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Paroles d'Actu
18 janvier 2021

« Ma présidence de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe », par J.-C. Mignon

Suite au décès de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981) le 2 décembre dernier, j’ai offert à Pierre-Yves Le Borgn, contributeur fidèle de Paroles d’Actu, une tribune pour s’exprimer sur la vie et le parcours de celui avec lequel il partageait de nombreuses valeurs, et un inaltérable engagement européen. Après réflexion, l’ancien député des Français de l’étranger (2012-2017) m’a répondu qu’il avait quelqu’un à me suggérer pour l’exercice : « Jean-Claude Mignon, l’ancien président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, député LR de Seine-et-Marne depuis près de 30 ans. Un ami, ayant travaillé avec Valéry Giscard d’Estaing à l’Assemblée, et aussi avec son fils Louis. » Profil intéressant : aussitôt proposé, aussitôt contacté.

 

JC Mignon et PY Le Borgn'

Jean-Claude Mignon et Pierre-Yves Le Borgn’, à Sarajevo.

 

L’échange avec M. Mignon fut, d’emblée, agréable et fructueux. Le texte qu’il m’a soumis évoquait VGE en des termes tout autant respectueux (« Je garde le souvenir d’un grand homme d’État, affable et très courtois avec ses jeunes collègues impressionnés par sa stature et ses connaissances ») et affectueux (« Le Président Valéry Giscard d’Estaing et moi sommes nés un 2 février, pas de la même année comme il ne manquait pas de me le rappeler, et dans l’hémicycle ou en réunion de la Commission des Affaires étrangères, c’est avec plaisir et respect que je lui souhaitais son anniversaire ce qui me valait en retour un aimable petit mot manuscrit me souhaitant réciproquement le mien »). Il y était beaucoup question, aussi, d’Europe, et notamment de ce Conseil de l’Europe si méconnu, et de son assemblée, qu’il présida entre 2012 et 2014, et dont il souhaitait qu’elle rende un hommage solennel au leader défunt.

J’ai recontacté M. Mignon pour lui suggérer d’enrichir un peu son texte afin, précisément, de mettre en lumière, de par son expérience, l’action du Conseil de l’Europe et de son assemblée parlementaire. La nouvelle version qui m’est parvenue un mois après est un article bien différent, et fort éclairant quant à un outil important dont disposent les Européens (47 États membres, contre 27 pour l’Union européenne) pour promouvoir, sur l’ensemble du continent et toutes ses zones de voisinage, la paix et les droits de l’Homme. Je remercie Pierre-Yves Le Borgn, sans qui cet article n’aurait pas vu le jour. Et je remercie M. Mignon pour la confiance qu’il m’a accordée, pour ses engagements, et tous les combats menés. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLU PAROLES D’ACTU

« Ma présidence de l’Assemblée parle-

mentaire du Conseil de l’Europe »

Jean-Claude Mignon

par Jean-Claude Mignon, le 13 janvier 2021

 

 

L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE À LA LUMIÈRE

DE SES SOIXANTE-DOUZE ANNÉES D’EXPÉRIENCE

 

Plus ancienne organisation paneuropéenne, le Conseil de l’Europe est en même temps la plus méconnue. La richesse et la diversité des politiques menées par le Conseil de l’Europe sont exceptionnels. Les travaux menés par son Assemblée parlementaire sont exemplaires malgré sa faible exposition médiatique, notamment en France, qui l’enferme dans une certaine obscurité.

La France, État du siège, est assez indifférente à cette organisation, dont elle devrait au minimum reconnaître l’intérêt économique : 2000 emplois à Strasbourg, 47 ambassades, etc…

 

LE RÔLE MOTEUR DE L’ASSEMBLÉE

PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE

On oublie trop souvent le rôle moteur joué par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) dans la conception de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH), ou plus récemment dans celle tendant à criminaliser la contrefaçon des médicaments ou dans le domaine de la bioéthique, parmi beaucoup d’autres exemples.

On oublie le rôle historique qu’elle a joué dans la réunification de l’Europe dans les années 1990 en créant en particulier le statut d’invité spécial pour les nouvelles démocraties d’Europe centrale.

