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Paroles d'Actu

14 octobre 2015

Marie-Christine Arnautu : « L'idée de quitter le FN ne m'a jamais effleurée »

Marie-Christine Arnautu, conseillère municipale de Nice et eurodéputée, est depuis 2011 vice-présidente du Front national de Marine Le Pen. Elle compte aussi, depuis longtemps, parmi les proches de Jean-Marie Le Pen. Les conditions de l’exclusion par l’organe exécutif du parti - dont elle est membre - de son vieux leader historique, le 20 août dernier, n’avaient d’ailleurs pas manqué, à l’époque, de la faire réagir.

Par-delà les troubles internes au parti, déjà largement commentés (sur ce site notamment, voir : les interviews de jeunes militants FN et celle de Lorrain de Saint Affrique), j’ai eu envie d’interroger Mme Arnautu sur son engagement, ses convictions profondes et quelques points d’actualité, tant il est vrai que, toute vice-présidente du FN qu’elle est, on ne l’invite finalement qu’assez rarement dans les matinales. Ses réponses - dont je la remercie - me sont parvenues le 13 octobre sur la base de questions préparées dès la fin août. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Marie-Christine Arnautu: « L’idée de quitter

le FN ne m’a jamais effleurée »

 

Marie-Christine Arnautu

 

Paroles d’Actu : Bonjour Marie-Christine Arnautu. J’ai lu que vous vous êtes attelée il y a un peu plus de deux ans au toilettage et à la retranscription informatique d’écrits de Jean-Marie Le Pen, en vue d’un projet d’autobiographie. Qu’avez-vous « appris » que vous ne sachiez déjà à son propos lors de cet exercice ? Le projet dont on parle est-il toujours, à votre connaissance, d’actualité ?

 

Marie-Christine Arnautu : Avec Jean-Marie Le Pen, on n’en finit pas d’apprendre... J’avoue qu’en transcrivant la première partie de ses Mémoires, je me suis souvent surprise à chercher dans le dictionnaire la signification de tel ou tel mot, tant son vocabulaire est riche et précis.

 

« Les Mémoires de Jean-Marie Le Pen ?

C’est toujours d'actualité. »

 

Ce projet est plus que jamais d’actualité, même s’il reste un immense travail à faire. Je déplore le manque de temps pour m’y consacrer davantage et je vais tout faire pour y remédier. Les Mémoires de Jean-Marie Le Pen seront sans aucun doute un témoignage politique nécessaire sur toute une période de notre Histoire mais elles permettront aussi aux lecteurs d’avoir une vision de l’homme extrêmement différente de celle dépeinte dans les médias ou dans les multiples ouvrages écrits à son sujet.

 

PdA : Comment vous qualifieriez les liens qui vous unissent à cet homme, compagnon de route et de combats de longue date qui est aussi - ce n’est pas rien - le parrain de votre fille ?

 

M.-C.A. : Il m’est difficile de les résumer. Je l’ai rencontré à la veille de mes 21 ans, il fut donc pour moi un chemin de vie, une valeur d’exemple, tout comme le fut mon père, autre personnalité très forte. Ces deux personnes ont profondément contribué à mon combat viscéral pour la défense de la liberté, ils m’ont aussi inculqué, je crois, le sens de l’honneur, valeurs que j’ai essayé de transmettre à mon tour à mes enfants.

 

PdA : Plusieurs élus et militants du Front national ont fait part ces derniers temps de leur décision ou intention de rendre leur carte du parti en protestation de la sanction infligée à celui qui en est toujours, à cette heure, président d’honneur. Cette idée vous a-t-elle, ne serait-ce qu’un temps, traversé l’esprit pour ce qui vous concerne ?

Jean-Marie Le Pen a, pour sa part, clairement appelé ses partisans au sein du FN à y rester pour y peser et restaurer de son influence à votre « ligne » commune au sein du parti. Marion Maréchal-Le Pen est-elle, aujourd’hui et pour la suite, de facto, le chef de file de la ligne, disons, « traditionnelle » du Front national, celle à laquelle vous appartenez ?

 

M.-C.A. : Cette idée ne m’a jamais effleurée. Je milite pour le Front national aux côtés de Jean-Marie Le Pen depuis plus de quarante-deux ans. Le Front national est une partie importante de ma vie et j’ai toujours été d’une loyauté sans faille. Je ne m’imagine pas une seconde le quitter et je compte bien rester sur cette ligne de loyauté et de fidélité envers le Front national, envers sa présidente Marine Le Pen, envers son fondateur Jean-Marie Le Pen et, bien sûr, envers les idées nationales que le Front promeut depuis sa création et qui sont le moteur de mon engagement.

 

PdA : Je vous propose maintenant d’aborder quelques questions touchant, ici à l’actualité, là à votre parcours et au sens de vos engagements. La première de ces questions s’ancre pleinement dans une actualité décidément bien sombre. Vous vous insurgez, comme beaucoup de personnalités politiques et de nos concitoyens, contre les exactions abominables que commettent au quotidien les criminels de l’État islamique (contre les femmes, les Chiites et les Chrétiens d’Orient notamment). Comment faudrait-il s’y prendre pour les arrêter, selon vous ?

 

M.-C.A. : Il faut tout d’abord cesser les imprécations et les leçons de morale. Depuis quatre ans, la diplomatie française n’a qu’un seul mot à la bouche : le départ du président syrien Bachar el-Assad. Outre le fait que cela est d’abord le problème des Syriens, puisque la Syrie est un pays souverain, et ne concerne absolument pas la France, cela ne fait pas une politique. Nous nous en rendons bien compte aujourd’hui puisque François Hollande se retrouve absolument seul à continuer à réclamer son départ.

 

« Il faut soutenir ceux qui combattent

réellement l’État islamique »

 

Comme le réclame le Front national depuis le début du conflit, le meilleur moyen pour lutter contre l’organisation État islamique, c’est de soutenir les forces qui, sur le terrain, le combattent jour après jour, c’est à dire les armées régulières syrienne et irakienne, ainsi que les milices kurdes de ces deux pays. Plutôt que d’envoyer des armes et de l’argent à des groupes armés terroristes bien peu recommandables et toujours plus islamistes, nous ferions mieux d’envoyer cette aide à l’Armée arabe syrienne ! Et, puisque la Turquie est membre de l’OTAN, il serait temps de taper du poing sur la table pour exiger qu’elle ferme enfin sa frontière avec la Syrie afin que cesse l’afflux incessant d’armes, de combattants et d’argent aux organisations terroristes qui combattent en Syrie.

 

PdA : Il y a eu, récemment, au sein de l’Église catholique notamment, un débat quant à l’opportunité de l’organisation par des autorités ecclésiastiques d’un dialogue avec, entre autres personnalités politiques de tous bords, des membres éminents du Front national (Marion Maréchal-Le Pen, pour ne pas la citer). La question touche un peu à l’intime, j’en conviens : vos convictions politiques s’accordent-elles totalement avec votre foi telle que vous la vivez, telle que vous la ressentez ?

Je pense en particulier à la problématique de la peine capitale, à laquelle le Vatican, traditionnellement attaché par principe à la sauvegarde de la vie, paraît de plus en plus hostile ; le Front national, lui, envisage toujours de revenir sur son abolition en France ou, en tout cas d’en proposer le rétablissement par référendum...

 

M.-C.A. : Mon engagement politique est directement lié à mes convictions. À ce jour, le Front national est le seul parti qui défend véritablement la famille. Dans notre programme, nous prévoyons l’abolition de la loi Taubira ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, contre laquelle j’ai manifesté à de nombreuses reprises. Sur la question de la protection de la vie, le Front national est le seul parti à plaider pour la mise en place d’une véritable politique familiale, avec un accompagnement et une aide pour les femmes qui souhaitent ne pas avorter. La politique actuelle est clairement un échec puisque le nombre d’avortements en France n’a jamais été aussi élevé : 225.000 l’an dernier !

 

Concernant la peine de mort, le paragraphe 2267 du Catéchisme de l'Église catholique dispose que « L’enseignement traditionnel de l’Église n’exclut pas, quand l’identité et la responsabilité du coupable sont pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort, si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains. »

 

« L’Église n’est pas par principe opposée à la peine de mort »

 

Vous le voyez, l’enseignement de l’Église n'est pas, par principe, opposé à la peine de mort. Il est vrai que le Vatican, aujourd’hui, ne l'estime ni nécessaire ni opportune mais cela n'est pas une position de principe. Je ne partage pas cette analyse, en particulier envers les personnes reconnues coupables d’acte terroriste, d’assassinat ou de viol d'enfant, ou de crime particulièrement odieux.

 

PdA : Vous êtes issue, Marie-Christine Arnautu, de racines d’Europe multiples et diverses. Vos parents ont été naturalisés français ; une identité que vous avez choisi d’embrasser pleinement, passionnément même, comme eux et comme des millions d’immigrés et descendants d’immigrés qui ont eu la volonté et la chance de devenir, eux aussi, des Français.

Je ne vous interrogerai pas sur votre définition de l’identité française, définition que vous avez du reste déjà explicitée pour un autre site ; j’aimerais en revanche que vous me disiez, partant notamment de ces origines que l’on vient d’évoquer, s’il existe à votre sens, des traits forts d’identité communs, une communauté de destin qui, de manière spécifique, rassembleraient les peuples européens ?

 

M.-C.A. : Une des grandes richesses de l’Europe est justement sa diversité, sa multitude d’identités, de cultures, de langues. L’uniformisation et le nivellement par le bas voulus par l’Europe de Bruxelles, qui applique l’idéologie cosmopolite de ses maîtres, sont un désastre culturel et identitaire. Bien évidemment, cette diversité n’exclut pas de fortes convergences : l’héritage philosophique de la Grèce et de la Rome antiques, une histoire commune faite de résistance contre les invasions et de conquêtes glorieuses, une créativité, une inventivité et une ingéniosité qu’aucune autre civilisation n’a égalées, et une religion commune, le christianisme, même si elle se décline sous diverses confessions (orthodoxie, catholicisme, protestantisme...)

 

PdA : Le message du Front national est souvent celui d’un constat fort sombre s’agissant de la situation et, a fortiori, de l’avenir de la France. Sincèrement, parvenez-vous encore à être optimiste quant à l’avenir de notre pays ?

 

M.-C.A. : Oui, je suis pleine d'espoir, sinon je ne battrais pas depuis des années pour la France. Je suis pleine d'espoir quand je vois nos militants qui travaillent sans rien exiger en retour et sans compter leur temps. Je suis pleine d'espoir quand je vois ces jeunes familles françaises qui se fondent et élèvent droitement leurs enfants. Je suis pleine d'espoir quand je vois cette jeune génération qui est descendue dans la rue à de multiples reprises pour défendre la famille traditionnelle. Je suis pleine d'espoir quand je vois, si j'en crois les sondages, que les Français prennent enfin conscience des dangers qui les menacent. Et je suis pleine d'espoir quand je vois la progression du Front national, élection après élection. Les Français en sont de plus en plus conscients : il faut porter le Front national au pouvoir afin de mettre un coup d'arrêt à cette entreprise méthodique de destruction de la France, de son peuple, de ses valeurs, de ses traditions.

 

PdA : Sur quelles thématiques entendez-vous vous mobiliser avec une conviction, une force particulières dans le cadre de vos engagements politiques - je pense notamment à votre mandat de parlementaire européen - et citoyens pour les années à venir ?

 

M.-C.A. : Je continuerai à me battre sur les thématiques qui sont les miennes depuis le début de mon engagement politique : la défense de la liberté,  la protection des plus faibles, que ce soit les plus pauvres, les enfants, les handicapés ou les personnes âgées ; la sécurité morale et physique des Français, la défense de la famille, cellule de base de la société ; la préservation de nos identités et de notre peuple car, s’ils venaient à disparaître, la France ne serait plus la France.

 

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25 septembre 2015

Véronique de Villèle : « Une émission ? Je dirais ’oui’... et je suis prête ! »

Gym Silver Tonic, le nouveau livre signé Véronique de Villèle, est disponible depuis quelques jours (éd. Michel Lafon). Elle y distille, basée sur son expérience et son activité toujours effrenée, quelques bons conseils pour entretenir sa forme et garder la santé. L’occasion d’une nouvelle interview de cette femme enthousiaste et généreuse, qui compte parmi les grands fidèles de l’aventure Paroles d’Actu. Ses réponses me sont parvenues le 23 septembre. Qu’elle en soit, ici, remerciée. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU 

Véronique de Villèle: « Une émission ?

Je dirais ’oui’... et je suis prête ! »

 

GST

 

Paroles d'Actu : Bonjour Véronique de Villèle, je suis ravi de vous retrouver pour ce nouvel entretien pour Paroles d’Actu. Votre actualité du moment, c’est la parution, il y a quelques jours, de votre dernier ouvrage, Gym Silver tonic (éd. Michel Lafon), un livre destiné principalement aux personnes qui, comme le suggère joliment le titre que vous avez choisi, ont du « gris » dans les cheveux. Ce petit livre fourmille de conseils pour garder la forme, votre credo depuis tant d’années. Nous allons y revenir mais j’aimerais d’abord vous inviter à évoquer votre engagement en faveur de la recherche contre la maladie d’Alzheimer. Y a-t-il eu, en la matière, des avancées récemment ?

 

Véronique de Villèle : Il faut suivre au jour le jour les avancées, les informations déposées à ce sujet sur le site de la Fondation pour la Recherche sur Alzheimer ; surtout, il faut aider les chercheurs : tout les dons, même petits, sont les bienvenus.

 

PdA : Est-ce qu’en l’état actuel de nos connaissances sur Alzheimer, il est prouvé qu’on peut, par telles et telles pratiques et habitudes de tous les jours, contribuer à prévenir la survenance de cette terrible maladie ?

 

VdV. : Comme le dit le docteur Olivier de Ladoucette, président de la Fondation, dans la jolie préface qu’il m’a fait l’honneur d’écrire pour mon livre : « Faites de l’exercice pour votre cerveau ! ». De nombreux medecins suivent mes cours d’ailleurs ; une psychiatre m’a même dit, un jour : « Veronique, vous êtes le meilleur médicament que je connaisse ! »

 

PdA : Revenons, si vous le voulez bien, à votre ouvrage le plus récent. Quelle est l’histoire de ce livre, Gym Silver tonic ?

 

VdV. : De très nombreuses personnes m’écrivent pour me demander des conseils. Souvent, ce sont les mêmes questions qui reviennent : comment faites-vous ceci ou cela ? où trouvez-vous cette énergie / cette souplesse / cette force ? etc...

 

Alors, certes, il est d’abord pour les seniors. Mais, sincèrement, ce livre est pour tous. C’est comme dans mes cours : pas de niveaux, pas de différences : tout le monde a le droit de se tenir en forme. Les conseils que je donne dans ce livre sont vraiment pour tout le monde ; j’y ai même inclus mes playlists pour accompagner les mouvements et rester toujours dans le bon tempo.

 

PdA : Sans trop empiéter sur le livre, et en attendant que les personnes concernées s’en emparent pour avoir toutes les infos : quels sont les quelques petits conseils d’exercices et de pratiques simples au quotidien (y compris en matière d’organisation de la journée, de diététique, etc.) que vous donneriez à nos lecteurs, ceux notamment qui ne sont pas franchement sportifs, pour être en meilleure forme, en meilleure santé ?

 

VdV. : Je crois franchement que ce livre, que j’ai écrit en y mettant tout mon cœur et pas mal de mon expérience, apportera à tous les réponses qu’ils cherchent.

 

PdA : Une plus spécifique tout de même. On dit souvent que le petit déjeuner est le repas le plus important de la journée. Cest quoi, pour vous, un p'tit déj gourmand et nourrissant ; en un mot : idéal ?

 

VdV. : Le petit déjeuner, pour moi… aïe aie... Je ne fais pas exactement ce qu’il faudrait faire, c’est-à-dire prendre des ceréales, des fruits, etc... Moi, c’est un café, un yaourt nature avec deux cuillères de miel, point. Et quand j’arrive dans les clubs CMG, avant mon cours, je prends, à la « machine magique », un jus d’oranges pressées sur place devant moi. J’adore cette machine, les jus sont sublimes... c’est le rendez-vous de mon petit groupe d’élèves ! 

 

PdA : En quelques mots : pourquoi faut-il acheter Gym Silver tonic ?

 

VdV. : Parce que c’est un guide pratique et utile. J’adorerais que tout le monde s’en serve comme petit outil de bonne santé !

 

PdA : Nous nous connaissons depuis maintenant trois ans, Véronique. Je vous le dis depuis 2012 : je vous verrais bien reprendre les rennes d’une émission radio ou télé : vous feriez part, entourée de chroniqueurs, de tous vos bons plans et bons conseils, de vos coups de cœur aussi. Avec bien sûr quelques séquences sport et bien-être. Je crois que ça marcherait bien...

 

VdV. : Allez, Go ! C’est OK pour moi. Et je suis prête. À bon entendeur...

 

PdA : C’est quoi, aujourd’hui, vos projets, vos rêves ?

