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Paroles d'Actu

15 novembre 2016

« La soif d'engagement de la jeunesse », par Julien Miro

Julien Miro est président du think tank 5 ans pour des idées et responsable des questions jeunesse auprès d’Alain Juppé. Fidèle de Paroles d’Actu, il avait coécrit il y a quelques mois un texte publié dans nos colonnes et son intermédiation fut décisive pour la réalisation en juillet dernier de mon interview de Frédéric Salat-Baroux.

Début novembre il a accepté, à ma demande, de nous livrer un texte inédit touchant à la jeunesse. Une thématique générale : « Et si l’on sortait des clichés sur la jeunesse ? ». Avec un premier focus, qui appelle d’autres textes : « La soif d’engagement de la jeunesse ». Tout un programme... Merci, Julien. Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU PAROLES D’ACTU - TRIBUNE

Et si l’on sortait des clichés

sur la jeunesse ?

Épisode 1: la soif d’engagement de la jeunesse

Les clichés sont souvent tenaces. Particulièrement ceux qui touchent les jeunes. Il faut bien reconnaître qu’ils sont simples, frappants. Ils impriment bien comme on se plaît à le dire.

Ils sont l’outil rêvé du tribun populiste : un message simpliste et facilement mémorisable.

En vérité, les clichés sur les jeunes sont bien utiles : ils évitent toute réflexion.

Le désengagement est certainement celui qui revient le plus souvent. Et celui dont découlent les autres.

Les jeunes seraient donc moins engagés que leurs aînés (d’après les aînés eux-mêmes). Ils seraient, en quelque sorte, une large bande homogène de soixante-huitards, gâtée, sûre d’elle et avec pour seul intérêt, le sien.

Pourtant, lorsqu’on regarde de plus près, on constate que la jeunesse est bel et bien engagée. Peut-être plus qu’aucune autre jeunesse ne l’a jamais été.

Certes elle n’utilise pas les schémas classiques.

Les pavés ? Elle les lance à l’aide de billets sur des blogs.

Les refrains scandés ? Elle les met en ligne plusieurs fois par jour sur les réseaux sociaux.

Le travail acharné ? Elle prend le parti de créer son entreprise et de mener plusieurs emplois de front.

En réalité, l’État est le seul îlot qui refuse son engagement.

Elle lutte pour se faire entendre et trouver sa place face à un État qui confisque et monopolise la prise de décision.

Plus question d’adopter une logique pyramidale des organisations, le participatif est désormais un droit. Il doit se concrétiser.

La clause d’impact jeunesse, qui consiste à évaluer l’impact d’une loi sur la jeunesse, va dans le bon sens. Mais elle est insuffisante.

Le budget participatif constitue un outil clé de la démocratie horizontale qui mérite d’être expérimenté au niveau national.

Porto Allègre, Grigny, Paris, les budgets participatifs ont fait leurs preuves au niveau local, pourquoi ne pas les étendre au niveau national ? Un pourcentage du budget de l’État pourrait être alloué à des budgets participatifs dédiés aux jeunes, qui voteraient pour flécher ces moyens vers des projets auxquels ils croient.

Un État qui favorise l’engagement des jeunes, c’est aussi un État qui leur permet de contribuer au dynamisme économique et à la croissance.

Entreprendre, que cela soit via le système de l’auto-entreprenariat ou à travers la création à plusieurs d’une start up, les jeunes plus que les autres en ont envie : selon un sondage Opinionway d’octobre 2016, 37% des jeunes de moins de 35 ans sont attirés par le statut d’autoentrepreneur, contre 26% pour l’ensemble des Français. Ils sont 62% des 18-24 ans à être intéressés par la création d’entreprise en général, contre 30% pour le reste des Français. Doit-on laisser cette énergie de côté  alors qu’elle pourrait être bénéfique, notamment pour l’économie française ? Au contraire, il faut donner les moyens à la jeunesse d’exprimer son potentiel entrepreneurial.

La création d’entreprise par les jeunes doit être facilitée. Et les pistes sont nombreuses : les structures de promotion de l’entrepreneuriat (junior entreprises, incubateurs etc.) au sein des établissements d’enseignement supérieur doivent se multiplier, sans rester le monopole des Grandes écoles.

Les institutions œuvrant pour l’emploi des jeunes, comme Pôle emploi ou les missions locales, doivent accroître leur communication sur la création d’entreprise, qui peut être une voie de retour à l’activité.

Les avantages du statut de « jeune entreprise » doivent perdurer dans le temps.

Finalement, au-delà du cliché, lorsqu’on s’oblige à la réflexion, une vérité fait surface : c’est à l’État de s’engager désormais.

le 7 novembre 2016

 

Julien Miro 2016

Par Julien Miro, président du think tank 5 ans pour des idées

et responsable des questions jeunesse auprès d’Alain Juppé.

 

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15 novembre 2016

Déjà demain : « Lignes de Front, 2017 »

Après la mise en ligne, hier soir, de quatre compositions élaborées autour d’hypothèses personnelles d’entre-deux-tours de la présidentielle 2017, voici, comme prévu et comme promis, le cinquième et ultime texte de cette série inédite. La personne qui l’a écrit (je l’en remercie encore ici) a tenu à rester anonyme : j’entends respecter ce choix à la lettre. Le riche récit qu’elle nous livre - le texte date du 30 octobre et elle l’a intitulé « Lignes de Front » - ne devrait pas manquer de faire réagir... Bonne lecture ! Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Déjà demain: « 2017, l’entre-deux-tours »

« Lignes de Front »

Marine Le Pen

KENZO TRIBOUILLARD / AFP

 

Lundi 1er mai 2017

Jamais le Front national n’avait connu pareil rassemblement. Près de deux cent mille sympathisants avaient répondu à l’appel de Marine Le Pen, qui s’apprêtait à donner un immense meeting sur le Champ de Mars en ce jour de Fêtes du Travail et de Jeanne d’Arc. Le soleil allait atteindre son zénith tandis qu’une marée de drapeaux bleu-blanc-rouge achevait de se déverser autour de la tour Eiffel. Dans quelques minutes, la candidate sélectionnée au second tour de l’élection présidentielle commencerait son discours devant une foute impatiente.

L’atmosphère printanière, où se faisaient sentir quelques effluves de muguet çà et là, était électrique. On sentait bien que quelque chose de nouveau, d’inédit par son ampleur, allait arriver à la France. Une semaine auparavant, Marine Le Pen, « candidate du peuple » selon le dire de ses militants, était arrivée en tête du classement avec 29,3% des voix recueillies, soit très exactement l’approbation de 9 896 632 Français et Françaises. Presque dix millions de personnes !

Certes, Le Pen au second tour était une histoire dont tous les plus de 20 ans pouvaient se souvenir. Mais ce qui fut présenté hier comme un regrettable accident, un monstrueux malentendu que les errements de la gauche, ajoutés à une participation très faible, avaient rendu possible, apparaissait à présent comme la conséquence inéluctable, prévue et annoncée depuis des mois, voire des années, de tous les renoncements de ces gouvernements fantoches qui se sont succédé au cours des dernières décennies. La percée de Jean-Marie Le Pen en 2002 avait été fortuite, celle de Marine Le Pen, quinze ans plus tard, était logique, nécessaire et attendue.

Au pied de l’estrade, assis dans la première rangée à côté des autres hauts cadres du parti, Jean-François Jalkh, vice-président chargé des affaires juridiques et des élections, mesurait le chemin parcouru depuis. Il avait 17 ans lorsqu’il adhéra au Front national en 1974, deux ans seulement après la création de celui-ci. Lorsque Mitterrand autorisa, dans le but ultime de déstabiliser la droite, la proportionnelle à l’élection législative de 1986, il fut le benjamin des trente-cinq députés frontistes qui entrèrent pour la première fois à l’Assemblée nationale grâce à la roublardise de la gauche. Ces hommes (et cette femme : Yann Piat, la députée assassinée ; – « que Dieu ait son âme » – pensa Jalkh) étaient tous partis, avaient été exclus ou étaient décédés. Tous, sauf lui. Même Bruno Gollnisch, qui n’a pas supporté l’exclusion de son vieil ami Jean-Marie Le Pen au printemps 2015, s’était mis en retrait de la vie politique. Des « Trente-cinq » de 1986, du Front national d’antan, il ne restait que lui, Jean-François Jalhk.

Et cela ne le chagrinait pas outre mesure. Il ne regrettait point l’effacement de ce passé tumultueux. Le parti devait achever sa mue commencée en 2011, lorsque le père céda son pouvoir à la fille, avec le consentement d’une large partie des adhérents. « Le Pen est mort, vive Le Pen ! » s’étaient moqués les journalistes. Mais l’héritière jeta son nom aux oubliettes de l’Histoire pour forger une renommée nouvelle avec son seul prénom, « Marine ». Restait à faire oublier celui du Front national. Jalkh ne croyait pas en la victoire finale, pas tant que le parti garderait le nom d’une formation qui fut associée durant un demi-siècle à l’extrême-droite. Les Français sont des traumatisés que leur ombre effraie…

« MA-RINE ! MA-RINE ! MA-RINE !!! »

Les ovations de la foule tirèrent le vice-président de sa rêverie. Marine Le Pen venait d’apparaître sur scène et saluait son public, les bras largement ouverts, comme si elle cherchait par ce geste à étreindre la France entière. Elle portait un chemisier bleu-marine, un pantalon blanc et des talons rouges. Remarquablement amincie, rayonnante et victorieuse, elle paraissait presque belle. Alors que les dernières notes de l’« Odyssée Bleu Marine » s’achevait, elle gagna place devant le pupitre et commença – le silence se fit aussitôt – de sa voix rauque et puissante.

Dix millions ! Ils avaient été dix millions à aspirer lui donner les rennes du pays ! Dix millions à crier leur soif de liberté dans les urnes ! Grave, la présidente du Front national déclara solennellement que le peuple français était face à un choix historique. Pour la première fois ou presque, une véritable alternative s’ouvrait à lui. D’un côté le parti de l’étranger, de l’immobilisme, de la haute finance mondialisée, incarné par le vieillard Juppé, débris d’un monde archaïque et corrompu. De l’autre, elle, Marine Le Pen, la candidate de la France, qui exercerait son pouvoir par et pour le peuple, seul souverain légitime devant lequel il convient de se plier. Finie la fausse alternative gauche-droite ! En ce jour, c’étaient les partisans de la France contre ceux qui l’ont reniée.

À vrai dire, digressa-t-elle, cette alternative s’était certes déjà posée au peuple quinze ans auparavant (Florian Philippot manqua de s’étrangler à l’entente de cet hommage inattendu à Jean-Marie Le Pen) mais, il fallait le reconnaître, à l’aube de ce siècle, le mouvement national n’était pas suffisamment mature. Depuis, il a grandi.

« Cette fois-ci, nous sommes prêts », assura Marine Le Pen.

Derrière l’estrade, une vingtaine de jeunes attendaient debout la fin de discours avant de monter sur scène et chanter l’hymne national aux côtés de leur présidente. Ils portaient des T-shirt bleu marine, sur lesquels était inscrit, en grosses lettres blanches, le slogan de la campagne présidentielle : « AU NOM DU PEUPLE ». Chacun avait, à la main, un drapeau, un drapeau français, bleu-blanc-rouge, et nulle part on ne pouvait voir de drapeau frontiste. Par ailleurs, la flamme bicolore et les deux lettres « F.N. », avaient été supprimées de toutes les affiches, de tous les tracts, banderoles, et pupitres. Le nom du Front national comme celui de Le Pen avaient disparu de la campagne de communication pour ne laisser place qu’à un objectif : « #Marine2017 ». « C’est fade », regrettaient certains. « Le FN, ce sera bientôt de l’histoire ancienne », répliquaient d’autres.

Arthur, 19 ans, patientait parmi ce petit groupe de militants du FNJ. Il terminait sa première année de droit à Assas. Il était monté au Front l’an dernier, pour ne plus le quitter par la suite, si bien qu’il avait validé ses partiels de justesse. Il éprouvait une naïve excitation à l’idée de monter sur scène rejoindre celle en qui il plaçait des espoirs insensés. Pour la première fois, la semaine dernière, il avait accompli fièrement son devoir de citoyen. Dans l’isoloir, il avait embrassé le bulletin de Marine avant de le glisser dans une enveloppe bleue, et cette dernière, dans l’urne. Dans la candeur de sa jeunesse, il imaginait lui et les siens comme les résistants des temps modernes bataillant contre les armées coalisées de l’Anti-France : bobos moralisateurs, politiciens cyniques, banquiers apatrides, immigrés voleurs, islamistes assassins. « Si Marine ne gagne pas cette fois-ci, c’est foutu », se disait-il. Il pensait à ces hordes de clandestins qui se déversaient inlassablement sur les rivages de l’Europe du sud, exactement comme l’avait décrit Jean Raspail dans le prophétique Camp des Saints. La pensée de la submersion migratoire le terrifiait, l’empêchait même parfois de dormir, comme le montant de la dette qu’il faudra rembourser, ou encore l’épuisement prochain des ressources planétaires. Il avait le sentiment de vivre dans un monde de cinglés.

« Nous ne voulons pas de ce marché mondialisé devenu complètement fou ! » répondait la voix de Marine, en exact écho à ses pensées.

« Ah, pesta-t-il en lui-même, qu’ils ont eu la belle vie, les enfants chanceux du direct après-guerre ! Pas de chômage, pas de crise, pas d’islamisme… Et ils ont tout cassé. Et c’est l’un d’entre eux, l’affreux Juppé, qui devra nous gouverner, alors qu’il est de ceux qui nous léguèrent un pays en ruines ? Mais jamais de la vie ! ».

Lui dont les parents, bourgeois, votaient à droite, lui qui jetait des regards dédaigneux aux crasseux anarchistes qui, pour un oui ou un non du gouvernement, avaient régulièrement bloqué à coup de poubelles renversées les portes de son collège, puis de son lycée toute sa scolarité durant, lui le conformiste, le Front national avait finalement fait de lui un révolté.

Vingt minutes plus tard, Gaëtan Dussaussaye, le souriant directeur du FNJ, fit signe au petit groupe que ce dernier devait s’avancer devant les escaliers métalliques. La candidate à la présidentielle achevait son long discours ; elle cria enfin de toute la force de sa voix éraillée :

« Vive la République ! »

« Vive le Peuple ! »

« Et vive la France ! »

Tonnerre d’applaudissements, explosion des « Marine présidente ! » sous le bel éclat du soleil de mai.

Les jeunes grimpèrent sur l’estrade et y agitèrent les drapeaux. Comme à l’accoutumée, les filles passèrent devant et entourèrent leur présidente ; les garçons devaient rester un peu en retrait. Le spectacle de la gigantesque marée bleue, blanche et rouge qui s’offrait sous les yeux d’Arthur était proprement stupéfiant. En bas, au niveau de la première rangée de chaises pliables, les grands cadres s’étaient levés et applaudissaient également. Arthur croisa le regard de la belle Marion Maréchal-Le Pen et il en fut tout ému. Enfin Marine Le Pen s’approcha de nouveau du micro et commença sur une note sourde :

« Allons enfants de la patrie… »

La multitude reprit en cœur La Marseillaise, et Arthur eut le sentiment d’une immense communion nationale. En cet instant précis, tous ces gens devant lui étaient ses frères et ses sœurs, et son cœur fut gros d’espoir et d’émotion.

« AUX ARMES CITOYENS ! »

Droit comme un piquet, presque au garde-à-vous, il chantait.

« FORMEZ VOS BATAILLONS ! »

La France, se dit-il, a dû affronter bien des épreuves au cours des siècles. Celle-ci n’en est qu’une nouvelle.

« MARCHONS, MARCHONS ! »

La providence a envoyé Jeanne d’Arc et le général de Gaulle au moment où le parti de l’étranger semblait l’avoir définitivement emporté, et menaçait de nous anéantir.

« QU’UN SANG IMPUR… »

Il tourna la tête à droite, vers la Présidente. Jeanne d’Arc avait vieilli, mais elle était revenue.

« …ABREUVE NOS SILLONS !!! »

Levée de drapeaux et ovations. Marine Le Pen fit un ultime salut à la foule et disparut. Le public continuait d’applaudir à tout rompre.

Avec une naïveté toute juvénile, Arthur pensa alors : « Avec tant de volontés, la victoire sera forcément au rendez-vous ».

 

*     *     *     *     *

 

Mardi 2 mai 2017

La télévision, la radio et les réseaux sociaux fourmillaient de mille rumeurs affolées. C’était la mélodie rituelle d’un Occident halluciné persuadé qu’il courait à sa fin.

Hillary Clinton avait beau l’avoir emporté – de peu – contre Donald Trump à l’automne dernier, la digue du populisme menaçait toujours de rompre de l’autre côté de l’Atlantique. Déjà l’inattendu « Brexit », puis l’avènement final de Norbert Hofer lors du second scrutin des élections présidentielles autrichiennes avaient-ils entamé la tour de Babel strasbourgeoise de brèches profondes. Un grondement de colère s’élevait de toute l’Europe et les institutions de Bruxelles assistaient impuissantes à l’expression des contestations populaires : référendums anti-migrants, manifestations contre l’austérité, montée en puissance des partis eurosceptiques. Celui de Marine Le Pen triomphait en tête du premier tour des élections présidentielles françaises, si bien que l’Union européenne n’avait pas fini de trembler.

Journalistes, politiques de droite et de gauche, hommes d’affaires, représentants d’associations diverses et innombrables, stars du show-business, tous se relayaient à la télé et à la radio, dans des marches et des concerts géants pour prêcher la parole du camp « républicain ». D’un air plus grave que jamais, Valls discourait sur une République en danger que seule l’union des démocrates pouvait sauver et le Quotidien de Yann Barthès enchainait chaque soir les reportages sur les agissements des néo-nazis et des catholiques intégristes dans le pays. Le sommet du consensus politico-médiatique fut atteint lorsque Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, appela ses troupes à voter pour le très libéral Juppé, l’ancien Premier ministre qui, vingt ans auparavant, avait tenté de saboter la Sécurité sociale et les retraites des travailleurs…

Toute cette agitation eût pu évoquer l’esprit du 21 avril 2002, si ce n’est que la mobilisation populaire ne fut pas de la même ampleur. Les activistes de SOS-Racisme constatèrent bien que leur rassemblement clairsemé de la place de la République fit pâle figure au regard des immenses cohortes que les évènements de 2002 avaient levées contre l’extrême-droite. Les gens se lassaient de ces scènes de déjà-vu, ou alors ils avaient suffisamment soupé de leçons de morale. La colossale Marianne de bronze, sur son socle tagué d’innombrables « JE SUIS CHARLIE », avait regardé avec hauteur le navrant spectacle de ces moutons venant bêler dans ses jupes leur désarrois à la moindre fois que leurs naïfs idéaux se voyaient contrariés par les vicissitudes de la réalité. Deux ans après l’assassinat de Charb et des siens, la France n’était définitivement plus Charlie.

Sur les hauteurs de Saint-Cloud, reclus dans un manoir d’époque Napoléon III, un vieil homme borgne contemplait le spectacle depuis son poste de télévision. Il se tenait affalé sur un fauteuil Empire, dans un salon lambrissé quelque peu poussiéreux. De splendides réceptions avaient dû se tenir en ces lieux ternis, car tout y évoquait une gloire passée que les années et l’abandon avaient ravie. Par les hautes fenêtres s’étendait une vue imprenable : le majestueux parc qui dominait la tour Eiffel, puis, au-delà, l’ensemble de la capitale.

« Le débat va commencer, Président », dit Gérald, le majordome.

Il n’y avait plus que ses amis qui continuaient d’appeler ainsi le vieil homme, pour lui faire plaisir, mais le cœur n’y était plus. Après des mois et des mois d’homériques combats devant les tribunaux, il avait perdu le droit de se réclamer du titre de Président d’honneur du Front National. Jean-Marie Le Pen soupira.

« Voyons comment la petite va s’en sortir. »

Gérald augmenta le volume de la télé. On était le soir du traditionnel débat de l’entre-deux tours ; David Pujadas et Anne-Claire Coudray recevaient Marine Le Pen et Alain Juppé sur leur vaste plateau lumineux. Marine portait une éclatante veste rouge sang et à vrai dire, elle crevait déjà l’écran. Les deux candidats sélectionnés pour le second tour saluèrent les journalistes, puis se serrèrent poliment la main et prirent place.

Le tirage au sort octroya la première prise de parole à Juppé, qui expliqua pourquoi il avait accepté de débattre contre Le Pen, contrairement à son défunt prédécesseur, Jacques Chirac.

« Ah ce vieux bougre de Chirac, maugréa le vieillard, il aura crevé avant moi ! Quel escroc ! … Mais quel talent ! … Ha ha, le coquin…

« Nous ne devons plus fuir la confrontation, coupa la voix de Juppé depuis le poste de télévision. Il s’agit désormais de mettre l’extrême-droite face à ses contradictions, de révéler au grand jour la vacuité de son programme économique, de rendre évidente la dangerosité de son idéologie. Ce soir, je ferai tomber le masque de madame Le Pen… »

Et Marine Le Pen de répondre :

- Monsieur Juppé, je vais vous flatter : me voilà extrêmement satisfaite de me trouver face à vous ce soir. Il aura fallu attendre la présidentielle pour que vous acceptiez – enfin ! – de m’affronter ! J’espère que nous aborderons des sujets de fond car, voyez-vous, je vous estime un peu plus honnête que votre rival Sarkozy. Oh, bien sûr, vous êtes tout comme lui un repris de justice, mais vous ne cherchez pas à enfumer les gens comme lui le faisait. Vous assumez votre mondialisme, votre fédéralisme post-démocratique, votre complaisance envers le communautarisme. Vous ne faites pas semblant d’être patriote…

Tout au long du débat, alors qu’elle tenait tête à l’ancien Premier ministre sous les feux des projecteurs, devant des millions et des millions de Français, venaient à Jean-Marie Le Pen des sentiments contradictoires. De la fierté et de la tristesse. Fier de sa fille, oui, il l’était. C’était une battante, comme lui. Sans doute le sang breton qui voulait ça... Mais l’aventure se déroulait sans lui, et ce n’est pas ses pauvres comités Jeanne qui, il le savait, pèseraient d’une quelconque manière aux législatives. Pour la première fois de sa vie, à presque 90 ans, il se sentit vieux.

Ah l’ingrate… Mais il avait fait d’elle ce qu’il était : une brute. Le Pen n’était pas homme à faire des mea culpa. Jamais de sa vie il ne s’était excusé. Ni devant les Français, ni à ses proches. Jamais. Pourtant, dans son for intérieur, il savait quel père effroyable il avait été. L’attentat à la bombe qui faillit les tuer petites, l’école publique et les professeurs qui les haïssaient, l’absence de leur mère quinze ans durant, les menaces permanentes, les humiliations parfois, il avait fait subir tout cela à ses trois filles sans d’autres mots de réconfort, les rares fois où elles venaient se plaindre, que « vous pourriez être nues dans la neige en temps de guerre ». Et ce fut Marine qui pleura le moins. C’était celle qui lui ressemblait le plus.

Il avait déjà perdu le fil du débat. La sénilité lui posait des problèmes de concentration. Ses reins lui causaient maintes douleurs. Il se récita à lui-même, une fois encore, ces vers de Musset qu’il aimait tant :

« J’ai perdu ma force et ma vie,

Et mes amis et ma gaieté ;

J’ai perdu jusqu’à la fierté

Qui faisait croire à mon génie. »

Ah, qu’il était loin le temps de Poujade, lorsqu’il gueulait à s’en faire péter les glottes La Marseillaise dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale tandis que la Quatrième République agonisait ! Elles étaient loin, les bagarres et les beuveries du Quartier Latin ! Loin, l’Indochine et l’Algérie. Et les croisades en voilier sur les mers de sa chère Bretagne natale... Et les meetings endiablés où virevoltaient les drapeaux. Et tous les autres souvenirs innombrables…

« Le seul bien qui me reste au monde est d’avoir quelquefois pleuré. »

Dans la pénombre de ce salon désuet, peut-être le Menhir laissa-t-il son unique œil s’épancher un peu… Mais cette scène-là, il n’y aurait jamais aucune caméra de télévision pour la filmer.

 

*     *     *     *     *

 

Mercredi 3 mai 2017

Florian Philippot était ce qu’on appelle un homme pressé. Impeccable dans son costume gris anthracite de chez Paul Smith, rasé de près, droit comme un automate, il achevait son interview dans le studio de RTL. Il était 14h, et c’était déjà la cinquième de la journée. Cinq fois qu’il répétait presque mot pour mot les mêmes éléments de langage depuis qu’il était levé : « Les Français ont pu voir hier soir une Marine Le Pen digne et éloquente, plus présidentielle que jamais » ; « Nous appelons tous ceux qui ont la France à cœur, qu’ils soient de gauche ou de droite, à rejoindre la grande famille des patriotes »… Il n’avait pas eu le temps de prendre son déjeuner et il était affamé, mais ne laissa rien paraître de sa lassitude. Enfin, il entendit avec soulagement le journaliste déclarer :

« Merci Florian Philippot, excellente journée à vous. »

Il se leva – il eut un léger vertige – et, le visage impassible, prit congé des chroniqueurs par une dernière poignée de mains. Dans le couloir l’attendait Richard, son collaborateur favori. C’était un séduisant jeune homme brun, beau comme l’était Alain Delon à 20 ans, que Philippot avait fait nommer secrétaire FN d’un département des Hauts-de-France, où il avait par ailleurs été élu conseiller régional, sur la liste présidée par Marine Le Pen. Devant la mine visiblement épuisée de son patron, le garçon posa une main sur son épaule, dans un geste apaisant. Ils s’en allèrent déjeuner dans une brasserie du très chic quartier où ils se trouvaient.

Même rassasié, la migraine que Philippot avait ce matin senti poindre juste au niveau de sa tempe droite ne le quittait pas. Elle s’accentua au contraire lorsqu’il pensa au débat qu’il avait ce soir face à Maël de Calan, un des bras droits de Juppé, sur le plateau d’Apolline de Malherbe, de BFM-TV.

« Tu vas le défoncer, le petit Maël », dit Richard, en écho à ses pensées.

Philippot hocha lentement la tête. Il songea au visage blafard et insignifiant de ce frêle trentenaire, largement médiatisé depuis la publication de son pamphlet anti-FN, l’année dernière. Un jeune intello, timide et sans charisme, qui s’est retrouve parachuté du jour au lendemain sous le feu des projecteurs et des caméras de télévisons. Comme lui. Calan l’insupportait.

Une notification s’afficha sur l’iPhone dernier cri qu’il tenait toujours dans la main, comme greffé à elle. Philippe de Villiers venait de déclarer sur iTélé qu’il eût été prêt à soutenir Marine Le Pen à condition que celle-ci abandonnât « l’orientation laïcarde et gauchisante insufflée par ses conseillers chevènementistes » pour « une politique d’inspiration chrétienne, défendant la famille et la morale catholique ». Dans l’état actuel des choses, terminait le vieil homme, toute chance de victoire apparaissait impossible, faute d’unité de la part du camp patriote. Tous les sondages, d’ailleurs, le démontraient.

« Connard », pensa Philippot.

Sur Twitter, les ennemis du vice-président du FN exultaient. « Par la faute de Philippot qui aura dégoûté l’électorat de droite, le sursaut national n’aura pas lieu », twittait une certaine « Capu Patriote » ; « En liquidant le dernier espoir de la droite nationale, le funeste Philippot a définitivement livré la France aux Congoïdes », ajouta, lui, le comte Henri de Lesquen. « Une seule solution : se débarrasser de la truie Le Pen, digne fille de sa catin de mère, et de son acolyte, le sodomite Philippot », philosophait avec sa délicatesse habituelle Jérôme Bourbon, le directeur de la revue Rivarol. Et, clou de ce spectacle virtuel, Marie-Caroline Le Pen, la sœur de Marine, partageait sur son compte l’énième appel à l’union des droites de Karim Ouchikh, le président du très droitier SIEL, qui rêvait de voir réunis dans un seul et même mouvement Robert Ménard, Philippe de Villiers, Jean-Frédéric Poisson, Jacques Bompard et Marion Maréchal-Le Pen, soit autant d’adversaires résolus de la ligne « nationale-républicaine » insufflée par Florian Philippot au Front national.

- Un bon nombre de gens au Front n’en pensent pas moins, dit Richard. Après un silence, il ajouta : Ce parti ne te mérite pas, Florian. Il ne te pardonnera jamais d’être ce que tu es, ton parcours, tes principes politiques, et même ta vie privée. Ce tas de bouseux réacs ne te mérite pas. Quitte-le, fonde quelque chose de nouveau. Beaucoup de jeunes te rejoindraient…

- Je pense poser un ultimatum à Marine après l’élection, répondit Philippot. La Maréchal ou moi. Et si elle n’est pas capable de tourner définitivement le dos à sa famille de cinglés, alors je partirai. On partira.

- Elle ne le fera jamais. Elle préférera toujours la Princesse (c’est ainsi qu’ils surnommaient dédaigneusement Marion Maréchal). Ils ont beau se rentrer dedans à longueur d’année, c’est un clan bien plus soudé qu’il n’y paraît, les Le Pen. Une vraie meute de loups…

- Marine a montré à plusieurs reprises qu’elle savait faire passer les intérêts du parti avant des considérations familiales. Et elle sait qu’elle ne peut pas se passer de moi.

- On verra. Mais à ta place, j’en aurais assez d’être dans un parti qui me déteste.

Philippot posa son verre d’eau et se passa une main sur le front comme pour en essuyer la fatigue. Il marmonna :

« La Princesse, tout le monde l’adore. Elle n’a jamais fourni le moindre effort de sa vie, il lui suffisait juste d’être la petite-fille de son grand-père. Une petite bourgeoise sans intérêt, qui a joué la carte catho réac’ parce que c’est à la mode en ce moment. Mais comme elle est soi-disant jolie, les militants l’appr… ha ha ha! »

Il s’interrompit par un ricanement devant la méchante grimace que fit alors Richard, dont les yeux louchèrent en même temps qu’il battait des cils, se moquant du léger strabisme dont souffrait effectivement Marion Maréchal-Le Pen.

Florian Philippot reprit vite son sérieux habituel, puis il annonça, comme s’il réfléchissait à voix haute :

« Oui. J’irai en parler à Marine. L’heure est venue pour elle de faire un choix. »

Non loin de là, une jeune femme blonde et son garde du corps passèrent la porte d’un immeuble du Faubourg Saint-Honoré. Derrière l’élégante façade, à quelques mètres à peine du palais si convoité de l’Elysée, se trouvait le quartier général de l’équipe de campagne de Marine Le Pen. A l’intérieur, l’agitation était à son comble. David Rachline, à qui la présidente du FN avait confié la direction de sa campagne, sortit d’un bureau empli d’éclats de voix et de sonneries de téléphone afin de saluer sa collègue et amie de longue date, Marion Maréchal-Le Pen.

« Les dernières estimations ? » s’enquit Maréchal.

- Le débat d’hier a boosté la côte de Marine, mais l’écart avec le vieux reste trop large, répondit Rachline, qui essuyait de sa manche son front moite.

- C’était couru… Et ce lâche de Dupont-Aignan qui n’a pas osé donner de consigne de vote ! Ni personne d’autre à droite… soupira la députée. Merci David, à tout à l’heure.

Elle secoua la tête et monta au première étage où il y avait le bureau de Marine Le Pen. Elle trouva sa tante au téléphone. Cette dernière, lorsqu’elle vit qui se tenait sur le seuil de la pièce, abrégea sa conversation et raccrocha rapidement. Elle salua sa nièce d’un grande sourire :

- Ma chérie ! Comment vas-tu ? Je te croyais à Carpentras.

- Je prends le train tout à l’heure. Tu te rappelles que demain on a un meeting commun dans le Vaucluse ?

La Présidente acquiesça : « Oui, bien sûr. »

- J’ai croisé David, en bas, reprit Marion Maréchal. Il m’a dit que l’écart restait très grand.

- On savait que Juppé arriverait à faire reporter sur lui l’immense majorité de l’électorat de gauche, dit Marine Le Pen, désabusée.

Après un petit silence, la jeune femme lâcha sur un ton détaché :

« C’était bien la peine de faire une campagne à gauche qui a fait fuir l’électorat de droite pour finalement se retrouver cocus par les gauchos… »

Le Pen lui jeta un regard sévère.

- Allons bon, Marion. Te voilà en train de parler comme Sarkozy…

- La retraite à 60 ans, c’était pas une promesse de gauchistes démagos, peut-être ?

- Les gens veulent entendre de nous que l’on fera des économies ailleurs, avant de toujours s’attaquer à leurs salaires et leurs retraites…

Marine Le Pen s’assit à son bureau, et tira nerveusement sur sa cigarette électronique. Elle consulta quelques SMS sur son téléphone portable avant de lever de nouveau la tête vers sa nièce, debout et immobile. Elle la fixa de son regard perçant, puis reprit :

- J’imagine que tu n’es pas venue ici pour me conseiller de changer de stratégie électorale quatre jour avant le second scrutin de la présidentielle. Alors parle : je t’écoute.

- Marine, tu as suivi les convictions qui étaient les tiennes et la stratégie électorale qui te semblait la meilleure. Même si cela aboutit à l’échec dimanche prochain, je ne t’en tiendrais pas grief. Seulement, je me suis engagée en politique pour défendre certaines valeurs, certains principes, et je ne pense pas continuer si ceux-là sont bafouées au sein de notre formation.

Marine Le Pen haussa un sourcil :

- Allons-donc, tu vas finalement me faire le reproche de ne pas avoir battu le pavé chez La Manif Pour Tous aux côtés de tous les élus de l’UMP ?

- Tu sais bien que je ne te l’ai jamais fait. D’un point de vue tactique, c’était habile de ménager la chèvre et le chou. En revanche, certains, au Front, m’en ont fait le cuisant reproche… Parfois même publiquement, sur Twitter, par l’intermédiaire de petits sergents fielleux.

- Et voilà ! Florian. Encore ! s’exclama Le Pen. C’est fou que vous n’ayez jamais pu vous piffrer, tous les deux. Vous êtes pénibles avec vos guerres d’égo.

- Moi je l’ai respecté, répliqua Maréchal en haussant le ton. C’est lui qui m’a méprisée dès la première seconde. Il n’a jamais pu supporter l’affection que me portait Papy !

Le pourpre montait aux joues de la jeune députée du Vaucluse, qui respira et reprit d’une voix plus calme :

« Qu’on ne s’aime pas à titre personnel n’a aucune importance. En revanche, que ce parvenu se prenne pour le roi et t’impose à des postes clé ses petits mecs par chantage et caprice – si si, Marine, on sait tous qu’il le fait – ça, ça me pose de sérieux problèmes. Ces jeunes bobos de Sciences-Pô en costard-cravate, idolâtres de Chevènement et de Marchais, qui sont montés en grade on ne sait de quelle façon (je n’ose imaginer comment !) sont le type même de tout ce que nos électeurs haïssent chez les politiciens : ambitieux, cupides, coupés des réalités de la vraie vie. Ils n’ont rien, strictement rien à faire au Front national. Ces "mignons", comme disait Papy, ne sont fidèles qu’à Philippot, Marine. Toi et le parti, ils s’en foutent ! »

Et comme sa tante ne répondit rien, elle continuait :

« Ose me dire que j’ai tort, Marine… Les sectaires, c’est eux. Il y a quelques mois, Philippot a fait pression sur un président de collectif pour la seule raison que celui-ci était allé à un de mes meetings dans le sud. On ne peut pas continuer à tout lui céder. Moi je ne peux plus. Je n’ai rien dit jusqu’à présent pour l’unité du parti, pour ta victoire… Mais maintenant je te le dis. Lundi prochain, il faudra choisir : c’est lui ou moi. »

« Marion... »

Marine Le Pen murmurait presque à présent.

