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Paroles d'Actu
20 avril 2015

Pascal Cyr : "N'en déplaise aux Britanniques, ce fut Blücher qui vainquit à Waterloo"

   Le 18 juin prochain marquera, outre le 75ème anniversaire du fameux cri de ralliement que lança, depuis Londres, le général de Gaulle aux forces françaises désireuses de continuer la lutte contre l’Allemagne nazie, le bicentenaire d’une bataille épique, tragique et fondatrice d’un nouvel ordre européen - donc mondial. Revenu au pouvoir après un périple appelé à s’inscrire à jamais parmi les pages les plus romanesques de lhistoire nationale, Napoléon comprit fort bien que les couronnes européennes qui l’avaient combattu sans relâche des années durant n’étaient en rien disposées à le tolérer sur le trône à peine restauré d’un des leurs; qu’il ne pouvait être des plans tout juste conçus à Vienne d’une Europe de l’équilibre et de la conservation. LEmpereur connaissait l’état de fatigue de la France; il savait que, face à une ultime coalition des mers et du continent contre lui, il n’avait aucune chance de l’emporter. Son seul espoir : jouer contre la montre. Des victoires rapides et décisives contre des armées pas encore réunies pour pallier une infériorité numéraire criante. Après, il pourrait négocier. L’Autriche et la Russie ne seraient pas prêtes avant plusieurs semaines. Restaient les Prussiens et les Anglais, toujours les Anglais... La confrontation décisive se tiendra à Waterloo, en terre belge, le 18 juin 1815...

   La thèse de doctorat de M. Pascal Cyr, intitulée Waterloo : origines et enjeux, a été publiée en 2011 aux éditions LHarmattan. Le 4 mai, son nouvel ouvrage, Grouchy est-il responsable de la défaite ? sortira en librairie (éd. Lemme edit). Début février, je lui ai demandé s’il accepterait d’écrire un article inédit pour le blog. Au départ, l’idée était d’évoquer la place de Waterloo, qui marque la fin de la prépondérance française en Europe, dans la psyché nationale. Puis nous avons convenu d’une alternative mutuellement considérée comme étant plus intéressante : une chronique mise en perspective de la prise de la Haye-Sainte, un point capital - et méconnu - de la bataille, qu’il a relativement peu traité dans son livre. Son texte, dont j’espère qu’il agira comme un trailer pour son ouvrage, m’est parvenu le 19 avril. Il est passionnant pour qui s’intéresse à la tactique et à lhistoire militaires, à l’Histoire tout court. Et aux grandes tragédies. Merci mille fois, M. Cyr, pour cette contribution d’exception. Une exclusivité Paroles dActu. Par Nicolas Roche.

 

PAROLES DACTU - LA PAROLE À...

Pascal Cyr : « N’en déplaise aux Britanniques,

ce fut Blücher qui vainquit à Waterloo »

 

Waterloo

 

« La Haye-Sainte, là où la bataille de Waterloo aurait pu être gagnée »

par M. Pascal Cyr, docteur en Histoire et enseignant

 

Au matin du 18 juin, dans son quartier général du Caillou, Napoléon établit son plan de bataille. Très simple comme toujours, il explique à ses subordonnés qu’il compte percer au centre. Mais pour forcer Wellington à dégarnir le centre de son dispositif, il compte effectuer une diversion sur la gauche où se situe la ferme fortifiée de Hougoumont. À ces mots, [le maréchal] Soult reste dubitatif. Il connaît bien le Mont-Saint-Jean puisqu’il s’est battu au même endroit en 1794. Mais à l’époque, si l’armée française l’avait pris d’assaut et repoussé les Autrichiens, il sait que les soldats anglais sont d’une tout autre trempe. Comme il réitère ses observations à Napoléon, celui-ci s’emporte et lui rétorque : « Parce que vous avez été battu par Wellington, vous le regardez comme un grand général. Et, moi, je vous dis que Wellington est un mauvais général, que les Anglais sont de mauvaises troupes, et ce sera l’affaire d’un déjeuner. » Si Napoléon sous-estime grandement les qualités professionnelles de l’ennemi, il en est de même de la position qu’il a choisie. Wellington s’est retranché derrière le plateau du Mont-Saint-Jean. Son dispositif de défense repose sur trois fermes fortifiées : Hougoumont, sur la gauche, Papelotte, sur la droite et la Haye-Sainte, au centre. Quelques minutes plus tard, alors que Napoléon donne ses instructions, le général Reille, commandant du 2e corps d’armée et Jérôme Bonaparte, le frère de l’empereur, entrent au QG du Caillou. Napoléon se retourne vers le premier afin de lui demander son avis sur l’armée anglaise. Vétéran des guerres d’Espagne, Reille connaît lui aussi la solidité des soldats anglais.

