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Paroles d'Actu
26 avril 2016

« Le secrétaire général de l'Élysée, concurrent du Premier ministre ? », par C. Armand et R. Bongibault

César Armand et Romain Bongibault, deux jeunes journalistes politiques (à visiter : le site du premier, le blog du second) viennent de publier, chez Fayard, Dans l’ombre des présidents, un ouvrage qui s’intéresse - l’initiative est heureuse car rare - au personnage méconnu mais hautement stratégique qu’est le secrétaire général de la présidence de la République ; s’il était un vice-président dans nos institutions, sans doute serait-il cet homme-là. Il est sur le papier et, souvent dans les faits, le premier des collaborateurs du Président et le patron de l’appareil élyséen. J’ai souhaité inviter MM. Armand et Bongibault à rédiger pour Paroles d’Actu un texte inédit autour de cette problématique qui se pose naturellement : « Le secrétaire général de l’Élysée, concurrent du Premier ministre ? ». Et les ai conviés au jeu de l’interview. Je les remercie d’avoir accepté ces propositions ; également pour nos échanges, fort agréables. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche.

 

Partie I : l’article

« Le secrétaire général de l’Élysée,

concurrent du Premier ministre ? »

Le secrétaire général de la présidence de la République, de par sa situation géographique au Palais, est le premier conseiller politique du chef de lÉtat. La proximité du monarque présidentiel est si forte qu'il peut sy brûler les ailes...

« La difficulté principale, c’est que c’est une difficulté de tous les instants. Il faut tout le temps anticiper et imaginer. C’est un défi sarkozyste, si j’ose dire. Nicolas Sarkozy est quelqu’un qui va beaucoup sur le terrain et qui s’exprime beaucoup. », témoigne Claude Guéant. Même si le Premier ministre est censé « déterminer et conduire la politique de la Nation », selon l’article 20 de la Constitution de la Vème République, le secrétaire général de la présidence est aux premières loges quand il s’agit de définir et de guider la ligne politique du chef de l’État et de son gouvernement.

Le chiraquien Philippe Bas confirme l’expérience de son successeur pour l’avoir expérimentée en temps de cohabitation  : « Il fallait s’appuyer sur les éléments qui soient au niveau d’un président de la République et non au niveau d’un gouvernement, c’est-à-dire uniquement des éléments fondamentaux. Il faut que le conseiller s’adapte aux circonstances. »

Des circonstances parfois cocasses, quand le chef de l’État fait céder le Premier ministre de cohabitation sur le terrain psychologique : « Jacques Chirac est en train d’essayer d’arrêter de fumer. Et, une des premières fois où il y arrive, François Mitterrand, avec une certaine forme de sadisme, dit : "Apportez un cendrier pour Monsieur le Premier ministre !" - lequel ne peut se retenir de fumer. Là aussi, vous voyez le rapport de forces psychologique. », se souvient Jean-Louis Bianco, champion toutes catégories confondues des secrétaires généraux.

Le giscardien François de Combret ne dit pas autre chose : « C’est d’organiser la vie et le travail du Président. C’est un poste de majordome. C’est un poste de chambellan, j’allais dire de valet de chambre en chef. (Vous avez beau être "secrétaire", vous pouvez être "général") ». Autre acteur de l’époque, Claude Pierre-Brossolette se définit d’ailleurs comme le confesseur de ministres : « Les ministres orphelins, car détestés par Jacques Chirac [Premier ministre], je m’en occupais, j’étais un peu leur nounou. »

Edouard Balladur arrive, lui, sans le savoir, dans la dernière année du mandat présidentiel de Pompidou : « Il m’a souvent été reproché d’avoir exercé un pouvoir excessif. Si je l’ai fait, c’est parce que le Président me l’avait demandé en me disant qu’il me faisait confiance, quitte pour moi à lui parler de l’essentiel et à lui rendre un compte précis des événements. Si j’ai pu le faire, c’est en raison aussi de mes excellentes relations avec le Premier ministre Pierre Messmer, pour qui j’ai toujours eu beaucoup d’estime et de respect, sans jamais connaître avec lui ni désaccord ni rivalité. »

par César Armand et Romain Bongibault, le 18 avril 2016 

 

Partie II : l’interview

« À l’Élysée, quand on considère le "secrétaire général",

les deux mots sont d’égale importance »

 

Dans l'ombre des présidents

Dans l’ombre des présidents (Fayard, mars 2016)

 

Quelle est l’histoire de ce livre : pourquoi avez-vous eu envie de vous intéresser, au point de leur consacrer une longue enquête, aux secrétaires généraux de l’Élysée ?

César Armand : Personnellement, j’avais rédigé un mémoire sur la communication présidentielle sous la Vème République à Paris-Dauphine et, devenu journaliste politique, j’avais envie de creuser ce sujet. J’en ai parlé à Romain.

Romain Bongibault : En janvier 2014, nous nous sommes retrouvés à une table-ronde informelle sur l’intérêt général avec notamment Frédéric Salat-Baroux. Nous nous sommes dit qu’il fallait écrire sur cet homme de l’ombre dont nous ne connaissions, comme tout le monde, que la version du « type sur le perron » qui, une fois par an, cite les noms des ministres.

 

La composition de votre ouvrage a-t-elle été difficile ? Les intéressés ont-ils été, globalement, facilement accessible d’une part, ouverts à des confidences d’autre part ?

C.A. et R.B. : Nous avons eu énormément de chance de ce côté-là. Après avoir essuyé trois refus, la maison d’édition Fayard, à travers la personne de Sophie Kucoyanis, a accepté notre projet.

En ce qui concerne les personnes rencontrées, cela a été une partie de bluff et de bonne entente. Il a fallu jongler avec les divers secrétariats et éviter les services de communication pour prendre les rendez-vous.

En matière de confidences, comme toujours, la critique est aisée mais l’art est difficile. Certains ont joué le jeu des confessions et d’autres non. Pour cela, nous vous donnons rendez-vous dans notre ouvrage.

 

Une anecdote/confidence qui vous a particulièrement surpris ?

C.A. et R.B. : Nous n’avons rencontré que quatre femmes parmi les trente-sept personnes interviewées. Un constat commun en ressort : l’incroyable cruauté du machisme en matière politique ! Ce livre leur rend hommage.

 

Parlez-nous, l’un, l’autre, de vos parcours ? Où vous voyez (espérez)-vous dans cinq ans ?

C.A. : Journaliste politique depuis trois ans, je couvre l’actualité parlementaire et européenne. Dans cinq ans, j’espère encore être en pleine écriture de livres sur ces sujets.

R.B. : Blogueur politique, j’observe la vie politique de mon pays, mais aussi celle mondiale, depuis sept ans. Pour la boule de cristal, je laisse le soin à Madame Irma de le découvrir. Qui vivra, verra !

 

Secrétaire général de l’Élysée, c’est un job qui pourrait vous séduire ou, vraiment, c’est « too much » ?

R.B. : Compte tenu de la place que prennent les communicants sur les politiques, tout a l’air d’être mis en place pour que le poste de secrétaire général de l’Elysée, au sens défini par notre ouvrage, disparaisse. Si tel devient le cas en 2017, la question devient caduque.

C.A. : Non merci ! ;) Je préfère rester de l’autre côté de la barrière.

 

Si vous deviez qualifier cette fonction, sa place comme rouage au cœur des institutions françaises, en quelques mots ?

C.A. et R.B. : Général en chef et secrétaire administratif. À moins que ce ne soit l’inverse. Car comme le souligne très bien François de Combret, il ne faut pas oublier que dans secrétaire général, il y a "secrétaire" et "général" : « Il y en a qui pensent que c’est "général" le mot important, d’autres que c’est "secrétaire". Vous avez beau être secrétaire, vous pouvez être général. »

 

Pour cette question, je m’adresse à vous en tant que passionnés de politique : qui sortira du lot en 2017 ?

C.A. et R.B. : En politique, tous les scenarii sont à envisager. Le 21 avril 2002 avait placé le Front national pour la première fois au second tour d’une élection présidentielle. Une première hypothèse possible. En mai 2011, une arrestation à l’aéroport de New-York a changé la donne pour la course présidentielle française. Autant d’hypothèses qui peuvent être prises au sérieux pour l’élection de 2017. Reste aussi à savoir quelle attitude adopteront les électeurs du premier parti de France  : les abstentionnistes ?

Q. : 21/04/16 ; R. : 25/04/16.

 

César Armand et Romain Bongibault

Romain Bongibault, blogueur politique (https://romainbgb.wordpress.com)

et César Armand, journaliste politique (https://culturepolitique.net).

 

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24 avril 2016

Martial Passi : « Une ville comme Givors sans cinéma, ça n'était plus possible... »

Il y a dix mois et demi était publiée sur Paroles dActu, sur ma proposition, une tribune écrite pour loccasion par Martial Passi, maire PCF de Givors (Rhône) ; un message musclé d’homme de gauche directement adressé à François Hollande et Manuel Valls. J’ai souhaité aujourd’hui lui donner à nouveau la parole, cette fois pour évoquer, entre autres sujets d’actualité, aux plans national et local, la réouverture de salles de cinéma dans sa commune, une première depuis une quinzaine d’années. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

Martial Passi: « Une ville comme Givors

sans cinéma, ça n’était plus possible... »

Q. : 20/03/16 ; R. : 20/04/16.

Martial Passi 2016

 

Paroles d'Actu : Martial Passi bonjour, merci de m’accorder ce nouvel entretien pour Paroles d’Actu. Vous venez d’annoncer l’ouverture prochaine sur le site des anciennes verreries de Givors d’un grand complexe cinématographique financé et géré par le groupe Mégarama. Givors, ville qui se veut un pôle culturel, n’avait plus de cinéma depuis une quinzaine d’années : le manque était criant, pour vous ? Avez-vous cherché à y remédier durant cette période ?

 

Martial Passi : Bien sûr, nous avons exploré toutes les pistes possibles, y compris la réactivation du cinéma Le Paris, qui a fermé ses portes il y a très longtemps. Nous ne pouvions admettre quune ville de 20 000 habitants ne puisse disposer de salles de cinéma. Nous nous sommes longuement battus pour le retour du grand écran à Givors, et le combat savère enfin payant avec larrivée d'un Mégarama qui ouvrira fin 2018. Je voudrais ajouter que cet équipement ultra-moderne sera doté de sept salles qui proposeront une qualité de son et dimage relevant des toutes dernières technologies.

 

PdA : Quels acteurs sont intervenus pour la prise de décision de cette installation, et quelles en ont été les coulisses ?

 

M.P. : C’est la SAGIM (Société d’Aménagement Givors Métropole), qui a mené de bout en bout ce dossier et, je dois le dire également, le maire de Givors qui ont permis d'accueillir ces projets sur la ZAC VMC. Outre ce complexe cinématographique, un hôtel des entreprises et une pépinière d’entreprise de la Métropole de Lyon, ainsi qu’un projet privé de mise à disposition de bureaux et de locaux commerciaux et artisanaux. Naturellement, la municipalité de Givors a œuvré sans relâche pour que ce beau projet se concrétise au service des Givordins mais aussi des populations du bassin de vie de Givors.

 

PdA : Les réactions n’ont pas été trop mauvaises du côté, par exemple, du Méga CGR de Brignais ?

 

M.P. : Je n’ai pas de retour particulier de la part du Méga CGR.

 

PdA : La médiatisation autour de Fatima, film de Philippe Faucon auréolé de la statuette du meilleur film lors des César de cette année, a propulsé la Givordine Soria Zeroual sous le feu des projecteurs. Racontez-nous cette aventure telle que vous l’avez vécue à titre personnel, depuis ses débuts ? Quel regard portez-vous sur le parcours de Soria Zeroual, et qu’avez-vous pensé du film ?

 

M.P. : J’ai été très fier pour Soria Zéroual lorsque déjà, elle fut acclamée durant dix-sept minutes au Festival de Cannes. Je l’ai été une nouvelle fois lorsqu’elle fut nommée au César et je dois dire que je pense sincèrement qu’elle aurait mérité cette reconnaissance tant elle a illuminé, par son rôle d’acteur, ce film qui, je le rappelle a tout de même reçu trois Césars.

 

J’ai été fier mais aussi bouleversé par sa manière d’habiter ce rôle. Un rôle qu’elle connaît bien parce que, comme l’héroïne du film, dans la vraie vie, Soria est une simple et modeste femme de ménage qui rêve du meilleur pour ses enfants et qui fait tout parvenir à ce but. Soria Zéroual, comme Fatima, c’est l’humilité incarnée, c’est une bonne et belle personne.

 

Fatima

L’affiche du film Fatima, réalisé par Philippe Faucon.

 

Givors ville éminemment sportive (qui compte plusieurs champions du monde, olympique, internationaux dans de nombreuses disciplines) est fière de Soria, comme elle est fière de Stéphane Bullion, un Givordin, danseur étoile à l’Opéra national de Paris…

 

PdA : La question précédente et première thématique abordée m’invitent, tout naturellement, à vous interroger sur vos goûts cinématographiques : quels sont les, disons, dix films, récents ou plus anciens, que vous recommanderiez forcément à qui vous demanderait conseil ?

 

M.P. : Si l’apprécie les films grand public pour leur capacité à me distraire, j’aime surtout le cinéma d’auteur et les films d’après-guerre néoréalistes italiensDans un autre registre, j’ai revu tout à fait récemment Viva La Libertà, un film italien que j’ai beaucoup aimé. J’apprécie également les films de Costa-Gavras, comme Z, L’aveu, Missing ou État de siègeQuant à recommander un film, évidemment je recommande Fatima !