De même, méconnaît-on souvent le rôle qu’elle joue dans l’élection des juges à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Rôle direct de choix, mais aussi indirect d’élaboration de critères additionnels de sélection, ains l’exigence qu’il y ait au moins un représentant du "sexe sous-représenté" dans chaque liste de trois candidats pour un poste de juge.

L’observation des élections est également une mission importante de l’APCE. Il n’y a en effet pas de démocratie sans élections honnêtes. Cette action est complétée par celle de la Commission de Venise, autre organe du Conseil de l’Europe qui apporte son expertise technique aux États parties en matière de règles constitutionnelles ou électorales.

Pour autant, le Conseil de l’Europe a été créé en 1949 et il se doit de s’adapter aux exigences contemporaines. Il doit être encore plus performant, plus lisible et plus cohérent.

L’Assemblée parlementaire est un lieu privilégié d’expression de la diplomatie parlementaire. Tout d’abord parce qu’elle permet à des parlementaires de 47 États membres de discuter de manière informelle, même quand de lourds différents les séparent, ainsi les Chypriotes grecs et les Turcs. L’exercice atteint parfois ses limites lorsqu’il concerne les États du Caucase. Cette diplomatie parlementaire s’est traduite notamment par l’octroi du statut de "Partenaire pour la démocratie" au Parlement marocain, au Conseil national palestinien, et aux Parlements de Jordanie et du Kirghiztan. Le simple fait de participer à la vie parlementaire de l’APCE ne peut qu’encourager à aller vers plus de démocratie.

 

LE CONSEIL DE L’EUROPE PEUT REDONNER

TOUT SON SENS À L’IDÉE EUROPÉENNE

Alors que l’idée européenne ne cesse de reculer dans l’opinion, le Conseil de l’Europe peut redonner un sens à l’idée fondamentale, celle d’un destin commun des peuples de ce continent, de l’Atlantique à l’Oural, tant il est vrai que l’Union européenne, de par ses lourdes responsabilités économiques et financières, a parfois perdu de vue les valeurs qui la fondent.

La défense des droits de l’Homme et la promotion de la démocratie et de l’État de droit, valeurs qui sont au centre de l’action du Conseil de l’Europe ne sont-elles pas à l’origine de la construction européenne, alors que l’Europe, engluée dans une crise économique et monétaire dont elle ne voit pas la fin, semble les avoir reléguées au second plan ? N’est-ce pas, d’ailleurs, à ce titre, que le Conseil de l’Europe apparaît être ce supplément d’âme dont l’Europe a besoin pour redonner du sens à un projet dont les peuples européens se détachent ?

Le choix d’établir une Charte des Droits fondamentaux au fronton des traités européens a été en quelque sorte une première réponse à ce déficit de sens dont souffre actuellement l’Union européenne. Ces valeurs se trouvaient déjà, néanmoins, au cœur de la construction de l’Europe des droits de l’Homme, gravées dans le marbre de la Convention européenne des Droits de l’Homme, dont la Cour européenne des droits de l’Homme assure le respect.

Aussi la future adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des Droits de l’Homme, rendue juridiquement possible par la ratification du Traité de Lisbonne, ne marque-t-elle pas, dès lors, le début d’une nouvelle ère, porteuse pour le citoyen européen d’un meilleur respect de ses droits ?

 

« L’adhésion de l’UE à la Convention européenne

des droits de l’Homme ne serait-elle pas l’achèvement

de la construction de l’Europe de la paix, de la prospérité

et de la protection des droits de l’Homme ? »

 

Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ne sont-ils pas en effet, les deux fils d’un même rêve de prospérité, de solidarité et d’humanité ? Le rêve des pères de l’Europe n’est-il pas, enfin, en train de prendre corps sous nos yeux ? L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme ne serait-elle pas, en effet, l’achèvement de la construction de cette Europe de la paix, de la prospérité et de la protection des droits de l’Homme dont les pères fondateurs osaient à peine caresser la réalisation de leurs vœux ?

 

VERS UNE UNION PLUS ÉTENDUE ENTRE L’EUROPE DE

L’ÉCONOMIE ET L’EUROPE DES DROITS DE L’HOMME

Le Conseil de l’Europe est plus que jamais indispensable à l’Union européenne car il est bien l’incarnation du sens du projet européen dont elle a cruellement besoin pour répondre à la désaffection actuelle des peuples à son endroit.