 

VdV. : Mes rêves ? Que les gens en général aillent mieux , qu’ils se parlent un peu plus. Et qu’ils fassent une activité physique, que ce soit en famille, entre amis, en groupe, etc... pour entretenir leurs corps et leurs têtes. Quand le corps va bien, la tête va bien aussi... c’est aussi vrai dans l’autre sens ! Que la recherche sur Alzheimer avance, bien sûr... Et, tant qu’à faire, qu’on aide aussi d’autres associations, comme celles qui s’occupent d’enfants malades. L’une d’elles me tient particulièrement à cœur, L’Envol, dont je suis d’ailleurs ambassadrice.

 

PdA : Quelques mots pour les lecteurs de Paroles d’Actu, pour conclure ?

 

VdV. : J’espère vous retrouver bientôt sous la plume de mon ami Nicolas. En attendant, venez donc prendre un cours avec moi à Paris, dans un des vingt-deux clubs du groupe CMG ! J’y suis tous les jours...

 

Véronique de Villèle

 

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Et vous, que vous inspire l’exemple de Véronique de Villèle ?

 

Vous pouvez retrouver Véronique de Villèle...

21 septembre 2015

Julien Alluguette : Mes « Vœux du cœur »

Il y a cinq semaines, il nous racontait, en exclusivité pour Paroles d’Actu, son rapport au personnage de James Dean et les coulisses des shootings réalisés par David Alouane sur la base de clichés célèbres de l’acteur américain. La première de la pièce à laquelle Julien Alluguette, comédien de talent, se préparait alors - Les vœux du cœur, écrite par Bill C. Davis et mise en scène par Anne Bourgeois -, a eu lieu depuis ; d’autres représentations se sont enchaînées après le 26 août, sous le regard ravi des spectateurs et, souvent, conquis des critiques. J’ai proposé à Julien Alluguette de coucher sur papier numérique cette expérience telle qu’il l’a vécue personnellement, avec sa sensibilité propre. Je le remercie d’avoir accepté, une fois de plus, de répondre à ma sollicitation. Et ne peux que vous encourager à aller voir la troupe sur scène. Vous aussi, vous allez être séduits par ces Vœux du cœur... Une exclusivité Paroles d'Actu, par Nicolas Roche.

 

 

Avril 2014. Je reçois un appel d’Anne Bourgeois, une metteur en scène qui m’avait vu dans Equus,  quelques années plus tôt, sur la scène du théâtre Marigny. Elle m’avait exprimé, à l’époque, son envie de travailler avec moi un jour… Elle fait partie de ces gens de parole : elle souhaite m’auditionner pour Les vœux du cœur, une pièce de Bill C. Davis. Elle m’explique que Davy Sardou est déjà distribué pour le rôle de Tom, et que la pièce se jouera à la rentrée 2015, au théâtre La Bruyère.

Elle m’envoie le texte. Et je découvre le rôle de Brian… Je suis immédiatement séduit ; je ris, je suis ému, je suis touché. Une pièce qui parle, avec humour, d’amour, de sexualité(s), de religion(s), d’engagement... C’est un petit bijou.

Quelques jours plus tard, l’audition se déroule au théâtre. L’accueil est chaleureux et tout se passe à merveille.

Je sais que nous serons plusieurs comédiens envisagés, alors je prie pour que ça soit moi. Et puis, le lendemain matin, Anne me laisse un message vocal : « Julien, je suis folle de joie. Nous avons stoppé les auditions, nous voulons que Brian, ce soit toi ! » J’en ai les larmes aux yeux. Puis sont choisis ceux qui deviendront ma sœur - Julie Debazac - et le Père Raymond - Bruno Madinier.

Un an plus tard, les lectures et répétitions commencent. Elles sont à l’image de la metteur en scène : pleines de joie, d’humanité, de bienveillance, et de travail. Cette équipe devient une véritable petite famille.

De mon côté, je cherche ce qui définira au mieux Brian : c’est un amoureux, homo et catho, utopiste et intransigeant. Il croit en l’Autre et dans l’évolution possible et positive de la société et de sa religion. Il est dans la vérité et la sincérité de ses sentiments. J’apporte un soin particulier à la relation fusionnelle qu’il a avec sa sœur Irène, à l’amour qu’il porte à Tom, à sa foi et son respect pour l’Église et le Père Raymond.

Le 26 août 2015, vient le soir de la première. On a peur, mais on a hâte de raconter, ensemble, cette histoire au public.

C’est un moment inoubliable : les éclats de rire, l’émotion qui plane dans la salle, les applaudissements si chaleureux… Et les retours des spectateurs, de la presse… Tous semblent être touchés, émus, parfois même changés.
 
Pour moi, c’est cela, la plus belle des récompenses ; quand quelqu’un, à la fin d’une représentation, vous dit : « Merci. C’est un spectacle qui va marquer ma vie… »

Julien Alluguette, le 21 septembre 2015

 

B

R

J

Les voeux du coeur

Photos : dossier de presse

 

Les vœux du cœur, pièce écrite par Bill C. Davis et mise en scène par Anne Bourgeois, est à l’affiche du théâtre La Bruyère (9e ar. de Paris) depuis le 26 août : du mardi au samedi à 21h, également en matinée le samedi, à 15h30, ce jusqu’à, au moins, la fin décembre. Julien Alluguette y joue aux côtés de Davy Sardou, Bruno Madinier et Julie Debazac - pour ne citer que les acteurs, le reste de l’équipe méritant lui aussi d’être salué.

 

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Quelques liens...

17 septembre 2015

Institutions et vie démocratique : réflexions sur les « règles du Jeu »

« Vous comptez, notamment de par votre engagement en politique, parmi les jeunes qui entendent œuvrer activement à l’amélioration des conditions de vie et de coexistence collectives au sein de la Cité. À l’heure où des voix s’élèvent pour réclamer qu’un débat véritable se tienne quant aux termes de la structuration et de l’organisation du régime républicain français, je souhaite vous inviter, entre autres jeunes politiques de tous bords, à expliciter dans un texte de synthèse l’état actuel de votre réflexion personnelle, au-delà de toute considération partisane, s’agissant de la manière dont, dans un souci conjugué de sincérité démocratique et d’efficacité de la chose publique, la République pourrait être rénovée - voire, selon les sensibilités, refondée.

Parmi les thématiques que vous pourriez aborder, cette liste n’étant pas exhaustive et pouvant être élargie à votre discrétion : les modalités d’élection des représentants de la Nation et des territoires; l’articulation des rapports entre les pouvoirs législatif et exécutif; l’articulation des rapports entre le gouvernement, qui procède du Parlement, et la présidence de la République, dont le mode de sélection peut être discuté, au sein de l’exécutif; l’articulation des rapports entre l’État central et les collectivités décentralisées; l’articulation, enfin, à définir entre les notions de "démocratie représentative" et de "démocratie participative"...

Des questions multiples, fondamentales, auxquelles peuvent se greffer celles relatives au calendrier électoral et aux limitations des mandats ; aux interventions des citoyens, des médias et de largent dans le processus politique. En trois mots comme en cent, les "règles du jeu". Je laisse volontairement de côté la question communautaire européenne, considérant qu’elle est fonction de la volonté nationale telle qu’exprimée d’après les règles démocratiques dont il est question ici. »

Cette idée-ci, voilà longtemps que j’avais envie de la mettre sur pied. La question des institutions et, plus généralement, celle touchant au fait démocratique, m’ont toujours beaucoup intéressé. Coutumier de lexercice qui me permet régulièrement, avec bonheur, d’offrir des espaces d’expression à des jeunes engagés en politique, c’est tout naturellement que j’ai souhaité appliquer ce concept, ce format désormais traditionnel des articles « à plusieurs voix » à cette thématique-là. Dès la mi-août, jai transmis à plusieurs jeunes femmes et hommes engagés au sein de chacune des grandes « familles » politiques qui comptent (EELV, PCF, DLF et MRC compris, je le précise au passage) la proposition reproduite dans le premier paragraphe de cette introduction. Je remercie celle et ceux qui, parmi ces jeunes, sont allés au bout de l’exercice. Et suis ravi de la richesse que la variété, la qualité de leurs interventions - positionnées ici d’après un ordre chronologique - confèrent à cet article. Quelques éléments en vue de débats véritables ; je l’espère en tout cas. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

UNE EXCLUSIVITÉ PAROLES D’ACTU

Institutions et vie démocratique

Réflexions sur les « règles du Jeu »

 

Assemblée nationale

Illustration : Assemblée nationale

 

 

La République telle qu’on la connaît a mis, depuis l’époque révolutionnaire, beaucoup de temps à se développer et n’a acquis de réelle stabilité qu’à la faveur de l’avènement de la Vè République, en 1958. La France a pendant longtemps été embourbée dans un système parlementariste (Ière République avant le Consulat, IIIè puis IVè République) qui a provoqué de l’instabilité politique et des crises multiples : les gouvernements étaient, pour certains, contraints de démissionner au bout de quelques semaines seulement, faute de majorité d’appui au Parlement.

Le Général de Gaulle, qui avait pour la France l’objectif de restaurer l’autorité de son État, a expliqué ses intentions dans son discours de Bayeux de 1946 : le Premier ministre ne doit plus procéder du Parlement ; il convient qu’il soit nommé directement par le président de la République. En proposant plusieurs mécanismes de rationalisation des institutions, il permet ainsi de sortir du régime parlementaire à proprement parler, celui-ci ayant fait montre de ses (nombreux) travers. C’est ce qui sera mis en place à partir de 1958, avec la Vè République.

Il faudra donc attendre 1958 et le retour du Général de Gaulle aux affaires pour que les principes de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et ceux de la séparation des pouvoirs, pour que la reconnaissance du chef de l’État en tant que « capitaine » et l’introduction doutils de démocratie directe - couplés avec ceux propres à la démocratie représentative - soient mis en œuvre de concert. On a l’impression de retrouver ici ce qu’il nous manque aujourd’hui, finalement.

Nos dirigeants actuels ont les clefs en main pour éviter de se retrouver sous le joug des critiques, et pourtant, ils n’en font rien, par peur de perdre leur place. Dans un premier temps, le référendum, outil qui n’est plus utilisé depuis dix ans en France, doit être réhabilité, puisque son utilisation est prévue par la Constitution. Le Président et le Parlement ne doivent plus avoir peur du peuple, surtout s’ils veulent continuer à obtenir ses suffrages...

Le chef de l’État doit avoir l’autorité qui lui est conférée par son statut mais aussi le rôle qui est le sien dans les institutions de la République : il doit indiquer les grandes orientations, guider la politique menée par le gouvernement, bref, donner le cap. C’est aussi ce qui manque cruellement à l’heure actuelle, où lon a plutôt l’impression que les Français sont oubliés, et que le gouvernement est sourd alors même que les manifestations se font de plus en plus entendre.

D’un point de vue organique, l’État est affaibli : au départ unitaire et centralisé, l’État français devient de plus en plus décentralisé et communautaire. Il n’y a, de ce fait, plus de réelle autorité : les affaires ont tendance à transiter d’une collectivité à une autre, et cela en ralentit considérablement le traitement. Ce phénomène s’est vu généralisé par les réformes de décentralisation qui ont eu lieu dans et depuis les années 80. Il aurait plutôt fallu faire, à mon sens, davantage de réformes de déconcentration. Je crois que le problème du mille-feuille administratif pourrait être résolu en supprimant des échelons intermédiaires, tels que les communautés de communes ou les régions. De cette manière, les affaires publiques n’auraient plus à transiter qu’entre les communes, les départements et l’État. On simplifiera l’organigramme et la coopération sera en tous domaines préférée aux logiques d’intégration, peu démocratiques.

Le scrutin majoritaire, qui n’a d’intérêt que pour la constitution dune majorité pour le pouvoir exécutif, montre ses limites en ne reconnaissant pas des voix minoritaires mais pourtant souvent importantes. En France, pour plusieurs élections, et notamment les régionales, qui approchent, c’est un mode de scrutin mixte qui est mis en place : toutes les listes recueillant plus de 10% des voix sont représentées, et la liste qui arrive en tête au second tour obtient une prime majoritaire. Si lon adapte et modifie ce principe pour les élections nationales, et en particulier pour les législatives, - dont le mode de scrutin n’est pas fixé dans le marbre constitutionnel et peut de ce fait être modifié - on peut composer une assemblée élue avec une dose importante de proportionnelle. On peut considérer que le fait majoritaire est viable dès lors que la prime majoritaire est de 20 ou 25% pour la liste qui arrive en tête. Ainsi, on pourrait établir à 75 ou 80% la dose de proportionnelle pour les législatives, et assurer ainsi la représentation de la plupart des mouvements politiques, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle. Le fait majoritaire serait préservé, la stabilité de la République également.

Le calendrier électoral, en vertu duquel le Président est élu quasiment au même moment que les députés, donne l’impression qu’au niveau national, les Français choisissent leurs représentants une fois tous les cinq ans, sans jamais voir de leur part de signe de responsabilité politique. Cela va dans le sens de Rousseau quand il disait qu’une fois ses représentants élus, le peuple est dépouillé de sa souveraineté.

La question de la limitation du nombre de mandats, directement liée à la précédente, n’est véritablement utile que s’il existe une réelle contestation populaire des représentants du peuple. Si un élu est efficace, peu de gens soutiendront la limitation du nombre de mandats. Si un président élu ne revient jamais devant le peuple durant son mandat, par un référendum par exemple, alors le peuple sera plus prompt à demander une limitation du nombre de mandats. Si un président remet en cause son mandat plus souvent, comme le faisait le Général de Gaulle lorsqu’il organisait un référendum en y associant sa propre responsabilité politique, alors son action suscitera la confiance auprès du peuple. La volonté de limiter le nombre de mandats vient de l’absence de confiance qui règne aujourd’hui entre le pouvoir et le peuple. Elle ne trouve sa justification, à mon sens, que dans le cas où les élus ne remplissent manifestement pas correctement leur fonction.

Cette confiance qui devrait exister entre les élus et le peuple est d’une certaine manière organisée par la constitution de la Vè République, qui mêle démocratie représentative et démocratie directe. Seulement, les outils de démocratie directe sont oubliés car non obligatoires ; les élus se reposent sur la démocratie représentative. Il s’agit donc ici d’un dévoiement de l’esprit de notre république, puisque, d’une démocratie semi-directe, nous sommes passés à une démocratie purement représentative. La situation politique en France rejoint de plus en plus les conclusions qu’émettait Rousseau : le peuple a l’impression d’avoir perdu sa souveraineté.

Cette impression se retrouve s’agissant de l’Union européenne. Sur ce sujet, De Gaulle, qui a un temps pratiqué la politique de la chaise vide, consistant à refuser un développement excessif de la construction européenne, a toujours considéré que ledit développement nuisait à l’indépendance de la France. Si Maastricht est passé de justesse en 1992, le résultat du référendum de 2005 s’est avéré clairement négatif, nouvelle preuve que les Français veulent préserver l’indépendance de leur pays. Et pour cause, plus personne en France ne veut être dirigé par un gouvernement non élu !

La construction européenne apparaît en fait comme un brutal retour en arrière sur le terrain de la politique. Alors que nous avons mis des années à établir une république stable, voilà que les élites de Bruxelles veulent contrôler notre budget, notre monnaie, et même nos lois : la France est punie d’une lourde amende si elle ne respecte pas les décisions de la Cour européenne des Droits de l’Homme, l’obligeant alors à modifier ses lois en conséquence !

L’Union européenne, d’ailleurs, ne respecte même pas la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, reconnue constitutionnellement par la France. Son article 3, notamment, précise que « le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation » et que « nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ».

Tous ces points tendent à un même résultat : au final, le peuple n’a plus confiance en ses élus, et il le leur fait savoir comme il le peut. Avec, chaque jour davantage, le sentiment que ces élus constituent une « élite » totalement coupée de ses préoccupations, et dont la fin serait de tirer, aux dépens du peuple, les bénéfices sociaux et financiers afférents à ces fonctions qu’ils monopolisent. Ce qui entraîne un mécontentement populaire légitime et qui va croissant. Ce mécontentement, qui nourrit une véritable crise de la citoyenneté, exige de profondes modifications institutionnelles et une véritable refondation de la République sur ses principes de 1958 et de 1962.

 

Arnaud de Rigné

« Restaurons l’autorité de l’État »

par Arnaud de Rigné, le 25 août 2015

 

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Avant d’exprimer ma vision personnelle de la République et du système idéal pour la France - et non pas celle du mouvement politique dans lequel je milite -, je vais établir un état des lieux (nécessaire) de certains fondamentaux :

« Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. » (C. de Gaulle). Un rappel sur l’identité et ses évidences : la France, depuis quinze siècles, repose sur une essence délicate et rare : le métissage des peuples blancs européens, la fusion avec la religion chrétienne et la continuité de l’héritage grec et romain. Je ne dis pas que nous sommes restés inchangés de Clovis à Saint-Louis en terminant par de Gaulle, ce serait une erreur. Je parle des fondamentaux qui structurent une civilisation. Nos trois piliers : essence charnelle, spirituelle et culturelle.

Ce ne sont pas cinquante ans d’immigration, d’américanisation, de castration et de diabolisation de ces évidences, qui feront oublier aux héritiers de la France, nos racines. Non, en aucun cas !

