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Paroles d'Actu
7 mai 2020

Julie Bottero : « L'espérance de vie des personnes vivant avec le VIH se rapproche désormais de celle des autres... »

Alors que le déconfinement se précise, et que la vie s’apprête à redevenir un peu plus normale pour les uns et les autres, suite de ces articles ayant vocation à mieux faire connaître le monde médical, en donnant la parole à des soignants. Mon invitée du jour s’appelle Julie Bottero : responsable d’unité aux Maladies Infectieuses et Tropicales de l’hôpital Jean Verdier (Seine-Saint-Denis), elle est notamment spécialisée dans les questions touchant au VIH, au SIDA. Merci à elle d’avoir accepté de répondre à mes questions, au tout début du mois de mai. Exclu, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

SPÉCIAL SANTÉ - PAROLES D’ACTU

Julie Bottero: « L’espérance de vie des personnes vivant

avec le VIH se rapproche désormais de celle des autres... »

 

Julie Bottero bonjour, et merci d’avoir accepté de répondre à mes questions pour Paroles d’Actu. Comment vivez-vous, comme soignante, et comme chef de service à l’AP-HP, cette crise du COVID-19 ? Dans quelle mesure votre service est-il impacté par la pandémie, et sollicité pour lutter contre elle ? Quelles leçons tirez-vous de cette expérience de terrain ?

face au Covid-19

Bonjour. Tout d’abord, une précision, je ne suis pas chef de service, mais responsable d’unité aux Maladies Infectieuses et Tropicales de l’hôpital Jean Verdier (Seine-Saint-Denis), dont le chef de service multi-sites est le Professeur Olivier Bouchaud. Au début du confinement, cette unité, à activité ambulatoire exclusive, a dû, comme toutes les unités ambulatoires, fermer pour ne pas risquer d’exposer les patients au coronavirus. Ainsi l’hôpital Jean Verdier a pu, comme les autres hôpitaux, concentrer ses efforts sur la prise en charge des patients hospitalisés pour COVID.

De mon côté, j’ai donc réorganisé, conformément au souhait du Professeur Bouchaud, mon travail à distance autour d’activités de veille et synthèse bibliographique, et de production de projets de recherche.

À ce jour j’ai donc contribué à :

  • la diffusion d’informations médicales auprès de nombreux confrères, via notamment des groupes WhatsApp et un site internet mis en place par l’UNFM (Université Numérique Francophone Mondiale), dédié à la formation des soignants francophones

et à

  • l’écriture de plusieurs projets de recherche opérationnelle visant notamment à :

- Évaluer le retentissement médico-psycho-social à moyen terme d’une hospitalisation pour COVID ;

- Organiser la prise en charge des personnes sans-abri à Marseille ;

- Évaluer l’apport d’un Drive de dépistage du COVID en région parisienne.

 

Cette question dépasse un peu le cadre médical, mais croyez-vous que cette crise va nous changer, au moins un peu, dans la manière dont on aborde nos rapports à nos aînés, le temps à employer, notre environnement et le sens des priorités ?

après la crise

Même nous ne pouvons que l’espérer, je ne suis pas sûre que cette crise nous permettra effectivement de sortir du système individualiste dans lequel notre société est engagée depuis si longtemps…. Et des dérives extrémistes, notamment secondaires d’une part aux erreurs des politiques dans la gestion de cette crise, et d’autre part à une excessive défiance de la société envers ses « élites », sont même à craindre…

 

Vous êtes très engagée dans la prévention, et dans la lutte contre le Sida, pandémie (provoquée par le virus VIH) qui a tué et qui continue de tuer massivement partout dans le monde (plus de 30 millions de morts d’après l’OMS). Quels points de dissemblance et de ressemblance notables avec le COVID-19 ? La rapidité légitime des réactions et de la recherche pour lutter contre ce nouveau coronavirus, qui frappe et perturbe massivement les pays occidentaux, n’est-elle pas à comparer avec l’historique de la réponse faite au SIDA ?

