En ce premier mai, dont je souhaite, pour toutes et tous, qu’il soit porteur d’éclaircies durables, ou en tout cas de moments de joie et de partage, pas négligeables en ces temps bien sombres, je vous propose un nouvel article (le cinquième) autour de l’épidémie de Covid-19, qui continue de ravager des familles et de faire porter par nos soignants, et par nos sociétés, une pression difficile à supporter. Nans Florens est néphrologue (c’est-à-dire, médecin spécialiste du rein), chercheur en physiologie (en gros, la science qui étudie les fonctions et les propriétés des organes et des tissus des êtres vivants, merci Google !) et fan de rock (pas incompatible ^^). Je le remercie vivement d’avoir accepté de répondre à mes questions (interview réalisée à la fin du mois d’avril) et vous engage, toutes et tous, à suivre sa chaîne de vulgarisation (au sens le plus noble du terme) YouTube, Doc’n’Roll. Exclu, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.
SPÉCIAL COVID-19 - PAROLES D’ACTU
Nans Florens: « Il faut désacraliser nos professions,
inciter le public à s’emparer de nos débats... »
Nans Florens bonjour, et merci d’avoir accepté de répondre à mes questions pour Paroles d’Actu. Parlez-nous un peu de votre parcours : pourquoi la médecine, et en particulier, pourquoi la néphrologie et la recherche en physiologie ?
Bonjour, merci à vous de m’interroger ! Pourquoi la médecine ? Parce que j’ai toujours été passionné par la science et le corps humain, et aussi, beaucoup, car j’ai une tendance hypocondriaque, penchant paranoïaque ! Faire médecine, c’était aussi une façon de mieux appréhender cette partie-là de ma personnalité (enfin c’est ce que je croyais, rires).
La néphrologie, c’est une histoire marrante. C’est la seule matière pour laquelle je n’ai rien compris en lisant les cours pour la première fois à la fac. Je me suis alors dit : « Ouah ! Pas évident cette spécialité, va falloir un peu/beaucoup réfléchir ! ». En fait, au fur et à mesure, j’ai compris que cette discipline était surtout basée sur la physiologie et la physiopathologie et, une fois que l’on a bien appréhendé cela, on comprend tout ! À ce moment-là, ça a été une révélation pour moi. Cette spécialité est très vaste, elle se recoupe avec beaucoup d’autres comme la cardiologie, l’endocrinologie, l’urologie, l’immunologie et la médecine intensive (la réanimation). J’étais particulièrement séduit par ce dernier point : la relation néphrologie/médecine intensive (ce sont les néphrologues qui ont en partie inventé la réanimation moderne), j’ai donc suivi également l’enseignement du diplôme d’études spécialisées en réanimation, et j’effectue aujourd’hui encore des gardes en réa.
Parallèlement à mon choix de spécialité, j’ai toujours voulu enseigner et faire de la recherche. Je ne voulais pas seulement être un bon clinicien (c’est à dire faire ce qu’il faut pour soigner) mais aussi être acteur de la médecine et de la science de demain, participer à l’amélioration des connaissances et à la découverte de nouvelles perspectives. C’est pour cela que j’ai fait un deuxième doctorat de recherche en physiologie (domaine très vaste). J’ai surtout travailler sur les lipoprotéines dans l’insuffisance rénale chronique et leur lien avec le risque cardio-vasculaire. Je vais poursuivre mes recherches aux États-Unis à partir de la fin de l’année, pour deux ans, dans un laboratoire à la pointe de la biologie moléculaire cardio-vasculaire.
Côté enseignement, j’interviens dans les cours magistraux de néphrologie et de thérapeutique, mais je crois aussi beaucoup à la vulgarisation et c’est pour ça que j’ai lancé avec un ami infirmier une chaîne YouTube du nom de Doc’n’Roll (alliant aussi ma passion pour la musique) il y a peu !
Quel regard portez-vous sur ce nouveau coronavirus, le Covid-19, notamment en tant que chercheur ?
Ce virus est un véritable challenge pour la science et ce, à plusieurs égards.