Concernant la République française, qui naquit de la Révolution de 1789, des miasmes des politiques libérales de Turgot aux entreprises de conquête du pouvoir de la nouvelle bourgeoisie mobilière – nourrissant une haine de l’ancien régime catholique, alors dirigé par le clergé et la noblesse – je préciserai que malgré toutes les ardeurs laïcistes et anticléricales, les seules lettres de noblesse, la seule force d’incarnation qui a nourri la République, viennent précisément de la France et de son essence chrétienne – triste ironie !

Je réduirai donc la République à ce qu’elle est, et doit être aujourd’hui : un simple régime au service de la France, et non comme cela est le cas depuis trop longtemps, une France au service de la République.

Le modèle que je présente ci-dessous est une réflexion, une vue de l’esprit - comme tous les modèles, à l’origine. Utopique, irréalisable, peu importe ! L’intérêt est la réflexion qui peut en découler. L’esquisse de cette idée d’institution se nommant « Nation Française » - Nation, pour insérer dans le marbre, ce principe national, que toutes les forces de l’établissement tentent aujourd’hui de dissiper. C’est un rappel de soi, et cela en découlera, dans sa constitution et sa loi. Commençons.

 

Projet David Berton

Schéma. Source : D. Berton.

 

Le Premier Citoyen :

Comparable au Président de la Vème République, il incarne le pouvoir exécutif, et en assume les prérogatives dans sa globalité. Le gouvernement n’est que son prolongement. Il est élu par le suffrage universel uninominal à un tour. Il nomme 1/3 des sénateurs pour 5 ans, sans possibilité de les révoquer. Droit de véto, utilisable une seule fois par an, sur toute motion du Sénat.

Le Roi :

Il est une figure symbolique, représentant l’image de la France à l’international, supplantant l’exécutif sur ce point. Il est roi par primogéniture de sang royal. Il incarne l’essence de la France et est le garant de l’identité de la France et des vertus chrétiennes. Il nomme 1/3 des sénateurs pour 5 ans, sans possibilité de les révoquer. Droit de véto, utilisable une seule fois par an, sur toute motion du Sénat.

Le Sénat :

Les sénateurs discutent, étudient et votent les lois et les budgets : ils incarnent le pouvoir législatif ; une commission annexe de sénateurs jugent de la constitutionnalité des lois. La nouveauté réside dans le mode de désignation des sénateurs, ce que je nomme la règle des trois tiers : 1/3 élus par les électeurs (scrutin uninominal à 1 tour), 1/3 nommés par le Premier Citoyen, 1/3 nommés par le Roi.

La politique et l’argent :

Toutes les indemnités des élus, du Premier Citoyen aux Conseillers des assemblées (sauf municipalités), seront établies d’après le salaire moyen en France (2 874 euros brut pour 2012 par exemple) ; chaque année l’indemnité sera adaptée selon l’évolution – je précise que l’indemnité est en brut du salaire moyen, non en net. Les indemnités des élus municipaux ne peuvent pas dépasser le salaire moyen national. Les mandats et les indemnités peuvent se cumuler, mais ne peuvent dépasser le salaire moyen national.

Il est vital, pour amener une nouvelle génération d’hommes politiques, d’enlever les appâts de l’avarice qui ornent le fronton du monde politique.

Trinité nationale du territoire :

La République française avait à son origine pour triptyque : commune, département, État ; nous aurons pour notre part, un triptyque semblable, mais plus adaptée aux nécessités géographiques et culturelles plutôt que politiques et administratives. Notre trinité sera : commune, Assemblée provinciale, Nation. Les structures intermédiaires, telles que les agglomérations, ayant pour conséquence la concentration urbaine, la centralisation des domaines de compétences, la désertification rurale, etc., sont à réduire ou à annihiler. Une coordination des communes et une coordination des provinces doivent subsister, mais uniquement d’ordre administrative et technique ; pas d’élus.

Défendre la nation, c’est défendre ses ramifications à toutes les échelles. Défendre une ramification locale allant contre le principe même de la nation, c’est se suicider. Le régionalisme promu par l’Union européenne en est un exemple.

Je ne développerai pas plus avant, voulant rester dans l’esquisse. Des systèmes de renversement, etc. seraient à développer…

 

David Berton

« Un modèle différent pour la Nation française »

par David Berton, le 26 août 2015

 

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Il y a quelques semaines, Libération publiait une étude d’une agence de Publicis, soulignant la volonté de ‘coup d’État citoyen’’ de notre classe moyenne, rejetant une vie politique ternie par les scandales, le manque de transparence et de résultats, et le storytelling à outrance. Le 11 janvier 2015, des millions de Français - musulmans, juifs, catholiques, laïques, blacks, blancs, beurs... - défilaient ensemble pour rappeler les valeurs qui font le socle de notre République. Certains parlèrent de marche citoyenne, d’autres de manifestation, et beaucoup eurent des difficultés à qualifier ce qui était en train de se passer. Jérôme Fourquet et Alain Mergier, de la Fondation Jaurès, ont dans un ouvrage récent évoqué les épisodes de janvier 2015 comme un catalyseur, amplifiant deux processus : la volonté de soulèvement populaire, qui prend ses racines dans notre histoire nationale, ainsi que l’écart entre la France silencieuse, que beaucoup ont eu pour dessein d’invoquer ces derniers mois, et la France qui se réveille et s’exprime dans la rue. Cette forme d’ébullition populaire pourrait faire écho à d’autres situations, dans d’autres pays européens où extrêmes de tous bords avancent pour prendre le pouvoir - s’ils ne l’ont déjà conquis. Le peuple crie pour se faire entendre, partout sur notre vieux continent, et les politiques s’écartent, de peur de recevoir un quelconque retour de bâton. Et ces cris ne sont que l’écho d’un problème bien ancré dans notre système politique depuis des dizaines d’années : cette triple crise démocratique dont on essaie de taire l’existence.

Une crise démocratique à l’échelon national, de prime abord, avec une difficulté des politiques à porter les convictions des citoyens qu’ils représentent, et un manque de pédagogie consternant. Peu de députés vont aujourd’hui sur le terrain pour expliquer ce qu’il se passe en Assemblée, pour justifier leurs idées et prises de position, de peur de ne pas être réélus. Sans parler des sénateurs, qui ont pour beaucoup et depuis bien longtemps oublié le sens de la mission républicaine qui leur a été confiée : le Sénat est devenu désuet, incapable de représenter les intérêts territoriaux, et enclin souvent aux intérêts purement partisans. Le Gouvernement de Manuel Valls ne porte que peu d’ambitions sur le long-terme pour notre pays, et chaque ministre, quand il a du poids politiquement parlant, s’attelle à faire des réformes qui pour la plupart sont mal ficelées, sans ligne politique claire ou, au contraire, jouant sur des clivages qui ne refondent en rien le domaine qu’il est censé porter. Emmanuel Macron, qui a pour fil directeur le déverrouillage des vieux dogmes économiques français, s’est heurté aux rouages technocratiques et corporatistes qui ont fait de sa première loi un projet certes ambitieux, mais affaibli par de nombreux intérêts particuliers qui n’ont en rien rendu service à l’intérêt général.

Ces blocages, on ne le dit pas assez, viennent non seulement de clivages archaïques, mais aussi d’une élite technocrate formée pour maintenir des blocages qui ne nous permettent pas de participer pleinement au challenge de la globalisation. Ces ‘‘verrouilleurs’’ prennent la place du peuple, censé être souverain, dans la construction de nos lois. Depuis quand n’avons nous pas eu de consultation citoyenne d’envergure, alors que des sujets cruciaux font notre actualité ? On pense à l’afflux de réfugiés vers notre vieux continent, par exemple. On en vient ici à un autre échelon qui connaît une crise démocratique sans précédent.

La chose européenne, incomprise depuis plus de dix ans, ne peut avancer tant que le dessein européen n’est pas expliqué, valorisé et repensé. Et il doit l’être par le peuple européen, pour le peuple européen. Le président de la République évoquait récemment l’idée d’un gouvernement et d’un Parlement de la zone euro, une réflexion qui n’est en rien nouvelle. Qu’il ose, comme d’autres chefs d’État européens, demander au peuple son avis ! Les différentes études d’opinion montrent que les Français, comme d’autres nations européennes, y sont pleinement favorables. L’Union Européenne du début de XXIe siècle doit être démocratique ou ne sera plus sous peu. Elle peut être ainsi fédérale, si ce projet est porté par le peuple, et pensé par nos politiques et intellectuels, qui sont là pour jouer ce rôle. Quel Victor Hugo ou Aristide Briand du XXIe osera parler à nouveau d’États-Unis d’Europe ? Oser, toujours ce mot. Encore. Parce qu’oser n’est plus le maître mot de notre vie politique. Même les Démocrates, s’ils ne sont pas jeunes et optimistes, ont perdu cette rhétorique.

A l’échelon local, enfin, ceux qui veulent oser n’ont plus les moyens de le faire. La baisse des dotations des collectivités territoriales est une des plus graves erreurs de ce quinquennat, tout bonnement parce que la vie politique locale est, de nos jours, la moins décrédibilisée et la plus audible de toutes. Les investissements sont devenus trop coûteux pour être engagés si les dépenses locales ne sont pas au préalable maîtrisées. Un nombre conséquent de municipalités utilise cette baisse comme argumentaire pour justifier de leurs inactions. C’est le cas à Grenoble, pour ne citer qu’une grande ville. Pourtant, pour faire face à cette décision de diminution des dotations, qui a permis de désigner un nouveau bouc émissaire, certaines majorités se sont montrées innovantes en ‘faisant mieux avec moins’’, comme le fait François Bayrou sur le territoire palois. Et il n’est pas le seul.

Alors, face à cette crise, que répondre  ? Sursaut démocratique.

Les règles du jeu doivent changer, avec une grande réflexion sur ce que doit être le nouveau pacte républicain, à toutes les strates. Et si la classe politique actuelle est incapable de porter cet idéal, - cette France moderne, entrant pleinement dans la globalisation pour maintenir son rang tout en créant une proximité nouvelle entre citoyens et vie politique, par le biais d’une démocratie représentative nouvelle - ce sera aux jeunes, de tous bords républicains et de toutes conditions, de le porter.

Osons parler d’une Sixième République où des règles éthiques soient mises en place, avec un fonctionnement institutionnel plus contemporain, ainsi qu’une sanctuarisation des principes qui ont marqué notre histoire nationale. Il faut, de prime abord, revoir notre organisation. Démolissons le Sénat pour le transformer en Chambre des Territoires, avec des représentants élus par le peuple pour défendre des intérêts purement locaux face aux propositions de loi qui sont soumises. Réhabilitons l’Assemblée nationale en lui redonnant son influence d’antan, inspiré du modèle outre-Rhin, avec des représentants moins importants numériquement, tout comme dans la seconde Chambre, mais représentatifs de l’ensemble des courants de pensée politique, par le biais de l’instauration du scrutin proportionnel, via le système dit de ‘‘deux voix par électeur’’.

Faisons du Premier ministre le personnage central de la vie politique nationale, avec un chef de l’État garant des institutions, et des intérêts de la nation à l’étranger. Pour une démocratie plus parlementaire, tout en restant stable. Mettons en place une justice indépendante, aux mains d’une Cour Suprême neutre, sur le modèle étatsunien. Rendons régulier l’usage du référendum, sur des sujets centraux mais qui n’aient pas vocation à diviser la France en deux ; si l’usage en est fréquent, le vote n’est plus, ou bien moins, une occasion de sanction à l’égard du Gouvernement. Attaquons-nous au cumul des mandats en interdisant la pratique de plus de deux mandats électifs, et seulement un si l’élu est maire d’une ville de plus de 50 000 habitants, ou membre voire à la tête de l’exécutif d’une grande collectivité. Sans oublier la fin d’un cumul dans le temps à outrance, avec l’interdiction de renouveler un mandat parlementaire une deuxième fois, et une troisième fois pour les mandats locaux (région, communes). Le politologue Nicolas Matyjasik soulignait récemment, dans une tribune pour le Huffington Post, la nécessité de lévaluation des politiques publiques par et pour les citoyens, via la création d’agences citoyennes indépendantes : osons non seulement la consultation préalable, à la manière des conférences des parties sur le thème de l’écologie, pour les réformes d’ampleur, mais aussi la généralisation de ce principe d’évaluation pour tendre vers l’amélioration constante. Enfin, enterrons les ors de l’État pour que les représentants du peuple soient des représentants du peuple, et non des monarques républicains.

Supprimons les départements pour laisser place à des régions fortes, ouvertes sur le monde, compétitives et proches des citoyens. Des référendums régionaux seraient possibles, un représentant régional serait désigné pour chaque département par la majorité élue, et des maisons de la Région seraient mises en place partout où cela serait nécessaire, comme intermédiaires entre l’élu et le citoyen. Maintenons les communautés de communes dans leurs prérogatives actuelles, tout en réfléchissant à de nouvelles compétences, de façon à ce que les deux échelons soient complémentaires. Rationalisons les moyens des collectivités territoriales pour qu’elles soient plus efficaces et plus lisibles, tout en favorisant la fusion de nombreuses communes, pour qu’il n’y ait plus, à terme, de villes comptant moins de 2000 habitants. Augmentons les dotations vers les collectivités territoriales pour les sanctuariser par la suite. Redonnons à l’expression ‘démocratie locale’’ son véritable sens, avec la généralisation des forums citoyens dans chaque ville, et selon la superficie, dans chaque quartier, ainsi que la possibilité de référendums locaux non pas consultatifs mais décisionnaires.

De cette manière, nous pourrons inspirer et porter un nouveau modèle européen, fédéral, libre et démocratique, muni d’un président de l’Union européenne, avec un gouvernement élu par le peuple, et un Parlement européen qui ne sera plus seulement à l’aune de directives vues par le peuple comme un lot de blocages, mais porteur de plans divers ambitieux et financièrement conséquents. Rendons là aussi possible la consultation populaire européenne lorsque des pétitions atteignent un certain nombre de voix, venant d’un certain nombre de pays de l’UE. Il en irait de même pour la strate française, lorsqu’une pétition atteindrait plus de 500 000 signatures. Ben Rattray, fondateur de Change.org, a d’ailleurs eu des mots justes à ce sujet  : ‘Ce sont les petites choses qui font changer le monde’’.

Ces idées, bien évidemment non exhaustives, pourraient redonner à la France sa crédibilité en matière de démocratie, d’humanisme et de liberté. Les Français en sont capables et n’attendent même que ça : une révolution citoyenne pacifique pour tourner une page de notre histoire et laisser place à la France et l’Europe du XXIe siècle. Aux jeunes de porter ce sursaut, et de construire cette nouvelle République !

 

Loïc Terrenes 2015

« Pour une VIe République de la jeunesse ! »

par Loïc Terrenes, le 30 août 2015

 

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On ne le dit pas assez mais la France a la chance d’avoir des institutions solides, une culture démocratique ancrée et un processus législatif qui fonctionne. Il est peut-être simpliste de le rappeler mais les réelles démocraties sont encore minoritaires dans le monde (quand ce n’est pas tout bonnement le chaos, comme en Libye ou en Syrie). Qu’on pense aux pays d’Afrique, où la quasi-totalité des régimes sont des dictatures militaires ou familiales, à l’Asie, où règnent partis uniques et corruption, à l’Amérique centrale, avec des institutions gangrenées par les cartels... l’Europe et singulièrement la France peuvent s’enorgueillir d’une stabilité démocratique depuis des décennies.

Cela étant dit, on ne peut se reposer sur l’outil de comparaison pour affirmer que, la situation étant pire ailleurs, elle n’est pas chez nous perfectible. La démocratie n’est pas une chose installée, c’est un idéal à poursuivre, vers lequel on doit tendre. Et tant qu’en France il existera des affaires de corruption, de fraude (Jérôme Cahuzac...), d’abus de biens publics (Agnès Saal...) et de tricheries électorales, on ne pourra pas s’étendre sur nos acquis et dire que le travail est terminé. Améliorer les institutions et les conditions d’organisation de la chose publique reste un combat de tous les jours.

On pourra se satisfaire du fait qu’il ne s’agit que d’épiphénomènes, que la majorité de la classe politique reste dévouée au bien-être des citoyens lambda et que les « affaires » ne concernent heureusement que quelques élus ou hauts fonctionnaires. Ce serait oublier que le diable se cache dans les détails. Pour voir (un peu) de l’intérieur comment les choses fonctionnent, pour entendre les vantardises des uns et les coups de manche des autres, il faut reconnaître qu’il demeure chez nos représentants une culture de la « chose due » qui en invite beaucoup à profiter du système, au moins par petites touches. Des banquets dans les ministères sans lien avec le portefeuille du ministre, des voitures de fonction ou une protection rapprochée pour des personnes qui pourraient tout autant bien prendre le métro (comme en Scandinavie), des notes de restaurant et de déplacement sans réel lien avec l’objet de leur mandat... Ça peut paraître peu de chose, mais à la longue ça fait beaucoup.

Premier point, il faut donc rompre avec les privilèges. Pas forcement refaire une « nuit du 4 août », mais réduire drastiquement tout ce qui bénéficie aux élus plus par tradition que nécessité. Trajets gratuits pour la famille, frais de représentation, chauffeurs pour de simples adjoints, ristournes sur des voyages pas vraiment professionnels, etc.