Covid-19 et VIH

De nombreux parallèles peuvent effectivement être faits dans la gestion internationale, scientifique et médicale de ces deux pandémies… Même si je n’exerçais pas encore à ce moment-là, il semble que les choses vont plus vite actuellement que pour la pandémie du SIDA. Toutefois, il me semble que cela tient essentiellement aux immenses avancées, non seulement techniques (qui ont permis de caractériser ce coronavirus très rapidement), mais aussi numériques qui facilitent largement les transferts d'informations et de connaissances. En outre, ce virus de type respiratoire semble, pour le moment, moins complexe et variable que celui du VIH, ce qui devrait permettre la mise au point rapide d'un vaccin.

 

Constatez-vous, si vous avez des données en la matière, un nombre moindre de dépistages ou de traitements de maladies de type MST ou SIDA en cette période de Covid-19 ? Ce phénomène a l’air assez alarmant : beaucoup de gens ne font pas leurs examens ou ne vont pas à l’hôpital quand ils le devraient, par peur du Covid ou pire, de ne pas déranger ?

effets collatéraux

Il est certain que, du fait du confinement, du principe général de précaution, mais aussi afin de pouvoir prendre en charge au mieux l’ensemble des personnes hospitalisées pour COVID, nous avons dû différer de nombreuses consultations de suivi (certaines ayant toutefois été réalisées en téléconsultations), mais aussi limiter les amplitudes des consultations dédiées au dépistage. De ce fait, et comme d’autres spécialistes, nous sommes inquiets d’une possible (non documentée jusqu’alors) dégradation de l’état de santé générale de nos patients et nous nous préparons désormais activement à pouvoir reprendre au mieux le suivi nécessaire.

 

Où en est-on justement dans la recherche contre le SIDA ? Quelles avancées, et quels faits notables ces dernières années ? Y a-t-il un espoir tangible d’imaginer qu’à l’horizon 2030, il y ait un vaccin ?

SIDA : perspectives d’avenir

De nombreux progrès ont été faits ces dernières années, tant aux niveaux thérapeutique que préventif. Sur le plan thérapeutique, de nombreuses personnes infectées peuvent désormais bénéficier de traitements sous forme simplifiée (1 à 2 comprimé.s. par jour, parfois uniquement 4 jours/7), et quasiment dépourvus d’effets secondaires. Du fait de ces progrès, les patients infectés par le VIH vivent mieux avec le traitement et ont, de plus en plus, une espérance de vie proche de celle des personnes non-infectées.

Par ailleurs, des progrès ont également été réalisés sur le plan de la prévention, puisque l’on sait désormais qu’il n’y a pas de risque à avoir des rapports sexuels avec une personne porteuse du virus du VIH, sous réserve que celle-ci prenne scrupuleusement son traitement et que « sa » charge virale soit constamment indétectable (Concept du I= I ou Indétectable = Intransmissible). Il existe également, désormais, des tests de dépistage rapide simplifiés, y compris réalisables par les personnes elles-mêmes si elles le désirent (autotests vendus en pharmacie), et la possibilité, pour toutes les personnes prenant des risques importants d’exposition au virus (notamment pour celles n’arrivant pas à utiliser des préservatifs lors des rapports sexuels), de bénéficier de consultations et de traitement préventif appelés PREP.

Quant au vaccin, difficile malheureusement, compte-tenu des caractéristiques du virus et de ses mécanismes physiopathologiques, de penser que celui-ci sera disponible en 2030…

 

Un message à adresser aux uns et aux autres ?

Gardez la confiance en vos soignants et en l’Inserm (Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale)… nous mobilisons toute notre énergie médicale et scientifique pour nous sortir de cette crise sanitaire le plus vite et le mieux possible, et notamment en ne cessant de chercher les meilleurs traitements.

 

Un dernier mot ?

Prenez-soin de vous, de vos proches, et de la société.

 

Julie Bottero

 

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