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Paroles d'Actu
17 novembre 2020

André Rakoto : « N'en déplaise à certains, nous n'en avons pas terminé avec Trump et ses idées »

La victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle américaine, par 306 grands électeurs (et 51% des voix) contre 232 (et 47,3% des suffrages) pour le sortant Donald Trump, constitue à l’évidence un évènement majeur pour les États-Unis. Historique ? Too early to say. Ce qui est sûr c’est que, pour l’heure, derrière ce résultat, s’anime une réalité plus contrastée : un avantage net de 6 millions de voix pour le candidat démocrate, mais un recul significatif de la majorité détenue à la Chambre des représentants par le camp des vainqueurs, tandis que le Sénat restera aux mains du GOP.

De nombreuses questions se posent alors que Donald Trump (gratifié tout de même de 73 millions de bulletins de confiance), l’appareil et une partie de l’électorat républicains refusent toujours de reconnaître leur défaite, sur fond de divisions exacerbées. Décryptage, avec André Rakoto, fin connaisseur des institutions militaires américaines, au moment où s’ouvre une des périodes de transition les plus inflammables de l’histoire du pays. Exclu, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

SPÉCIAL ÉLECTION AMÉRICAINE - PAROLES D’ACTU

André Rakoto: «  N’en déplaise à certains,

nous n’en avons pas terminé avec Trump et ses idées  »

Rally for Trump

Manifestation pro-Trump. Photo : Ostap Yarysh (Voice of America)

 

André Rakoto bonjour. Quel regard portez-vous sur cette élection présidentielle américaine qui s’est soldée par la défaite de Donald Trump et la victoire de Joe Biden ? Et que restera-t-il de la présidence Trump, notamment au niveau du Parti républicain ?

un scrutin décisif

Commençons par nous féliciter que la victoire de Joe Biden permette pour la première fois à une femme, Kamala Harris, d’accéder au poste de vice-présidente, une femme de couleur qui plus est, ce qui est aussi une première. Ceci étant dit, il convient de reconnaître qu’une nouvelle fois les sondages qui prévoyaient une vague démocrate, Sénat inclus, se sont trompés. C’est d’autant plus intéressant que, contrairement à 2016, la participation au vote a été exceptionnelle. On estime que près de 160 millions d’Américains ont validé un bulletin, contre 139 millions il y a quatre ans. Compte tenu d’un écart actuellement estimé à 5 millions de voix en faveur du démocrate, l’apport de ces plus de 20 millions de votants par rapport à 2016 aura été décisif. Certes, Joe Biden sera le prochain président américain, mais très probablement sans majorité au Sénat, à moins d’un miracle en Géorgie en janvier.

«  Une leçon de cette élection : les Républicains élisent

en priorité les candidats qui sont totalement

loyaux au président et à sa politique.  »

L’autre grande leçon des élections, c’est la solidité du soutien populaire à Donald Trump avec un score de plus de 73 millions de voix au décompte actuel. Preuve est faite que le «  Trumpisme  »  va durer, avec ou sans Trump, notamment avec l’entrée au Congrès de sénateurs directement issus de cette mouvance, à l’image de Marjorie Taylor Greene, qui s’est faite remarquer, entre autres excentricités, par son adhésion à la théorie complotiste Qanon. Cela ne l’a visiblement pas empêchée d’être élue… Donald Trump a donc profondément modifié l’ADN du Parti républicain, au sein duquel les voies modérées se sont tues. Le cas du Sénateur de Caroline du Sud Lindsey O. Graham est édifiant. Compagnon de route de John McCain, il s’était publiquement moqué du candidat Trump au moment des primaires républicaines. Il a ensuite fait partie de ceux qui pensaient pouvoir manœuvrer le président après son élection. C’est à cette époque que je l’ai rencontré lors d’une visite à Paris, au cours de laquelle il était venu rassurer ses homologues français quant au fait que le tumultueux locataire de la Maison Blanche était sous contrôle. Près de quatre ans plus tard, Graham est l’un des plus fervents défenseurs de Donald Trump, sur lequel il n’exerce évidemment aucun contrôle, et c’est grâce à ce positionnement sans nuance qu’il a été réélu au Sénat malgré une opposition démocrate coriace. Le message est clair  : les Républicains élisent en priorité les candidats qui sont totalement loyaux au président et à sa politique. Donald Trump l’a très bien compris. Il aurait déjà déclaré à ses proches vouloir se représenter en 2024, et il dispose pour cela d’un comité d’action politique, «  Save America  », qui engrange pour l’instant les donations destinées à soutenir les procédures en cours contre le résultat des urnes, mais qui pourrait demain financer une campagne présidentielle. N’en déplaise à certains, nous n’en avons pas terminé avec Trump et ses idées.

 

André Rakoto avec le sénateur de Caroline du Sud Lindsey O

André Rakoto en compagnie, à sa droite,

du sénateur de Caroline du Sud Lindsey O. Graham.

 

Des troubles, voire des violences entre factions sont-ils à votre avis à craindre, au vu du climat actuel de tensions, alimenté par l’attitude disons, très discutable du président sortant ?

après les urnes, la violence ?

Les États-Unis sont politiquement très divisés, comme ils ne l’ont sans doute pas été depuis l’époque qui a précédé la guerre de Sécession, quand la question de l’esclavage avait polarisé le pays jusqu’au point de non-retour. Nous n’en sommes heureusement pas là et le spectre d’une nouvelle guerre civile agité par certains paraît plus qu’improbable, ne serait-ce que du fait de la solidité des institutions régaliennes. La grande manifestation de soutien à Donald Trump samedi n’a donné lieu à aucune vague d’incidents graves malgré la présence de nombreux militants radicaux. Et même si le limogeage récent du ministre de la Défense, Mark Esper, a fait craindre à certains observateurs une volonté d’utiliser l’outil militaire à des fins politiques, le légalisme des forces armées ne doit pas être remis en cause. Parmi la frange la plus extrême des militants qui soutiennent Trump, seuls quelques illuminés sont effectivement tentés par la radicalité, comme ceux qui ont voulu enlever le gouverneur du Michigan il y a quelques semaines. La présidence de Donald Trump a toutefois donné une visibilité inhabituelle aux milices civiles armées d’extrême droite, comme les Proud Boys, les Boogaloo Bois ou encore les Three Percenters, qui font dorénavant partie du décor dans les manifestations.

Pour ne rien arranger, l’actuel rejet du résultat des urnes par Donald Trump et par les principaux chefs républicains contribue malheureusement à entretenir parmi sa base un sentiment de révolte et de défiance vis-à-vis du système, dont on peut difficilement mesurer l’impact politique une fois que la victoire de Joe Biden aura été certifiée. Même si Trump sait qu’il a perdu, persister à ne pas l’admettre finira par avoir un coût pour sa crédibilité personnelle comme pour la réussite de la transition avec la prochaine équipe présidentielle. Les plaintes déposées par les Républicains concernent quelques centaines de voix seulement, et même si certaines aboutissent c’est nettement insuffisant pour retourner le résultat des urnes. Alors que la loi fédérale demande depuis 1963 à la General Services Administration de déterminer quel est le «  vainqueur apparent  » des élections pour pouvoir faciliter l’installation de l’équipe de transition, sa directrice nommée par Donald Trump, Emily W. Murphy, persiste à refuser d’en démarrer le processus.

«  En niant publiquement l’évidence de la défaite,

les Républicains risquent de jeter pour longtemps

le discrédit sur les institutions démocratiques

américaines auprès d’une partie de l’électorat.  »

En niant publiquement l’évidence, non seulement les Républicains renforcent la division à l’intérieur et affaiblissent le pays à l’extérieur, mais ils risquent de surcroît de jeter pour longtemps le discrédit sur les institutions démocratiques américaines auprès d’une partie de l’électorat. La conduite actuelle du président sortant est donc dangereuse à plus d’un titre, et le risque de violences au moment où sa défaite sera définitivement acquise n’est bien sûr pas à écarter.

 

Petit focus d’ailleurs, sur un sujet que vous connaissez bien. Qui se charge de la sécurité intérieure (police) aux États-Unis, et quelles sont les forces en présence ? Qu’est-ce qui dépend de l’échelon fédéral ? des États ? des collectivités locales ?

quelles forces de maintien de l’ordre ?

Aux États-Unis, la sécurité intérieure est avant tout une affaire locale gérée par près de 600.000 policiers disséminés dans 18  000 agences différentes, du bureau des sheriffs de comtés jusqu’à la police des États, en passant par les polices municipales. À titre d’exemples, le sheriff du comté de Los Angeles, qui est un élu, est à la tête du plus grand bureau avec 10.000 «  adjoints  », tandis que le chef de la police de la ville de New-York, désigné par le maire, dirige la plus grande force du pays avec 38.000 agents. Lorsque la situation se dégrade et qu’il est nécessaire de maintenir ou de rétablir l’ordre, les autorités déploient des policiers disposant d’équipements individuels et collectifs anti-émeutes. Toutefois, contrairement à la France, qui possède des forces spécialisées pour ce type de missions, en l’occurrence la gendarmerie mobile et les C.R.S., les policiers américains qui interviennent alors le font complémentairement à leurs autres tâches.