 

PdA : Lors d’une interview que j’avais menée il y a quelques années, Marie-Brigitte Andréi, actrice présidente d’une association de défense d’un cinéma parisien menacé de disparition, Le Grand Écran, avait vanté la programmation originale de ce dernier, en matière de films proposés mais aussi de spectacles vivants. Quels sont sur ces points vos ambitions, vos désirs ? Entendez-vous construire avec Mégarama un partenariat d’exploitation qui vous donnera du jeu sur la programmation des futurs cinémas givordins ?

 

M.P. : Mégarama est une entreprise qui a une logique économique qui lui appartient et il semble compliqué de s’immiscer dans sa programmation. Cela dit, je peux dire que ponctuellement, nous serons amenés à construire ensemble des projets qu’il est prématuré d’évoquer aujourd’hui. 

 

PdA : Sur le site des anciennes verreries de Givors est conservée, comme un vestige du passé industriel et ouvrier de la ville, une cheminée emblématique connue de tous les Givordins. Je ne doute pas qu’elle y sera maintenue ; va-t-elle être restaurée, peut-être accompagnée d’une structure culturelle et pédagogique qui aurait pour objet de perpétuer cette mémoire ?

 

M.P. : Cette cheminée a déjà été restaurée, en lui donnant notamment la possibilité d’être illuminée. Il va sans dire que symboliquement, nous tenions et nous tenons toujours à ce qu’elle demeure sur le site. Elle symbolise la mémoire générale de la ville mais aussi celle des anciens verriers de Givors, des générations entières de travailleurs qui se sont battus pour une entreprise qui constituait un des fleurons de l’industrie française et qui a été sacrifiée sur l’autel du profit.

 

PdA : Qu’aimeriez-vous que vos administrés retiennent de vous au terme de vos mandats sur le plan de la vie culturelle ? De quoi êtes-vous et serez-vous fier sur ce front-là ?

 

M.P. : Les actions culturelles qui ont jalonné la vie de Givors n’ont pas débuté avec mon arrivée à la tête de la ville. Moi-même et mon prédécesseur considérions que la culture, comme le sport, sont essentielles dans la construction des individus et notamment des plus jeunes. C’est pour cette raison qu’une part importante du budget municipal est consacrée à la culture.

 

Nous avons à Givors, un théâtre, un conservatoire, un musée, des salles de conférences, une médiathèque, un pôle culturel « Madiba-Nelson Mandela », une maison des jeunes flambant neuve, une salle d’expositions dédiée aux arts plastiques… De plus, de nombreuses actions sont financées et menés dans les écoles de la ville. Malgré les difficultés financières qui s’accentuent d’années en années, nous continuons à offrir aux givordins les moyens de se cultiver, de s’enrichir, de s’élever intellectuellement. Si je devais être fier de quelque chose, je pense que ce serait aussi de cela.

 

PdA : Vous le rappeliez, une pépinière d’entreprises trouvera également sa place aux côtés du complexe cinématographique. L’occasion pour moi de vous demander ce que sont à votre sens, à tous les niveaux de décision publique (collectivités territoriales, État...), les mesures qu’il conviendrait de prendre pour favoriser d’une part l’entrepreneuriat, d’autre part l’innovation, la croissance de nos entreprises - et donc l’emploi ? 

 

M.P. : Il n’y a pas de recette miracle. Mais ce que je sais, c’est que l’État doit cesser de pressuriser les collectivités mais au contraire les aider à développer l’activité économique et donc l’emploi sur leurs territoires.

 

PdA : Où en est Givors sur la question de la revitalisation économique ? Avez-vous encore des velléités de revitalisation industrielle pour la ville ?

 

M.P. : Le secteur tertiaire prend de plus en plus le pas sur le secteur industriel dans notre pays. Une mutation sociétale dont nous avons pris acte à Givors et que nous accompagnons fortement. Divers dossiers sur cette question sont actuellement en cours, je pense notamment à un grand projet structurant que nous menons autour de la gare de Givors Canal.

 

PdA : Cette question-là, je vous la pose en tant qu’amateur de vélo et notamment de ce parcours suprrbe que constitue la ViaRhôna. La traversée de Givors compte parmi les points les moins agréables du tracé, la circulation y étant quasiment toujours « partagée » : avez-vous des marges et moyens d’action sur cette question ? des projets en cours ?

 

M.P. : Il est vrai que des aménagements restent à réaliser concernant le parcours de la ViaRhôna. La municipalité de Givors est fortement mobilisée sur cette question, correspondant bien à la vision portée par notre ville. Givors est, en effet, engagée depuis plusieurs années pour le développement des transports en communs et des modes doux, et de nombreuses actions sont menées en ce sens à travers l’Agenda 21 notamment. La réalisation du tracé de la ViaRhôna à Givors s’inscrit pleinement dans notre volonté de construire une ville accessible à tous nos concitoyens, et de redonner toute sa place au mode de circulation piétonnier et cycliste.

 

Néanmoins, comme vous le savez, la ViaRhôna est un projet associant de multiples partenaires financeurs, tels que la Région Rhône-Alpes, la Compagnie nationale du Rhône (CNR), la Métropole de Lyon, le Conseil départemental du Rhône etc. Et s’il est vrai que cette nécessaire coopération a permis d’avancer de façon certaine sur des tronçons déjà réalisés, il n’en reste pas moins que des complexités peuvent exister. Restant pleinement mobilisée par cet ambitieux projet valorisant les modes doux au service des territoires et des populations, la ville de Givors va continuer de solliciter ses partenaires afin que soient enfin réalisés les travaux indispensables à l’aménagement de cet itinéraire dans la traversée de la ville.

 

PdA : La présidentielle, mère de toutes les élections en France, et les législatives, c’est dans à peine plus d’un an... Si vous aviez, aujourd’hui, un message à adresser à François Hollande ? À Manuel Valls ? 

 

M.P. : Il suffit de tendre l’oreille et d’écouter les cris de détresse que lancent aujourd’hui les salariés de la fonction publique comme du secteur privé, les étudiants et les lycéens qui ne supportent plus que la voix des actionnaires capitalistes soit plus entendue que la leur. C’est tout simplement insupportable. D’autant plus que toutes les mesures mise en place par le gouvernement le sont par un gouvernement prétendument de gauche, alors même que le gouvernement précédent n’était jamais allé aussi loin sur la voie du néolibéralisme ! Les Français, et je partage totalement leur sentiment, ont l’impression d’avoir été bernés et il est fort probable qu’ils sauront s’en souvenir en 2017. Aujourd’hui j’ai le sentiment d’un énorme gâchis...

 

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24 avril 2016

Gregor Trumel : « La Louisiane a vocation à être le fer de lance de la francophonie aux Etats-Unis »

Au début de cette année d’élection(s) aux États-Unis, j’ai eu envie, sans en savoir trop du « qui », du « quand » ou du « comment »de consacrer quelques articles à ce pays, objet de fascination depuis toujours. La première publication Paroles dActu de 2016, ce fut une interview de la politologue franco-américaine Nicole Bacharan. Pour le présent article, c’est le Consul général de France à la Nouvelle-Orléans (Louisiane), Grégor Trumel, qui a accepté de répondre à ma sollicitation. Je len remercie, ainsi que Meagen Moreland-Taliancich, attachée de communication auprès du consulat général. Les réponses aux questions posées me sont parvenues sous la forme de fichiers audio, la seconde interrogeant le premier. Chacun de ces fichiers est inclus à larticle, qui est constitué des retranscriptions écrites que jen ai faites et des photos sélectionnées et commentées par Grégor Trumel. Parmi les thèmes abordés : un bilan de laprès-Katrina, un regard sur la cession par Bonaparte de la Louisiane aux États-Unis, quelques bons conseils culturels, touristiques et gastro et, fil rouge de cet entretien, létat de la francophonie sur ces terres anciennement françaises. Enjoy... pardon... bonne lecture ! ;-) Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« La Louisiane a vocation à être le fer de lance

de la francophonie aux États-Unis »

Interview de Grégor Trumel

Q. : 17/02 ; R. : 12/04.

Gregor Trumel

 

Paroles dActu : Bonjour Grégor Trumel, merci de m’accorder cet entretien pour Paroles d’Actu. J’aimerais pour cette première question vous demander, évidemment en votre qualité de Consul général de France à La Nouvelle-Orléans, de nous raconter ce qu’ont été vos premiers contacts « physiques » avec les États-Unis de manière générale ; avec la Louisiane en particulier ?

   >>> AUDIO <<<

Grégor Trumel : Merci de m’accorder cet interview, je suis toujours très heureux de m’exprimer sur la Louisiane, un État que je chéris et où j’aime servir chaque jour. J’étais venu pour la première fois aux États-Unis en 1992, j’avais dix-sept ans. J’étais encore au lycée et mes parents avaient organisé un voyage fantastique dans l’ouest des États-Unis (Californie, Utah, Nevada, et je crois un peu du Nouveau-Mexique). C’était vraiment fantastique ; c’était mon premier contact, et je n’oublierai jamais ce voyage. J’avais bien sûr envie de retourner aux États-Unis ensuite, et j’y suis allé plusieurs fois après, une fois que je suis devenu diplomate (à New-York et à Washington en particulier). J’ai toujours été fasciné par les États-Unis, par la culture américaine et, bien entendu, ce qu’elle incarne.

 

S’agissant de la Louisiane, j’y suis arrivé pour la première fois pour prendre mes fonctions, en août 2014. C’était vraiment un vœu très cher pour moi de venir en poste à La Nouvelle-Orléans et en Louisiane, et j’étais vraiment très fier et très heureux d’être nommé Consul général par le président de la République. Mes premiers contacts ont évidemment été à La Nouvelle-Orléans, et j’ai bien sûr été fasciné par la beauté de la ville, par sa richesse architecturale et culturelle. Également par les gens : leur accueil, leur chaleur, leur gentillesse, leur politesse et, très sincèrement, leur grande francophilie. Très vite après mon arrivée, je ne suis pas resté à La Nouvelle-Orléans, je suis allé à Lafayette, à Arnaudville, dans le pays cajun. Puis j’ai « rayonné », pendant la première année, partout en Louisiane. Évidemment, la culture, on en parle, la musique me fascine mais également les paysages qui sont fantastiques et absolument uniques. Donc, vraiment, c’était un vieux rêve de venir ici et je ne pensais pas réaliser ce rêve aussi tôt et aussi jeune !

 

Gérard Araud

« Lundi le 22 février 2016, l’Ambassadeur de France aux États-Unis, Monsieur Gérard Araud, a fait sa première visite officielle en Louisiane. Au cours de ce voyage, l’Ambassadeur a souligné le succès de l’éducation française dans l’État, ainsi que le dynamisme des partenariats économiques entre la France et la Louisiane. L’Ambassadeur a également mis l’accent sur les progrès effectués par La Nouvelle-Orléans depuis l’ouragan Katrina. »

 

PdA : Il y a dix ans et demi, en août 2005, La Nouvelle-Orléans était frappée de plein fouet par Katrina, ouragan cataclysmique de sinistre mémoire. Quelle est la situation aujourd’hui : la ville a-t-elle peu ou prou réussi à « panser ses plaies » et la vie à reprendre ses droits dans chacun des quartiers ? quelles sont les décisions, les mesures qui ont été prises pour s’assurer que, face à un nouvel épisode météorologique similaire, les conséquences sur la ville et les populations ne puissent égaler celles de Katrina ?

   >>> AUDIO <<<

G.T. : Oui, en effet, Katrina a été un véritable cataclysme, une tragédie humaine qui, comme le dit le maire de La Nouvelle-Orléans lui-même, n’est pas « seulement » une catastrophe climatique mais une catastrophe due à l’Homme. Il y a eu 1.800 morts en Louisiane, largement à La Nouvelle-Orléans, et c’est vraiment un traumatisme. D’ailleurs, les habitants de La Nouvelle-Orléans, quand ils s’expriment, disent toujours, « Avant Katrina », « Après Katrina »... C’est vraiment devenu un repère dans le temps. Cela signifie aussi qu’il y avait vraiment un « avant-Katrina » à La Nouvelle-Orléans comme il y a aujourd’hui un « après-Katrina ». C’est évidemment une tragédie qui a touché une grande part de la population ; ce fut également un traumatisme pour les personnes qui ont été évacuées  - un million de personnes évacuées, ce qui est tout de même inouï, inédit dans l’histoire des États-Unis et, je dirais même quasiment, dans l’histoire récente du monde occidental.

 

Aujourd’hui, La Nouvelle-Orléans est sur une pente ascendante. D’abord, la ville et les autorités de l’État ont pris beaucoup de mesures pour éviter qu’une telle catastrophe ne se répète. On est à peu près sûr qu’un ouragan fort comme Katrina, ou même encore plus fort que Katrina, va arriver, c’est une question de temps – on est en Louisiane, dans une zone subtropicale. En revanche, le système de crise, de « crisis management » comme on dit, a été énormément amélioré. Le consulat général est en contact, évidemment pour la sécurité de la communauté française en particulier, très régulièrement avec eux. C’est très moderne, très bien fait  : ces gens sont de grands professionnels qui travaillent en lien avec toutes les institutions de la sécurité et qui pourront intervenir dans la sécurité civile, y compris avec Bâton-Rouge, au niveau donc de l’État. Les digues ont été renforcées, des écluses ont été construites, et il y a une prise de conscience, en effet, que La Nouvelle-Orléans est une ville vulnérable sur le plan climatique.