Nous pourrions avoir la chance irremplaçable, grâce au processus d’adhésion, de renforcer nos liens avec le Parlement européen. Cette adhésion ne sera pas sans embûches. Les difficultés techniques, en particulier, le risque de jurisprudence divergente des deux cours, celle de Luxembourg et celle de Strasbourg, ne sont souvent que la face cachée d’une mauvaise grâce politique qu’il faudra lever.

L’optimisme doit être de mise. La construction de l’Europe du droit et le projet communautaire ont nécessité une forte dose de propension à l’idéal sans laquelle les deux organisations que sont le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ne seraient pas nées. Ce ne sont pas ces quelques obstacles qui sauraient nous faire reculer maintenant que la voie se dessine vers une possible union plus étroite entre l’Europe économique et celle des droits de l’Homme.

La coopération entre ces deux institutions, renforcée par ces synergies nouvelles, ne saurait, néanmoins, se limiter à la construction d’une Europe du droit renforcée.

Le Conseil de l’Europe a clairement établi une politique de coopération envers toutes les démocraties émergentes. Coopération qui ne se limite pas au nouveau statut de "partenaire pour la démocratie", mais également à la possibilité d’adhérer à des organes du Conseil de l’Europe tels que la Commission de Venise dont la mission est d’assurer un conseil en matière constitutionnelle. L’Union européenne pourrait bénéfiquement profiter de cette nouvelle politique de voisinage.

La question du droit des femmes n’est-elle pas une question fondamentale pour nos démocraties ? À ce titre, ne paraît-il pas opportun de développer des partenariats pour que l’égalité entre les femmes et les hommes soit partout effective ? Favoriser la démocratie dans son voisinage immédiat ne peut en tout cas que constituer une priorité pour l’Europe.

Malgré une réussite apparente, la protection des droits de l’Homme reste plus que jamais d’actualité. Les difficultés engendrées par la crise économique et financière ne se manifestent pas uniquement à travers les sirènes du nationalisme et du protectionnisme mais également parfois par un recul de la protection de ces droits élémentaires.

 

MA PRÉSIDENCE DE L’ASSEMBLÉE

PARLEMENTAIRE (2012 - 2014)

 

Dés mon élection, le 23 janvier 2012, j’ai indiqué que mon action s’articulerait autour de trois grands axes :

  • Donner toute sa place à notre assemblée parlementaire dans l’architecture européenne et internationale, en particulier en s’appliquant à ce que l’APCE et l’Union Européenne aient de vraies relations fondées sur le souci de réaliser des objectifs communs et en resserrant les liens avec les organisations parlementaires régionales.

  • Contribuer à créer un climat de confiance en Europe qui soit propice à la résolution des situations de crise, des conflits gelés et plus généralement au développement de relations constructives entre les États membres du Conseil de l’Europe. La diplomatie parlementaire est le meilleur instrument dont dispose l’APCE pour atteindre ces objectifs.

  • Rendre l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe plus "collective", plus participative et plus visible.

 
Le bilan de mon action s’inscrit donc autour de ces trois axes majeurs.
 

I - DONNER TOUTE SA PLACE À L’APCE SUR LE CONTINENT

EUROPÉEN ET DANS L’ARCHITECTURE INTERNATIONALE.

Donner toute sa place à l’APCE dans l’architecture européenne et internationale, c’est avant toute chose promouvoir nos outils auprès de nos partenaires internationaux, par exemple la Commission de Venise, afin de dégager des synergies et lancer des initiatives communes pour répondre aux défis auxquels l’Europe des 47 doit faire face.

Naturellement, je me suis concentré en premier lieu sur le développement de vraies relations de partenariat avec l’Union européenne, basées sur la complémentarité et l’harmonisation de nos positions politiques sur les dossiers clés. En même temps, je me suis efforcé de resserrer les liens de coopération avec les organisations internationales, notamment celles à vocation régionale.

Parallèlement, j’ai souhaité nouer des contacts solides et réguliers avec les 0rganisations non-gouvernementales internationales en général, et en particulier Human Rights Watch et Amnesty International.