«  Le président Trump a menacé à plusieurs reprises

d’envoyer l’armée fédérale dans les rues des grandes villes

en invoquant la loi dite d’Insurrection, mais les conditions

légales, très restrictives, n’étaient pas réunies...  »

Ceci étant, les gouverneurs des États peuvent déployer la Garde nationale, force de réserve militaire territoriale placée sous leur autorité, pour intervenir en cas de troubles civils. En effet, l’armée fédérale n’a légalement plus le droit d’agir sur le sol américain dans un contexte civil depuis 1878. Le président Trump a menacé à plusieurs reprises d’envoyer l’armée fédérale dans les rues des grandes villes en invoquant la loi dite d’Insurrection de 1807, mais les conditions légales n’étaient pas réunies, notamment la nécessité d’une crise grave au point qu’un gouverneur demande lui-même le soutien de l’armée au gouvernement. Donald Trump a utilisé des forces de sécurité et de défense fédérales pour protéger certaines emprises administratives nationales lors des émeutes provoquées par la mort de George Floyd, mais il a dû se contenter de déployer dans les rues de sa capitale la Garde nationale de Washington, seule force territoriale habilitée placée sous son autorité.

 

L’Amérique de 2020 est-elle réellement, au-delà des discours et des postures, un pays désuni et fracturé ne s’entendant  plus, même sur l’essentiel  ? Quelle sera l’ampleur de la tâche de Joe Biden en la matière ?

une maison divisée, à quel point ?

Comme je le disais précédemment, les États-Unis sont divisés comme ils ne l’ont pas été de très longue date. Même aux pires moments de la lutte pour les droits civiques dans les années 1960 ou encore de l’opposition à la guerre du Vîet-Nam à la même époque, Républicains et Démocrates avaient continué à travailler ensemble au Congrès, tandis la fracture n’était pas aussi nette au sein de l’ensemble de la population. Aujourd’hui on ne compte d’ailleurs plus les amitiés brisées ou les membres d’une même famille qui ne s’adressent plus la parole. On se croirait dans ce fameux dessin de Caran d’Ache évoquant l’affaire Dreyfus. La peur d’aborder les sujets politiques devient palpables dès lors qu’on se sent en minorité d’opinion au sein d’un groupe.

«  La polarisation est totale, exacerbée par la diffusion

constante de désinformation sur les réseaux sociaux.  »

La polarisation donc est totale, exacerbée par la diffusion constante de désinformation sur les réseaux sociaux. Ces derniers ont réagi tardivement par une censure maladroite, qui a actuellement pour conséquence le départ de nombreux militants républicains vers de nouvelles plateformes non-censurées, comme Parler. L’outrance et l’inexactitude – ou les faits alternatifs, pour reprendre les termes de Kellyanne Conway – sont devenus une norme imposée par Donald Trump. Sa base est persuadée que Joe Biden va transformer les États-Unis en pays socialiste et que ce sera la fin de cette grande nation. 70% des Républicains n’ont pas confiance dans le résultat des élections, alors que les autorités de régulation continuent à affirmer que les élections ne sont pas entachées de fraude.

Joe Biden devra donc tenter d’atteindre des millions d’Américains qui vivent dans une dimension parallèle et qui s’expriment massivement sur les réseaux sociaux pour affirmer qu’ils n’accepteront jamais sa main tendue. L’autre difficulté de Joe Biden va consister à conserver l’unité de son propre camp. Entre les démocrates centristes et les plus progressistes, la synthèse ne sera pas évidente. Une des fondatrices du mouvement Black Lives Matter, Patrisse Cullors, a déjà demandé à rencontrer le futur président et sa vice-présidente, en laissant entendre qu’ils sont maintenant attendus au tournant.

 

Dans quelle mesure Biden risque-t-il d’avoir à gérer un divided government, entre un Sénat hostile et une Cour suprême conservatrice ? Ses talents de négociateurs hérités de son expérience de parlementaire l’aideront-ils à huiler la machine ?

Biden, quelles marges de manœuvre ?

Tout va dépendre des deux Sénateurs qui seront élus en Géorgie en janvier prochain. Si les pronostics qui placent les candidats Républicains en tête se confirment, Joe Biden sera alors le premier président démocrate depuis Grover Cleveland en 1885 à être élu sans avoir le contrôle des deux chambres. Lorsque Joe Biden deviendra le 46e président des États-Unis le 20 janvier 2020, il devra procéder à la nomination de près de 4.000 personnes à différents postes de la fonction exécutive. 1.200 d’entre aux requièrent l’approbation du Sénat, notamment les membres du gouvernement. La tradition voudrait que les sénateurs laissent la main au président pour nommer ses ministres, mais selon des sources proches du Parti républicain, Mitch McConnell, sénateur du Kentucky et actuel président du Sénat, refusera la confirmation de ministres trop progressistes. De même, McConnell a déjà mené une politique d’obstruction quasi-systématique face au président Barack Obama, avec des résultats désastreux pour ce dernier. La route des réformes voulues par Joe Biden pourrait bien se transformer en cul-de-sac, à moins de gouverner par décrets…

«  En cas de confirmation de la majorité républicaine

au Sénat, l’attitude que choisira d’adopter Mitch McConnell,

le président de la chambre haute, sera décisive.  »

En outre, sans majorité au Sénat, non seulement Joe Biden perdrait tout espoir d’obtenir la confirmation d’un juge démocrate à la Cour Suprême, mais de surcroît il lui serait impossible de renverser l’actuelle majorité conservatrice de la Cour en réformant le nombre de juges qui la composent, au nombre de neuf depuis une décision du Congrès adoptée en 1869. Avec un Congrès favorable, Joe Biden pourrait obtenir une nouvelle décision portant par exemple le nombre de juges à treize, lui donnant ainsi l’opportunité de mettre les conservateurs en minorité grâce à la nomination de quatre juges Démocrates. Malgré tout, en dépit de l’extrême polarisation du paysage politique, l’antériorité des relations entre Mitch McConnell et Joe Biden pourraient jouer un rôle capital dans les mois à venir. Il existe entre les deux hommes une amitié ancienne qui s’est exprimée à titre privé, McConnell étant le seul sénateur républicain présent aux obsèques de Beau Biden en 2015, et à titre public, lors de négociations cruciales quand Barack Obama était président. McConnell maintiendra certainement la pression jusqu’au résultat final des sénatoriales, mais ses liens avec Biden pourraient conduire ensuite à une certaine normalisation de leurs relations.

 

Le système présidentiel américain est probablement plus équilibré (exécutif/législatif/judiciaire) que notre système français, mais plusieurs points posent perpétuellement question : les injustices induites par le collège électoral, les conséquences de la nomination politicienne et à vie des juges de la Cour suprême, et le poids croissant de l’argent en politique. Des espoirs que ça bouge un peu pour atteindre une "union plus parfaite", sur tous ces fronts ?

de la démocratie en Amérique

Cette question est une belle façon de conclure notre entretien. Effectivement, vu de France, le système des élections reposant sur un collège électoral peut paraître rétrograde, voir obsolète, tout comme la nomination des juges fédéraux à vie. Toutefois, si en France nous élisons le président par suffrage direct depuis le référendum de 1962, nos sénateurs sont encore élus par un collège électoral, quand leurs homologues américains sont directement choisis par les électeurs. L’élection du président des États-Unis par un collège électoral, qui permet la victoire d’un candidat n’ayant pas forcément réuni la majorité du vote populaire, avec à la clef des crises comme celle de 2000 entre George Bush et Al Gore, est bien sûr régulièrement remise en cause. Cependant, c’est le seul moyen d’équilibrer la représentativité entre les États fortement peuplés, comme la Californie ou encore New-York, et ceux qui le sont moins, comme le Delaware ou le Montana, dans un système où ces États sont tous égaux dans l’Union. C’est donc le recensement de 2020 qui déterminera le nombre de grands électeurs pour les élections de 2024 et 2028.

«  Clairement, la volonté de réforme qui a contribué

à porter Joe Biden au pouvoir va se heurter à la majorité

conservatrice qui domine la Cour suprême.  »

Quant aux juges fédéraux, deux mesures sont en réalité prévues par la Constitution pour préserver leur intégrité et les protéger de toute pression  : la nomination à vie, effectivement, mais aussi la garantie que leur salaire ne pourra être diminué au cours de leur carrière. Ces mesures leur assurent une grande liberté d’action. Cependant la nomination à vie des juges par le pouvoir du moment, comme on a pu l’observer avec Donald Trump, conduit inéluctablement au verrouillage politique des cours fédérales, avec pour conséquence des blocages sur les questions notamment sociétales. Ainsi la volonté de réforme qui a contribué à porter Joe Biden au pouvoir va se heurter à la majorité conservatrice qui domine la Cour suprême. C’est pourquoi certains Démocrates appellent maintenant à limiter dans le temps la nomination des Justices de la Cour suprême.

Enfin, le poids de l’argent dans les campagnes électorales américaines est choquant pour les Français, habitués au plafonnement des dépenses de campagnes dans un souci d’égalité et d’indépendance des candidats. Néanmoins, un sondage indiquait en 2018 que deux tiers des Américains étaient en faveur d’une limitation des contributions privées aux fonds de campagnes, jugeant l’influence des grands donateurs préjudiciable. Cependant, n’est pas forcément élu celui qui lève le plus d’argent. Lors de la campagne sénatoriale qui vient de s’achever, Lindsey O. Graham avait accumulé un retard financier tel sur son concurrent démocrate, Jaime Harrison, qu’il avait supplié en direct sur Fox News les téléspectateurs conservateurs de lui adresser des dons. Il n’a jamais comblé son retard, et pourtant il a été réélu…

En conclusion, je ne suis pas certain qu’il faille s’attendre à des réformes radicales imminentes sur ces différents sujets. Et même si Joe Biden a prévu de s’attaquer au financement des campagne, ou encore de nommer une commission pour réformer la Cour suprême, il a pris le contre-pied de nombreux élus démocrates en se prononçant pendant les primaires contre une réforme du collège électoral. Compte tenu de difficultés prévisibles avec un Sénat républicain et du contexte de pandémie qui s’aggrave de jour en jour, d’autres priorités vont certainement l’accaparer.