Premièrement, car nous partons de zéro. Il faut construire la connaissance autour de ce virus, son origine, son mode de transmission, ses particularités virologiques, ses symptômes et ses traitements potentiels. Le monde scientifique est en ébullition et nous découvrons chaque jour dans tous les domaines de nouvelles choses. C’est assez rare dans ce milieu, autant de découvertes aussi importantes et en peu de temps ! La plupart du temps, la recherche avance doucement car les hypothèses testées sont de plus en plus complexes et il faut beaucoup de temps pour y répondre. Là, nous avons une feuille vierge pour écrire l’histoire et la science de ce virus.
« En matière de recherche, le combat doit être
un combat de preuves, et non de communication ! »
Deuxièmement, car la science ne doit pas être victime d’un emballement néfaste. Le domaine de la recherche est aussi un milieu très compétitif, avec des enjeux financiers et d’égo. Il est donc dangereux de voir apparaître tout et n’importe quoi sur le plan scientifique, et même à un haut niveau de publication (revues prestigieuses). Toute l’année, nous nous battons pour protéger les patients par une recherche clinique de qualité, avec une vraie évaluation du bénéfice/risque et une transparence absolue en matière d’efficacité. La façon de faire de certains collègues, quel que soit leur passé glorieux, est plus de l’ordre du populisme scientifique. Il est absolument dément de voir la médiatisation et la « peopolisation » du débat sur la chloroquine ! Le combat doit être un combat de preuves, et non de communication, ce que je déplore trop souvent actuellement. Plus que jamais dans une période aussi inédite, et vu l’énormité des enjeux (on parle quand même de traiter des millions, voire des milliards d’individus !), il ne faut pas se contenter de mauvaises études. La science, ce n’est pas selon l’interprétation de chacun, il y a des faits et une méthode. Si la méthode ne permet pas d’affirmer les faits, alors on ne peut pas les affirmer, point.
Enfin, je dirais que cela montre aussi la grande qualité de notre recherche scientifique mondiale, quand elle s’en donne les moyens. Dernièrement, nous avons généré plus de connaissances, en quelques mois, sur ce virus que sur le virus Ebola. On parle de vaccin d’ici l’année prochaine, là où une épidémie qui a fait 20.000 morts a dû attendre quatre années (Ebola : dernière épidémie 2013-2016, vaccin 2019).
Comment vivez-vous, dans le cadre de votre travail à l’hôpital, cette grave crise sanitaire ?
Nous avons dû repenser en profondeur notre façon de fonctionner. Toutes nos réunions de service ont été annulées ou réduites au staff minimal nécessaire. Nous avons déprogrammé toutes nos hospitalisations non urgentes et sommes passés à quasiment 100% de téléconsultation. C’est une véritable révolution ! Le déploiement de la téléconsultation est probablement un des points positifs de la crise Covid. Cela permettra d’accélérer les choses au niveau national. En fait, cette crise nous permet aussi de constater que, lorsque nous nous en donnons les moyens, nous pouvons faire bouger rapidement les lignes. On a qualifié l’hôpital de gros paquebot ingouvernable, mais là, les administratifs ont fait preuve d’initiative, main dans la main avec les soignants, et nous avons pu nous réinventer pour mieux absorber la crise. Résultat : pas de submersion de notre système à Lyon, bien qu’ayant connu une activité hors norme durant les dernières semaines.
En néphrologie, nous avons la dialyse, et ça, on ne peut pas le faire en téléconsultation. Nous avons donc repensé notre façon de fonctionner. De l’arrivée du patient par un circuit d’ascenseurs spécifique, de son accueil avec un questionnaire et une prise de température jusqu’à la programmation sur une série spéciale de patients dialysés Covid-19+...
À la fac, nous avons aussi déployé rapidement des plateformes de cours en ligne, et avons dû revoir nos contenus. C’est extrêmement enrichissant comme expérience !