- Je ne peux pas choisir entre vous deux. Tu le sais.

- Je suis désolée, Marine, dit doucement Maréchal, les yeux brillants. Mais l’heure est venue pour toi de faire un choix. Au revoir, à demain, pour notre meeting du Vaucluse.

Marion Maréchal-Le Pen tourna les talons et quitta le bureau de sa tante. La pensée de partir à Carpentras en fin d’après-midi était pour elle un soulagement. Elle y aimait la belle clarté de la Provence, le parfum des champs de lavande, le chant des cigales, l’accueil toujours chaleureux que lui réservaient les solides gaillards du Midi. Olympe, sa fille de trois ans, l’attendait là-bas avec sa mère.

Elle retrouva son garde du corps qui patientait au rez-de-chaussée. Au moment où elle s’apprêtait à quitter l’établissement, Florian Philippot s’avançait de sa démarche chaloupée. Ils se croisèrent, s’ignorèrent royalement, comme ils le faisaient toujours lorsqu’ils se trouvaient sous un même toit. Mais en cet instant précis, pour une rare fois, ils étaient exactement sur la même longueur d’onde.

Au même moment, dans la même ville, au pied du Panthéon, un groupe de jeunes gens du FNJ distribuaient des tracts aux étudiants qui sortaient de la faculté de Paris 1. L’atmosphère y était extrêmement tendue, à la limite de l’hystérie : ils avaient manqué plusieurs fois de recevoir des coups de la part de militants de gauche écœurés. Ces quelques frayeurs n’empêchaient pas Arthur de tendre joyeusement ses tracts bleu-marine : il faisait beau, et un parti dynamique et uni comme le sien, ça valait la peine de tout encourir pour lui.

« Vivement Dimanche », se dit-il en contemplant le Panthéon, où dormaient tous les héros de la France.

FIN.

 

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14 novembre 2016

Déjà demain : « 2017, l'entre-deux-tours »

Il y a deux mois, à partir du 12 septembre, fidèle à cette tradition à laquelle je tiens des « articles à plusieurs voix » qui invitent des contributeurs d’horizons différents à s’exprimer sur des points d’actu ou à faire parler leur imagination, j’ai fait la proposition dont le texte est reproduit ci-dessous à plusieurs jeunes intéressés par la vie politique :

« Dimanche 30 avril 2017 : on est entre les deux tours de l’élection présidentielle. Il vous est demandé, en tant que jeune que la vie politique intéresse fortement, de commenter en les rappelant, avec les principaux événements qui ont émaillé la campagne depuis l’automne, les résultats du premier tour du scrutin ; de livrer votre analyse de ce qui est à attendre de ce second tour et de ce que cela peut signifier pour l’avenir de la France. »

J’ai rencontré pour cet article-ci beaucoup plus de difficultés que d’habitude : un grand nombre des jeunes sollicités (jeunes de ma connaissances ou noms suggérés par d’autres) ont eu du mal à se sentir, disons, pleinement à l’aise avec cette perspective de composition de politique-fiction. Parce qu’engagés auprès de tel ou tel parti ou candidat. Parce que l’exercice est difficile et un peu casse-gueule, je le conçois parfaitement. D’autres ont été partants sur le principe, mais à condition d’avoir le temps : pas forcément gagné, en pleine période de rentrée. Je tiens en tout cas à remercier un à un chacune et chacun de ceux qui m’ont au moins adressé une réponse. Au final, cinq textes me seront parvenus : quatre sont publiés ici, le cinquième le sera bientôt, dans un autre article. Mille mercis à vous Adrien, Robin, Louis, Loris, pour chacune de vos compositions. Bonne lecture ! Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Déjà demain: « 2017, l’entre-deux-tours »

Élysée

Palais de l’Élysée. Source de l’illustration : lepoint.fr

 

 

« Le bout du chemin »

Chacun le pressentait, la campagne présidentielle de 2017 ne pouvait s’achever que dans les décombres d’une vie politique qui végétait sous perfusion depuis déjà trop longtemps. Les six derniers mois n’avaient en définitive guère étonné les Français, écoeurés par les scandales et la distance d’une classe politique aux abois, incapables de placer leur espoir en quelqu’un. Était-ce la faible qualité du personnel politique ou tout simplement une lassitude, après l’immobilité de l’ère Chirac, le quinquennat de paroles du régime Sarkozy et la fin de règne catastrophique de François Hollande ? La société, plus clivée que jamais, ne désirait pas, elle attendait. Mis à part les quelques bataillons de militants qui s’agitaient sur les marchés afin de distribuer des tracts, la campagne ne passionnait pas les foules. Lucides, les Français laissaient une nouvelle fois leur avenir dans les mains d’un nouveau chef de l’État, dont ils pressentaient qu’il risquait d‘à nouveau de les décevoir.

Ces dizaines de millions de personnes écartées, la présidentielle mobilisait pourtant journalistes et intellectuels parisiens, qui avaient le temps de suivre l’actualité et l’envie de pouvoir deviner qui occuperait tel ou tel poste ministériel. C’était devenu un jeu bien commode : à quelques jours du second tour, les uns et les autres s’enquerraient surtout de savoir si Monsieur Machin ou Madame Trucmuche allait décrocher un gros maroquin ministériel, trop pressés de s’intéresser à la personne pour prendre le temps de savoir quelles mesures concrètes il ou elle comptait mettre en place derrière.

Il n’empêche, l’affiche était celle prévue depuis bien plus d’un an : Alain Juppé affronterait bien Marine Le Pen au second tour du scrutin. Mais à la différence de l’élection de 2002, là où la quasi-totalité du bloc des partis de gouvernement, des associations et des personnalités de la société civile s’était opposée au Menhir, le dégoût de beaucoup, pourtant sincèrement de gauche ou opposés frontalement à l’extrême droite, ne leur donnait même plus envie d’aller parader dans la rue pour s’opposer à la candidate du Front national. La météo n’avait certes pas aidé : la pluie et les crues, conséquences alarmantes du réchauffement climatique, invitaient davantage les Français touchés à sauver leur chez-soi quand les autres, dans les grandes villes, ne daignaient pas sortir se tremper sur les places de la République avec leurs fanions bariolés.

Le déroulement fratricide des primaires, à droite comme à gauche, n’avaient non plus pas aidé à créer une évidence quant à la légitimité des candidats. À droite, Alain Juppé avait largement gagné la primaire, rejoint au second tour par tous les candidats éliminés au premier. Les diatribes de Nicolas Sarkozy, contre l’Europe, les immigrés ou les fonctionnaires, avaient excédé sinon lassé. Pourtant, il se trouva un quarteron de parlementaires sarkozystes pour dénier quelconque validité au résultat du scrutin, l’estimant entaché par la participation d’électeurs de gauche. Poussé par son mentor, Henri Guaino s’était donc lancé dans la course présidentielle, soutenu par l’aigreur de l’ancien président et une petite troupe de militants sarkozystes consciente de l’absence de chance de leur nouveau champion de figurer au second tour mais bien content de se dire qu’ils pourraient diviser la droite et faire perdre Alain Juppé. Avec ses 4%, Henri Guaino échoua pourtant lamentablement, devancé par un Nicolas Dupont-Aignan qui avait plus que lui profité des voix perdues du sarkozysme.

À gauche, ce fut pire. S’il était arrivé en tête du premier tour de la primaire, François Hollande ne remporta que d’un fil le second face à Arnaud Montebourg. En regardant de plus près, le candidat des frondeurs remarqua pourtant rapidement que certaines fédérations légitimistes avaient « trop bien » voté pour le président sortant, et les accusations de fraude succédèrent bientôt aux diatribes sur l’économie et la finance. Emporté par quelques dizaines de parlementaires qui pressentaient que si Hollande était à nouveau leur candidat, leurs chances de réélection aux législatives étaient bien minces, Arnaud Montebourg franchit à la hâte le Rubicon et décida malgré tout de se présenter directement à la présidentielle. La gauche, en miettes, ne se releva pas, et les deux candidats durent en plus subir l’humiliation d’être devancés par Jean-Luc Mélenchon qui prétendit, malgré la présence au second tour du candidat de la droite et de celle de l’extrême droite, qu’un espoir s’était levé, entendant bien être le porte-drapeau de l’opposition au chef de l’État qui serait élu, quel qu’il soit.

D’autres initiatives avaient bien fleuri, mais elles s’étaient à leur tour effondrées. Emmanuel Macron avait beau jeu de dénoncer l’archaïsme du système politique, il s’était en réalité trouvé bien dépourvu de trouver face à lui deux candidats de gauche et un Alain Juppé qui phagocytait le centre pour creuser un espace, alors que les élus locaux, comme les financements manquaient. Barré par le pouvoir en place, il n’avait pas réussi à obtenir les 500 parrainages nécessaires et rongeait son frein, estimant que le système était trop sclérosé pour lui permettre d’être candidat.

La défiance perlait donc. Alain Juppé rassemblait bien derrière lui une grande partie de la droite, du centre et même des socialistes raisonnables qui se rendaient compte que leurs idéaux républicains ne pouvaient pas s’évanouir en laissant s’installer une présidence Le Pen, il ne pouvait faire face à l’hystérie d’une partie de la population, vannée des attentats qui s’enchaînaient à rythme régulier depuis le début de l’année. Les plus intelligents comprenaient que la bonne politique se faisait sur le temps long, et qu’un fou de Dieu armé d’un pistolet ou d’une machette n’était pas détectable à tous les coups ,que les intentions politiques les plus fermes ne garantissaient pas un risque zéro. Pour l’essentiel ce climat vengeur profita surtout à Marine Le Pen, qui déroulait d’un ton serein de lourdes propositions sécuritaires. Serein car elle savait qu’elle devait présenter le visage d’une extrême droite apaisée. En réalité, le terrorisme islamiste et la liste à la Prévert des scandales politiques qui s’égrenaient depuis plusieurs années (Cahuzac, Bygmalion, Kadhafi, Arif, Benguigui, Guérini, Guéant, Andrieux…) donnaient l’impression qu’elle cueillerait le pouvoir comme un fruit mur, n’ayant pas à hausser le ton quand ses adversaires semblaient avoir tout fait pour précipiter la France vers le vote protestataire.

Encore quelques jours de campagne et des sondages fluctuants mais relativement serrés. L’ordre des choses qui voudrait qu’Alain Juppé l’emporte en proposant aux élus de bonne volonté un pacte pour redresser la France et éviter le marasme de l’extrême droite. Un irrésistible vote en faveur des partis de gouvernement qui avaient pourtant tant déçu. La promesse, cette fois-ci de tout changer et d’être exemplaires. Beaucoup y croient encore mais iront-ils voter dimanche ?

Une alerte sonne sur mon portable. La mise en examen d’un homme politique d’un premier plan ou un nouvel attentat ? La goutte d’eau qui fait se renverser le vase déjà trop plein des désillusions des Français ?

par Arthur Choiseul, le 3 octobre 2016

 

*     *     *     *     *

 

« Le grand retournement »

« Ce qui devait arriver est arrivé » lâche, pensif, Jean-Pierre, accoudé au comptoir du bar de Levallois-Perret où je me trouve. Nous sommes au matin du 30 avril 2017 et les résultats du premier tour de l’élection présidentielle viennent de tomber, ils sont définitifs. Les finalistes seront donc, sans grande surprise, Marine Le Pen, qui est arrivée en tête des résultats avec 35% des suffrages exprimés ; vient à sa suite Alain Juppé, grand vainqueur de la primaire de la droite face à Nicolas Sarkozy en novembre dernier. L’ancien Premier ministre a su réunir 30% des suffrages, non sans grande peine, notamment face à la rude concurrence que lui a imposée l’ancien ministre de l’Économie Emmanuel Macron, qui affiche pour sa part un score de 15%.

Que va-t-il advenir ? L’heure n’est pas encore celle des règlements de comptes mais bien des alliances et autres arrangements. Autour de moi, la France s’apprête à retenir son souffle : Marine Le Pen, fille de Jean-Marie, n’est plus qu’à une marche du pouvoir. Est-ce seulement possible ? « Il est temps que cela bouge ! » peut-on entendre crier au fond de la pièce, alors que sur l’écran de télévision du bar les journalistes des chaines d’information en continu s’affolent et font se succéder leurs analystes en tout genre.

À droite, l’heure est à la confusion, pour ne pas dire à l’éclatement ; pire, à l’implosion. Les copéistes - représentant la droite de la droite - se laissent charmer par les intérêts qu’ils pourraient tirer à assumer un coming out politique en appelant à voter Front national. Jean-François Copé se rêve déjà place Beauvau.

Dans le camp sarkozyste, les débats tournent à la schizophrénie. Que faire ? Soutenir Marine Le Pen et risquer le désaveu de toute la classe politique, ou bien choisir le difficile chemin de la raison politique et appeler à voter Alain Juppé ? La primaire a laissé des traces entre les deux camps et les affaires judiciaires rattrapent l’ancien présidence de la République. Il semble coincé pour de bon. Pour quand, le coup de grâce ?

Dans le camp du maire de Bordeaux justement, les discussions sont plus calmes. « Nous n’avons encore rien décidé, pour le moment, en ce qui concerne la formation d’un possible ticket avec M. Macron. » entend-on alors à la télévision. C’est la voix de Benoist Apparu, le porte-parole d’Alain Juppé, qui répond à des journalistes, surexcités par la possibilité d’un scoop imminent. C’était prévisible : « AJ », comme le surnomment ses troupes, sortirait grandi d’une alliance d’entre-deux tours avec l’ex jeune loup de Bercy, les voix du centre (centre-gauche et droit) lui étant acquises dans une large mesure depuis plus de quatre mois. Leurs scores additionnés signeraient la consolidation du centre du paysage politique français face à ce que beaucoup appellent « la tentation des extrêmes ».

En effet, Jean-Luc Mélenchon, de son côté a totalisé presque 15% des suffrages à l’issue du premier tour du scrutin présidentiel. Il a ainsi quasiment doublé son score de 2012 à la tête de la gauche radicale. Vivement critiqué dans son propre camp pour cause de souverainisme, il aurait pu obtenir encore plusieurs milliers de voix s’il avait pu bénéficier du soutien de dernière minute du Parti communiste et faire de l’ombre à son némésis de gauche, Emmanuel Macron. « C’est dommage, je l’aimais bien Méluche, c’est un sacré tribun et quelqu’un qui est proche du peuple » me fait remarquer la femme à ma gauche en sirotant sa bière. Ma conviction était alors que « Méluche » n’hésitera pas un seul instant à appeler à voter pour Juppé afin de faire barrage à Marine Le Pen, cela ne faisait aucun doute. De ce côté-ci nous étions a priori fixés.

Les pions se déplacent sur le grand échiquier politique national, la droite se disloque, la gauche s’affiche unie contre le Front national, comme dans un remake dépassé de l’élection de 2002 : les coups se rendront plus tard. Le grand oublié de cette campagne a finalement été François Hollande, président de la République pour encore quelques semaines mais inexistant depuis le mois de janvier. En effet, c’est au dernier moment que le désormais « plus impopulaire président de la République » a renoncé à se présenter à la primaire de la gauche, totalement siphonnée par Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Ce qui fut présenté comme de la sagesse était empreint de résignation : François Hollande ne se représenterait pas, faute de soutiens. Ses dernières sorties face à des journalistes, fin 2016, lui avaient causé beaucoup de dommages, mais ce qui acheva l’ambassadeur de la Corrèze fut le ralliement in extremis de Manuel Valls à Emmanuel Macron.

Une page serait-elle en train de se tourner ? Voilà un an et demi que l’on rabâche cette question comme une sentence au sein du PAF, mais voilà que les prédictions se traduisent en actes. La génération Hollande/Sarkozy semble bel et bien battue, laissant la place libre à un remue-ménage atypique. Marine Le Pen, Alain Juppé et Emmanuel Macron ont su tirer leur épingle du jeu et obliger les formations classiques à se plier à leur vision de la politique : la transpartisanerie. Jean-Luc Mélenchon, de son côté, signe un nouvel échec encourageant, comme en 2012, mais peine à rassembler hors de la gauche de la gauche. Ce n’est pas suffisant. Le second tour de l’élection présidentielle promet d’être haut en couleur, la France valsera pendant tout une semaine avant d’affirmer son choix d’avenir. Je reste face à cela, avec toutes mes questions, sans pouvoir faire autre chose qu’attendre.

« Garçon, une autre bière s’il vous plaît. »

Robin_Norman_Lewis

par Robin Norman Lewis, le 21 octobre 2016

 

*     *     *     *     *

 

« L’hypothèse progressiste »

La primaire des Républicains a été un véritable bain de sang et a connu son lot de coups bas. Juppé s’est réincarné en une sorte de Balladur bis et a entamé une folle dégringolade dans les sondages, laissant ainsi le champ libre à un Sarkozy rassemblant bien plus que son « fan club » habituel. Il a réussi à inclure dans son électorat toute une génération de Français ancrés à droite mais rechignant à voter FN à cause de l’assimilation du parti à la personnalité de Jean-Marie Le Pen.

Le premier tour des Primaires de la Droite et du Centre fut très serré ; le trio de tête : 1. Juppé, 2. Sarkozy, 3. Fillon. Avec un écart de moins de 200 voix entre l’ancien président et celui qui fut son Premier ministre, le second tour se déroula sur fond de scandale électoral. Sarkozy l’emporta de peu, les électeurs du centre et de gauche, plutôt favorables a priori au maire de Bordeaux, n’ayant pas souhaité s’impliquer dans une primaire salie par le scandale électoral.

L’électorat habituellement balancé entre la droite et la gauche et n’appartenant à aucun parti s’est par ailleurs retrouvé dans les idées et les prises de position d’Emmanuel Macron.

Notre cher François Hollande, président sortant, ne put, quant à lui, qu’assister à cette montée en puissance de Macron et de Benoît Hamon, et comme si cela ne suffisait pas, Manuel Valls lui tourna le dos, en ce qu’il apparaissait davantage présidentiable aux yeux de l’ensemble des militants PS. Il remporta ainsi la primaire du PS, Hollande n’ayant pas souhaité se présenter à nouveau. Valls se pose ainsi en régalien, il rassemble l’électorat socialiste.

Les résultats du premier tour ont été les suivants : 

1. Le Pen 30%

2. Macron 19%

3. Sarkozy 18%

4. Valls 15%

5. Mélenchon 13%

6. Bayrou 3%les 2% restants étant répartis entre les autres candidats.

« Pédagogie contre démagogie », voici le titre du Monde à la veille du débat du second tour. Emmanuel Macron se montrera-t-il à la hauteur de ses ambitions face à la bête politique Le Pen ?

Louis Poinsignon

par Louis Poinsignon, le 10 novembre 2016

 

*     *     *     *     *

 

« Politique et théâtralité »

Une nouvelle année, un quinquennat s’achève. Mais comme la théâtralité l’exige, un nouveau doit débuter.

Nous voilà donc en 2017, les primaires sont passées. Un constat va évidemment s’imposer ! Un constat que bien d’autres auront fait avant même les élections. Tout est relativement simple en fin de compte, une poignée de pions sont placés sur un échiquier. Des mains les dirigent, un coup à gauche, puis à droite. Le résultat sera toujours le même, un des deux joueurs l’emportera. Mais qui sont ces joueurs me direz vous ? Eh non, à votre grande déception nous, j’entends par là le peuple français, ne sommes que de joyeux observateurs. Observateurs d’une partie rudement bien truquée par les deux joueurs présents.

Quel en est le but dans ce cas ? Les empereurs romains l’avaient compris bien avant nous, il faut nous distraire, nous occuper pour nous détourner des vrais problèmes. Une stratégie qui a su au fil des siècles s’adapter pour rester d’une efficacité à toute épreuve !

Revenons au sujet, l’élection. Rien d’étonnant dans ces résultats, un Parti socialiste à l’agonie (eh oui, on aura au moins compris que la politique sociale dans un pays capitaliste, c’est juste pour nous vendre le truc). D’ici quinze ans, on aura de nouveau oublié cette constatation, mais bon… ! Continuons avec un Mélenchon essayant de rallier tant bien que mal des minorités, en oubliant que le communisme doit être porté par l’immense masse du prolétariat ! Une masse d’ouvriers délaissée qui va tout bêtement voir en face ce qui ce passe. Et là, la mère Le Pen les attend à bras ouverts avec un discours en revanche bien fermé. On offre ainsi sa place au second tour au Front national. Mais n’oublions pas la nature même du Front national, un pion de plus sur l’échiquier. Utilisé tantôt par la droite, tantôt par la gauche comme instrument électoral, Mitterrand ou même Chirac l’avaient bien compris, un deuxième tour contre le FN c’est une victoire quasi assuré. Mais néanmoins tout est possible, eh oui comme je vous le rappelle vous ne décidez de rien, si les puissants veulent la victoire du FN, ils l’auront. Les médias vendus depuis longtemps au plus offrant ne sont ni plus ni moins que la propagande bourgeoise moderne. Une propagande rudement bien exécutée qui nous mène en bateau en toute discrétion. 

Et cette année c’est aux ’’Républicains’’ (chacun son tour) de se retrouver à ce deuxième tour. Fort d’un déchirement interne qui a su faire sa ’’pub’’, et égalemet par manque de choix, le parti mené par le vieux Juppé l’emporte pour ce premier tour avec une avance fragile. Encore une fois tout est calibré. Pour les observateurs attentifs, le résultat de cette partie d’échec est quasiment donné. Tout cela est quand même relativement déroutant.

Néanmoins dans cette partie si bien gérée des trouble-fêtes font leur apparition. À commencer par les abstentionnistes, toujours plus nombreux d’élection en élection. On y caractérise deux types d’individus. Ceux qui ne votent pas par désintérêt et dégoût total pour cette notion abstraite qu’est la politique, pensant peut-être à juste titre que leur vote ne changera rien. Et puis il y a ceux qui ne la connaissent que trop bien, cette politique, et qui ont compris que le suffrage universel depuis son instauration est un moyen pour les puissants de rester puissants. C’est donc dans ce cas-là un abstentionnisme qu’on pourrait qualifier d’anti-système, un système n’existant que par le biais des personnes qui le font vivre.

Ce deuxième type de personne, de plus en plus nombreux lors de ces primaires, fait face à toute une société ! Avec pour seule arme leur prise de conscience. Celle ci aboutit naturellement à une sorte de reprise du pouvoir pour et par le peuple via une perte de légitimité des gouvernements en place. Ce qui accentue ,à mon avis, le rythme des contestations sociales.

Ce phénomène d’opposition radicale au système via l’abstentionnisme découle d’un phénomène de plus grand d’ampleur, le vote ’’anti-système’’. Une notion que certains partis mettent en avant, à l’image du Front national qui se veut en rupture avec ’’l’UMPS’’. Ou également à l’image du candidat Donald Trump qui a su, de l’autre coté de l’Atlantique, jouer cette carte avec brio. Mais ils ne faut pas oublier que ces partis font pour le coup partie intégrante de ce système et ils en sont bien souvent la face la plus sombre.

Au final peu importent les résultats du deuxième tour, entre l’un ou l’autre de ces partis corrompus, le résultat n’en sera que plus ou moins tragique. Ce qui importe, et ce qui mettra fin à mon analyse, c’est le nombre de personnes qui auront compris tout ça et qui oseront dire ’’non’’ de quinquennat en quinquennat à ce système de la corruption.

Loris Cataldi

par Loris Cataldi, le 11 novembre 2016

 

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13 novembre 2016

Paroles d'élus : « Virginie Duby-Muller et Pierre-Yves Le Borgn', députés »

L’élection choc du Républicain iconoclaste Donald Trump à la présidence des États-Unis au milieu de cette semaine a été lue par beaucoup de commentateurs comme la manifestation dans les urnes d’un sentiment puissant - et jusqu’ici latent - de révolte d’une bonne partie du peuple américain. Révolte contre quoi, contre qui ? Sont pointées ces criantes inquiétudes qui touchent au déclassement économico-social dans un monde de plus en plus impitoyablement concurrentiel ; à des problématiques d’identité dans un monde à l’ouverture parfois anarchique et souvent poussée de manière quasi-dogmatique. Les mêmes ressorts que pour le Brexit du mois de juin. Derrière ces phénomènes, massivement ressentis dans un Occident en perte de repères, on croit voir la main d’une élite dont les intérêts divergeraient sur l’essentiel de ceux des peuples : élites économiques et financières, élites bureaucratiques... et bien sûr élites politiques. En France, le phénomène prend de plus en plus d’ampleur, en particulier s’agissant de ce dernier point : la défiance envers le politique atteint des niveaux considérables que ne peuvent qu’alimenter scandales ou « indélicatesses » indignes qui, bien trop souvent, éclaboussent des politiques et salissent nos démocraties ; les chiffres de l’abstention lors de chaque scrutin et les intentions de vote pour les anti-système le démontrent régulièrement.

Dans ce contexte, et alors même qu’à titre personnel je suis issu et me sens donc solidaire de ces milieux qui se sentent laissés pour compte (pour ne pas dire autre chose) ou trahis, j’ai souhaité pour cet article m’inscrire à contre-courant de ces mouvements dont on se surprend à chaque scrutin à découvrir la puissance. Parmi les intervenants qui, tout au long des cinq années et demie d’existence de Paroles d’Actu, ont répondu à mes sollicitations pour des interviews, j’ai été touché par l’accueil qui m’a été fait, immédiatement et de manière constante, par deux primo-députés de la mandature en cours : Pierre-Yves Le Borgn, élu socialiste des Français de l’étranger (Europe centrale et orientale) et Virginie Duby-Muller, élue Les Républicains de Haute-Savoie. Combien de discussions, devant la machine à café, sur les « privilèges exorbitants » des députés ? Et combien, finalement, sur leur travail effectif - c’est-à-dire : tout sauf les questions au Gouvernement ? Mi-septembre, j’ai proposé à ces deux députés que nous ayons ensemble des échanges croisés (ils se sont déroulés jusqu’au début du mois d’octobre) portant sur le fond de leurs actions et engagements respectifs. La parole, donc, en ces temps de défiance profonde envers le politique, à deux élus de la République dont j’ai la conviction profonde qu’ils sont de ceux qui n’ont pas oublié d’où ils viennent, de qui ils tiennent leurs mandats, ni pour qui ils l’exercent. Des confidences précieuses, parfois touchantes, parfois révoltées... et qui sonnent justes. Une exclusivité Paroles d’ActuPar Nicolas Roche.

 

PAROLES D’ACTU - PAROLES D’ÉLUS

« Virginie Duby-Muller et Pierre-Yves

Le Borgn’, députés de la République » 

Pierre-Yves Le Borgn et Virginie Duby-Muller (perchoir)

Photo pour Paroles d’Actu, datée du 9 novembre 2016.

 

Paroles d’Actu : Comment avez-vous vécu vos premiers jours, vos premiers pas à l’Assemblée nationale ? Votre vie, à l’un comme à l’autre, a-t-elle changé radicalement à partir de ce point ?

Virginie Duby-Muller : Mon élection fut évidemment un moment particulièrement fort et symbolique : après une campagne de terrain, je suis devenue députée de la Nation en juin 2012. Les résultats sont tombés le dimanche soir, et j’ai dûêtre à Paris dès le lendemain : à peine le temps de savourer la victoire, que nous sommes déjà dans la course du mandat.

Mon arrivée à l’Assemblée nationale restera évidemment un souvenir très important. Faisant partie des six députés les plus jeunes de l’Hémicycle, j’ai eu l’honneur d’être membre du « Bureau d’âge » lors du premier jour de séance, et d’assister le doyen qui préside cette séance inaugurale. Ce fut un moment particulièrement marquant et émouvant, où j’ai pu sentir la puissance symbolique du lieu, notamment en vivant moi-même le cérémonial d’entrée dans le Palais Bourbon, depuis l’Hôtel de Lassay jusqu’à l’Hémicycle, entourée par la Garde Républicaine, sous leurs roulements de tambours. Ce moment hors du commun m’a rappelé l’importance de la fonction, la responsabilité qui m’avait été confiée.

« Malgré mon élection, je ressentais ma présence

à l’Assemblée comme étant un peu étrange :

tout était à construire... »

Pierre-Yves Le Borgn’ : Je suis venu à l’Assemblée nationale le jeudi 21 juin 2012, quatre jours après mon élection. J’ai vécu avec beaucoup d’émotion ce moment-là, en particulier lorsque, conduit par un huissier, je suis entré dans l’Hémicycle, pensant à mes parents et à tous ceux qui, dans mon parcours de vie, m’avaient encouragé et touché, sans imaginer un instant que ce parcours me conduirait à la députation. Je revoyais le visage aimant de ma grand-mère, garde-barrière et veuve de guerre, décédée quelques mois auparavant à près de 100 ans, que cet instant aurait rendu très fière (« fi-ru », m’aurait-elle dit en breton). Je viens d’un milieu humble et simple. Sans l’école et les bourses scolaires, sans la volonté et le travail, rien de cela n’aurait été possible. Je me sentais tout petit dans cet Hémicycle silencieux, imaginant sur les bancs et à la tribune, les figures historiques de mon Panthéon personnel : Jean Jaurès, Léon Blum, Pierre Mendès France et François Mitterrand. J’avais gagné une élection et méritais d’être là, mais je ne pouvais m’ôter de l’esprit que ma présence était un peu étrange. Tout était à construire.

Ma vie a changé le 17 juin 2012. Après plus de 20 ans dans le secteur privé industriel, j’ai tourné une page. Je m’y étais préparé. Il y a cependant comme une forme de choc à ne plus tenir de conférence téléphonique avec les équipes, à ne plus avoir les yeux sur les comptes de résultats, à ne plus penser au business et même aux concurrents ! Ce quotidien s’est effacé pour faire place à un autre, commençant par le recrutement d’assistants parlementaires et l’installation de ma permanence à Cologne.

Paroles d’Actu : Comment les « anciens » vous ont-ils accueillis ? Avez-vous senti un soutien de leur part ?

Pierre-Yves Le Borgn’ : À l’Assemblée, dans les premières semaines, en l’absence de bureau attribué, je parcourais les salons devant l’Hémicycle… à la recherche du wifi. Et j’ai mis des jours à trouver la buvette des députés, n’osant pas demander mon chemin. Tout cela apparaîtra sans doute ridicule, mais j’avais l’impression d’entrer en 6ème et de porter l’étiquette de bizuth. Je connaissais quelques députés réélus, qui m’ont aidé et conseillé. Au sein du groupe socialiste, nous étions beaucoup de nouveaux et une forme de solidarité entre nous existait. Avec quelques limites cependant, certaines dents rayant déjà le parquet.

« Pas facile de tutoyer les anciens ministres...

mais on s’y habitue ! »

Virginie Duby-Muller : Au Palais Bourbon, j’ai ressenti un vrai soutien des « anciens », notamment de ceux de mon département. Une règle entre les députés favorise aussi cet esprit de cohésion : le tutoiement, que nous employons tous entre nous. Pas toujours facile de tutoyer des anciens ministres, mais on s’y habitue !

Paroles d’Actu : Comment avez-vous géré ce sentiment qui, comme je peux l’imaginer, vous habite en pareil cas : sentiment de responsabilité ; sentiment d’être « la représentation nationale » ?

Pierre-Yves Le Borgn : La responsabilité, je l’ai ressentie dès la première séance. La nouvelle majorité avait été élue sur une promesse de changement et les électeurs croisés en campagne attendaient que nous tenions nos engagements. J’avais le sentiment que nous devions assumer sans ciller un langage de vérité, expliquant nos initiatives, propositions et votes. Et les difficultés rencontrées aussi. Parler vrai, en somme. Venu à la politique dans le sillage des idées de Rocard et Delors, cette exigence de responsabilité m’habite depuis toujours. Sans doute avais-je déjà, en ces premiers jours de législature, la crainte que les jeux, postures et ambitions ne rendent l’action illisible et confuse. Cela n’a malheureusement pas manqué. Même si l’Assemblée reflète imparfaitement la diversité du peuple français, j’avais conscience que nous étions la représentation nationale et qu’il nous fallait agir avec rigueur, devoir et discipline. C’est pour cela que j’ai vécu l’affaire Cahuzac comme un échec collectif, voire une trahison du peuple souverain, les errements d’un homme éclaboussant la République et la vie politique, à rebours de la noblesse de l’engagement à laquelle je crois.

Paroles d’Actu : Comment avez-vous conçu votre rôle au sein d’un collectif à vocation bien précise (vous Virginie dans l’opposition, vous Pierre-Yves dans la majorité), avec tout ce que ça implique peut-être de « mise en scène » ou de postures au niveau d’un groupe (ça pose la question de la possibilité de travailler sereinement de manière trans-partisane, la distinction entre « plénière » et commission) ?

Virginie Duby-Muller : L’opinion publique a trop souvent tendance à réduire le travail parlementaire aux questions au Gouvernement du mardi et du mercredi. Cela donne souvent une image de brouillon, de politique agressive, d’interrogations uniquement rhétoriques, où chacun y va de sa petite phrase pour « piquer l’adversaire ». C’est surtout le travail en coulisses qui m’intéresse : celui des commissions, des groupes d’études, des rencontres en circonscriptions. J’y suis particulièrement attentive et assidue.

Être dans l’opposition pour un premier mandat, cela ajoute aussi du challenge à ce mandat. J’ai toujours voulu assumer mon appartenance au groupe des Républicains, tout en travaillant de manière constructive, pour des réformes nécessaires, et en valorisant le bien commun. En résumé, je fais partie d’un groupe, mais je souhaite conserver une liberté de parole, de ton et de vote. C’est une question de confiance avec les citoyens de Haute-Savoie, et de convictions.

Pierre-Yves Le Borgn’ : Je crois à la fidélité. Je tiens aussi à l’exigence de vérité et à l’indépendance de jugement. Enfin, je me défie de tout sectarisme. Je me suis engagé à fond dans le travail de la Commission des Affaires étrangères, construisant peu à peu, rapport après rapport, au sein du groupe socialiste comme de la Commission elle-même, une spécialisation sur l’environnement et la lutte contre les dérèglements climatiques, les droits de l’homme et la matière fiscale internationale. J’ai pris mes tours de permanence dans l’Hémicycle pour les débats législatifs, enchaînant (tout en les redoutant) les séances de nuit à n’en plus finir. J’ai souvent pesté contre cette organisation foutraque de nos travaux, le Bundestag, dont je suis familier, me renvoyant en boomerang l’image d’une institution organisée, prévisible et sereine. Je me suis endormi une nuit à mon banc, cuit de fatigue, entraînant un commentaire cinglant au micro d’un collègue de l’opposition, avec qui j’ai eu le lendemain matin une explication de gravure. J’ai défendu mon premier amendement de député à 5 heures 10 du matin en juillet 2012. Sur la vidéo, je ressemblais à Gainsbourg…

« Les différences existent, pas besoin

de les mettre en scène dans l’outrance »

J’ai vite découvert les postures, trucs de séance et autres colères surjouées pour la galerie et plus encore pour la télévision. Je m’y suis toujours refusé. Je ne juge pas cela utile ni digne. Les différences existent, il n’est pas besoin de les mettre en scène dans l’outrance. C’est pour cela que j’ai perdu en quelques mois l’intérêt que j’avais initialement pour la séance des questions au Gouvernement, même si je m’y rends toujours. Flatter le Gouvernement d’un côté, hurler à la ruine de l’autre, tout cela n’a pas grand sens et contribue malheureusement au regard désabusé que portent nos compatriotes sur l’institution parlementaire. J’ai défendu fidèlement le Gouvernement sur tous les textes où j’étais en accord. J’ai aussi assumé publiquement tous mes désaccords en m’abstenant ou en votant contre des textes soutenus par mon groupe parlementaire (loi renseignement, suppression des classes bi-langues, déchéance de nationalité, fiscalité sur les Français de l’étranger). Cela m’a valu parfois un purgatoire politique plus ou moins prolongé, si ce n’est une réputation de type pas facile. J’ai assumé, même si ce n’était ni agréable ni juste.