 

La ville aujourd’hui a donc changé, c’était aussi une époque où la Ville a failli. La question de la disparition de la ville a même été posée. À l’époque, son existence-même à cet endroit, entre le lac Pontchartrain et le fleuve Mississippi a été questionnée. Aujourd’hui, La Nouvelle-Orléans a pris conscience de la richesse de sa culture, de son caractère unique, du fait qu’elle est une ville de classe mondiale, une ville extrêmement connue, qui a un rôle culturel très important à jouer dans le monde, un rôle qui dépasse largement son poids économique et sa population. Un rôle mondial. Ça a donc été un électrochoc. Aujourd’hui la ville est sur une pente ascendante sur le plan économique, sur le plan culturel. La population ré-augmente à nouveau, beaucoup de gens viennent s’installer ici, même s’il faut bien reconnaître que tout le monde n’est pas revenu à La Nouvelle-Orléans. Il y a des catégories de population, notamment parmi les plus fragilisées, les plus pauvres, qui ne sont pas revenues à La Nouvelle-Orléans. C’est un enjeu pour la ville de faire revenir les néo-orléanais, pour qu’ils puissent prendre part à la reconstruction de la ville et regagner leur communauté aux côtés des nouveaux habitants qui viennent ici parce qu’ils comprennent que c’est un magnifique art de vivre, un endroit superbe pour s’épanouir, faire des affaires... et vivre.

 

GT avec Mitch Landrieu

« Le consulat général a activement participé aux commémorations des dix ans de l’ouragan Katrina. Le maire Mitch Landrieu avait prévu pour cette semaine de commémorations des moments forts de souvenir, mais aussi des débats, des rencontres publiques, des évènements au cœur de la ville. Le Consul général de France a eu le grand honneur de prononcer un discours de réponse au maire, sur l’engagement de la communauté internationale dans la reconstruction de la ville. »

 

PdA : Quelles sont, en 2016, les traces qui demeurent du passage et de l’influence françaises sur, respectivement : 1/ l’immense territoire qui constitua naguère la grande Louisiane française ; 2/ l’actuel État de Louisiane ; 3/ La Nouvelle-Orléans ?

   >>> AUDIO <<<

G.T. : Je vous parlerai surtout de la Louisiane, puisque je suis compétent pour la Louisiane. Je me suis évidemment déplacé en-dehors de la Louisiane, j’ai vu en effet des noms français partout, que ce soit dans le Mississippi, en Alabama... tout le long en fait de la vallée du Mississippi. Je ne suis jamais allé dans le Minnesota mais, même dans la région des Grands Lacs et dans le nord-ouest des États-Unis, il y a des villes avec des noms français.

 

Pour la Louisiane, je peux vous dire que l’héritage français est vraiment omniprésent. Les noms des villes, les noms des gens, le nombre de francophones, très élevé – on l’estime à entre 200 et 250 000 personnes, en particulier dans le pays dit « cajun », l’Acadiana... Évidemment, on retrouve aussi dans l’art de vivre le goût pour la gastronomie, le goût pour les bons restaurants... et Mardi-Gras, qui quand même est une tradition qui vient de la France. En passant par la Caraïbe, il faut le reconnaître. Mais française, ne serait-ce que par son nom, nom français. Je dirais aussi, bien entendu, l’architecture... L’héritage français est vraiment partout, je pense aux écoles - 5.000 élèves dans des écoles françaises, 30 écoles en immersion françaises, des dizaines de professeurs qui viennent travailler ici, enseigner dans les écoles...

 

Anne Hidalgo

« Du 29 mars au 1er avril 2015, la Louisiane a accueilli la conférence annuelle de l’Association internationale des maires francophones (AIMF), qui se tenait pour la première fois aux Etats-Unis. Mme Anne Hidalgo, maire de Paris et présidente de l’AIMF, a présidé cette réunion. Le 30 mars, la délégation des maires de l’AIMF a participé à une soirée organisée en leur honneur au "Nunu Arts and Culture Collective" à Arnaudville. »

 

À La Nouvelle-Orléans, ne serait-ce que, c’est vrai, le nom des rues : « Bordeaux Street », « Rue Toulouse », « Rue Chartres », le quartier du « Marigny »... vraiment le français est partout. Je pense qu’il y a un bon pourcentage, peut-être un tiers, des Louisianais et des habitants de La Nouvelle-Orléans qui ont un nom français ou qui déclarent avoir un ancêtre français. Et c’est vraiment une fierté ici, et c’est aussi une très forte affection pour la France et la culture française. Une affection réciproque puisque nous avons en France énormément d’intérêt et d’affection pour la Louisiane, et il n’y a pas une semaine sans qu’il y ait à la Nouvelle-Orléans ou en Louisiane une équipe de journalistes ou de télévision française qui vient pour faire un reportage ou préparer un article.

 

PdA : Trois questions qui touchent à l’Histoire :

 

Quel regard portez-vous sur la décision de cession par Napoléon Bonaparte de la Louisiane française aux États-Unis en 1803 ? Vous prenez-vous, parfois, à imaginer ce qui serait advenu par la suite si cette vente n’avait eu lieu ?

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G.T. : On dit toujours, « avec des si on peut mettre Paris en bouteille », ou que, si le nez de Cléopâtre avait été différent, la face du monde en eût été changée... Bon, évidemment, votre question, j’y ai moi-même réfléchi souvent. Napoléon Bonaparte est ici un véritable héros, une figure adorée. Il y a la rue Napoléon à La Nouvelle-Orléans, la Napoleon House dans le Vieux carré... c’est vraiment un personnage très, très connu. En même temps, la relation est ambiguë puisque c’est lui qui a vendu la Louisiane aux États-Unis, donc certains se demandent en effet si c’était une bonne décision et si aujourd’hui les grands États-Unis ne parleraient pas français si Napoléon n’avait pas vendu la Louisiane.

 

En réalité c’était une décision à mon avis difficilement évitable. La France avait beaucoup de mal à peupler la Louisiane. Il y avait trop peu d’émigrés français en Louisiane alors que les colonies britanniques attiraient beaucoup plus de colons et de pionniers britanniques. On peut donc se demander si cette colonie eût été durable et soutenable sur le long terme. Et puis, d’après ce que j’ai lu, c’était aussi une colonie assez coûteuse, qui n’était pas encore très rentable. Or Napoléon, comme  on le sait, finançait les guerres en Europe. Donc, finalement, Napoléon a vendu la Louisiane. Il n’y a pas eu d’effusion de sang, il n’y a pas eu de mort, ni de guerre. Peut-être cette appropriation de la Louisiane par les États-Unis serait-elle intervenue plus tard, on ne sait pas à quel prix. Et puis aujourd’hui, finalement, on garde une forte tradition française, une grande culture française aux États-Unis à travers la Louisiane. Et comme j’aime à dire en français, « La Louisiane est the francophone hub of the United States ». Il reste un magnifique héritage. Il est difficile pour moi de remettre en cause la décision du grand empereur des Français Napoléon Bonaparte.

 

PdA : Un siècle et demi après la Guerre de Sécession et cinquante années à peine après la disparition de la question des droits civiques en tant qu’objet de débats et oppositions passionnés, la Louisiane est-elle aujourd’hui une terre plus apaisée sur le front du « vivre ensemble » ?

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G.T. : Je suis un diplomate français aux États-Unis, je n’ai pas à m’exprimer sur la politique intérieure ou la situation politique du pays dans lequel je réside, ça ne se fait pas, ce n’est pas de coutume. Je ne m’exprimerai donc pas en particulier sur cette question. Juste pour vous dire qu’en Louisiane, ce que je constate, c’est que les populations, les différentes communautés, qu’elles soient blanches ou afro-américaines, font des choses ensemble, vivent ensemble, vont aux concerts ensemble... C’est assez évident par exemple à travers la musique ou à travers les festivals, c’est mélangé. Je ne veux pas, et je ne souhaite pas, comparer avec d’autres États du sud des États-Unis que je ne connais pas et sur lesquels je ne suis pas compétent pour m’exprimer. Ce que je peux constater, c’est qu’en Louisiane, les gens sortent ensemble, vivent ensemble. C’est une richesse. On parle de melting pot pour les États-Unis, en Louisiane on parle de « gombo », le gombo étant cette soupe spécifique et traditionnelle de Louisiane. La culture louisianaise est vraiment une culture diverse : d’origine française, afro-américaine, espagnole, caraïbe, amérindienne... avec des influences néerlandaise, allemande, britannique bien entendu, et c’est un État du sud. C’est donc une culture très riche et c’est cette diversité qui fait toute la richesse de la culture louisianaise.

 

PdA : Si vous deviez sélectionner, disons, trois personnalités historiques que vous respectez et qui vous inspirent particulièrement, côté français puis côté américain ?

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G.T. : Alors, côté français, je pense d’abord à celui qui a découvert vraiment la Louisiane et qui l’a baptisée, Robert Cavelier de La Salle. Un explorateur un peu fou et qui d’ailleurs a fini par mourir en recherchant à nouveau la Louisiane sur les côtes du Texas. C’est vraiment un personnage fascinant, qui venait de Rouen, comme mon père, en plus. Évidemment, je pense au général de Gaulle, qui a incarné la France dans les moments les plus difficiles, et qui est venu à la Nouvelle-Orléans où il a laissé un très grand souvenir. Son nom d’ailleurs est celui d’un boulevard de la ville. Et puis un de mes écrivains favoris, un homme que j’admire beaucoup, puisqu’il conciliait qualité littéraire à qualités d’artiste et d’engagement, André Malraux, qui est un modèle absolu pour moi et qui figure dans mon panthéon.

 

Côté américain, je me permettrai d’en donner quatre. D’abord, j’admire Martin Luther King, il s’est battu pour l’égalité et les droits civiques, sans violence, et j’ai visité le musée des Droits civiques à Memphis et je vous recommande d’y aller. Ce n’est pas en Louisiane mais c’est vraiment, absolument fascinant. Je pense au président Franklin Delano Roosevelt, qui a dirigé les États-Unis dans des moments si difficiles, la grande crise des années 30 et, ensuite, la Deuxième Guerre mondiale. Il était un très grand président, avec des idées économiques très avancées puisqu’il est le premier à avoir lancé le New Deal. Il est vraiment l’un des pères, en réalité, de la politique moderne. Permettez-moi de citer un auteur du sud, un des auteurs qui m’ont fait venir et donné envie de venir dans le sud des États-Unis, William Faulkner, qui, bien que de Oxford, Mississippi, a résidé dans sa jeunesse à la Nouvelle-Orléans où il a écrit quelques nouvelles absolument délicieuses, dont Croquis de La Nouvelle-Orléans que je recommande (aux éditions Gallimard). Et puis, enfin, je citerai un grand Américain, a true American, un grand musicien que j’adore et qui me touche beaucoup, Johnny Cash. Ses paroles sont fortes, sombres ; sa musique somptueuse, si américaine et si universelle, me bouleverse.

 

PdA : Qu’est-ce qui caractérise les populations françaises qui vivent dans les territoires dont vous avez la charge, si tant est que l’on puisse en extraire des traits communs ?

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G.T. : Les Français de Louisiane sont de plus en plus nombreux. Si je devais les caractériser, je dirais que ce sont des Français assez jeunes. Beaucoup sont venus via l’enseignement et l’éducation. Ce sont des Français très intégrés dans la société américaine et dans la communauté louisianaise. Beaucoup de couples mixtes, ils vivent donc à l’heure française et américaine. Ils sont dynamiques, souvent informels, entreprenants... bref, ce sont des Français d’Amérique.

 

PdA : La culture française contemporaine (littérature, musique, cinéma...) réussit-elle à percer dans ces régions - j’entends, évidemment, auprès de non-francophones ? Quelques exemples qui vous viendraient à l’esprit ?

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G.T. : La Louisiane, donc, a beaucoup d’« accroches » culturelles avec la France. Mais c’est vraiment qu’il n’est pas évident pour des artistes français – musiciens, cinéastes, écrivains... - d’être diffusés ici en Louisiane. Cependant, nous faisons de notre mieux au consulat général pour aider et promouvoir la culture et les artistes français ainsi que les industries culturelles françaises. D’abord, il y a beaucoup de films qui se tournent en Louisiane, donc quelques films, feuilletons, reportages français se sont tournés en Louisiane. Bertrand Tavernier avait fait un magnifique film, Dans la brume électrique, tourné en Nouvelle-Ibérie. Et puis il y a des festivals : le Festival du film français de la Nouvelle-Orléans rencontre beaucoup de succès. La musique ; dans les festivals, il y a des groupes français qui viennent jouer. Nous avons par exemple des groupes antillais qui viendront jouer prochainement au Festival international de Louisiane à Lafayette, puisque la Louisiane est aussi en partie un membre de l’espace créole – disons, caraïbe francophone. Et nous faisons venir également des écrivains dans les universités, etc. Mais il est vrai que nous avons du pain sur la planche pour que des milliers de Louisianais achètent des disques ou lisent des livres français...

 

PdA : De manière plus générale, parvenez-vous à rester optimiste quant aux perspectives de la francophonie sur le territoire des États-Unis ?

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G.T. : Oui, absolument. Les États-Unis, où l’on parle évidemment l’anglais, langue mondiale et langue de la mondialisation, ont un avantage dans leur développement, notamment économique, pour leur influence politique et culturelle, à travers leur culture et leur langue. Cependant, les Américains se rendent compte que le bilinguisme est vraiment un atout et quand on pense au pense au bilinguisme aux États-Unis, on pense au bilinguisme franco-anglais en Louisiane, et clairement la Louisiane a un rôle à jouer comme fer de lance de la francophonie aux États-Unis. Nous travaillons beaucoup dans ce domaine, en aidant les écoles et en promouvant notre langue et en aidant ceux qui veulent faire revivre, renforcer la francophonie louisianaise. C’est clairement une de nos priorités culturelles. On considère que le français en Louisiane, c’est 13 000 emplois, le commerce entre la France et la Louisiane 3 milliards de dollars par an dans les deux sens, donc quelque chose d’important. Comme on dit en bon français  : « French culture is fuel for growth in Louisiana ».