 

« Bien posté comme Wellington sait le faire, et attaqué de front, je regarde l’infanterie anglaise comme inexpugnable en raison de sa ténacité calme et de la supériorité de son tir. Avant de l’aborder à la baïonnette, on peut s’attendre que la moitié des assaillants sera abattue. Mais l’armée anglaise est moins agile, moins souple, moins manœuvrière que la nôtre. Si l’on ne peut vaincre par une attaque directe, on peut le faire par des manœuvres. »

 

Mais Napoléon ne fait pas attention aux observations de Reille et de Soult. À 11 h 30, il lance les hostilités. La grande batterie, composée de 80 canons, ouvre le feu sur les positions anglaises. Le général Reille lance ses troupes contre Hougoumont. Très vite, le boisé qui couvre la position anglaise est conquis. Or, Jérôme Bonaparte, qui commande la 6e division, décide de lancer ses troupes à l’assaut de la ferme. En ce sens, il désobéit aux ordres du général Reille. Depuis les hauteurs des murs et derrière les meurtrières qu’ils y ont préalablement percées, les Anglais ripostent furieusement. Les pertes sont lourdes. Après deux assauts, Jérôme comprend qu’il ne lui sera pas possible d’emporter la position. Même si le général Foy s’empare du verger sur la droite, même si Hougoumont est bombardée et incendiée, les Anglais ne cèdent pas. De son côté, Wellington n’a pas mordu à l’hameçon tendu par Napoléon. Il reste sur ses positions.

 

  1. Premier assaut contre la Haye-Sainte

 

À 13 h 30, Napoléon lance le corps de Drouet-d’Erlon à l’attaque. Formés en phalange, les hommes marchent vers le centre anglais. Seule la brigade du général Quiot est légèrement détachée de la phalange afin de se porter sur la gauche vers la ferme de la Haye-Sainte. C’est la première unité qui entre au contact de l’ennemi. Comme à Hougoumont, la ferme est fortifiée. Il aurait fallu battre en brèche les murailles or, Napoléon et l’état-major ont opté pour un bombardement des lignes anglaises. Par conséquent, Quiot et ses hommes se butent à la résistance opiniâtre de la King’s German Legion commandée par le major Baring. Malgré la grêle de projectiles qui s’abat sur eux, les hommes de Quiot tiennent bon et repoussent les compagnies allemandes qui sont en position dans le verger situé devant la ferme. Entre-temps, un bataillon de la brigade contourne le bâtiment principal, escalade le mur du potager et déloge les défenseurs qui battent en retraite vers les dépendances. Depuis sa position à l’ouest de la route de Bruxelles, Wellington constate que les Français entourent la ferme. Il comprend la réelle possibilité de voir cette position clef tomber entre leurs mains. Inquiet pour l’ensemble de son dispositif de défense, il ordonne au général Ompteda d’envoyer un autre bataillon de la K.G.L au major Baring afin qu’il puisse repousser les assaillants.