Second point, il faut faire promouvoir le mérite sur les accointances personnelles. Pourquoi ne pas s’inspirer des États-Unis où les ministres et dirigeants d’institutions publiques doivent passer une audition devant le Sénat, exposer leur projet et faire état de leur expérience ? On pourrait imaginer une commission bipartisane qui ne serait pas suspecte de règlements de comptes politiques et qui permettrait d’en finir avec ces nominations faites dans les couloirs feutrés des salons dorés pour récompenser untel et promouvoir les amis. De la même façon, il faudrait, comme le proposa Dominique de Villepin par le passé, inscrire dans le marbre une dizaine de portefeuilles ministériels inamovibles, ce qui permettrait d’empêcher la création de portefeuilles uniquement dévolus à caser les membres de chaque courant du parti au pouvoir (« Ministère délégué au Développement », « Ministère délégué à la Réussite éducative ») et regrouper les secrétariats d’État (Personnes âgées, Réforme administrative...) dans des directions de ministères. Et tant qu’à faire, attendre des personnalités nommées qu’elles connaissent à fond leur dossier (un universitaire à l’Éducation nationale, un président de syndicat agricole à l’Agriculture, un économiste à Bercy...) plutôt que voir à chaque valse de remaniements des titulaires qui découvrent leur poste le jour même et des apparatchiks nommés parce qu’ils hantent depuis des années les couloirs des partis, parfois sans études, en tout cas en ayant rarement, voire jamais, eu d’expérience professionnelle hors ce cadre.

Troisième point, il faut garantir la totale indépendance des médias. Non pas souhaiter que les journalistes deviennent des hyènes enragées face à des ministres obligés de démissionner car simplement soupçonnés, mais laisser à la presse la liberté de mener les enquêtes qu’elle veut, accéder aux documents et pouvoir être autre chose que des porte-parole à la déontologie douteuse, comme ces grands pontes de l’audiovisuel qui se font payer des fortunes pour animer des séminaires d’entreprise avant de dîner tous frais payés dans les palais de la République avec un membre du gouvernement dont il aura ciré les pompes dans un édito. Le journalisme, c’est « tremper la plume dans la plaie » disait Albert Londres. Ce n’est pas l’honneur de la France de voir des articles web modifiés à la suite d’appels de pression ou de journaux empêchés de sortie à la suite d’un coup de fil de ministre.

Quatrième et dernier point, assurer la pérennité de nos institutions tout en les transformant. Je ne suis pas favorable au délire de VIe République, juste exalté pour le plaisir de changer de chiffre. La France a une histoire, des habitudes politiques, et je ne pense pas qu’il serait faisable de greffer un système parlementaire à la danoise (quand bien même on peut s’en inspirer). Le retour des jeux de pouvoir façon IVe République, des micro-partis sans base électorale représentés au Parlement, l’impossibilité d’avoir une large majorité... tout cela participerait plus à la déstabilisation qu’autre chose. Mais introduire une dose de proportionnelle, instaurer des primaires locales (facilement faisable avec Internet) pour désigner les candidats au lieu de voir des parachutés imposés, faire en sorte qu’un certain seuil de vote blanc oblige à recommencer l’élection, limiter les mandats dans le temps, rajeunir, féminiser et diversifier les origines de la classe politique, alléger la procédure des référendums populaires, réduire le poids et l’influence néfaste de certains lobbys (qui osent encore aujourd’hui donner des places de concert à des députés pour qu’ils soutiennent des projets de loi), éjecter définitivement de la vie politique les élus condamnés pour faute grave, etc... tout cela concourrait à assainir le processus.

Je reste un optimiste. Sans croire à un fumeux « sens de l’Histoire », je reste convaincu qu’année après année, par petits pas plus que par esprit révolutionnaire, la vie politique française est moins sale. Les années 80 et leurs valises de billets, les journalistes qui se font dicter leurs textes, les petites peines pour les magouilleurs, tout cela se réduit et tend à disparaître. Internet, le développement des associations anti-corruption et la transparence participent à créer un environnement plus sain. Gageons que nos représentons continueront à aller en ce sens et comprendront qu’aujourd’hui plus qu’hier, les comportements inacceptables ne sont plus de l’ordre du détail, et que s’ils veulent être réélus, ils ont un devoir d’exemplarité, et pas seulement sur leurs prospectus électoraux.

 

« Vers un assainissement de notre démocratie »

par Arthur Choiseul, le 9 septembre 2015

 

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Refonder la République. Mais d’abord... pourquoi ?

Après tout, notre exécutif ne semble pas outre mesure entravé dans son action : les lois sont toujours votées – au grès parfois de quelques comédies médiatiques, mais en général, toujours votées – et nous ne connaissons pas ces phases d’instabilité gouvernementale à répétition qui caractérisait la fin de la IVe République. Au fond, la mécanique de la Ve République, renforcée par le quinquennat, semble assez bien remplir son office premier : celui de privilégier l’action d’une majorité – fusse-t-elle juste moins minoritaire que les autres – plutôt que la paralysie des institutions.

Oui mais voilà, il y a tout de même quelques symptômes qui ne trompent pas :

1. Même s’il y a déjà eu par le passé des taux d’abstention importants, on ne peut nier une tendance générale à l’augmentation de celui-ci depuis les années 90, et plus fortement encore depuis les années 2000.

2. Les électeurs sont, dans un même temps, plus nombreux à se détourner des partis qui gouvernent habituellement la France et ses échelons territoriaux, au profit de formations souvent plus extrémistes.

3. Enfin, et c’est finalement le pire de nos échecs : bien que nos majorités et nos oppositions donnent toujours l’impression d’être en mouvement, bien que les débats, les lois et les mesures se succèdent, la France est toujours incapable de se réformer sur autre chose que des détails. Au fond, à l’« esprit de la Ve République » qui préférait l’action à la paralysie, nous sommes en droit maintenant de demander : « à quoi sert l’action, si c’est celle de piétiner sur place ? »

Quand communiquer vaut mieux que répondre

Mais la cause de ce double constat de désaffection citoyenne et d’impuissance politique est-elle seulement institutionnelle ? Notre manière de faire de la politique, ou d’en parler n’est-elle pas également en cause ? Se contenter de changer les règles du jeu changerait-il le résultat final ?

À une époque où la multiplication et l’intensification des canaux d’information a imposé la communication comme nécessité d’existence politique, et les diverses côtes de popularité comme principale boussole, montrer que l’on s’attache à résoudre un problème semble être devenu plus important que de le résoudre effectivement, et répondre vite semble valoir mieux que répondre juste.

Il arrive même que la mesure ou la décision politique elle-même soit vidée de toute autre fonction que celle de « communiquer », de montrer que l’on agit. Mais au final, une fois la frénésie de l’actualité passée, qu’en reste-t-il ? La montagne accouche trop souvent d’une souris. Comment, dans ces conditions, imaginer que l’action politique soit encore perçue comme ayant l’ambition de répondre durablement – et pertinemment – aux problématiques posées  ?

Un déficit de légitimité

Pour autant, la mise en cause des pratiques politiciennes et médiatiques dans le bilan de l’impuissance républicaine ne doivent pas occulter un autre aspect du problème : celui du déficit de légitimité à la tête de l’État ! Au fond :

  • Le Président de la République, élu au suffrage universel direct, n’est jamais que le plus apprécié des deux candidats ayant obtenu les meilleurs scores au premier tour. Mais aucun n’a jamais obtenu plus d’un tiers des suffrages au premier tour ! (sur les 40 dernières années)
     
  • La composition finale de l’Assemblée nationale, désormais élue juste après le Président de la République, ne reflète pas plus la disparité des opinions exprimées au premier tour dans l’ensemble des circonscriptions de France : elle ne sert qu’à asseoir suffisamment largement la majorité du parti présidentiel, balayant même la nécessité de composer des coalitions.
     
  • Comment imaginer alors que le Gouvernement, issu de la majorité à l’Assemblée, ne soit pas inféodé à l’autorité du Président de la République nouvellement élu ou réélu, alors même que l’esprit de nos institutions instaure un « Président arbitre » et un Premier ministre menant la politique gouvernementale  ?

  • Le Sénat, enfin, n’est pas mieux loti en termes de représentation des opinions citoyennes, avec un mode de scrutin complexe qui ne favorise que l’émergence de quelques «  grosses écuries  ».

Au final, le parti gouvernemental est dispensé d’avoir à composer, discuter, négocier, avec des partenaires : il peut faire passer sans trop de mal la quasi-totalité de sa politique sans vrais risques de blocage. Il perd ainsi l’occasion de se remettre parfois en cause, et de réfléchir à l’efficacité et au bien-fondé de son action, en général comme dans les détails. Mais surtout, il perd également la légitimité nécessaire à réformer en profondeur la nation, parce qu’il ne représente jamais qu’au plus un tiers de l’opinion citoyenne, et ne peut jamais se prévaloir que de ce tiers face aux deux autres.

Ceci dit, quelles solutions  ?

     1° Encourager l’exigence citoyenne

Nous devons prendre conscience que nous avons changé d’ère en termes de communication politique et institutionnelle, à l’échelle mondiale, depuis quelques dizaines d’années. Il serait illusoire voire nocif d’imaginer changer par la loi la pertinence de la communication politique et de sa diffusion médiatique.

C’est au peuple, finalement, de choisir s’il souhaite être exigeant, et privilégier ceux qui répondent juste à ceux qui répondent vite ou fort. En la matière, le seul pouvoir qu’il nous est offert d’exercer, élus, militants, acteurs de la vie associative on institutionnelle, vecteurs d’opinion, c’est celui d’encourager nos concitoyens à être exigeants.

     2° Lutter pour la transparence et contre le mélange des intérêts

Qu’il s’agisse du pouvoir politique (législatif, exécutif, territorial), du pouvoir judiciaire, du pouvoir médiatique, ou du pouvoir économique, il est impératif de lutter contre le mélange des intérêts de tous ordres (commerciaux, personnels, corporatistes, partisans…). C’est une chose aisée à dire, et bien plus délicate à mettre en œuvre efficacement sans tomber dans l’abus. Aucune tribune ne permettrait de répondre précisément à un problème aussi épineux, sur ce sujet, nous avons besoin d’un vrai débat citoyen, large, et long si nécessaire.

Deux pistes toutefois :

Une plus grande transparence concernant le train de vie des élus permettrait certainement de mettre un terme à certains fantasmes du « tous profiteurs » d’un côté, et de lutter également de l’autre contre la corruption. Dans une République où le lien de confiance entre citoyens et élus est de plus en plus fragile, peut-être faut-il en passer par là, « montrer patte blanche » ?

Un meilleur cloisonnement – ou tout du moins contrôle – entre les responsabilités électives et les pouvoirs de nomination dans les hautes fonctions administratives, judiciaires, ou dans l’audiovisuelle publique – pour ne citer que ces 3 pouvoirs – permettraient certainement de lutter contre les innombrables tentatives de « verrouillages » partisans que l’on observe un peu à tous les échelons de la République.

     3° Fonder une VIe République

Nous devrons un jour résoudre l’équation apparemment impossible qui consiste à permettre l’action et la stabilité gouvernementale tout en respectant dans les proportions, la diversité des opinions citoyennes.

Le bicaméralisme (le fait que le parlement soit constitué de deux assemblées, aujourd’hui Assemblée nationale et Sénat) nous offre peut-être une voie… mais pas un bicaméralisme où, comme c’est le cas aujourd’hui, l’une des chambres ne soit qu’un doublon de la seconde  !

Notre gouvernement n’a besoin que d’une chambre, en vérité, pour élaborer sa politique « quotidienne », pourquoi ne pas refondre la seconde chambre pour que, via une élection à la proportionnelle intégrale (et avec un nombre restreint de sièges, pour plus de lisibilité, pourquoi pas 100 tout rond ?) cette dernière devienne le reflet le plus fidèle possible de la diversité des opinions citoyennes. À cette seconde chambre reviendrait alors les pouvoirs de décisions sur des points plus profonds ou structurels de notre organisation républicaine et de notre législation. (On constate d’ailleurs qu’une telle distinction entre différents niveaux de décisions existe déjà sous la Ve République, via notamment la distinction entre la gouvernance par décrets et la gouvernance par la loi)

On pourrait enfin imaginer confier à cette seconde chambre un plus grand pouvoir de regard ou de décision quant aux nominations et révocations aux postes clés de l’administration, de la justice, et autres organismes d’État… un moyen aussi de lutter contre le népotisme.

     4° Clarifier, simplifier, alléger l’organisation territoriale et étatique

Ce n’est pas une question aussi prioritaire que les trois points précédents. Toutefois, elle devra un jour vraiment être traitée. Nos réformes successives des collectivités territoriales n’ont fait qu’empiler de nouvelles structures, gonfler les dépenses, générer des doublons… à tel point que certains de nos concitoyens n’y voient plus là – à tort ou à raison – que des « structures pour caser les copains ».

Déplorable en terme d’image, d’efficacité, de déséquilibre des comptes publics – que l’on renfloue aujourd’hui grâce à des dettes dont nos enfants paieront demain le prix – le « mille-feuille français » n’a jamais vraiment été allégé, bien au contraire. La grande gabegie doit cesser  !

Conclusion

Réécrire les « règles du jeu » ne suffira pas à réconcilier la politique française avec les citoyens, nous avons également besoin d’exigence, l’exigence des citoyens vis-à-vis de leurs représentants et de la couverture médiatique, exigence des élus et des médias vis-à-vis d’eux-mêmes, exigence, enfin, des militants vis-à-vis des cadres de leurs partis.

Le premier pouvoir du peuple, en démocratie, est certainement celui de choisir ces représentants – ses dirigeants – mais si le peuple venait à négliger ce pouvoir qui est le sien, c’est le fonctionnement même de la démocratie qui serait remis en cause, et avec elle, la liberté qu’elle garantit et l’égalité qu’elle promeut.

 

Christophe Vasquez

« Soyons exigeants... soyez exigeants ! »

par Christophe Vasquez, le 11 septembre 2015

 

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Trop peu connaissent l’épisode historique qui faillit mener à la fusion des gouvernements britannique et français, et de leurs empires coloniaux, en 1940. Il fallait des esprits visionnaires et audacieux comme Churchill et De Gaulle, pénétrés de l’amour profondde leur patrie autant que conscients des soubresauts du monde, pour concevoir et mettre en œuvre un tel projet. Face à un péril immense et un basculement inévitable, choisir de se fondre pour évoluer et persister sous une forme nouvelle, ou risquer l’anéantissement.

Là est le cœur du débat sur les institutions, la démocratie, la société. Nous sommes dans une période de fluctuations comparable à 1940 et non pas à 1958. Ne tombons pas dans l’écueil facile et futile d’une discussion mécaniste, proposant telle réforme électorale ou révision des échelons institutionnels, telle nouvelle République, telle méthode pour remobiliser les citoyens, telle autre pour renouveler la classe politique. Ce serait être bien crédule que de considérer un traitement par feuille ou par branche quand c’est l’arbre en son entier qu’il faut soigner.

Les institutions ne sont pas ahistoriques. Elles sont, au contraire, intrinsèquement liées à une époque, aux aspirations d’une population, à l’état des savoirs. Par conséquent, elles sont changeantes et mortelles. C’est un conservatisme malsain de souhaiter leur immuabilité, au risque de les vider de leur essence fondamentale – fournir une organisation des rapports humains adaptée aux exigences du moment – et d’entraîner leur inadaptation, leur dessiccation. Pire, si ces institutions sont démocratiques, c’est livrer la démocratie inopérante et la souveraineté populaire abandonnée à quelque tyran malin.

Le constat est souvent partagé – notamment en France (voir l’ouvrage de Pierre Rosanvallon) – que l’organisation politique de notre société est dépassée, caduque. Il ne semble pas aventureux d’affirmer que la République française est un temple sacré qui n’a plus ni fondations ni colonnades, de rares sectateurs pour beaucoup de mécréants, mais qui demeure par le confort de l’habitude.

Pourtant personne ne veut pointer et nommer la cause véritable. On ne peut comprendre l’état actuel de nos institutions et penser les institutions à venir sans prendre en compte la mort de l’État-nation, sans observer les trépidations puissantes qui agitent le monde ni expliciter les défis qui s’imposent à nous.

Aborder la mort de l’État-nation, c’est s’attendre à des cris d’orfraie convenus. L’État-nation est érigé en idole. Il a les beaux atours postiches d’un modèle structurant et indépassable de nos sociétés, bien qu’il n’ait émergé que deux siècles plus tôt. La civilisation l’a précédé et nous parions que le chaos ne suivra pas sa disparition. L’État-nation est la congruence opportune de deux éléments : l’État, en tant qu’entité politique qui régente l’organisation de la société et l’exercice courant de la souveraineté ; et la nation, ce groupement qui unit les individus entre eux et les particularise par rapport à d’autres groupes d’individus.

Le succès de l’État-nation au XXème siècle est incontestable, il devient la forme dominante et quasi-exclusive, grâce à un mouvement centripète qui accompagne l’explosion des empires et légitime les revendications nationalistes. Cette parcellisation du monde a lieu avec l’assentiment des États-Unis et de l’Occident. Évidemment, toutes les revendications nationalistes ne sont pas satisfaites, le processus connaît des ratés et des États multinationaux se maintiennent. La victoire n’est pas absolue mais la tendance est nette.