 

École élémentaire de Rougon

« Intervention aux côtés du Gouverneur John Bel Edwards, du Lieutenant-Gouverneur Billy Nungesser, du Surintendant pour l’Education John White et de nombreux parlementaires et personnalités officielles au lancement d’un nouveau programme en immersion à l’école élémentaire de Rougon, dans la paroisse de Pointe Coupée (vendredi 15 avril 2016). »

 

PdA : Je lis dans votre bio que vous êtes passionné de musique de Louisiane (ce qui tombe bien) et notamment de morceaux de types  « cajun, Zydeco, rythm ‘n blues ». Voulez-vous nous citer quelques titres et noms d’artistes pour nous inviter à les découvrir ?

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G.T. : Franchement, c’est vraiment sincère : ça fait des années que j’aime la musique cajun, Zydeco de la Louisiane, c’est vraiment une des raisons qui font que j’ai postulé pour être consul général en Louisiane. Il y a les classiques, disons les anciens et les nouveaux. Je peux vous dire en tout cas que cette culture musicale est une des raisons du dynamisme de la francophonie en Louisiane et de la popularité de la culture française en Louisiane, à travers la musique et donc la fête, les festivals etc. Côté cajun je ne peux évidemment que vous recommander d’écouter les disques de Zachary Richard bien entendu, ils sont excellents. Zachary est un bon ami qui est extrêmement actif pour la francophonie et pour la défense de l’environnement. Il publie des disques fantastiques, toujours inspirés et magnifiques. Je vous recommande par exemple son album Le Fou, qu’il a sorti il y a deux ou trois ans et qui est absolument somptueux. Il y a aussi des jeunes groupes fantastiques comme par exemple Lost Bayou RamblersFeufollet, Bonsoir Catin, des groupes qui innovent avec de la musique cajun à laquelle ils injectent du punk rock, de la pop, de la folk... vraiment fantastique. Pour le Zydeco, vous avez Cédric Watson, un jeune qui est vraiment très, très doué. Bruce Sunpie Barnes, lui aussi extrêmement doué. Et puis, pour le rythm ‘n blues, moi je préfère les classiques : j’adore par exemple Professor Longhair. Ou aussi, plus dans le funk, Doctor John. Toujours aussi bon...

 

PdA : Je souhaiterais, pour cette dernière question, vous proposer de jouer, l’espace d’un instant, le rôle de « guide de luxe » auprès de ceux de nos lecteurs qui, lisant cet article, aimeraient s’en inspirer pour leur séjour à venir dans le sud des États-Unis : quelle « journée idéale » à La Nouvelle-Orléans nous suggéreriez-vous (visites et restaurants compris) ?

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G.T. : Déjà, si vous venez à La Nouvelle-Orléans, vous serez parmi les milliers de chanceux qui, tous les ans, viennent visiter La Nouvelle-Orléans, puisqu’on considère qu’il y a 90 000 Français qui viennent visiter la ville et le sud de la Louisiane tous les ans. Encore plus de Canadiens, beaucoup d’Anglais, Allemands, Espagnols, etc. Je crois que La Nouvelle-Orléans est la deuxième ville la plus touristique des États-Unis. N’hésitez pas à rester une bonne semaine, puisqu’il y a beaucoup de choses à faire, et c’est toujours bien de sortir de La Nouvelle-Orléans. Alors, il faut évidemment visiter le Vieux Carré, absolument magnifique. Il y a de très bons restaurants. Vous pouvez aller au Tableau. Vous pouvez aller chez Muriel. Vous pouvez aller à Bayona. Chez Compère Lapin, délicieux restaurant créole. Il faut aussi aller voir le Garden District et ses magnifiques demeures, la Mousse espagnole, les arbres somptueux qui font une galerie au-dessus de la rue Prytania, par exemple, où vous trouverez la résidence du consul général. Je vous conseille d’aller voir le Mississippi sur la promenade Moonwalk, juste au bord du Mississippi en face de Jackson Square. Vous pouvez aussi visiter le quartier un peu moins touristique et aussi très joli du Marigny, les quartiers en rénovation qui se développent comme Trémé, Bywater... Franchement, je vous recommande d’aller visiter les bords du lac Pontchartrain, d’aller faire un tour au City Park, d’aller voir de magnifiques œuvres d’art au musée Noma. Vraiment énormément de choses à faire. Et n’oubliez pas de louer une voiture, d’aller vous promener dans les bayous, d’aller à Lafayette, à la Nouvelle Ibérie, à Arnaudville... vous trouverez des artistes innovants. Vous trouverez à Pont-Beaux (Breaux Bridge en anglais) une musique authentique, une cuisine authentique, et ce sens incroyable de l’hospitalité, et la chaleur humaine des Louisianais...

 

Meagen Moreland-Taliancich

Meagen Moreland-Taliancich, attachée de communication au consulat général de France en Louisiane.

 

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19 avril 2016

Pierre Branda : « Attachons-nous à redécouvrir la "vraie" Joséphine ! »

Pierre Branda est historien, auteur de riches ouvrages qui touchent aux époques consulat-empire et directeur du patrimoine de la Fondation Napoléon. Sa dernière étude en date, il a souhaité la consacrer à celle qu’on appelle communément Joséphine de Beauharnais, madame Bonaparte, qui fut auprès de Napoléon consulesse puis impératrice des Français (1804-1809). Un des personnages les plus romanesques et attachants de notre histoire, sans doute aussi un des plus caricaturés : c’est précisément à cela que Pierre Branda a souhaité s’attaquer, s’attachant à questionner les idées reçues, à enquêter et apporter de nouvelles pistes de réflexion sur la base d’éléments de recherche inédits. Le résultat, c’est ce Joséphine : Le paradoxe du cygne, paru aux éditions Perrin (janvier 2016). Une biographie qui se lit avec plaisir et fourmille d’informations permettant de mieux appréhender le parcours complexe de cette femme hors du commun. À découvrir ici, l’interview que M. Branda a bien voulu m’accorder - ce dont je le remercie. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

Pierre Branda: « Attachons-nous

à redécouvrir la "vraie" Joséphine ! »

 

Joséphine

Joséphine, le paradoxe du cygne, par Pierre Branda. Éd. Perrin, janvier 2016.

 

Paroles d'Actu : Pierre Branda, bonjour, et merci de m’accorder ce nouvel entretien pour Paroles d’Actu. Autour, cette fois, à l’occasion de la parution de Joséphine : le paradoxe du cygne (Perrin), de la figure ô combien romanesque de celle qui, consulesse puis impératrice, tint au côté de Bonaparte puis Napoléon, le titre de première dame de France durant certaines des années les plus chargées de l’histoire de notre pays. Pourquoi avoir voulu écrire sur Joséphine de Beauharnais (un nom qui d’ailleurs n’était pas le sien) ?

 

Pierre Branda : Oui en effet, Joséphine de Beauharnais est un nom qu’elle n’a jamais porté. Ce nom a été inventé par la Restauration pour éviter de l’appeler Joséphine Bonaparte ou seulement Joséphine, ce qui aurait rappelé son rang d’impératrice. On préféra alors accoler le prénom sous lequel elle était connu et que lui avait donné Napoléon au nom de son premier mari.

 

Cet ouvrage est venu d’une insatisfaction à chaque portrait que je pouvais lire d’elle. Je ne pouvais croire que Napoléon Bonaparte, qui se liait difficilement, - on lui connaît peu de véritables amis ou amours - ait pu s’enticher aussi longtemps d’une femme évanescente, frivole et pour tout dire sans consistance. L’enquête que j’ai menée m’a conduit à reconsidérer bien des légendes et j’espère mettre en évidence les préjugés dont elle a souffert.

 

PdA : On est frappé, peu après sa rencontre avec Bonaparte, de l’attachement très fort que le jeune général, parti pour l’Italie, témoigne à sa femme, de six ans son aînée. C’est particulièrement flagrant lors de leurs échanges de lettres, et très bien retranscrit dans votre ouvrage. On le sent fou amoureux comme un adolescent et, au moins tout autant, très possessif envers elle ; cette dernière paraît, disons, un peu plus accoutumée aux affres du cœur. Que représente Joséphine pour Napoléon durant les premiers mois de leur relation ? Peut-on dire qu’elle contribue alors à le faire grandir sentimentalement parlant, peut-être à le « former », à le « forger » ?

 

P.B. : Je ne dirais pas cela. Cette image est facile et sans doute fausse. Napoléon est à un moment particulier de sa vie. Il est sous le coup d’une rupture sentimentale avec Désirée Clary mais aussi d’un éloignement de Joseph. Ce dernier a d’ailleurs fait en sorte qu’il ne puisse pas épouser Désirée. En octobre 1795, quand il rencontre Joséphine, il s’éloigne de son clan pour la première fois de sa vie pour adopter une nouvelle famille, celle des Beauharnais. En homme pressé, il apprécie en quelque sorte d’entrer dans une famille toute faite avec Joséphine et ses deux enfants, Eugène et Hortense. Sentimentalement, il est possédé par un véritable délire amoureux qui du reste avait commencé avec Désirée, et qui va se concentrer sur sa nouvelle conquête. Cela tient donc plus à son caractère excessif qu’au charme de Joséphine. Quant à elle, autant possessive et jalouse que lui, elle apprécie certainement d’avoir cet homme jeune à ses pieds. C’est pour elle une première ! Avant Napoléon, les hommes la fuyaient, tel son premier mari, à cause de sa « tyrannie domestique ».

 

PdA : Vous évoquez dans votre livre un point fort méconnu (et d’une importance capitale quand on connaît la suite de l’histoire) : Joséphine aurait assez rapidement été enceinte de Bonaparte. Mais l’empressement appuyé de celui-ci, alors en poste en Italie, à la retrouver auprès de lui aurait contribué, sans doute, par le voyage occasionné, à ce qu’elle tombe malade et fasse une fausse couche. Une fausse couche qui n’a probablement pas pesé pour rien dans son incapacité future à porter des enfants...

 

P.B. : Il semble planer comme une étrange fatalité autour de Joséphine. Dès qu’elle s’élève, le sol se dérobe sous ses pieds comme en témoigne sa séparation douloureuse avec Alexandre de Beauharnais puis son emprisonnement aux Carmes sous la Terreur. En 1796, elle a la chance d’épouser l’homme le plus prometteur du siècle et elle ne pourra jamais avoir d’enfants de lui. J’évoque en effet dans le livre une nouvelle hypothèse à propos de sa stérilité, une fausse couche qui se serait ensuite infecté. Les conséquences allaient être difficiles ensuite pour le couple. Joséphine allait devoir lutter pour se maintenir.

 

PdA : Une constante que l’on retrouve tout au long de l’histoire : l’hostilité du clan Bonaparte à l’égard de Joséphine et souvent, par extension, des Beauharnais. La famille de sang de Napoléon (certes prise ici comme un ensemble) craint de voir le pouvoir et une partie du « patrimoine familial » lui échapper tandis que le premier personnage de l’État multiplie les marques d’affection et de confiance envers, notamment, les enfants de son épouse, Comment considérez-vous les Bonaparte sur ce point en particulier : sont-ils manifestement injustes, pour ne pas dire mesquins ?

 

P.B. : Ils peuvent l’être mais ils n’ont surtout jamais compris que Napoléon se servait des Beauharnais pour leur échapper. Pour éviter que son clan ne l’étouffe, il prenait sans doute un malin plaisir à décerner titres et honneurs à Joséphine et à ses enfants. Napoléon pratiquait à l’excès parfois le diviser pour régner, d’où cette attitude. De leur côté, les Bonaparte restaient persuadés que Napoléon était sous l’emprise de cette «  diablesse» de Joséphine. Partant, ils la détesteront longtemps, militant sans cesse pour le divorce.

 

PdA : Nous l’évoquions il y a un instant : le pouvoir, bientôt, va (re)devenir héréditaire. Ce qui ne va pas manquer de poser, de façon de plus en plus appuyée au fil du temps, la question de l’incapacité du couple régnant à enfanter un héritier. Vous suggérez dans votre ouvrage que Joséphine, sentant le « coup venir », n’aurait pas été totalement insensible aux appels des milieux royalistes qui l’invitaient à pousser auprès de son époux l’idée d’une restauration qui eût maintenu ce dernier au centre de l’action gouvernementale mais déplacé l’affaire de la succession. Cette angoisse est prégnante chez elle, depuis longtemps ?

 

P.B. : La possessive Joséphine n’acceptera jamais de perdre « son » Napoléon. Ce dernier dira que quant il ouvrait la porte de sa berline à l’aube, il trouvait son épouse « avec tout son attirail ». Pour le suivre, elle s’était sûrement levée à quatre heures du matin. Alors la perspective de le voir couronné l’a sûrement inquiétée. N’allait-il pas s’éloigner d’elle au final ? Son pressentiment allait hélas pour elle se vérifier.

 

PdA : Joséphine est populaire, très populaire même, vous le démontrez à de nombreuses reprises : outre le charme évident qu’elle dégage, il émane d’elle une espèce de bienveillance naturelle qui paraît par ricochet contribuer à adoucir l’image de Bonaparte. Comment la perçoit-on au sein du peuple ? En quoi est-elle un atout pour la monarchie impériale ?