 

AVOIR DE VRAIES RELATIONS AVEC L’UNION EUROPÉENNE

À l’occasion de mes nombreuses rencontres avec le président du Parlement européen, les présidents des groupes politiques, le président de la commission des Affaires étrangères, ainsi que les présidents des délégations nationales du Parlement européen, mon objectif était de comprendre la vision de nos collègues du Parlement européen, afin de mieux l’intégrer dans l’approche paneuropéenne de la coopération qui est celle du Conseil de l’Europe, et préparer au mieux mes visites sur le terrain dans nos 47 États membres.

J’ai aussi développé une relation de partenariat avec la Commission européenne, et plus particulièrement avec le commissaire européen en charge de la politique de voisinage et de l’élargissement.

 

DÉVELOPPER DES RELATIONS DE COOPÉRATION

AVEC LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

AVEC L’ONU

J’ai rencontré à trois reprises, à New-York et à Strasbourg, le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-Moon. Nous avons, à ces occasions, exprimé notre attachement à l’existence d’un partenariat fort entre le Conseil de l’Europe et les organes de l’ONU dans la protection et la promotion des droits de l’Homme universels, dans la gestion des crises et dans la recherche de la paix, en particulier sur les conflits gelés. Nous avons également souligné tous deux notre attachement à la défense des droits des femmes, sujet également abordé avec Mme Michelle Bachelet, secrétaire générale adjointe des Nations Unies chargée de l’égalité et de l’autonomisation des femmes.

 

JC Mignon avec Ban Ki-moon

 

Lors de chaque rencontre avec le secrétaire général des Nations unies, j’ai fait la promotion des campagnes du Conseil de l’Europe, à savoir la campagne "UN sur CINQ" du Conseil de l’Europe pour combattre la violence sexuelle à l’égard des enfants, ou encore la dimension parlementaire de la campagne visant à combattre la violence à l’égard des femmes. Mes interlocuteurs onusiens étaient unanimes pour saluer l’APCE comme un allié important dans la promotion de nos valeurs communes.

J’ai prôné une coopération renforcée sur des sujets d’intérêts communs et la recherche de synergies, afin de renforcer l’impact de nos organisations sur le terrain.

J’ai particulièrement salué la procédure d’examen périodique universel du respect des droits de l’Homme de l’ensemble des États membres des Nations Unies, conduite par le Conseil des droits de l’Homme, et souligné la nécessité d’une plus grande complémentarité entre les différentes procédures de suivi du Conseil de l’Europe et des Nations unies. Ces procédures existantes au niveau des Nations unies ont ainsi pu être adaptées et mise en place dans le cadre des procédures de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

J’ai également soutenu la proposition du haut-commissaire aux droits de l’Homme de créer une base de données communes, afin de "mutualiser" la jurisprudence en matière de droits de l’Homme des institutions des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, ceci pour renforcer notre coopération afin d’assurer une meilleure cohérence d’approche entre les organes de monitoring thématiques du Conseil de l’Europe et des Nations unies.

 
AVEC L’ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN EUROPE (OSCE)

À l’occasion de la 21ème session annuelle de l’assemblée parlementaire de l’OSCE, j’ai eu l’occasion d’insister sur l’évidente complémentarité des deux assemblées en ce qui concerne l’observation des élections et la résolution des conflits gelés.

J’ai aussi invité nos partenaires à rechercher des synergies communes pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés dans la région du voisinage sud : la situation des réfugiés, nombreux, qui arrivent dans des conditions très précaires sur les côtes de la Méditerranée, les conséquences de la guerre en Syrie, les transformations démocratiques dans le sud de la Méditerranée et le Proche-Orient.

 

AVEC L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE LA COMMUNAUTÉ DES ÉTATS INDÉPENDANTS (CEI)

Pour la première fois, un président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a rencontré le bureau de l’Assemblée interparlementaire (AIP) de la CEI, composé des présidents des parlements membres, à l’occasion de sa session plénière qui s’est tenue à Saint-Pétersbourg du 10 au 12 avril 2013.

À cette occasion j’ai participé à une conférence organisée par l’APCE et l’AIP de la CEI sur le thème "Le rôle des organisations parlementaires dans la construction d’une Europe sans clivages".