Paroles d’Actu : Est-ce que vous vous connaissez bien, tous les deux ? Avez-vous déjà eu des occasions de vous côtoyer, de travailler ensemble ?

Virginie Duby-Muller : Nous avons surtout eu l’occasion de travailler ensemble lors des réunions du groupe d’amitié France-Allemagne, que préside Pierre-Yves et qui organise de nombreuses auditions. Nous accueillons également chacun un stagiaire franco-allemand tous les ans à Paris dans nos bureaux, dans le cadre d’un échange mis en place entre l’Assemblée et le Bundestag.

Nous nous entendons très bien, la preuve que l’appartenance politique ne fait pas tout ! Pierre-Yves Le Borgn est un excellent député, pointu et consciencieux sur ses dossiers. Nous avons un peu la même manière d’évoluer à l’Assemblée et de définir notre mandat : avec une liberté de parole, des convictions que nous respectons, et beaucoup de travail !

Pierre-Yves Le Borgn’ : Nous avons en effet fait connaissance au sein du groupe d’amitié France-Allemagne, que je préside. J’ai tout de suite apprécié l’échange franc, direct et sympa avec Virginie. Peut-être y avait-il là une forme de solidarité entre primo-députés, mais pas seulement. Je m’attache à l’unité des gens, à leur sincérité et à leur force, au-delà des différences partisanes et de vote. Tout cela n’est pas très politique, mais je revendique cette approche personnelle, corollaire de l’horreur absolue dans laquelle je tiens le sectarisme. J’ai noué des relations fortes avec des collègues de l’opposition, voire même des liens d’amitié, et j’en suis heureux. Pour une large part, c’est le travail en commun au sein du groupe d’amitié France-Allemagne, l’attachement à l’Allemagne qui nous rassemble, qui y a conduit. C’est ainsi par exemple que, comme elle l’a rappelé, Virginie et moi nous retrouvons chaque année à travailler tous deux avec un(e) stagiaire allemand(e). J’ai souvenir aussi que Virginie avait mentionné mon désaccord sur la suppression des classes bi-langues dans une question qu’elle posait à Najat Vallaud-Belkacem et mes oreilles avaient beaucoup sifflé après coup au sein du groupe socialiste !

Paroles d’Actu : Quels sont les grands moments de la vie du parlement et de la vie de la Nation qui vous ont marqués, en tant que citoyens comme en tant que députés ?

Virginie Duby-Muller : Je pense d’abord au Parlement réuni en Congrès à Versailles, le 16 novembre 2015. C’est un moment que j’aurais préféré vivre dans d’autres  circonstances. Après l’horreur des attentats, je crois que nous étions tous un peu sonnés, l’émotion dans la salle était palpable. C’était un après-midi très solennel, où la nécessité d’union et de solidarité face à la barbarie a été rappelée.

J’ai également été marquée par le vote de la loi sur le mariage pour tous, qui s’est révélée profondément clivante. Les débats étaient particulièrement agressifs et offensifs dans l’Hémicycle, et m’ont laissés un souvenir amer. C’est souvent le cas pour les votes parlementaires sur des sujets de société, qui instaurent des discussions pesantes, exacerbent les passions, encouragent la démesure des réactions. 

« Le débat sur le mariage pour tous était important,

les arguments des uns et des autres

étaient légitimes ; cela aurait mérité

de vrais échanges, plus apaisés »

Le débat était pourtant important, des arguments étaient légitimes des deux côtés de la mobilisation : cela aurait mérité davantage d’échanges apaisés et dans la co-construction.

Pierre-Yves Le Borgn’ : Le moment le plus impressionnant pour moi restera également cette réunion du Congrès du Parlement à Versailles, le surlendemain des attentats terribles du 13 novembre 2015. Nous étions en état de choc collectif. La guerre venait de nous être déclarée par une organisation terroriste s’en prenant aux valeurs et à l’art de vivre de la France. Je repense aussi au discours de Manuel Valls devant l’Assemblée en janvier 2015, suite aux attentats à Charlie Hebdo et à l’Hypercasher de la Porte de Vincennes. Et cet instant où notre collègue Serge Grouard, député du Loiret, lança une Marseillaise a capella totalement inattendue, que nous avions reprise tous ensemble. Au rang des souvenirs heureux, je revois le moment où je pousse sur le bouton « pour » et contribue, en mai 2013, à l’adoption définitive de la loi sur le mariage pour tous. J’ai dans mon entourage de très proches amis homosexuels et je savais combien cette égalité-là, ce droit d’épouser l’être aimé et de construire une famille, était le combat de toute leur vie. J’en ai eu les larmes aux yeux sur l’instant. À tort ou à raison, j’avais le sentiment d’un moment historique, comme lors de l’adoption, des décennies avant, de la loi Veil ou de l’abolition de la peine de mort.

Paroles d’Actu : Un focus bien sûr sur ces événements si particuliers qu’on a vécus et que vous venez d’évoquer, à travers le prisme peut-être particulier de l’Assemblée et du travail en circonscription (questions, attentes, craintes des citoyens) : les attentats en France.

Virginie Duby-Muller : À Paris comme en Haute-Savoie, toute la France a été touchée par la brutalité et la barbarie de ces attentats. J’ai reçu beaucoup de questions sur l’islamisme, sur nos capacités à agir, sur notre action en tant que députés face à cette guerre contre Daech. J’ai vite ressenti un malaise en circonscription, dû à beaucoup de désinformation sur les attaques et sur nos actions en tant que députés.

Etant élue dans une zone frontalière, je suis aussi confrontée à d’autres problématiques spécifiques de l’état d’urgence, notamment celle des douanes. A l’heure où on les menace de suppression, je les défends sans relâche depuis de nombreuses années.

« L’obsession de voir sa tête, à la faveur

d’un bon mot ou d’un tweet, sur les antennes

des chaînes d’info en continu est un poison »

Pierre-Yves Le Borgn’ : Après les attentats, mais plus généralement aussi sur les textes majeurs examinés au cours de la législature, j’ai ressenti l’attente exigeante de nos compatriotes : des résultats bien sûr, mais aussi de la dignité. Être efficace, juste et respectueux. Ne jamais se donner en spectacle. Les gens ont pris la crise en pleine poire. La désindustrialisation est un drame humain, le chômage des jeunes tout autant. Bosser sans en rajouter dans le jeu de rôles, c’est respecter nos compatriotes. Nous n’y sommes pas toujours parvenus et je le regrette. Le microcosme qu’est le Palais Bourbon ne contribue pas à la sérénité. L’obsession de voir sa tête, à la faveur d’un bon mot ou d’un tweet, sur les antennes des chaînes d’info en continu est un poison. Le travail en circonscription et le contact avec nos compatriotes me ramènent toujours à l’exigence de sérieux et de sobriété. Une seule fois, je me suis mis en colère dans l’Hémicycle et je n’en suis pas spécialement fier. J’avais réagi vivement aux propos d’un collègue de l’opposition me traitant de « meurtrier » en raison de ma défense des droits des enfants nés par GPA à l’étranger. J’en ai été blessé comme homme et comme père. Pour ma part, je n’ai jamais invectivé personne.

Paroles d’Actu : Qu’est-ce qu’être député implique sur un plan personnel, humain : vous avez des enfants en bas âge tous les deux, on imagine que ça n’est pas forcément évident de gérer cela, y compris sur le plan émotionnel, peut-être de la culpabilité ressentie, quand on a une activité aussi prenante (et aussi mobile) que la vôtre ?

Pierre-Yves Le Borgn’ : Lorsque j’ai été élu député, mon petit Marcos avait dix mois. Je le revois encore, à mon retour de l’Assemblée nationale le 21 juin au soir, suçant ma toute nouvelle cocarde tricolore qu’il croyait être une glace. Pablo et Mariana sont nés depuis. Je me suis organisé pour être régulièrement avec eux et mon épouse, même si cela conduit à des nuits courtes et des départs très matinaux. Je suis un père avant d’être un député. J’ai renoncé à des missions et responsabilités pour être avec eux. La vie politique peut ruiner une vie de famille. Je ne veux pas que ce soit le cas pour la mienne. Certains collègues se sont moqués de moi pour cette raison. J’assume et je les plains quelque part. Vivre avec sa famille, voir ses enfants grandir et contribuer à leur enfance, c’est ce qu’il y a de meilleur. Pour eux, pour soi-même aussi. Dans plusieurs de mes interventions et nombre de mes votes, j’ai pensé à mes enfants. Notamment dans mon discours de rapporteur de l’Accord de Paris sur le changement climatique. Je veux leur laisser un monde meilleur. Et je veux aussi qu’ils se souviennent, le jour venu, de leur papa comme quelqu’un qui aura accompagné leur vie, tendrement et sûrement.

Virginie Duby-Muller : L’articulation entre la vie familiale et les mandats est parfois compliquée. Je suis devenue député quand ma fille avait à peine six mois et je me déplace à Paris deux jours par semaine. Il n’y a malheureusement pas encore de crèche à l’Assemblée nationale !

Nous sommes d’ailleurs peu de femmes de moins de 40 ans dans la vie politique. Pour ce faire, il faut donc une bonne logistique, l’appui de son conjoint, de sa famille et une bonne nounou. Je n’accepte pas toutes les sollicitations, en particulier le dimanche après-midi, et je fais en sorte de préserver des moments exclusifs pour ma vie de famille, privilégier la qualité à la quantité. Et j’emmène aussi ma fille avec moi sur le terrain en Haute-Savoie, lors de déplacements moins officiels !

Je pense que la famille peut parfaitement évoluer avec une maman député : j’ai d’ailleurs toujours eu pour modèle des femmes actives, qui m’ont poussée dans mes études et incitée à être indépendante.

Paroles d’Actu : Comment vous vivez l’articulation, peut-être le « fossé » entre les phases « Hémicycle » et « circonscription » de vos mandats ? Quelques mots peut-être sur l’échange que vous pouvez avoir avec les habitants de vos circonscriptions respectives ?

Virginie Duby-Muller : J’accorde dans mon travail une grande place au terrain, sinon on peut très vite être déconnecté des réalités. J’effectue chaque année « une tournée » sur les 53 communes de ma circonscription. La circonscription et l’Hémicycle sont complémentaires : des problèmes remontent au niveau local, que nous pouvons régler au niveau national. Mon objectif, c’est d’être un relai efficace entre ce que je constate sur le terrain et ce qui peut être fait et voté à l’Assemblée nationale.

« Une bonne articulation Hémicycle/circonscription

est essentielle en ces temps

de crise de confiance citoyenne »

Cette articulation Hémicycle/circonscription permet aussi d’avoir un rôle pédagogique, pour expliquer ce que nous faisons à Paris, comment nous votons les lois, comment nous travaillons à l’Assemblée. C’est profondément nécessaire, à l’heure de la crise de confiance citoyenne et des préjugés sur les élus. C’est ce que je fais, le plus souvent possible, notamment en accueillant des groupes de visiteurs de mon département au Palais Bourbon.

Pierre-Yves Le Borgn’ : Je préfère la circonscription à l’Hémicycle. La vraie vie, la première des valeurs ajoutées, c’est le contact humain, la rencontre in situ avec les compatriotes et la résolution des questions qu’ils portent à mon attention. À chaque déplacement que je fais en circonscription, je tiens une permanence qui me permet de recevoir individuellement les gens, puis j’enchaine avec une réunion publique de compte-rendu de mandat. Je réponds à tous les courriers et courriels individuels que je reçois, sans aucune exception. Je prépare tous les trimestres une lettre d’information précise, qui présente dans le détail mes interventions et fait le point sur tous les dossiers affectant la vie des Français établis dans les 16 pays de ma circonscription d’Europe centrale et balkanique. Je tiens un blog dans lequel j’écris plusieurs fois par semaine. Je trouve que la vie politique communique mal et trop peu. Les gens n’attendent pas de moi que je les appelle à voter pour le Parti socialiste ou que je me comporte comme la brosse à reluire du Gouvernement. J’ai à leur égard à tout le moins une obligation de moyens et j’y rajoute une obligation de résultats.

Paroles d’Actu : Un point qui m’intéresse : de par vos circonscriptions respectives, vous êtes l’un et l’autre pas mal en rapport avec l’étranger, vous Virginie le transfrontalier, vous Pierre-Yves l’international. On a l’impression que beaucoup de vos collègues raisonnent quand même pas mal en des termes très « franco-français ». Est-ce qu’il y a une espèce de « communauté » particulière des parlementaires qui touchent à l’international ?

« Nous avons un devoir de curiosité d’esprit,

qui commence par l’exercice régulier

de la législation comparée »

Pierre-Yves Le Borgn’ : Il y a en effet une sorte de solidarité informelle des députés connaisseurs de l’étranger. D’une certaine manière, la vingtaine de collègues régulièrement présents depuis quatre ans aux manifestations du groupe d’amitié France-Allemagne que j’organise en est un exemple. Il faudrait que nous mobilisions davantage les groupes d’amitié dans cette perspective. Certains groupes n’ont aucune activité et c’est regrettable. Je suis membre de France-États-Unis, en souvenir d’une lointaine vie en Californie au début des années 1990. J’avais demandé au printemps dernier au président du groupe, durant la campagne des élections primaires américaines, d’organiser une réunion avec des journalistes américains à Paris pour parler des phénomènes Trump et Sanders. Il n’en a jamais rien fait. L’on s’étonne après de la tournure franchouillarde ou chauvine de certains débats… Nous avons un devoir de curiosité d’esprit, qui commence par l’exercice régulier de la législation comparée. Soyons fiers de notre pays, reconnaissons aussi qu’il n’est pas une île et que la connaissance de l’étranger est une chance pour bien légiférer.

Virginie Duby-Muller : [Ce contact avec l’étranger] est en effet une chance et un atout dans ma circonscription : notre proximité avec la frontière suisse amène de nouvelles problématiques, comme le travail des frontaliers, les relations économiques avec le bassin suisse, les questions de mobilité… Je pense que cette ouverture à l’international est primordiale aujourd’hui, et que nous ne pouvons plus nous permettre de raisonner uniquement sur du « franco-français ».

On se retrouve d’ailleurs, avec Pierre-Yves Le Borgn’, sur cette question, ce qui nous amène à avoir des positions communes. Ce fut notamment le cas dans notre opposition à la suppression des classes bi-langues, lors de la réforme des collèges de Najat Vallaud Belkacem. Etant tous les deux sensibles aux relations internationales et aux relations frontalières, nous connaissons l’importance de cet enseignement et les réussites de ces classes pour l’ouverture des élèves sur le monde.

D’une manière globale, les notions d’international et de transfrontalier sont fondamentales : en tant que représentants de la Nation, nous avons besoin d’avoir une ouverture sur le monde. J’ai eu l’opportunité d’effectuer plusieurs missions parlementaires à l’étranger, car il est important, effectivement, de s’ouvrir au monde, de faire preuve de curiosité, pour voir ce qui se passe ailleurs, et faire du « benchmarking ».

Paroles d’Actu : Parlez-nous de quelques uns de vos grands moments de joie, mais aussi de déception, peut-être parfois de découragement ?

Virginie Duby-Muller : Être élue de l’opposition n’est pas toujours facile, tant le fait majoritaire nous contraint dans l’Hémicycle. Mes principales déceptions (mais toujours pas de découragements !) viennent donc de là, de toutes ces occasions ratées où j’ai vu un sujet important et des mesures nécessaires être refusées par la majorité en place.

Mes moments de joie sont donc souvent des « petites victoires », comme lorsque ma proposition de loi relative à la déclaration de domiciliation fut examinée dans l’Hémicycle, mais malheureusement rejetée par la majorité socialiste.

Pierre-Yves Le Borgn’ : J’en ai déjà un peu parlé pour ce qui est de la joie ou à tout le moins des moments heureux, en référence notamment au vote de la loi sur le mariage pour tous. Mes moments de satisfaction sont cependant bien plus sur les dossiers que je traite en circonscription que dans l’Hémicycle. Avoir contribué, par exemple, à mettre un terme au prélèvement indu opéré par les caisses d’assurance-maladie allemandes sur les retraites complémentaires de l’AGIRC et de l’ARRCO perçues en Allemagne. Avoir bataillé pour le remboursement de la CSG prélevée à tort sur les revenus des personnes non-affiliées à la sécurité sociale française. Ce sont des centaines d’heures de travail et de batailles, que j’ai eu la chance de mener à bien. Les déceptions, c’est quand rien n’avance, que le Gouvernement dit quelque chose et que l’administration fait l’exact inverse, quand une promesse est faite et qu’elle n’est pas tenue, quand les courriers aux ministres ne reçoivent pas de réponse. Je n’ai jamais été découragé. Je n’ai pas le droit de l’être, outre que ce n’est pas non plus dans ma nature. Je me suis fâché parfois, fort même, face à l’incurie, au manque de rigueur et à la duplicité. Cela me vaut de croiser des ministres qui ne me saluent plus et me zappent de toute information lorsqu’ils se rendent dans ma circonscription. Ce n’est pas drôle, mais je préfère le résultat à la courtisanerie.

Paroles d’Actu : Comment vivez-vous cette espèce de défiance très perceptible des citoyens envers le politique, qu’on sent par moments assez explosive ? Qu’est-ce qui à vos niveaux pourrait être fait pour y répondre (réformes institutionnelles ou démocratiques notamment) ?

Pierre-Yves Le Borgn’ : Je la vis mal, surtout lorsque se rattache à cette défiance une présomption d’incompétence et de malhonnêteté. Cela me met en rage. Mais si la vie politique française en est là, c’est parce que l’on promet tout le temps et abuse ensuite les gens. Les déclarations de matamore dans les campagnes électorales ou les petits coups tactiques font le plus grand mal. Voyez Sarkozy et Hollande, qui avaient promis par écrit aux pupilles de la Nation de la guerre de 1939-1945 un dédommagement, par extension de décrets datant de 2000 et 2004. Parvenus aux responsabilités, l’un comme l’autre n’en ont rien fait. Près de 10 000 personnes, les pupilles de la Nation, le vivent aujourd’hui cruellement. C’est inacceptable. Avec Yves Fromion, député LR du Cher, j’ai déposé une proposition de loi transpartisane, co-signée par 30 collègues PS, LR et UDI, pour que ces promesses soient tenues. À l’arrivée, parce que cette proposition de loi inédite rappelait chaque camp à ses engagements, ni le groupe socialiste ni le groupe LR n’ont accepté l’inscription de notre proposition à l’ordre du jour de l’Assemblée. C’est affligeant.

« La vie politique crève d’un entre-soi coupable :

la démocratie participative doit être l’une

des réponses à privilégier »

Je voudrais par exemple pouvoir imaginer une organisation institutionnelle plus simple permettant un droit effectif de pétition citoyenne, contraignant pour l’examen d’un texte au Parlement. Je pense aussi que les tâches de contrôle du Parlement devraient être renforcées, quitte à prendre du temps sur le travail législatif, obstrué par des centaines, voire des milliers d’amendements inutiles car hors du domaine de la loi et impossibles à mettre en musique au plan réglementaire. On perd un temps infini à discuter du sexe des anges à 4 heures du matin dans l’Hémicycle, juste parce qu’un ou plusieurs collègues entendent coller leurs noms derrière un amendement dont tout le monde sait, à commencer par les intéressés, qu’il ne débouchera jamais sur aucune action publique que ce soit. Il me semble également qu’il faudrait mieux rendre publiques les études d’impact et y associer bien davantage les Français. La vie politique crève d’un entre-soi coupable, alimentant l’idée – injuste – d’une caste. La démocratie participative doit être l’une des réponses à privilégier.

Virginie Duby-Muller : La défiance envers nos institutions, envers les « politiques », envers notre fonctionnement législatif et exécutif n’a jamais été aussi forte. On parle de « crise du politique », du « tous pourris », de scandales médiatiques, de crise de confiance envers les représentants du peuple. On reproche à l’administration ses structures verticales, ses hiérarchies pesantes, son management basé sur la méfiance, avec peu de place pour la créativité…

Bref, la fracture est imminente, et tout l’enjeu est d’agir rapidement et efficacement, pour adapter notre gouvernance. Nous sommes des citoyens du 21ème siècle avec des institutions conçues au 20ème, voire au 19ème siècle !

Un des bouleversements que nous subissons, c’est le numérique. Notre démocratie doit s’adapter à l’ère internet, et nous devons trouver comment. Nous sommes aujourd’hui à un tournant.

Et je pense que le numérique n’est pas la fin de la politique, mais c’est une révolution de la politique, un formidable outil pour la moderniser, et permettre une démocratie plus directe, ouverte, simplifiée, réactive et contemporaine. C’est une chance pour révolutionner l’engagement citoyen, et plus modestement améliorer la relation administration/citoyen. En France, les initiatives ne manquent pas. Il ne s’agit plus de projets futuristes encore dans les cartons. Ce sont par exemple des projets de co-production législative, comme c’est permis par le site internet « Parlements et Citoyens » : cette plateforme propose, en quelques clics, d’associer les citoyens à la rédaction des propositions de lois sur lesquelles nous, parlementaires travaillons. C’est un vrai travail de collaboration, pour arriver à un texte législatif au plus proche des intérêts des Français. Je pense aussi à la création de « La Vie Publique », émission qui propose sur YouTube de décrypter les questions au Gouvernement, avec la possibilité d’interagir en direct via un tchat intégré. Des applications se développent aussi dans les villes et métropoles, comme c’est le cas à Marseille, à Saint-Étienne, à Asnières, qui proposent une application portable permettant à n’importe quel habitant de signaler les problèmes de propreté. La mairie reçoit directement les géolocalisations, et peut ainsi agir, au plus grand bonheur des usagers. Je m’intéresse également à la Blockchain, qui permet aux personnes de réaliser entre elles des opérations garanties sans l’interaction d’un tiers de confiance. C’est évidemment une remise en question latente des institutions et de leur rôle d’intermédiaire dans bien des domaines.

« Le numérique devient une formidable opportunité

pour nos concitoyens en mobilisant l’innovation,

l’intelligence collective, la co-création »

Bref, le numérique devient une formidable opportunité pour nos concitoyens, en mobilisant l’innovation, l’intelligence collective, la co-création. Il leur permet de devenir eux même acteurs directs de leurs institutions, et partenaires dans les collectivités territoriales.

Paroles d’Actu : Un regard peut-être, lié, sur la nette poussée prévisible des anti-système en 2017 ?

Virginie Duby-Muller : Ces anti-système, extrême-droite et extrême-gauche, sont une menace réelle pour notre état de droit, et je les combattrai sans relâche. Ils profitent des faiblesses de notre société et surfent sur la peur des citoyens. Sur la forme, ils sont bien souvent excellents à ce jeu. Heureusement, sur le fond, leurs propositions sont biaisées par leur idéologie, et ne tiennent pas la route.

Le vote vers les extrêmes révèle avant tout un déficit d’adhésion, un vote par défaut, parce que notre politique actuelle est entachée par des « affaires », à gauche comme à droite. Nous devons faire preuve d’exemplarité, pour défendre le rôle des élus. Nous devons aussi nous réinventer, nous moderniser dans notre façon d’appréhender la politique. Et c’est mon engagement.

Pierre-Yves Le Borgn’ : Les anti-système surfent sur nos échecs, nos silences coupables et nos promesses inconsidérées. À ne pas dire toute la vérité, à la travestir ou à promettre sans tenir, on récolte la colère. Je crois à l’exigence de vérité, même lorsqu’elle est dure à entendre. Et face à la démagogie des anti-système, il faut se battre. Le racisme du Front national est insupportable. Tout cela doit se combattre frontalement, au nom des valeurs de la République. De même, raconter que l’on va sortir des traités européens et vivre notre vie de notre côté, c’est dire n’importe quoi, le savoir pertinemment et berner ainsi les gens à dessein. Voulez-vous d’une France autarcique, raciste, haineuse, ruinée et ridiculisée à l’échelle internationale ? Voilà ce qu’il faut dire face à tous ces oiseaux de malheur qui réapparaissent dans les périodes électorales, fuyant toute éthique de responsabilité, imbus d’eux-mêmes tant il est facile, avec le délire incantatoire pour seul fonds de commerce, de se payer de mots et de se faire applaudir.

Paroles d’Actu : Comment jugez-vous, l’un et l’autre, votre action depuis quatre ans et demi ?

Virginie Duby-Muller : En 2012, j’ai axé ma campagne autour de valeurs - travail, mérite, liberté - et me suis fixé une ligne de conduite - assiduité, transparence, disponibilité. Quatre ans et demi après, je trouve avoir tenu mes engagements, et je m’applique ces principes.

Sur la forme, j’ai toujours voulu faire preuve de disponibilité pour les citoyens, avec une permanence ouverte et accueillante, des déplacements et des permanences annuelles dans chaque commune de la circonscription, l’accueil de nombreux groupes de visiteurs à l’Assemblée nationale. Cela passe aussi par du travail de terrain, des visites d’entreprises et d’associations, des journées d’immersion (police, gendarmerie, pompiers).

Sur le fond, j’ai défendu de multiples dossiers, avec plus de 5000 interventions auprès des ministères, des collectivités, des administrations pour établir un projet de développement cohérent pour notre territoire, et relayer les préoccupations des citoyens : sur l’Education, sur le Logement, l’Emploi, le Transport, la Culture, les Relations transfrontalières, l’Agriculture, le Développement durable, le Commerce et l’Industrie…

Le tout, en m’appliquant à moi-même les valeurs de transparence et d’intelligibilité de mon travail  : j’ai voulu rendre compte de mon mandat tous les jours, via mon site internet et les réseaux sociaux, et avec une newsletter hebdomadaire et d’une lettre annuelle. Je publie également chaque année ma réserve parlementaire.

N’oublions pas que le mandat n’est pas fini : mes électeurs seront les seuls juges en juin 2017 !

« En entreprise, je n’aurais jamais accepté

cette inefficacité qu’en politique

je déplore au quotidien »

Pierre-Yves Le Borgn’ : J’ai sincèrement tout donné pour les compatriotes de ma circonscription, obtenant des succès dont j’ai parlé un peu plus haut. Je pense avoir fait avancer des sujets importants, localement et à l’Assemblée (notamment sur la lutte contre les dérèglements climatiques). J’ai aussi enregistré des frustrations face à des dossiers qui n’avancent pas, parce que le politique dit oui et que les instructions ne suivent pas. Je pense notamment aux drames des conflits d’autorité parentale dans les ex-couples franco-allemands. J’en suis à 14 réunions ministérielles en tête à tête, 10 en France et 4 en Allemagne. Les échanges sont toujours intéressants, si ce n’est prometteur, mais rien ne suit après coup. Cette impuissance du politique m’insupporte car il y a derrière cela des tas de petites vies d’enfants bousillées. Je repense parfois à ma vie d’entreprise. Jamais je n’aurais toléré que des instructions ne soient pas exécutées et que l’inaction, la pusillanimité et les tergiversations soient une manière de faire. Je n’ai pas été un député spectaculaire et médiatique tant je me défie de l’agitation personnelle et de l’autopromotion. Cependant, peut-être aurais-je dû parfois mieux m’appuyer sur la presse pour dénoncer l’inaction et le manque de résultats que je déplore ici.

Paroles d’Actu : Comment voyez-vous la suite, pour vous... et « accessoirement »... pour la France ?

Pierre-Yves Le Borgn’ : Je souhaite me représenter en 2017 pour un second mandat de député. Je dois pour cela solliciter la confiance des membres de mon parti dans le cadre d’une élection primaire ouverte à d’autres candidatures éventuelles. En tout état de cause, si j’étais réélu, ce second mandat serait le dernier. Je suis partisan du non-cumul des mandats, dans le nombre et dans le temps. Le Président Sarkozy avait dit un jour quelque chose de très juste en assurant qu’il arrivait dans la vie politique un moment où l’on passe plus de temps à durer qu’à faire (sauf qu’il ne semble pas y avoir pensé pour lui-même…). Deux mandats, c’est le bon timing pour moi : s’investir, bosser, avoir des résultats et transmettre le témoin. J’ai eu une vie avant d’être député, j’entends en avoir une après, notamment pour mes enfants. Cela ne veut pas dire se désintéresser de la chose publique, cela veut dire y participer différemment. La classe politique (expression que je n’aime guère) retrouvera le crédit qui lui manque si elle sait se renouveler.

Pour la France – et ce n’est aucunement accessoire, cher Nicolas – je souhaite un débat électoral vif, profond et serein, qui consacre l’urgence de réformes pour remettre le pays sur les rails d’une croissance pourvoyeuse d’emplois. La source de tous nos malheurs, de la désespérance et du pessimisme terrible du peuple français, c’est l’absence de jobs et de perspectives. Si la croissance ne revient pas, nous ne pourrons plus financer nos stabilisateurs sociaux. Et la croissance ne se décrète pas. Ce sont les entreprises qui créent l’emploi. Il faut travailler à un cadre économique et fiscal stable, qui encourage l’investissement, la recherche et l’embauche. J’ai tendance à croire que la majorité à laquelle j’appartiens peut y parvenir. Je m’emploierai à en convaincre, dans le respect de la diversité d’opinions des Français et de leur vote final.

Virginie Duby-Muller : Je souhaite me représenter aux législatives de 2017, parce que j’ai l’impression d’avoir encore beaucoup de choses à accomplir, de nombreuses autres batailles à mener au service de mon pays. Je reste aussi particulièrement vigilante sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes qui sont encore loin d’être acquises.

Enfin, la France est actuellement soumise à ses contradictions : nous devons réformer, libérer l’État, les énergies créatrices, les initiatives individuelles, tout en garantissant la sécurité de nos concitoyens et en assumant nos valeurs. En un mot : nous avons besoin d’audace.

 

Virginie Duby-Muller et Pierre-Yves Le Borgn

Photo pour Paroles d’Actu, datée du 9 novembre 2016.

 

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2 novembre 2016

Thierry Lentz : « Paris n'est pas qu'une fête, c'est aussi une cible... l'a-t-on déjà oublié ? »

Thierry Lentz, grand historien spécialiste des périodes Consulat et Empire et directeur de la Fondation Napoléon, compte parmi les contributeurs fidèles de Paroles d’Actu ; j’en suis fier et lui en suis reconnaissant. Quelques jours avant le premier anniversaire de la soirée terrible du 13 novembre 2015, je lui ai soumis quelques questions davantage ancrées dans une actualité immédiate que d’ordinaire : la parole en somme à un citoyen imprégné d’histoire - et il m’est d’avis qu’on devrait s’intéresser un peu plus à ce qu’ils ont à dire de l’actu, ces citoyens qui connaissent vraiment l’Histoire !

Joseph Bonaparte La fin des empires

Je signale au passage la parution, cette année, de deux ouvrages que je vous engage vivement à découvrir : la bio évènement, hyper-fouillée signée Thierry Lentz de Joseph, frère aîné à la « vie extraordinaire » de Bonaparte (Perrin, août 2016), et un ouvrage collectif passionnant, j’ai envie de dire « essentiel », que M. Lentz a co-dirigé aux côtés de Patrice Gueniffey (Perrin-Le Figaro Histoire, janvier 2016) et qui porte sur la fin des empires - lui-même a rédigé le texte sur la chute de l’empire napoléonien. C’était en aparté. Place à l’actu. Une actu dont on ne sait encore comment elle sera exploitée par ceux qui, demain, écriront l’Histoire. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Paris n’est pas qu’une fête, c’est aussi

une cible... l’a-t-on déjà oublié ? »

Interview de Thierry Lentz

Q. : 30.10 ; R. : 02.11

Bataclan

Après l’attaque du Bataclan... Photo : REUTERS.

 

Dans quelques jours, nous commémorerons, à l’occasion de leur premier anniversaire, les « Attentats de Paris », leurs 130 morts et leurs 413 blessés. Pour cette première question, déjà, j’aimerais vous demander comment vous les avez reçus et vécus à titre personnel, ces événements, à chaud puis, peut-être, avec le recul de l’historien ?

« Après la folle nuit du 13 novembre,

le 14 au matin, un silence terrible

dans le métro et les rues de Paris »

J’ai vécu ces attentats comme tous les Parisiens, dans l’angoisse d’abord, la colère ensuite. Il se trouve qu’habitant sur le chemin de l’hôpital de la Pitié, j’ai eu toute la nuit pour y penser : des dizaines d’ambulances, des sirènes… puis le lendemain matin, plus rien. Un terrible silence dans les rues et le métro. Je crois que je n’oublierai jamais ce moment-là. Heureusement, devant participer à un festival d’histoire près de Metz, je suis immédiatement allé « ailleurs », au milieu de personnes qui étaient certes abattues mais pas « témoins directs ». Le temps du recul est venu bien après, comme vous l’imaginez, d’autant qu’il y a eu Nice, ville où habitent beaucoup de mes amis et une partie de la famille. Une cousine de mon ex-épouse a été tuée ce soir-là, de même que deux amies d’une amie. Pour ce qui est du travail « d’historien », je crois qu’il est un peu tôt pour qu’il puisse commencer. Nous sommes encore en pleine crise et si je suis parfois frappé par certaines insouciances…

Est-ce qu’il y a, à votre sens, un « avant » et un « après » 13-Novembre, une rupture marquée dans l’esprit de la population française qui peut-être se serait sentie jusqu’à ce point relativement préservée en tant que telle des convulsions du monde, des soubresauts de l’Histoire ? Est-ce que vous pressentez, à la suite de ces attentats, une sorte de réveil, de sensibilisation nouvelle - durable ? - aux problématiques de sécurité, de renseignement, de défense ; une signification régénérée de la notion de « citoyenneté » ?

Je ne suis pas sûr qu’il y ait déjà un « après ». Il suffit de voir à quel point les pouvoirs publics masquent autant les causes profondes que les causes directes de ce qui nous arrive. Concernant le 13 novembre, j’ai suivi de près les travaux et conclusions de la commission d’enquête parlementaire, j’ai, je crois, lu à peu près tout ce qui a été publié de sérieux et ma conclusion est assez déprimante. Pour fuir certaines responsabilités, on a menti, par omission souvent, sciemment parfois. En ce premier anniversaire, je n’allumerai aucune bougie mais continuerait à poser des questions factuelles qui me taraudent. En voici quelques-unes auxquelles le ministre de l’Intérieur n’a toujours pas répondu. Pourquoi a-t-il attendu le 30 octobre 2015, neuf mois après les premiers attentats, pour annoncer son plan de modernisation des équipements de la police, plan qui n’est toujours pas mis en œuvre, ce que nous savons à travers les mouvements policiers actuels ? Pourquoi le Bataclan, qui était ciblé depuis 2009, n’a-t-il pas fait l’objet de mesures de protection particulières ? Pourquoi les dirigeants de la salle de spectacle n’ont-ils jamais reçu « l’avis à victime » prévu par la législation ? Qui a refusé l’intervention de la patrouille Sentinelle qui était devant le Bataclan pendant la fusillade (le ministère prétend qu’il n’a pas pu retrouver le responsable, ce qui est encore pire : il ne sait même pas qui donnait les ordres ce soir-là) ? Pourquoi les unités d’élite ne sont-elles intervenues que plus de deux heures après le début des faits ? etc, etc, etc.