 

P.B. : Joséphine possédait une empathie certaine. Femme de réseaux, elle sait écouter puis rendre service. Depuis son premier mariage, elle tisse sa toile, n’adoptant aucun parti mais en les fréquentant tous. Elle apportera à Napoléon ses mille et une relations. Ensuite, elle apparaît rassurante et pour le nouveau régime, c’est un atout certain. Napoléon pouvait inquiéter de par son allure martiale ; en apparaissant à ses côtés, Joséphine lissait son image. Vénus en contrepoint de Mars en somme. L’image est ancienne mais efficace. 

 

PdA : Vous le rappelez très bien, Joséphine essaiera de faire entendre sa voix, sa sensibilité sur, notamment, l’exécution du duc d’Enghien, prélude à l’instauration de l’empire - sans succès. S’est-elle fendue, pour ce que l’on sait, de conseils, de recommandations sur des points notables d’affaires d’État auprès de Bonaparte / de Napoléon ? A-t-elle eu une influence sur certains de ces points ?

 

P.B. : Il est difficile de dire quelle part lui attribuer dans telle ou telle décision. Napoléon était très peu influençable. En outre, il le dira à Sainte-Hélène, elle ne lui demanda jamais rien directement. Peut être usa-t-elle de malice, elle qui connaissait toutes les nuances de son ombrageux caractère, pour le faire plier ? En tout cas, une chose est maintenant certaine. En ce qui concerne le rétablissement de l’esclavage dont on l’a accusée d’avoir décidé Napoléon, elle n’y est pour rien. En 1802, au moment où la France recouvre ses colonies, elle écrit à sa mère pour la prier de vendre l’habitation familiale. On a connu colon plus acharné !

 

PdA : Considérez-vous, même si on fait appel ici à quelque chose d’impalpable, que Napoléon a perdu sa « bonne étoile » et, peut-être, « perdu pied » après sa séparation d’avec l’impératrice Joséphine en 1809 ?

 

P.B. : Même si cela y ressemble, ce serait bien réducteur de considérer les choses ainsi. La répudiation de Joséphine reste avant tout une décision politique qui constituera l’une des erreurs du règne. Napoléon voulait que sa dynastie s’allie aux plus prestigieuses familles d’Europe. Il choisira d’ailleurs la fille de l’empereur d’Autriche. Pour successeur, il pouvait parfaitement choisir l’un des enfants issus du mariage entre son frère Louis et la fille de Joséphine, Hortense. Cette union célébrée en 1802 et qui tournera au désastre avait d’ailleurs été manigancée par Joséphine et Napoléon pour se perpétuer d’une autre façon.

 

PdA : L’affection manifeste qui continue de les lier après ne peut que toucher le lecteur. Comment qualifieriez-vous leurs rapports, à ces deux-là, finalement ? Au-delà de l’amour, une estime, peut-être une admiration profonde de part et d’autre ?

 

P.B. : Plus qu’une simple affection ou de l’estime à mon avis. Ces deux géants de l’histoire avaient tous deux une incroyable confiance en eux. Ils étaient certes complémentaires presque jusqu’à la caricature mais ils se ressemblaient aussi étonnamment. Ils étaient ambitieux, jaloux, possessifs, peu rancuniers et leurs histoires personnelles se recoupent en de nombreux points. Joséphine était vraiment l’alter ego de Napoléon. Peut-être voyaient-ils en l’autre comme une part d’eux-mêmes ? Je pense que leur lien très fort, de l’amour sans doute, était comme un jeu de miroirs dans lequel ils continuaient d’une certaine manière à s’admirer.

 

PdA : J’ai dû faire des choix pour mes questions, occultant, forcément, des pans entiers de l’histoire de Joséphine. Ce que l’on retient du portrait que vous en faites, c’est réellement qu’elle fut un personnage attachant, forcément touchant et tragique à bien des égards. Quelle est l’image que vous vous êtes forgée de Joséphine à la suite des recherches que vous avez conduites pour l’écriture de ce livre ? En quoi est-elle différente de celle que vous pouviez en avoir avant ?

 

P.B. : Je ne soupçonnais pas une telle force de caractère et son ambition forcenée. Elle m’a vraiment étonnée et j’espère avoir vraiment levé le voile sur cette femme attachante et troublante comme vous le soulignez. Je forme le vœu qu’on la redécouvre dans toute l’étendue de sa personnalité et qu’on cesse de ne voir en elle qu’une femme superficielle seulement intéressée par ses centaines de robes ou chaussures.

 

PdA : Un dernier mot ?

 

P.B. : Vive la nouvelle Joséphine !

Q. : 19/03/16 ; R. : 17/04/16.

 

Pierre Branda

 

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Vous pouvez retrouver les ouvrages de Pierre Branda...

18 avril 2016

« Si la Constitution m'était confiée... », par Henri Temple

Que conviendrait-il de faire pour améliorer les institutions politiques et la vie démocratique en France ? Suite de notre série d’articles et interviews sur la thématique : « Si la Constitution m’était confiée... ». Avec aujourdhui, cinq jours après la publication de la tribune-réflexion du constitutionnaliste Bertrand Mathieu sur le référendum, un nouvel apport qui à coup sûr ne manquera pas de nourrir les débats : celui d’Henri Temple. M. Temple est universitaire et avocat. Sa spécialité, parmi dautres domaines dexpertise : le droit appliqué à léconomie - consommation, concurrence, libre circulation... Ce membre du mouvement Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan, dont il est proche, nous livre ici, en exclusivité pour Paroles dActu, létat de ses réflexions personnelles sur ces sujets - avec en tête la notion de souveraineté. Un texte qui mobilise, qui questionne et interpelle... je len remercie. Par Nicolas Roche.

 

Si la Constitution m’était confiée...

par Henri Temple

Constitution de 1958

Illustration : page des signatures de la Constitution de 1958, avec le sceau de France (Archives nationales).

 

Pour aller droit au but, nous constaterons d’emblée que même ceux qui en sont les premiers destructeurs, proclament qu’il faut améliorer le fonctionnement démocratique des cadres institutionnels où nous vivons. C’est dire à quel point ces cadres sont délabrés au regard des attentes des être humains.

Car au fond ce qui importe c’est que l’être humain soit impliqué dans la vie et dans les choix de sa collectivité. Or il ne l’est plus car les libertés fondamentales ont été érodées, tant au plan national interne qu’au plan international, alors qu’il n’est pas de bonheur personnel ni d’efficacité sociale sans liberté. Nous ferons le constat de la perte des libertés (1) en nous fondant sur quelques extraits du livre très récent de Nicolas Dupont-Aignan (France, lève-toi et marche, Fayard, mars 2016). Puis nous reviendrons aux sources et aux fondements de la vie en société (2). Avant de proposer les voies du salut public (3).

 

1) Le constat de la perte des libertés

1.1) Perte de la liberté interne

Le peuple est privé de ses libertés par une oligarchie et une classe politique qui le trahissent. Une élite formatée et incapable de se réformer (Michel Crozier, La crise de l’intelligence, 1995), quand certains pensent même que c’est délibérément qu’elles tentent d’évacuer les libertés. Le summum de la haute trahison, relevant même de la justice pénale, a été la ratification par le Parlement du Traité de Lisbonne en 2008. Tant parce que le Peuple s’était prononcé contre, trois ans auparavant, que parce qu’il s’agissait du transfert de sa souveraineté par d’autres que lui-même, à d’autres que lui-même. En quelque sorte le gouvernement du peuple, par l’élite pour l’élite.

N.D.-A., P. 45-50 : « Oui, Valéry Giscard d’Estaing, en acceptant le regroupement familial en 1976, Jacques Chirac, Lionel Jospin, en signant le Traité d’Amsterdam, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon, Manuel Valls en avalisant l’impuissance européenne, tous ont une responsabilité écrasante. » (...) « Une démocratie confisquée par une caste un régime de partis qui chassent en meute, en réseaux, en lobbies, au service d’intérêts puissants. » (...) « Nicolas Sarkozy s’est donc précipité, dès le 21 juin 2007 seulement un mois après son élection, à Bruxelles pour promouvoir un traité l’empêchant de faire ce qu’il avait promis de faire la veille... aux Français ! »

P. 69-70 : « Il est fondamental de comprendre l’enchaînement des événements qui a mené à cette dépossession (de nos pouvoirs) sans précédent depuis la guerre de Cent Ans, ou... le régime de Vichy. » (...) « Il ne peut y avoir de soumission durable à un occupant extérieur sans la collaboration active d’une partie des occupés qui y trouvent pour certains leur compte. » (...) « L’occupation... n’est plus militaire, elle est économique, culturelle et même migratoire. Quand un peuple n’est plus maître de son destin, il est... colonisé. » (...) « Il y a une oligarchie transnationale qui s’est peu à peu constituée et qui est persuadée de défendre la ’’modernité’’. Pour ces gens-là, il y a d’un côté le bien, qui mêle habilement l’internationalisme post-soixante-huitard à la défense de leurs intérêts, et, de l’autre côté, le ’’mal’’, incarné par tous ceux qui refusent leur domination. » (...) « L’Union européenne a été le cheval de Troie d’intérêts qui ont trouvé là le moyen d’échapper au contrôle populaire. »

P. 178 : l’habileté ignoble de cette oligarchie est de culpabiliser le peuple français, « En montrant toujours du doigt les supposées faiblesses congénitales du peuple français, l’oligarchie... transfère en fait sur lui sa propre responsabilité. Elle infantilise le peuple exactement comme le faisaient les occupants des territoires conquis. La destruction systématique et volontaire de l’enseignement de l’histoire à l’école participe de cette déconstruction du sentiment d’appartenance à la France. » (...) « Aucun pays n’a poussé aussi loin une telle dévalorisation collective. »

 

1.2) Perte de la liberté internationale (perte d’indépendance)

Que ce soit la finance, le budget, la monnaie, l’économie, le commerce, l’agriculture, les services publics, la protection sociale, la défense, la politique étrangère, le droit, l’immigration et les frontières : tout ce qui est l’apanage d’une nation libre et digne est désormais asservi au contrôle d’instances extérieures non élues ou même à des États étrangers...

N.D.-A., P. 62 : « Il faut quand même n’avoir aucun scrupule (c’est de Hollande qu’il s’agit)... pour prononcer le discours du Bourget (« Mon adversaire c’est le monde de la finance »)... puis faire ratifier le traité budgétaire Sarkozy-Merkel qui place sous tutelle de la Commission européenne le pouvoir budgétaire de la France (article 8 du traité signé en mars 2012). »

P. 64 : « ...surtout les intérêts des banques. Avec l’euro, elles ont la certitude de prêter aux États avec des intérêts. »

P. 174 : « Le vrai combat aujourd’hui... n’est pas entre la droite et la gauche, mais entre la finance mondiale, qui a acheté nos gouvernements d’opérette et les États-nations encore au service de leur peuple. »

 

1.3) Un système des partis servi par un système électoral destiné à maintenir les partis manipulés par les élites

N.D.-A., P. 123 : « Quatre millions de nos concitoyens ne sont plus inscrits sur les listes électorales, la moitié seulement des 44 millions d’électeurs inscrits vote. Parmi ces derniers, ceux qui votent blanc ou nul sont un nombre important (1,2 à 1,6 million)... Cela veut dire que 60% des Français en âge de voter ne se sentent plus concernés par la vie politique de notre pays… Ce sont eux qui détiennent le sort de la France entre leurs mains… Encore faudrait-il ajouter que, sur les 40% qui s’expriment, ce sont les candidats d’un des deux gros partis duopolistiques représentant au premier tour guère plus d’un quart (environ 10 % des Français ’’réels’’) qui l’emporteront. Aucune démocratie ne peut survivre à cette tragique farce. »

 

2) Retour aux sources et aux fondements de la vie en société

Il est donc vital de revenir aux sources. Au sens, à l’essence, aux fondements de la vie en société.

 

2.1) Alors que leurs sociétés étaient bien moins peuplées et beaucoup moins complexes, les Grecs antiques se posèrent très tôt la question de la vie en société. À la fois parce qu’elle est consubstantielle à la nature et au bonheur de l’homme, et parce que la solidité de la société est vitale pour le peuple.

Le plus grand philosophe de tous les temps écrivit (dans La politique) que la philosophie politique est la « philosophie première ». Car l’homme, y dit-il aussi, est par nature un animal politique [c.à d. social et civique], « et celui qui est sans Cité, naturellement et non par suite des circonstances, est ou un être dégradé ou au-delà de l’humanité… comparable à l’homme traité ignominieusement par Homère de  : sans famille, sans loi, sans foyer, apatride, tison de discorde, comparable au jeton isolé du jeu de tric trac… ».

Il faudra attendre des siècles pour que, sur ce socle puissant, la réflexion reprenne.

Le christianisme, d’abord néoplatonicien (Plotin), attribua à la vie en société soit une essence (Thomas d’Aquin) soit une finalité spirituelles (Augustin, Jean de Salisbury). L’idée selon laquelle c’est le ’’droit divin’’ qui justifie le pouvoir (Saint Bonaventure) suscita, en réaction, celle de l’existence d’un contrat social (Locke, Rousseau).

Cette idée ’’contractualiste’’ est associée à celle de nation par Renan (créateur du concept du ’’vivre-ensemble’’), mais, en France, est obscurcie par une pseudo mystique de l’État. Une idéalisation recouvrant (mal) le concept très machiavélien de la recherche de la force, celle de l’État et de son Prince. Or cette conception française déviante a prévalu dans la construction européenne initiale très inspirée - et pour cause - par les Français. Désormais le Monstre bruxellois met la domination par un super-État étouffant à la française au service d’objectifs ultra-libéraux, à l’américaine... Le résultat est tel que ce que chacun peut endurer dans sa vie personnelle ou professionnelle (ou celle de ses proches). Et peut constater aux plans diplomatique et militaire.