J’ai tenu une rencontre bilatérale avec Mme Valentina Matvienko, présidente du Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie et, également présidente de l’AIP-CEI, notamment pour discuter des différents aspects de la coopération entre l’APCE et le Conseil de la Fédération. Dans une déclaration faite conjointement avec Mme Valentina Matvienko à l’issue de la conférence, nous avons salué la coopération entre nos deux assemblées parlementaires, qui constitue un excellent exemple de diplomatie parlementaire. Parmi d’autres choses, nous avons également salué le fait que des consultations régulières soient désormais organisées entre les chefs des missions d’observation des élections de l’AIP-CEI et de l’APCE pour permettre des échanges de vues sur la campagne électorale et sur le déroulement du processus électoral.

En marge de la conférence, j’ai pu avoir des réunions bilatérales avec les présidents des parlements du Kirghizistan et du Kazakhstan, afin de faire le point sur l’état de la coopération avec ces deux parlements. J’ai également eu une réunion informelle avec la délégation du parlement du Bélarus qui participait à la conférence conjointe. J’ai souligné l’importance d’un dialogue, tout en précisant que tout avancement sur ce chemin n’était possible que si les autorités du Bélarus s’engageaient à respecter nos valeurs et nos standards.

Première retombée concrète de cette rencontre informelle : l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a été invitée à participer à Minsk à une réunion sur le thème "Religion et peine de mort".

 

AVEC LE CONSEIL NORDIQUE

À Oslo, le 4 avril 2013, j’ai eu un premier contact avec la présidente du Conseil nordique afin d’engager des actions concrètes pour dynamiser notre coopération.

Nous avons évoqué l’extrême importance du changement climatique du point de vue de l’environnement et de l’économie mondiale. Ainsi, l’ouverture à la navigation du passage du Nord-Est est de nature à réduire considérablement les temps de transport et donc à bouleverser l’économie mondiale. De même, il est évident que l’Artique est une région potentiellement extrêmement riche en ressources naturelles et que l’impact de leur exploitation sur l’environnement peut être fondamental. Sur toutes ces questions, le Conseil nordique possède une expertise de première main, très utile pour l’APCE dans ses travaux sur la question du changement climatique et du développement durable.

 

AVEC L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE LA COOPÉRATION ÉCONOMIQUE DE LA MER NOIRE

A l’occasion de sa 41ème assemblée générale à Sofia, j’ai pu intervenir devant cette assemblée parlementaire et mettre l’accent sur l’intérêt d’une coopération entre nos deux assemblées, ainsi que sur la coopération dans le domaine culturel, ou la résolution des conflits gelés.

 

II - UNE DIPLOMATIE PARLEMENTAIRE ACTIVE

À l’origine, en 1949, le Conseil de l’Europe avait été créé pour assurer la paix sur notre continent, pour que les horreurs de la Seconde Guerre mondiale ne se reproduisent plus jamais. Il me semble donc qu’essayer d’apporter notre contribution à la résolution des conflits gelés - en appui de la diplomatie intergouvernementale et en concertation étroite avec celle-ci - relève de l’essence même de notre mission.

En même temps, une des missions principales du Conseil de l’Europe et de son assemblée est d’apporter à nos États membres un soutien et une expertise précieuse dans le processus de mise en œuvre des standards qui sont les nôtres, tout particulièrement au moment où nos États membres doivent faire face à des situations institutionnelles et politiques compliquées. Par conséquent, il est de notre devoir d’essayer, par la voie du dialogue, de trouver ensemble avec les autorités, ainsi qu’avec toutes les forces politiques, les solutions les plus adaptées au contexte local. C’est ce que j’ai essayé de faire à l’occasion de mes nombreux déplacements sur le terrain, souvent avec la précieuse assistance de mes collègues présidents des groupes politiques et rapporteurs de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Par ailleurs, je me suis efforcé de poursuivre et valoriser les travaux de l’APCE dans la région de notre voisinage Sud de la Méditerranée et au Proche-Orient, afin de promouvoir un engagement politique avec les États concernés et apporter un soutien à tous ceux qui partagent les valeurs qui sont les nôtres et aspirent à adhérer aux standards développés au sein du Conseil de l’Europe.

De manière générale, au-delà de toute situation critique, je me suis efforcé d’entretenir un dialogue régulier avec tous les États membres et de poursuivre la politique de voisinage dynamique de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

 

LES CONFLITS GELÉS

Alors que le Conseil de l’Europe a été fondé pour garantir la paix et les droits de l’Homme en Europe, alors que le mur de Berlin est tombé en 1989, il m’est insupportable que des situations aussi inacceptables perdurent dans une relative indifférence...