 

Les Allemands descendent la pente par la gauche et chassent les hommes de Quiot du potager. Ils poursuivent plus en avant afin de s’avancer vers le verger. C’est à ce moment qu’ils sont chargés par les cuirassiers du général Travers détaché du corps de Milhaud par l’Empereur afin de soutenir l’infanterie. Sabrés par la cavalerie, les soldats allemands doivent battre en retraite et rejoindre le plateau. Du même souffle, les cuirassiers les poursuivent jusqu’au bord de ce même plateau et sabrent les tirailleurs de la brigade du général Kielmansegge. Malgré cette belle action des cuirassiers de Travers, la Haye-Sainte reste aux mains des troupes de Wellington. Certes, le duc a fait décimer un bataillon, mais il a réussi à gagner du temps, ce qui manque le plus à Napoléon. Pendant que la brigade Quiot se bat autour de la Haye-Sainte, le corps d’armée de Drouet d’Erlon marche aux cris de « Vive l’Empereur » vers les positions anglaises. Leurs batteries ripostent et provoquent des pertes sensibles dans les rangs français. Néanmoins, les artilleurs anglais ne peuvent ajuster le tir de façon précise puisque les canons français opèrent eux-mêmes un tir de contrebatterie.

 

Mais les évènements commencent à mal tourner. Si Drouet d’Erlon progresse, les rangs qui composent sa phalange s’emmêlent et la confusion s’installe. Alors que les troupes de Picton résistent, Wellington lance la cavalerie qui attaque les Français par les flancs. Devant l’impossibilité de se former en carré, c’est la débandade. Les cavaliers poursuivent les fuyards jusqu’à la grande batterie, mais Napoléon fait intervenir les lanciers et la cavalerie anglaise, notamment les Scots Greys et les Life Guard, est presque décimée. Tout doit être recommencé. La situation est d’autant plus critique que les Prussiens sont signalés sur la droite, à Chapelle-Saint-Lambert.

 

  1. Deuxième assaut et prise de la Haye-Sainte

 

Alors que la brigade Quiot est toujours engagée devant la Haye-Sainte, la grande batterie intensifie le rythme de son tir sur les positions anglaises. À ce moment, les choses semblent mal tourner pour Wellington. Les blessés et les morts s’accumulent, les caissons de munitions se vident et de nombreux fuyards gagnent la forêt de Soignes par la route de Bruxelles. Afin de soustraire son armée aux tirs dévastateurs de l’artillerie française, Wellington ordonne à ses officiers de la faire reculer de cent pas. De l’autre côté de la plaine, alors qu’il observe le mouvement de repli de l’armée anglaise, Ney croit que Wellington se retire. Il estime que le temps est venu de lancer une charge de cavalerie. C’est à ce moment que survient l’un des épisodes les plus curieux de la bataille de Waterloo, car la question qui demeure consiste à savoir si l’Empereur était informé des intentions de Ney.

 

Selon le général Delort, l’aide de camp du maréchal s’est rendu auprès du général Farine pour lui ordonner de mettre ses deux régiments en marche. C’est alors que Delort intervient pour faire stopper le mouvement : « Nous n’avons d’ordre à recevoir que du comte Milhaud. » Très irrité de ne pas voir les cuirassiers se mettre en marche, Ney se rend lui-même auprès du général Delort et lui ordonne à nouveau de se mettre en marche. Delort objecte que cette manœuvre est prématurée et fort imprudente. Ney lui répond qu’il s’agit des ordres de l’Empereur. Suivies des lanciers rouges et des chasseurs à cheval de la Garde, les deux divisions de cuirassiers, soit 6000 cavaliers environ, partent au grand trot vers les lignes anglaises. Bien que l’Empereur ait eu l’intention de faire exécuter une charge de cavalerie pour briser définitivement l’armée anglaise, il n’a pas donné l’ordre à Ney de s’exécuter, mais contrairement à ce que certains disent, il est impossible que le déploiement d’une telle masse de cavaleries se soit effectué à son insu. Donc, même si l’initiative vient de Ney, Napoléon l’a sans doute approuvée puisqu’il n’a pas tenté de l’arrêter. Tout indique qu’ils ont tous deux sous-estimé la position de Wellington, car, dans le mémorial, Napoléon sous-entend que Murat aurait très certainement pu enfoncer les carrés anglais, ce qui jette le discrédit sur le maréchal Ney.