Face à un vrai grand besoin de panser les plaies du corps social, les ’’intellectuels modernistes’’, socialistes (ou plus), s’en prennent au concept de nation et d’identité nationale. Ils confondent en cela le débat politicien et le débat scientifique qu’ils corrompent (ils substituent - contrairement à ce que recommande Bachelard - l’assertorique à l’apodictique).

Un auteur important revient, avec une force renouvelée, au contractualisme rousseauiste : John Rawls (Théorie de la justice, 1971). Rawls soutient que les individus derrière le voile de l’ignorance choisiraient deux principes de justice : les principes de liberté et d’égalité - chaque personne a un droit égal aux libertés les plus étendues compatibles avec la liberté des autres. Notamment l’égalité des chances. C’est cette acceptation implicite qui fonde le but médian consensuel du vivre-ensemble.

 

2.2) Mais Rawls travaillait dans les années 60 à 90, avant le début des grands flux démographiques, de l’effondrement de l’URSS, des constructions politiques et économiques supranationales, des questions de mixité et d’hybridation culturelles. Comment, dès lors, préserver les principes de libertés individuelles dans des sociétés qui ne sont plus libres de leurs choix ?

C’est la raison pour laquelle il nous a paru indispensable d’étudier le concept de nation dont le sociologue Edgar Morin notait, avec regret, qu’il restait à définir. Avant ou après la Seconde Guerre mondiale, ni Mauss, ni Benda, ni Mounier n’en étaient véritablement venus à bout. Mais il n’est pas question de traiter ici ce sujet si vaste, et on pourra donc se référer à nos ouvrages sur le sujet (Théorie générale de la nation, L’Harmattan, 2014 ; Sentiment national et droit, Cahiers de psychologie politique, en ligne, juil 2014 ; Théorème du ’’nationisme’’, ibidem, juill 2015 ; Identité nationale et droits de l’Homme, La Sorbonne, 11 mars 2016, à paraître).

Désormais on ne pourra plus poser les questions de démocratie et de constitution avant d’avoir posé celle du cadre national et donc du contour du fait identitaire propre à ce cadre; ni sans avoir posé celle du contrat social avant celle du consensus national.

 

2.3) Dès lors, une fois défini le cadre national - et les conditions du maintien de sa cohérence et donc de sa cohésion - où s’exercera la démocratie, il est possible de reprendre la réflexion au sujet des principes de fonctionnement d’une société nationale.

Or la particularité de l’homme national cesse d’être nationale lorsque cet homme est immergé dans sa propre nation. Il n’est plus qu’un homme, un citoyen parmi les siens, dont les aspirations se forment selon des démarches identiques pour chaque biotope ethnologique à la surface de la planète. Toutefois si le consensus est remis en cause par un sous-groupe tout entier, c’est très grave, car le lien social ne se crée plus ou est détruit (Bosnie, Liban, Irlande…). Aristote (LÉthique...) indique que l’amitié est ce qui est le plus nécessaire pour vivre. La qualité du rapport à l’autre. En réalité ce que le plus grand des philosophes appelle amitié est le « lien entre citoyens pour le bien commun de la cité », que l’on peut traduire par solidarité, fraternité et empathie nationales. N’oublions pas qu’Athènes n’avait ni police ni armée de métier. Le ’’lien pour le bien commun’’ était condition de survie ; ou la concorde (en grec omonoia), une notion capitale pour l’unité de la cité que Jacqueline de Romilly a su repérer dans les textes très anciens.

De plus, ce consensus identitaire va générer des réactions en chaîne vertueuses : l’identité génère le consensus, le consensus crée la solidarité nationale, puis la solidarité exige la cohésion économique : « À celui qui n’a plus rien la patrie est son seul bien », « La Nation est le seul bien des pauvres » savait bien Jean Jaurès. Les solidarités nationales, hommes/femmes, adultes/enfants, jeunes/vieux, riches/pauvres, célibataires/familles, valides/malades, sont assurées par des cotisations, l’impôt ou le service militaire, l’école, l’hôpital, le chômage, les retraites, la police, l’armée, la justice… Le sentiment et le consensus nationaux sont à leur tour confortés, outre leurs réalités sociologiques, culturelles et affectives, par les nécessités politiques et économiques : se gérer ensemble, décider ensemble, car l’homme national est tributaire des nécessités socio-économiques (produire, consommer, partager, répartir).

John Rawls est donc aristotélicien quand il affirme : « La justice est la première vertu des institutions sociales comme la vérité est celle des systèmes de pensée ». (Théorie de la Justice, Seuil, 1997, p.29) En établissant explicitement une isonomie entre le principe essentiel de la pensée spéculative et celui du politique, J. Rawls fonde une théorie politique et sociale reposant sur la recherche constante de règles de justice et cherche à rendre cette quête compatible avec le plus haut niveau de liberté (une égalité effective des chances). Dans son dernier ouvrage (Libéralisme politique, 1993), Rawls résume ainsi ses premiers principes de justice sociale : « Les inégalités sociales doivent d’abord être attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous, dans des conditions de juste égalité de chances ».

Toutefois Rawls non seulement ne définit pas la nation mais il ne pousse qu’assez peu ses analyses quant au système politique capable de préserver cet équilibre vertueux et fructueux entre Liberté et Justice. Or les sages hellénistiques avaient déjà compris, dès l’origine de la démocratie, qu’il est nécessaire, à tout moment, d’empêcher que la routine ou les dévoiements nés de la pratique institutionnelle n’oublient ou ne détruisent les finalités pour lesquelles ces institutions ont été installées (voir : Aristote, Constitution d’Athènes, premier ouvrage de théorie constitutionnelle, dont la pénétrante puissance laisse pantois).

 

3) Les voies du salut public

Pour bien comprendre l’importance absolue du sujet des institutions, on se référera aux préceptes des Athéniens, inventeurs d’une démocratie, si fragile, 500 ans avant le Christ, dans ce terreau de l’humanisme natif qu’était alors la Méditerranée orientale...

L’iségoria, terme qui désignait la liberté de parole de tout citoyen dans l’espace public, était l’un des piliers de la démocratie athénienne. Aucune censure n’empêchait le citoyen de parler librement. Et bien sûr la liberté de décider de tout après un débat libre. Les chasses aux sorcières qui désormais chez nous finissent devant nos tribunaux correctionnels auraient conduit les ’’veneurs’’ de ces chasses à l’homme à subir eux mêmes l’ostrakon… Puis, au IVe siècle av. J.-C., les Athéniens sentirent venir le danger d’un possible retour de la tyrannie. C’est alors qu’une loi fut votée pour éviter toute tentative de tyrannie, loi gravée dans le marbre d’une stèle placardée sur l’Agora. Son texte farouche devrait faire trembler, même aujourd’hui, les fossoyeurs de la liberté de la nation :

« Si quelqu’un s’élève contre le peuple pour installer la tyrannie ou aide à l’installation de la tyrannie, ou porte atteinte au peuple et à la démocratie des Athéniens, alors que soit honoré qui tuera celui qui aura entrepris un de ces crimes. Qu’il ne soit permis à aucun député de la boulé de l’Aréopage, si la Démocratie est détruite, de monter sur l’Aréopage, de participer à une séance, ni de prendre une décision sur aucun sujet, et si se produit quelque chose de semblable, que lui et ses descendants soient privés de leurs droits politiques, que sa fortune soit remise au peuple et que le dixième de sa fortune soit donné aux dieux. »

Or, l’impeachment, aux États-Unis, comme au Brésil* (loi de 1950), modernise ni plus ni moins que ces exhortations et fulminations attiques. Car seules des règles fermes peuvent garantir la pérennité du système démocratique, si vulnérable, et d’ailleurs d’abord vulnérable à lui-même.

 

3.1) La première règle de salut public devra être celle des souverainetés, nationale et populaire, intimement liées l’une à l’autre.

Les Traités européens, mais aussi l’OMC, seront dénoncés puis renégociés. Les souverainetés militaire, monétaire, juridique, fiscale et financière pourront certes être aménagées dans le cadre de traités internationaux, mais avec l’aval référendaire du corps électoral et dans la limite d’une préservation du principe de souveraineté nationale.

 

3.2) La deuxième règle de salut public sera de rétablir la liberté de parole et de débat.

La presse devra être indépendante (interdiction à la finance) et équitable, diffuser toute l’information sans en taire aucune. Toute rétention d’information sera considérée comme une faute engageant la responsabilité. Les partis politiques, les savants, se verront réserver dans tous les médias des espaces pour l’expression égalitaire et le débat.

Car la ’’liberté de la presse’’ n’est que la garantie de la plénitude de l’information. Pas un ’’bon vouloir’’, ni une connivence avec des intérêts économiques, politiques, philosophiques, communautaires ou étrangers.

 

3.3) La troisième règle de salut public visera à assurer une fidèle représentation du corps électoral et de ses choix et l’assainissement des mœurs politiciennes.

- les représentants ne devront pas faire de la politique un métier ; les cumuls, dans le temps et/ou dans les fonctions, seront freinés tout simplement en plafonnant le montant des indemnités cumulées. On ne doit pas faire fortune sur le dos de ses concitoyens en accomplissant les mandats confiés par eux.

- les politiciens qui commettraient des infractions pénales facilitées par leurs fonctions devraient subir des peines aggravées et fermes. Il faut rétablir le crime de haute trahison (supprimé de la Constitution en 2007) contre les politiciens, président compris, qui œuvreraient contre l’intérêt national, dont la définition figurera dans les dispositions non supprimables de la Constitution (indépendance militaire et politique, souveraineté du peuple en tous domaines).

- le mandat présidentiel est trop court : car le temps juridique, qui traduit le temps politique, est fatalement lent ; le mandat devrait être porté à 6 ans mais avec possibilité d’un impeachment populaire anticipé (comme au Brésil).

- le vote obligatoire sera établi (comme en Belgique) en même temps que la comptabilisation du vote blanc ou nul ; et les droits sociaux, professionnels ou civiques pourront être retirés en cas de fautes.

- les élections se feront à la proportionnelle pour la moitié des sièges du Parlement à pourvoir (comme en Allemagne, ce qui casse le système des partis, tout en dégageant des majorités numériques ou permettant des coalitions politiques).

- il faudra fixer dans la Constitution une liste de principes intangibles. Parmi lesquels le droit pour le peuple d’être consulté par referendum sur des sujets définis, et sur la base d’une initiative populaire.

 

3.4) La quatrième règle de salut public concernera la finance et la monnaie.

Les activités artificielles : d’émission de monnaie scripturale par les banques, de spéculation sur les marchés, seront très vigoureusement contrôlées, drastiquement restreintes, voire criminalisées et parfois même qualifiées de fausse monnaie (Maurice Allais dixit).

Les activités diplomatiques avec les pays où sont effectuées ces opérations ou qui abriteront des paradis fiscaux ou bancaires seront rompues ; les établissements concernés, les clients de ces établissements - fussent-ils des États - seront sanctionnés économiquement, administrativement (visas) ou même pénalement.

 

4) Autres principes

À propos du territoire et de l’appartenance

- les conditions de surveillance des frontières, de visa de permis de séjour, et d’acquisition ou de déchéance de la nationalité feront aussi partie des principes constitutionnels (comme dans la constitution de 1793).

- eu égard à la croissance démographique et aux déplacements migratoires de masse, le droit du sol et la naturalisation seront soumis à des conditions très strictes (stage, interdiction de service militaire à l’étranger) et la double nationalité interdite. Mais le statut de résident ou de résident privilégié sera amélioré.

À propos du système judiciaire

- les amendes pénales fixées seront proportionnelles aux revenus.

- les juges ne seront recrutés qu’après 10 ans de Barre effective, au minimum. La formation des personnels judiciaires (avocats et juges) sera identique et d’un très haut niveau technique et moral.

- la Justice (troisième pouvoir) disposera de moyens suffisants.

- le recours à un avocat devant la justice sera exonéré de TVA pour certaines questions (famille, emploi, logement, santé, retraites), car l’État de droit n’existe que si sa sanction judiciaire est accessible à tous…

- les juges seront soumis à des règles déontologiques strictes.

par Henri Temple, le 12 avril 2016

* Ndlr : Entre le temps de la rédaction du texte de M. Temple, le 12 avril, et sa mise en ligne le 18, est intervenu (le dimanche 17 avril) un vote décisif des députés brésiliens en faveur de l’impeachment de la présidente Dilma Rousseff, accusée par l’opposition de son pays non de corruption mais d’insincérité quant à l’état des comptes publics.

 

Henri Temple

Henri Temple est universitaire, avocat, expert international (sa spécialité est le droit économique : consommation, concurrence et libre circulation notamment) et, selon l’expression qu’il affectionne, « philo-politiste »...

 

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13 avril 2016

« Le référendum, ultime avatar de l'idée démocratique ? », par Bertrand Mathieu

Par cet article sera inaugurée une série que j’espère riche de tribunes et interviews ayant pour thématique la proposition suivante, déjà utilisée lors d’un article récent composé avec des jeunes engagés en politique : Si la Constitution m’était confiée... (Loi fondamentale et lois organiques : réflexions et propositions sur les règles du jeu démocratique et l’organisation des pouvoirs en France).