Au laboratoire, malheureusement tout est à l’arrêt, c’est mon principal regret car je ne peux pas avancer sur ma recherche…
« J’ai vu que l’on était capable de faire beaucoup,
et j’espère que l’on pourra continuer avec
cette même énergie à la sortie de la crise. »
Pour résumer, à titre personnel, je vis la crise sous un angle plutôt positif. J’ai vu que l’on était capable de faire beaucoup, et j’espère que l’on pourra continuer avec cette même énergie à la sortie de la crise. J’ai aussi vu un grand soutien de la part de toute la société civile : les restaurateurs (qui vont être en grande difficulté), mon fournisseur d’énergie, les réparateurs de vélos, et j’en oublie ! Personnellement, je mettrai un point d’honneur à tous les remercier un par un à la sortie de tout ça.
Dans quelle mesure peut-on dire, sur le papier et de par l’expérience acquise ces dernières semaines, que les insuffisants rénaux sont une population particulièrement à risque face au Covid-19 ? Leur prise en charge hospitalière se fait-elle différemment en ce moment ?
Les patients insuffisants rénaux sont effectivement plus à risque. Très probablement car ils ont souvent plusieurs facteurs de risque de forme grave de Covid-19 (l’âge, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’hypertension…). Notre expérience montre que, comme dans la population générale, les symptômes et la gravité de la maladie sont extrêmement variables. Sur la vingtaine de patients que nous avons dû hospitaliser, nous avons eu environ 20% de formes sévères, et 15% de décès. C’est donc effectivement largement au-dessus de la population générale...
Leur prise en charge ne diffère pour autant quasiment pas des autres. Les traitements de support sont les mêmes (oxygène, nursing). Par contre, du fait de leur insuffisance rénale, nous ne pouvons pas les faire participer à toutes les études en cours, et les médicaments comme l’hydroxychloroquine sont à manier avec encore plus de précaution chez ces patients. De fait, nous ne les utilisons quasiment pas.
Les patients dialysés sont pris en charge la nuit sur une série spéciale pour leurs séances de dialyse. Les transplantés rénaux voient leur traitement réadapté.
« L’activité de greffe rénale a été suspendue
sur le plan national depuis le début
de la crise de Covid-19. »
Pour la prise en charge des patients non-Covid, nous avions transformé le service de transplantation rénale en service de néphrologie général non-Covid, car l’activité de greffe rénale a été suspendue sur le plan national. Cela a été un grand choc pour tout le monde, mais cette décision était plus sage vu le contexte, et compte tenu du fait que nous pouvons faire patienter les gens en dialyse (ce n’est cependant pas le cas pour les greffes de foie en urgence, ou les greffes de cœur/poumons qui ne peuvent pas trop attendre parfois…)
Tout cela constitue un gros changement pour nos patients, notamment pour les personnes âgées qui dialysent. La nuit c’est très éprouvant et avec la maladie, souvent très difficile, ajoutez à ça le fait de ne pas recevoir de visites et de ne voir que des soignants habillés en cosmonaute… le cocktail parfait pour déprimer !
Les patients dialysés se savent à haut risque de forme grave et en même temps, ils sont obligés de venir à l’hôpital. Cela les met dans une situation anxiogène que nous essayons de gérer au mieux.
On entend ou lit beaucoup, ici ou là, qu’à cause du Covid-19, de la peur qu’il engendre ou de la crainte de « déranger » des personnels soignants déjà fortement sollicités, pas mal de gens auraient repoussé à plus tard des examens qu’ils devaient passer, voire des interventions médicales, parfois importantes. Clairement, faut-il craindre un grand nombre de victimes « collatérales » du Covid-19, et a-t-on déjà des données en la matière ?
C’est effectivement le cas. Un certain nombre de mes patients ne veulent pas sortir faire leurs examens biologiques. Cela est un véritable problème en néphrologie, car notre prise en charge est énormément basée sur les résultats des prises de sang ! Cela est d’autant plus ennuyeux quand les patients ont une insuffisance rénale sévère, et qu’il faut ajuster leur traitement très souvent. Lors des téléconsultations, je ne peux souvent pas évaluer leur pression artérielle non plus, car beaucoup ne la prennent pas... et c’est pourtant une donnée essentielle !