Sur Nice, nous le savons tous, les questions sont encore plus graves. Il semble bien que les autorités de l’État aient, au départ, essayé de masquer des éléments essentiels. On avait baissé la garde… toujours l’insouciance. L’état d’urgence n’a été utilisé qu’avec parcimonie pour aller au fond des choses. Les territoires perdus sont bien loin d’avoir été reconquis. On ne nous parle que des « valeurs de la République », qui empêcheraient ceci ou cela. Parmi ces valeurs, n’y a-t-il pas le respect, y compris par la contrainte, du pacte social qui implique la protection des citoyens ?

« La fuite des responsabilités est quasi-générale... »

La fuite des responsabiltés est quasi-générale. Tiens : pourquoi, ne serait-ce que pour la forme, le ministre ou le préfet de police n’ont-ils pas présenté leur démission dans les jours qui ont suivi le 13 novembre ? Ça aurait eu « de la gueule », quitte pour le président de la République à leur demander de rester en fonction. C’est ce qui s’est passé en Belgique après les attentats de Bruxelles. Mais voilà, nos responsables ne le sont plus. On a décrété que M. Cazeneuve était l’homme de la situation, je ne le crois pas. Il passe son temps à finasser, à sauter d’une jambe sur l’autre, et ça n’est pas son air sérieux qui changera ma perception. Il n’a pas toujours dit la vérité et il en est une autre : il a été incapable de nous défendre. Quant au préfet de police de Paris, son incapacité, ses incohérences sont manifestes : 13 novembre, incapacité à faire respecter l’état d’urgence, interdiction d’une manifestation le matin et autorisation à midi, camps de migrants partout dans Paris (et pas qu’à Stalingrad), approbation béate des projets les plus absurdes de la mairie de Paris, dont la fermeture des voies sur berge, etc. Autrefois, le préfet de police de Paris était là pour maintenir l’ordre. Il était craint. On le regarde aujourd’hui avec un sourire triste. Je vous donne quelques exemples récents que j’ai constaté de visu de l’insouciance revenue. Récemment, le marais était rendu piéton pour un dimanche. Il y avait des milliers de personnes sur les voies. Au bout des rues, deux policiers municipaux et de frêles barrières Vauban. Ces policiers laissaient passer les taxis et beaucoup d’autres véhicules. Idem quelques heures plus tard à un vide-greniers de la Butte aux Cailles. Là, rues étroites et encore des milliers de personnes dans les rues. Aucun, je dis bien aucun, policier pour empêcher, par exemple, un camion fou de faire un carnage. Comme on nous le serine depuis des mois : Paris est une fête, il ne faut pas la perturber… Mais Paris n’est pas qu’une fête, c’est aussi une cible.

Quel regard et quel jugement portez-vous, globalement et dans le détail, sur les grandes orientations de politique étrangère de la France au cours des deux derniers quinquennats ? Est-ce que de vraies bonnes choses sont à noter ? Des imprudences de portée potentiellement historique ?

(...) Êtes-vous de ceux qui considèrent que la France serait encore trop « dans la roue » des Américains en politique étrangère, ce qui nous empêcherait de mieux dialoguer, comme il en irait peut-être de nos intérêts, avec par exemple des pays comme la Russie ? La question de l’appartenance de notre pays à l’Alliance atlantique devrait-elle être posée, d’après vous ? La France a-t-elle encore une voix originale, singulière à porter sur la scène des nations ?

Là, nous changeons de sujet… Il est frappant de voir que certains pensent que, parce qu’ils changent de politique un beau matin, l’état du monde et les forces profondes de la géopolitique changent en même temps. C’est à la fois présomptueux et dangereux. La politique gaullienne est morte avec Nicolas Sarkozy et l’intégration complète à l’Otan. Dès lors, la France n’a plus qu’une politique suiviste et sans originalité. Nous nous en rendrons compte bientôt.

« On n’arrivera jamais à rien avec la Russie

si on ne s’attache pas d’abord à la comprendre »

Vous parlez de la Russie, essayons de regarder ce dossier plus précisément. Prenons un exemple qui commence avec Napoléon, au hasard. On a coutume de dire qu’à Tilsit, Napoléon et Alexandre se sont « partagé le monde ». On en rajoute même avec l’histoire - jolie - du radeau sur le Niémen et des embrassades entre les deux empereurs. Même si l’on oublie qu’ils décidèrent très vite de poursuivre leurs discussions à terre tant le radeau était inconfortable, la légende du partage et de la séduction mutuelle ne tient pas. Elle tient d’autant moins que le traité de Tilsit était un accord uniquement justifié par les rapports de force entre un vainqueur (Napoléon) et un vaincu (Alexandre). J’ajoute qu’il ne pouvait pas durer pour une simple raison : il était par trop contraire aux réalités du monde et à la tradition séculaire de la diplomatie russe. Que recherchaient les tsars depuis Pierre le Grand ? Essentiellement deux choses : être pris au sérieux et considérés comme des Européens (d’où leurs appétits polonais et finlandais, leurs mariages allemands, etc.) et avoir accès aux mers chaudes (conquête de la Crimée par Catherine II, revendications sur Malte et Corfou de Paul 1er, nombreuses guerres avec l’Empire ottoman pour atteindre la Méditerranée, etc.) Quelle fut la réponse de Napoléon : la création du duché de Varsovie, la mainmise sur l’Allemagne avec la Confédération du Rhin, l’obligation pour Saint-Pétersbourg de rendre la Valachie et la Moldavie à l’Empire ottoman, soit tout le contraire des tropismes internationaux de la Russie. Qui plus est, l’obligation de déclarer la guerre à l’Angleterre (effective mais si peu active à partir de novembre 1807) ruina en un temps record le commerce extérieur du « nouvel allié » de l’Empire français. Qu’on ne s’étonne pas ensuite si Alexandre ne songea qu’à prendre sa revanche, non pour lui, mais parce que c’étaient la politique et l’intérêt de son pays, ce qu’il annonça de Tilsit-même à sa sœur Catherine. On connaît la suite et le résultat : au congrès de Vienne, on donna un gros morceau de Pologne à la Russie, on lui garantit de pouvoir commercer par les Détroits, Naples lui ouvrit ses ports et on accepta l’empire des tsars en tant que nation européenne en l’intégrant au « concert des puissances » qui allait gouverner le monde pendant un siècle. Suivez ces lignes de la politique extérieure russe pour la suite des décennies et, peut-être, vos réflexions sur un présent brûlant gagneront en profondeur. Pour dire les choses trivialement sur le présent : s’« ils » n’ont pas forcément raison (ils ont même probablement tort quelquefois), « ils » sont comme ça. Être européen, avoir accès aux mers chaudes - pourquoi pas avec un port au Moyen-Orient ? -, développer l’économie, montrer qu’on compte dans le concert des nations… Cela nous rappelle évidemment quelque chose d’immédiat.

En histoire, comparaison n’est pas raison, on ne le dira jamais assez. Mais en politique internationale, oublier l’histoire, c’est marcher sur une jambe en se privant de comprendre celui avec qui on discute (ou on ne discute pas).

Comme le dit un excellent spécialiste de politique étrangère de LCI, « ainsi va le monde » et il ne change pas si vite qu’on veut. Mon but n’est évidemment pas de « soutenir » Poutine, cela n’aurait à la fois aucun sens et aucune importance concrète. Je veux simplement souligner qu’avec Poutine ou sans lui, la politique extérieure de la Russie ne change pas comme on le croit sur un claquement de doigts. Notre seule possibilité de manœuvre est de contenir ce qu’il y a d’agressif dans la politique russe en ce moment. Sûrement pas de les forcer à abandonner ce qui fait le sens profond de leur position dans le monde.

Si on laisse de côté, ne serait-ce qu’un instant, le niveau déplorable du gros des discussions autour de l’élection présidentielle américaine à venir pour ne considérer que les orientations de politique étrangère affichées des deux candidats principaux, on remarque qu’il y a bien plus que d’habitude une véritable différence d’appréciation entre Hillary Clinton et Donald Trump : la première s’inscrit sur une ligne qui se veut volontiers interventionniste, le second paraît proche des isolationnistes. Est-ce qu’à votre avis, considérant l’état du monde et les intérêts de la France, l’une ou l’autre de ces alternatives est préférable ?

« Le monde paiera peut-être un jour, en mer

de Chine, le prix de la politique de retrait d’Obama »

Ce qui est frappant avec les grands politiciens américains, c’est qu’ils commencent toujours avec des avis péremptoires sur un monde qu’ils ne connaissent pas ou mal, avant de revenir au réalisme une fois élus. Encore que ça ne marche pas à tous les coups : voyez George W. Bush qui a vraiment tenté de faire ce qu’il avait promis, et avec le résultat que l’on connaît. Ce que l’histoire nous enseigne est ici de toute façon que la puissance prépondérante ne peut se désintéresser des affaires du monde, sauf à se faire prendre sa place ou, pire, à déclencher un cataclysme : voyez l’Angleterre à partir du début du XXe siècle ; elle laisse pourrir la crise des Balkans sous prétexte que ses « intérêts directs » ne sont pas menacés ; au bout du compte, l’Allemagne veut prendre sa place et l’explosion a lieu. Plus près de nous, c’est sans doute la plus grave erreur d’Obama qui a mis un mandat à se rendre compte que le retrait des États-Unis laissait toute grande la place à la Chine. L’Amérique (et le monde) en paieront peut-être le prix un jour en mer de Chine où il se passe des choses dont on ne parle pas en Europe, mais qui sont graves.

Ce n’est pas vous sans doute qui me direz le contraire : dans cette pré-campagne pour la présidentielle française de 2017, il est très peu question de retour d’expériences, de regards en arrière... en un mot d’Histoire. Est-ce que nos élites, nos hommes politiques ont perdu le « sens de l’Histoire » - et si oui est-ce que c’est manifestement néfaste au pays ? Question liée : on a pléthore de personnalités politiques qui vont prétendre à la charge suprême... mais a-t-on encore des hommes d’État, dans le lot ?

« Cessons de chercher à faire "parler les morts"

et écoutons plutôt ce qu’ils ont à nous dire »

Nos hommes politiques connaissent mal l’histoire. Il se contentent de faire « parler les morts » en en appelant à Jaurès, de Gaulle et quelques autres encore. Au lieu de cela, comme le dit si bien Michel de Jaeghere, ils feraient mieux d’écouter ce que les morts ont à leur dire. L’historien a sans doute sur ce point quelques conseils et éclairages à donner. À eux ensuite de bâtir un avenir sur ce passé qui parle. Mais c’est encore un autre sujet…

 

Thierry Lentz

 

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23 octobre 2016

« Americans vote '16 : Tale of a fractured country ? »

Thirteen years ago, long before I would even think of creating this newsblog Paroles d’Actu, I decided to attempt to contact candidates to the 2003 California gubernatorial recall election : what was their background, why they were running, their feelings about France at a time of diplomatic tensions between our two countries over the Iraq war. I’ve always tried to find out how the Internet could be used to reach out to people from distant places, to chat, exchange with them about our countries, about politics and life. I was 18 and half at that time, and the U.S. ranked well among those places I hoped to see and « meet » oneday. I truly liked English courses at school ; politics and especially U.S. presidential politics have been of great interest to me for about the last twenty years. This 2003 experience strengthened my will to go on in my way of never giving up to a border/ocean or prejudice limit. I’ve still not seen the U.S. yet, but I have kept precious and faithful contacts from my several articles with voices from America. Some of them are still here, for this 2016 article ; letting people speak their mind, building altogether a patchwork of ideas which can tell the reader something about the state of a country, maybe the state of its union, this is what this article is about. Merci à vous tous, « old » or new contacts, for having, among the many persons I contacted, accepted to share your views about this... strange election, « starring » two massively disliked - yet in few ways comparable - candidates, something we can see pretty well here ! Paroles d’Actu exclusive report. Par Nicolas Roche.

To be read, also in Paroles d’Actu, the texts of the interviews I had in French (Google-translated here) with specialists of the U.S. Nicole Bacharan (january), Thomas Snegaroff (august), André Rakoto and Nicole Vilboux (september), and Lauric Henneton (october).

 

A PAROLES D’ACTU REPORT

AMERICANS VOTE ’16

Tale of a fractured country ?

Trump Clinton bis

Src. : http://www.capitalemonde.com

 

 

« A far too long electoral season... »

Could you please introduce yourself ?

I am 52 years old, single, a member of the Green Party of Ohio, self-employed, and a massive football (soccer) fanatic. I enjoy walking as often as I can. I am a sports fan in general, watching ice hockey, Formula One, baseball, horse racing, etc. as often as possible. I still watch the Tour de France, but only to see the spectacular countryside and the gorgeous little villages and old châteaux, not to watch the dopers ride their bicycles anymore. I listen to jazz mostly, but like old rock and classical music, as well as some reggae, Latin (salsa, bachata, etc.) and folk music, not just U.S. but African (Malian especially) and Irish, especially, also. I read the New York Times every day, and prefer Al Jazeera English and PBS (in the U.S.) for my world news. I studied Economic and Social Development (with a focus on Africa) in graduate school.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

6. He tried to improve the country, and got minimal help from Congress, and then (after the Republicans took full control of Congress) no help whatsoever from Congress. He is an intelligent, thoughtful man. I did not vote for him either time. Given the political climate in Washington, I doubt that anyone could do a much better job if he or she was of the minority party in Congress like he is. Having said that, his weakness on the issue of closing Guantanamo Bay prison was a major disappointment, and his expansion of the drone killing of suspected terrorists has been an abomination. For someone who professes to want to eliminate nuclear weapons, he did not expend much energy in opposing the shameful, wasteful renewal of the U.S. military’s nuclear arsenal. Obamacare has certainly helped some people, but it is a needlessly-super-complicated program, whose primary beneficiaries are the health insurance and pharmaceutical companies. He over-promised and under-delivered, just like most U.S. presidents have.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ?

Yes and no. There have been some improvements for certain Americans. Many of the already wealthy are now even wealthier. Many people who previously did not have health insurance now have it, but many of them are poorly covered and at great expense. Things have improved considerably for LGBTQ people (they can marry now, and are generally either more accepted (or perhaps tolerated is the better word) than they were 8 years ago, I believe). Our employment situation is better for a narrow band of Americans - far too many remain un- and under-employed. Race relations have worsened, we still have a monumental gun violence problem, and we have become, sadly, a more insular and frightened populace.

Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

No. That is a reflection of a number of systemic problems that we refuse to address. Our politics is extraordinarily dysfunctional, captured by a narrow band of wealthy individuals and numerous multinational corporations. We believe most world problems have a military solution. We have not gotten serious about climate change. We do not embrace collective responses to pressing world problems until we are backed into a corner. We, like many nations, have a vocal, selfish xenophobic minority that longs for days that never were, and ought never to be. We are not good at embracing diversity, and only do so grudgingly or when forced to (by a court order, for instance). I get the impression that many people outside America laugh at our love of guns.

How do you feel about the current electoral season ?

Embarrassed, depressed, exasperated, demoralized, disappointed. The season is also far, far too long. It should be six weeks at the most, probably more like one month.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

Clinton yes, Trump no. But we have had unqualified presidents before, like George W. Bush. Trump could succeed as president, because an awful lot of what goes into being president is the province of one’s cabinet, Congress, the states and municipalities, and of course, foreign actors. Bush was saved from making a total idiot of himself by 11 September 2001. Of course, many of his subsequent decisions were immoral and criminal, but no one was given much leeway to criticize him after that day, and it got to be where every terrible decision he made was accepted as being the work of almighty God himself.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

I believe Clinton will win, but Republicans will maintain control of both houses of Congress. In other words, almost the worst possible outcome, but not quite.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

Climate change, the refugee problem, intractable wars (in places like Syria, South Sudan, Afghanistan, Israel/Palestine), terrorism (especially by disaffected Americans inspired by “the Islamic State” and Al Qaeda), the unwillingness of the superwealthy to accept less so that our economic inequality problem can improve, race relations, gun violence.

by Tom Rizzo, Sep. 21

 

Then came election day...

« We weren’t together before

the election, why on earth would we

come together after it ? » 

How do you feel about the results of this November 8 elections ?

Depressed. The Republican agenda is not one that represents my political beliefs. Any day misogyny, bigotry, xenophobia, dishonesty, and personal attack wins is a sad day. I am an environmentalist. Most Republicans don’t even believe in global warming ! I am a human rights advocate. Trump expressed his fondness for waterboarding. How would you feel ?

Are you confident the nation will be able to come together without major hardships after this polarized election, and under a Trump presidency ?

Come together ? Are you serious ? We weren’t together BEFORE the election, why on earth would we come together after it ? Kentucky Republican Senator Mitch McConnell (the Senate Majority Leader) set the tone, I feel, when he said in 2010 that « the single most important thing we want to achieve is for President Obama to be a one-term president ». And in August 2016, speaking of President Obama’s nomination of Merrick Garland to the Supreme Court (to fill the vacancy caused by Antonin Scalia’s death in February 2016), he said, « One of my proudest moments was when I looked Barack Obama in the eye and I said, ’Mr. President, you will not fill the Supreme Court vacancy.’ » That’s the sort of “come together” I would hope the Republicans would practice. I want the Democrats to not participate in the confirmation of Trump’s nominee to the Supreme Court. But that isn’t like them. They got opposed at every turn when Obama was the president, I expect them to roll over like they did for George W. Bush now that they’ve lost the White House again.

In the most honest way possible, can you say now, as an American, that in spite of your feelings about him, Donald Trump can and "will" be your President ?

The President of the United States represents the wealthy people in the world and the corporate paymasters who provide the money which makes the political system work. Trump will be no more “my president” than any of the others were. Presidents pretend to represent the little people in America. The proof that they actually do not is rather abundant, and perhaps is the reason why so many American voters expressed “anger” about the state of affairs here. Trump has comported himself like a spoiled, juvenile blowhard ever since I first heard of him. Maybe the presidency will prompt him to finally grow up a little bit, but I won’t be holding my breath.

Nov. 10

 

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Marianne_Dagher

« I’m a Conservative. But Trump

does not represent my party.

So, I have no party... »

(...) I am Marianne Dagher, I live in Plymouth, Massachusetts. I am 72 years old and live alone. My religion is Christian and my political leaning is Conservative.

I would rate Obama at a one. He has done nothing but harm to the country. We are at each other’s throats, and we just can’t be a country in this way.

The country is not better off than it was 8 years ago. We have lost respect for each other as a result of Obama’s divisiveness. We are poorer and our economy has not improved. We produce much less. The national debt is trillions of dollars which we can never repay and yet the government is on a spending tear. Welfare is at a peak before it will have to collapse. We cannot support over half the nation. Obama has fueled racist animosity which has spilled into the street. Looting and shooting police are the result. Moslems hold key positions in the government while Christianity is considered a plague. The US sovereignty is being eagerly given to a one-world government.

About global warming, no proof at all. About terrorist attacks, one a day nowadays. But we are to fear global warming and ignore Moslem terrorism if we are to be good little Americans.

I’m not very thrilled with the global stage either. But in many instances, Obama has been ridiculed and mocked. He apologizes for having to govern such a reprobate country everywhere he goes, and people say what ? What the heck ? Who is this guy ? Not good.

I was whole-heartedly behind Ted Cruz. Trump childishly concocted transparent lies about Cruz, which everyone should have recognized as a failure from a failure. Therefore Trump does not represent my party. So I have no party.

Hillary would be the worst president ever. She is not acquainted with truth in any way. She is startingly unwell and corrupt. She will sell this country to the highest bidder. I have no choice in this election.

Trump will win the election and we can rebuild. He is a liberal who will have to please Conservatives. He really only pleases himself.

Nicolas, the challenges this country faces are identity issues. Supreme Court justices. We have to regain sovereignty and defend it to the point of being xenophobic. Diversity is creating a disaster. Political correctness will destroy everything our founding fathers tried to establish. Thanks for letting me vent.

by Marianne Dagher, Sep. 21

Oct. 25 Update : I can now understand the need in our country for Trump in these times. As a Christian, I see hope in his strength. What was holding me back were his adherents on Facebook and people I’d meet who were harsh and strident and oppressive in their support for Trump. But I was able to think beyond that stumbling block and just concentrate on the pure issues. And it all fell into place. So now I will be proud to vote for and support Trump.

 

Then came election day...

« We are opposites, with Hillary,

but she has spoken words

that can unite us all if heeded »

I am very happy with the results Nicolas. But very surprised as well, because the polls had Clinton winning and the electoral college out of reach. But I hoped Trump would win. I voted for him but my state did not.

Right now the polarization is leading to riots, which is so foolish and harmful. Trump supporters would never behave this way. There’s nothing to do but accept Trump and try to make America great.

Hillary has been gracious in her congratulations and has spoken words that can unite us all if they will be heeded. Hillary ran a good campaign and many were deeply moved by her candidacy. She has had a long successful career and is very intelligent. As a person I don’t care for her at all. We are opposites and she wants to do everything I can never want done like abortion. Women’s rights and rights of illegals and those of different sexual predilections. The Constitution gives freedom to all. No need to make special conditions.

Nov. 10

 

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Paul Broussard

« Economically, we are in a

very fragile position »

Could you please introduce yourself ?

Certainly. My name is Paul Broussard, and I’m a first year graduate student pursuing a Masters of Public Administration. Politically I’m an independent ; I tend to lean more Libertarian when it comes to the economy, and then a mix of Libertarian, Republican, and Democratic views when it comes to social issues.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

Assigning a numerical rating to a question as complex as that is certainly not easy. Relative to how other presidents in the past few decades or so have performed, I’d say he’s been average, so I’ll go with a 5. There are some things he has done that I absolutely support : pursuing alternative energy and being... reasonably restrained with foreign policy. On the other hand, he’s been shown to be disconcertingly corrupt in some very important dealings : with the exertion of executive privilege over Operation Fast and Furious documents as the prime example.

I’m also more than a little concerned with the direction the economy is heading : while employment is admittedly rising, the sheer amount of debt we’ve accumulated and the level which we’ve had to lower interest rates to in order to achieve recovery means we have very little wiggle room should another recession occur soon.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ? Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

Technically yes to the former, although that’s largely because the economy was tanking eight years ago after the mortgage market collapsed. I would say the amount of respect it has has remained the same, though its authority has diminished somewhat with recent pushes by both Russia and China.

How do you feel about the current electoral season ?

I honestly feel bad for ever thinking that we couldn’t do worse than Romney and Obama (the 2012 election). If there’s a silver lining, it’s that perhaps the sheer dislike Americans have for these two candidates will finally inspire a decent showing for a third party candidate such as Gary Johnson, which could pave the way for greater third party representation in the years to come.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

Absolutely not and absolutely not. Assuming you believe everything she has said, Clinton somehow managed to forget what the symbol for "confidential documents" was while serving as secretary of State and hired the person who admitted to attempting to rig the Democratic primary. Additionally, she has been shown to have lied on numerous occasions, such in regards to the number of mobile devices she kept, the types of emails she kept and sent on a private server, and whether she turned over all emails that were stored on said private server. And that’s not even taking into account the allegations of what her foundation has done. At the very least, she is a grossly incompetent liar with an extremely selective memory.

Meanwhile, Donald Trump has quite literally proposed to pay off the entire American debt by printing $20 trillion. I shouldn’t even have to elaborate past that point as long as post-World War I Germany hasn’t been erased from the history books, but I will. He publicly insulted a rival candidate’s wife, he somehow believes he will be able to force the Mexican government to pay for a wall spanning the US-Mexico border, and he’s repeatedly lied about some of the most easily checked things in existence (such as his claim that the NFL once wrote a letter to him regarding the presidential debates). At least Hillary has the intelligence to only lie about things that can’t be disproven within a few days.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

If I had to bet, I’d wager on Clinton winning the presidency, the Democrats retaking the Senate, and the Republicans retaining control of the House. I would not put much money on that, however.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

The next economic recession, provided it occurs in that timeframe. America (and much of Europe) has pushed and kept its interest rates as low as they can go. Should another recession occur, there is nothing that monetary policy can do to alleviate the circumstances. Economically, we are in a very fragile position, and I fear that while the 2008 collapse was bad, the next one will be much, much worse.

If the next recession does not occur in the next 8 years, I would argue our national debt, despite the fact that that will almost assuredly be ignored. Even if you believe that we will never have to pay it off (which certainly seems to be the attitude our politicians are taking across the board), the interest rate on the debt will begin to significantly cut into GDP over the next four years. At the present rate, the annual interest payment on debt will reach nearly $1 trillion in ten years time, and if no significant changes are made to that over the next 4-8 years, economic growth will be substantially hindered.

by Paul Broussard, Sep. 28

 

Then came election day...

« It’s hard to imagine anyone

being able to mend the deep divides

of the past few years »

How do you feel about the results of this November 8 elections ?

In regards to Trump winning, I’m pretty neutral, all things considered. Perhaps that’s something of an odd response in the midst of all the enthusiasm and despair that seems to be all over the news now, but having accepted that our next president was going to be utterly unqualified months ago, the fact that we know which unqualified person it is doesn’t affect my feelings much. However, I am disappointed is that third parties missed a golden opportunity to finally get themselves over the 5% threshold and begin receiving federal funding; I had hoped this would be the year where at least the Libertarian party finally started to move into the spotlight.

Are you confident the nation will be able to come together without major hardships after this polarized election, and under a Trump presidency ?

No, I’m not. As is the case with the UK and Germany, there’s a very deep political divide, but what I find most interesting is that there’s a large moral divide too. A number of very sensitive issues, such as abortion and transexual rights factored into this race, and on that level both sides are utterly convinced that the other is simply morally wrong. Compromise is extremely rare around these issues because both sides believe they are fighting against "evil". Some of the biggest Supreme Court cases over the next few years will be dealing with challenges to state-imposed abortion restrictions, and whether transexual students have the right to use the bathroom of the gender they identify with, so these controversial issues certainly going away anytime soon. And these issues breed resentment, making compromise on other issues that much more difficult. For what it’s worth, though, that would be the same under quite possibly any president. It’s hard to imagine anyone being able to mend the deep divides of the past few years, so at the very least, that part won’t be Trump’s fault.

In the most honest and balanced way possible, how would you assess Hillary Clinton’s impact and legacy on American politics, and how do you feel about her as a person ?

She’ll certainly be a divisive figure, with depictions changing depending on which side of the aisle you ask. To Republicans, she’ll always be a corrupt liar who should have at least been forced to deal with some impactful consequences for her various mistakes as secretary of state. To most Democrats, she’ll be a symbol to rally around, a martyr of sorts that was viciously attacked by the alt-right movement. Long term, however, I suspect that what she’ll best be known for is the DNC scandal that involved Debbie Wascherman-Schultz rigging the primary to have her elected over Bernie Sanders. While Clinton probably didn’t need the "help" to win the primary, as she had a sizeable lead with pledged superdelegates already, the very fact that the primary was being influenced by the party itself was enough to turn a large number of Sanders supporters away from Clinton and possibly cost her the election.

In the most honest way possible, can you say now, as an American, that in spite of your feelings about him, Donald Trump can and "will" be your President ?

Regardless of my feelings about him, yes, he will be my president. The presidency is not something that depends on whether you approve of the candidate, despite what Twitter might have you believe.

Nov. 10

 

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Katie White 

Could you please introduce yourself ?

My name is Katie White, 36 years ; I’ve been married for 14 years to my husband Scott, firefighter. I’ve been a teacher in the public sector for the last 13 years and all of my schools are « Title One ». I have 3 children : Eric 14, Macy 10, and Cami 4. I’m an avid supporter for health and exercise and encourage those around me to do the same. Religiously, I’m a faithful Roman Catholic. Politically, I consider myself a Constitutional Conservative.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?
1.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ? Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

No, we are far worse. And we are absolutely not respected anymore.

How do you feel about the current electoral season ?

I’m nervous ! Hillary is so corrupt and blatantly lies without remorse that I’m concerned she’s already figured out a way to rig this election.

I’m hopeful for Trump because he’s completely anti-establishment and not politically correct. I think it’s what this country needs. However, I’d like to see him articulate himself better.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

Hillary : absolutely NOT. She’s corrupt, lies, lies about lying, risks our national security, makes statements about American finances that are Communist in nature, allowed our men in Benghazi to die, deleted 33,000 emails that were on a fraudulent private server, etc. Her history with George Soros is frightening and alarming and that policy and thinking has no place in America. And the fact that she wants to bring three times as many Syrian refugees here as Obama causes great concern.

Donald Trump lacks tact and political correctness, but that has never bothered me. I like that he calls things as he sees it and without apology. I agree with his sentiment that we need a wall on our Southern border. He’s a successful business man and knows how to create jobs and make money ; both of which we need right now. He’s pro-Constitution and believes in growing out military and supporting our police force. I believe he values hard work and effort and thoroughly supports capitalism and Americanism. All of these things this country needs now.

When I vote, I consider 3 things : national security, national debt, constitutional rights. I do not care about social ideas or promise because without the above three, those things no longer matter.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

Unless Hillary has already rigged the election (which honestly frightens me) I believe Trump will be our President. I believe Congress will continue its Republican hold for 2 more years, maybe longer depending on who becomes President and what strides this country makes.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

Paying down our national debt and bringing together the divide that Obama has bred.

by Katie White, Sep. 30

 

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Vytas Aukstuolis

« The United States is at a point

where we can start discussing

better policing »

Could you please introduce yourself ?

Hi, my name is Vytas and I am an American born and raised in Ohio. In 2012, I had my first real political experience when I campaigned for President Obama at Ohio State University in Columbus, Ohio. I’ve always had liberal views, but I’ve been a Democrat since 2012.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

I would give President Obama a 9 on the scale. He has pushed for policies that have spurred economic growth in the United States such as the Affordable Care Act, the economic stimulus package of 2008, and has pushed for the Tran-Pacific Partnership which would increase trade with Pacific countries. There have been times when the country needed a leader such as after the shooting of an A.M.E. Church in Charleston, South Carolina where President Obama led those in attendance with “Amazing Grace”. There have been times when the country needed people with strong policy backgrounds, such as when the office of Secretary of State John Kerry halted the ability for Iran to develop a nuclear weapon. As president he was not perfect, including his policy on using drones. Even if an individual hasn’t been attacked by a drone, one can be traumatized by the stress of wondering if a drone may suddenly demolish their home.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ?

For most Americans, the United States is better off than where it was 8 years ago. The crime has been reduced, more jobs have been created, the unemployment rate has been reduced, the prison population has started to decline, and even the Cleveland Cavaliers finally won an NBA championship - this can’t be credited towards any governmental policies, but I believe the championship has benefited the United States and in particular my home state of Ohio. There are still major issues that need to be solved, but the United States is at a point where we can start discussing better policing, how to reduce the incarcerated population, how to reduce the wage differences among genders, how to reduce sexual harassment and assault, and how to start decreasing costs of higher education.

Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

8 years ago, many people in NATO countries were upset that they were dragged into wars in Iraq and Afghanistan. I like to think that amends have been made between NATO countries and the United States, especially with the United States contributing to the defense of some NATO allies in Europe. Other Pacific countries have felt that the United States deserved enough respect to enter into the Trans-Pacific Partnership, which may have not occurred 8 years ago. I believe that the United States lost few allies in the last 8 years, and gained many stronger relationships with many world countries.

How do you feel about the current electoral season ?

I am a fan of Secretary Hillary Clinton. I believe in a strong understanding of policy, and believe that she can lead a group of people to push for sound policy, even if it does not have popular support. For example, there is a move by some businesses to defer their property gains tax by using “like-kind exchanges”. It’s a confusing process, but I believe it benefits large businesses who can take advantage of the exchanges and hurts small businesses and average taxpayers. Essentially nobody cares about these exchanges other than the businesses who take advantage of these exchanges. Secretary Clinton took a stand against the exchanges and vowed to end them without having any political support behind her stance. She is just doing the right thing.

On the other hand, I would be shocked to learn that any of the other 3 presidential candidates know anything about these exchanges, and I know they have not made any statements regarding them. Essentially, Donald Trump, Jill Stein, and Gary Johnson do not understand real policy very well, and would never be able to lead Americans through complicated policy questions.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

Secretary Clinton is absolutely fit to be president, having spent many of the last 24 years close to the position. If the goal of government is to push policies that will reduce suffering and increase wealth, then Secretary Clinton will do a great job pushing those policies. Donald Trump is a reality TV start that does not understand policy, and would badly hurt the citizens of the United States and its economy.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress)

I hope Secretary Clinton will win the White House, but I am worried for the House and Senate. Many House seats have been rigged to keep a larger number of Republicans in power than Democrats, and this will not change for at least a decade. The Senate is close and I would like for Democrats to take control of the Senate, but I do not believe this will happen. Democrats need to win the presidential election by a landslide to pick up more seats such as in Ohio with Senator Portman vs Governor Strickland. Senator Portman is the current Senator, and would only lose to Governor Strickland unfortunately if Hillary Clinton won Ohio by a large margin. I do not see this happening across many of the competitive Senatorial races.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

The United States has increased its safety over the last several decades, but needs to do so much more rapidly. In Atlanta, there are populations with similar estimated levels of PTSD as soldiers returning from war. This is due to exposure to violent circumstances without psychological treatment to process the violence for youth, and policies need to be enacted to create a safe and prosperous environment for all, not just wealthier Americans. I think we will also see a stronger focus to prevent cyberattacks and provide affordable health care and education to more Americans.

by Vytas Aukstuolis, Oct. 5

 

Then came election day...

« Will the anti-establishment

Trump White House work

with an establishment Congress ? »

How do you feel about the results of this November 8 elections ?

I’m not excited about a Trump presidency to say the least. I think the country is still trying to figure out exactly what policies a Trump administration will and will not push, but there are immediate worries for many Americans who may be hurt, regardless of what policies are pushed. For example, individuals that have been disrespectful to women and non-white individuals might now feel justified in their rhetoric and actions by having a president that supports their rhetoric and actions. I remember once hearing a story of a Muslim girl in a car with her mom in Ohio who were both wearing their hijabs. They were on a highway, and a truck was merging on their lane trying to push them off the road once the driver saw their hijabs. Victims of this kind of hate need to be protected, especially now that these individuals have a leader who can justify their hateful actions according to them.

Are you confident the nation will be able to come together without major hardships after this polarized election, and under a Trump presidency ?

A lot of people have broken their friendships over this election. This election cycle gave a platform to people to debate ideas, and this platform has led people to take personal attacks towards each other. I doubt many of these friendships will be brought together again.

Otherwise, most of politics is done across partisan lines. The overwhelming majority of legislation pushed at the state and federal levels is passed nearly unanimously, or at least with a strong majority of votes. I think that in Congress, we can count on one hand how many votes have been taken either strictly on partisan lines or have been really close in the last several years. Most legislation from Congress will continue to be bipartisan, I just hope that there isn’t a fight between an establishment-Congress and the anti-establishment Trump White House that prohibit anything from getting passed. Phrases like “drain the swamp” from Trump worry me that there could potentially be heavy political stalemates between Congress and the White House.

In the most honest way possible, can you say now, as an American, that in spite of your feelings about him, Donald Trump can and "will" be your President ?

We elected him, so President Trump will absolutely by my president. I will just have to do what I can to limit any damage that might arise out of a Trump presidency.

Nov. 10

 

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Michael Quillen

« We have never seen

the disapproval ratings of two

presidential candidates this low »

Could you please introduce yourself ?

My name is Michael Quillen. I am 23 years old and I currently reside in Arlington, Virginia – a suburb of the Washington D.C. area. Before my current job, I spent a number of months working for a digital media firm specializing in web optimization and e-marketing. By the time the Republican primaries rolled around, I found myself traveling to Des Moines, Iowa to work for Senator Rand Paul as his National Phone From Home Director. Although the outcome of the primaries was not particularly satisfying, I packed my belongings and headed to the nation’s capital for work.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

On a scale from 1-10, 10 being the most successful, I would classify President Obama’s tenure as a solid 6. Getting the Affordable Health Care passed through the Congress was no small task. And with that reason alone, I would give him the score I did.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ?