Qu’en est-il aujourd’hui ? L’État-nation est toujours là mais il décline. Considérons ses parties pour juger de l’ensemble, en nous restreignant au cas de la France. La nation, tout d’abord. Toutes les analyses et toutes les définitions pour qualifier la “nation française” actuelle sont battues en brèche car les constituants objectifs et subjectifs disparaissent les uns après les autres. La religion, l’armée, l’école, la famille, l’histoire, la culture, la langue... tous ces éléments qui favorisent et entretiennent le lien sociétal – et participent donc au maintien de la nation – se trouvent affaiblis, dilués, abandonnés. L’on pourrait détailler longuement et individuellement ces éléments mais chacun saisit aisément les enjeux qu’ils sous-tendent et les polémiques qui surgissent à leur propos.

Dès lors, peut-il encore y avoir une nation lorsque les liens qui permettent de faire société et de se singulariser sont à ce point distendus ? La nation n’a plus de sens, à l’heure où les frontières physiques sont abolies, où les rapports humains sont redéfinis par la communication et le numérique. Pour preuve, le renouveau des régionalismes sans revendication d’indépendance ou du “communautarisme”, qui ne doivent pas nécessairement être perçus comme des menaces (voir les travaux de Michel Maffessoli).

La dimension nationale n’est plus pertinente car chaque individu se sent singulier, s'attache à des communautés (linguistique, ethnique, culturelle…) qui ne sont pas confondues avec la communauté nationale. D’ailleurs, ce sentiment national n’est pas inné, il ne peut exister que s’il est stimulé, et les stimuli sont rares dans la France d’aujourd’hui. À tout le moins, le lien national se réanime lors de certaines occasions, où l’émotion sert de vecteur à la cohésion (commémoration mémorielle ou attentat, définition d’un ennemi commun…). Il faut voir aussi en cela un symptôme de l’impuissance croissante de l’État, qui ne mobilise plus sa nation en dehors de ces circonstances exceptionnelles.

L’État (et en particulier l’État démocratique, par nature limité et contrôlé dans l’usage de ses moyens d’action, à l’inverse de l’État autoritaire) devient impotent face à un monde qui invente des règles permettant de se passer de lui. On ne peut ignorer que l’économie prime désormais sur le politique.

Il serait d’ailleurs intéressant d’observer le grignotage des fonds privés et mécénats sur les missions régaliennes de l’État, dans des domaines aussi divers que la recherche, la culture, l’éducation, etc. C’est un autre sujet. Quoi qu’il en soit, les véritables leviers sont économiques. La croissance, le chômage, sont des maux que le pouvoir politique ne peut endiguer seul. Le marché n’a pas de frontière, pas de visage, guère de limites et peu d’unicité, puisque les règles du capitalisme ne sont pas unifiées au niveau mondial.

L’État s’endette, s’échine à atténuer les variations économiques qui ont un impact sur la population, sans succès. L’ultime levier encore entre ses mains – qui lui permet de réaffirmer sa force et son utilité – c’est l’impératif de sécurité, primordiale pour la population autant que pour la stabilité économique. De ce point de vue, le terrorisme se révèle une calamité aux atouts opportuns, puisque l’existence de l’État est confortée et justifiée s’il se mobilise pour la protection des citoyens et des biens. Le résultat est néanmoins mitigé. C’est que même en ce domaine, l’État est faible. Le crime est mondialisé, ses sources de financement aussi, et aucune politique mondiale efficace ne vient gêner ce système.

Ainsi, le meilleur indice – et le plus terrible – de la mort de l’État-nation est peut-être la naissance de Daech. Il est par nature transnational voire international, fondant sa cohésion sur une certaine vison extrémiste de la religion musulmane. Il n’a pas d’État à proprement parler, fixe ses propres règles, défie l’équilibre mondial des frontières et des puissances, attaque tout pays sans déclaration de guerre et par “des intermédiaires” grâce à l’endoctrinement, se rétribue sur le pétrole ou le trafic d’œuvres d’art. Il n’a que faire du bien-être de sa population et de son développement. Cette entité obscurantiste est animée par le double objectif de conquérir et convertir.

Le succès de cette entreprise de terreur vient de sa “liberté”, n’étant pas restreint par un carcan et des normes inadaptés. Le péril est grand que nos États-nations ne puissent plus faire illusion longtemps et que leur déclin entraîne des régressions qui nous plongeraient dans une ère de troubles. Ce n’est certainement pas le souhait des populations. Il est donc temps de prendre acte du changement mondial.

Notre monde est traversé de courants puissants, parfois antagonistes, qui transforment irrémédiablement l’organisation des sociétés humaines. Ne sous-estimons pas la force et le triomphe de l’idée, du virtuel, sur le réel. Cela induit la création, la coexistence et bientôt la concurrence, avec un autre univers. Internet en est l’illustration la plus simple, l’individu s’y dépasse, se réinvente, les États n’y ont quasiment aucune autorité, c’est un monde illimité, instantané, aujourd’hui livré à lui-même. Et l’individu qui y pénètre est également livré à lui-même. Il doit juger les informations qu’il reçoit sans toujours en discerner la réalité, il peut enfreindre les lois de son pays en achetant drogues, armes, prestations sexuelles…

Dans un registre moins grave, la mise en réseau de tous les individus offre un potentiel de partage jamais égalé : partage de sa voiture, de sa maison, de ses compétences… Chacun a quelque chose à offrir et recherche quelque chose. Cette économie du partage, économie participative, cette “ubérisation” diront certains, redéfinit la réalité et remet en cause, par exemple, l’existence de certaines professions organisées. Certains (tel Jeremy Rifkin) vont mêmes jusqu’à théoriser l’effondrement du système industriel et la mutation du salariat. L’économie fait face à son propre bouleversement et c’est une formidable occasion pour les citoyens de se ressaisir du pouvoir perdu par le politique.

Cet autre monde, virtuel et immatériel, influence donc de manière croissante le monde physique. Le progrès technologique a pulvérisé les cadres de pensée et l’horizon des possibles est béant. Puisque l’idée devient reine, tout est réalisable, au service du plus grand bien comme des plus grandes folies. On le voit avec les inquiétudes naissantes autour de l’impression 3D, du transhumanisme, de l’intelligence artificielle. Chacun va pouvoir concevoir et obtenir ce dont il a envie, sous la forme et au moment souhaité. Le triomphe de l’idée est aussi le triomphe de l’égoïsme.

La déconstruction de l’homme ancien est à l’œuvre avec la perte de nos illusions : la fin de la perspective d’un développement infini, la fin probable du prétexte d’existence par le travail au gré des avancées technologiques… un citoyen nouveau naît, s’invente, une autre vie en quelque sorte. Sous cet angle, l’inquiétude de certains scientifiques (menés par l’astrophysicien Stephen Hawking) vis-à-vis d’une intelligence artificielle qui supplanterait l’homme, n’est pas une idiotie. Si l’on dépossède l’homme de toute utilité et de tout intérêt de vivre, si l’humanité curieuse, ambitieuse, inventive est éternellement battue par la supériorité de la machine et tombe sous son joug comme une proie, quel avenir obscur !

Dès lors, pour ce nouveau citoyen et cette nouvelle société, tout ne peut pas être acceptable, il faut établir des règles. Qui alors pour imposer une règle ? On l’aura compris, la structuration des mondes physiques et virtuels est distincte, et les schémas du réel ne peuvent être appliqués au virtuel ni réunir ces deux mondes. L’État, et plus encore l’État-nation, ne nous semble plus apte pour régenter cela.

Il faut maintenant raisonner à l’échelon supra-étatique, ce que la grande majorité des pays a commencé à faire depuis plusieurs décennies, avec des niveaux d’intégration très divers (Union européenne, ASEAN, Union africaine…). L’avenir est au regroupement et plus à l'éparpillement, à la création de nouveaux empires continentaux. Le mouvement est enclenché mais le défi est ailleurs. Les citoyens soucieux de préserver les acquis démocratiques devraient s’engager pour un fédéralisme mondial, un universalisme qui créerait des institutions mondiales réellement détentrice d’un pouvoir. En somme, un “giga-État” capable de fixer des principes planétaires.

Un “giga-État” capable d’unifier et de réguler le fonctionnement de l’économie capitaliste, de combattre la criminalité et le terrorisme, de protéger les libertés et les Droits de l’Homme, de reprendre le contrôle du monde virtuel, de définir universellement les règles que l’humanité s’impose à elle-même face à l'emballement technologique. Les institutions mondiales, comme l’ONU, nées après de grands traumatismes, sont une esquisse et une base qu’il faut améliorer et amplifier. Nous avons renoncé, depuis la seconde moitié du XXème siècle, à poursuivre véritablement cet élan universaliste.

Aux problèmes du monde actuel, il est indispensable d’apporter une réponse politique. Il ne faut pas avoir peur de la mort de l’État-nation, de la vieille société mais il faut l’accompagner, préparer la transition vers quelque chose de plus haut, de différent. Se fondre et se regrouper pour évoluer, sinon disparaître. Il ne faut pas céder au fatalisme et à l’obscurantisme, ne pas abdiquer devant la barbarie des réactionnaires et l’enthousiasme incontrôlé des progressistes.

Une voie médiane est envisageable, souhaitable. Nos sociétés plurielles, dont la cohérence et la cohésion ne sont assurées, doivent s'accepter et se dépasser. Les individus ne peuvent plus être catégorisés ni les États limités par des frontières. Il faut raisonner en termes d’humanité et plus de nationalité, d’universalité et plus de territorialité parcellaire. La contiguïté des sociétés n’existe plus, elles s’interpénètrent, s’influencent d’une manière décuplée, sont étroitement liées par la technologie. Telle catastrophe du bout du monde mobilise chez nous et telle nouveauté à la mode ici traversera demain les océans.

La recherche d’une nouvelle forme d’universalité fraternelle non uniformisatrice, voilà le vrai défi, l’unique défi du XXIème siècle. Cela doit se faire par étapes car, nonobstant la mise en réseau de l’humanité, certaines barrières mentales résistent face à l’impensé de la globalité. Sans doute la naissance d’une Europe fédérale, où les États abandonnent définitivement leurs pouvoirs, est un premier palier à atteindre, si l’on reste sur la construction déjà entamée et qui se fonde sur des critères historico-géographiques. L’on pourrait imaginer une toute autre intégration, fondée par exemple sur la francophonie, avec la création d’une entité supranationale fédéraliste mêlant la France, la Belgique, le Québec et des pays d’Afrique.

Qu’importe le lien que l’on mobilise et la justification que l’on donne, la finalité est le dépassement de l’État-nation. La religion, la couleur de peau, la nationalité, tout cela n’est plus structurant. Ce qui compte désormais est bien plus fort : ce sont les manières de vivre et de concevoir l’avenir.

Concomitamment, il faut rejeter toute tentation uniformisatrice, qui ne peut être source que de résistances violentes, l’expression d’une peur de la disparition. La conflagration contemporaine vient de cela. Le communautarisme, le terrorisme, prolifèrent par le truchement de l’incompréhension, de l’inquiétude, de l’instinct réactionnaire pour la survie de sa civilisation et de soi-même. La haine de l’Autre et le repli sur soi sont les serviteurs d’une protection désespérée.

On a laissé les identités, les sociétés, les cultures se livrer une véritable guerre, une concurrence libérale – au sens économique – où le plus offrant, le meilleur communicant, pouvait emporter la mise. Comment s’étonner alors de toutes ces identités frustrées, spoliées, ces unités nationales perdues (si tant est qu’elles aient véritablement existées). La radicalité germe quand il n’y a plus de rationalité, et le monde actuel n’est pas rationnel. Les crises qu’on laisse s’envenimer tout en sachant les solutions à mettre en œuvre, sont un aveu de folie et d’impuissance.

La situation migratoire, la criminalité... ces problèmes d’envergure appellent des réponses à grande échelle, nous le savons tous. Les frontières héritées des deux guerres mondiales et la parcellisation nationaliste – cette recherche du plus petit dénominateur commun sur un territoire donné – n’offrent plus un cadre pertinent de gestion. Comme ces clercs bornés contre Galilée, refusant obstinément de reconnaître l’évidence de la caducité de leur interprétation devant l’impérieux argument de la réalité, il faut nous aussi cesser de penser en termes de systèmes clos et exclusifs.

Il ne s’agit pas de forcer une tribu Sioux à vivre avec et comme une tribu Inca. Mais au sein de la fraternité humaine il est possible d’établir des règles de coexistence pacifique. Il ne faudrait pas croire que le retour au village isolé et auto-suffisant, comme certains aiment à l’imaginer, soit la solution. Le monde est désormais en réseau et interdépendant. Les enjeux des décennies à venir sont donc colossaux : la gestion d’une masse de population dont on ne connaît pas encore le seuil maximal ; la préservation des espaces naturels et des ressources ; le maintien de nos conforts de vie.

On comprendra donc qu’une “refondation des institutions nationales” aux contours flous et aux résultats hypothétiques, dans une telle configuration mondiale qui subit un profond changement de paradigme, d’épistémè, n’est guère satisfaisante. Il faut une plus haute ambition, à la mesure des enjeux, pour les citoyens.

Puisque la réponse ne peut et ne doit être que politique - au sens profond et originel de ce“qui concerne les citoyens” - il faudra des dirigeants courageux et audacieux, des citoyens lucides, capables de ressentir l’intérêt général et non plus leur intérêt propre. Les premiers devront abandonner leur pouvoir à une institution qui les dépasse, les seconds exercer leur souveraineté sous une forme nouvelle, à l’aune de la démocratie participative qui s’invente sous nos yeux.

La recomposition du paysage politique français, qui s’opère actuellement, témoigne des bouleversements qui ont lieu et de l’évolution des mentalités. Un nouveau clivage émerge, celui de l’universalisme, qui divisera les partisans d’un conservatisme acharné, convaincu que la nation et l’État ne sont pas morts ; et ceux, plus éclairés, à la manière de Churchill et De Gaulle, qui se préparent à penser l’après.

 

Vincent Métivier

« Penser la rupture. Inventer un nouvel universalisme. »

par Vincent Métivier, le 13 septembre 2015

 

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Ce constat, partiellement injuste, n’exprime aucune nuance. Je le revendique en refusant de le tempérer car j’ai le sentiment qu’il faut aller à l’essentiel. Le lecteur offusqué pourra rajouter des « parfois », « un peu », « en partie » aussi souvent qu’il le souhaite ; il aura toujours raison de le faire.

Après des mois d’engagement, je ne vois plus qu’une alternative à la décrépitude de notre système politique : sa disparition.

Nous, militants, avons beau gesticuler dans nos partis, faire des enquêtes d’opinion, appeler comme des moutons à des sauts ou des sursauts démocratiques, la défiance des citoyens envers le monde politique s’aggrave.

Des deux côtés, une forme d’autisme fait rejeter la faute sur l’autre. Les élus, aveuglés par leurs ambitions, sont incapables de se remettre vraiment en question ; les électeurs, eux, votent comme des pieds en s’en lavant les mains. Personne ne se sent plus coupable de rien. Pour faire simple, notre crise institutionnelle est avant tout une crise de responsabilités.

Pour donner un nouveau souffle à notre démocratie, il est indispensable d’augmenter considérablement la représentation et le pouvoir des citoyens. Selon le principe des vases communicants, cela se fera au détriment des partis et des professionnels de la politique, mais on ne peut pas se payer le luxe d’entretenir ceux qui desservent ceux qu’ils devraient servir.

Dans cette optique, attaquons-nous d’abord au problème de représentation du peuple.

Nous serions, paraît-il, en démocratie. Pourtant, à regarder la composition de l’Assemblée nationale, le doute est permis. Les élections parlementaires répondent à la loi du plus fort et une majorité des Français ayant une opinion « minoritaire » n’y est pas représentée. Il y a là une anomalie à corriger. Un scrutin avec une bonne grosse dose de proportionnelle, du genre à dynamiter les groupes majoritaires, changerait cela. Je sais bien que la France a eu quelques mauvaises expériences de ce type par le passé. Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, certains de nos voisins européens ne s’en sortent pas trop mal (le Danemark, notamment).

Allons même plus loin. Plus loin, c’est le tirage au sort. En nous libérant des logiques électoralistes, le panachage d’un large tiers de l’Assemblée par de simples citoyens désignés par hasard – et évidemment défrayés – pourrait permettre au Parlement de retrouver une assise ainsi qu’une légitimité populaire qui lui font largement défaut aujourd’hui. Et, accessoirement, une honnêteté que ne connaissent pas nos lobbyistes actuels. Ce système, hérité de la démocratie athénienne, a notamment été utilisé pour l’Assemblée constituante islandaise de 2011.

Enfin, toujours sur la question de la représentativité, il serait bon d’améliorer l’accessibilité de tous les citoyens aux mandats électifs. Se présenter à une élection est aujourd’hui un vrai parcours du combattant. En vrac, cela requiert : du temps, de l’argent, un suicide professionnel (si on est pas fonctionnaire), un parti politique, une place à prendre à un autre candidat potentiel ou à l’élu sortant. Un Monsieur-tout-le-monde armé de son seul courage n’a donc aucune chance de se retrouver sur d’autres bancs publics que ceux du parc le plus proche. Pour changer ce paradigme, diverses mesures doivent être prises, allant du non-cumul des mandats au soutien financier et logistique du candidat indépendant.