« Les cardiologues ont peur de voir arriver une vague
de malades ayant des formes dépassées de pathologies,
négligées à cause de la peur du Covid... »
Je n’arrive pas à dire si tout cela va être un gros problème, mais on a bien vu que la fréquentation des services d’urgence avait chuté, qu’il y avait moins de prise en charge d’infarctus du myocarde… Cela est un peu à double tranchant, d’un côté, on voit que les consultations non urgentes et les passages injustifiés aux urgences ont largement diminué, mais d’un autre côté on voit aussi des complications sévères et des formes graves de pathologies qui ont été négligées par peur de se rendre aux urgences. Pour les infarctus, il est impensable que leur nombre ait chuté comme par magie avec le confinement... Les cardiologues ont peur de voir arriver une vague de malades ayant des formes dépassées, et donc une insuffisance cardiaque séquellaire plus grave in fine. Ces effets ne seront palpables qu’avec plusieurs années de recul par contre !
Il n’y a pas vraiment de données établies mais on peut d’ores et déjà constater des prises en charge plus tardives que d’habitude pour certaines pathologies. Un message simple : il faut aller voir son médecin, ou en tout cas l’appeler en cas de problème. Il ne faut pas hésiter à appeler les secours pour une douleur thoracique ou un problème inhabituel ! Au début de la pandémie, le 15 était saturé d’appels et les « vraies urgences » pouvaient attendre plusieurs longues minutes avant d’être prises en charge. Aujourd’hui, la situation est plus calme donc il n’y a pas de raison de ne pas se soigner !
Êtes-vous de ceux qui croient en un « monde d’après », plus responsable et plus vertueux ? Quelles grandes leçons tirer de cette pandémie ?
J’avoue que je ne sais pas ce que je crois… En confinement, tout le monde a envie de changement, de repartir sur de nouvelles bases. Mais les conséquences dans la vie de tous les jours vont peut-être perturber tout cet élan. Le chômage, la crise économique…
Je suis un fervent partisan de plus d’écologie, on voit bien que l’air est plus respirable, que la nature revient avec l’arrêt de la suractivité humaine. J’espère que l’on pourra prendre cela en compte et surtout que l’on ne sabordera pas toutes les initiatives pour un monde plus durable au profit et à la justification d’une relance économique (qui sera essentielle par ailleurs j’en conviens !)
Les leçons à tirer sont, pour moi :
Le positif :
- Sur le plan professionnel : l’énergie et les moyens que l’on peut déployer pour une cause précise. Il faut garder cela en tête pour la refondation à venir de l’hôpital. Le dialogue et la vraie collaboration administration-soignant fonctionnent ! Je suis content que l’on puisse remettre la problématique de l’hôpital au centre du débat, mais après les paroles y aura-t-il des actes ?
- Sur le plan économique : on redécouvre que de nombreux métiers peu reconnus sont essentiels au fonctionnement de la société. Il serait temps que l’on revalorise ces filières-là aussi.
- Sur le plan sociétal : on voit que le confinement a permis d’exacerber des élans de générosité et de bienveillance. J’aimerai que l’on garde cette belle énergie positive pour construire l’avenir et le vivre-ensemble.
« Il faut absolument sortir de cette crise
en repensant dès le plus jeune âge
l’apprentissage de l’esprit critique, du doute... »
Le négatif : le complotisme… la gouroutisation… Je me rends compte que nous avons échoué sur toute la ligne avec l’avènement des réseaux. Au lieu d’être une plateforme de partage, ils sont devenus le lieu d’un sectarisme numérique avec la circulation et la galvanisation de fausses informations, de détournement de la vérité… La responsabilité de chaque personne dans son domaine d’excellence est grande. Il faut absolument sortir de cette crise en repensant dès le plus jeune âge l’apprentissage de l’esprit critique, du doute (la zététique), permettre aux gens d’avoir à nouveau confiance dans les experts (ce que j’appelle les experts, ce sont ceux qui sont normalement légitimes pour parler d’un sujet, légitimes par leur cursus et leurs réalisations), mais aussi de pouvoir les remettre en question avec des arguments documentés. Sortir du sensationnalisme, du clic, du follower… Je ne vois que l’éducation et la pédagogie pour ça !