(...) As a Conservative - notice I did not use the term “Republican” to classify my political ideology - I think Obama’s economic policies have led to the turmoil we see around the country today. Higher taxes, more government expansion, with the same stagnant wages is a recipe for disaster and that is exactly what we are getting with President Obama. Don’t get me wrong, I think he is without a doubt, the most personable and down-to-earth President the United States has had since FDR.

I would also like to point out that the biggest issue for me in American politics right now is data collection and the government’s campaign for counterterrorism. Let’s begin with President Bush’s signature on the Patriot Act. When Americans were still grieving the losses of loved ones and fallen heroes, the President secretly passed the most vicious cyber warfare initiative in the nation’s history. Continuing with President Obama, who signed Presidential Policy Directive 21, which further clarifies the role of the American government as a state actor in creating, sharing, and ultimately collecting data on virtually every single person in the world. There have been numerous reports that the US had spied on heads of state and foreign diplomats. That doesn’t sound Constitutional to me. For this very reason, I give Obama an F-rating for transparency and overall government effectiveness in fighting terrorism.

Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

Stemming from that, I without a doubt believe that the world we live in today is worse off than 8 years ago. You can thank Secretary Clinton and President Obama’s failed foreign policy initiatives in Iraq, Syria and Iran. When will the United States realize that overthrowing foreign governments is not the way to make allies and ultimately not the way to create a stable country in the region. Would you like to know the reason as to why the United States has thrusted itself into virtually every single war in the world ? Because the government contractors stationed around the Capitol have such deep ties to the campaign pockets of the crooked politicians. Additionally, if the US would stick to domestic policy, that would mean CIA, FBI, NSA, and DoD officials would be out of jobs. We wouldn’t want that would we….

How do you feel about the current electoral season ? In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

This part is extremely hard to condense in just one to two paragraphs. In all likelihood, I could write a book on it. But overall, I am truly afraid of the current political situation the US is in. On one hand, we have a person who has lied REPEATEDLY to gain political capital. On the other, we have an egotistical maniac who is driven by bigotry and hatred. Just when you think the 1960s were over and discrimination had ended, we find ourselves choosing between candidates that have bashed minorities and used fear techniques to further their political career. This election is truly sickening. But you know, I don’t blame the people for this. I blame the institution, the government and the corrupt DNC and NRC for allowing this happen. Can we please go back to 2008 and see just how cruel the NRC treated Ron Paul and his supporters during the primaries. This is exactly why we can’t move forward and solve issues ACTUALLY pressing the country.

Come November, I think Hillary Clinton will ultimately win the presidential election. Here’s why : because who else will they vote for ? A walking, talking, more orange version of the KKK member or a rehearsed slime ball like herself. Chances are, people will choice the slime ball since it’s easier to swallow. Just look at the numbers, we have never seen the disapproval ratings of two presidential candidates this low in history. What does that tell you ? The American people are fed up with the way Washington is run. People are sick and tired of over-reaching government programs that harm the middle class turn millionaires into billionaires. People are sick of seeing the status quo. We need change.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

The most crucial challenges facing the US is getting people back to work, closing tax loopholes and helping those in need. As a country, we cannot survive too much longer if we do not begin to help each other. Social programs like feeding the homeless or providing textbooks to underprivileged kids have an impact not seen by most. Just think for a second, what life would be like if people took a step back and realized how fortunate they are to have the things they have. I am currently sitting in an office with air condition typing on a $500 computer. But if you go to countries like Africa, who have been the face of poverty, things like this just do not happen. As a nation, we need to come together and realize we are all in this together. No more wars, no more deaths, no more hatred.

It goes without saying that I am truly scared for what the next 4-8 years brings for the United States and the rest of the world.

by Michael Quillen, Oct. 5

 

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« As a woman, I do not want Clinton

to be our legacy as our

first female president »

Could you please introduce yourself ?

My name is Kate, I’m a 33-year-old female, of predominantly British heritage (third generation American). I was raised in Michigan. I’m a Christian, am married to my high school sweetheart. I’m a full-time, long-term employee of a growing, independent company, with no kids and two dogs. I’m politically engaged : libertarian, but not Libertarian.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

3. I feel that he has been a puppet for more powerful decision makers (I don’t hold that against him as a person, many politicians do the same). And, full disclosure, I wouldn’t rate any of our recent Presidents above a 5 or 6.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ? Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

Our country is, at best, the same as eight years ago ; at worst, far more economically/financially challenged, less respected internationally, more vulnerable to attacks from internal and external threats and more racially divided.

People are angry at the government and at each other. We are experiencing far too much violence in action and words ; threatened from outside and within. Our police are under attack as are our citizens ; by each other, by overzealous police/government, by radical Islamist terrorist, by lunatics who simply want to cause crisis. There is immense mistrust. While all of that is true, my daily experience is that of positivity, love and unity. I work with and live among a diverse group of people (race, gender, sexual orientation, religion, political views, wealth, etc) and, for the most part, all enjoy a peaceful community with one another. We all know there are these problems yet few of us are directly affected by the worst of it. Everyone has their opinions but that’s part of what makes us American. I feel quite proud of my fellow citizens with whom I regularly interact as the vast majority are amazing individuals.

Internationally, I feel we’ve become a joke and demonstrate our arrogance regularly. We’ve allowed countries like Iran to taunt our military, extort ransom, control our relationship and use our actions as propaganda. Our President felt it appropriate to tell the citizens of other countries how they should vote on important topics (Brexit). We’ve lost the respect and friendship of many countries.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

Independent of one another, no. I would prefer better options and neither Gary Johnson (Libertarian) nor Jill Stein (Green Party) are more fit. But we need to elect someone so I intend to vote for Trump, primarily for a change. Clinton is a political institution and things must change. I am also more concerned with her actions than his words. As a woman, I do not want her to be our legacy as our first female president.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

For President : Trump. I suspect far more people support him than are willing to admit in public, or in a poll.

About Congress : very little change in balance. There will be some new faces but essentially the same Democrat versus Republican balance.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

Economy and security.

We need to raise our GDP, create an environment that will encourage businesses to grow and create new jobs (government does not "create" jobs but their policies have a dramatic effect on the private sector). We also need to re-embrace the trades - the thinking that a college degree is the only path to "success" is a fallacy and partly responsible for our astronomically high costs (and debts) associated with higher education. We built this country on manufacturing and we need to bring much of it back to the states (again, would require lots of policy and tax reforms) while continuing to strive in the technical realm.

We need to honestly confront and name the world’s current greatest treat : radical Islamic terrorism (this is in no way a condemnation of the entire faith of Islam, a peaceful religion - just those sick individuals that choose to pervert it and use it as a tool in their terror). We need to know who is in our country and where they are. This includes Americans with sympathies for the terrorism cause. We need to work with our allies internationally to end this threat and work to defend each other. It will be difficult to find the right balance of protecting ourselves while not infringing upon the cherished freedoms Americans have been promised and demand.

by Kate Verbrugge, Oct. 9

 

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Patrick Sheehan

« I don’t like Hillary that much...

but Donald Trump litteraly makes me

feel nauseous »

Could you please introduce yourself ?

I work with Kate at Bell’s Brewery in Comstock, Michigan. I am the Packaging Materials Specialist so I am in charge of the procurement of the packaging for the brewery as well as dealing with any quality issues. 

I have lived most of my life in Michigan except for brief stints in Ohio and Chicago. I have a Bachelor’s degree from Michigan State University in Packaging as well as an MBA degree from a smaller university.

I consider myself agnostic. I grew up Catholic (in a pretty liberal family) but left the church in 2004 after the pedophilia scandals. Currently I attend a Universal Universalist Church when I can find the time.

I consider myself quite liberal and have always voted Democratic in the past. I have moved to a more libertarian viewpoint the past few years and am considering to vote for the Gary Johnson/Bill Weld ticket even though I think Weld should be the presidential nominee.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

I would give President Obama an 8 out of 10 for his term as President. While the economy is in no ways soaring right now, I think he has done a very good job bringing us out of what could have been a total collapse. I am also very happy how he projects the US to the rest of the world as well as his cool, calm demeanor.

The two things i would ding him on are use of drones as well as Obamacare. I think we need to gather more intelligence to make sure innocent civilians won’t be collateral damage before a drone strike. With Obamacare, I agree that something had to be done with our broken healthcare system but feel like the Affordable Care Act is a bastardized compromise that was originally implemented by Republicans. I also consider myself a mid-way intelligent person and I don’t understand all the nuances behind.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ? Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

I definitely think we are much better off than eight years ago. I was just graduating with my Master of Business Administration and had very few job prospects. My parent’s had lost a lot of money in their 401k as well as home value.

I believe that America is more respected on the world stage now compared to eight years ago. I felt like George W. Bush was a laughing stock and hurt us globally. 

My ex-girlfriend was from Tehran, Iran and confirmed that sediment. They saw GWB as a joke, the American version of their President Mahmoud Ahmadinejad. She said once Obama was elected, her country had hope again for relations with the US.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

I am very disappointed in this year’s election. While I don’t like Hillary all that much (I think she feels it’s her right and not privilege to be President), I am sickened by even seeing Donald Trump’s face. The idea that a racist, sexist bully can become the leader for this nation literally makes me feel nauseous at times.

While I don’t necessarily agree with the way that Hillary Clinton became the Democratic nominee, I do think she has the policy experience and temperament to be President.

Donald Trump is no way, shape or form, qualified to even hold local office ; much less to be President of the United States.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

I think that Clinton will win by around 6-8 percentage points in the popular vote and 180-200 electoral votes. I believe Democrats would narrowly win the Senate (I even see the possibility of 50/50 split with Vice President Tim Kaine casting tie-breaking votes). I also think Democrats will gain seats in the House of Representatives but control will stay with the Republicans.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

I think the most critical challenges for the next four-eight years will be to continue to keep the economy growing, refine the health care laws, and figure out a multi-nation solution to the crisis in Syria.

I also believe that diminishing the power of ISIS while making Americans feel safer, improving relations with Russia and Iran, and making sure that Kim Jong Un doesn’t fire nuclear weapons at either us or another country is critical.

by Patrick Sheehan, Oct. 9

 

Then came election day...

« As an American Trump will be

my President... but I won’t respect him »

How do you feel about the results of this November 8 elections ?

I feel disgusted by results of the election. I feel like America will be the laughing stock of the world. Already hate crimes are up here because people think that by electing a xenophobic racist, it is alright for them to act out in a similar fashion.

Are you confident the nation will be able to come together without major hardships after this polarized election, and under a Trump presidency ?

I don’t think America can come together after electing Trump. He has driven a wedge between us based on race, religion, sex, and education. I decided to not just complain about but actually do something about it. I am going to get involved with the local chapter of the Libertarian party as well as help out a Syrian family my church is sponsoring.

In the most honest way possible, can you say now, as an American, that in spite of your feelings about him, Donald Trump can and "will" be your President ?

Yes, as an American, he will be my President (until he is impeached or quits) but I will not respect him. He has already shown his true colors and they are not red, white, and blue.

Nov. 17

 

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Could you please introduce yourself ?

My name is Alex Tijerina, I’m 60. I was an only child and went to a private school and a State University. A practicing Catholic, I am married, with two children. A salesman, I live in San Antonio, Texas.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

Two.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ?

No.

A. U.S. Debt has increased from 10 Trillion to 20 Trillion

B. More people on Government assistance than in any time in history.

C. More racial strife than previously.

D. Cost of living has gotten higher.

E. More people off the grid who have stopped looking for jobs and are not counted anymore.

F. More government mandates on business has increased their costs and makes them less competitive.

Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

No.

A. Israel does not trust Obama.

B. Debacle in Libya (Civil War) and outcome of Benghazi.

C. Supports Assad in Syria, and then rebels.

D. Indecision about pulling troops in Iraq and then reversing course.

How do you feel about the current electoral season ?

Not good. Don’t find either candidate appealing.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

No. I don’t think that either candidate is qualified to be president. Trump has no experience in the political arena and Hillary has too much garbage from previous political positions and those of her husband. We as a country are more divided as ever.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

I would hope Trump would win but see Hillary taking the presidency. The Senate and Congress will stay in GOP hands.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

A. Unifying the big political divide that this country is now facing and the resentment because of it.

B. Stopping the flows of illegal aliens on our Southern borders.

C. Bringing racial harmony where little exists today.

D. Bringing down the deficit.

E. Increasing the family structure, "one man and one woman".

by Alex Tijerina, Oct. 9

 

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« Obama has bombed more countries

than Bush... and Clinton’s a hawk »

Could you please introduce yourself ?

(...) I do not wish to have my name out there because of my employer.

I am a graduate student studying International Relations : Security and Peace with a minor in Russian studies. My focus is on understanding Central and Eastern Europe (primarily the Slavic states such as Slovakia, Czechia, and Russia).

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

I would give President Obama a 5. He is an average US politician. There is hardly anything special about him if you ignore identity politics. Now some would say how great he is about his healthcare bill. However, if you look at the logitc of the law it forces people to buy private health insurance. If one doesn’t they are taxed/fined. That is very pro-choice, isn’t it. You could also read Paul Krugman’s piece on the law. Plus, Robert Murphy has done a great job predicting what has happened.

What is quite interesting about Obama, is that he took some of President’s Bush’s laws such as National Defense Authorization Act (NDAA), Authorization for Use of Military Force (AUMF), The War Powers Resolution and expanded them. For example, the NDAA has the indefinite dentition clause which allows the government to arrest someone based on a suspicion and hold that person indefinitely. According the White House Press Secretary, their version of the AUMF was recreated to be imprecise. The allows the President to have no geographic limits on the use of military. The War Powers Resolution gave the President a limit on how long the military can wage war without congressional approval. President Obama used this resolution to justify his intervention is Libya. The problem is the President’s intervention was seven months not sixty days. His rationale was that his war, “which decimated Libyan forces, which killed hundreds and hundreds of people, which removed a leader from power, didn’t count as ‘hostilities,’ and therefore the statute just wasn’t implicated.” (source)

In fact, if you look at the number of nation-states the USA bombed, between the previous two leaders, you will find that President Obama has bombed more that Bush. That fact boggles my mind. In the article I quoted they say that President Obama has taken the brakes off of the War Machine. This was supposed to be the anti-war candidate not a hawk.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ? Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

That depends on who you talk to. If you look at the stock market and unemployment numbers things would seem fine. Yet we still have 45 million people on food stamps. The Median Real House Household income is 5% lower than it was in 2007. Plus, the US only has 71.3 million full-time breadwinner jobs (above $50,000 per year) which is 1.4 million fewer since 2000.

What is also concerning for Americans is the increasing polarization of politics. I am sure you are aware of the alternative right (alt-right). It has been a new movement that has surprised establishment people around the world. These people are from across the political spectrum.

Plus, we have the police shootings that has dominated the news cycle. If you look at the crimes these people have committed such as selling cigarettes or CDs, it makes it very frustrating. These laws are stupid and should be repealed but all we hear is police reform and nothing about the law.

I would say we are slightly worse off. 

How do you feel about the current electoral season ?

The current election cycle is hilarious because someone as bad as Trump still has a chance. Hillary Clinton is such a bad candidate. She has surrounded herself with people who believe the US has some moral mission to help the morally improvised (a professor at top university actually said that). She is actually more hawkish than Trump. She wants to paint Putin as some boogeyman and have a Syria “reset” with removing Assad as a number one priority. She is not even concerned about Arar al Sham and al Nusra. They are just rebel groups we armed to her. In her leaked email she said her policy would “kill a lot of Syrians”. Plus there is this which raises question who knew where our weapons were going. Granted who knows what she is going to do domestically given that she has a private and public position. I like her email about open trade and borders but who knows what she will do.

Trump and Bernie Sanders both represent an anti-establishment wing. Both are against open borders (source and another) because they view immigration as negative. Their positions are the immigrants take jobs away from citizens and immigrants drive wages lower. Both are for protectionists who want to keep jobs in the USA. The only difference between these two people is that Sanders is nicer and Trump is bombastic.

I mentioned the alt-right above but if you look at the demographics of supporters for Sanders and Trump you notice that there is a trend. Most of these people are white. Trump gained the votes of union workers and people of lower skill labor. Sanders gained the vote of younger people. When you look at this alt-right movement around the world you notice that most of the people are white. As someone who is mixed I don’t want to say that white people are racists but I want to say that some whites have become disenfranchised with the system. That either could be the change in demographics in the USA, but that is just speculation.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

No.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

I think Clinton will win. Trump will bring the GOP down with him, which I think will be a good thing. There has been a growing number of classic liberals that are becoming influential. These people might take the opportunity to rebuild the GOP from the ashes.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

The regressive left will be a major challenge. If you have watch Majid Nawaz and Dave Rubin’s definition of these people. They are authoritarians that want to impose their values on other people. They are like social conservatives but on the left. They don’t represent progress. They represent regression. In a California college a university is now segregating blacks and whites again. Martin Luther King Jr. would be ashamed of seeing people segregating so each race can have a safe space.

The economy is another major challenge. As I mentioned before income is still below 2007 levels and breadwinner jobs are fewer. There is also some fear of another recession.

Foreign policy is another challenge. Granted the policy for a while has been horrible. As you can tell I am concerned about Clinton becoming president because I think she might want to start a fight with Russia over Syria or something. Clinton is going to be interventionist which I think is dangerous. The term “blowback” exists for a reason but she probably doesn’t care. With Trump who knows what we will get.

by "Daniel Arevalo", Oct. 9

 

Then came election day...

« People have to listen to those

who are struggling in the Rust Belt »

How do you feel about the results of this November 8 elections ?

Not surprising. As I said earlier with the pre-election questions there was a movement going. It turns out that my view of this movement was underestimated. I still assumed many people would still vote Clinton. I was wrong. Trump appealed to the union workers and lower income workers in the Rust Belt. Those people are usually assumed to be Democrat voters. Considering that Trump is a New York liberal combined with Alt-Right views, this was a perfect combination. Those people have lost manufacturing jobs either to immigration or globalization. They came out in anger.

What was surprising is how stupid people are not to realize it. The same applies to Europe as well, Alt-Right first appeared in Europe (in Russia as National Bolshevism). This movement has been sweeping across the West in the recent years (first becoming noticeable in Russia and then it went westward). Some people just focus on the identity politics (racism, sexism, etc) but as political science research has shown that it is something else that sparks conflict. It is superficial to blame identity politics, especially when they are just social constructs.

Are you confident the nation will be able to come together without major hardships after this polarized election, and under a Trump presidency ?

That depends if people will be willing to listen to those in the Rust Belt. People need to be willing to listen to the manual labor worker. Those people are struggling. It really depends but I think some people are so stupid they can’t see reality in their face. They will be blinded by their ignorance, their ideology, and their ego. They live in a world with confirmation bias, completely out of touch with reality.

I suggest you watch Dave Rubin’s interview of Scott Adams. It shows how genius The Donald, now president-elect Trump, is with the tactics that he used. Even Hillary changed her strategy and adopted similar tactics.

In the most honest and balanced way possible, how would you assess Hillary Clinton’s impact and legacy on American politics, and how do you feel about her as a person ?

Her brand is dead. She represents that past (doesn’t mean Chelsea’s isn’t however). As my professor said “the world Clinton lives in ceased to exist decades ago, and the stubborn refusal to accept this fact could lead American foreign policy into a dangerous dead end”. Does that mean Trump is any better ? Of course not. With all that we know she is a politician that knew who to work the machine.

She was destined to win the White House and she lost to an orange umpa lumpa. She lost to Donald Trump even with all the controversies surrounding him. But it also shows how out of touch the mainstream politics is with the people. The Left lost their base of the blue collar worker for now. The Right who were purist like Ben Sharpio were baffled to Trump win.

Hillary Clinton will be fine. She has lots of money to live off of for just being a public servant and running a charity. Some people think that she is the most damaged politician since Richard Nixon. This election exposed her. As a person sitting on the sidelines it was wonderful to watch.

In the most honest way possible, can you say now, as an American, that in spite of your feelings about him, Donald Trump can and "will" be your President ?

We aren’t a banana republic. Even if I disagree with President-elect Trump, I must respect that the majority of states and people voted for him. You know, as much as I dislike Trump, I find it so rich to see people do the very thing Trumpkins were doing before the election (Not my president).

Nov. 11

 

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Paul Samaha

My name is Paul. I am 22. I am a senior (fourth and final year in school) at the University of Southern California. I study public relations with focuses on entertainment and politics.

I would rate President Obama’s tenure as president an 8.

From an economic standpoint, America is much, much better off than it was 8 years ago. We have bounced back to a standard economy after having be worst recession in decades in 2007. From a security standpoint, I think we are better off than we were 8 years ago, but we could improve. From a human rights standpoint, I also think we are better off now. I think we are much more respected on the global stage under President Obama than we were under George W. Bush.

(...) It is a very wild electoral season. I think some of the worst in Americans have come out because of it. I know there will be many informative dissertations and books written after the election that will dissect what the election says about our society.

Hillary Clinton : Extremely fit and qualified, if not the most qualified candidate in U.S. history.
Donald Trump : Not fit in any way possible.

I believe that Hillary Clinton will win. I think the Democrats will win a good amount of congressional seats. My congressional prediction would be that the Democrats win back control of the Senate, while the Republicans will still have control of the House but by a much smaller margin.

The biggest challenges facing America in the next four or eight years ?

• First and foremost, finally appoint a Supreme Court justice on the first day of the new term.

• Make sure that the continued amount of economic equality in the country stops and allows for more social mobility.

• Unite our country, especially after an incredibly decisive election. Race relations must be restored. This includes reforming the criminal justice system and community policing.

• Instill common sense gun reform like universal background checks.

• Surging intelligence operations to prevent terrorist attacks on any scale against us and our allies.

• Continue diplomacy around the globe.

• Do everything we can to restore peace in Syria.

by Paul Samaha, Oct. 11

 

Then came election day...

« We shouldn’t normalize Trump :

he is not normal »

Hi Nicolas,

As you can imagine I am very disappointed and distraught over the November 8 elections. The unthinkable happened, and it is getting scarier by the day. I am first and foremost heartbroken on Hillary’s second run at the presidency being shattered. She would have been an incredible leader for our nation in a very urgent time, and we needed her more than ever. Donald Trump not only is a temperamentally unfit president-elect, but the staff he is hiring is showing to be even more terrifying. Just yesterday he hired an anti-Semitic, white supremacist – Stephen Bannon – as his top adviser.

I do not have much confidence in our nation coming together. I am from Virginia, a moderate state that voted for Hillary by a small margin, and those who live in urban areas are upset. But I currently live in California, a very democratic state that voted for Hillary by more than 60%. The citizens here are furious. There has been protests with thousands of people every day and night. Rural white America is celebrating, but the rest of us are terrified and angry. We do not feel that we will be represented under a Trump administration. That especially includes minorities that Trump and his team have continuously attacked – women, muslims, Jews, black folks, the LGBTQ community, Mexicans and more.

I realize that Donald Trump is our president-elect through the electoral college process we have in the U.S. However, this process is not democratic. If our elections were truly democratic, Hillary would have won. She won the popular vote. It is estimated that she will win the popular vote by more than 2 million votes. This is incredibly noteworthy when we say that Donald Trump does not represent us – the majority of our country did not vote for him. I have little faith in how Trump and his team will lead America, let alone unify. I cannot imagine him responding to terror attacks, to police brutality, or to mass shootings. I am even more frustrated with Americans and the media for continuing to "normalize" him. This isn’t normal. This presidency, this administration, this platform isn’t normal. Nothing can take that away until he is out of office. The further this presidential transition goes, the more and more I see striking similarities between the U.S. under Trump, and Germany under Hitler. We must not forget history, for it will repeat itself.

Nov. 16

 

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Frank McEnulty

« We have over 300 million people

in this country... and this is

the best we can do ? »

Could you please introduce yourself ?

My name is Frank McEnulty and during the 2008 Presidential election cycle I ran as an independent candidate for president of the United States. I was the New American Independent Party presidential candidate and the vice presidential candidate for the Reform Party. Currently I am a full-time Finance and Management Professor at CSULB and CSULA as well as a Financial and Management Consultant.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

I would rate President Obama fairly low on the scale of Presidents. He came into office making more promises than most and failed to deliver on very few of them. Many blame that on the Republicans, but if he was a true statesman and politician he would have figured out a way to work with the opposition and get things done just as past Presidents have done.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ?

No, I do not think we are better off than we were 8 years ago. Yes, the economy may be in better shape, but as a nation we are far more divided than we were 8 years ago and while that is not all the President’s fault, as our leader, he has done very little to make Americans feel better about the direction the country is perceived to be going.

Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

Most Americans have no clue how the world views us and don’t really care, which is a shame as we are all part of the same world and what happens in one part of the world is far more likely to affect where one lives than it ever used to in the past. I believe we are less respected on the world stage than we used to be for two reasons. One, we are seen as having a fairly weak and ineffectual leader and you are judged by the one in charge. Second, the clowns we have as our two main candidates must have most of the world wondering just what the heck is wrong with the U.S. these days.

How do you feel about the current electoral season ?

See above and, quite honestly, it is a disgrace. Our news media no longer wishes to report the news, but help make it. Both of our main candidates (and quite honestly most of the candidates this year) are a complete and utter joke. We have over 300,000,000 people in this country and this is the best we can do. Obviously something is very, very wrong with the system and the electorate.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

Although I would prefer Trump to be President because of the current and upcoming vacancies in the Supreme Court, he also makes one worry that he truly is crazier than a loon. Hillary on the other hand is a criminal and should be prosecuted, but she is the anointed one of the Democratic Party and the news media so no one will touch her. So no, neither on is fit.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

Hillary will become President and little will change in Congress. The Congressional districts are so well Gerrymandered that it is extremely hard for any real change to occur and people really aren’t mad, upset or uncomfortable enough right now to demand real change.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

Having a President who truly represents all Americans and works for what is best for all Americans and not just what is best for their party to get more votes.

by Frank McEnulty, Oct. 15

 

Then came election day...

« The office of President

changes people immediately.

Let’s give him a chance ! »

How do you feel about the results of this November 8 elections ?

My first thought was one of surprise. Never thought Donald Trump would win given that most of the media in the country were doing everything possible to get Hillary Clinton elected. What is sad now, however, is that people are acting like babies throwing a tantrum. They didn’t get their way so they are going to scream and shout.

Are you confident the nation will be able to come together without major hardships after this polarized election, and under a Trump presidency ?

Sure, it always does. This is America, people still want to be here and the people of the country are what makes America what it is, not the politicians. There are hateful people on both sides of the aisle, but the vast majority of people just want to get on with their lives and want a government that they feel works for them. Beyond that, who’s in charge is far from the most important thing in their life.

In the most honest and balanced way possible, how would you assess Hillary Clinton’s impact and legacy on American politics, and how do you feel about her as a person ?

Her impact will take time to judge. Granted she lost the most easily won election for President in recent history so they are really going to have to look at trying to get more in touch with the country before the next election. Hillary Clinton is, in my opinion, one of the most damaged candidates ever foisted on the American people by a major party. I say foisted, because the fix was in from the very beginning that she was going to be the candidate. There was no way the Democratic powers that be were going to let anyone run except her. She is also extremely unlikable and went out of her way to talk bad about large parts of the electorate making sure that they would be galvanized into voting against her.

In the most honest way possible, can you say now, as an American, that in spite of your feelings about him, Donald Trump can and "will" be your President ?

The office of President changes people immediately. I think everyone just needs to give him a chance, just like everyone was asked to do when Obama was first elected.

Nov. 10

 

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« A big bully, and someone who could

make things right again »

(...) I was very strongly against Obama. Not because he was a black-skinned man, but because of his character and beliefs. I knew he’d be bad for our country and was right. Never will I understand how he got re-elected to another four-year term. I also knew Obamacare would ruin lives for Americans and was too expensive and would never work... and I was right about that as well.

America is now 20 trillion in dept thanks to Obama. One of my close friends, who worked in a computer job for 15 years, lost his job. My husband's job has never been more stressful. Businesses everywhere are going out and people are losing jobs. The low oil prices are also hurting everyone in the oil industry, inducing more jobs losses. (...) Where my husband works, they just laid off several more people... Also, we were talking with a cell phone company, and its office is closing the first of November... she was helping us while knowing she had lost her job.

(...) I feel threatened by the Clinton and Democratic machine. My husband would lose his job if I told you everything. As for Obamacare, our Blue Cross Blue Shield insurance skyrocketed, and you wouldn’t believe how much more it costs each month to the company my husband works for as an accountant. They had to switch insurance companies and we got a very, very crappy one. They were still more in cost, but not as bad as Blue Cross. Thus, they wouldn’t cover anything ! If you needed something done, they would find every reason not to cover it. They said it was why they were affordable. Our out of pocket tripled !

Our daughter was in pain after having had her ACL knee surgery a year earlier, but the crappy insurance company refused to cover an MRI, even though it was recommended. Instead, she was told to go on crutches and pain killers. Eventually, our kind physical therapist did an ultrasound (for free) and could see that nothing seriously was wrong like a pin out of place, etc. from the surgery. She was given a shot many months later and of course, the insurance company wouldn’t cover it. Our local hospital increased the room charge from 50 to 500 dollars because she was administered a shot by a pa from another clinic and it took 15 minutes. The hospital said they have to charge more because they have to find ways to cover their money losses. Anyway, the good news is, that the company switched insurance companies yet again because of how bad the last one was.

Many people don’t have insurance through Obamacare because they "don’t qualify" but are in the most need of coverage. My friend, who is a single mother, makes too much money substitute teaching to qualify. She is too young, and yet is a cancer surviver who needs cat scans once or twice a year. If she didn’t work, then she might qualify for Obamacare. The cost for her alone (her son is taken care of by the state) is 400 per month. Her out of pocket is 8,000. Thus, why would she ever use her insurance ? So, she isn’t getting the cat scans and she is having to pay the penalty for not having insurance...

A girl we know lost her mother to cancer while in high school. Her father was an alcoholic and not part of her life ; he did pass away this winter. Anyway, she has to pay for her health insurance. Obamacare demands that the parents’ insurance covers kids up to the age of 26, but fails those kids who don’t have parents ! It’s insane... it’s falling apart, and the prices are continuously rising... this is the real consequence to idealism... this is the result of having Obama in office.

(...) On a scale of 1 to 10, I’d say Obama gets a 1, and is easily one of the worst presidents.

(...) All the crap that comes from Clinton, I can’t even tell you how scared and threatened for our livelihood in America... as a Catholic, as a conservative, as a female, as an American, as a mother worried about her kids and their future... too much to type... too much to say in a few words.

(...) I also do believe the media is corrupt, obviously. I can’t stand watching the lies and the cover ups and smears and hate coming from the leftists, elitists and media.

(...) I find comfort in knowing many democrats locally are voting for Trump. They can’t stand Clinton. I just know the heartland will vote for Trump. I believe the election is already rigged (voters who are dead voting Democrat, or voting several times, etc.), and that only those uninformed, those who want the free stuff promised, or the elitist and politicians and CEOs who want to stay in control of the country for continued power, and money, and to get God out of the way so they can feel even more powerful, will vote for Clinton.

(...) Donald Trump is the most fit to be president. (...) I don’t know the outcome for the election because there are so many factors and the devil is very powerful... evil truly exists.

Have you seen the movie 13 Hours about Benghazi ? Worth watching, this movie, so you realize that Clinton was at fault for what happened there... and the 4 lives lost. And Clinton’s emails were lost, and the coverup... and the corruption by Obama to help, and Clinton lying about the attack being because of a video... lying directly to the mothers who loss their sons, and Obama lied to the nation saying the attack was because of a video... all of it is one reason why one of my friends is voting for Trump. She also is a Christian and feels her faith is under attack. However, she works at a school and the teachers’ unions are of course against anyone who doesn’t conform to the Democratic party, so she could lose her job if she is outspoken as well.

(...) I always wondered how someone like Hitler came to power... wondered how come the people didn’t speak up for what is right and human respect. Unfortunately, I understand it better now. First, "they" discriminate against you through the media and your jobs/livelihood are threatened. Second, they take away God from your life. Remove God and prayers from schools, tell you that all religions are fanatical and no one is real ; then, they also take away your voice and your guns, so you can’t defend yourself. They elect governmental officials who dictate like a king and not a president and they of course go against the constitution of the people so that they can write their own laws as they are "better" than the people.

(...) We do not have respect globally, just look at the way the other countries, and especially terrorists, are behaving. Look at the true mass scales of human suffering, killings, truly horrific and inhumane... yet our Obama says things are just fine and even better... Clinton says the same... she is so fake, so phony, so weak, and is paid for every dishonest trade deal and does not care about human life. Anyone who can kill a baby as the head is coming out and call it a justified abortion has no conscience. She does not attend church. She is selfish and dishonest. She is evil and the people working for her are as well.

(...) Also... I don’t believe in man-made global warming ! The current electoral season is corrupt by the media, elitists, celebrities, and lazy fools.

(...) I have gay/lesbien friends... I respect Muslims (worked with one last year as she did an internship at the school) and I find most people very good... yet, I’m so scared Nic... I would never have thought people could be led astray as much as they have all around the world... but this is what it’s come to. A big bully, and someone who could make things right again...

by "J.", Oct. 16

 

Then came election day...

« Let’s stop with the lies about Trump now »

How do you feel about the results of this November 8 elections ?

I am very glad and relieved that Trump won the election for the president of the U.S. The Republicans also now control both houses as well.

Are you confident the nation will be able to come together without major hardships after this polarized election, and under a Trump presidency ?

The only way our country will come together is if the "press" or news media change their coverage of Donald Trump. The lies about his bad behavior need to come out. For example, he is not a racist. He has had friends that are black for many, many years. It was only when he ran for president did he get labeled a racist. Ben Carson, Herman Cain, David Clarke and many others have been his biggest supporters. Lie number 2, he was not mocking a disabled journalist. The few seconds they show Trump waving his arms was when he was talking about being flustered. The journalist who claimed to have been mocked is actually unable to raise his arms so there’s no way that Trump was mocking him, yet the media keeps saying he makes fun of disabled people. Lie number 3, he does not have bad temperament. He is simply not a politician and is not fake. He speaks like most of us do when we are passionate about making things better and he calls people out for being crooked or wrong. Thus, the truth is hard to face about the press, so they have made up so many smears and lies and unfortunately, people believe them.

A reporter would ask the question about Hillary Clinton and somehow, the lists of lies about Trump being a bigot, sexual predator, etc. came out in a list. It would have nothing to do with the answer about Clinton, in fact, there never was an answer many times. All the left would and could do was smear Trump and make up stuff. Another example is that 12 women made up stories about Trump sexually assaulting him, but none of them have been proven true. In fact, many of their stories have been disproved, but the press and the leftists continued to bring the women up. One woman claimed Trump bothered her on a plane that didn’t even take flight that day. There were many, many women who celebrated and supported Trump but were never mentioned. Did you know that Trump helped save the life of a former beauty contestant ? I watched her video about how amazing Trump was to her, but never did I see the coverage by the press, except one brief time on Fox News. Even Fox News would have guests (to keep it balanced) that would list off the litany of lies every chance they could get.

Thus, Trump is not a sexist, not a rapist, not a bigot or hater of women, not a deplorable person. Yet, we have college professors spewing the lies as well as the press so these people rioting in the streets have no idea on the truth. They are told to never watch Fox News and to believe the left and celebrities and movie stars and elitists and etc. Black Lives Matter is an example of true hate and racism. Most of the members of the riots will do anything for a chance to be in a riot and to yell and scream and claim to be victimized and are selfish and don’t even have a clue what they are doing. They have drank the Koolaide and probably paid to protest... their peers judge them if they don’t feel the same... their professors will be against them if they don’t conform and so the hate goes on and on... so very sad.