La question de la représentation étant abordée, reste à soulever celle de la détention et de l’exercice du pouvoir, symbolique ou effectif.

Je précise symbolique ou effectif car il existe, de fait, une confusion entre les deux. Certains représentants de la Nation partent du principe qu’ils en sont d’abord une incarnation, donc qu’ils sont au-dessus des lois, de la morale et du peuple. Cette confiscation de la symbolique du pouvoir en font des demi-dieux capables, pour les députés par exemple, de voter l’impôt sans être assujetti au même régime que leurs concitoyens, ou de bénéficier d’une immunité pour profiter bien tranquillement de leur mandat et de ses largesses. Il serait bon de réformer le statut de l’élu pour l’inviter à une certaine modestie.

Cette confusion existe également au plus haut sommet de l’État, et c’est là qu’elle fait le plus de dégâts. Avoir un exécutif bicéphale sans cohabitation est une aberration, car ce régime donne tous les rôles au Président, et n’en donne plus aucun au Premier Ministre. Le chef du Gouvernement n’est désormais plus un fusible viable et le chef de l’État, normalement garant de sa continuité et de l’unité de la Nation, se fait siffler dans les stades… Comme Emmanuel Macron (Le 1 Hebdo, 08/07/15), je pense qu’il manque un roi à la France. Qu’importe qu’il soit de droit divin ou républicain, nous gagnerions, à ce niveau du pouvoir, à séparer la charge symbolique de la portée politique. Difficile d’imaginer Hollande en Reine d’Angleterre (pardon pour l’image !), mais c’est à mon sens la voie à emprunter.

Les politiques, élus ou mandatés, doivent par ailleurs être responsables de leur parole et de leurs actes. J’utilise ici la notion de responsabilité dans les deux sens.

D’une part, les gouvernements, tous échelons confondus, gagneraient à être composés d’experts dans leur domaine. D’autre part, il faudrait instaurer des contrats de gouvernance, contraignants et sanctionnables (idée empruntée à Sam Karmann, Twitter, 13/09/15). La conduite de la France ne peut plus être un chèque en blanc de la durée d’un mandat, laissé aux mains de semi-professionnels de la communication, mielleux et interchangeables.

Enfin, je suis intimement persuadé qu’il faut généraliser la pratique du référendum, d’autant que grâce aux nouvelles technologies, son recours n’est plus aussi coûteux ou fastidieux que par le passé. Toute question d’ordre sociale ou structurelle devrait y passer. Son utilisation fait peur en France, nos politiques estimant que les citoyens sont dénués de recul. C’est en partie vrai, mais à infantiliser le peuple, il reste un éternel adolescent en crise. La maturité s’acquiert par le respect et la reconnaissance. Les Suisses, exemples en la matière, décident ainsi de leur sort en conscience ; ils ont notamment refusé début 2012, via référendum, le passage de quatre à six semaines de congés payés.

Tout un programme, n’est-ce pas ? Soyez toutefois rassurés, ces propositions sont irréalisables car ceux qui pourraient les voter sont principalement ceux qu’elles limiteraient. La politique n’a jusqu’alors jamais atteint un tel degré de masochisme !

 

Vincent Fleury 2015

« Moins de politique pour plus

de démocratie (et vice versa) »

par Vincent Fleury, le 15 septembre 2015

 

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On voudrait nous faire croire que la jeunesse est désabusée et son engagement essoufflé. Elle incarne pourtant un élan nouveau, souvent incompris. Débrouillarde, elle rebat les cartes et impose de nouvelles règles du jeu. Elle forge les institutions neuves. Elle se débat en dehors des statuts qui ont protégé leurs parents et au sein desquels on raisonne encore trop souvent.

Dans un pays sans croissance et sans emploi, les jeunes sont en première ligne. Face à un taux de chômage quatre fois plus élevé qu’il y a quarante ans, face à une temporalité accélérée par la mondialisation, ils se considèrent souvent mal armés.

Le constat est simple : notre monde bouge plus vite que nos méthodes, nos structures et in fine nos institutions. Cette génération du système D plus que "Y" a donc mis en place un système parallèle, à rebours des idées reçues, en passe de devenir le système de référence.

La jeunesse modélise un système où l’engagement est tentaculaire et moins codé. L'engagement n'est pas mort. Il est même de plus en plus vivant et s'exprime sous des formes renouvelées ! On manifeste moins, on pétitionne plus. On adhère moins à un parti politique ou à un syndicat, mais on s'inscrit en ligne pour accueillir chez soi des réfugiés de guerre. On s'affranchit des appartenances politiques, mais on organise des mouvements à l'extérieur des cercles traditionnels, qu'il s'agisse des Pigeons ou de la mobilisation « Je suis Charlie » du 11 janvier.

La jeunesse est mature. Elle ne court pas après un strapontin dans la décision publique, elle œuvre déjà et en dehors des institutions. Les structures traditionnelles sont dépassées. Logique. Elles ont refusé de changer. Les règles du jeu sont écrites par celles et ceux qui en bénéficient et permettent avant tout de protéger les "insiders".

La désillusion de la jeunesse envers nos institutions n’est pas un mouvement d’humeur... Alors que leurs aînés jurent encore par l’État, les jeunes sont 80% à considérer que la politique doit favoriser l’entreprise. Plus d’un tiers des lycéens et étudiants souhaitent créer leur propre structure. Ultra-connectée, la jeunesse ne comprend plus l’inertie d’un système dépassé.

Le réferendum de 2005 sur le projet de constitution européenne en est un exemple symptomatique. Une jeunesse mobilisée sur des enjeux techniques, qui vote en masse « non » et qui, quelques années plus tard, comprend que le plan B est un passage en force du plan A. Cette désillusion marque la fin d’un espoir.

Est-il alors trop tard pour ré-enchanter les institutions actuelles et éviter leur renversement brutal ? Non. Mais devant l’urgence, il faut agir vite ! Face à la crise de légitimité du politique, la démocratie doit être plus directe, les projets politiques davantage co-construits avec les citoyens. Face à l’inefficacité des politiques publiques, ce sont non seulement des évaluations permanentes qui doivent être mises en place, mais aussi un véritable « devoir de rendre compte » des responsables qui doit être instauré.

 

Aurore Bergé     Matthieu Ellerbach

Julien Miro

« Les institutions de demain seront forgées

par une jeunesse plus engagée que jamais »

par Aurore BergéMatthieu Ellerbach

et Julien Miro, le 16 septembre 2015

 

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« La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » Cette citation d’Abraham Lincoln qui caractérise la démocratie est sans nul doute la définition la plus célèbre du mot « démocratie ».

À l’heure où de nombreux peuples dans le monde ne peuvent toujours pas dire qu’ils vivent sous un régime démocratique et où, en Europe notamment, les volontés des peuples sont balayées d’un revers de main par les technocrates et les financiers qui nous gouvernent, je vais essayer d’être concis pour développer ma vision de ce que devrait être les changements que je souhaite au sein de la République française.

Je me bornerai (comme il nous l’est demandé) à développer ma vision pour la France et non une vision généraliste européenne même si je reste persuadé qu’une rénovation profonde des institutions de la république doit s’accompagner du retour à une Europe des Nations libres et indépendante, dirigées par les peuples et non pas les marchés et les lobbys.

J’ai choisi de commencer mon exposé par la citation de Lincoln car j’estime qu’à l’heure actuelle la république est malade de sa démocratie qui ne représente pas (ou plus) l’idéal qu’elle devait porter.

Je n’en appellerais pas à une VIème République (effet de style plus que changement de fond) mais à une Vème République rénovée et refondée pour recentrer le citoyen au cœur de la cité, comme c’est le cas par exemple en Suisse. Les référendums d’initiative populaire sont à cet effet l’exemple le plus criant d’une démocratie « participative » - en plus de « représentative » - réussie. L’Europe a tenté elle aussi, avec ses initiatives citoyennes, d’aller sur ce terrain, mais il ne s’est agi que d’un artifice, comme nous avons pu le constater avec l’initiative sur la fin de l’expérimentation animale, qui a été sacrifiée. Il faudra instaurer en France de véritables référendums d’initiative populaire (avec un seuil fixé entre 500 000 et 1 million de signatures) que l’on soumettrait obligatoirement au vote de la population (avec, malgré tout, une limite par an).

Le régime français est semi-présidentiel (à la différence des régimes parlementaires de nombreux pays européens). S’il est nécessaire de conserver la stabilité qu’il procure, je pense qu’il faut revenir à un mandat présidentiel de sept ans, non renouvelable, afin que le président élu fasse réellement les réformes pour lesquelles il s’est fait élire, sachant bien qu’il ne pourra pas se représenter. Parallèlement, on pourra renforcer les pouvoirs du Parlement qui pourra avoir un rôle d’initiative plus important.

Le Sénat et le Conseil économique et social devraient être supprimés, mais il faudrait veiller à ce que l’Assemblée représente de manière équilibrée les élus, les territoires, et toutes les composantes de la société civile. Le mandat législatif serait toujours de cinq ans, avec une proportionnelle intégrale, non par département mais par région (les vingt-deux anciennes régions, pas les grandes régions), avec un seuil de 5% des voix pour que soient représentés tous les mouvements et en même temps garantir une juste représentation des territoires (ce que la liste unique ne fait pas forcément, favorisant souvent une élite parisienne).

Une vingtaine de sièges seraient attribués au niveau national pour permettre à tous les partis politiques ayant obtenu au niveau national entre 1 et 5% des suffrages de bénéficier d’un représentant à l’Assemblée s’ils n’en ont pas eu un seul via le scrutin à base régionale. L’obligation liée à la parité tomberait - car on doit choisir les personnes pour leurs compétences et non autre chose - mais elle serait encouragée (malus dans le financement public, désavantage dans la répartition des sièges en cas dégalité) pour inciter les femmes à s’engager en politique puisque notre pays n’a pas encore la mentalité des pays scandinaves, par exemple, en la matière.

Le cas de l’Outre-Mer serait traité à part avec un scrutin majoritaire à un tour conservé pour les circonscriptions uniques et une proportionnelle pour les autres, comme pour les Français de l’étranger. Le nombre de députés serait maintenu (compte tenu de la suppression du Sénat et du CES) mais les indemnités encadrées, diminuées et les retraites alignées (comme au gouvernement) sur le privé pour une équité, une moralité réelles. La politique deviendra l’espace qu’il devrait être : celui de servir les citoyens et non de se servir soi-même.

De même, le financement des partis devra être revu et les micro-partis interditsEnfin, le cumul des mandats devra s’appliquer strictement. Un élu national - ou membre du gouvernement - ne pourra cumuler avec la présidence d’un exécutif local (un mandat de simple élu départemental sans responsabilité ou de simple conseiller municipal ou conseiller délégué sera autorisé, de la même manière qu’un mandat d’adjoint au maire ou de maire d’une commune rurale de moins de mille habitants).

Il en serait de même au niveau des collectivités locales, avec une défense de l’héritage de la commune, des départements et de la Nation. Les Régions (actuelles) seraient des lieux de concertation où siégerait des représentants des départements et des communes. Les scrutins départementaux et municipaux seraient proportionnels eux aussi (intégralement pour le département et avec une prime de majorité pour les communes). Les intercommunalités seraient supprimées ; les collectivités garderaient la possibilité de se regrouper pour certaines compétences (les communes rurales notamment), sans institutions propres ni indemnités correspondantes.

La principale caractéristique de la République telle que je l’imagine, avant même d’en articuler les compétences, les définitions ou le mode de gouvernement : elle se doit d’être morale et exemplaire. Les nominations de responsables ou de fonctionnaires se feront sur la base du mérite et de l’exemplarité. Les frais seront contrôlés, les conflits d’intérêts interdits et nous devrons nous inspirer des modèles scandinaves sur la transparence de la vie politique et l’intégrité des élus (tout élu corrompu ou soupçonné de corruption et autre ne pourrait tout simplement plus se présenter à une élection). Les liens entre les élus et les lobbys seraient activement contrôlés et des sanctions importantes pourront être prises pour ceux qui tentent d’influencer la vie politique par des pratiques de lobbying.

Les médias devront jouir d’une totale liberté d’opinions ; toute censure ou pression sera interdite. Néanmoins, nous contrôlerons et limiterons les liens entre industriels et groupes de presse en créant de nouvelles règles liées à la détention du capital des médias.

Enfin, tout les budgets des institutions et de la vie politique seront diminués pour montrer symboliquement l’exemple aux citoyens si ceux-ci doivent aussi supporter le prix de sacrifices et d’efforts.

 

Jordan Grosse Cruciani

« Appliquons à la lettre la maxime de Lincoln »

par Jordan Grosse Cruciani, le 17 septembre 2015

 

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Une étude du Cevipof (le Centre de recherches politiques de Sciences Po, ndlr) montre que 90% des Français « considèrent que les responsables politiques ne se préoccupent peu ou pas de gens comme eux » (avril 2014). Cette nouvelle préfigurait les résultats alarmants du Front national lors des élections européennes en mai 2014. Ce parti se nourrit du rejet de la politique et de ses représentants par les Français. Indéniablement, une réflexion sur les institutions et le système politique doit être ouverte pour tenter de comprendre les motifs de cette rupture durable entraînant la montée des partis extrêmes.

     1/ Pour une réforme profonde des institutions de la République

La France compte aujourd’hui 510 000 élus pour une population de soixante-six millions d’habitants. Cela représente un élu pour 130 habitants. Paradoxalement, l’impression des Français de n’être pas représentés coïncide avec cette hausse du nombre de politiques. Ceci témoigne donc d’abord d’un grave problème institutionnel.

Au Parlement, 577 députés et 348 sénateurs siègent. Dans les IIIème et IVème Républiques les élus avaient un rôle fondamental comme dans les régimes parlementaires classiques. Ils ont voté des lois socles de nos systèmes juridiques et représentaient parfaitement la société dans le cadre du scrutin proportionnel. Avec l’avènement du régime semi-présidentiel, le parlementarisme est « rationalisé » et les élus affaiblis face à l’exécutif pour une meilleure gouvernabilité.

Ils sont connus pour être trop bien payés, trop nombreux et asservis au mass media. Leur soi-disant « impossible ubiquité » conduit certains à vouloir limiter le cumul des mandats dans le même temps, voire dans la vie (pas plus de deux mandats de député dans toute sa vie). De la même façon, le Sénat est critiqué pour son mode de scrutin et son rôle. Ainsi, la désignation par des grands électeurs serait, selon ses détracteurs, anachronique. De plus, il sur-représenterait les régions rurales, car 98% des agglomérations françaises ont moins de 9 000 habitants et 48% de la population vit dans ces dernières.

Alors que faire ? On serait tenté de céder à la facilité et la démagogie en demandant la suppression du cumul des mandats. Toutefois, avec une équipe compétente autour de soi, il est possible de traiter tous les dossiers locaux ou législatifs. De plus, cela reviendrait à empêcher les citoyens de choisir l’homme politique qu’ils désirent véritablement puisque celui-ci pourrait être constitutionnellement empêché de se présenter aux élections, ce qui est profondément antidémocratique. Le cumul des mandats permet de donner la parole à des politiciens forts, affranchis de la tutelle du Parti, qui s’expriment au nom d’un nombre important d’habitants d’une circonscription et d’une ville. Les communautés locales sont de fait mieux représentées. En plus, des parlementaires plus forts permettent de faire contrepoids à l’exécutif qui gagne en importance.

Pour pallier la crise de représentation, on peut envisager une élection de liste à prime majoritaire (au moins la moitié des sièges pour la formation politique en tête) pour garantir la gouvernabilité au niveau national et permettre à des partis non moins importants de figurer au Parlement, miroir de l’opinion des Français. En tout cas, l’enjeu principal des années à venir sera de réduire le nombre de députés pour accélérer le processus législatif tout en luttant contre l’inflation de lois. De plus, les parlementaires disposeront d’une vraie équipe dotée de moyens plus importants pour engager des réflexions de fond avec des experts et davantage de collaborateurs. L’enveloppe de 6 500 euros nets à distribuer entre tous les assistants d’un élu paraît beaucoup trop faible pour recruter des professionnels capables de répondre de façon plus méticuleuse aux attentes des Français.

L’autre Chambre est vieillissante (moyenne d’âge de 61 ans) et jugée moins utile. Le Sénat est élu au suffrage indirect, grande source d’illégitimité. Sa mission de représentation est inadaptée et incohérente. En effet, la France s’urbanise et ses campagnes se vident ; elle doit rester une République jacobine indivisible et ne peut faire de distinction entre les territoires, source de tensions sociales et montée des extrêmes. Les sénateurs ne peuvent pas prétendre être les sages de la Républiques puisque le Conseil Constitutionnel remplit déjà ce rôle. Il reste alors deux solutions : élire les sénateurs au scrutin proportionnel sans changer les compétences du Sénat pour représenter des partis plus petits mais parfois innovants ; supprimer le Sénat et confier ses missions d’analyses au Conseil Economique et Social et ainsi décomplexifier le processus législatif.