Pour ce premier texte, c’est un invité de choix qui m’a fait l’honneur d’accepter mon invitation : M. Bertrand Mathieu, professeur à l’École de Droit de la Sorbonne - Université Paris I et l’un des constitutionnalistes - et juristes en général - les plus éminents que compte le pays (auteur de nombreux ouvrages, il est notamment président émérite de lAssociation française de droit constitutionnel et a participé au comité de réflexion et de proposition dont les travaux ont abouti à la réforme de la loi fondamentale de 2008). Il s’exprime ici sur une question essentielle, d’après une proposition discutée et amendée avec lui : « Le referendum, ultime avatar de l’idée démocratique ? ». Un document précieux et éclairant quant à un débat d’actualité majeur, je l’en remercie... Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Le référendum, ultime avatar de l’idée démocratique ?

par Bertrand Mathieu, professeur à l’École de Droit

de la Sorbonne - Université Paris I, le 11 avril 2016

Référendum

Source de l’illustration : article Slate.fr

 

Le referendum fait un retour notable dans la pratique politique des États européens : référendum grec sur la politique d’austérité, referendum hollandais sur le projet d’accord entre l’Union européenne et l’Ukraine, referendum britannique sur l’appartenance à l’Union européenne, referendum hongrois sur l’immigration… En France, un certain nombre de candidats à la Primaire de la droite et du centre, dont François Fillon, invoquent la nécessité de recourir au référendum pour ancrer démocratiquement les bases des grandes réformes qui devront être conduites. On peut invoquer également le projet de référendum sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, outil juridique improvisé pour tenter une sortie de crise.

« Les références répétées à l’idée de référendum

témoignent d’une défiance profonde envers le politique »

Cette utilisation, ou ces références, au référendum traduisent en fait une véritable crise de la démocratie représentative. Faute de projet politique et d’enracinement dans une histoire et des valeurs, l’Europe politique est une abstraction. Dotée d’une administration déconnectée des Peuples européens et d’un Parlement dont les membres sont à la fois élus sur des critères politiques nationaux et selon un mode de scrutin proportionnel qui ne crée aucun lien entre représentants et représentés, l’Europe n’offre qu’une image technocratique. Faute de développer un sentiment d’adhésion, les référendums dont le sujet est européen ne font que manifester la défiance des Peuples nationaux. Faut-il s’en inquiéter ? Incontestablement, oui ! Dans une période de troubles économiques et géopolitiques, la dilution de l’Europe ne fait qu’ajouter aux dangers auxquels nous sommes confrontés. Faut-il faire taire les Peuples, à la raison qu’ils sont incapables de comprendre les nécessités d’une Europe forte ? Ce serait renforcer la césure entre le Peuple et les gouvernants, souffler sur les braises d’une révolte latente. Le référendum grec, qui démontre que la voix du Peuple ne suffit pas à surmonter les contraintes économiques d’un pays gouverné par des instituions financières, démontre que la souveraineté d’un État peut ne plus être qu’une fiction juridique. Or, la démocratie implique par nature l’existence d’un souverain dans un cadre géographique déterminé. Le referendum hollandais, qui n’est que consultatif traduit une manifestation de souveraineté qui ne peut être ignorée des dirigeants de ce pays, le referendum britannique constitue une menace pour l’Europe, mais aussi une révolte contre des contraintes mal comprises ou mal acceptées, qu’elles viennent d’ailleurs de l’Union européenne ou de la Cour européenne des droits de l’Homme.

En France, les votes pour des partis se situant aux extrêmes de l’échiquier politique, s’ajoutant aux abstentionnistes, sont majoritaires. Les raisons en sont multiples, elles tiennent notamment à la déconnection entre le choix électoral et les décisions prises qui résultent en fait de contraintes externes, économiques, financières… Par ailleurs, la démocratie, qui fonctionne dans un cadre national, est concurrencée par des systèmes supranationaux. Or les unes et les autres de ces contraintes n’obéissent pas à une logique démocratique. Les décisions juridictionnelles nationales ou supranationales concurrencent le pouvoir politique. Le jeu, devenu triangulaire des forces politiques, accule les formations politiques traditionnelles à un déni de réalité. L’affrontement entre ceux qui maintiennent la fiction d’une démocratie vivante et ceux qui laissent croire que l’on pourrait, par une simple volonté politique, échapper aux contraintes externes est stérile. Il menace nos systèmes démocratiques qui sont plus fragiles que l’on peut le penser.

Faut-il alors considérer le référendum comme un danger ou comme une solution ? Il peut être l’un et l’autre. Face au déni de démocratie et de souveraineté qui se manifeste partout en Europe, utilisé comme instrument politique, il permet aux gouvernements de canaliser la colère latente des citoyens vers un repli nationaliste qui constitue une impasse. Mais continuer à faire l’impasse sur cette révolte sourde en privant le Peuple de la possibilité de s’exprimer, c’est courir le danger d’une explosion dont personne ne peut prédire les péripéties et les conséquences. Entre une destruction progressive de l’idée européenne et une fracture brutale, la troisième voie semble difficile.

« Prometteuse au niveau local, la démocratie participative

ne saurait être utilisée comme expression de la souveraineté »

Le recours à la démocratie participative développe les communautarismes et ne permet pas de légitimer les décisions au niveau national. Outil prometteur de la gestion des problèmes locaux, elle n’est pas à la dimension de la démocratie en tant qu’expression de la souveraineté. Privilégiant les groupes de pression, elle accroît la distance entre ceux qui ont les outils décisionnels et ceux qui sont privés de moyens d’expression.

Par ailleurs, il est dangereux de considérer que le droit se place au-dessus de la démocratie. La mutation de la conception représentative de la démocratie en un État de droit, impliquant la séparation des pouvoirs, les droits fondamentaux, la transparence… fait du juge un arbitre placé au dessus du Peuple (cf. B. Mathieu, Justice et politique : la déchirure ?, Lextenso, 2015), une sorte d’usurpation oligarchique au sein d’un système qui se veut démocratique.

Revivifier la démocratie c’est revenir à son sens premier, rendre la parole au peuple. Au-delà de la formule, le référendum, prévu par la Constitution est un instrument pertinent. C’est un outil de démocratie directe, dans un système qui par nature éloigne les citoyens des mécanismes de décision. C’est un moment de respiration démocratique dans un monde technicisé. C’est l’occasion d’un débat autour de la détermination des valeurs qui constituent l’identité nationale. Craint, du fait que le Peuple ne répond pas toujours à la question posée, galvaudé, par une utilisation opportuniste, le référendum reste un outil majeur de la démocratie. On dénonce le risque de dérive plébiscitaire, pourtant quoi de plus démocratique pour un responsable politique que d’engager sa responsabilité devant le Peuple qui l’a élu en cours de mandat ? On invoque le risque de dérive populiste, mais priver le peuple de la faculté de s’exprimer ne peut que favoriser les partis populistes.

Il est vrai que dans notre système juridique le principe démocratique est tempéré par un principe libéral de séparation des pouvoirs et de garantie des droits. La question se pose alors de trouver un mécanisme qui permette de redonner la parole au Peuple tout en évitant que ne soit remise en cause cette démocratie tempérée qui est le modèle de nos sociétés occidentales.

Plusieurs pistes peuvent être explorées. D’abord redonner la parole au Peuple sur des questions importantes, parmi lesquelles ces « questions de société », dont justement le Conseil constitutionnel estime qu’elles sont tellement politiques qu’il n’en contrôle pas la constitutionnalité. Faire valider les grandes lignes d’un projet économique et social de redressement… Mais sont aussi concernées les questions qui engagent l’avenir d’une Nation. La construction européenne est de celles-là. Redessiner une Europe politique et des droits et libertés ambitieuse mais respectueuse des identités nationales, économiquement puissante, unie autour de positions géostratégiques communes, d’une monnaie commune soutenue par une politique sociale et fiscale communes constitue une ambition qui pourrait réunir les Peuples européens après un véritable débat.

Mais si le referendum est un outil de la démocratie, il est aussi de par son caractère binaire, sa force et la brutalité de son résultat un outil dangereux. Par exemple, il faut aussi éviter que par la voie référendaire ne soient opérées des violations de droits et libertés, fondamentaux au sens strict du terme. Une méthode simple existe : soumettre les projets (ou les propositions) de loi référendaires au Conseil constitutionnel préalablement à leur vote par le Peuple, le juge constitutionnel pouvant apprécier, tant la clarté du texte, voire de la question, que sa conformité aux dispositions substantielles de la Constitution.

« Une des questions essentielles est celle de l’articulation

entre principe démocratique et principes libéraux »

Il ne faut pas se cacher que cette procédure interdirait au Président de la République de réviser la Constitution en en appelant directement au Peuple sans vote préalable des Assemblées parlementaires. Concernant l’Assemblée nationale, le Président pourrait toujours prononcer une dissolution suivie d’élections dont l’un des enjeux serait la révision constitutionnelle. Cette possibilité n’existe pas pour le Sénat, ainsi le Sénat pourrait s’opposer à lui seul à une révision constitutionnelle, ce qui présente l’avantage d’éviter toute révision ne faisant pas l’objet d’un consensus minimum, mais donne au Sénat un pouvoir considérable et empêcherait incidemment toute révision conduisant à modifier le rôle du Sénat. Reste à savoir si cet inconvénient est dirimant au regard de l’intérêt politique que représenterait une telle novation. Plus grave, cette procédure, si elle ne donne pas le dernier mot au juge, lui permet d’empêcher le Peuple de se prononcer. Peut être conviendrait-il de réfléchir à une intervention du juge constitutionnel, limitée à l’examen de la clarté et de l’intelligibilité de la question posée. Le débat reste ouvert. Il est fondamental, il s’agit de savoir du principe démocratique ou du principe libéral lequel doit l’emporter. En toute hypothèse aujourd’hui ce n’est pas d’excès, mais d’insuffisance de démocratie dont nous souffrons.

S’agissant de la révision de la Constitution, il conviendrait également d’associer le Peuple à toutes les révisions importantes. Aujourd’hui deux procédures peuvent être utilisées, indifféremment, par le Président de la République, en vertu de l’article 89 de la Constitution, à la suite de l’adoption du texte par les deux assemblées : un vote par le Congrès à la majorité des trois cinquièmes ou un referendum. On pourrait imaginer que soient distinguées, comme c’est le cas par exemple en Espagne, les révisions ne nécessitant que l’intervention des Assemblées, de celles faisant obligatoirement intervenir le Peuple. De ces dernières devraient relever les deux principes qui fondent notre ordre juridictionnel : la souveraineté nationale et les droits de l’Homme. Il conviendrait, peut être, d’y ajouter les principes essentiels relatifs aux compétences et aux nominations des organes de l’État, notamment le président de la République.

Une autre réflexion doit s’engager sur le referendum dit d’« initiative populaire ». Instauré par la réforme constitutionnelle de 2008, ce referendum est en réalité un référendum mixte d’initiative parlementaire (d’abord) puis de confirmation populaire (ensuite). Prudemment, le Constituant a assorti ce recours au referendum d’un contrôle du juge constitutionnel. Dans son principe, ce referendum d’initiative populaire, relève de par son imitative d’une logique de démocratie participative, de par son adoption, d’une logique de démocratie directe. Cette relative confusion des logiques participe peut-être de l’échec de cette procédure. En effet, ce referendum peut également être l’objet de manipulation de la part de groupes de pression.

Enfin, il convient de ne pas confondre le referendum local, qui pourrait être développé, y compris dans le cadre d’une initiative populaire, et qui vise des décisions locales, propices aux mécanismes de démocratie participative et les referendums nationaux, expression de la volonté du peuple.

À instaurer la confusion entre la démocratie et le respect des droits des minorités, entre les expressions communautaristes et l’intérêt général, entre les valeurs communes et les identités particulières et les désirs individuels, à oublier le rôle fondamental des frontières nationales qui ne sont pas signes d’enfermement mais base indispensable au dialogue et aux échanges, à mépriser le Peuple incapable de comprendre les enjeux de nos sociétés, on a gravement altéré le principe et la mécanique démocratiques sans avoir trouve de légitimité de substitution.

« Le niveau d’altération du sentiment démocratique impose

un traitement sérieux de la question du référendum »

Le recours à un usage raisonné du référendum sera peut-être jugé dépassé, c’est pourtant l’un des dernières tentatives permettant de revivifier le sentiment démocratique. Il répond à la nécessité de rendre la parole au peuple, ce qui dans un système qui se veut démocratique n’est pas si archaïque que veulent bien le penser ceux qui sont, de fait, attachés à un système oligarchique et qui exercent, à ce titre, le pouvoir intellectuel ou politique. Faute de quoi, le Peuple risque de reprendre une parcelle du pouvoir qui lui est dénié dans des conditions qui peuvent conduire à tous les débordements.

Mais, de la même manière que l’humanisme n’est peut-être pas l’horizon indépassable de l’Homme, la démocratie n’est peut-être pas l’horizon indépassable de nos sociétés politiques. Mais la société post-démocratique, comme le transhumanisme ouvrent des horizons bien obscurs.

 

Bertand Mathieu

 

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3 avril 2016

Mathieu Rosaz : « Je revendique mon goût pour la variété »

J’ai découvert sur la toile il y a trois ans, presque par hasard, l’artiste Mathieu Rosaz, auteur-compositeur-interprète de grand talent. Une interview fut réalisée dans la foulée puis publiée sur Paroles d’ActuUn vrai coup de cœur : rares sont ceux qui savent aussi bien que lui chanter, « transmettre » Barbara. Ses compositions propres valent elles aussi, clairement, le détour. Son actualité du moment, c’est justement la sortie de son dernier opus perso en date, l’EP Oh les beaux rêves. Une voix sensuelle, des textes et mélodies fins et sensibles, à son image. Et une belle occasion de l’inviter à se confier, la quarantaine passée depuis peu, sur sa carrière, ses projets et envies... Comme une sorte de bilan d’étape. Cet exercice-là, il l’a de nouveau accepté, et il y a mis beaucoup de sincérité, je l’en remercie. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Je revendique mon goût pour la variété »

Interview de Mathieu Rosaz

Q. : 31/03 ; R. : 03/04

 

Oh les beaux rêves

Oh les beaux rêves, nouvel EP disponible sur iTunes, Amazon, Spotify et Deezer.