Thus, until these people get the truth and are no longer misinformed, then they will be causing problems and instead of being part of the solution.

In the most honest and balanced way possible, how would you assess Hillary Clinton’s impact and legacy on American politics, and how do you feel about her as a person ?

I’ve already described my feeling about Hillary Clinton. She is evil in my eyes. I hope she is brought to justice for the wrongs she has done, but ultimately, she will have to face God someday. I hope Bill Clinton and Hillary Clinton don’t ruin any one else’s lives and the Clinton Foundation be closed with the remaining money actually used for true charity only.

(...) Hope you can watch 13 Hours and then write me back on your thoughts about what happened at Benghazi while Clinton was the Secretary of State and Obama was the president. Then, realize that they lied about a video that caused it, Obama campaigned in Las Vegas, Clinton was sleeping and then more concerned about the rescuers upsetting the people in Benghazi by wearing American uniforms and also told them to stand down while the four Americans (including our Embassador) were brutally killed. Watch the soldiers heroic rescue mission they did by themselves in the movie and then know how they were discredited and silenced until Obama was reelected. Even now, very few know the truth about Benghazi which ultimately is why Clinton’s emails went missing.

Nov. 10

 

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Sarah Collins

« This electoral season has been

frightening... and I fear the next ones

could get even worse »

Could you please introduce yourself ?

My name is Sarah Collins. I am 21 years old and live in Los Angeles, California. I am a fourth year student at the University of Southern California studying broadcast journalism and political science. I attended the Democratic and Republican National Conventions this summer for a journalism course.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

8.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ? Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

America is significantly better off now than it was eight years ago. Obama took office right before economic collapse, which was in large part due to the Bush administration and a lack of governmental oversight of the American banking and real estate industries. Given the circumstances, he did a considerable job of helping to improve the economy, even when he made decisions that were not always the most popular. He revitalized the auto industry and cracked down on Wall Street with the Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act.

Concerning Obamacare, yes it has some major glitches, but its effort is commendable. The next administration should continue to improve it so that all Americans can benefit from single-payer healthcare.

The Obama administration has also done much to combat discrimination. It struck down the Defense of Marriage Act and "Don’t Ask; Don’t Tell", signed the Fair Pay Act, and passed the Fair Sentencing Act. However, I think it could have done considerably more to address police brutality.

It has also made great efforts to make our nation more sustainable and environmentally friendly. Obama signed the Omnibus Public Land Management Act, created a National Ocean Policy, amended the Clean Water Act, rejected the Keystone XL Pipeline, raised fuel efficiency standards, and invested in green energy.

He has also done much to make the role more relatable. Obama lives in this kind of perfect balance in which he is both respectable and relatable simultaneously.

Discounting this entire election season, I think America is much more respected now than it was eight years ago. Bush led the nation into two highly unpopular wars when we had no right to enter them in the first place. Obama has been far more cautious and judicious in his international relations policies, resulting in more strategic and less harmful methods of foreign policy.

How do you feel about the current electoral season ?

This electoral season has been frightening. It is an example of how a Presidential Democracy can be usurped by a populist movement. Obviously, I would have been ok if that populist movement moving toward power were that of Bernie Sanders’ camp, but we are facing a possibly authoritarian type leadership that imposes the dangerous "us vs. them" mentality, them being women, people of color, non-Christians, and Democrats. I hope that this will serve as a wake up call for Americans, but, more realistically, this will be the first in a series of dangerous demagogues attempting to rise to power, and I imagine Donald Trump will look relatively mild in comparison.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

Hillary Clinton obviously. She is the most qualified candidate in history to be President. The black marks on her record are obviously not good, but they are unfortunately the norm for run of the mill politicians. I personally voted for Bernie Sanders in the California primary, but I am still more than happy to vote for her in November. I have confidence that she will do a superior job of running the country.

To put it nicely, Donald Trump is a sexist, racist, elitist, horrific pig, and a moron. He does not do conservatives justice and is not at all representative of mainstream G.O.P. values. Unfortunately, his candidacy has pulled many Americans further to the right. The G.O.P. has a serious identity crisis to fix come post-November.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

I think Hillary will be elected President, and I think the House of Representatives will turn blue. I think the Senate will remain in the hands of the Republicans.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

America needs to find a way to re-invigorate the middle class, create more governmental transparency, improve public education, take significant steps to help the environment and move toward renewable energy sources, get big money out of politics, crack down on corporations, figure out ways to productively use the Internet of Things, strengthen domestic and international security, improve race relations, narrow the gap in gender inequality, de-polarize politics, and create sensible gun control laws.

(...) I hope that the Obamas, Joe Biden, Bernie Sanders, and Elizabeth Warren continue to play an important role in domestic and international affairs.

by Sarah Collins, Oct. 17

 

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Tiana Lowe

« The DNC actively colluded

with the media to push Trump forward

as the GOP candidate »

Could you please introduce yourself ?

I’m studying economics and mathematics at the University of Southern California. I’m also the editor of The Tab at USC and the USC Economics Review, as well as a freelance journalist.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

I would consider Obama’s presidency an overwhelming failure on three main counts. First and most importantly, his evacuation of the Middle East following by support for certain Arab Spring dissidents crafted the power vacuum and sociopolitical destabilization which led to the rise of ISIS. Second, Obamacare has been an undeniable failure practically by design, as mandating the purchase of goods from an industry already headed towards collusion and oligopoly is structurally bound to enforce skyrocketing premium prices and thus the dominance and control of the insurance cartel over the American populace. Finally, Obama’s use of executive orders and politicization of the DOJ and FBI, as well as his unwillingness to compromise with Republicans, directly led to the most divisive and socially destructive election in American history.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ? Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

America currently has the lowest labor force participation rate in 38 years. He blew out the deficit in his first year in office. GDP growth is close to stagnant. More than a million Americans are about to lose their Obamacare because insurance companies are pulling out of the market. Obama has done nothing to halt or even slow the the countdown to the Social Security time bomb, in which only two Americans will have to pay for a single Social Security recipient. In addition, our foreign policy weakness and blunders have allowed Putin to reestablish the Russian Federation as a global superpower, and ISIS (which Obama once referred to as the “JV” or junior varsity team) has committed massive human rights violations including murder, torture and rape against millions, mainly Muslims in the Middle East. I think that America is not better off, and according to Real Clear Politics, approximately seven out of ten Americans agree with me.

How do you feel about the current electoral season ?

In both George Washington’s Farewell Address and Alexander Hamilton’s Federalist Paper No. 9, the Founding Fathers warned us of the dangers of factionalism over principle. This election cycle has demonstrated a complete institutional disregard for honesty, principles and the rights of the people. The DNC and Podesta WikiLeaks have demonstrated that not only did the DNC effectively rig the election to edge out Bernie Sanders, but it also actively colluded with the media to push Donald Trump forward as a “Pied Piper candidate”, because they knew they could beat him. Instead of accepting the far more publicly popular Sen. Marco Rubio, the natural frontrunner and principled politician of the race, the DNC likely used their demonstrable power over the media to supply Donald Trump with the equivalent of $1 billion in free media coverage during the primaries.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

I believe that both Hillary Clinton, on the grounds of breaching federal protocol and compromising our national security, and Donald Trump, on the grounds of multiple counts of sexual assault, both belong in prison, not the White House.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

Hillary Clinton will be the 45th president of the United States. Republicans will lose the Senate, but likely keep the House.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ? Would you like to be a part of it ? Please tell me.

The U.S. Supreme Court and the States must protect the dissolution of our Constitution as the Clinton administration follows Obama’s trend of expanding the powers of the Executive Branch. Congress must replace Obamacare with a free market alternative which incentivizes health care providers on a local level to enter concierge care collaboratives to promote preventative and holistic care and encourages more insurance providers (as opposed to Obamacare, which drives providers out of the market) to enter the market and provide disaster coverage with low premiums and high deductibles. Both the federal and state governments must repeal damaging regulations which greatly inhibit long-term job creation. The Middle East must be stabilized, and the federal government must phase out our current Social Security bubble as to not bankrupt future generations. In addition, other states would be wise to observe Washington state’s bipartisan carbon tax initiative and appropriate it if it’s found to be successful to help halt global climate change.

by Tiana Lowe, Oct. 18

 

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« Hillary Clinton should not even be

a free woman »

I am a 54-year-old, white-collar working woman. I have a family I adore and a grandson, who is a huge blessing to me and my family. I have worked at my job for 23 years and counting. I am a homeowner, divorced (15 years), with two grown children. I am currently, in a relationship with an amazing man with many similar interests. I am a Catholic, and proud of my faith. I am a very opinionated woman who can be brutally honest. I believe life is a journey, with many bumps and curves along the way. It is only through faith and tenacity that we survive it at all. My ultimate goal is to one day meet my lord and savior and see my dad again !

I am currently registered as a Democrat. I honestly went that route in the 80’s and have never changed affiliations. (...) I was a senior in High School (12th grade) and as part of our Government class, we registered to vote. I chatted with my dad - honestly I HATED Government class... lol. And at the time, he was a Democrat too. My dad was a strong, faithful man that I looked up too for his knowledge about life and country and his beliefs in God. I was born in ’61 and there’s one event in our history I still carry with me. When President Kennedy was assassinated in 1963 I was not quite 2 years old and I remember my dad crying about it. I’ve asked myself WHY I remember that so vividly when I can’t remember yesterday... It obviously touched my core to see tears in my dads eyes. He has passed on and I guess it was still a part of me for some reason... Quite a while before he died too he had registered as a Republican... I just never did. Sometime soon I will re-register and become an independent. I think the Rep/Dem parties are ridiculous and I just follow my heart when I vote anyway. I’m NOT one to vote STRICTLY with party affiliation. I’m more conservative than the Democratic Party, for sure.

My country, who is now led by President Barack Obama, has an election coming up soon ! I thought that 8 years ago, we would see a bright future, with President Obama ; I was sadly mistaken. Washington has thrived on its corruption and has divided this country regarding race, religion and the liberty of its people. We have a failed national health care plan that cost this country billions to introduce. Premiums are beyond affordable for most if not all Americans. A typical monthly premium is approx. $1500.00, with exorbitant deductibles ! I would say on a scale of 1-10, this man has failed big time, and sadly I’d say he’s about a 2 on the scale of success in his presidency. He has divided this country’s people according to race, gender and employment. His acceptance of illegal immigrants who get a higher education for free over our citizens is appalling ! Our country teaches them to fly planes to destroy people’s lives. I could go on and on, but I will spare you the gory details.

I personally lost a relative in the 9-11 terrorist attacks. This man and his Secretary of State Hillary Clinton have made this nation a laughing stock to the rest of the world. We deny support for our troops both in battle (Benghazi) and on our home turf. With the elections coming up this November, we have seen the remanents of corruption at its finest within our Washington elitists. Any American, who would have done the very same thing, as President Obama and Hillary Clinton did during their tenure would have been sitting in prison !

So I guess you can understand, that I believe Hillary can’t and should not even be a free woman, and certainly not be allowed to run for the highest office of my country. Donald Trump is an arrogant ass, but he owes no favors. He has no agenda except to make this nation great again. He truly, in my opinion, wants to make our economy strong, our borders secure, and our businesses brought back to the states and create job growth ! I truly pray Mr Trump wins this election. However, corruptness will stand in his way, re: voter fraud.

Our nation faces a very crucial time. Our freedoms of religion, speech, and our right to bear arms are all being attacked. The human sanctity of life is on the fence, re: abortion at 36 weeks (?!?). I was a preemie myself, born at 28 weeks gestation. But we are talking, if a mother wants to abort her child at delivery, it could be allowed. God help this nation ! 

by "Madisyn Justice", Oct. 19

 

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« To see even one face of a woman

amongst the presidential portraits

would have a ripple effect on little girls »

Could you please introduce yourself ?

I’m 31, a single mother working as an Account Director for a digital marketing agency in the U.S.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

I would probably rate him as an 8. He has accomplished quite a lot in the context of difficult circumstances. I would say his greatest achievement is the improvement in our diplomatic relations. He stepped into the Oval Office after it was vacated by a president who often didn’t seem 100% sure of what he was doing. Obama is level-headed, rational, and intelligent, and I feel he has improved America’s reputation overseas.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ? Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

Yes. Absolutely. But I feel there is still a need for improvement. The world is not going to forget about America’s missteps just because we had a good 8-year run.

How do you feel about the current electoral season ?

I feel awful, haha. I keep thinking that it is a nightmare from which I will awake at any moment. I cannot believe that Trump is the basket into which the Republicans decided to put all of their eggs. He is sexist, racist, and xenophobic. He is an unchecked capitalist, pompous and easily angered. I believe that the strength of our country lies in our diversity, and Trump seems to wish everyone was like him.

I’m sure there must be a worse candidate for president than Donald Trump, but I can’t think of one offhand.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

As The Atlantic has already said, rather eloquently, Hillary is one of the most prepared candidates ever. Due to some of the scandals she’s been associated with, she is not my first choice for president. However, she is extremely experienced, thoughtful, composed, and deliberate. I believe she will continue to improve our diplomatic relations, and that she will surround herself with expert advisors that will help her steer our country for the next four years.

Additionally, while I would never vote for someone based soley on his or her gender, if Hillary is elected, this will be a win for girls everywhere. Think about the stark contrast in experiences between a little girl and a little boy when they are looking at portraits of all our presidents. To see even one face of a woman amongst those portraits will have a ripple effect.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

Hillary will be president. It has to be Hillary. This is the first time I have ever truly worried about what would happen if the opponent opposing my own pick were to win. In the past I thought, "I hope my candidate wins, but if the other candidate wins, things will be more or less okay."

I do not foresee America even being "okay" if Trump were elected - let alone "great."

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

The gap between the "haves" and "have nots", the rich and the poor, is extremely concerning. We have to do more to level the playing field in America for women, minorities, and low-income and no-income citizens. If you systematically oppress a group of people for years upon years, revolution is inevitable. We need immediate and tangible actions from our government and society as a whole. Otherwise, the violence in this country will continue to grow.

The American dream may still be alive, but it is coughing and choking and stumbling around on the days it can even manage to get out of bed.

by "H", Oct. 21

 

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Beth Gearhart

Beth Gearhart with her husband Roger.

« People excuse Trump’s behavior

because they hope he will do what he

abruptly says and change things »

Could you please introduce yourself ?

I am almost 73. We have been evangelical missionaries for years. First with American Indians, then a year in language school in Annecy, France, then 4 years in Abidjan, Ivory Coast, West Africa. Back in the States, we continued in ministry and began a food ministry we ran for 15 years, feeding 10,000 a week. We retired 9 years ago and moved 50 miles south of Colorado Springs, CO. I now mentor young women and counsel at church. My husband is now disabled.

We have lived a full and active life.

We have always been very involved in politics and very informed. Our kids have also been informed and active.

I speak enough French to get along, but write terrible. I also read fairly well. It has been 25 years since we were actively speaking French, so have sadly lost a lot.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

1 - if that high !

I believe he became President because he is black. I would vote for a Black, but would not vote Black just for color. I vote principal and character ! Sadly, most American Blacks voted 'Black'.

Obama never even worked ! A community organizer and politician !

He has done nothing but divide our country. We had come a long way with race relations and he has thrown us back to before civil rights. From the beginning he pitted group against group. Rich against poor, Black against White, Christian against Non-Christian. There were obvious prejudices.

There were Black thugs intimidating Blacks and Whites at the polls and his Justice Department threw out the charges. We have had lots of riots and burnings of Black businesses and looting, by Blacks. Each time a policeman shoots a Black, the Blacks riot. Even if it is a Black policeman and even when their actions are justified. Yet the Black on Black crime is totally out of control. It is like that doesn't matter. Look up Chicago, Illinois statistics on Black on Black crime.

Obama is for gun control ! Chicago has just about the strictest gun control in the country and yet the murder rate is one of the highest in the country ! Because they are mostly black, no white dare touch it. Only Blacks can talk about Black on Black crime. If I talked like this to our media, I would be called a racist ! (Yet we were missionaries in Africa, we are not prejudiced !)

I find this politically correct speech a way to control free speech ; sadly, it works !

Obamacare is a huge mess. Government is now saying it will implode in 2017. Clinton says she will fix it ! So, government creates it, now will fix it ? Prices and deductions have increased a lot ! It really is a way to redistribute money ! The workers provide for those who do not work. Either by choice or not !

We need to give hands up, not hands out! Help those who need help, not those who choose to not work.

Obama has spent more money than ALL our past Presidents combined. How long can we sustain this debt ! If China calls in our loans, we will bankrupt. I believe something will happen to make us like Greece. We are being warned constantly. Something will cause us to go over a cliff. The whole world will then suffer.

The illegal immigration problem is another whole set of issues. Rampant crime, our border guards are made to release illegals, all the time handing out our resources. Not vetting Muslims, you should know about that ! The religion of peace ? If only 10% are terrorists, that is millions !

Obama has no respect for our laws. He either works around them or issues executive orders or just ignores the law and goes to court ! It takes years to settle, meantime people suffer under his orders. Take bathrooms in public schools and military and any public building. No separation of the sexes in bathrooms or showers. If you 'feel' you are a woman, even though you have male genitalia, you can shower and use women/girls bathrooms. The military is now with NO divisions.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ? Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

Absolutely not on both questions. More people out of work than in the Great Depression in the 1930’s. More people on food stamps and entitlements ever. Morality is almost non existent. Everything goes now days with absolutely no concept of right or wrong. We live in hypocrisy. Can’t give an aspirin to a sick kid without all kinds of legalities, but you can take a young girl for an abortion. A sexual abuser goes to prison, but CAN use the same bathroom as young girls. It is crazy !

America is laughed at globally. Our word is no longer valid and Obama is weak and has no respect. Our military has been degraded and demoralized to where I wonder if we could even defend ourselves.

How do you feel about the current electoral season ?

Ashamed and embarrassed. America is a divided country between Liberals/progressives and Conservatives. Most of us are sick of an entire year of lies, distortions and monopolizing of all media.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

Neither. Clinton especially. She has a record of lying, the whole Benghazi episode was disgraceful. Records indicate she knew the facts and still lied. The Clinton Foundation is a bribe scheme. Financial reports indicate around 9 percent goes to actually help people. The Clintons have enriched themselves with bribes for contracts. There are literally over 50 deaths associated with Clintons, mostly suicides (supposedly). She is pro-abortion even up to the day of birth. She is also anti-guns (except for HER protection). She constantly lies and Wikileaks is now proving that almost daily. There is more, but I won’t bore you further. I will never vote for a murderer of babies.

Trump says he is anti-abortion and will straighten out the economy and also vet illegals more and stop Muslims. Because he has never been a politician, how do we know ? He is an arrogant buffoon. I am really concerned about his NOT being able to accept criticism in any way. He appears vengeful and unforgiving. To me he is another dictator like Obama, only white and on the Right. I may like some of what he will do, but he scares me.

Both are scary !

I will hold my nose and vote for Trump. He will offer the most freedoms to Christians. (...) My most important reason for voting Trump ? The Supreme Court ! He has already submitted constitutional judges names ! Clinton will appoint Liberal judges who do not interpret the constitution, but legislate from the bench ! These choices will change the direction of our country for decades !

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

I think Clinton will win. Many things Trump says are true. The media is 96% Liberal and endorse her. I also know of the cheating in elections, we even had it in our small town of 40,000. What people like about Trump is that he says it like it is ! No finesse and blunt. People are sick of lying politicians and government corruption. They excuse his terrible behavior because they hope he will do what he abruptly says and will change things.

Congress may continue to be Republican, but they seem afraid to do their job ! They rarely stopped Obama. He operated like a dictator who ruled by executive fiat and they bowed down.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

Depends on who wins. More and more corruption with her. More and more illegal immigrants, more terrorism in the US and more and more entitlements, which are traded for Democrat votes ! I look for the economy to crash, more and more debt and less and less people working.

Trump might give us a small reprieve but I believe we are headed down. I believe he would help our country the most, but would not bet on it !

Pretty sad ! I have zero faith in our present government. But truthfully, I don’t think our answers are more or less government. My faith is only in God.

You certainly don’t have to wonder what I think ! I defiantly have strong opinions, but no power except for my voice and vote !

"Je voulais vous remercier pour votre gentillesse."

by Beth Gearhart, Oct. 24

 

Then came election day...

« I’m most excited about what

will happen with the Supreme Court... »

How do you feel about the results of this November 8 elections ?

Ecstatic, excited, hopeful ! Like most others, I was surprised when Trump won the election and yet why was I ? Because our media (newspapers, television and internet) all were convinced that Clinton would win. They espoused these beliefs for the last year, even though Trump drew bigger crowds consistently with thousands who stood outside. The ONLY ones I heard that repeatedly said to : "Not believe these reports" were conservative radio personalities. They explained how the outlook was rigged and reporting and polling were dishonest (and why). Guess they were right !

I am most excited about the Supreme Court possibilities ; judges who actually follow the constitution instead of legislating from the bench. With the number of judges that Trump will have to replace, this should protect our country for the next 40-50 years.

I am excited that many of Obama’s executive orders will be thrown out. Such things as opposite sexes sharing bathrooms, putting our most vulnerable at risk.

I am excited to see new jobs produced, the pipe line completed, fracking restored, infrastructure actually repaired, taxes reduced, the EPA reined in, illegal criminals and gang members exported, a border wall constructed, and our armed services built back up. To name a few !

Trump says he will take few vacations and NO salary ! This shows that he is truly wanting to represent ’We the People’ and "Make America Great Again !"

Are you confident the nation will be able to come together without major hardships after this polarized election, and under a Trump presidency ?

Confident, No. We are seeing demonstrations that are sometimes turning into riots, fires and destruction. As a nation we have coddled some of our young people and many are living by emotion rather than by their brains ! When many are interviewed they express fear of ’tomorrow’. They don’t seem to realize that 50% (or more) of the United States went through the same emotions when Obama was elected twice and yet Republicans did not demonstrate or become destructive. We just put on our big boy pants and got on with life. We certainly did not like many, many things that Obama did - but we survived. They too will survive. When we hear of therapists, therapy dogs and arts and crafts being provided to ’soothe’ them, most of us laugh. Ridiculous ! I can’t imagine how some of these young people can survive and wonder how they have been raised to believe they can always have what they want and throw temper tantrums when they don’t get it.

As a nation, we need to give Trump a chance ! Most young people remember nothing except Obama and have been raised and coddled in our liberal schools and colleges and they may find out they will like a lot of what Trump does !

Time and history always show us which way is the right way. We will all wait and see.

In the most honest and balanced way possible, how would you assess Hillary Clinton’s impact and legacy on American politics, and how do you feel about her as a person ?

I can be honest about my perspective, but I doubt very balanced. I am sorry to say I do not have one good thing I can think of to say about her or her legacy and believe history will show my perspective to be true. Investigations are not complete and I imagine much more will come out regarding her behavior and dishonesty. WikiLeaks have almost daily produced the truth via e-mails hacked, which prove what we’ve always suspected to be true. I find it ’normal’ that the Democratic party make the issue ’who hacked’ rather than the truth of ’what they hacked’.

Obviously, I regard Hillary Clinton from a Republican perspective. I am so glad she is GONE. I remember nothing but bad things, the lies and manipulations. The lie about the helicopter she was on and she claimed she had to dodge bullets (proved to not be true) the lies about Benghazi she told grieving parents, the lies about her server and e-mails and the manipulation of a foundation/charity that the Clintons used to enrich themselves by accepting huge donations and speaking fees from foreign countries.

She is what I would call an elitist who believes she is better than anyone else and ’we the people’ are just here to serve her. She claims she is for children and women, but she would allow a child to be murdered in the womb the day before it is delivered. She had no problem taking money from Middle Eastern countries who give women NO rights and we never heard her talking out against the horror some Middle Eastern women experience. She claims she is for the LBGT community and yet I never hear her speak out against the treatment they experience in the Middle East.

I hope this woman is gone from the political scene forever.

Nov. 16

 

*     *     *     *     *

 

Eileen Bastianelli

« America never stopped being great »

Could you please introduce yourself ?

My name is Eileen Horowitz Bastianelli. I’m American and have been living in Paris for soon to be 29 years.

I grew up in Los Angeles and came to Paris right after I graduated from Berkeley. I am an advisor to C-suite executives in Entertainment, Advertising and Tech. And I produce content from time to time. In 2008, I was asked to produce a PSA to get Americans outside the US to vote. There are 8.7M of us.

In 2012, I set up and ran the Social Media initiative for Democrats Abroad worldwide. Democrats Abroad is the official arm of the Democratic Party outside the US. I stepped down in 2014 but remain very involved in rallying those of us overseas to make our voices heard. Those of us living outside the US have a very different perspective on what goes on back at home. What happens in the US affects us all. And I believe that in this election cycle it is more the case than ever before.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

9 - but I was always told never to give a 10 out of 10.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago? Is America more respected now on the global stage than itwas 8 years ago ?

In my opinion, America is clearly better off now than 8 years ago. When Obama took office, the US was in a terrible state.

He inherited the worst financial crisis since the Great Depression. Since that time, there have been 75+ months of economic growth. The stock market has reached record highs. The Federal budget deficit has shrunk by nearly 2/3. Unemployment has been cut in more than half. Income taxes are as low for the vast majority of Americans as they have been in more than 50 years. America is no longer dependant on foreign oil. And while many complain about terrorism, which has become a major issue on a global scale these past years, there has not been one successful attack by Al Qaeda on US soil since Obama was elected. And there are fewer American troops on the ground outside the US than in decades. The US car industry was about to become defunct in 2008 and today it is flourishing. And shall we talk healthcare ? While the Affordable Health Care Act has a long way to go until it is running efficiently and smoothly, millions of Americans are now insured and healthcare costs have stopped spiralling out of control.

And as an American living overseas, I became proud again to say be an American. That is, until Trump came onto the scene.

How do you feel about the current electoral season ?

I am embarrassed. I am sad. I am frightened. I am horrified to see Americans looking at one another with distrust. And I am angry that this has turned into a reality show with the whole world watching.

In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President : Hillary Clinton ; Donald Trump ?

I think that Hillary will make an incredible President. She is qualified. She is tough. She has withstood 30 years of vicious, sexist attacks from all ends. And not only is she still standing, she is going to make one incredible President. And her policies are sound. She has incorporated essential elements from Bernie’s platform while retaining a realistic and solid economic vision.

As for Trump, I think is he an utter disgrace. Incompetent. And has brought out hate in a way I had never imagined we would ever see again in America. I would add that this is what makes the 2016 electoral cycle drastically different than any other before. Usually, there are two candidates with two more or less different political viewpoints. Differences on policy. And with my Republican peers, we could simply “agree to disagree” on X or Y issue. That is not the case in this election.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

No presidential race is ever over until the day after the elections. But as the mother of two daughters (who are both voting for the first time in this election !) I am hopeful we will be able to, for the first time in US history, speak about Madam President.

As for the Senate, Trump’s shenanigans will likely have major impact all the way down the ticket and I am confident that we will take back the Senate.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

The first challenge, in my view, will be to heal from this insane campaign. Learn to love and trust each other again. Also to hope that the voice of the people with regards to the “status quo” will be heard. Trump based his campaign on “making America great again.” America never stopped being great but we will have to heal again as a nation to be able to deal with the challenges that face us as a country including terrorism, education, healthcare, equal pay, and healing our reputation outside the US from the events of this electoral campaign.

by Eileen Horowitz Bastianelli, Oct. 27

 

*     *     *     *     *

 

« The media have become Democratic

Party operatives with bylines. »

Could you please introduce yourself ?

I am a lawyer, age 55, with three kids. I live in Atlanta, Georgia.

On a scale of 1 to 10, how would you rate President Obama’s tenure as President ?

1. He would get a zero except that he was the first person to break the race barrier as President, and he killed Osama bin Laden. Beyond that, he has been a total failure. He hates America in his heart, which means that he always takes sides against America. He hates freedom, the rule of law, free enterprise, individual responsibility. By design, he has manipulated and engineered every situation to make people believe that only Democratic Party-led government is a solution. He has no respect for political principles, and turns everything into partisan warfare. Isolating people with whom he disagrees, like a Saul Alinsky militant. He has encouraged racial tensions. He is a deliberate divider, to turn American against American, and make everyone hungry for handouts from the State. He is not a uniter. He is a crusading egotist, who cannot let one public moment pass without referring to himself in the first-person as the great change agent. He stands for nothing except total Democratic power and control over every aspects of life.

In your opinion : Is America better off now than it was 8 years ago ?

Worse. See above. Our economy spent another 8 years in recession. We have withdrawn from the world stage. Our military is degraded. We do not stand for freedom and opportunity. We do not take necessary steps to defeat ISIS. We dislike and distrust each other. The media have become Democratic Party operatives with bylines.

Is America more respected now on the global stage than it was 8 years ago ?

Less.

How do you feel about the current electoral season ? In the most honest way possible, do you believe the two following persons would be fit to be President: Hillary Clinton ; Donald Trump ?

It is horrible. Clinton and Trump are both disqualified from being President. Hillary is corrupt. She released state secrets through her e-mails, and laughed at the need to keep intelligence secret. She and her husband enriched themselves, selling government access and influence to the highest bidder. Hillary stands for nothing except Democractic Party power. Trump is a moron. He does not understand the first thing about politics, statesmanship, grace, or dignity. He is a comic book figure. It is a choice between two evils. In this battle, I will be voting for Trump, for three basic reasons : He seems to believe in American power and righteousness, to deal a death blow to ISIS (the number one danger). Second, he will appoint conservative Supreme Court justices. Third, and most important, he will be passionately investigated, reported on, and opposed by the American media. For the first time in a long time, we might have a press which actually does journalism and leads to a national discussion on the proper powers of the Presidency.

What do you think will be the outcome of this November’s Elections (for President and Congress) ?

Hillary will win the Presidency. The Senate and the House of Representatives will remain Republican.

What do you feel will be the most crucial challenges facing America during the next four or eight years ?

1. Fight against Islamic terrorism.

2. Ceding influence to China and Russia all over the world, leading to global chaos.

3. Orwellian government led by corrupt mandarins chosen from among the Democratic-crony capitalist-media elites.

4. “Open borders” immigration leading to an influx of people who have no identification with American principles of limited government, free markets, individual responsibility, and the rule of law.

5. A stagnant or declining economy caused by high taxes, low interest rates, government control, anti-business ideology.

by "M.A.", Oct. 28

 

What about YOU ?

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14 octobre 2016

Lauric Henneton : « Une victoire de Clinton pourrait déboucher sur une impasse institutionnelle »

Lauric Henneton, maître de conférences à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, est spécialiste de l’histoire et de la vie politique des États-Unis. Le 13 octobre, soit, trois semaines et demie avant l’élection présidentielle américaine, il a accepté de répondre à mes questions pour Paroles d’Actu. Je l’en remercie, ses réponses sont précises et éclairantes.

À lire ou relire également pour une bonne vision d’ensemble, toujours sur la présidentielle américaine, toujours sur Paroles d’Actu, mes interviews de Nicole Bacharan (janvier) et Thomas Snegaroff (août), et les textes qu’ont accepté de produire pour le blog André Rakoto et Nicole Vilboux (septembre). Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Une victoire de Clinton

pourrait déboucher

sur une impasse institutionnelle »

Interview de Lauric Henneton

Débat Trump Clinton

Photo : REUTERS/Shannon Stapleton.

 

De par ses attitudes et son comportement, Donald Trump s’est mis à dos une large part des soutiens traditionnels, des politiques, de l’appareil même du Parti républicain - pour ne rien dire des médias. De nombreuses personnalités ayant eu des responsabilités gouvernementales de premier plan, et tous les anciens présidents encore en vie se sont prononcés plus ou moins ouvertement contre lui. Est-ce que ça n’est pas finalement une espèce de « voie idéale » pour lui, qui veut jouer à fond la carte de l’anti-« système », de l’anti-« business as usual » à Washington - discours qui rencontre un écho certain auprès de larges pans de la population ?

En fait il y a deux niveaux de réponse, donc oui et non à la fois. Oui, c’est le cas notamment pour son électorat des primaires, ceux qui ont choisi Trump contre les autres candidats républicains, notamment ceux du « système ». Donc de ce point de vue là, que les voix du « système » s’expriment contre Trump, cela ne fait que confirmer qu’il est bien le bon candidat, celui dont ils souhaitent qu’il fasse le ménage dans une vie politique qui ne les satisfait pas, ou plus, parce que ses praticiens ne s’occupent à leurs yeux que de leurs intérêts. C’est le vote du coup de pied dans la fourmilière, du grand ménage. Dans cette optique-là, Trump, par son profil de non professionnel, est le seul vraiment qualifié, puisqu’il n’est pas compromis à Washington. C’est un peu ce que Ted Cruz essayait d’incarner : certes il est sénateur, mais il est tellement en marge du « système » qu’on peut dire qu’il prend soin d’avoir un pied dedans un pied dehors. Un peu comme les députés souverainistes au Parlement européen : y être ne veut pas dire en être. Cet électorat, qui récuse la classe politique dans son ensemble, aurait vu d’un mauvais oeil un recentrage de leur candidat afin de séduire les électeurs plus centristes, ou la droite plus classique.

« Trump semble avoir perdu les suffrages

des indépendants. Pour de bon ? »

Mais dans l’optique de l’élection de novembre c’est bien cet électorat-là dont Trump va avoir besoin, en plus des indépendants et des indécis. Un sondage récent (PRRI/The Atlantic) a mis en évidence un important glissement chez les indépendants : encore récemment favorables à Trump, ils penchent désormais pour Clinton. La grande question est de savoir si ce revirement sera pérenne.

Du côté de l’électorat de la droite classique, Trump est insupportable : c’est en fait la masse des électeurs qui a voté pour les autres candidats aux primaires. Eux attendaient un recentrage, un Trump plus policé, plus sage, plus consensuel sur les thématiques chères aux républicains, afin d’unifier son camp avant d’aller disputer les indépendants à Clinton. Trump aurait pu bénéficier d’une base plus large que la base républicaine de ces dernières années, mais au prix d’un grand écart assez difficilement tenable sur la durée.

Question complémentaire, liée à la précédente : on sait que, grosso modo, lors des élections, un Américain sur deux ne se déplace pas pour voter. Que sait-on des profils de ces abstentionnistes, et peut-on anticiper, peut-être, un frémissement inhabituel sur ce front, en faveur de ou peut-être contre Donald Trump ?

Le taux de participation est plutôt de l’ordre de 60% à la présidentielle, mais il est strictement corrélé à l’âge, au niveau d’éducation et au niveau socioprofessionnelle, mais aussi à l’assiduité de la pratique religieuse. En d’autres termes, ceux qui votent le plus sont les plus de 50 ans en règle générale, les classes moyennes et supérieures, diplômées et aux revenus confortables, et ceux qui vont à l’église au moins une fois par semaine, donc une partie des évangéliques blancs et des catholiques pratiquants, blancs aussi. Ceux qui votent le moins sont les jeunes, les minorités ethniques (notamment les Hispaniques, les Noirs sont de meilleurs citoyens), ceux qui sont détachés des Eglises (y compris les Blancs), et globalement ceux qui sont peu éduqués (niveau bac ou moins) et les faibles revenus (y compris les Blancs encore). Quand on combine ces facteurs (jeune hispanique sorti de la religion, ou blanc pauvre) on atteint des taux d’abstention très élevés.