     2/ Pour que les citoyens soient (enfin) placés au cœur du projet démocratique

La participation des citoyens à la rédaction des projets locaux

Étant personnellement engagé en politique, j’ai pu me rendre compte que les citoyens avaient besoin d’être associés à l’écriture des propositions. Pour les élections municipales, j’ai milité dans le 7ème arrondissement de Paris dans lequel je vis, près de Sciences Po où j’étudie. Pour moi, l’engagement local doit primer. L’année d’avant, j’ai participé dans ma ville natale de Chalon-sur-Saône à des forums de projets citoyens dans lesquels j’ai pu faire des propositions pour la jeunesse et l’économie de la municipalité aux côtés d’acteurs de premier plan pour la liste de Gilles Platret/Sébastien Martin. Cette expérience m’a permis de comprendre que de telles concertations étaient indispensables de la part des candidats pour mieux comprendre les attentes de leurs futurs administrés. Ce travail doit venir des formations politiques qui comptent gouverner. Le citoyen doit pouvoir participer à l’écriture des programmes, et être un acteur local. Le concerter pour connaître ses préoccupations de sa vie quotidienne doit être obligatoire.

Plaidoyer pour l’utilisation du numérique pour une démocratie 2.0

Depuis ma deuxième année d’études, je travaille dans une initiative civique, Initiative Commune Connectée. Elle a pour but de doter l’ensemble des mairies de France d’une application mobile performante. Grâce à cette solution déjà mise en place dans plusieurs villes, les citoyens ont la possibilité de s’informer sur toutes les actualités de la commune, de signaler des problèmes rencontrés dans leur vie quotidienne. La démocratie participative est accrue car les habitants envoient des propositions/questions à leurs élus municipaux. Ils peuvent ainsi interpeller le maire et ses adjoints sur des problématiques qui les concernent. Ces modules sont consultables notamment sur l’application du 8ème arrondissement de Paris.

Plus ambitieux encore sont les modules de consultation et de conseils numériques. Grâce à des sondages, la ville peut consulter ses administrés sur des projets urbains, des manifestations culturelles, etc. Il s’agirait de rendre référendaire ce type de consultation, de sorte que si elle n’obtienne un nombre de voix suffisamment important sur une part élevée de citoyens, la proposition soit rejetée. Cela sous-entend bien sûr qu’une grande partie des citoyens aient accès à internet ou à des smartphones sur lesquels ce type d’outils peut être téléchargé. Or, les structures telles que Initiative Commune Connectée s’adaptent à toutes les demandes et sont capables de fournir des outils conviviaux que tous peuvent utiliser. L’outil de conseils de quartiers numériques est une plateforme interactive sur laquelle les citoyens peuvent déposer des propositions et recueillir des voix sur ces initiatives. Les plus soutenues sont portées aux oreilles des services et des élus municipaux et peuvent être mis en œuvre.

La politique locale doit être ouverte à tous. C’est un chantier majeur pour pallier le rejet des Français des représentants publics. Le numérique est une solution pour répondre à ce besoin croissant et urgent. Bien entendu, il est un outil intéressant sur les questions nationales ou supranationales.

Initiative Commune Connectée a découlé d’une démarche citoyenne, Politiclic. C’est une plateforme de débat interactif lancée au moment des élections municipales. Chaque liste candidate pouvait s’y inscrire et indiquer les thématiques détaillées qui lui étaient chères. Les citoyens pouvaient retrouver des thèmes grâce à une recherche par proposition et non par nom pour permettre à tous les acteurs d’émerger (en gommant ainsi les privilèges de notoriété). Utilisée dans plus de 5000 villes et par plus de 20 000 listes candidates, cette plateforme a été une réussite pour faire émerger de nouvelles idées et permettre aux citoyens de découvrir des nouvelles propositions car « si leur devoir est de voter, celui des candidats est d’informer » (devise de Politiclic). Cette initiative a été réutilisée lors des élections européennes, cette fois-ci dans plus de vingt-sept pays pour favoriser le rapprochement entre les candidats européens.

Il ne s’agit pas bien sûr de créer une République de démocratie participative, irréaliste car des experts sont plus compétents pour statuer sur des problématiques précises. Il ne s’agit pas non plus de revenir à une démocratie athénienne, car les représentants sont indispensables pour une population de soixante-six millions d’âmes.

Néanmoins, pensons au numérique dans les processus de prises de décisions pour inclure les citoyens isolés dans la communauté politique et mettre fin à la montée des extrêmes, cancers de la démocratie et sources d’instabilité institutionnelle et sociale...

 

Camille Chevalier

« Vers une démocratie 2.0 »

par Camille Chevalier, le 17 septembre 2015

 

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Les principaux résultats de la troisième vague de l’enquête annuelle « Fractures françaises », publiée en avril 2015 par Ipsos/Steria, sont accablants ; en particulier, 76% des sondés estiment que le système démocratique fonctionne plutôt mal en France et que leurs idées sont mal représentées, soit une progression de quatre points par rapport à 2013. Pire, 86% d’entre eux considèrent que les décideurs politiques agissent principalement pour leurs intérêts personnels. De quoi s’interroger sur la pertinence de nos institutions, sur le caractère démocratique de leur fonctionnement et sur la façon dont doit se penser l’exercice du pouvoir aujourd’hui.

Un changement de paradigme institutionnel

Le fait est que ce désenchantement du politique accompagne un changement profond de paradigme institutionnel. L’idéal démocratique français, développé au XVIIIe siècle et concrétisé à l’occasion de la Révolution de 1789, s’est d’abord articulé autour d’un modèle parlementaire, reposant sur deux principes : l’universalité de la loi et la représentativité du législateur. Par universalité de loi d’une part, il faut entendre l’établissement d’une justice véritable, impersonnelle et épargnée de toute décision arbitraire. Par représentativité du législateur d’autre part, il faut appréhender la loi en tant qu’émanation de la volonté du peuple, par le biais de députés élus par celui-ci. À cet égard, l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est formel :

« La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. »

Seulement, il semble que désormais ce règne de la loi ait pris fin. Pierre Rosanvallon, dans son essai Le Bon Gouvernement paru en août de cette année, détaille l’idée selon laquelle nous serions passés d’un régime « parlementaire-représentant » à un régime « présidentiel-gouvernant ». Ce changement, opéré définitivement en 1962 avec l’instauration de l’élection du président au suffrage universel direct, correspond à un transfert de pouvoir effectué au détriment d’une assemblée de parlementaires et en la faveur d’un homme placé à la tête de l’exécutif. Si, sous la IIIe République, la conduite de la politique de la nation revenait au président du Conseil, dépositaire d’une coalition majoritaire au sein du Parlement et donc à la merci de la défection d’une de ses composantes, elle est aujourd’hui l’apanage d’un président, choisi au détour d’un « moment démocratique », celui d’une élection ponctuelle et qui ne saurait être contestée le temps du mandat attribué.

Vers un retour au parlementarisme ?

Les problèmes suscités par ce bouleversement sont multiples. L’effacement du Parlement au profit d’une figure présidentielle pose la question de la représentativité. Dans un régime parlementaire, le pouvoir est détenu par une assemblée plurielle qui de fait peut prétendre représenter les différentes franges d’une population donnée. A contrario, il apparaît difficile pour un homme de synthétiser en sa seule personne l’ensemble des composantes d’une même société. Plus encore, l’exercice du pouvoir, plutôt que de se manifester selon un mode représentant-représenté, garanti par le régime parlementaire, se concrétise selon un rapport gouvernant-gouverné : une fois élu, le président dispose des coudées franches pour appliquer la politique de son souhait, parfois bien différente des promesses avancées lors des campagnes antérieures, sans que le peuple – prétendu souverain – ne dispose de réels moyens de contre-pouvoir. « Monarchie républicaine », « démocratie d’autorisation » : les termes ne manquent pas pour qualifier les failles démocratiques qu’entrouvre la présidentialisation de notre régime politique.

De telle sorte que la tentation d’une VIe République parlementaire, en remplacement du régime semi-présidentiel actuel, revient régulièrement au centre du débat d’idées. Jean-Luc Mélenchon en a fait son cheval de bataille lors de la campagne présidentielle de 2012, et a lancé en 2014 le réseau citoyen nommé Mouvement pour la VIe République (M6R) ; Arnaud Montebourg, créateur dès 2001 d’une Convention pour la VIe République (C6R), déplorait dans son blog lors de la primaire socialiste de 2012 un président « élu pour cinq ans et qui concentre durant cette période l'ensemble des pouvoirs sans jamais en répondre devant qui que ce soit ». Plus récemment, le think tank Allons Enfants, lancé par Rama Yade, ambitionne de doter la France d’une nouvelle République, pour faire face à « l’essoufflement du débat public » et au « discrédit des partis politiques ».

Vertus du présidentialisme

Pourtant, il est difficile d’imaginer qu’une réactualisation du parlementarisme ait réellement un impact positif sur nos pratiques démocratiques. Historiquement, un tel régime ne s’est pas porté garant de l’intégrité des élus de la République : citons, au crépuscule du XIXe siècle, le scandale des décorations à l’origine de la démission de Jules Grévy ou bien encore le soudoiement de parlementaires dans le cadre de l’affaire de Panama, parmi tant d’autres. D’autant plus que les rivalités partisanes, exacerbées au sein d’un régime parlementaire, ont ankylosé les IIIe et IVe Républiques. Charles de Gaulle le rappelle amèrement dans ses Mémoires d’espoir : entre 1946 et 1958, « dix-sept présidents du Conseil, constituant vingt-quatre ministères, campèrent tour à tour à Matignon ».

La présidentialisation de la mécanique institutionnelle a le mérite de répondre à un triple défi, identifié par Pierre Rosanvallon. Celui de l’imputation, puisqu’en tant que « clef de voûte des institutions », le président porte la responsabilité de l’exercice du pouvoir, et il est alors possible de le sanctionner par les urnes si le jugement porté à l’égard de sa politique est majoritairement négatif à l’issue de sa mandature. Celui de l’identification ensuite, dans un contexte où les grands affrontements idéologiques ne sont plus, et où c’est aujourd’hui le soutien à telle ou telle personnalité qui constitue le moyen le plus évident d’être acteur de la vie politique. Celui de la simplification enfin, puisque le suivi possible de l’actualité gouvernementale par la voix seule de la tête de l’exécutif, dont toutes les paroles sont reproduites et largement diffusées, s’oppose à un système politico-administratif jugé opaque à bien des égards. À Pierre Rosanvallon de conclure : la stature de président est perçue par les citoyens comme un vecteur possible de « réappropriation sensible du politique ».

Repenser la stature de président

En ce sens, c’est moins le système qu’il s’agit de réformer que la façon dont sont exercées actuellement les fonctions présidentielles. Le président Charles de Gaulle incarnait la théorie des « deux corps du Roi » avancée dans les années 1950 par l’historien Ernst Kantorowicz. Selon ce concept, le Roi par nature dispose de deux corps : le corps « privé » de l’individu qui est porté à la fonction royale et un corps « public », qui transcende l’être humain et le situe au niveau de l’État dont il est la personnification. Nicolas Sarkozy a marqué une rupture fondamentale en brouillant la frontière entre ces deux corps. Par la surexposition volontaire de sa vie privée, par une succession d’incidents désacralisant ses fonctions, à l’instar du « casse-toi pauv’ con », il a fossoyé cette double identité que son successeur n’est pas parvenu à recouvrir.

L’enseignement du gaullisme est essentiel, puisqu’il associe le président à une conception unitaire de la nation. Le responsable politique, selon cette vision, rassemble les Français autour de projets de société en accord avec l’intérêt supérieur national. Évidemment, Charles de Gaulle lui-même n’a pas toujours suscité le consensus autour de ses décisions, mais il a toujours su porter et incarner la voix de la République. La Ve République, intrinsèquement, ne semble pas mal adaptée aux enjeux face auxquels la société française doit faire front. Les principes édictés par la Constitution de 1958 nous ont jusqu’ici préservés des crises politiques de la IIIe République et des atermoiements de la IVe. C’est davantage ce que Pierre Rosanvallon nomme le « mal-gouvernement » qu’il s’agit de combattre. À vouloir changer d’institutions, le risque est d’oublier de s’interroger sur la qualité de celles et ceux qui sont portés à la tête de l’État.

 

« Le président est mort, vive le président ! »

par Nicolas Germain, le 17 septembre 2015

 

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S’essayer à l’exercice que me propose Nicolas peut paraître prétentieux. Il le serait si je souhaitais apporter un modèle type idéal de l’organisation démocratique de notre société, de surcroît si je le faisais en m’absolvant de toutes considérations partisanes. Il est surtout utile, car j’ai la conviction que c’est à ma génération qu’il reviendra de trouver des réponses durables.

Cela nécessite d’abord de s’attarder un peu sur la manière dont se formule le débat autour de notre démocratie. De là uniquement peuvent émerger une vision d’ensemble, et un certain nombre de préconisations futures.

La première interrogation porte ainsi sur les causes et la nature réelle de la « crise  politique » que nous vivons et qui raffole des qualificatifs (de « confiance » envers les politiques, de la « représentation », « démocratique »...). Problème d’efficacité de l’action publique, déficit de leadership, démocratie supplantée par la technocratie, représentants corrompus…  ? Les réponses existantes sont multiples et variées.

Commençons par les symptômes. Le premier d’entre eux est l’abstention qui remet en cause la légitimité des représentants. Mais il y a aussi la réduction du nombre d’adhérents des grands partis qui remet en question les formes d’action politique traditionnelles. La baisse du nombre de salariés syndiqués qui affaiblit le rôle de l’action syndicale. Tout porte à croire qu’il s’agit d’une crise des pratiques et de la représentation politique.

Ce n’est pas tout. La confiance envers plusieurs institutions comme la justice ou l’éducation nationale est en baisse selon de récents sondages d’opinion. L’impôt, fondement du consentement à l’État démocratique, est aussi largement contesté dans les enquêtes. La perception selon laquelle la démocratie fonctionnerait de plus en plus mal est présente. Il y a certainement une remise en cause plus globale de la démocratie. S’agit-il pour autant d’une remise en cause de l’idée démocratique  ? Je ne pense pas.

Il est nécessaire pour préciser le diagnostic, de sortir du cadre national et d’adopter une vision plus large. Je partage l’idée que le monde traverse une crise « systémique », à la fois économique, sociale, écologique et politique. En d’autres termes une crise globale de nos modèles d’organisation sociale et de leurs institutions, régis en premier lieu par le capitalisme.

La capitalisme n’a cessé de creuser les inégalités en exploitant dans un même élan les Hommes et la nature, jusqu’à ce que les inégalités soient trop fortes et jusqu’à ce que les ressources naturelles aient atteint leurs limites pour qu’il se retrouve dans l’incapacité de se renouveler en faisant croître les profits par la croissance de la production.

De la même façon, le capitalisme organise la concentration et l’accumulation des pouvoirs aux mains d’une minorité. Avec le néolibéralisme, le pouvoir des forces économiques et financières s’est considérablement accru depuis les années 1980. De même, ceux qu’on appelle les « experts » ont acquis eux aussi un pouvoir véritable. Certains parlent même de technocratie (la tyrannie des experts).

L’écologie politique apporte un regard complémentaire sur nos sociétés capitalistes. Notamment à travers un courant particulier qui émerge depuis les années 1970 : l’écosocialisme. Celui-ci reprend la dialectique kantienne de l’hétéronomie et de l’autonomie. Nos sociétés sont décrites comme étant hétéronomes. C’est à dire qu’elles confèrent l’autorité à une instance extra-sociale : divin, lois naturelles, supériorité de l'économie (main invisible de la concurrence, domination des marchés financiers et de la technoscience, idée que le travail ne peut avoir d’autre forme que sa forme d’aliénation actuelle, etc.).

Pour Cornélius Castoriadis, penseur écosocialiste que j’affectionne, il faut reconnaître que les institutions de la société sont de type « auto-institution », c'est-à-dire une œuvre humaine, non quelque chose appartenant à des "ancêtres", à l'Histoire, à Dieu... Castoriadis s’oppose ainsi au système de représentation politique irrévocable, car les représentants aliéneraient la souveraineté des représentés qui ne seraient « libres qu’un jour tous les cinq ans » (référence aux élections présidentielles en France qui dirigent la vie politique du pays). C’est donc par la démocratie directe ou la plus locale possible, et l’autogestion des secteurs sociaux que la société accèdera à une pleine autonomie démocratique.

Depuis les années 1980, l’altermondialisme est le mouvement social mondial qui porte cette critique du capitalisme et qui a par là même cherche à s’organiser en réseau au fonctionnement horizontal.

Ces dernières années il y a eu aussi Maïdan, Tahrir, 15 de Mayo, Occupy Wall Street, etc… des mouvements sociaux qui sont apparus dans des contextes différents mais qui présentent néanmoins des similitudes importantes : ils mobilisent une grande majorité de jeunes et recherchent tous une forme d’organisation horizontale.

Certains se structurent aujourd’hui en mouvements politiques, à l’image de Podemos en Espagne (issu du mouvement 15 de Mayo), qui acquiert l’adhésion des masses dans un pays où la crise ravage la cohésion sociale et territoriale, où la classe politique est touchée par de nombreux cas de corruption et perçue comme une oligarchie à part entière et où la monarchie reste un pouvoir symbolique. Podemos surfe sur les dysfonctionnements du système politique espagnol pour transformer son modèle. Son leader, Pablo Iglesias, théorise en effet le remplacement du clivage gauche-droite traditionnel par un clivage peuple-oligarchie. Il y a la volonté de faire évoluer la représentation pour aller vers davantage de démocratie.