 

« Je ne me crus pas assez puissant pour l’y maintenir, et pourtant il nous eût valu peut-être la victoire; car que nous fallait-il dans certains moments de la journée ? Enfoncer trois ou quatre carrés anglais; or Murat était admirable pour une telle besogne; il était précisément l’homme de la chose; jamais à la tête d’une cavalerie on ne vit quelqu’un de plus déterminé, de plus brave, d’aussi brillant. »

 

Ney s’élance à la tête de la cavalerie dont les escadrons sont disposés en échelon, les cuirassiers à droite, les chasseurs et les chevau-légers à gauche. Il va tenter de percer le front ennemi entre le chemin d’Ohain et la ferme d’Hougoumont. Depuis les hauteurs qui dominent la plaine, les Anglais ne s’inquiètent pas outre mesure. Ils savent que la cavalerie française, sans appui de l’infanterie, n’a que très peu de chance d’entamer des bataillons qui n’ont pas encore été ébranlés. Wellington fait intervenir ses réserves et toutes les batteries pointent sur les cuirassiers considérablement ralentis par les terres grasses et détrempées. À ce moment, plus de vingt bataillons forment deux lignes de carré qui se positionnent en échiquier. Alors que Ney fait accélérer le mouvement, les canons anglais augmentent la cadence de tir. Alternant les tirs de shrapnels, de boulets ramés, de boulets ronds et de paquets de mitraille, les artilleurs anglais creusent des brèches béantes à l’intérieur des escadrons français. Sans se soucier des pertes, Ney et ses cavaliers réussissent à aborder les canons anglais et à sabrer les canonniers. L’artillerie se tait, mais les cuirassiers font maintenant face aux carrés. Disposés sur trois rangs, ne laissant aucune ouverture, les Anglais ouvrent le feu. Les balles frappent et ricochent sur les cuirasses, ce qui rappelle, selon les témoins de l’époque, le bruit de la grêle qui ricoche sur la tôle. Mais en dépit de leur vaillance et de leur rage de vaincre, les cavaliers français ne sont pas en mesure d’enfoncer les lignes anglaises. L’élan initial étant passé, ils doivent se contenter de tourbillonner autour des carrés afin d’y chercher une ouverture. Entre 15 h et 17 h, Ney a fait attaquer le plateau à quatre reprises sans obtenir d’autres résultats que de faire massacrer ses cavaliers.

 

De par son impétuosité à vouloir percer les lignes anglaises, Ney a oublié l’objectif principal, la ferme de la Haye-Sainte. Obéissant aux ordres de Napoléon, après avoir fait décimer sa cavalerie, le fougueux maréchal repart en avant et entraîne avec lui le 13e léger de la division Donzelot ainsi qu’un détachement du 1er régiment du génie qui se lance contre la ferme. À l’abri derrière les murs, à l’aide des meurtrières, les hommes du major Baring tirent sans discontinuer sur les assaillants. En quelques minutes, plus de soixante-dix Français tombent sous leurs feux. Les corps s’entassent en tas au pied du mur est. Sans échelles, les soldats de Donzelot grimpent sur les morts pour escalader l’obstacle. Depuis le sommet du mur, ils fusillent les chasseurs de Baring qui sont dans la cour tandis que d’autres se hissent sur le toit de la grange. Au même moment, de l’autre côté de la ferme, un détachement français s’attaque à la porte principale qui cède sous les coups de hache des soldats. Ceux-ci pénètrent dans la cour et acculent les Allemands aux bâtiments. Sans munitions, ceux-ci chargent à l’arme blanche.

