Université de Valenciennes, elle est une spécialiste éminente de la thématique de l'autonomie/indépendance écossaise et des rapports qu'entretiennent Londres et les communautés identifiées qui composent le Royaume. Son dernier ouvrage, L'Écosse et la tentation de l'indépendance : Le référendum d'autodétermination de 2014, est paru au mois d'avril aux Presses universitaires du Septentrion. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

EDWIGE CAMP-PIETRAIN

Professeur à l'Université de Valenciennes

 

« Le Royaume-Uni n'a jamais

constitué un État-nation »

 

Parliament's 1707 Act of Union

The Parliamentary Union of England and Scotland, 1707

(Walter Thomas Monnington)

 

Q. : 13/09/14 ; R. : 14/09/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Edwige Camp-Pietrain. Lors du référendum qui se tiendra le 18 septembre prochain, le peuple écossais se prononcera sur cette question cruciale : préservation de l'Union britannique ou indépendance ? En tout état de cause, le résultat sera serré, très serré...

Voulez-vous nous rappeler ce que furent, au moment de son entrée en vigueur, en 1707, les arguments qui présidèrent à la ratification par les parlements anglais et écossais de l'Acte d'Union, acte fondateur du royaume de Grande-Bretagne ?

 

Edwige Camp-Pietrain : Le traité d'Union de 1707 a été signé pour des raisons religieuses (conserver une succession protestante) et économiques (assurer à l'Écosse l'accès au marché et aux colonies de l'Angleterre). Il a été encouragé par la reine Anne. Il reposait sur une fusion des Parlements anglais et écossais pour former le Parlement britannique.

 

Les Écossais ont pu négocier avec les Anglais et obtenir des avantages substantiels : la protection du statut de leur Église établie (l'Église d'Écosse), le maintien de leurs propres systèmes éducatif et judiciaire), la soumission aux mêmes règles économiques et fiscales que les Anglais. En échange, les Anglais se sont assurés de l'exclusion des catholiques de la Succession.

 

PdA : On s'est beaucoup interrogé, ces derniers jours, sur les conséquences qu'un "oui" pourrait avoir pour l'Écosse, notamment sur les plans économique et financier. J'aimerais vous demander de me dire ce que sont celles que vous entrevoyez pour Londres dans cette hypothèse-là ?

À quoi ressemblerait, demain, ce pays dont j'imagine qu'il devrait changer de nom (« Royaume-Uni d'Angleterre, du Pays de Galles et d'Irlande du Nord » ?) et de drapeau, composer avec un prestige amplement diminué et l'exacerbation de ses autres particularismes intérieurs ?

 

E.C.-P. : Les conséquences pour le reste du Royaume-Uni seraient multiples :

- pertes de revenus, notamment parce que le pétrole et le gaz de la mer du Nord se trouveraient dans des eaux écossaises. Le Royaume-Uni ne percevraient plus les taxes des sociétés pétrolières. Il se priverait aussi de recettes à l'exportation.

- risques d'instabilité financière autour de la question de la monnaie et des garanties pour les établissements financiers, car Edimbourg est un grand centre financier qui compte deux des plus grandes banques britanniques et diverses sociétés dont la plupart des clients sont anglais. Il faudrait maintenir la confiance dans la période de transition. Le gouvernement britannique ne veut pas négocier une union monétaire avec l'Écosse indépendante, car il craint de devoir soutenir un État fragile. Mais au quotidien, les économies sont étroitement imbriquées et tout changement de monnaie en Écosse perturberait l'activité dans le reste du Royaume-Uni.

- affaiblissement sur la scène internationale : risque de remise en cause du siège britannique au Conseil de Sécurité de l'ONU, de suppression des dérogations au sein de l'UE (comme le rabais sur sa contribution au budget).

- coût du déplacement des armes nucléaires qui se trouvent stationnées en Ecosse, car les indépendantistes refusent de les conserver sur leur sol.

 

PdA : Vous avez beaucoup travaillé sur les questions touchant au réveil des particularismes identitaires, aux moyens entrepris par les parlements nationaux pour tenter d'y répondre. Ce phénomène ne concerne pas uniquement le Royaume-Uni, loin s'en faut : je pourrais citer, en Europe, la Catalogne et le Pays basque, en Espagne ; la Flandre, en Belgique, etc.

Est-ce que la recrudescence du fait identitaire régional nous dit quelque chose de l'état, précisément, de ces États-nations tels que constitués à partir de l'époque moderne ?

 

E.C.-P. : Le Royaume-Uni n'a jamais constitué un État-nation ; c'est un État d'Union, créé par des associations successives de territoires : le pays de Galles a été incorporé en 1536, l'Écosse a signé un traité d'Union en 1707 et l'Irlande a fait de même en 1801, après avoir été une colonie. Puis l'Irlande est devenue indépendante en 1921, tandis que l'Irlande du Nord bénéficiait d'une dévolution du pouvoir jusqu'en 1973. De nouvelles formes de dévolution ont été accordées à l'Écosse, au pays de Galles et à l'Irlande du Nord en 1999. De plus, il n'y a jamais eu d'uniformité dans le statut de chacune de ses composantes, qu'il s'agisse des unions de 1707/1801 ou des dévolutions en vigueur depuis 1999.

 

 

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Vous pouvez retrouver Edwige Camp-Pietrain...

 

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