(L’annulation du Hellfest aussi est le gros point négatif de cette crise, mais ça c’est plus à titre personnel… :D)
Je l’ai bien compris, la pédagogie est quelque chose qui vous tient beaucoup à cœur. Pourquoi est-il essentiel que les patients, et plus généralement les citoyens, s’emparent davantage des questions de santé ?
Oui, comme je le disais à la question précédente, je suis assez convaincu qu’il faut proposer plus de contenu pédagogique pour le plus grand nombre. Sur le plan professionnel, je suis assez engagé dans la pédagogie à la faculté et je fais partie de l’APNET (Association pédagogique nationale des enseignants en thérapeutique).
« En médecine, nous sommes les champions du monde
de la jargonisation ! Pour le grand public, il faut vulgariser.
Et vulgariser, c’est donc surtout donner les clés
pour pouvoir mieux douter. »
Par ailleurs, sur un plan plus général, je pense qu’il faut désacraliser nos professions et la tour d’ivoire dans laquelle nous nous plaçons, avec nos dizaines d’années d’études ! C’est vrai qu’il est parfois difficile d’expliquer pourquoi telle ou telle étude est bonne ou mauvaise, car cela fait appel à de nombreux concepts à la fois de sciences fondamentales, de physiologie et de méthodologie. En médecine, nous sommes les champions du monde de la jargonisation ! Ma femme me le dit souvent quand elle se voit piégée dans une conversation avec mes amis médecins ! Le propre d’un bon pédagogue c’est de s’adapter à son auditoire. Pour le grand public, il faut vulgariser. Et vulgariser, c’est donc surtout donner les clés pour pouvoir mieux douter. L’idée ce n’est pas de devenir médecin ou statisticien, mais de se dire que la réalité cache des choses parfois plus complexes et qu’il faut beaucoup de mesure pour tirer des conclusions tranchées ! Si l’on peut par la même occasion faire passer des messages et des connaissances, alors tant mieux !
J’ai pris le parti, depuis le début de la crise, d’expliquer, en essayant au maximum de vulgariser les différents enjeux, par exemple ceux d’une étude bien ou mal faite ; de ce qu’est une prise en charge en réanimation ; de pourquoi il est faux de dire que l’hydroxychloroquine est un médicament bien toléré sans regarder son contexte de prescription… J’ai utilisé les réseaux et donc diffusé cela à mes proches. On se rend compte que pour beaucoup, il n’y avait pas de problème, mais il est difficile de convaincre les gens qui sont persuadés d’avoir raison et d’être au centre d’un complot…
Du coup, avec mon ami, Renaud Benier-Rollet, infirmier libéral, nous avons lancé notre chaîne YouTube Doc’n’Roll, l’objectif étant d’avoir un contenu de vulgarisation médicale que nous espérons accessible et sur un format ludique, la vidéo. Comme nous sommes tous les deux musiciens, cette page ne pouvait être sans rappeler notre passion commune ! Notre première vidéo sur les principes du dépistage du Covid-19 a été plutôt bien reçue ! Nous en préparons déjà plusieurs autres sur des sujets variés (médicaments, physiologie...). La prochaine va sortir très bientôt ! N’hésitez pas à nous suivre et à nous dire ce que vous en pensez ! Ce projet est dans nos têtes depuis longtemps, et c’est en voyant l’actualité que nous nous sommes décidés à le concrétiser.