 

André Rakoto 2020

 

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14 novembre 2020

Mehdi Aleyan: « Un retard de prise en charge d'une pathologie cardiaque peut être catastrophique ! »

Après une accalmie sur le front du Covid-19 pendant l’été en France, les chiffres des infections nouvelles ont connu une nouvelle ascension à partir du mois de septembre, puis une flambée brutale et continue à partir de la mi-octobre. Un nouveau confinement a été décidé par les plus hautes autorités de l’État, sur le conseil de médecins et de scientifiques jugeant une telle mesure nécessaire pour limiter la propagation du virus, éviter une surcharge critique des services de réanimation et contenir un nombre de décès déjà très lourd. À l’heure où j’écris cette intro, ce chiffre atteint presque les 44.000 morts pour la France, et plus d’1,3 million dans le monde.

J’ai souhaité inviter Mehdi Aleyan, cardiologue au CHU Louis Pradel de Lyon, à nous faire part de son expérience de ces derniers mois, à nous livrer ses commentaires vus de l’intérieur, et à nous parler un peu de sa spécialité, vitale avec ou sans Covid. Je le remercie d’avoir joué le jeu, et pour ses réponses, datées du 10 novembre. Exclu, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

SPÉCIAL SANTÉ - PAROLES D’ACTU

Mehdi Aleyan: « Un retard de prise en charge

d'une pathologie cardiaque peut avoir

des conséquences catastrophiques ! »

 

M

On est appelé à expertiser les patients à leur lit avec un appareil

d’échographie cardiaque que l’on trimbale partout. Avec le Covid,

les procédures d'hygiène renforcées ralentissent notre efficacité.

 

Mehdi Aleyan bonjour. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire médecine, et pourquoi vous être spécialisé dans la cardiologie ?

pourquoi la cardio ?

Bonjour Nicolas. J’ai toujours eu ce qu’on appelle une vocation pour la médecine. On est dans la phrase cliché, mais c’est la vérité ! Je me souviens que, lors de nos rentrées scolaires, dès la primaire, je répondais systématiquement que je voulais être médecin quand je serais grand. La médecine est un domaine universel : l’être humain fonctionne de la même façon que l’on soit chez nous où à l’autre bout du monde. Cette science s’applique au-delà des différences culturelles, étatiques, législatives… Et c’est ce que j’aime.

Une chose qui est assez basique mais qu’il faut souligner : pour se lancer dans une carrière médicale, il faut avant tout aimer l’Homme. Et garder à l’esprit que chaque humain doit être soigné sans aucune distinction, c’est ce qui est d’ailleurs rappelé par le Serment d’Hippocrate. On peut être amené à soigner n’importe qui, on se fiche de ses opinions, de ses actions passées, etc…
Enfin, en tant que scientifique, je reste admiratif des prouesses biologiques de la vie et de tous les systèmes qu’elle anime (êtres humains, animaux, végétaux…). Toutes ces “machines vivantes” m’intriguent et me passionnent.

La cardiologie est une spécialité qui s'intéresse aux pathologies du cœur et des vaisseaux. Le cœur, c’est le moteur de notre corps. Sans lui, rien ne fonctionne. Une erreur de diagnostic peut donc avoir de lourdes conséquences pour le patient. Je trouve que cette approche donne un intérêt immense à cette discipline. On est au cœur du problème… permettez-moi le jeu de mot.

Après 60 ans, de nombreuses personnes développent des pathologies nécessitant une prise en charge par un cardiologue. La deuxième cause de mortalité dans les pays développés est l’insuffisance cardiaque (derrière le cancer du poumon). Il y a donc un réel besoin de cardiologie pour la santé publique. J’ai donc l’impression d’être directement impliqué pour répondre aux problématiques sanitaires de notre ère, et d’essayer d’en limiter l’impact. Ne comprenez pas par là que les autres spécialités sont moins utiles. Loin de là ! Toutes les spécialités médicales sont complémentaires et dépendent les unes des autres.

 

Racontez-nous votre vécu de ces neuf derniers mois, soit, depuis la première accélération de la propagation du Covid-19 en France ? Quel regard portez-vous sur la manière dont votre profession a vécu et vit encore tout cela ?

face au Covid

Tout est allé très vite… Je travaille dans un centre hospitalier universitaire dans un service d’explorations cardiologiques où l’on réalise des bilans avant ou après un problème cardiaque (infarctus, pontage, chirurgie de valve, transplantation, arythmie…).

16 mars : nous voilà confinés face à un virus venant de Chine et sur lequel nous avons peu d’informations. Au début, on n’ose pas être trop alarmiste. On ne sait pas vraiment s' il faut porter tout temps un masque, ou uniquement si les patients sont suspects. En plus, il existe une pénurie de masques qui nous force à les économiser. Petit à petit, l’activité cardiologique programmée de mon hôpital diminue pour ne réaliser finalement que des interventions urgentes.

« J’avais l’impression qu’il y avait un grand ennemi

commun et qu’on se battait tous contre lui. »

Rapidement, on s’organise : on transforme des services de cardiologie en service “Covid”, on se rend encore plus disponible, on fait le recensement des médecins aptes à travailler en services de soins intensifs ou en réanimation. J’avais l’impression qu’il y avait un grand ennemi commun et qu’on se battait tous contre lui. C’était assez excitant à vivre. De nombreux services, hôpitaux et cliniques ont collaboré dans cette bataille. On se réunissait (en visio) chaque jour pour faire un point scientifique et sur l’état de notre hôpital. C’était une période pleine de nouveautés avec, sans cesse, de nombreux changements.

Rapidement, je suis moi-même infecté par le Covid, au début de la première vague. J’étais très frustré de ne plus pouvoir aider mes confrères dans cette bataille. J’ai eu la chance d’avoir de nombreux témoignages de solidarité et de messages de soutien de mes confrères. Une fois guéri, j’ai heureusement pu revenir au front.

Une chose qui est peu avouée : de nombreux soignants ont peur. Peur d’attraper eux-mêmes le Covid et de faire une forme sévère, car âgés de plus de 60 ans. Peur de ramener le Covid à la maison et de contaminer les proches. Peur de ne pas avoir de lit pour pouvoir hospitaliser leur patients...

C’est la première fois que je ressens cette sensation de peur, chez les soignants. Habituellement, c’est un sentiment qui n’existe pas à l'hôpital : on sait ce qu’on fait, où on va, on arrive à anticiper, on établit un pronostic… Avec le Covid, c’est le flou total. Finalement, je me dis que c’est une émotion naturelle, et qu’on reste des humains derrière nos blouses blanches et nos masques.

 

Comment ça se passe aujourd’hui, dans les coulisses des hôpitaux, après la nouvelle flambée de cet automne ? Dans quelle mesure le service dans lequel vous exercez est-il impacté ?

faire face à l’hôpital

Même si les hôpitaux ont pu apprendre de l’expérience de la première vague, cette deuxième vague a submergé le système hospitalier. Certes il y a davantage de masques et de protection mais cela ne fait pas tout.

D’un côté l’épidémie requiert l’ouverture de davantage de lits d’hospitalisation, mais de l’autre elle réduit les effectifs de soignants en contaminant le personnel. C’est un casse-tête… Tous les jours, on se bat pour trouver une place pour hospitaliser un malade.

Dans mon service, de nombreux patients auraient dû avoir une expertise cardiologique ou une intervention du cœur lors de la première vague. Cela a été décalé à l’automne : pile pendant la deuxième vague. Ces soins doivent être encore décalés et à ceux-ci s'ajoute la charge de travail habituelle. Cela demande un effort organisationnel considérable et augmente le nombre de patients dans le besoin. Dans mon service, on essaie le plus possible de ne pas tout déprogrammer, car cela peut entraîner une perte de chance pour les patients. Un retard de prise en charge d’une pathologie cardiaque pourrait avoir des conséquences catastrophiques ! C’est ce qu’on appelle les dommages collatéraux du Covid.

En plus de provoquer de nombreuses hospitalisations directement en rapport avec le virus, cette pandémie paralyse tout le reste du système de soin...

 

La région Rhône-Alpes est réputée être une des plus tendues sur le front de la crise sanitaire en ce moment, et pas mal de malades ont d’ores et déjà été transférés dans les services d’autres régions. Vous le ressentez au quotidien ?

tensions en Rhône-Alpes

En fait, je m’en suis vraiment rendu compte il y a une semaine. Un soir de garde à 2h00 du matin, une femme de 78 ans en détresse respiratoire majeure était amenée aux Urgences par le SAMU. Le médecin urgentiste avait besoin d’une évaluation cardiologique pour juger de la gravité de la patiente. D’habitude, on réalise les premiers soins dans le service des urgences puis on transfère très rapidement les patients sévères en réanimation. Or, tous les services de réanimation aux alentours (dont celui de l’hôpital où je travaille) étaient remplis. On a dû commencer les soins intensifs aux urgences, sans savoir ni où ni quand on allait pouvoir transférer cette patiente. Finalement, la place de réanimation disponible la plus proche était à plus de 150km. Du jamais vu !