 

Paroles d’Actu : Merci Mathieu de m’accorder ce nouvel entretien, trois ans après notre première interview. La première question que j’aimerais te poser n’est pas des plus joyeuses, elle touche à l’actualité, une actualité décidément bien sombre... Paris, cette ville que tu aimes tant, est naturellement le théâtre de nombre de tes chansons ; les hommages que tu lui rends en rappellent d’autres dont ils sont bien dignes. Comment as-tu vécu à titre personnel les événements tragiques du 13 novembre dernier ? Est-ce qu’il y aura clairement, pour ce qui te concerne, un « avant » et un « après » cette date ?

 

Mathieu Rosaz : Il est finalement difficile de ne pas dire de banalités à ce sujet… Comme tout le monde j’ai été terriblement choqué, bouleversé. J’étais pas loin des Halles ce soir-là quand j’ai reçu l’information. Il a fallu rentrer en rasant les murs. J’habite à 10 minutes à pied du Bataclan. L’idée de l’avant et de l’après ne se situe pas pour moi autour du 13 novembre 2015. Cela fait bien plus longtemps qu’une guerre plus ou moins sournoise est déclarée. Cela date du 11 septembre 2001.

 

PdA : Lors de notre échange de février 2013, nous avons largement évoqué ton travail autour de l’œuvre de Barbara, dont tu t’es fait - c’est un ressenti personnel - l’un des plus beaux interprètes. On entend beaucoup tourner depuis quelques semaines l’album Très souvent, je pense à vous que Patrick Bruel a consacré à la « Dame brune ». C’est fait avec sincérité et respect, comme toujours avec Bruel... mais il y a chez toi, dans ton interprétation d’elle, un vrai supplément d’âme par rapport à ce que lui fait (j’invite simplement nos lecteurs à comparer vos deux versions de Madame (liens : la version Rosaz et la version Bruel). Comment as-tu reçu son album ? N’est-ce pas frustrant sincèrement de voir la promo monstre qu’il y a autour par rapport à tes créations à toi, qui en mériteraient sans doute au moins autant ?

 

M.R. : J’ai été ravi du projet de Patrick Bruel. Cela faisait un bon moment que j’étais persuadé que l’œuvre de Barbara avait besoin pour continuer à vivre d’être portée par un nom, par une figure populaire. Forcément, avec le temps, le public de Barbara s’étiolait un peu, vieillissait, même si certains continuaient à la découvrir. Il fallait un coup de projecteur médiatique et Patrick Bruel l’a donné en allant en parler partout. Et il en parle bien. Son disque est très bien produit, avec des arrangements raffinés, des harmonies renversées et des directions musicales audacieuses, risquées aussi. Son chant est sobre. Je n’ai absolument rien à lui reprocher. On a le droit de ne pas aimer une voix mais on n’a toujours pas réussi malgré les progrès de la science à greffer de nouvelles cordes vocales sur quelqu’un. J’ai vu proliférer à l’égard de Bruel des insultes inacceptables, avec des relents d’antisémitisme parfois. C’est une honte. Qu’est-ce que ces gens qui insultent en prétendant défendre l’oeuvre de Barbara ont compris à Barbara ? Le public qui vient voir Bruel chantant Barbara sur scène n’est pas le public de Barbara mais son public à lui. Après plus de trente ans de carrière, il s’offre un rêve et son public l’aime assez pour le suivre. Depuis cette mise en lumière de Barbara, des projets se débloquent : films, émissions. C’est formidable. Le but de tout cela est que des gens qui ne connaissaient pas Barbara la découvrent. Et le but est atteint. Tout va bien !

 

PdA : Ton actualité, c’est la sortie au début de l’année d’un nouvel EP que tu as choisi d’intituler Oh les beaux rêves. Quelle a été l’histoire de cette création-là ? En quoi porte-t-elle à ton avis la marque d’une évolution depuis l’album La tête haute quitte à me la faire couper ! sorti en 2009 et que tu disais être dans notre interview ton « disque le plus abouti » ?

 

M.R. : Je n’avais pas sorti de chansons inédites depuis 2009, à l’exception de quelques unes postées directement sur YouTube de temps en temps. J’ai fait ce petit disque à la base pour les quelques personnes qui ont la bonté de me suivre, et d’attendre… Il n’y a que sept chansons. Quatre d’entre elles ont été écrites aux alentours de l’été dernier. Rapidement, facilement et spontanément. Je n’avais pas envie d’attendre encore d’avoir de quoi faire un album entier, d’autant que le format bref du EP me convient et me semble en totale adéquation avec une époque où même si on a du temps, on est moins disponible car submergés d’informations et de tentations. J’ai eu quarante ans et sans que cela soit une véritable révolution intérieure, je l’ai senti passer. Je n’en reviens pas de ne plus faire partie des « jeunes » ! Même si je n’ai jamais eu l’impression d’être particulièrement jeune… Mais bien qu’étant une vieille âme de naissance, je pouvais encore faire illusion… Les chansons traduisent donc les humeurs traversées ces derniers temps. Les illusions et les désillusions dans Oh les beaux rêves, la quête de sérénité et un certain détachement dans Vivre au bord de la mer, une de mes préférées, et les souvenirs d’enfance, toujours très présents dans N’ai-je jamais grandi ?.

 

PdA : Dans un des titres du dernier opus, L’éphémère, on retrouve des thèmes qui te sont chers et que tu viens en partie d’évoquer : la jeunesse qui s’enfuit, les angoisses liées au temps qui passe inexorablement, le désir ardent de plaire toujours et la hantise de la solitude... Est-ce que ce sont là des questions qui sont prégnantes dans ton esprit, et notamment depuis que tu as passé, l’an dernier, ce fameux cap de la quarantaine ?

 

M.R. : Attention, je ne parle pas vraiment de moi dans L’éphémère. Cette chanson est née de l’observation de quelqu’un qui dansait, qui était beau, jeune, qui formait un tout très cohérent. Et je me suis demandé comment allait vieillir cette créature ? Comment allait-elle négocier le virage ? Je ne sors plus beaucoup en boite mais à l’époque où je sortais, j’observais. On voyait parfois des gens d’un âge certain, dirons-nous, qui s’accrochaient. Mais elles seules étaient dupes. Si toutefois elles l’étaient. Il pouvait y avoir quelque chose de pathétique. C’est l’éternelle question : comment être et avoir été ?

 

PdA : La chanson Oh les beaux rêves m’a elle aussi beaucoup touché. On y oscille entre désillusions et espoirs. Où se situe ton curseur à ce niveau-là ?

 

M.R. : Le bilan est fait et cette chanson le résume. Maintenant il faut avancer !

 

PdA : Sur cet EP comme dans d’autres chansons, je pense à tes reprises de Madame, de Le bel âge de Barbara, à ton emblématique Banquette arrière pour ne citer qu’elles, tu abordes souvent, avec beaucoup de finesse et de sensibilité, le thème des amours au masculin. Est-ce que ça a été évident, facile à faire pour toi au départ ? Est-ce qu’à ton avis il est plus simple de chanter cela aujourd’hui qu’il y a vingt, dix ans ?

 

M.R. : Le problème est que si j’écris une simple chanson d’amour en disant « il » et non « elle », la chanson deviendra une chanson « gay » et plus une chanson d’amour, tout simplement. Cela fausse la donne. Mieux vaut employer le « tu » dans ce cas, si possible. Il n’est pas plus simple de chanter ce type de choses aujourd’hui qu’il y a vingt ans car finalement et malheureusement, malgré tout, les mentalités ont très peu évolué en vingt ans. Elles ont presque régressé d’ailleurs. Même si globalement, si on se base sur ces cinquante dernières années, il y a eu du progrès. Un nouveau type de blocage a débarqué : celui des gays eux-mêmes. Beaucoup sont à la tête d’importants médias et j’ai clairement l’impression qu’ils ne veulent pas trop entendre parler de ce qui pourrait avoir un rapport avec l’homosexualité, leur homosexualité… Il y a aussi un facteur économique. Les homosexuels restent une minorité et le graal reste pour beaucoup la timbale à décrocher auprès de ce qu’on appelle le grand public.

 

PdA : « La » chanson signée Barbara que tu aurais aimé écrire ?

 

M.R. : Perlimpinpin, bien sûr, entre autres.

 

PdA : La même, tous artistes confondus.

 

M.R. : Il y en a trop. Mais suite au 13 novembre, j’ai repensé avec beaucoup d’émotion à la chanson Ils s’aiment de Daniel Lavoie. Sortie en France en 1984. Magnifique chanson.

 

PdA : Quel regard portes-tu sur ton parcours d’artiste jusqu’à présent ? Que crois-tu avoir appris de ce milieu ?

 

M.R. : Je n’ai pas fait le quart du dixième de ce que j’aurais voulu faire. J’ai passé plus de temps à cogiter qu’à agir. Aurais-je pu faire autrement ? Quant au « milieu », de quel milieu parles-tu ? Celui de la chanson, du showbiz ? Je n’ai pas le sentiment d’avoir fait vraiment partie plus de deux secondes d’affilée de l’un de ces « milieux ». Mais j’ai observé des systèmes, des trajectoires, des comportements. Je connais les chapelles, les réseaux. Si « milieu » il y a, il est à l’image me semble-t-il de tous les autres. Et au bout du compte de l’Homme, avec ses grandeurs et ses bassesses… 

 

PdA : Une question qui sonne comme l’expression d’un désir perso, j’assume... à quand une collaboration avec Marie-Paule Belle ? ;-)

 

M.R. : Quand elle veut ! J’adore son répertoire. C’est une formidable compositrice. Avec ses auteurs, elle a créé des chansons qui sont des sommets du genre. Elle a à cause de La Parisienne une image de rigolote mais c’est très réducteur de la limiter à ce registre. Il faut écouter Sur un volcan, Assez, L’enfant et la mouche, Comme les princes travestis, Celui… Bien qu’issue des derniers cabarets et du classique, elle a totalement sa place aux côtés des artistes qui firent partie de ce qu’on a appelé la nouvelle chanson française dans les années 70 : les Souchon, Sheller, Sanson etc… C’est une grande.

 

PdA : Est-ce que tu te sens « bien dans tes baskets » dans cette époque qui est la nôtre ? Si tu avais la possibilité de la quitter pour partir ailleurs, dans un autre temps, ce serait quoi, le Paris de l’âge des cabarets ?

 

M.R. : Il y a quinze ans j’aurais pu répondre la période des cabarets, Saint-Germain-des-Prés etc… mais je ne suis plus tellement dans ce trip-là. Sur le plan musical en tout cas. Je revendique mon goût pour la bonne (et même moins bonne) variété. La chanson fait partie de la culture populaire et il ne faut pas trop l’intellectualiser. La chanson n’est pas la poésie bien qu’elle puisse être poétique. Les chansons sont des parfums et du divertissement. Elles sont mon île aux trésors et mon refuge. Plus généralement, la période rêvée pourrait être celle des « Trente Glorieuses » où on trouvait du travail au coin de chaque rue, où il n’y avait pas de chômage ou si peu. Je suis né juste après. Pas de bol ! 

 

PdA : Comment définirais-tu le bonheur ? Et, si la question n’est pas trop indiscrète, que manquerait-il pour faire le tien ?

 

M.R. : « Bonheur » est un mot qui, à force d’avoir été mis à toutes les sauces, ne veut plus dire grand chose. C’est un mot pour les publicités. Rien de plus insignifiant que l’expression « rien que du bonheur ». Le mot « bonheur » a aussi des allures de dictature culpabilisante pour qui ne l’atteint pas. C’est pourtant un bien joli mot. Être heureux, de temps en temps, c’est tout ce que je demande. Ces moments-là surgissent grâce au rire, à la complicité, au partage… Ce sont des petites « victoires sur l’ironie du sort », comme chantait quelqu’un.

 

PdA : Un dernier mot ?

 

M.R. : Tout d’abord merci à toi, Nicolas, de me permettre de m’exprimer via ton blog.

 

J’aimerais signaler que j’ai participé à une formation passionnante l’année dernière sur le chant, la voix et le coaching avec Richard Cross, véritable savant dans le domaine. J’ai commencé à donner quelques cours et j’aime ça. Elèves de tous niveaux bienvenus ! Suffit de me contacter via mon site ou ma page Facebook.

 

Et puis je vais réaliser sur scène à la fin de l’année un projet auquel je pense depuis plus de douze ans : chanter les chansons que j’ai adorées quand j’étais enfant. J’ai choisi des chansons créées uniquement par des voix féminines entre 1983 et 1988. Cela s’appellera « Ex-Fan des Eighties ». Libéré temporairement du piano, je serai juste accompagné à l’accordéon par le talentueux Michel Glasko, très calé lui aussi dans les titres de cette époque. On a commencé à répéter et on se régale. Je vais chanter des tubes ou des succès qui furent créés par des filles qui répondent aux doux prénoms de Jeanne, Muriel, Mylène, Jakie, Viktor etc… Là oui, je peux peut-être parler de bonheur… Ce sera drôle, léger, décalé et plus profond aussi qu’on peut l’imaginer car derrière le côté kitsch des arrangements d’époque, se cachent de très belles chansons. Et leurs maladresses ont un charme fou. J’aborde ces chansons comme de grands classiques. Le respect étant de les bousculer un peu. J’ai hâte !

 

Mathieu Rosaz

 

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