« Il y a, parmi la population abstentionniste,

des réserves de voix à "gauche" comme à "droite"...

mais elles seront bien difficiles à mobiliser »

La candidature de Trump a trouvé un écho rare chez la deuxième catégorie, les Blancs pauvres, les fragilisés, ceux qui ont été victimes de plans sociaux, ou qui craignent pour leur emploi industriel, ceux pour qui la mondialisation est une source d’inquiétude et pas une chance comme c’est le cas pour les classes supérieures. On retrouve en filigrane des échos de la France périphérique analysée par Christophe Guilluy mais transposée outre Atlantique. Chez ces gens-là, il peut y avoir un réflexe xénophobe que Trump a su exploiter mais c’est aussi une xénophobie liée au « système » : « l’État s’occupe des illégaux mexicains et pas de nous ». Ce sont aussi des gens qui, quand ils sont peu qualifiés, sont en concurrence directe avec la main d’oeuvre peu qualifiée immigrée, qu’ils accusent de tirer les salaires vers le bas (c’était déjà ce qui nourrissait le rejet virulent des Irlandais au XIXe siècle). Donc l’immigré comme « autre », la peur du grand remplacement (à mesure que la part des Blancs et des chrétiens décroît aux États-Unis, ce que les médias relaient copieusement) et la peur de la concurrence pour le travail. Ces gens, généralement, ne croient plus à la politique, et votent peu. Ils ont été séduits par Trump, mais aussi parfois par Sanders. Sanders, lui, a su s’attirer le vote des jeunes, qui votent peu. D’ailleurs l’autre groupe (jeunes, Hispaniques, sans religion) est clairement démocrate - quand il prend la peine de voter. Il y a donc des réservoirs de voix à gauche comme à droite mais qu’il faut aller chercher, ce qui est loin d’être évident. Et beaucoup de candidats ne savent pas comment s’y prendre.

Côté partis, cette fois : Trump candidat, et candidat comme il l’est, c’est un peu un cauchemar devenu réalité pour le Parti républicain. Les deux grands partis vont-ils vraisemblablement tirer des leçons de cette saison électorale 2016, et peut-être modifier les règles de leurs primaires ?

Justement, pour les républicains, l’enjeu est de garder l’électorat Trump sans le candidat Trump. Il faut garder à l’esprit que ce n’est pas Trump qui a façonné cet électorat, il l’a mobilisé, il l’a capté. Mais il est clair aussi que Trump n’est pas le mal mais le symptôme d’un mal qui ne disparaîtra pas si Trump n’est pas élu. Tout l’enjeu pour les républicains est d’arriver, à défaut de réussir à capter le vote hispanique ou le vote jeune, à capter ce vote de l’Amérique périphérique, si l’on veut. Avec un candidat traditionnel, ce sera impossible : l’establishment, ils n’en veulent pas. Cependant, un candidat classique (je pense notamment à John Kasich) peut rassembler largement son camp (moins les « Trumpistes ») et grignoter des voix au centre.

« Le Parti républicain, mis face à la pluralité de ses

composantes, est à la croisée de chemins »

C’est tout le dilemme du Parti républicain pour les scrutins à venir : assumer un virage « populiste »/protectionniste (contre le libre échange, contre l’immigration...) ou revenir à un sillon plus classique. Entre les deux, une droite socialement conservatrice, religieuse et fiscalement très libérale a également un public captif. C’est donc la pluralité des droites américaines qui est un casse tête pour le Parti républicain. Changer les règles de la primaire peut-être une solution, mais tout dépend comment : sur quels critères objectifs pouvait-on exclure la candidature de Trump ? Et n’est ce pas alors le risque d’en faire un candidat indépendant avec les risques de divisions que cela engendre ? 

Quelle est votre intime conviction : Donald Trump a-t-il encore des chances de l’emporter ?

Je n’ai pas d’intime conviction, ce n’est pas mon rôle. Je ne peux qu’envisager des scénarios. Le premier est celui de la rationalité, dont on sait qu’elle a été plutôt contrariée ces derniers mois. Là, Clinton l’emporte notamment dans les États-clés, elle arrive à mobiliser les minorités (Hispaniques, musulmans) et les jeunes, et elle capte les indépendants, horrifiés par les dernières révélations sur Trump et les femmes.

Autre scénario : les défections ne sont que temporaires (on a vu ça entre août et septembre : l’écart s’est creusé puis resserré alors qu’on pensait que cette fois c’était « plié ») et l’écart se resserre. Les jeunes ne sont pas convaincus par Clinton, les minorités n’aiment pas Trump mais finissent par ne pas aller voter (comme c’est souvent le cas), et elle perd quelques États-clés pour quelques milliers de voix. À ce moment-là, même si elle l’emporte, ce sera grâce à un ou deux États, probablement de l’Ouest, mais peut-être de la Rust Belt (Pennsylvanie, Ohio) ou du nord du Sud (Caroline du Nord, Virginie). Dans ce cas, dans le scénario d’un résultat favorable à Clinton mais assez serré, je suis persuadé que Trump contestera les résultats et demandera un recount. On le sait procédurier et assez complotiste, donc ça ne serait pas du tout surprenant. Dans ce cas, les résultats définitifs pourraient être retardés de plusieurs jours voire plusieurs semaines.

« Si Clinton l’emporte sans éclat, je prédis

une "revanche" conservatrice forte lors des midterms

de 2018... ce qui pourrait aboutir à

une impasse institutionnelle complète »

On pourrait aussi avoir des gens qui estiment qu’on leur a volé l’élection. Ce qui nous amène à un troisième scénario : en réalité, ce qui se joue c’est la période 2016-2018 : si Clinton l’emporte, quel Congrès aura-t-elle ? Quelles seront ses marges de manoeuvre ? Que pourra-t-elle faire jusqu’aux élections de mi-mandat de 2018 où je prédis une « revanche » conservatrice très forte, comme c’était déjà le cas en 1994 (deux ans après la victoire de son mari) et en 2010 (deux ans après la victoire symboliquement si importante d’Obama). Pour moi, le véritable enjeu en 2016, c’est le Sénat, et ensuite c’est le rapport de forces en 2018. Une victoire de Clinton serait un soulagement pour beaucoup d’observateurs, mais cela pourrait également être une impasse institutionnelle complète.

 

Lauric Henneton

Photo : Philippe Matsas © Flammarion.

 

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7 octobre 2016

François Delpla : « Remettons Hitler à sa place : celle du chef »

François Delpla, historien spécialisé depuis plus d’un quart de siècle dans l’étude de la Seconde Guerre mondiale et du nazisme - il a répondu une première fois à mes questions en mai dernier -, a entrepris il y a deux ans un chantier massif : offrir une traduction entièrement nouvelle à une masse de propos « intimes et politiques » qu’a tenus Adolf Hitler au sein de son quartier général, entre 1941 et 1944, et commenter ceux-ci par de riches éléments de contextualisation. L’ouvrage en deux tomes a été édité chez Nouveau Monde ; il est d’un intérêt considérable pour qui s’intéresse à et souhaiterait étudier plus avant la période, le personnage du Führer en particulier - sans doute cette lecture vaut-elle bien celle de Mein Kampf, ne serait-ce que parce qu’on a ici confrontation de la théorie à l’épreuve de la Guerre et de l’exercice du pouvoir.

Après avoir lu - et été passionné par - les deux tomes de ces Propos intimes et politiques, j’ai souhaité soumettre à M. Delpla une liste rédigée de vingt-trois thématiques que j’ai extraites et sélectionnées de ces lectures et lui ai demandé d’opérer, pour chacune, un exercice de synthétisation et de mise en perspective autour d’une question : « Hitler : ce qu’il pensait ». Cinq questions touchant plus directement à sa démarche d’historien étaient appelées à compléter l’article. Ce qu’il vient de me rendre, et qui est reproduit ici, constitue je crois une lecture passionnante et formidablement riche dont j’espère de tout coeur qu’elle vous incitera, amis lecteurs, à vous emparer de ses Propos... parce qu’il(s) le mérite(nt) bien. Merci encore, M. Delpla, pour ce travail considérable que vous avez accepté de fournir pour Paroles d’Actu... et pour votre touchante fidélité. Par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Remettons Hitler à sa place :

celle du chef »

Interview de François Delpla

Q. : 19/09 ; R. : 07/10.

Propos Propos 2

Propos intimes et politiques, tomes 1 et 2 (Nouveau Monde éditions, 2016)

 

P. I - Hitler: ce qu’il pensait de...

 

La République de Weimar, sa gestion de l’après-guerre

« Elle a trahi à Versailles... mais a eu quelque utilité. »

C’est peut-être le point sur lequel son discours a le plus évolué, par rapport à la « période de lutte », sous cette république précisément. C’était alors un régime criminel, coupable d’avoir accepté la défaite et de gérer les suites de cette capitulation. Cette analyse subsiste, par exemple lorsque Hitler, le 5 avril 1942, accuse de manière injuste et contradictoire les gouvernements de n’avoir pas plus triché dans l’application des clauses de désarmement du traité de Versailles : il faudrait savoir si l’ennemi était implacable, ou facile à rouler !

Mais à ces accusations classiques vient s’ajouter une strate de tonalité bien différente. Les deux partis principaux de l’époque étaient le Zentrum catholique et la social-démocratie. Le blâme a tendance à se concentrer sur le premier et les dirigeants socialistes sont de plus en plus ménagés, à l’exception de Kautsky, de Hilferding et de quelques autres qui, comme eux, étaient d’origine juive. Le principal mérite de ces dirigeants est d’avoir liquidé les vieilles élites aristocratiques.

Chez les communistes même, une distinction se fait jour. Sont épargnés non seulement les militants, qui avaient bien raison de se révolter contre l’exploitation, mais Ernst Torgler, pourtant le présumé commanditaire de l’incendie du Reichstag, qui, il est vrai, a eu l’occasion de racheter ses fautes pendant la guerre en intoxiquant les soldats français (ou en cherchant à le faire) par les éditoriaux anticapitalistes d’une fausse Radio-Humanité (entrée du 2 août 1941). D’ailleurs, au moment même de cette interview, une idée me vient, qui n’est pas dans les commentaires du livre. L’absolution de Torgler pourrait avoir pour fonction, non seulement de vanter l’action de Hitler qui, par sa politique sociale et son exaltation de la patrie, a remis dans le droit chemin national nombre d’adeptes de la lutte des classes, mais de laver la grande œuvre du régime, la victoire sur la France, de toute compromission malsaine.

 

Le « Vieux Monsieur » (Hindenburg)

« Un peu dur à la détente, mais bien intentionné. »

Hitler ménage son prédécesseur. Il le présente comme un peu dur à la détente mais bien intentionné, et soucieux, dans les rapports avec l’étranger, de couvrir toujours son chancelier. Voilà qui permet d’inscrire le Troisième Reich dans les « meilleures » traditions de l’histoire allemande. Par cette personnalité qui avait choisi Hitler pour la chancellerie, le Troisième Reich est relié au Second et même davantage puisque Hindenburg avait combattu à Sadowa en 1866 puis en France en 1870, avant la proclamation de l’Empire dans la Galerie des glaces, le 18 janvier 1871… en présence du futur maréchal, distingué dans les combats comme jeune officier.

 

Mussolini et le modèle italien

« Il a ouvert et montré la voie. Ensuite... »

Mussolini est plus un précurseur qu’un modèle. Hitler en parle toujours en bonne part, mais vante surtout son action d’avant la prise du pouvoir. C’est quelqu’un qui a ouvert et montré la voie. Son manque de sensibilité à la « question juive » doit le faire bouillir intérieurement mais il n’en laisse rien paraître ici. En un leitmotiv obsessionnel, Hitler répète qu’il est entravé dans son action par les libertés qu’il a laissées à la Cour et à l’Église. Ce discours a de nombreuses vertus : permettre de critiquer l’Italie en épargnant le précurseur du nazisme, montrer comme Hitler a eu raison, lui, de tenir la bride courte aux aristocrates, aux évêques et à toutes les vieilles élites, excuser la confiance qu’il a faite à un pays militairement et politiquement peu sûr, justifier l’acharnement avec lequel les Allemands, devenus les maîtres en Italie, vont mettre les bouchées doubles dans la traque des Juifs et traiter durement les Italiens travaillant en Allemagne, même volontaires…

On peut même trouver ici un indice pour progresser dans la solution d’une énigme, celle des « Marais pontins » et de la guerre biologique que les Allemands sont suspects d’y avoir menée pour retarder les Alliés, en 1944. Une réalisation phare du régime fasciste pourrait avoir été sabotée et piégée par les nazis en représailles de l’infidélité du peuple à un dictateur qu’il ne méritait pas. [Article à lire]

 

La France

« De bon sang, mais à manier prudemment »

Elle fait l’objet d’une grande méfiance : ainsi la duplicité de l’amiral Darlan est dénoncée le 5 avril 1942, ce qui ouvre la voie à son remplacement par Laval, deux semaines plus tard. Mais cette méfiance est tempérée par une certaine estime raciale. Hitler s’affirme résolument européen, étant entendu que le continent sera dominé de la tête et des épaules par le Reich allemand. Il se réjouit par exemple, le 26 octobre 1941, à l’idée que la population européenne compte 400 millions d’habitants, soit beaucoup plus que les États-Unis, un chiffre qui inclut nécessairement la France. Une autre fois, le 8 août 1942, il vante la France d’avoir « une base saine » grâce à la forte composante rurale de sa population. Cependant, le 5 avril 1942, il reprend Himmler qui proposait de dépouiller la France de ses élites en triant ses enfants pour enlever les meilleurs et les donner à des familles allemandes - un traitement analogue à celui qui est en cours d’application dans les territoires de l’Est ; tout au plus, corrige Hitler, procédera-t-on ainsi pour les élites françaises.

Quant au territoire du grand voisin, si l’Alsace-Lorraine lui est arrachée et devra être énergiquement germanisée c’est pour solde de tout compte, mis à part des points d’appui mal précisés sur la côte atlantique. Après avoir manifesté de l’appétit pour la Bourgogne (le 25 avril 1942), Hitler, sans doute assagi par l’enlisement de ses offensives en URSS, déclare le 29 août qu’il « ne veut même aucun Français », pas même ceux qui sont près de la frontière : certes ils sont de bon sang mais ils résisteraient « pendant deux siècles », et l’Allemagne a mieux à faire.

 

Le maréchal Pétain, militaire et chef d’État

« Un vieux chanteur qui autrefois

avait de l’or dans la gorge »

Hitler parle surtout de lui le 13 mai 1942. Il lui manifeste un grand respect, le loue par deux fois (outre le 13 mai, le 6 février 1942) d’avoir été opposé en septembre 1939 à la déclaration de guerre et se souvient d’un geste qui avait fait couler beaucoup d’encre : sa poignée de main à l’ambassadeur allemand à Burgos, le 27 septembre ; d’ailleurs il la généralise, en prétendant qu’il « a toujours salué notre ambassadeur ostensiblement ». Sur son passé militaire, il se contente de le comparer à un vieux chanteur qui « autrefois avait de l’or dans la gorge ». Comme chef d’État, il déplore que l’âge le rende trop circonspect pour prendre la décision qui s’imposerait, celle d’un engagement de la France dans la guerre aux côtés de l’Axe. Une façon de s’excuser lui-même de ne pas pousser dans ce sens car il sait bien qu’à ce stade de la guerre aucun dirigeant vichyste ne pourrait obtenir, pour un tel virage, un soutien populaire suffisant.

 

L’Angleterre et son empire

« Un professeur de domination "aryenne" »

Il est fort souvent question de ce pays et de son empire colonial. L’Anglais reste envers et contre tout un professeur de domination « aryenne », sur des peuples présumés inférieurs à cette noble race. La façon dont 400 millions d’Indiens sont dominés par 250 000 Britanniques est souvent citée en modèle. Les Anglais appesantissent sans honte et sans scrupule un joug qui sait se faire doux ou brutal selon les circonstances, et leur arrogance, dont Hitler leur fait un mérite, s’enracine dans la classe aristocratique, impitoyable envers les manants des campagnes britanniques. En même temps, ce peuple est trop calculateur pour s’adonner à la musique, à la poésie ou à la philosophie, domaines où la race aryenne n’excelle que par sa composante allemande !

Le jusqu’auboutisme antinazi de Londres est attribué au seul Churchill, en raison de son alcoolisme et de sa vénalité : il s’est vendu depuis longtemps aux Américains et aux Juifs. Ses soutiens anglais ont toujours été clairsemés et sont en voie de disparition : ainsi il est, le 2 février 1942, promis à un effondrement aussi soudain que celui de Robespierre. Cet espoir repose sur la récente entrée en guerre du Japon, qui sape méthodiquement les bases anglaises d’Extrême-Orient. Hitler est bien un peu gêné d’utiliser un peuple de couleur comme bélier contre son adversaire honni, et s’en justifie laborieusement : le Japon est l’un des rares pays où le Juif n’ait pas pénétré, sa religion qui honore les héros morts au combat est des plus sympathiques, et après tout, quand le sort de la nation est en jeu, on a le droit de s’allier avec le diable (17 mai 1942) !

Il n’empêche que l’Angleterre, une fois guérie de ses errements par les dures leçons de la vie, et désireuse de sauver du naufrage, au moins, sa domination sur l’Inde, peut revenir au bercail tel un enfant prodigue. Le prophète de l’aryanisme ne lui fera aucun reproche et ne lui demandera par exemple aucune réparation de guerre (11 août 1942). Voilà qui suffit à démontrer que l’alliance japonaise est un pis-aller et que Hitler ne démord pas de son rêve d’un couple germano-britannique dictant sa loi au monde. Cela rétablirait une saine hiérarchie des races, pour mille ans au moins, en faisant des deux millénaires d’égalitarisme juif et chrétien une parenthèse à jamais refermée.

 

Napoléon, ou la lutte pour le continent, contre la mer...

« N’aurait pas dû céder à la tentation dynastique »

L’image de l’empereur français est très positive, en raison à la fois de son génie militaire, de sa politique hostile aux vieilles hiérarchies et sans doute aussi, comme vous le suggérez, de son ambition d’unir l’Europe contre tout danger venu de la mer. Une assez longue tirade, le 31 mars 1942, lui administre deux reproches. Par un attachement stupide à sa famille, il s’est compliqué infiniment la tâche en installant des parents incapables sur les trônes d’Europe ; surtout, il a manqué de logique et de sens politique en troquant le titre de Premier consul pour celui d’empereur, qui le ravalait au rang des vieilles monarchies qu’il avait mises au pas.

 

Frédéric II, Bismarck et autres référents historiques

« Le plus surprenant :

une réhabilitation de Metternich »

Hitler montre une grande admiration pour Frédéric II de Prusse, dont il avoue d’ailleurs lire pour la première fois certains textes - ce qui trahit probablement un souci d’imitation motivé par la crainte de se retrouver dans une situation aussi périlleuse que celle du Vieux Fritz en 1759, après la défaite de Kunersdorf qui ouvrait aux Russes la route de Berlin. Hitler trouve en lui un modèle de ténacité, en même temps qu’il l’admire pour sa politique intérieure, dure aux Juifs et aux arrivistes tout en tenant les Églises en respect. Il le critique tout de même lorsqu’il déclare qu’il est mort à temps, car les réformes anti-aristocratiques des décennies suivantes, que Hitler approuve, l’auraient mis en rage (26 février 1942).

Bismarck est encensé pour sa politique d’unification, dont Hitler se veut le continuateur dans un cadre beaucoup plus large, pour ses réformes sociales qui renforçaient la cohésion nationale en coupant l’herbe sous le pied des socialistes, et pour l’habileté de sa diplomatie. Il accable Guillaume II pour ne l’avoir pas utilisé comme conseiller jusqu’à son dernier souffle, et pour avoir failli dans tous ces domaines. En outre, alors qu’il reconnaît à certains monarques ou à certains aristocrates une fierté et un savoir-vivre de bon aloi, il n’a que mépris pour les rustres manières du dernier empereur.

Le plus surprenant est une réhabilitation de Metternich, le chancelier inamovible de l’empire d’Autriche depuis l’époque napoléonienne jusqu’à la révolution de 1848. Elle survient le 14 juin 1943, en une période où les propos ne sont plus notés que très irrégulièrement. Hitler dit que Metternich a été vaincu mais qu’il a fait de son mieux, dans des temps qui n’étaient pas mûrs car la voie empruntée par Bismarck vers l’unité allemande n’était pas ouverte ; du reste, ajoute-t-il, Bismarck aussi aurait pu être vaincu, et sa mémoire maudite. Je fais l’hypothèse qu’il y a là un plaidoyer pro domo, de la part d’un dirigeant qui s’apprête à jouer son va-tout dans la bataille de Koursk.

 

Têtes couronnées, aristocrates et bourgeois

« Mépris pour les rois,

méfiance envers la bourgeoisie »

Une kyrielle de rois défilent dans les Propos et peu trouvent grâce aux yeux de Hitler. C’est encore la dynastie bulgare qui s’en tire le mieux, Ferdinand, le roi de la guerre précédente, étant considéré comme parfait (il vit alors en Allemagne, et rencontre Hitler à Bayreuth) et son fils Boris étant regardé avec bienveillance même s’il ne satisfait pas tous les désirs du Reich (et peut-être en partie à cause de cela). C’est dans l’ensemble une impression de paresse, de parasitisme et de dégénérescence qui se dégage de cette galerie de portraits, le plus piquant étant que Michel de Roumanie, qui d’après Hitler n’a jamais appris correctement son métier de chef d’État - il vit toujours en 2016 -, est revenu à Bucarest et vient d’écarter son petit-fils de la succession au trône, toujours revendiqué, sans donner de motif mais on dit que c’est à cause de son dilettantisme.

Les aristocrates en général sont critiqués, mais point jetés pour autant. Il ne faut pas qu’ils dirigent, mais s’ils se laissent diriger on serait sot de se priver de leurs services. Ainsi Hitler n’a pas un mot contre les Junkers prussiens qui peuplent la haute hiérarchie de la Wehrmacht et, quand il la critique, c’est toujours en bloc, nobles et roturiers confondus. À peine peut-on soupçonner une critique indirecte quand il exalte deux généraux d’origine relativement modeste, Rommel et Dietl.

Sur la bourgeoisie, il est plutôt discret, n’exaltant guère les patrons qui participent de bon cœur à ses entreprises. C’est tout juste si on relève un mot aimable pour Ferdinand Porsche, le 22 février 1942. On trouve bien le nom de Krupp le 20 mai suivant, mais pour désigner les usines et vanter leurs ouvriers. Essentiel est le propos du 26 juillet 1942, où Hitler donne consigne à Bormann de trancher tous les liens qui pourraient exister entre les cadres nazis, notamment les Gauleiters, et les sociétés par actions ; il conte ensuite l’histoire d’un charlatan qui se prétendait inventeur et ridiculise le grand patron métallurgiste Mannesmann, qui s’était laissé prendre. L’épisode est à rapprocher des consignes relatives aux mesures draconiennes à prendre en cas de crise intérieure. Plus les difficultés militaires s’accumulent, plus Hitler se méfie de la bourgeoisie et prend soin de lui enlever tout levier politique.

 

L’Autriche et la Prusse, les Habsbourg et les Hohenzollern

« Les Allemands d’Autriche, de vrais Anglais »

Aux considérations précédentes il convient d’ajouter, en date du 29 août 1942, un éloge de la monarchie autrichienne propre à surprendre les lecteurs de Mein Kampf. Hitler ne revient certes pas sur sa condamnation de la politique des Habsbourg avant 1914, il la réaffirme même, en disant que le suffrage universel a tout gâché ; mais c’est pour affirmer qu’auparavant les Allemands d’Autriche s’étaient conduits comme de véritables Anglais, en se montrant capables d’imposer la dictature d’une minorité de race supérieure à des Slaves et à des Magyars. Il ne prône cependant pas un succédané d’Autriche-Hongrie pour faire revenir sous une autorité allemande les Croates ou les Ruthènes, mais entend donner ce précédent en modèle à la jeunesse allemande, qu’il s’agit à présent de faire camper aux extrémités de l’empire.

 

Vienne et Linz, villes-repères devenues villes du Reich

« Linz doit devenir la nouvelle perle du Danube »

Vienne fait l’objet de sentiments mêlés. Hitler veut, en Autriche, favoriser essentiellement Linz, sa ville d’enfance, qui doit devenir la perle du Danube en éclipsant, notamment, Budapest. Il revient à plusieurs reprises sur les monuments et les équipements qu’il y fera construire. Vienne devra être seulement nettoyée, elle est censée avoir, comme monuments, ce qu’il lui faut. Elle restera cependant un centre culturel important. Berlin non plus ne sera pas favorisée, sinon en tant que capitale politique, rebaptisée Germania. Le propos du 8 juin 1942 voit apparaître pour la première fois, jusqu’à plus ample informé, le projet de ce changement de nom.

 

Les peuples et espaces russe et slaves

« Des "sous-hommes"

à forte croissance démographique »

Les Slaves, russes ou non, sont catalogués avec insistance comme des sous-hommes auxquels, dans toutes les régions sous influence allemande, il ne faudra surtout pas donner une éducation autre que primaire. Pour dissiper le cauchemar de leur croissance démographique plus forte que celle des Aryens, il faudra les priver de médicaments et d’éducation sanitaire, sinon en matière de contraception, et on leur volera les enfants d’apparence aryenne, présumés descendre d’une souche germanique, pour les élever dans le Reich. On pourra aussi jouer un peu sur les délimitations ethniques. On apprend ainsi le 12 mai que les Tchèques, que Hitler a l’intention d’intégrer dans le Reich tout en les surveillant de près, ne seraient pas slaves mais « mongoloïdes » et que les Croates, en raison d’une « empreinte dinarique totale », sont germanisables même si pour des raisons politiques on n’en fait pas des Allemands. Il existe aussi, aux confins de la Prusse et de la Saxe, une vieille région allemande, la Lusace, dont la population est proche des Tchèques par la langue ; d’après Hitler, qui en parle le 6 août 1942, ces « Serbo-wendes » n’ont rien à voir non plus avec les Slaves.

 

Géostratégie et autosuffisance économique

« Le Reich n’importera plus rien... sauf le café »

Le projet nazi qui prend forme ici consiste à faire de l’Europe une entité autosuffisante, qui n’aura rien à importer sauf le café, puisque l’hévéa lui-même est censé pouvoir s’acclimater en Crimée, pour couvrir les besoins continentaux de caoutchouc naturel. Le pétrole viendra du Caucase et les richesses multiples de l’Ukraine afflueront vers le Reich par le train, l’autoroute et la voie d’eau. Cette entité ne craindra personne sur le plan militaire, puisque la Grande-Bretagne, enfin assagie, fera bonne garde sur les mers et l’armée allemande sur la frontière asiatique, où l’on pourra compter aussi sur des paysans-soldats. Une ceinture de pays-sentinelles complètera le dispositif, déchargeant l’Allemagne d’une partie des soucis de défense : outre la Grande-Bretagne, elle comprendra la Finlande, la Turquie, la Croatie et l’Italie.

 

Limites et organisation du « Grand Reich »

« Un maître-mot : décentralisation »

L’annexion à l’Allemagne des pays scandinaves, hormis la Finlande, se précise de plus en plus. Celles des Flandres et du pays tchèque également. Le sort de la Wallonie et de la Suisse est moins clair. Vers l’est, la frontière envisagée varie au gré des fluctuations militaires, et du même coup la survie et les limites d’un État russe, ainsi que son éventuelle division, restent dans le vague. Les espoirs de paix jouent aussi leur rôle : ils sont à leur zénith dans l’automne 1941, après la conquête de l’Ukraine occidentale, et on voit brièvement apparaître l’idée qu’on pourrait laisser survivre le régime stalinien lui-même, en Sibérie et sur un portion restreinte de son territoire européen antérieur. Ces considérations disparaissent en 1942 car jusqu’à la brusque interruption des notes le 7 septembre il n’est question que de vaincre et non de traiter, tandis que l’espoir d’en finir avant l’hiver s’amenuise.

Quant à l’organisation de ce Reich élargi, le maître-mot en est : « décentralisation ». Les Gauleiters et leur connaissance du terrain sont exaltés, les bureaucraties berlinoises raillées, mais il ne faudrait pas s’y méprendre : si une certaine diversité culturelle est tolérée voire souhaitée, c’est pour mieux assurer l’uniformité politique, garantie par tout ce qui est centralisé en matière d’idéologie, de presse et de formation des cadres. La justice, également, sera guidée nationalement et on suit à la trace le processus qui conduit à la réorganisation du ministère sous la direction d’Otto Thierack. Après avoir égrené des avis sur différents verdicts pendant des mois, Hitler ramasse le tout en un long sermon en présence du nouveau ministre et de son adjoint, dont il vient de signer les nominations, le 20 août.

 

La « Question juive » : points de bascule

« Hitler met l’accent

sur le malheur passé d’Allemands

pour justifier la vengeance en cours »

On peut suivre pas à pas la décision du judéocide au cours de l’automne 1941, par des tirades de plus en plus haineuses et cruelles qui culminent fin octobre - la décision de tuer tous les Juifs qu’on peut atteindre étant probablement signifiée à Himmler par Hitler le 9 novembre. La conférence de Wannsee, le 20 janvier, où la planification se met en place, est saluée par de nouvelles bordées d’insultes antisémites appelant à des mesures radicales, les jours suivants. Ces deux pics ne se renouvelleront pas, ni en mars lorsque commencent les gazages massifs, ni en juin lorsque, après le meurtre de Heydrich à Prague, Himmler donne l’ordre d’accélérer le processus. L’antisémitisme se fait plus diffus et il faut un œil exercé pour entrevoir la conséquence assassine des raisonnements, ainsi le 29 mars lorsque la Hanse est censée avoir représenté un âge d’or des fabrications et du commerce allemands que les Juifs seraient venus gâcher : il faudra remédier à ce désastre… mais la tirade s’achève sur l’affirmation que « la destruction de la Juiverie » est un préalable indispensable. Hitler revient aussi à plusieurs reprises sur le malheur des Allemands contraints, au cours des siècles passés, à l’émigration ; il exagère grandement leur mortalité, notamment pendant le transport, ce qui sonne, aux oreilles initiées, comme une justification de la vengeance en cours.

 

Du rôle de l’État dans le façonnement de la culture

« Pour une décentralisation coordonnée »

La décentralisation culturelle est vantée par le Führer, et les villes grandes ou moyennes encouragées à développer orchestres, théâtres et musées, mais là encore le centre n’abdique pas tous ses pouvoirs, comme en témoignent à Munich la Maison de l’art allemand, ou le projet hitlérien de réduire à deux ou trois le nombre des académies de peinture.

 

Franco, l’Espagne et l’Église catholique

« Il est craint - à tort - un basculement

de l’Espagne dans le camp allié »

Il est très peu question de l’Espagne et de Franco avant juin 1942 et beaucoup, en revanche, à partir de cette date. Cela reflète les inquiétudes de Hitler quant au devenir d’un pays dont la neutralité officielle penchait ouvertement en faveur de l’Axe, mais dont l’évolution de la guerre et la perspective d’une arrivée en force des États-Unis sur le théâtre euro-africain rendent la fidélité incertaine. La bête noire de Hitler est Ramon Serrano Súñer, le ministre des Affaires étrangères, suspecté d’être l’homme de l’Église catholique dans le gouvernement et de préparer un retournement pro-occidental. D’où des propos sévères à l’égard de Franco, qui serait incapable de tenir son monde et son cap. Hitler fait preuve sur ce dossier d’une ignorance étonnante, notamment en ne comprenant pas que l’influence de Serrano est en baisse ; il est d’ailleurs remplacé le 3 septembre 1942 et quitte à jamais la vie politique.

 

Les Églises, le religieux et la spiritualité

« D’après Hitler, son mouvement est « spirituel » ;

il réprouve l’athéisme »

Hitler prétend que son mouvement est « spirituel » et il réprouve l’athéisme. Il emploie souvent des termes qui évoquent un dieu personnel, comme Providence ou Créateur. Il existe donc un au-delà qui intervient dans les affaires humaines, notamment les siennes, en soutenant ses entreprises ou en le laissant commettre des erreurs qui se révèlent salutaires. Mais cet au-delà est inconnaissable, et la bonne attitude, en matière de religion, consiste à rester fidèle aux lois de la nature - celles, surtout, qui établissent l’inégalité des individus et des races.

 

La place des femmes dans le grand dessein national

« Hitler n’est pas pour les enfermer

entre les murs du foyer »

Hitler parle souvent de la mère allemande et exalte son rôle. Celui-ci ne se déroule pas nécessairement dans un cadre familial  : il y a forcément un grand nombre de naissances hors mariage lorsque, pour sa plus grande satisfaction, une unité SS « rafraîchit le sang » dans une région, une situation qu’il évoque le 23 avril et le 12 mai. Cependant les femmes jouent aussi, sans qu’il ait l’air de le regretter, un rôle croissant dans l’économie et il conçoit qu’alors elles fréquentent les cafés toutes seules (entrée du 23 juin 1942). Et s’il déteste les voir se lancer dans des discussions politiques, il tient à ce qu’elles ne soient pas dépolitisées. Il regarde même les membres du Service du travail féminin comme d’utiles vecteurs de la modernité lorsqu’elles vont l’été aider aux travaux des champs et semer le désordre dans les constructions matrimoniales des paysans (21 août 1942) ! Il ne dédaigne pas non plus les coutumes rurales du mariage à l’essai. Si, en raison de leur vocation maternelle, les femmes lui semblent plus faites que les hommes pour les tâches répétitives comme la dactylographie ou l’enseignement primaire, et s’il trouve normal qu’elles se laissent, à 18 ou 20 ans, façonner par un mari « comme de la cire » (entrée du 25 janvier 1942), il ne prône donc pas leur enfermement entre les murs du foyer et exalte même, à titre exceptionnel il est vrai, certaines créatrices comme Leni Riefenstahl ou la peintre Angelica Kaufmann.

 

De certains partenariats... ou le racialisme à géométrie variable

« Un objectif majeur : faire céder l’Angleterre »

Cette question renvoie à ce qu’on disait plus haut sur l’Angleterre, provisoirement traîtresse à la race aryenne. L’Allemagne est obligée de compenser cette défection par un rapprochement croissant avec le Japon d’une part, et le monde musulman de l’autre. D’un côté, un peuple de gens plutôt petits et noirs de poil, aux antipodes de la grandeur et de la blondeur, sans même parler de la couleur de peau qui évoque encore moins les Vikings, de l’autre, carrément, des Sémites, dont les traits se distinguent souvent malaisément de ceux de certains Juifs.

Outre la soif d’alliances, ces rapprochements satisfont le besoin de menacer l’Angleterre, en espérant la faire céder. Par exemple, lorsque retombent les espoirs de paix du côté soviétique avec l’arrêt de l’offensive devant Moscou et le début de la contre-attaque de Joukov, la Providence semble faire un signe de sens contraire avec l’attaque japonaise de Pearl Harbor. Les États-Unis sont encore loin, en effet, de pouvoir menacer l’Europe allemande, tandis que le Japon peut faire très vite très mal à une Grande-Bretagne qui avait dégarni ses défenses du Pacifique pour se concentrer sur l’Allemagne, et au Premier ministre qui avait promu cette aventureuse politique.

Le mois de janvier voit Hitler exprimer de nouveaux espoirs de paix avec Londres et lorsqu’à la fin du mois Churchill revient des États-Unis en ayant consolidé son alliance avec eux, les insultes contre lui ne connaissent plus de frein. Hitler reporte alors ses espoirs sur la chute de Singapour, après laquelle il espère que la menace qui pèse désormais sur l’Inde entraînera enfin, dans la couche dirigeante britannique, le revirement attendu.