 

LA TRANSNISTRIE

Je me suis rendu à trois reprises à Chisinau et à Tiraspol, en avril et décembre 2012, ainsi qu’en septembre 2013. Lors de mes déplacements, j’ai fait en sorte de rencontrer les autorités de facto de cette région de Transnistrie. À chaque reprise, mon souci a été, sans interférer d’aucune manière avec les travaux du groupe "5 + 2", de faciliter par la diplomatie parlementaire le développement des relations entre les deux parties. C’est pour cette raison que mes déplacements en Transnistrie ont été organisés dans le cadre de mes visites de travail en République de Moldavie, lors desquelles j’ai rencontré à Chisinau les autorités du Pays, les représentants de toutes les forces politiques, la Mission de l’OSCE ainsi que les représentants de la communauté internationale.

Mon objectif était de contribuer à relancer un dialogue entre les élus des deux rives du Dniestr, en utilisant la plateforme de l’APCE. Mes discussions m’ont convaincu qu’il y avait une opportunité devant nous, notamment, grâce aux efforts de la présidence ukrainienne de l’OSCE.

 

LE CONFLIT DU HAUT-KARABAKH

Je me suis naturellement attaché à apporter ma contribution à la résolution de ce conflit en organisant tout d’abord, sous mon égide, des rencontres régulières entre les présidents des délégations azérie et arménienne. Lors de la session de juin 2013, j’ai pu, pour la première fois depuis l’adhésion de leurs pays au Conseil de l’Europe, réunir les deux délégations parlementaires.

Je tiens à féliciter tout particulièrement les deux présidents des délégations concernées, ainsi que tous les membres de leurs délégations respectives, de leur attitude constructive et de leur ouverture au dialogue. Bien évidemment, de nombreux désaccords existaient encore entre les délégations et certaines questions sensibles suscitaient beaucoup d’émotion. Cependant, le fait que les membres des deux délégations aient accepté d’évoquer ces questions, de manière ouverte et courtoise, démontrait leur souhait d’avancer malgré les divergences d’opinions.

La principale conclusion de cette rencontre : l’accord des deux délégations de se rencontrer de nouveau en marge des prochaines parties de session de l’APCE. Ainsi notre assemblée aurait pu apporter sa contribution au rétablissement du climat de confiance et de dialogue entre les élus d’Arménie et d’Azerbaïdjan, nécessaires pour avancer dans la recherche d’une solution pacifique au conflit du Haut-Karabakh...

Par ailleurs, je me suis rendu en Arménie et en Azerbaïdjan en mai 2013. À cette occasion, j’ai rappelé à tous mes interlocuteurs que la présidence arménienne du Comité des ministres du Conseil de l’Europe (16 mai - 14 novembre 2013), suivie en mai 2014, de la présidence azérie, devait représenter une chance pour la paix entre ces deux États membres. L’année 2013 marquant en outre le cinquantième anniversaire du Traité de l’Élysée, qui a scellé la réconciliation entre l’Allemagne et la France, exemple à suivre pour ces deux pays du Caucase du sud...

J’avais bien précisé qu’il n’entrait aucunement dans mes intentions de concurrencer de quelque manière que ce soit le groupe de Minsk de l’OSCE, avec qui j’entretenais un contact régulier, mais simplement d’accompagner son action au niveau parlementaire.

 

« Je reste convaincu qu’avec de la persévérance

et en privilégiant le dialogue, nous aurions pu trouver

une solution pacifique au conflit dramatiquement

meurtrier du Haut-Karabagh. »

 

J’ai quitté mes fonctions de président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le 27 janvier 2014, avec beaucoup de regrets, estimant qu’une période de deux années est beaucoup trop brève pour mettre en place une politique dynamique et active à la tête d’une telle organisation. Je reste convaincu qu’avec de la persévérance et en privilégiant le dialogue, nous aurions pu trouver une solution pacifique à ce conflit dramatiquement meurtrier.

Il est vraiment regrettable qu’au terme de leurs mandats les anciens présidents de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ne puissent plus poursuivre leurs actions auprès de leurs successeurs. Un secrétaire général du Conseil de l’Europe et un secrétaire général de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ne sont pas limités en nombre de mandats successifs qu’ils peuvent exercés, contrairement aux Élus qui ne sont pas autorisés à assumer plus de deux années la présidence de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe !

 

LA GEORGIE

Je me suis rendu en Géorgie en mai 2013. Là également, j’ai appelé de mes vœux une résolution pacifique des conflits d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, en mettant l’accent sur les conséquences humanitaires, en particulier les personnes déplacées, compétence première de l’APCE.

 

UNE ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE RÉACTIVE

Même si l’APCE ne se réunit en séance plénière que quatre fois par an, l’actualité exige des réponses immédiates. Il est donc important que les organes de cette assemblée, président, comité présidentiel, bureau, puissent réagir aux situations institutionnelles et politiques difficiles dans nos États membres, afin de leur apporter le soutien politique approprié et de s’assurer que les standards de notre organisation soient respectés. Je mentionne ci-après quelques exemples de réactions rapides de notre assemblée à des développements politiques dans nos États membres qui ont eu lieu au cours des deux années durant lesquelles j’ai présidé l’APCE :

- La crise politique en Roumanie de 2012

- La Grèce et la difficile et douloureuse question des migrants et des réfugiés

- L’Ukraine et l’indépendance de la justice

- La Serbie et le Kosovo

- L’ex-république yougoslave de Macédoine aujourd’hui enfin dotée d’un nom : la Macédoine du Nord

- La Bulgarie et les indispensables réformes nécessaires

 

POURSUIVRE UNE POLITIQUE DE VOISINAGE DYNAMIQUE

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a déjà accordé le statut de "partenaire pour la démocratie" au parlement du royaume du Maroc, au Conseil national de la Palestine, et aux parlements de la Jordanie et du Kirghizstan. Le Canada, Israël, le Mexique et le Vatican ont le statut d’observateurs. Cela démontre l’intérêt que nos voisins, et bien au-delà, portent à nos standards. Le Conseil de l’Europe et son assemblée doivent continuer une politique d’ouverture et d’engagement dans nos régions de voisinage afin de répondre de façon adéquate aux défis du XXIème siècle.

Dans ce contexte, j’ai effectué une visite officielle en Tunisie, du 28 au 31 octobre 2012, conjointement avec le président du Comité des ministres du Conseil de l’Europe et le président de la Commission de Venise. Suite à ma visite, le président de l’Assemblée constituante de Tunisie est venu à Strasbourg s’exprimer devant notre Assemblée.

J’ai également effectué une visite officielle au Maroc du 5 au 7 décembre 2012. Lors des rencontres avec les présidents des deux chambres, j’ai salué la coopération exemplaire du parlement marocain et de l’APCE. Nous avons aussi discuté de l’éventuelle contribution de l’APCE à la résolution du conflit du Sahara occidental.

J’ai effectué une visite officielle en Algérie du 17 au 19 juin 2013. J’ai notamment invité mes interlocuteurs à intensifier leurs relations avec les différents organes du Conseil de l’Europe et à réfléchir à l’intérêt que pourrait présenter pour eux le statut de "partenaire pour la démocratie". J’ai salué l’engagement de l’Algérie en faveur de l’égalité des sexes. Nous avons également abordé la situation en Syrie, en Libye ainsi qu’au Sahara occidental.

Dans un contexte plus général, c’est avec une conscience aiguë de l’importance de ce qui se passe au sud de la Méditerranée, qui nous concerne tous, que j’ai soutenu cette politique de voisinage et ai notamment participé, en novembre 2013, au Forum de Lisbonne organisé par le Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe. À cette occasion, j’ai souligné notre rôle en tant que représentants de la plus ancienne organisation paneuropéenne, et rappelé que nous avions vocation à mettre notre expertise au service des États du sud de la Méditerranée, en prenant en compte les spécificités de chacun.

Par ailleurs, je suis convaincu que la politique de voisinage du Conseil de l’Europe ne doit pas se limiter au sud de la Méditerranée. Je pense en particulier à nos relations avec nos partenaires à l’Est.

En janvier 2013, c’est dans cet esprit que j’ai eu une rencontre de travail très fructueuse avec M. l’ambassadeur de Chine en France pour évoquer de possibles rapprochements entre l’Assemblée nationale populaire de la Chine et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe comme je l’avais déjà préconisé dans un Rapport que j’avais présenté en 2008.