C’est sur le terrain, et confronté à ce genre de situation que je me suis rendu compte de combien la situation était périlleuse. J’en profite pour partager une petite pensée de soutien pour mes confrères, et à tous les soignants qui sont aux premières lignes.

 

M

Ce masque de protection ne fait-il pas penser à un casque de chantier ?

 

On lit et on entend beaucoup que, face à ce coronavirus, les difficultés respiratoires constituent un signal d’alerte d’une forme plus grave. Est-ce qu’il y a une vulnérabilité plus grande des malades du cœur au Covid-19 ?

Covid-19 et maladies du cœur

C’est une question intéressante. De nombreuses études sont actuellement en cours sur l’interaction entre Covid-19 et les maladies chroniques des différents organes. Je pense qu’il est encore trop tôt pour définir précisément ce qu’il en est. Une chose est sûre : ce virus ne touche pas uniquement le système respiratoire.

On sait que les patients porteurs de cardiopathies sont à risque de faire des complications graves du Covid. On sait aussi que le Covid peut de façon exceptionnelle toucher le muscle du cœur (myocardite) et entraîner ainsi une défaillance sévère de la pompe cardiaque. Par ailleurs, les pathologies du cœur résultent souvent d’autres pathologies (diabète, hypertension, tabagisme, obésité…). L’infection au Covid, en déstabilisant ces facteurs de risques, peut provoquer des décompensations cardiaques. Cela ajoute un critère de sévérité dans la prise en charge.

Une autre information capitale : à cause de l’engorgement des hôpitaux, certains patients ne consultent pas. Soit par peur d’attraper le virus à l’hôpital, soit par peur de “gêner” les professionnels de santé avec des problèmes de santé non liés au Covid. On découvre alors de façon trop tardive que certains patients ont fait un infarctus à la maison, ou un AVC. Ces dernières pathologies nécessitent un traitement en extrême urgence, mais il faut avant tout que le patient appelle le SAMU ou consulte aux urgences. Les conséquences de la prise en charge tardive de ces pathologies peuvent être catastrophiques.

Par exemple, il m’est arrivé de prendre en charge un homme de 45 ans qui avait fait vraisemblablement fait un infarctus à la maison, un mois auparavant. Il m’a avoué ne pas avoir consulté plus tôt de peur d’engorger les urgences avec un problème non lié au Covid lorsqu’il avait ressenti son oppression thoracique. Résultat des courses : son coeur était dans un état critique et son pronostic bien moins bon que si on l’avait pris en charge dans des délais habituels.

« Covid ou pas, on continue de se faire soigner

et de consulter un médecin en cas de problème de santé ! »

Moralité : Covid ou pas, on continue de se faire soigner et de consulter un médecin en cas de problème de santé !

 

Quelles leçons tirer de cette grave crise sanitaire ? Est-ce que vous, quelque part, elle vous aura changé ?

des leçons à tirer

Une des principales leçons est qu’il faut que notre société soit prête à faire face à des situations de crise, aussi bien au niveau du système de santé que dans les systèmes économique, social, éducatif, etc... Si on prend du recul et qu’on s’intéresse à l’Histoire, il y a toujours eu des crises (guerres, crashs boursiers, pandémies…). Et malheureusement, l’Histoire se répète, alors autant s’y préparer !

Concrètement au niveau sanitaire, cela signifie : avoir un stock de réserves suffisant. Par cela, j’entends : un stock de protections (masques, gants…), un stock de personnels de réanimation de réserve, un stock de respirateurs, etc… Quand tout sera redevenu à la normal, je pense qu’il faudra garder une marge de manœuvre et ne pas surcharger l’activité médicale pour qu’elle puisse s’adapter en cas de crise sanitaire comme celle-ci.

Une autre leçon est qu’il faut admettre que l’on vit dans un monde globalisé. Ce qui se passe dans un pays à l’autre bout du monde peut très bien se répandre jusqu’au nôtre. C’est ce qu’il s’est passé avec le Covid venu de Chine. Il faudrait donc davantage anticiper les propagations des crises, pour être mieux préparés.

Aussi, pendant ces confinements, de nombreuses actions ou témoignages de solidarités ont vu le jour. Cela donne de l’espoir. On a beau être dans un monde de plus en plus individualiste, on peut néanmoins encore se soutenir les uns les autres.

À titre personnel, cette crise m’a fait prendre conscience que rien n’est acquis de façon définitive. Sans rentrer dans les gros clichés qu’on pourrait voir dans une émission de NRJ12 : il faut profiter du moment présent, de ses proches, de ceux qu’on aime. Il faut aussi profiter du goût des aliments et de l’odorat... tant qu’on les a !

 

Quelques conseils d’exercices simples pour prendre soin, les uns et les autres, de notre cœur, notamment quand on n’est pas trop sportif ?

savoir écouter son cœur

Pour le cœur, on prévient mieux qu’on ne guérit. Alors pour éviter d’avoir des maladies cardiaques il est conseillé de :

Bouger : prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur, aller au boulot en vélo/à pied quand cela est possible, faire un footing/du vélo d’appartement 30 min 2 fois par semaine, danser, sauter, gambader… être actif ! Certaines études démontreraient que de posséder un chien serait cardio-protecteur, car cela nous contraindrait à sortir le promener.

Manger mieux : adopter un régime méditérranéen avec du poisson et des légumes à volonté, mettre de l’huile d’olive à la place du beurre. Remplacer la viande rouge par de la viande blanche ou du poisson. Éviter les plats préparés (pleins d’acides gras saturés). Réduire sa consommation en sel, en évitant de saler systématiquement les plats. Limiter la consommation des aliments ayant peu d’intérêt nutritif (sodas, bonbons, chips, barres chocolatées…).

Arrêter la cigarette : parfois plus facile à dire qu’à faire, mais c’est primordial pour protéger son coeur. De nombreuses solutions existent (patch, gomme, e-cgarette)... On commence à se pencher aussi sur les médecines alternatives qui peuvent permettre le sevrage pour certaines personnes (hypnose, médecine chinoise, sophrologie).

Parfois, la prévention ne suffit plus et on fait un infarctus (une crise cardiaque). Cela arrive surtout chez les personnes avec des facteurs de risque (diabète, cholestérol, tabac, obésité, hypertension, hérédité), et après 50 ans. Il faut savoir reconnaître les signes : une douleur à la poitrine qui serre, qui irradie dans l’épaule et la mâchoire. Il existe d'autres présentations avec des sueurs, des essoufflements, des douleurs gastriques inhabituelles...

« Savoir reconnaître un début d’infarctus

et alerter, ça peut sauver des vies ! »

Dans ce cas, il ne faut pas attendre : on appelle le SAMU (15) et on se laisse guider. Savoir reconnaître un début d’infarctus et alerter, ça peut sauver des vies !

 

Bips

Les différents bips pour le médecin de garde...

 

Que pouvez-vous nous dire des perspectives les plus encourageantes de la recherche pour ce qui concerne votre spécialité donc, la cardiologie ?

les perspectives de la cardio

La France est un pays pionnier dans le domaine de la cardiologie. Il existe de nombreuses découvertes réalisées par des équipes françaises qui ont été exportées dans le monde entier (prothèse cardiaque, technique chirurgicale, stent…).

De nombreux thèmes de recherche sont en cours avec des perspectives d’analyses prometteuses. Je pense notamment au cœur artificiel total, qui pourrait régler le problème de pénurie de don de cœur pour la transplantation cardiaque. Le concept est d’enlever le cœur malade du receveur pour le remplacer par un cœur artificiel, et continuer à vivre normalement. Cela fait très futuriste, mais c’est un projet en cours de développement. Il s’agit là encore d’un concept français !

Un thème à la mode actuellement est l’étude de l'interaction des éléments de l’environnement (pollution, perturbateur endocrinien, additif alimentaire, etc…) sur le cœur . Mieux cibler et éviter les cardio-toxiques améliorerait la prévention des maladies cardio-vasculaire.

Il y a aussi la greffe de cellules souches pour régénérer une partie du muscle du cœur qui aurait trop souffert. Il s’agit là aussi d’une piste prometteuse...

Enfin, je pense que la génétique a encore beaucoup à nous apprendre sur le développement de certaines maladies cardiaques.

 

Un dernier mot ?

Histoire drôle : j’ai tenté de me prélever moi-même via PCR pour le Covid. J’ai pris un écouvillon et ai essayé de le passer au travers de toute ma cavité nasale. Je vous assure, ce n’est pas évident et ça fait encore plus mal... J’ai fini par passer la main à un confrère... Ne tentez pas de faire cela chez vous. ;)

 

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10 novembre 2020

« Croire en l'Amérique, rassembler le peuple américain : le défi de Joe Biden », par P.-Y. Le Borgn'

Il y a une semaine tout juste, le peuple américain se mobilisait massivement pour élire son prochain président, après quatre années d’un règne Trump clivant et pour le moins controversé. La victoire du ticket démocrate formé par Joe Biden et Kamala Harris, incertaine pendant de longues heures, s’est révélée nette, tant sur le plan du vote populaire que du collège électoral, même si de son côté, l’actuel locataire de la Maison Blanche a également été gratifié de scores impressionnants.