Quant aux Arabes, il se hâte lentement de soutenir leurs revendications anti-anglaises, en compromettant les chances de Rommel de prendre l’Egypte par son refus d’attaquer Malte, pivot essentiel des attaques anglaises contre les navires ravitaillant l’Afrika Korps.

 

Le sens donné à son action à la tête de l’Allemagne : considérations messianiques, eschatologiques...

« Hitler se présente comme un Christ...

ou un Antéchrist »

Il n’y a pas, dans la religion nazie, d’eschatologie mais bien plutôt une conception cyclique de l’Histoire : le Reich lui-même est censé durer mille ans et ensuite, advienne que pourra ; même si cela ne figure pas dans les Propos (sans doute parce que l’heure est à se battre dos au mur, en soutenant le moral des troupes, et non à imaginer la fin), on peut ici rappeler le témoignage d’Albert Speer : “Le dessein d’Hitler était de créer des effets temporels et des témoins durables. Il avait coutume de dire que si, dans quelques siècles, son empire s’écroulait, les ruines de nos constructions témoigneraient encore de la force et de la grandeur de notre foi.

Le messianisme, en revanche, est présent d’un bout à l’autre dans le discours hitlérien. Il se présente comme un Christ ou si l’on préfère un Antéchrist, envoyé par la Providence pour sauver une humanité qui courait à l’abîme, tout en dirigeant un pays précis au mieux de ses intérêts égoïstes. Sa phrase la plus claire à cet égard est prononcée le 14 octobre 1941 : « Je ne peux pas dire qu’en ces années de guerre l’idée que je ne suis pas indispensable se soit fortifiée en moi. »

 

Atouts... puis insuffisances de la « race allemande » confrontée à la défaite

« Il faut un recours large à la peine de mort

pour anticiper les conséquences des difficultés

rencontrées sur le front »

Hitler exalte souvent des gens du peuple et notamment des ouvriers, parfois en trichant comme lorsque le 10 mai 1942 il dit avoir admiré, lors du lancement d’un navire, les travailleurs allemands par opposition aux travailleurs étrangers forcés (vraisemblablement surexploités, moins bien alimentés et soignés, etc.). Curieusement il est moins emballé par les paysans, censés, chez bien des auteurs nazis, incarner le meilleur de la race. Le 22 mai 1942, cependant, on le voit diviser la population allemande en trois : une élite de héros, une lie de bons à rien et, entre les deux, une masse flottante. Comme de surcroît les héros, à la guerre, cela meurt, la lie risque de prendre le dessus et d’entraîner la masse. Il faut donc, en prévision d’une crise interne provoquée par des difficultés sur le front, recourir largement à la peine de mort, même pour des délits qui en temps de paix seraient considérés comme mineurs.

 

La postérité et le jugement de l’Histoire

« Sur les moyens employés

pour atteindre ses fins, Hitler se moque éperdument

du jugement de la postérité »

Hitler prétend faire son devoir, notamment en matière répressive, dans un souci exclusif d’efficacité et en se moquant éperdument du jugement de la postérité. Celle-ci, en revanche, est censée apprécier le caractère épique de l’aventure hitlérienne, ainsi que les œuvres d’art de toute nature dont cette période aura permis l’éclosion (comme le dit, par exemple, un propos du 30 mai 1942).

 

P. II - 5 questions, François Delpla...

 

Quelle somme de travail votre édition de ces « propos intimes et politiques » de Hitler a-t-elle nécessité, et comment avez-vous opéré pour mener à bien un tel projet ?

Je connaissais, ou plutôt croyais connaître, l’ouvrage, ce qui permet de gagner un peu de temps ; cependant la traduction m’en a pris plus que prévu, tant celle de Genoud était fallacieuse. Le travail d’écriture proprement dit m’a pris un an et demi. Je me suis efforcé d’éclairer chaque allusion, en mettant à contribution la plus grande partie de ma bibliothèque et les  moteurs de recherche, et en bénéficiant de précieuses collaborations, notamment celle de Michel Schiffers. Mais mes commentaires ne sont qu’un premier défrichage et j’invite l’ensemble des historiens et des passionnés d’histoire à se saisir de cette source.

Vous avez à plusieurs reprises déploré qu’on ait négligé jusqu’à présent cette source précieuse d’informations sur le Troisième Reich et son chef, peut-être en mettant trop l’accent a contrario sur Mein Kampf. Qu’est-ce qu’une analyse sérieuse de ces documents - que vos ouvrages rendent accessibles et mettent bien en perspective - peut apporter à l’historiographie de cette époque à votre avis ?

Il y a dans l’historiographie un serpent de mer appelé le fonctionnalisme, qui consiste à parler le moins possible de Hitler quand on étudie les causes de telle ou telle décision sous le Troisième Reich. L’attribuer au dictateur serait trop facile, ce serait faire fi des causalités multiples, des complexités de l’appareil, de celles de la société etc. Comme tout bon serpent de mer, sa disparition est périodiquement annoncée et il refait toujours surface. J’ai bon espoir que la révélation de ce texte, dans toute sa pureté, contribue à ce qu’on le congédie une fois pour toutes, en mettant enfin Hitler à sa place de chef. Il ne s’agit justement pas de gommer les complexités de l’appareil mais de se souvenir que c’est lui qui l’a créé, et qu’il en use en orfèvre.

Quant à Mein Kampf, c’est un manifeste idéologique doublé d’un livre programmatique voire onirique, dont un quatuor de chercheurs munichois, travaillant à sa réédition, nous a fait toucher du doigt, plus que jamais, le caractère très personnel. Ces Propos mettent en scène une phase de travaux pratiques, en même temps que le rêve refait souvent surface dans toute sa pureté, et prend toute sa place pour guider les actes. Les deux œuvres reposent d’ailleurs sur un même socle, la vision raciste du monde déjà bien formée dans les premiers discours de Hitler, tout au long de l’année 1920. On y trouve la même propension à mettre à toutes les sauces la question juive, qu’il s’agisse de chercher des causes ou des remèdes à l’ensemble des maux dont souffre l’humanité. D’où, sans doute, la fréquence des références à la période d’avant le putsch de 1923, plus qu’à toute autre.

« Grande différence entre ces Propos

et Mein Kampf : ici, Hitler ne cherche plus

à dissimuler le statut d’ennemi majeur

qu’il confère au christianisme »

Le principal écart entre les deux livres tient sans doute à la dissimulation dont Hitler devait faire preuve, dans ses expressions publiques, en matière religieuse. La violence même du discours antisémite dans Mein Kampf a de quoi rassurer les chrétiens, qu’ils soient catholiques ou protestants : elle peut faire croire que Hitler ne s’oppose au monothéisme que dans son incarnation juive et promeut, au contraire, sa version chrétienne. À l’approche du pouvoir, du reste, et pendant toute la durée de son gouvernement, Hitler laisse son lieutenant Rosenberg développer des théories païennes, et encaisser les foudres vaticanes ou celles de l’Église confessante, en se tenant en retrait de ces querelles. Or devant son cercle d’intimes, à l’approche d’une victoire espérée, il jette le masque et donne au christianisme un statut d’ennemi principal – une fois les adversaires militaires vaincus ou assagis, et les Juifs anéantis. Il faudra certes doser soigneusement la violence et la souplesse, mais le cap d’une disparition assez rapide du christianisme est clairement indiqué, et son incompatibilité avec le nazisme hautement affirmée.

Qu’avez-vous appris, découvert au cours de la réalisation de ce travail ?

Une bonne partie de ce que je dis plus haut, même si j’ai aussi trouvé des confirmations de découvertes faites auparavant. Par exemple, le vif espoir de paix que Pearl Harbor engendre chez Hitler, en raison du pistolet braqué par le Japon sur le cœur de l’Extrême-Orient britannique, voilà qui ne m’avait jamais effleuré et que seule une fine étude de ses réactions au jour le jour pouvait faire apparaître. Ou encore, l’équilibre subtil entre centralisation et décentralisation dans le mode de gouvernement nazi et l’importance primordiale, dans ce processus, des Gauleiters. J’ai également découvert des personnalités peu connues, dont j’estime que le rôle doit être approfondi de façon urgente, comme Hartmann Lauterbacher, un dirigeant de premier plan de la Jeunesse hitlérienne devenu un pionnier de la Solution finale.

Est-ce que ce travail a contribué à, peut-être, modifier un peu l’image que vous vous êtes forgée de Hitler - et quelle est-elle à ce jour ?

Je pense comprendre un peu mieux comment il arrivait à diriger autant de choses. C’est qu’au fond le nazisme repose sur quelques idées simples, qui se déclinent de mille manières et dont l’application n’a besoin que de quelques impulsions ou inflexions de sa part, tant il dispose de collaborateurs spécialisés dans tel ou tel domaine, qu’il a séduits puis formés et qui lui obéissent aveuglément.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Ce travail a interrompu brusquement la rédaction d’un livre intitulé Hitler et Pétain… en même temps qu’il l’a fait souterrainement mûrir. Il est en effet beaucoup question de Vichy dans ces pages, directement ou indirectement, et la place de la France dans la stratégie hitlérienne s’en trouve vivement éclairée.

D’autre part, j’ai depuis vingt-cinq années foncé dans la recherche et l’écriture, sans accorder suffisamment de temps et d’énergie à la diffusion de mes points de vue (même si j’acceptais toute invitation à les exposer). Pendant la rédaction du Hitler et Pétain, et surtout une fois cet ouvrage terminé, j’envisage d’équilibrer davantage la recherche et la pédagogie, les prospections nouvelles et les débats.

 

François Delpla

Crédit photo : Paolo Verzone

 

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30 septembre 2016

« Quelle politique étrangère pour le prochain président américain ? », par Nicole Vilboux

Dans cinq semaines, le peuple américain élira son - ou sa ! - futur(e) Président(e). Les États-Unis constituant, faut-il le rappeler, la première puissance étatique du globe, et sans conteste la plus puissante que celui-ci ait connu au cours de la longue histoire des Hommes, cette élection aura comme chacune des élections américaines depuis au moins un siècle, des répercussions bien au-delà des frontières du pays. Et il semblerait qu’à l’occasion de ce scrutin-ci, la nation américaine, fatiguée des errements et atermoiements d’une politique étrangère qui, depuis quinze ans au moins, l’a conduite à s’engager massivement et en profondeur sur des terres qu’elle comprend mal (Afghanistan, Irak, etc...) et qui ne rentrent pas nécessairement dans le cadre de ses intérêts vitaux, se trouve à la croisée de chemins. Hillary Clinton, l’ex-secrétaire d’État candidate des démocrates, semble prôner la continuation d’un interventionisme affirmé des États-Unis dans les affaires du monde ; Donald Trump, le candidat issu des primaires républicaines, paraît lui tenir un discours qui le rapproche des courants isolationnistes.

Dans ce contexte, j’ai souhaité proposer à Nicole Vilboux, docteur en sciences politiques (Paris I), analyste spécialisée dans la politique de sécurité des États-Unis et les questions stratégiques, chercheur associé à la Fondation pour la Recherche stratégique (FRS) et chargée d’enseignement à l’Institut catholique de Paris, d’écrire pour Paroles d’Actu un article autour de la thématique suivante : « Entre interventionnisme et isolationnisme : perspectives de la politique étrangère, de défense et de sécurité américaine à l’approche des élections de 2016 ». La proposition datait du 30 juin ; son texte, très riche et éclairant sur les grands mouvements de la politique étrangère américaine, m’est parvenu le 26 septembre. Je l’en remercie vivement et recommande également aux lecteurs de lire, outre cette composition, mon interview de Nicole Bacharan (janvier) et celle de Thomas Snegaroff (août). Tout cela pour appréhender peut-être un peu mieux quelques données et enjeux clés de cette élection présidentielle américaine pas tout à fait comme les autres. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Uncle Sam war

Src. de l’illustration : beforeitsnews.com

 

« Entre interventionnisme et isolationnisme :

perspectives de la politique étrangère, de défense

et de sécurité américaines

à l’approche des élections de 2016 »

par Nicole Vilboux, le 26 septembre 2016

Comme lors de chaque élection présidentielle contemporaine aux États-Unis, les observateurs et experts des affaires internationales s’interrogent sur son impact potentiel sur la politique extérieure et de sécurité d’un pays qui demeure la première puissance mondiale. La question se pose d’autant plus lorsque le « sortant » ne se représente pas, ouvrant davantage de perspectives de changement dans les orientations. Les discours de campagne, prises de positions des candidats, comme le choix de leurs conseillers en matière de sécurité, sont donc scrutés avec attention, même s’il est toujours hasardeux d’en déduire la politique qui sera effectivement menée après l’investiture. Les évènements extérieurs et les contraintes intérieures se chargent fréquemment de modifier, plus ou moins significativement, les engagements de campagne. Cette année, l’analyse est en outre compliquée par la difficulté à cerner précisément le positionnement des principaux candidats dans un débat stratégique où les lignes de partage habituelles sont brouillées. Le seul paramètre réellement invariant par rapport aux élections précédentes est l’importance toujours secondaire des questions internationales dans les préoccupations des Américains. Mais c’est probablement leur intérêt de moins en moins grand pour l’implication dans les affaires du monde qui explique qu’une véritable perspective de réorientation de la politique extérieure soit cette fois envisageable.

Les positions des candidats : interventionnisme libéral contre néo-isolationnsime conservateur.

« Hillary Clinton paraît plus encline à appuyer

sa politique sur la force que Barack Obama »

Hillary Clinton se place dans la ligne traditionnelle du Parti démocrate, privilégiant dans son programme de campagne les problèmes intérieurs, économiques et sociaux. Sur les questions extérieures, elle s’inscrit largement dans la vision « internationaliste libérale », majoritaire au sein du parti depuis les années 1990, qui défend une conception de la sécurité fondée sur la promotion de la « démocratie de marché », passant de préférence par la coopération et l’influence mais sans exclure l’intervention directe lorsqu’il s’agit de défendre les valeurs occidentales. À cet égard, le discours de campagne d’Hillary Clinton marque même un retour à l’interventionnisme libéral après une présidence Obama qui s’en est écartée, de par ses réticences à recourir à la force et à se référer aux idéaux américains dans la justification de ses choix stratégiques. Sur ces deux points, la candidate démocrate se démarque du sortant. Tout en restant fidèle au principe d’une action internationale « intelligente » (le « smart power » qu’elle a promu en tant que Secrétaire d’État), combinant la puissance militaire et la diplomatie, elle n’hésite pas à se montrer plus encline à appuyer sa politique sur la force, ce qui lui vaut d’être située parmi les « faucons ». De même, elle insiste sur sa conviction que l’Amérique demeure une nation exceptionnelle, disposant de capacités uniques et inégalées pour être « une force de paix et de progrès » (src. : Time.com) dans le monde. La réaffirmation de ce credo vise autant à contrer le discours de Donald Trump, qu’à prendre ses distances avec un Président accusé par les conservateurs d’avoir nié l’exceptionnalisme américain.

Le positionnement d’Hillary Clinton tend ainsi à la rapprocher des centristes républicains, quitte à dérouter une partie de son électorat (notamment les partisans de Bernie Sanders, à l’aile gauche du parti) aussi bien que certains experts libéraux qui s’emploient à relativiser les tendances interventionnistes (src. : Brookings.edu) que lui prête la majorité des observateurs. Toutefois, cela correspond à une volonté d’affirmer sa posture présidentielle (voir infra) et ce n’est pas une véritable rupture, ni avec la ligne majoritaire, ni avec les campagnes précédentes (comme celle de John Kerry en 2004).

« Donald Trump renvoie dos à dos les visions

internationalistes libérale et néo-conservatrice »

A l’inverse, la posture adoptée par le candidat républicain constitue une remise en cause notable de la ligne traditionnelle du parti en matière de politique extérieure. Lorsqu’il s’efforce de présenter un discours contruit sur ce sujet (src. : NYTimes.com), il emprunte de nombreux arguments au courant généralement qualifié de « néo-isolationniste », préconisant une réduction des engagements coûteux des États-Unis (en particulier des alliances de défense) pour le maintien de la sécurité internationale, afin de se recentrer sur l’entretien de leur prospérité (éventuellement par le recours au protectionnisme). Il peut adopter un style étonnamment réaliste, pour expliquer que sa politique destinée à placer « l’Amérique en premier » (America First policy) visera à « créer de la stabilité dans le monde ». De même lorsqu’il souligne que la prudence et la retenue sont des vertus naturelles d’une superpuissance, la formule pourrait venir d’un discours du « pragmatique » Barack Obama. Donald Trump affirme en outre rejeter les politiques interventionnistes qui prétendent diffuser par la force des valeurs « dont tout le monde ne veut pas ». Il renvoie ainsi dos à dos les visions internationalistes libérale et néo-conservatrice, qui ont abouti selon lui à semer le chaos de l’Irak à la Libye et à permettre le développement de « l’islamisme radical ».

Même si ses positions sont loin de constituer un argumentaire cohérent, l’investiture de Donald Trump a porté au premier plan les idées d’un courant néo-isolationniste qui avait été marginalisé chez les Républicains après la défaite de Taft face à Eisenhower lors des primaires de 1952. Même à l’issue de la Guerre froide, les partisans du repli n’étaient pas parvenus à modifier leur image de « paléo-conservateurs », incapables de comprendre qu’il n’y a pas d’alternative au leadership américain. Ressucitée par le mouvement du Tea Party, en réaction aux excès de la politique de George W. Bush, cette tendance a su profiter de l’éclatement du consensus interne (src. : NationalInterest.org), qui voit la coexistence plus ou moins pacifique de quatre groupes représentant l’ensemble du spectre des  idées : depuis les « hégémonistes » à tendance messianique (les fameux « néo-conservateurs »), jusqu’aux néo-isolationnistes, en passant par les hégémonistes « classiques » (pour qui la suprématie est nécessaire à la préservation des intérêts) et les internationalistes « réalistes » (qui privilégient une utilisation prudente de la puissance). Alors que ces deux courants étaient dominants durant la Guerre froide, leur influence n’a cessé de décliner depuis, laissant s’affronter les deux tendances les plus opposées au sein du parti, représentées lors des primaires par Marco Rubio d’un côté et Donald Trump de l’autre.

« Les positions de Trump sur la politique étrangère,

son comportement lui ont aliéné

de larges fractions de la "communauté

stratégique" conservatrice »

Bien qu’il l’ait emporté, les divisions internes sur la posture internationale comme sur des questions intérieures, l’empêchent de bénéficier du soutien massif des républicains. Sa conception de la politique extérieure lui a certes aliéné une large fraction de la « communauté stratégique » conservatrice, dont une partie n’a pas hésité à se rallier à Hillary Clinton. Mais c’est plus encore son discours simpliste et son comportement erratique qui le discréditent auprès des experts.

Un débat centré sur les compétences du prochain Commandant en chef.

Pour Max Boot (src. : ForeignPolicy.com), Donald Trump n’est qu’un « démagogue », dont la vulgarité, l’ignorance et « l’admiration pour les dictateurs » représentent un véritable risque, car ce genre d’individus « a tendance à agir une fois en fonction comme il l’a annoncé lors de la campagne ». Or, l’essentiel de ses discours en matière politique de sécurité se compose effectivement de prises de position péremptoires, à forte dimension émotionnelle ou morale, et de propositions de solutions simples et radicales à des problèmes compliqués. Donald Trump annonce ainsi que sous son mandat, la « domination militaire » américaine sera « incontestée », qu’il sera « absolument possible » d’apaiser les tensions avec la Russie et de faire de la Chine « un meilleur ami », sans préciser par quels moyens il y parviendra. De même il affirme avoir « un plan » pour vaincre Daech rapidement, dont il refuse toutefois de préciser le contenu, afin de conserver l’avantage de la surprise sur l’adversaire.

S’il n’est pas le premier candidat à manifester une certaine méconnaissance des dossiers internationaux (on peut songer à Ronald Reagan ou George W. Bush chez les républicains contemporains), il est le seul à compter ouvertement sur son « sens des affaires » et son « très bon cerveau » (src. : Politico.com) pour compenser cette faiblesse. Loin de chercher à rassembler une équipe de conseillers susceptible de donner de la substance à son programme de politique extérieure, il adopte une attitude typiquement populiste : il marque sa préférence pour des personnes apportant « des approches et des idées pratiques » plutôt que les spécialistes ayant « de parfaits CV », qui « paraissent bien » dans le New York Times, mais « ne savent franchement pas ce qu’ils font ». Il affirme donc vouloir renouveler les responsables des questions internationales et de sécurité dans une « administration Trump », allant jusqu’à suggérer des changements (en réalité difficilement envisageables) au sein de la hiérarchie militaire, déconsidérée sous la présidence Obama. Toutefois, les quelques experts civils et militaires qui se présentent actuellement comme ses conseillers sont loin de constituer « du sang neuf », ou d’offrir une perspective politique cohérente.

« En s’attaquant au jugement des "experts",

Trump surfe sur le rejet d’un establishment auquel

on associe Clinton ; ce rejet est fortement

perceptible dans l’opinion »

En mettant en cause le jugement des experts, Donald Trump va dans le sens du rejet de l’establishment, fortement perceptible dans l’électorat républicain comme démocrate, et qui joue en défaveur de la candidate démocrate. Il peut reprocher à Hillary Clinton d’être en partie responsable du « désastre complet » qu’est la politique extérieure de l’administration Obama. Mais bien que de nombreux conservateurs partagent ce point de vue (src. : NationalReview.com), elle a réussi à se faire reconnaître par une partie significative d’entre eux comme plus compétente et raisonnable que le candidat républicain. Une majorité d’Américains considère qu’elle est « la personne la mieux préparée à devenir Président », pour reprendre la formule de Madeleine Albright (l’ex-secrétaire d’État durant le second mandat de Bill Clinton, entre 1997 et 2001, ndlr). Ses discours de campagne mettent l’accent sur l’importance du tempérament et des qualifications des candidats qui sont appelé à exercer les responsabilités de « Commandant en chef ». Ce sujet est important dans la mesure où les États-Unis sont toujours en guerre et le resteront certainement pour la durée du prochain mandat. Les républicains bénéficient généralement d’une plus grande confiance de l’électorat lorsqu’il s’agit d’entretenir la puissance militaire et de l’utiliser.

Mais Hillary Clinton s’emploie à changer les perceptions classiques, d’une part en exposant sa maîtrise des dossiers, qu’il s’agisse de la guerre en Syrie ou de la prise en charge des vétérans. Appuyée sur un réseau d’experts (src. : ForeignPolicy.com) qui couvre pratiquement tous les centres de recherche de tendance libérale, elle manifeste également son intention de dépasser le clivage partisan en réunissant des personnalités conservatrices et démocrates pour réfléchir aux enjeux. Elle a ainsi organisé en septembre une journée d’étude consacrée à la stratégie de lutte contre le terrorisme, à laquelle participait une quinzaine d’experts  : diplomates, militaires comme le général Petraeus ; anciens responsables politiques comme Janet Napolitano. Son site de campagne explique qu’elle entend être prête dès le premier jour de son mandat à traiter un problème de sécurité majeur. Elle souligne d’autre part l’expérience acquise en tant que sénatrice (membre de la commission des Forces armées) et surtout secrétaire d’État (de 2009 à 2013), rappelant qu’elle a été dans la « Situation Room » aux côtés du Président Obama lorsqu’il a eu à prendre des décisions cruciales, telles que l’élimination de terroristes.

« L’expérience de Clinton ne semble pas suffire

à lui conférer un avantage décisif

auprès de l’opinion »

Malgré le contraste évident avec l’inexpérience politique, et plus encore internationale, de son adversaire républicain, Hillary Clinton ne réussit pas à s’imposer auprès de l’électorat comme le meilleur « commandant en chef » potentiel. Une enquête (src. : TheHill.com) effectuée en septembre montre qu’elle est jugée légèrement plus compétente que son concurrent par une majorité de la population générale, mais que l’opinion est inverse dans la communauté militaire (incluant les personnels d’active et les vétérans). En fait, ceux-ci préfèrent à 37% le candidat du mouvement libertaire, Gary Johnson, suivi par Donald Trump (30%), puis Hillary Clinton (24%). Les sondages montrent surtout que le débat sur les qualifications en matière de sécurité nationale a conduit les Américains à douter des deux adversaires. Pour des raisons différentes, leur personnalité suscite autant de méfiance chez une grande partie des électeurs et la différence d’expérience politique ne suffit pas à donner l’avantage à Hillary Clinton.

Un contexte favorable à la révision des orientations stratégiques internationalistes.

La place secondaire des enjeux internationaux dans les préoccupations des Américains peut expliquer que le positionnement internationaliste d’Hillary Clinton ne lui serve pas. Même si les attaques terroristes aux États-Unis (San Bernardino en décembre, New-York en septembre) ou en Europe contribuent à placer épisodiquement le terrorisme en tête des enjeux électoraux, l’ordre des priorités redevient vite classique. L’économie reste le problème privilégié pour 35% des Américains (src. : Gallup.com) en août, la sécurité nationale n’étant une préoccupation que pour 7% des personnes sondées par Gallup. Parmi les sujets internationaux, le terrorisme est le plus important, les autres aspects de la politique extérieure étant ignorés.

Ce manque d’intérêt est habituel, mais il est renforcé par l’évolution de la perception du rôle que les Etats-Unis devraient tenir dans le monde, dans la mesure où une majorité d’Américains estime depuis 2013 qu’ils devraient se concentrer sur leurs problèmes (src. : People-Press.org) et laisser les autres pays gérer les leurs. En fait, Stephen Walt relève dans un article de septembre (src. : ForeignPolicy.com), que depuis la fin de la Guerre froide, les Américains ont constamment élu des présidents qui promettaient une politique extérieure modérée, un engagement limité et une restauration des bases intérieures de la puissance. Chaque campagne, de Bill Clinton jusqu’à Barack Obama, s’est faite sur le rejet d’une implication excessive de l’administration précédente dans les affaires du monde. Mais aucun président n’est parvenu à modifier réellement la ligne internationaliste que suit le pays depuis les années 1950.

« Dans un sondage paru au printemps 2016,

70% des personnes interrogées souhaitaient

un recentrage sur les affaires intérieures »

Avec encore 70% des personnes interrogées au printemps 2016 qui souhaitent un recentrage sur les affaires intérieures, il n’est pas étonnant que les deux candidats se fixent comme priorité la restauration des bases de la puissance, même s’ils envisagent des manières différentes d’y parvenir. Pour Hillary Clinton, cela doit néanmoins servir à soutenir le leadership indispensable des États-Unis sur la scène internationale, ce qui revient à poursuivre la ligne internationaliste traditionnelle. Pour son adversaire, la restauration de la puissance, économique et militaire, semble être une fin en soi, dans la mesure où il est difficile de savoir comment il l’utilisera. Les tendances « néo-isolationnistes » de son discours ouvrent la perspective d’un désengagement correspondant aux aspirations d’un nombre croissant d’Américains, comme en témoigne le score honorable du candidat libertarien dans les sondages. Mais la plupart des prises de position de Donald Trump permettent de douter de son aptitude à mener une politique de repli réaliste, de type « jeffersonien ». Il s’agirait plutôt d’une forme de la tradition nationaliste « jacksonienne » (src. : The-American-Interest.com), décrite par Walter Russell Mead, fondée sur le rejet des contraintes et institutions internationales au profit d’une défense sourcilleuse des intérêts souverains, appuyée par l’entretien d’une suprématie militaire « indiscutée ». Cette option ne serait probablement pas celle que souhaite la majorité des électeurs, mais elle constituerait effectivement une rupture d’envergure dans la politique extérieure des États-Unis.

 

Nicole Vilboux

 

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28 septembre 2016

Alain Duverne : « Le physique de Chirac a joué beaucoup pour sa carrière »

La fidélité de l’ami Alain Duverne, géniale maman des Guignols, artiste aux doigts d’or et à la pensée féconde, à Paroles d’Actu m’est précieuse : après notre longue interview de février 2013, il avait encore accepté, deux années plus tard, après la tragédie Charlie, de prendre la plume pour composer autour de la question d’actu,  « Peut-on rire de tout ? ».  On est toujours restés en contact, ce qui me ravit à chaque fois que j’y pense.

Le soir de la triste disparition d’Alain de Greef, l’ancien patron des programmes de Canal+ et papa des Guignols (son interview Paroles d’Actu est à lire ou à relire ici), le 29 juin 2015, j’avais eu à cœur de lui envoyer un petit message de sympathie et lui avais demandé une réaction ; elle ne s’était pas fait attendre et fut accompagnée d’une photo touchante des deux Alain prise un peu plus d’un an auparavant. Je n’avais jusqu’à présent publié ni l’une ni l’autre, cet article m’en donne l’occasion, et avec elle celle d’une évocation de ce grand bonhomme de la télé que fut Alain de Greef. Quelques lignes, efficaces et qui comme toujours avec lui savent aller à l’essentiel. « En économie, les Trente Glorieuses ont été une rare comète de croissance ; Alain, avec ta modeste et souriante faconde, tu as illuminé dans Canal+ une comète de-bien être dans la morosité française. Nous sommes des millions à te remercier. »

Les Alain

Un peu plus de deux mois après, en septembre, à la suite des grands chamboulements décidés à Canal+ par son patron Vincent Bolloré, je lui avais demandé ce qu’était pour lui l’esprit Canal ; sans surprise sa réponse fut franche et pas encombrée de bien-pensance : « J’ai peur de décevoir en décrivant l’esprit Canal. Il a donné un reflet flatteur à la nouvelle classe sociale nommée bobocratie. Du pain et des jeux, ici et maintenant, décontract’, en toutes amitiés avec les gentilles politiques de gauche qui nous protègent,  et nous libérent des soucis d’avenir. »

Ces quelques derniers jours, par-delà les clivages politico-partisans, on est nombreux à avoir une pensée pour l’ex-Président Jacques Chirac, en proie à de très sérieux soucis de santé. Chirac, c’est un peu notre jeunesse (votre serviteur avait 10 ans quand il a pris l’Élysée, 22 quand il l’a quitté), et il dégageait quelque chose de bienveillant, de « sympa ». Il a été et restera peut-être comme « la » vedette historique des Guignols. J’ai tout naturellement que j’ai proposé à Alain Duverne d’écrire quelques mots sur lui et sa marionnette, tout cela étant précédé d’une réflexion sur un de ses grands chevaux de bataille, la tyrannie de la grammaire et de l’orthographe dans le français. Merci cher Alain pour cette nouvelle marque de confiance ; au plaisir de vous donner la parole pour évoquer vos projets à venir - et d’avenir ! Une exclu Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

*     *     *

 

Sur la langue française

Les Français sont un peu plus schizophrène que les autres peuples, parce qu’à l’âge de leur initiation, on les plonge dans le dogme orthographique en leur faisant croire que c’est de la culture. En fait, l’orthographe est une immense culture pour les linguistes et les historiens qui ont là, les reliques de dix siècles d’histoire de l’écrit des langues européennes, mais pas pour les gamins de huit ans !

« La langue appartient au peuple, mais

l’orthographe déraisonnable appartient à l’État »

Pour les enfants malheureusement, c’est de la pure obéissance à l’État. Ils doivent obéir sans comprendre, sans poser de question et sans se poser de question. La langue appartient au peuple, mais l’orthographe déraisonnable, opaque et filandreuse appartient à l’État. La Révolution française a gardé la même instruction pour les enfants que l’instruction monarchique précédente. L’orthographe, la plus dogmatique des religions, forme des monoglottes orthographeurs franco-français. Mais les jeunes s’en balancent, ils préfèrent avoir une belle syntaxe, plus de vocabulaire, apprendre la musique, etc. Ils pensent que les correcteurs des ordis sont bien suffisants.

Pourquoi perpétuer cette tyrannie de l’orthographe grammaticale et lexicale alors que l’enfant, à quatre ans, a déjà acquis l’essentiel de la grammaire de sa langue maternelle ? Confondre la grammaire que tous les enfants acquièrent brillamment et joyeusement dans leurs premières années, avec l’orthographe grammaticale et lexicale, qui en dégoûte un sur deux plus tard, est en effet une brouille que la névrose orthographique française entretient. Il y a de grands noms et de grands savants qui ont vilipendé l’orthographe. D’autres, avec moins de discernement, disent que c’est la science de l’âne. Ils ont tort, car il faut apprécier d’autant plus les ânes qui, comme les zèbres ou comme les chats, ne se laisseront jamais domestiquer par l’homme. Ce n’est pas le cas de ces chevaux qui obéissent aux leurres de leur dressage.

Dans la francophonie, voulons-nous développer la clarté et le rayonnement de la pensée… grâce aux accords du participe passé ?

 

Sur Chirac, sa marionnette, et les rumeurs

La confusion entre l’affect et la raison des Français est la principale nuisance dans notre démocratie.

Jacques Chirac qui s’est montré comme un sympathique Roi, ainsi une grande partie des gens l’aime mais déteste l’homme de “droite” qu’elle à dû réélire de force !

Je suis marionnettiste justement pour utiliser les marionnettes comme moyen pédagogique pour instruire mieux que des ministres, mieux que des profs… Mais ce fut autre chose :

Nous avons ri avec le Guignol de Chirac, et la rumeur populaire a dit que son Guignol l’a fait réélire !

Nous n’avons pas beaucoup ri avec le Guignol de Nicolas Sarkozy, facho et renégat excité, mais ici, la rumeur populaire n’a pas dit que son Guignol l’avait fait perdre ? Pourtant, Sarkozy aurait fait rire la France en un superbe Louis de Funès. C’est sous Sarkozy que les Guignols de Canal+ ont perdu beaucoup d’audience. Espérons que cette année ils reprennent de la vigueur.

 

Chirac Les Guignols

 

Quand j’ai modelé la marionnette de Chirac, je me suis inspiré aussi de vingt ans de travail des caricaturistes, ce qui explique aussi la réussite de cette marionnette.

« Le physique de Chirac a joué

beaucoup pour sa carrière »

(...) Chirac, comme tout bon acteur politique, est un personnage qui doit se montrer sympa au yeux du peuple. Physiquement, ses paupières en toit de chaume, l’on beaucoup aidé à exprimer la compassion et la mansuétude. A contrario, sa forte mâchoire et son sourire tiré vers l’arrière par le muscle buccinateur, montraient le combattant, voire le tueur pour ses rivaux. Ses lèvres charnues bien dessinées en faisaient un amant attractif. Le mythe de son appétit gargantuesque, avec une tête de veau pour son repas, le rapprochait d’un autre mythe français, celui du Gaulois. Sa grande protubérance nasale, carrossée comme un avant de TGV, le faisait arriver le premier sur les bons coups, y compris pour les coups sexuels. (Vous voyez où je veux en venir, avec son nez !) Ce qui veut dire que son physique a joué beaucoup pour sa carrière, quelle chance pour les Guignols de Canal+, dont il était la star !

 

Jacques et Bernadette

 

Utopique ?

Demandez-moi de vous modeler un président pour 2017 ?

Eh bien, je vous ferais tout autre chose, parce que je souhaite qu’il inspire aux Français d’être en politique plus raisonnables qu’affectifs, et que son “coefficient de binette” peopolisable ne soit pas pris en compte, puisqu’il n’est pas là pour jouer la comédie. On pourrait ne pas le connaître, il s’appellerait Le Huitième.

On s’informerait sur son travail parce qu’on sait écouter et lire. Il pourrait parfois être représenté par des comédiens. Nous serions dans une nouvelle ère, celle de la démocratique intelligente et de la politique de la raison. Fini l’affectif et les affects, laissons cela dans la famille, nous supportons de moins en moins d’être pris pour des gamins.

par Alain Duverne, les 22 et 26 septembre 2016

 

Alain Duverne 2016

 

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