 

Avec quarante-deux soldats, Baring réussit à s’extirper de la ferme pour rejoindre le plateau du Mont-Saint-Jean. Profitant de l’avantage, Ney fait établir une batterie à cheval sur un monticule près de la Haye-Sainte et d’un même élan, il dépêche un régiment à côté de la sablonnière toujours défendue par le 95e régiment anglais. Sous le feu de la batterie et des restes des divisions Allix, Donzelot et Marcognet, les hommes du 95e doivent abandonner leurs positions. À l’autre extrémité du champ de bataille, Durutte et ses hommes reviennent à la charge et repousse les Nassauviens du Prince de Saxe-Weimar. La ferme de Papelotte est de nouveau assiégée.

 

Dès lors, après la conquête de la Haye-Sainte vers 18 h, la ligne anglaise menace de s’effondrer. Les divisions sont rendues à l’état de brigades, et les brigades à l’état de compagnies. Sur le centre gauche de la ligne anglaise, les brigades Kempt, Pack, Lambert, Best et Winke tiennent toujours, mais Wellington n’a plus de réserve à lancer dans la bataille. Faute de servants et de pièces en état, l’artillerie ne tire presque plus tandis que les fuyards abandonnent le champ de bataille par centaines. Quant à la cavalerie, elle n’est guère mieux lotie que celle des Français, ses pertes sont énormes et ses chevaux sont fourbus.

 

Les officiers accourent auprès de Wellington afin de lui demander des ordres, mais ne sachant trop quoi faire, il se contente d’ordonner aux troupes de mourir sur place. S’il voit les Prussiens débouler sur le champ de bataille en direction de Plancenoit, ceux-ci n’arrivent pas à percer le flanc droit de l’armée française, ce qui n’atténue en rien son état d’anxiété de plus en plus persistant. De son côté, voyant la ligne anglaise vaciller, Ney réclame le soutien de l’infanterie pour donner le coup de grâce. Lorsqu’il reçoit le message porté par le colonel Heymes, Napoléon s’écrie : « Des troupes ! Où veut-il que j’en prenne ? Voulez-vous que j’en fasse ? » Or, Napoléon dispose toujours des bataillons de la Vieille Garde en réserve, mais sans cavalerie pour les appuyer, il hésite avant d’engager l’élite de l’armée. De plus, les soldats de Bülow mettent davantage de pression du côté de Plancenoit. Il lui faut d’abord stabiliser la droite avant de tenter un nouvel assaut.

 

  1. Les Anglais reprennent la Haye-Sainte

 

Avec des éléments de la Jeune Garde et de la Vieille Garde commandées par le général Duhesme, Napoléon réussit à contenir les Prussiens à Plancenoit. À 19 h, il en profite pour lancer la Garde contre Wellington afin de porter le coup décisif. Empruntant la même route que la cavalerie deux heures plus tôt, les Grognards marchent sur un sol labouré et encombré de cavaliers et de chevaux morts. Leur progression s’en retrouve par conséquent ralentie, ce qui permet à Wellington de gagner du temps afin de ramener au centre tous les bataillons qui lui restent. Alors que les grognards progressent avec assurance vers le sommet du plateau, Wellington donne l’ordre de passer à la contre-offensive. Sous les tirs anglais, les divisions Allix, Donzelot et Marcognet, du moins ce qui en reste, perdent pied et se retirent vers la Haye-Sainte. Appuyée par l’artillerie de la grande batterie, la Garde, enveloppée par la fumée, entreprend l’ascension du versant. Lorsqu’ils apparaissent au sommet du plateau, les grognards sont happés par un violent tir de mitraille.