Ce résultat, beaucoup de gens l’espéraient, notamment parmi les progressistes, aux États-Unis, en Europe et ailleurs. Biden le libéral modéré succédera à Trump, le conservateur revanchard. Une chance, peut-être, de panser un peu les plaies de la division, aujourd’hui très vives en Amérique ; une chance aussi de redonner toute sa place, et toutes ses responsabilités, sur la scène diplomatique, à la plus grande puissance mondiale.

Peu après la confirmation de la victoire de l’ex-vice-président d’Obama, j’ai souhaité proposer à Pierre-Yves Le Borgn, ancien député des Français de l’étranger et fidèle de Paroles d’Actu, de nous livrer, par un texte inédit, son ressenti et ses espoirs suite à cette élection. Je le remercie d’avoir une nouvelle fois accepté mon invitation. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLU PAROLES D’ACTU - SPÉCIAL USA 2020

Joe Biden et Kamala Harris

Joe Biden et Kamala Harris, discours de victoire. Photo : Carolyn Kaster/AP.

 

Croire en l’Amérique, rassembler le peuple

américain : le défi de Joe Biden

par Pierre-Yves Le Borgn’, le 9 novembre 2020

Comme bien d’autres, j’ai suivi la nuit des élections américaines le nez collé aux sites du Washington Post et de CNN. J’aime profondément les États-Unis. J’ai eu la chance d’y travailler deux années au sortir des études. Cela reste un moment de vie fort pour moi, comme une période initiatique, dont je me souviens avec émotion. Les États-Unis me sont chers par leur histoire, celle de la liberté et du droit, et aussi par leur diversité humaine. Il y a une force, une volonté, un dynamisme aux États-Unis qui ne cessent de me toucher. C’est une partie du rêve américain. Mais la vie y est dure pour des millions de gens, confrontés à la pauvreté, aux injustices, à la faiblesse de la couverture sociale et à un racisme latent dont la mort tragique de George Floyd l’été dernier aura été la plus tragique et insupportable expression.

J’ai assisté par deux fois, à Washington, à la prestation de serment d’un président américain. La première fois, c’était en janvier 1997 pour le second mandat de Bill Clinton. La seconde fois fut en janvier 2009 pour le premier mandat de Barack Obama. J’avais envie de vivre, au milieu de la foule rassemblée dans le froid polaire de l’hiver américain, ce que ce moment de ferveur que l’on voit tous les quatre ans à la télévision, au chaud depuis chez nous, était vraiment. Je m’étais acheté un billet d’avion et j’étais parti là-bas exprès. C’était très émouvant, en particulier pour la prestation de serment de Barack Obama. Je l’avais raconté en 2016 sur mon blog. La solennité de l’instant m’avait impressionné. Le sentiment de vivre un moment d’histoire était immense. Je garde précieusement le petit bonnet Obama 2008 dont je m’étais couvert.

« Je trouve terrifiant d’imaginer qu’un homme

dépourvu de scrupules, impulsif, menteur,

narcissique, raciste, misogyne et démagogue

ait pu présider au destin de ce pays... »

Je suis heureux et soulagé que Joe Biden l’ait emporté. Sa victoire est incontestable, même si elle a pris plusieurs jours à se dessiner. Par tempérament, par sensibilité politique également, tout m’incline à suivre le Parti démocrate. J’ai aussi des amis républicains. Je conçois volontiers que l’on puisse être conservateur par conviction, économiquement et socialement. Ce que je ne puis comprendre en revanche, c’est que ceci se double d’insensibilité et de cynisme revendiqué. Or, c’est précisément cette face-là que Donald Trump a affichée pendant 4 ans. Je trouve terrifiant d’imaginer qu’un homme dépourvu de scrupules, impulsif, menteur, narcissique, raciste, misogyne et démagogue ait pu présider au destin de ce pays, semant le chaos, dressant les gens les uns contre les autres, vivant dans le déni de la tragédie sanitaire comme désormais du résultat même de l’élection.

Aux premières heures du 4 novembre, voyant filer la Floride vers Donald Trump, j’ai cru revivre, avec angoisse le scénario de 2016. Puis la prise en compte différée du vote anticipé, en fonction des législations des États concernés, a permis peu à peu de redresser la barre en faveur de Joe Biden, jusqu’à la victoire en Pennsylvanie samedi et le gain d’une majorité absolue dans le collège électoral. Cette élection a-t-elle été volée, comme le soutient Donald Trump  ? Absolument pas. Les électeurs, dans un contexte de pandémie, ont fait le choix du vote anticipé pour ne prendre aucun risque. Ils voulaient s’exprimer et les manœuvres dilatoires du président pour leur dénier le droit de voter ou la prise en compte de leur suffrage sont indignes. Cette élection rentrera dans l’histoire comme celle qui aura vu la plus forte participation électorale  avec près de 67%, preuve de l’enjeu et de sa perception.

Joe Biden sera sans doute élu avec 306 voix sur 538 dans le collège électoral. Dans le vote populaire, lorsque le dernier bulletin de vote aura été compté, son avance excédera 5 millions de voix. Jamais un candidat démocrate n’aura obtenu autant de suffrages. Mais jamais aussi un candidat républicain n’aura reçu autant de suffrages que Donald Trump. En 2020, même battu, il compte 7 millions de suffrages de plus qu’en 2016. Cela veut dire que le trumpisme, avec toutes ses outrances, y compris dans la libération de la parole de haine, a rencontré un écho dans le pays, en particulier dans les zones rurales à majorité blanche, dans les petites villes et dans les milieux évangéliques. Donald Trump est parvenu à balayer en 2020 plus encore qu’en 2016 la ligne traditionnelle du Parti républicain, certes conservatrice sur le droit à la vie ou le port d’arme, mais modérée sur d’autres aspects.

Il faudra à Joe Biden tout le talent d’une longue vie politique, en particulier au Congrès, pour rassembler un pays divisé comme jamais. Cette victoire est d’abord la sienne. Aucun autre candidat démocrate n’aurait pu l’emporter. Son empathie personnelle, la solidité de ses propositions au centre de la vie politique et une résilience sans faille face aux circonstances inédites de cette élection ont fait la différence. Mais s’il est parvenu à reconstruire le «  blue wall  » dans les États industriels du nord-est des États-Unis, ceux-là même que Donald Trump était parvenu à arracher à Hillary Clinton en 2016, il n’a pas pour autant retrouvé la coalition Obama de 2008 et 2012, en particulier le vote latino. Donald Trump est parvenu à capter le vote des électeurs d’origine cubaine en Floride. Et le score de Joe Biden au Nevada, y est en retrait par rapport à celui de Hillary Clinton il y a 4 ans.

Joe Biden comptera sur le soutien d’une Chambre des représentants où le Parti démocrate, bien qu’en retrait de quelques sièges, reste majoritaire. Au Sénat en revanche, malgré les deux seconds tours en janvier en Géorgie, le Parti républicain devrait garder la main. Cela veut dire qu’il n’y aura d’issue que dans des «  deals  ». Ce sera jouable si la volonté de part et d’autre existe de placer le pays et son intérêt supérieur devant la politique partisane. Les circonstances le requièrent. Le rassemblement voulu par Joe Biden et la volonté de prendre en compte la parole du camp d’en face doivent y conduire. À supposer qu’une part des sénateurs républicains et autres candidats putatifs à l’élection de 2024, déjà dans certaines têtes, ait le courage de s’affranchir de l’ombre probablement bruyante de Donald Trump pour sortir avec le président Biden les États-Unis de la crise économique et sanitaire.

En appeler au patriotisme et au dépassement est le chemin que prendra Joe Biden. Là où Donald Trump n’agissait que pour son camp, Joe Biden s’adresse à tous les Américains. À l’évidence, la maîtrise de la pandémie sera sa première priorité, en particulier par le dépistage généralisé et l’accès de tous au vaccin lorsqu’il sera disponible. En parallèle viendra la relance de l’économie américaine par un plan inédit de dépenses publiques et d’investissements dans des secteurs comme l’école, les infrastructures, les programmes sociaux ou encore les énergies renouvelables. Le salaire minimal sera doublé à l’échelle fédérale. Le plan de relance visera aussi à réduire la fracture raciale et les écarts de revenus. Prolongeant l’Obama Care, un assurance santé sera mise en place au profit des quelque 28 millions d’Américains privés aujourd’hui encore de couverture maladie.

Pour nous, Européens, l’action internationale de l’administration Biden sera essentielle. Joe Biden a promis le retour des États-Unis dans l’accord de Paris sur le climat et dans l’ensemble des organisations multilatérales abandonnées ou malmenées durant le mandat de Donald Trump. De cette Amérique-là, active et engagée, nous avons tant besoin. Pour autant, Joe Biden restera vigilant quant à la défense des intérêts américains, en particulier en termes commerciaux, et il est à prévoir que la position des États-Unis en relation à la Chine, mais également à l’Union européenne ne changera pas considérablement de ce point de vue. C’est pour cela qu’il ne faut pas surinterpréter non plus le réengagement américain sur la scène internationale. Mais une Amérique empathique, qui joue le jeu et qui reparle en bien au monde, ce sera déjà un pas considérable face aux défis de notre temps.

« En 2016, brisé par la douleur causée

par le décès de son fils, il avait renoncé.