« Pour moi, la place qu’on accorde aux
anti-vaccins est délirante ! »
Pour répondre à votre question donc, effectivement, je pense qu’il est fondamental que les gens se préoccupent plus de leur santé. Et pas seulement quand ils sont malades ! Pour cela, il faut qu’ils aient les clés pour pouvoir décrypter ce monde ! Il y a aussi un gros travail à faire au niveau des médias généralistes et du milieu du divertissement ! Des collectifs comme NoFakeMed ou NoFakeScience sont mobilisés et militent pour un traitement rigoureux de l’information scientifique. Je partage leur point de vue. Et ce n’est pas faire de l’élitisme que de dire cela. Il ne faut pas mettre au même niveau des informations sans commune mesure. Par exemple, la place donnée aux anti-vaccins est délirante ! Cette minorité de gens réussit à faire passer son message à grand coup de fake news, d’études bidons et de pseudo-experts médiatiques. Alors que les vraies études et les vrais experts n’ont que peu droit au chapitre ! Juste à titre d’exemple, la variole a été déclarée comme éradiquée complètement en 1980 grâce à la vaccination ! Les maladies infectieuses n’ayant pas de vaccination continuent de faire des millions de morts (paludisme, VIH…). Plus de 200 ans de recul sur les vaccins ! Enfin bref, vous aurez compris ce que je veux dire !
Je pense qu’en donnant accès à la connaissance, on pourra combattre l’obscurantisme scientifique ! Apprendre aux gens à douter et à creuser pour vérifier une info, pour moi cela devrait être au programme dès le CP !
Une question sur votre spécialité, la néphrologie. Les maladies des reins sont malheureusement très répandues, et dans les cas les plus aigus, elles nécessitent des traitements fort lourds : la dialyse à vie, ou bien la greffe d’organe. Quelles sont les perspectives d’améliorations que vous pouvez déjà entrevoir à ce stade ?
Oui aujourd’hui la maladie rénale touche près de 3 millions de personnes en France. Les patients en dialyse et en transplantation ne représentent qu’un peu moins de 100.000 personnes en France, mais la dépense de santé qu’ils génèrent est très importante (2% de la dépense globale, pour 0,1% de la population !)
Malgré l’amélioration des techniques de dialyse, cela reste effectivement un traitement lourd. Lourd sur le plan médical et lourd sur le plan personnel, car cela chamboule complètement le quotidien du patient. Il faut se rendre compte que dialyser trois fois par semaine pendant quatre heures, cela ne prend pas que douze heures du temps ! Il faut compter le temps pour s’y rendre et le temps pour en revenir, et le temps de récupérer de la séance. En somme, cela prend plutôt entre huit et dix heures, et donc entre vingt-quatre et trente heures par semaine !
La transplantation reste la meilleure option de remplacer les reins défaillants. Mais malgré les efforts déployés par la médecine moderne, ce traitement n’est pas accessible pour tous les insuffisants rénaux du fait de leur fragilité par rapport à leur dossier médical d’une part, et de la disponibilité limitée des greffons d’autre part.
Il y a plusieurs pistes pour améliorer notre prise en charge. La première c’est la prévention, l’intensification du dépistage précoce des facteurs de risque d’insuffisance rénale (comme l’hypertension par exemple). Les outils numériques de dépistage se perfectionnent et il sera peut être possible d’anticiper une partie de ces facteurs de risque, ce qui est encore le meilleur moyen de ne pas avoir d’insuffisance rénale, et donc de ne pas se poser la question des moyens de suppléance (dialyse, transplantation).
Concernant les techniques actuelles, la dialyse a beaucoup évolué depuis ses premiers essais, à la fin des années 40. Malgré l’augmentation de l’espérance de vie des patients en dialyse, cela reste un mode de traitement lourd et vécu comme pénible par les patients. Aujourd’hui, nous pouvons proposer un traitement plus personnalisé grâce à la dialyse incrémentale, qui consiste à adapter au plus près les besoins de dose de dialyse à ce dont a besoin le patient. Cela peut paraître une évidence mais, nous n’avons pas forcément eu les bons dosages et les bonnes techniques pour pouvoir identifier au mieux la dose nécessaire ! En France, plus de 90% des patients sont en hémodialyse, c’est à dire, l’épuration du sang par une machine. Il existe aussi la dialyse péritonéale, qui utilise la membrane naturelle de nos intestins, le péritoine, pour épurer le sang. Cette technique est mieux adaptée à la vie quotidienne, car elle se fait à la maison. Cependant, elle nécessite plus de logistique et une adhésion forte du patient, qui devra gérer seul son traitement la plupart du temps. La tendance est au développement de cette technique et plus généralement, des techniques de domicile. En effet, aujourd’hui, la miniaturisation a permis de mettre à disposition des patients des machines d’hémodialyse à domicile de taille raisonnable, et avec une interface ludique et simple. Cela permet de réaliser des séances plus courtes, et surtout à domicile ! On se rapproche un peu plus de la physiologie du rein !