 

Afin de faire face, ils se déploient en échelon et culbutent deux bataillons de Brunswick ainsi que les 30e et 73e régiments de la brigade du général Halkett, lui-même blessé en tentant de rallier ses hommes. Ce sera le seul succès de la Garde, car dès cet instant, elle tombe sur la brigade du général Maitland, alors embusqué dans les blés. Lorsque les grognards surgissent au sommet de la crête, Wellington, qui se tient près de Maitland, lui donne l’ordre d’ouvrir le feu. Aussitôt, près de trois cents hommes sont fauchés par les balles. Au même moment, lord Saltoum, lieutenant-colonel du 1er Foot Guard, ordonne à ses hommes d’attaquer à la baïonnette. Mais les grognards n’abandonnent pas le terrain aussi facilement. Ils reculent pied à pied vers le verger d’Hougoumont. C’est à ce moment que le 3e chasseur de la Garde reçoit le renfort de l’unique bataillon du 4e chasseur alors en position sur la gauche. Cette intervention permet au 3e chasseur de se soustraire au feu des hommes de Maitland. Les bataillons se reforment et les grognards reviennent à l’assaut. Mais, saisissant l’instant décisif, le lieutenant-colonel Colborne arrive à propos avec le 52e en soutien. Formés en potence avec la brigade Maitland, ils tirent sur les flancs du 3e chasseur et les chargent à la baïonnette.

 

Wellington fait soutenir Colborne par le 95e Rifles. Accablés de toutes parts, les chasseurs doivent revenir en arrière. Le duc profite de ce moment afin de déstabiliser la Garde et l’empêcher de reformer ses rangs. Il ordonne à la brigade du général Adam ainsi qu’à la cavalerie de Vandeleur de soutenir Halkett. Au moment où les grognards amorcent un nouveau mouvement de repli, le cri fatidique circule d’un bout à l’autre du champ de bataille : « La Garde recule ! » Tous savent que la bataille est perdue, car de gauche à droite, le mouvement de recul gagne toute la ligne de front. À la vue des troupes de Ziethen au lieu de celles de Grouchy, les soldats s’estiment trahis, c’est le sauve-qui-peut général. L’infanterie de Reille bat en retraite et abandonne ses positions près d’Hougoumont. Au même moment, la Haye-Sainte est abandonnée. Elle est reprise par les Anglais vers 20 h.

 

L'assaut de la Haye-Sainte

L'assaut de la Haye-Sainte, par Richard Knotel

 

  1. Conclusion

 

Sous la pression des Prussiens et de ce qui reste de l’armée anglaise, l’armée française s’effondre. C’est la déroute. Napoléon quitte le champ de bataille vers 21 h 15. Dans la précipitation, ses bagages seront pris. Il laisse sur le terrain 7000 morts, 18 000 blessés et 7000 prisonniers. Devant l’ampleur du désastre, la Chambre des représentants, conduite par Fouché, demande son abdication. Il s’exécute le 22 juin.

 

Au cours de cette journée où les erreurs se sont enchaînées, Napoléon, lors de la prise de la Haye-Sainte vers 18 h tenait la victoire du bout des doigts. Les Anglais étaient sur le point de céder. À cette heure, Wellington sait que si les Prussiens n’arrivent pas en masse sur le champ de bataille, il devra ordonner la retraite. Les officiers et les hommes de troupe sont démoralisés, les fuyards se multiplient dans la forêt de Soignes, sa cavalerie est presque décimée et son artillerie, sans pièces et sans servants, est réduite au silence. Il suffisait à Napoléon de donner le coup de grâce. Mais, comme une bouffée d’oxygène, Blücher est arrivé sur le champ de bataille. Napoléon a dû parer à cette menace du côté de Plancenoit. Un temps précieux perdu par l’empereur que Wellington a mis à profit afin de renforcer son centre. Lorsque la Garde attaque les Anglais vers 19 h, progressant entre La Haye-Sainte et Hougoumont, il est trop tard. Il n’est plus possible de percer. Ainsi, quoi qu’en disent certains auteurs britanniques, Blücher a sauvé l’armée anglaise de la défaite et par conséquent, il est le véritable vainqueur de la bataille de Waterloo.

 

Pascal Cyr

Photo : Marianne Deschênes

 

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