En 2020, à près de 78 ans, Joe Biden y est allé,

et il a gagné. C’est une formidable leçon de vie. »

Au bout d’une vie publique de près d’un demi-siècle, Joe Biden deviendra le 20 janvier 2021 le 46ème président des États-Unis. Il fut un sénateur respecté et un vice-président déterminant durant les deux mandats de Barack Obama. La vie publique est faite de hauts, de bas, de longueurs, d’espoirs entretenus et déçus, de drames aussi. J’avais été bouleversé par le livre écrit par Joe Biden après la mort de son fils Beau, Attorney General du Delaware. Son titre est «  Promise me, Dad  ». La promesse qu’attendait son fils, c’est que son père tente une dernière fois de conquérir la Maison Blanche. En 2016, brisé par la douleur, il avait renoncé. En 2020, à près de 78 ans, Joe Biden y est allé, et il a gagné. C’est une formidable leçon de vie. Ne jamais renoncer, croire en l’Amérique, rassembler le peuple américain. C’est à Joe Biden désormais qu’il appartient d’écrire la suite de l’histoire.

 

Pierre-Yves Le Borgn' Biden

  

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9 novembre 2020

« Ces fractures révélées et amplifiées par l'assassinat de Samuel Paty », par Olivier Da Lage

Le meurtre de Samuel Paty, le 16 octobre dernier, a bouleversé la nation. Professeur d’histoire-géographie au collège du Bois-d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine, il a été décapité, aux abords de son établissement, par Abdoullakh Anzorov, réfugié russe d’origine tchétchène. Peu avant, M. Paty avait été montré du doigt, dans un mouvement largement amplifié par les réseaux sociaux, par des activistes musulmans lui reprochant d’avoir présenté à ses élèves, lors d’un cours, des caricatures du prophète Mahomet - dont le dogme islamique rejette la représentation imagée et a fortiori, humoristique.

Ce crime a placé à nouveau au grand jour, les fractures qui traversent notre société. Avec, au cœur des crispations, la conception française, stricte, de la laïcité, le droit à la dérision et plus généralement, la liberté d’expression. De nombreux musulmans ont fait montre de leur attachement à ces valeurs, et d’autres, parfois de bonne foi, ou parfois cherchant à faire de la politique, ont exprimé leur gêne, voire leur hostilité quant à certaines libertés prises par des non-croyants avec leur religion. Il y a eu, dans le monde arabe, et au-delà, dans le monde musulman, des témoignages de soutiens, mais aussi des manifestations défiantes envers la France.

Pour faire un point, j’ai proposé à M. Olivier Da Lage, journaliste à RFI spécialiste de la péninsule arabique, une tribune libre autour de ces questions éminemment épineuses, et dont le traitement requiert une bonne dose de doigté. Je le remercie pour son texte, fin et éclairant. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

« Ces fractures révélées et amplifiées

par l’assassinat de Samuel Paty »

Olivier Da Lage

 

Samuel Paty

Source : SIPA.

 

Depuis le terrible assassinat de Samuel Paty devant le collège où il enseignait l’histoire et la géographie, la France est secouée par de violentes répliques, si l’on prend l’analogie sismique de ce meurtre terroriste commis au nom de l’islam.

Plusieurs chocs se succèdent et s’entremêlent  : la prise de conscience que cinq ans après les attaques contre Charlie Hebdo et celles qui ont visé le Stade de France, le Bataclan et les terrasses de l’Est parisien, la France est toujours une cible du terrorisme. S’y ajoutent la division profonde au sein de la classe politique et des milieux universitaires et intellectuels sur l’analyse des causes et des réponses à y apporter, la résurgence de réflexes xénophobes voyant dans l’immigration la raison principale de la situation actuelle et enfin, la remise en cause de l’État de droit au nom de l’efficacité de la lutte contre le terrorisme. Il faut y ajouter, pour être complet, que la France se sent bien seule face à l’incompréhension non seulement d’une bonne partie du monde musulman – ne parlons pas des dirigeants qui, presque tous à l’exception du président turc Erdogan, ont apporté leur soutien à la France – mais aussi du monde anglo-saxon où l’on n’a jamais véritablement compris ni admis que la laïcité à la française n’avait pas grand-chose à voir avec le sécularisme dont se réclament un certain nombre d’entre eux. Pour tout ne rien arranger, les deux conceptions de la laïcité qui s’affrontaient au début du XXe  siècle s’opposent aujourd’hui frontalement en public  : Combes d’un côté et Briand ou Jaurès de l’autre ont une descendance décidée à ne rien céder sur sa conception de ce qu’est la laïcité et surtout, de ce qu’elle ne doit pas être.

La France plutôt isolée internationalement

Le discours d’hommage à Samuel Paty prononcé devant la Sorbonne par le président de la République était parfaitement calibré pour l’opinion française et du reste, la quasi-totalité des personnalités de l’opposition l’ont approuvé. Mais on vit dans une ère mondialisée et ce qui s’adresse aux Français est entendu par d’autres, qui en fonction de leur culture, de leur histoire et de leurs croyances, ne l’ont pas reçu de la même façon.

Commençons par ce qui, à ce stade, est le plus rassurant – et ça ne l’est pas vraiment  : la campagne internationale contre la France, qui évoque à la fois celle de 2004, suite à l’adoption de la loi interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école (en réalité, le foulard islamique). À l’époque, chefs d’État et de gouvernement, y compris des alliés de la France, rivalisaient de condamnations pour se montrer les meilleurs défenseurs de l’islam, comparés à leurs voisins et adversaires. Même chose, en plus grave, après la fatwa prononcée en 1989 contre Salman Rushdie par l’ayatollah Khomeiny. Les pays sunnites n’avaient pas voulu laisser le monopole de la condamnation des Versets sataniques à l’Iran chiite et, s’ils n’avaient pas à leur tour appelé publiquement à tuer l’écrivain britannique, ils ne s’étaient pas non plus dissociés de cet appel.

Rien de tel cette fois-ci. Même si plusieurs pays arabes du Golfe, le Maroc ou l’Iran ont condamné la republication des caricatures de Charlie Hebdo représentant Mahomet, tous ont pris soin de condamner le meurtre de l’enseignant et plusieurs ont apporté publiquement leur soutien à la France contre les violences terroristes qui se sont produites à la suite. Les seules exceptions notables de dirigeants en fonction ayant choisi de réserver leur condamnation à la France en tant que telle sont le président turc Recept Tayyip Erdogan et le Premier ministre pakistanais Imran Khan.

«  Il faut comprendre que parfois, les opinions

publiques du monde islamique se dissocient largement

de leurs dirigeants, voire les associent au monde

occidental dans un même opprobre.  »

C’est rassurant, mais loin d’être suffisant. À force d’assimiler de façon simpliste les pays musulmans à leurs dirigeants, un grand nombre de leaders d’opinion négligent le fait que l’opinion publique du monde islamique s’en dissocie largement, voire associe leurs dirigeants et le monde occidental dans un même opprobre. Il faut suivre avec attention les manifestations d’ampleur qui ont eu lieu au Bangladesh et au Pakistan. En 1989 aussi, c’est dans le sous-continent indien qu’avait débuté la contestation, relayée ensuite dans la diaspora indo-pakistanaise en Angleterre, puis alors seulement dans le monde arabe.

De même, le ferme soutien apporté par plusieurs dirigeants occidentaux (mais pas tous  !) ne saurait dissimuler le fait que beaucoup sont mal à l’aise devant ce qui apparaît comme un soutien officiel de l’État en France à la publication de dessins qui blessent profondément les musulmans. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau ne s’est pas caché pour le dire explicitement et Paris a reçu ses déclarations comme une trahison. Mais si elle fait l’effort de regarder alentour, la France ne peut que constater son isolement sur cette question. La conviction que le modèle laïque français est supérieur à tous les autres est peut-être une consolation, mais bien insuffisante pour faire face aux difficultés politiques et diplomaties à venir.

Ce serait plus facile si la société française était soudée pour faire face à ces multiples défis.

Unie, elle l’a été quelques heures, jusqu’à ce que certaines personnalités, notamment l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls et ses proches, ne rejettent la responsabilité de l’action terroriste de ce jeune Tchétchène sur ceux qui l’ont à leurs yeux rendu possible, à savoir les «  islamo-gauchistes  » et tous ceux qui, par leur déni de réalité, ont fait le lit de la progression islamiste en France.

Sur l’utilisation du mot «  islamisme  »

Avant de revenir sur ces divisions françaises, il peut être utile de s’arrêter quelques instants sur cette notion d’islamisme. Ceux qui y recourent aujourd’hui y mettent des significations très différentes qui n’ont souvent pas grand-chose à voir les unes avec les autres. Le mot a une histoire et elle a son importance.

Pour résumer, dans la bouche de nombreux responsables politiques et journalistes, il est désormais synonyme de terrorisme. C’est un contresens et le moment est sans doute venu de rappeler l’origine du mot. Depuis la fin du XIXe  siècle et jusqu’aux années 80, il était souvent indifféremment utilisé pour parler de l’islam et de ses adeptes. Les choses changent après la révolution islamique iranienne. À l’époque, pour désigner les partisans de l’ayatollah Khomeiny en Iran, au Liban et ailleurs, les journalistes recourent fréquemment à l’expression  : «  intégristes musulmans  ». Or, ce terme fait directement référence à l’Église catholique et à la dissidence de Mgr  Lefebvre. C’est un non-sens. Pour éviter ce travers, certains choisissent alors d’utiliser à l’instar des anglophones le terme «  fondamentalistes  ». C’est un autre contresens, puisque tout musulman profondément croyant se considère comme un fondamentaliste, ce qui ne fait pas de lui un extrémiste pour autant  : cela signifie seulement qu’il croit fondamentalement aux principes de sa religion, ni plus, ni moins. Donc, ni intégristes, ni fondamentalistes, comment qualifier ces extrémistes se revendiquant de l’islam en tant que projet politique aux régimes en place dans le monde musulman  ?