Un gros effort de recherche est fait aussi pour une meilleure compréhension de l’épuration faite par le rein, et de celle faite par les dispositifs de dialyse, grâce à des nouvelles technologies comme la spectrométrie de masse et l’analyse en big data. Ces techniques permettent de savoir pour la première, de façon assez exhaustive, quels sont les composés présents dans un liquide ou un tissu là où il nous fallait auparavant un dosage spécifique pour chaque composé recherché ; pour la seconde, il s’agit d’outils bio-informatiques surpuissants permettant d’analyser des millions de données simultanément, afin de mieux comprendre leurs corrélations. Ces techniques ne sont pas encore disponibles, car encore très onéreuses, mais je l’espère, elles nous permettront de mieux appréhender la complexité du rein dans sa filtration et son fonctionnement.
Concernant les organes artificiels portatifs, un gros projet américain tente de développer un rein artificiel portatif implantable. Ils ont levé beaucoup d’argent pour ce projet mais pour l’instant, rien n’est encore opérationnel pour le grand public. Notre collègue Claudio Ronco, un célèbre néphrologue italien, a testé des combinaisons de dialyse portatives. Peu esthétiques, elles ont le mérite de fonctionner. Cependant, cela reste plus une prouesse technologique qu’un traitement applicable pour le grand nombre. Les nanotechnologies sont aussi une piste. Des puces biologiques avec des cellules rénales sont à l’essai, le problème est que le rein est un organe complexe avec une physiologie impliquant de nombreuses cellules, et le niveau de régulation est quantique... Le meilleur traitement reste encore la transplantation.
Pour cette dernière, les innovations sont surtout dans la prise en charge de l’immunosuppression, avec des nouvelles molécules, moins toxiques. La possibilité est accrue de faire des greffes avec des groupes sanguins différents, voire même avec des incompatibilités qui ne permettaient pas la greffe il y a vingt ans. Les innovations chirurgicales permettent de réaliser des greffes chez des patients très obèses grâce à des robots, et les machines de perfusion permettent une meilleure conservation des organes pendant leur transfert du donneur vers le receveur. Malheureusement, le nombre de greffons est limité et malgré l’élargissement des critères des donneurs et des receveurs, il y a une pénurie toujours très importante !
« S’agissant de vos reins, le meilleur traitement
reste, de loin, la prévention : faites-vous suivre ! »
J’en reviens au premier point, le meilleur traitement reste encore la prévention ! Faites-vous une prise de sang avec la fonction rénale au moins une fois (taux sanguin de créatinine), et faites-vous prendre la pression artérielle de temps en temps !
Un message pour nos lecteurs ?
J’espère qu’ils apprécieront cet article, qu’ils nous suivront sur les réseaux, et surtout qu’ils se portent bien ainsi que leurs proches.
S’ils applaudissent les soignants, je les en remercie beaucoup pour cette attention, et pour leur aide dans la lutte contre le virus, grâce au confinement.
Merci beaucoup à Paroles d’Actu de m’avoir donné la parole !
Prenez soin de vous.
Nans Florens a l’air sérieux, sur cette photo. Mais allez le voir sur la chaîne
YouTube qu’il partage avec Renaud Benier-Rollet, c’est plus fun,
et même s’ils démarrent tout juste, on y apprend déjà plein de trucs !
https://www.youtube.com/channel/UC3MFyO53K3TiYnr2uFT5Y3A
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Nulle phrase ne blessera jamais les chiens pseudo-sceptiques autant que : "Victor Niquel avait raison"