 

« Notre organisation compte aujourd’hui parmi

ses membres tous les États européens, sauf un : le Bélarus.

Je suis convaincu que le Bélarus a vocation à faire partie

de notre projet paneuropéen. »

 

Notre organisation compte aujourd’hui parmi ses membres tous les États européens, sauf un : le Bélarus. Je suis convaincu que le Bélarus est un État européen qui a vocation à faire partie de notre projet paneuropéen. Par conséquent il est essentiel de dialoguer avec le Bélarus, en posant clairement nos exigences en termes de droits de l’Homme et de démocratie.

J’ai rencontré à plusieurs reprises le vice-président du parlement du Bélarus, ainsi que les parlementaires biélorusses participant aux réunions de la commission des affaires politiques et de la démocratie de l’APCE. Mon objectif était de persuader les autorités de s’engager sur la voie du rapprochement avec le Conseil de l’Europe, en prenant des mesures concrètes, comme par exemple la mise en place d’un moratoire sur la peine de mort et de coopérer pleinement avec l’APCE.

Compte tenu de l’importance des droits de l’Homme pour le Conseil de l’Europe et le Vatican, le Saint-Siège étant d’ailleurs observateur auprès de l’Organisation, il m’a semblé aller de soi d’essayer de renforcer les liens entre nous, afin de partager en particulier nos réflexions sur ces problématiques.

Je me réjouis de l’audience privée que le pape François m’a accordée le 11 octobre 2013 à Rome. À cette occasion, j’ai beaucoup insisté sur l’humanisme et les droits de l’Homme. Nous avons également abordé la question de la situation des migrants et des réfugiés. J’ai aussi invité le Saint-Père à venir s’exprimer devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ce qu’il fit le 25 novembre 2014.

 

JC Mignon et le pape

 

RENFORCER LA COOPÉRATION AVEC TOUS LES ÉTATS MEMBRES

Même si j’ai privilégié certaines destinations en fonction de mes priorités, je me suis efforcé de me rendre dans pratiquement tous les États membres du Conseil de l’Europe.

Le 22 janvier 2018, le président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, M. Michele Nicoletti, m’a officiellement remis mon diplôme de président honoraire de cette assemblée.

 

CONCLUSION

 
En conclusion, je dirai que beaucoup d’initiatives ont été engagées durant mon mandat et que certaines ont porté leurs fruits. Je pense en particulier aux mesures tendant à associer plus étroitement les parlementaires au fonctionnement de leur assemblée, car celle-ci est bien LEUR assemblée, ainsi qu’aux efforts déployés en vue de la participation plus étroite des présidents de commission et des présidents de délégation nationale au processus de décision. Il est impératif de poursuivre dans ce sens.

En même temps, j’ai la conviction qu’ensemble - rapporteurs, leaders des groupes politiques et présidents des commissions, ainsi que chaque membre de l’APCE - nous sommes parvenus à rendre notre assemblée plus présente et plus pertinente en termes politiques sur le terrain, en réponse à de nombreux défis auxquels notre organisation est confrontée : le renforcement de notre système paneuropéen de protection des droits de l’Homme, la situation des migrants et des réfugiés, les situations institutionnelles et politiques sensibles auxquelles nos États membres doivent faire face.

Nos relations avec l’Union européenne demeurent à la fois un sujet de satisfaction et d’insatisfaction : des progrès ont été enregistrés, en particulier avec le commissaire européen pour le voisinage. Néanmoins il reste beaucoup à faire, afin de créer des véritables synergies entre les projets du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne. Je suis persuadé que les fondements de ce processus ont été posés et j’espère que la poursuite de ce rapprochement conduira, au fur et à mesure, les deux grandes organisations européennes à coopérer efficacement pour la réalisation de leurs objectifs communs au niveau paneuropéen.

S’agissant des conflits gelés, ma préoccupation constante a été de renouer le dialogue entre les différentes parties. Durant ces deux années nous avons réussi à favoriser la confiance mutuelle entre les différentes parties et de ce point de vue je suis certain que nous réaliserons d’autres avancées.. Même s’il est évident que nous souhaitons tous des progrès rapides, nous savons pertinemment qu’il faut donner du temps au temps afin d’avancer pas à pas.

Je suis convaincu que nous avons emprunté la bonne voie.

  

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