«  Pour mieux comprendre une réalité, il convient

d’être précis sur les termes : un fondamentaliste

n’est pas forcément un extrémiste, et un extrémiste

pas nécessairement un terroriste.  »

C’est alors qu’un certain nombre d’islamologues français, issus de différentes disciplines et par ailleurs rarement en accord entre eux sur d’autres sujets, proposent un adjectif de rechange  : «  islamistes  ». Pour ces chercheurs, voici ce que signifie «  islamistes  », et rien d’autre. Parmi eux se trouvent des conservateurs bon teint, plus rarement des révolutionnaires, d’autres sont des extrémistes et au sein de ces derniers, sans nul doute, des terroristes, mais il n’y a pas d’équivalence sémantique. Un certain nombre de journalistes, sensibilisés par ces chercheurs (je suis du nombre), à leur tour, reprennent ce terme dans l’acception qui est la leur. Le mot commence à se diffuser dans la société.

Une vingtaine, peut-être une trentaine d’années durant, c’est le sens qu’il conserve. Toutefois, après les attentats du 11-Septembre 2001, son utilisation va rapidement changer de sens et glisser vers sa signification actuelle, liée au terrorisme. Il est désormais utilisé indifféremment pour désigner des personnes qui croient à l’islam en tant que projet politique dans leur pays (du monde arabo-musulman), ceux qui veulent modifier la société européenne au sein de laquelle l’islam est minoritaire, et aussi ceux qui projettent et commettent des attentats terroristes. Employer sans différencier «  islamistes  » pour caractériser des gens et des projets si différents n’aide ni à comprendre, ni à répondre, ni à combattre ces projets. Cela engendre de la confusion et rien d’autre.

«  Islamo-gauchisme  » contre «  islamophobie d’État  »

Le meurtre de Samuel Paty par un terroriste se revendiquant de l’islam a aussitôt donné lieu à la mise en cause simultanée des «  islamistes  » de toute nature avec la volonté affirmée du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de donner un coup de pied dans la fourmilière, voire d’«  envoyer des messages  » à des personnes et associations n’ayant rien à voir avec l’enquête. L’annonce précipitée de la dissolution de plusieurs associations, dont le CCIF, pose de nombreuses questions qui ne sont pas seulement juridiques, quoique cela ne soit pas négligeable, depuis que le Conseil constitutionnel a érigé en 1971 des barrières élevées pour protéger le droit d’association. Il n’est pas besoin d’approuver les buts d’une association ni d’estimer ses dirigeants pour lui reconnaître le droit à l’existence, du moins dans un État de droit. Si le Conseil d’État devait déclarer illégales pour insuffisance de preuves la dissolution d’associations présentées comme favorisant le terrorisme, ce serait un mauvais coup porté à la lutte contre celui-ci. Il faudra attendre l’épuisement des recours pour le savoir, mais les juristes proches du gouvernement semblent peiner pour étayer une décision prise dans l’urgence, pour ne pas dire la précipitation.

La dénonciation du terme «  islamophobie  » est un autre élément à charge  : outre que les historiens ont fait litière de l’affirmation péremptoire de Caroline Fourest selon qui le mot a été forgé par les mollahs iraniens pour interdire toute critique de l’islam (en fait, on retrouve le mot dans des ouvrages datant des premières années du XXe  siècle), ce même terme est employé en anglais et dans bien d’autres langues sans que cela provoque le même émoi qu’en France et désigne couramment non pas la «  peur de l’islam  », mais l’hostilité aux musulmans (tout comme l’homophobie n’est pas la peur de son semblable, mais la haine à l’encontre des homosexuels). Et puisque le débat actuel fait remonter à la surface la participation de politiques de gauche (LFI, EELV, PCF) et de syndicalistes à la Marche contre l’islamophobie organisée le 10  novembre 2019 par un collectif d’organisations dont, entre autres, le CCIF, il n’est pas inutile de rappeler que l’appel a été lancé à la suite de la fusillade contre la mosquée de Bayonne quelques jours auparavant et dans le contexte de l’émotion que cette attaque avait alors suscité, bien au-delà des musulmans français.

Vient enfin l’accusation d’«  islamo-gauchisme  », qui a ceci de particulier qu’elle vise des personnes qui, dans leur écrasante majorité, ne sont ni musulmanes, ni gauchistes, aux fins de disqualifier leur parole. Les islamo-gauchistes seraient des marxistes attardés ayant oublié la dénonciation de l’opium des peuples et ayant remplacé le prolétariat par les musulmans, nouveaux damnés de la terre pour des porteurs de valise en mal de décolonisation à soutenir. Cette vision caricaturale serait risible, si elle n’était portée par des personnages aussi importants que le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur, le ministre de l’Éducation nationale qui s’en prend aux milieux universitaires avec une telle virulence qu’il s’est attiré une réponse cinglante de la Conférence des présidents d’université. La lutte contre l’«  islamo-gauchisme  » semble donc être devenue une priorité politique de l’État et de ses plus hauts représentants, même s’il est exact qu’à ce jour, le président Macron s’est bien gardé de reprendre publiquement cette expression à son compte. Parallèlement, des tribunes d’universitaires réputés pourfendent également, tout aussi publiquement, ceux de leurs collègues soupçonnés de faiblesse pour l’«  islamo-gauchisme  ».

«  Les uns crient à l’ "islamophobie d’État", les autres

ont inventé un nouveau maccarthysme ayant remplacé

le communisme par l’ "islamo-gauchisme"...  »

En retour, ceux ainsi désignés se rebiffent et mettent en cause, pour les uns une «  islamophobie d’État  », pour d’autres, ou pour les mêmes, un nouveau maccarthysme ayant remplacé le communisme par l’«  islamo-gauchisme  ».

La même violence a cours dans le monde des médias. L’universitaire dénonce l’universitaire, le journaliste dénonce le journaliste. C’est le concours Lépine des solutions simple à un problème complexe (le terrorisme) dont tous les spécialistes, quel que soit leur positionnement par ailleurs, s’accordent à dire qu’il est là pour longtemps et qu’aucune solution miracle ne le fera disparaître rapidement.

À ce stade de la réflexion, il est bien difficile de parvenir à une conclusion optimiste. Sur le plan international, on peut penser, en s’appuyant sur les expériences passées, que les tensions liées à l’affaire des caricatures finiront par se calmer, si du moins, certains ne remettent pas une pièce dans le bastringue à intervalle régulier pour faire la démonstration que le prix à payer pour considérer que nous sommes libres et non en état de soumission à l’islam.

En ce qui concerne la société française, le mal est en réalité beaucoup plus profond. Pourtant, jamais dans le passé, on n’avait vu autant de responsables musulmans, du recteur de la mosquée de Paris aux mosquées régionales en passant par le président du CFCM s’exprimer publiquement pour non seulement dénoncer les attentats terroristes, mais affirmer haut et fort le droit à la caricature, même si elle choque les sensibilités. Sans doute aurait-il été utile que ces affirmations viennent plus tôt. Le fait est qu’elles ont été relayées avec une relative discrétion par les médias. Cependant, à tort ou à raison, une grande partie des musulmans de ce pays ont le sentiment que la laïcité n’est invoquée que pour s’en prendre aux musulmans et que les autorités se précipitent au secours des catholiques et des juifs chaque fois qu’ils sont menacés, mais que les musulmans, pour ce qui les concerne, sont sommés de faire preuve à chaque fois de leur républicanisme, même lorsque les cibles sont musulmanes.

Quant au discours politique, il semble inscrit dans une dynamique que l’on voit à l’œuvre dans de très nombreux pays  : lorsque l’économie va mal, a fortiori avec une épidémie que les mesures gouvernementales ne parviennent pas à maîtriser, le seul champ lexical qui reste pour mobiliser une population est celui de la dénonciation de l’ennemi intérieur qui, de façon délibérée, ou parce qu’il se comporte en «  idiot utile  » de ce dernier, aide l’ennemi extérieur à s’en prendre à la communauté nationale. Ce regain de nationalisme, qui n’a pas grand-chose à voir avec le patriotisme, n’unit pas la nation  : il la divise en excluant, à la plus grande satisfaction de ceux qui, ayant toujours tenu ce discours, attendent désormais d’en recueillir les fruits, par exemple lors de la prochaine présidentielle en 2022.

par Olivier Da Lage, le 3 novembre 2020

 

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5 novembre 2020

Trump et le monde, un bilan par Nicole Vilboux

À l’heure où j’écris ces lignes, les résultats complets de l’élection présidentielle aux États-Unis ne sont toujours pas connus, et il est à prévoir qu’il ne seront pas définitifs avant un moment, si les procédures judiciaires prennent le pas sur le processus électoral. En l’état, on s’achemine vers une victoire relativement serrée au niveau du collège électoral de l’ex-vice président démocrate Joe Biden face au président républicain sortant Donald Trump.

Quel que soit le nom de celui qui, le 20 janvier, prêtera serment devant le Capitole, intéressons-nous un instant au bilan du président sortant dans le domaine qui, sans doute, nous concerne le plus : la politique étrangère. Il y a un peu plus de quatre ans, alors que la campagne Clinton-Trump battait son plein, Nicole Vilboux, analyste spécialisée dans la politique de sécurité des États-Unis et chercheur associé à la Fondation pour la Recherche stratégique (FRS), avait accepté mon invitation de dresser pour Paroles d’Actu les enjeux du scrutin sur les plans diplomatique et stratégique. Cette année encore, quelques jours avant l’élection, je l’ai sollicitée pour quelques questions et ses réponses, fort instructives, me sont parvenues le 4 novembre. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLU PAROLES D’ACTU

TRUMP ET LE MONDE : UN BILAN

Un entretien avec Nicole Vilboux.

 

Kim Trump

Rencontre entre Kim Jong Un et Donald Trump, le 12 juin 2018. AFP

 

La politique étrangère menée par l’administration Trump a-t-elle été globalement fidèle aux orientations annoncées par le candidat Donald Trump en 2016 ?

En politique extérieure comme sur les questions intérieures, le candidat Trump s’est fait élire en 2016 sur un programme de rupture avec les orientations prises par ses prédécesseurs. D’abord, Barack Obama, perçu par les Républicains comme un président faible et indécis, ayant renoncé au leadership des États-Unis et amoindri leurs capacités de défense. L’objectif annoncé était donc de «  rendre sa grandeur à l’Amérique  », essentiellement en soutenant la restauration de la suprématie militaire et en affichant une plus grande fermeté à l’égard des ennemis (l’Iran), des rivaux (la Chine) mais aussi des alliés récalcitrants. Dans le même temps, Donald Trump entendait mettre un terme aux engagements militaires hérités de la présidence Bush et de ses projets idéologiques de transformation du Moyen-Orient.

Malgré la brutalité et les improvisations caractérisant le style présidentiel, l’administration Trump a effectivement mené une révision de la politique extérieure cohérente avec son approche réaliste des relations internationales. Elle rompt avec le «  mythe de l’ordre international libéral  » fondé sur l’extension inéluctable de la démocratie et les bienfaits de la mondialisation économique. Pour le président Trump (et les auteurs de la stratégie de sécurité nationale de 2017), le contexte actuel exige une politique  :

  • Fondée sur la défense des intérêts nationaux plutôt que sur la promotion de valeurs  ;

  • Appuyée sur l’entretien de la supériorité militaire nécessaire pour assurer la sécurité nationale face aux puissances rivales, mais dont l’utilisation doit être limitée à la préservation des intérêts majeurs et non à «  faire la police dans le monde  » (D. Trump à West Point en 2020)  ;

  • Donnant la priorité aux relations entre États au détriment des institutions internationales  ;

  • Et plaçant le principe de «  réciprocité  » au cœur des relations avec les partenaires, signalant que les États-Unis n’entendent plus fournir de garantie de sécurité «  gratuitement  », ni signer d’accord de libre-échange qui ne leur semble pas équitable. 

Cette ligne directrice a été suivie tout au long du mandat et est confirmée lors de la campagne de 2020.

 

Quel bilan tirez-vous de ce mandat s’agissant des succès et des échecs diplomatiques des États-Unis, de la solidité de leurs alliances et de leurs positions commerciales, et de la stabilité du monde ?

L’action diplomatique américaine a été compliquée par les initiatives et prises de position incontrôlées du président, de même que par l’affaiblissement du Département d’État, victime de la méfiance de Donald Trump à l’égard de l’establishment de Washington.

Par ailleurs, ce mandat a surtout été celui de la remise en cause de traités signés par les États-Unis, qu’il s’agisse des accords de Paris sur le climat, de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien (JCPOA) ou du traité d’interdiction des armes nucléaires de portée intermédiaire (FNI de 1987). Si ces décisions ont suscité de vives critiques des partenaires des États-Unis, elles sont considérées comme des succès par les experts conservateurs, qui jugeaient ces traités inefficaces et défavorables aux intérêts américains actuels.

Toutefois, la présidence Trump restera marquée par l’ouverture diplomatique audacieuse vis-à-vis de la Corée du Nord, succédant aux menaces de guerre. L’approche adoptée a certes suscité des inquiétudes chez les alliés régionaux et aucun progrès tangible n’a finalement été obtenu, le régime nord-coréen continuant même à développer ses capacités balistiques. Mais cet échec, qui n’a pas été suivi d’une remontée des tensions, peut aussi être considéré comme la reconnaissance «  réaliste  » de la part des États-Unis de l’impossibilité de parvenir à une dénucléarisation négociée. La prochaine administration, quelle qu’elle soit, ne pourra que prendre acte de la nécessité de vivre avec une Corée du Nord nucléaire.

Un autre processus de négociation controversé a été mené à terme par l’administration Trump, en Afghanistan. Poursuivant son objectif de retrait des forces, le président a engagé des discussions directes avec les Taliban, aboutissant à créer les conditions d’une sortie «  honorable  », quels que soient les doutes sur la viabilité à long terme des dispositions de l’accord.

Finalement, le Président Trump a pu terminer son mandat par une victoire diplomatique unanimement saluée aux États-Unis. Faute d’avoir pu proposer un grand plan de paix pour le Proche-Orient, il a présidé à la signature d’un accord important de normalisation des relations entre Israël, les Emirats Arabes Unis et Bahreïn («  Abraham Accords  »), ce qui conforte en outre la coalition régionale contre l’Iran.

L’approche unilatéraliste de l’administration Trump, renforcée par la prédilection du président pour les relations fondées sur les affinités personnelles plutôt que sur les considérations stratégiques, a créé des difficultés avec certains partenaires, tandis que d’autres ont compris comment faire valoir leurs positions directement auprès de Donald Trump  : ce fut le cas pour le Japon sous la direction de Shinzo Abe, pour la Pologne ou la Turquie. Si l’on ajoute l’insistance du président à «  faire payer  » aux alliés la protection américaine, cela a clairement contribué à remettre en cause la conception traditionnelle d’alliances qui seraient fondées sur des valeurs et des intérêts de sécurité communs. Même si le discours institutionnel continue de souligner l’importance des partenaires, c’est la contribution de ces derniers aux objectifs de Washington qui détermine l’attention qui leur est accordée.

Pour certains observateurs, la dissolution des alliances pourrait aller plus loin en cas de second mandat. Les divergences entre Européens sur l’attitude à adopter seraient amplifiées et pourraient conduire à la paralysie de l’OTAN, si ce n’est à un désengagement formel des États-Unis (qui reste toutefois difficile à envisager du point de vue de la stratégie de défense). En Asie-Pacifique, les difficultés de renégociation des conditions de la présence américaine en Corée du Sud pourraient aussi aboutir à un retrait plus ou moins conséquent.

De tels changements constitueraient des ruptures claires avec le rôle de garant de l’ordre international, que les États-Unis ont souhaité conserver après la fin de la Guerre froide et qui est toujours jugé indispensable par une majorité de la «  communauté stratégique  ». Le renoncement des États-Unis à assumer les responsabilités d’une nation spéciale, pour se focaliser sur leurs intérêts particuliers, est en effet majoritairement perçu comme une erreur stratégique dans un monde où s’affirment d’autres puissances capables de rivaliser avec les États-Unis.

 

Dans quelle mesure estimez-vous que la crise sanitaire mondiale que nous vivons actuellement rebat et va rebattre les cartes de la géopolitique ?

La crise sanitaire a exposé d’une manière générale les vulnérabilités des pays occidentaux et conforté les tendances au repli national, au détriment de la coopération internationale. C’est le cas de manière particulièrement criante aux États-Unis, où la crise économique provoquée par la pandémie va réduire les moyens et les ambitions sur la scène internationale, alors que l’aggravation des fractures sociales affaiblit encore le «  modèle  » sur lequel reposait en partie le leadership américain.

D’un autre côté, la crise a définitivement placé la rivalité avec la Chine au cœur des préoccupations des États-Unis et cette compétition est devenue l’enjeu déterminant pour l’évolution de «  l’ordre international  ». Un certain nombre de pays, notamment en Europe, ont aussi pris conscience des risques de l’interdépendance avec la Chine et peuvent être plus sensibles aux initiatives américaines pour contrer l’influence de Pékin.

 

À quels grands défis diplomatiques le président investi le 20 janvier prochain devra-t-il faire face, et qu’est-ce qui, en la matière, va se jouer le 3 novembre ?

Le premier défi pour une administration démocrate serait de restaurer l’image d’une Amérique fiable et attentive à ses partenaires pour retrouver leur soutien, tout en poursuivant la réduction des engagements extérieurs afin de recentrer les efforts sur la restauration des bases de la puissance, dans les domaines économique, technologique et social. La possibilité de concilier une attitude plus ouverte avec la poursuite de la compétition stratégique avec la Chine serait un second défi de taille.

Pour une seconde administration Trump, la situation serait plus simple, puisqu’elle pourrait poursuivre la réorientation entreprise et que les adversaires comme les partenaires devraient reconnaître que la politique des États-Unis est désormais définitivement régie par la logique «  America First  », ce qui serait sans doute plus facilement acceptable par les premiers que par les derniers.

 

Nicole Vilboux

  

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