La crise « systémique » que nous traversons n’a donc pas mené à un rejet de l’idée de démocratie mais plutôt à une remise en cause de ses formes d’organisation.

Revenons-en à la France. Je le disais précédemment, la perception selon laquelle notre démocratie fonctionnerait mal est très présente. Elle l’est d’autant plus pour les électeurs de gauche, comme le démontrent plusieurs sondages. L’exercice du pouvoir par la gauche semble provoquer des déceptions majeures pour son camp. Cette situation est-elle pour autant immuable ? Je pense que la gauche, a fortiori parce qu’elle est au pouvoir, doit questionner notre démocratie, revenir aux racines et aux principes de la chose démocratique pour lui donner du sens et de l’espérance.

À l’origine de la démocratie il y a le peuple, entité concrète, à l’inverse de la nation, notion abstraite qui transcende le peuple, l’associe à un territoire et à un ensemble de valeurs, de rites, d’institutions... Le peuple est une association politique d’individus. Le droit fonde le peuple.

La gauche au pouvoir doit se ressaisir de la question du peuple. Elle doit être capable de mieux le définir dans la globalisation, mieux comprendre par là même ses réalités et son rapport à la démocratie représentative.

Face au marché qui n’a cessé de s’étendre, le peuple tend à s’effacer. L’extension de la sphère marchande apporte toujours plus de concurrence entre les individus, le citoyen est supplanté par le consommateur. Les inégalités entre les individus ne cessent de croître. Elles favorisent ainsi plus facilement les égoïsmes sociaux. Elles affaiblissent par là même le contrat social qui fonde le peuple.

Pour redonner de la substance au « peuple » je reprendrais la distinction faite par le sociologue Robert Castel entre les différentes formes de citoyenneté. La citoyenneté politique s’accompagne d’une citoyenneté sociale pour former les « socles » d’une citoyenneté démocratique, explique-t-il. « La citoyenneté sociale est le fait de pouvoir disposer d’un minimum de ressources et de droits indispensables pour pouvoir s’assurer une certaine indépendance sociale. (…) C’est la question de l’indépendance minimale dont on peut disposer pour être maître de ses choix », selon Robert Castel. En d’autres termes, la citoyenneté nécessite de s’interroger sur les conditions qui rendent possible ou impossible la participation des individus aux décisions qui engagent leur destin politique. D’après Castel, au fondement de la citoyenneté sociale en France, il y a l’accès à l’emploi et les conditions salariales. Force est de constater que le chômage de masse et la précarité croissante du salariat ont mené un nombre toujours plus grand d’individus à perdre ces conditions. Agir pour l’emploi et la dignité seraient donc des priorités pour renforcer la citoyenneté.

Au lendemain des attentats de janvier dernier, celles et ceux qui n’étaient pas « Charlie » (j’entends, ceux qui ne se retrouvaient pas dans la perception républicaine de la communauté nationale) sont surtout celles et ceux qui ont perdu les conditions de cette citoyenneté car exclus du droit commun : droit à l’emploi, au logement, à l’éducation ou encore à la santé. Ces personnes se définissent dès lors en contradiction vis à vis de cette république qui ne veut plus d’eux. Ils se définissent contre la nation et davantage par rapport à leur lieu de vie ou leur religion.

Rappelons maintenant que le ralliement du socialisme à la démocratie s’est historiquement accompagné de la consolidation de la citoyenneté politique par l’affirmation d’une citoyenneté sociale. Jaurès le théorisait au début du siècle dernier.

La gauche au pouvoir, qui souhaite reconquérir les esprits et les voix qu’elle a perdus, doit donc retrouver un imaginaire démocratique fondé sur le peuple. Le peuple qui existe concrètement par l’acquisition de la citoyenneté sociale pour le plus grand nombre. Le combat pour la dignité et, au-delà de l’accès à l’emploi, l’égalité en sont les conditions.

Force est de constater que le compromis social-démocrate échoue parce qu’il a cessé de poursuivre ce combat. Aujourd’hui, la poursuite de règles budgétaires absurdes, notamment par les sociaux-démocrates, dirige l’action politique. Si l’on ne peut s’en dissocier totalement, il faut savoir contester l’idéologie néolibérale qui les formule et remettre en cause les dogmes qui leur sont associés. Car cette situation affaiblit tout espoir dans le progrès collectif qui a toujours fondé l’adhésion au projet socialiste.

Elle participe aussi au repli et aux égoïsmes sociaux qui font l’apanage du vote réactionnaire. Le discours réactionnaire progresse en France. Il défend une forme de radicalisme au sens étymologique du terme  (revenir aux fondamentaux). Il propose de revenir aux institutions passées.

Et c’est le Front national qui incarne le mieux ce discours. Il s’imposa en suscitant l’indignation et la polémique. Avec cela il réussit à imposer ses thèmes à la sphère politico-médiatique. Il participa grandement à formuler les termes du débat politique, notamment sur la question de l’immigration, question sur laquelle il parvint à multiplier les amalgames et les stéréotypes. Il a compris qu’il fallait se battre sur le terrain des mots, ce qu’Antonio Gramsci appelait la « bataille culturelle ».

À lheure de nouvelles menaces qui attisent les peurs et les haines - à l’instar du terrorisme islamiste -, à l’heure de la domination des discours identitaires - à l’image du « choc des civilisations » -, il est temps que la gauche se souvienne des mots du Premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg, au lendemain de la tuerie d’Utoya en 2011 où soixante-neuf jeunes travaillistes furent assassinés par un fanatique d’extrême droite : «  Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et plus de tolérance ». Face à la réaction et à la droitisation de la société, la gauche doit s’organiser et mener la bataille culturelle pour la dignité et l’égalité.

Mais, au-delà du peuple, de la dignité et de l’égalité, la démocratie doit intervenir plus concrètement dans le quotidien des Français. Cela passe par un rapprochement entre les institutions et les citoyens, en les intégrant davantage à la prise de décision au quotidien. La mise en place de budgets participatifs est un très bon outil qui émerge dans certaines grandes agglomérations, à l’instar de la Ville de Paris. Les villes sont précurseurs dans ce domaine et doivent être accompagnées pour inventer une démocratie locale plus directe et participative. Attention cependant à ne pas se limiter à de la concertation. De multiples outils sont à créer pour favoriser l’initiative citoyenne et le partage des savoirs qui permettra au plus grand nombre de participer.

Les progrès proviendront surtout d’en bas. Cependant il faut aussi penser à l’exécutif national, dont l’élection donne le « la » de la vie politique française.

Dans la Vème République, les pouvoirs sont concentrés dans les mains d’un seul dirigeant, le Président, qui nomme et révoque le gouvernement, alors même que la Constitution dans son article 20 stipule que c’est le gouvernement qui conduit et détermine la politique de la nation.

Une nouvelle république doit accompagner les transformations de la démocratie locale. Une république sociale permettant une réelle reconquête démocratique. Je soutiens à ce titre l’instauration d’une VIème République parlementaire et primo-ministérielle où le Parlement, au-delà de faire et de voter la loi, aurait un réel pouvoir de contrôle sur l’exécutif représenté par un Premier ministre détenant son pouvoir du Parlement. Pour éviter toute instabilité, des procédures pourraient être mises en place pour obliger les députés votant une motion de censure contre un Premier ministre à s’accorder sur le nom de son remplaçant. Mais la priorité réside dans le renouvellement et la représentativité du Parlement. Les règles de parité y participent mais la possibilité pour chacun d’exercer la démocratie passe par le non-cumul des mandats. Je suis personnellement favorable au mandat parlementaire unique, au non-cumul des fonctions exécutives et au non-cumul dans le temps. Le statut de l’élu local est aussi un outil intéressant pour permettre à tous d’exercer un mandat politique tout en retrouvant un emploi à la sortie. Voilà les mesures phares concernant l’évolution de nos institutions représentatives.

La VIème République passe aussi par la décentralisation pour approfondir la démocratie locale. Elle est un échelon nécessaire pour soutenir le développement de la démocratie dans toutes les sphères économiques et sociales à côté de l’État, du modèle coopératif à l’économie sociale et solidaire. Pour exister les ressources des collectivités doivent être pérennisées, à la fois par le biais de la fiscalité mais aussi de la solidarité entre collectivités.

Avec le processus de décentralisation doit être assumée une certaine vision de la République laïque, le « nous sommes différents donc nous sommes égaux ». Cela passe par la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution, engagée par le gouvernement. Cela passe aussi par reconnaissance de toutes les mémoires de la France, notamment de ses diverses vagues d’immigration.

Ces mesures sont loin d’être exhaustives. Je n’ai pas parlé des partis politiques ou des syndicats, ni du numérique qui constitue une véritable opportunité pour la démocratie. Je préfère en rester à ces mesures qui posent, selon moi, les bases d’une réforme institutionnelle nécessaire pour la France - et pour la gauche.

Nous sommes en état de faire ces choix aujourd’hui. Nous avons la possibilité d’inventer les mots et les institutions d’un nouveau modèle démocratique écosocialiste. Nous avons la possibilité de redonner de l’espoir dans le projet démocratique socialiste. Après avoir permis plusieurs progrès tels que le non-cumul des mandats ou l’amélioration des règles déontologiques, le gouvernement peut et doit prendre cette direction.

 

LucasTrotouin 2015

« Le socialisme c’est la démocratie jusqu’au bout ! »

par Lucas Trotouin, le 24 septembre 2015

 

 

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Que vous inspirent les réponses ci-dessus ?

Et vous, lecteur, quelles modifications apporteriez-vous à nos institutions ?

 

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16 septembre 2015

« Actualité et perspectives du message gaulliste », par Charles Aslangul

Le 10 juillet, suite à l’annonce par deux jeunes conseillers nationaux Les Républicains, Charles Aslangul, chef de l’opposition municipale à Bry-sur-Marne, et Pierre Gentillet, président des Jeunes de la Droite populaire, de la fondation du « cercle de réflexion souverainiste » qu’ils ont nommé « Les Républicains patriotes », j’ai souhaité proposer à l’un d’eux, Charles Aslangul, fidèle de Paroles d’Actu, d’écrire un texte sur la thématique suivante: « Actualité et perspectives du message gaulliste ». Tout un programme... Son texte, dont je le remercie, m’est parvenu le 16 septembre, jour de la mise en ligne du présent article. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche.

 

 

« Actualité et perspectives du message gaulliste », par Charles Aslangul

 

Jamais la France n’a compté autant de gaullistes… Vous me direz, l’Histoire a jugé et l’Histoire a, naturellement, érigé Charles de Gaulle en géant national. Géant dont la figure tutélaire fait encore, un peu, rayonner la France et écrase, beaucoup, la classe politique incapable de s’extraire de sa bassesse. De la gauche à la droite en passant par le centre ou l’extrême droite, tout le monde se réclame du grand Charles avec plus ou moins de légitimité, plus ou moins de sincérité et, pire, plus ou moins de cohérence.

Il est profondément lassant de voir ce gaullisme dévoyé servir de caution à des politiciens indignes de son héritage. Je n’aborderais pas toutes les « affaires » qui pourrissent l’action politique mais elles illustrent, à elles seules, le fossé abyssal qui sépare la classe politique actuelle du général de Gaulle qui, lui, posait un compteur EDF dans ses appartements privés de l’Élysée pour payer personnellement sa facture et refusait de percevoir sa retraite d’ex-chef d’État après 1969.

En réalité, le plus frustrant pour tous les gaullistes sincères est de voir trop de politiques qui se réclament de Charles de Gaulle mais qui trahissent son immense legs.

Les exemples sont trop nombreux pour tous les exposer, et je sais nos lecteurs assez lucides pour percevoir cette supercherie contemporaine dans laquelle se vautrent nos pseudo-gaullistes qui tentent d’endosser la gabardine, beaucoup trop grande pour leurs petites épaules. Alors, je ne prendrais qu’un exemple qui répondra à votre thème, tant il est d’actualité : le souverainisme.

Le gaullisme, c’est aussi et surtout la grandeur de la France (« La France ne peut être la France sans la grandeur »). Et la grandeur de la France passe inéluctablement par la capacité de ses dirigeants à la défendre, la développer et la faire prospérer. Cela s’appelle l’indépendance ou, terme plus actuel, le souverainisme.

Le Général a toujours incarné cette farouche volonté d’indépendance nationale pour compter parmi les nations d’une part et rester maître chez soi d’autre part. Se réclamer de Charles de Gaulle c’est bien, l’avoir compris c’est mieux. Encore faut-il l’avoir lu :

« L’essentiel, pour jouer un rôle international c’est d’exister par soi-même, en soi-même, chez soi. Il n’y a pas de réalité internationale qui ne soit d’abord une réalité nationale ». Ou, dans ses Mémoires d’espoir : « À quelle profondeur d’illusion ou de parti pris faudrait-il plonger, en effet, pour croire que les nations européennes, forgées au long des siècles par des efforts et des douleurs sans nombre, ayant chacun sa géographie, son histoire, sa langue, ses traditions, ses institutions, pourraient cesser d’être elles-mêmes et n’en plus former qu’une seule ? »

Le gaullisme c’est donc, disions-nous, l’idée de souveraineté nationale qui refuse toutes formes de subordination de la nation aux puissances étrangères. On pense à la sortie de l’OTAN par exemple, ou à la politique de la chaise vide en 1965, quand deux visions européennes s’affrontaient : l’Europe des nations du Général contre le fédéralisme européen des « pères de l’Europe », dont l’agent américain Jean Monnet.

 

Charles de Gaulle

Charles de Gaulle. Source : Britannica.com

 

Ainsi, être gaulliste en 2015, c’est rester attacher à la souveraineté de la France pour tenter de restaurer la grandeur qui fut la sienne. Concrètement, c’est refuser l’Union européenne de Bruxelles. C’est refuser de voir des technocrates étrangers nous imposer leur politique. Aucune grande nation digne de ce nom ne peut accepter ce transfert de compétence qui nie l’avis de son peuple. Rappelons-le, en France, le souverain est le peuple. En laissant Bruxelles décider pour la France, on bafoue la souveraineté nationale et on piétine le droit du peuple de France à disposer de lui-même.

Aucune grande nation digne de ce nom ne peut tolérer de voir une superstructure oligarchique imposer à son peuple une politique qui, en plus de ne pas avoir été voulue par lui, accroît, en son sein, les difficultés. Je pense, par exemple, aux travailleurs détachés européens qui créent une concurrence déloyale pour le travailleur français, à l’espace Schengen qui prive la France d’un véritable contrôle de son territoire en pleine crise migratoire ou encore aux normes qui tuent l’agriculture française.

Et quand la France assume le peu de souveraineté qui lui reste en votant des lois, l’UE la lui nie et lui impose sa vision par la toute puissance de ses juges et de la Cour européenne des Droits de l’Homme (sur la gestation pour autrui par exemple).

Bref, être gaulliste en 2015, c’est défendre une France libre et souveraine. Je souligne que cela n’empêche pas la coopération entre nations européennes dans une politique intelligente d’équilibre entre intérêt communautaire et respect des particularismes et intérêts nationaux : l’Europe des nations. Là encore, voir des « euro-gaga » demander toujours plus d’UE et s’autoproclamer gaullistes, ça ne manque pas de sel…

Bien sûr, en dissertant sur le gaullisme et notre époque, nous aurions beaucoup à dire sur d’autres sujets tels que l’ordre républicain bafoué, l’identité nationale reniée, la politique étrangère atlantiste, l’Éducation nationale dévaluée, la justice sociale, la culture décadente, etc. Mais pour ne pas être trop long et ennuyeux pour nos lecteurs et pour résumer ce qu’il est urgent de faire pour enfin s’inscrire dans une gouvernance nationale fidèle au gaullisme, alors je plaide sans hésitation pour un retour à une politique souverainiste. D’abord en reprendre le contrôle pour, ensuite, conduire la France vers les sommets qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Voilà à mon sens, la doctrine et les perspectives qui doivent animer les gaullistes authentiques en 2015.

Dans cette idée, nous avons crée avec Pierre Gentillet (président des Jeunes de la Droite populaire) le cercle de réflexion souverainiste « Les Républicains Patriotes ». Un cercle totalement libre et indépendant des partis politiques qui lancera dans les semaines à venir son activité consistant à faire intervenir des intellectuels, de droite comme de gauche, pour penser la France de demain à l’aune de l’idéal souverainiste, de l’idéal gaullien. Tous les patriotes, d’où qu’ils viennent, y sont les bienvenus.

 

Chevènement ? Villepin ? Guaino ? Dupont-Aignan ? Philippot ? Quelles sont, parmi les personnalités politiques d'importance aujourd'hui, celles que vous considérez dignes de lhéritage, de la pensée gaulliste ?

 

Premièrement, le gaullisme n’est pas la propriété d’un camp. Cela étant dit, le parti directement héritier des formations gaulliennes est l’ex-UMP, Les Républicains. C’est un fait historique. Cela ne veut pas dire que notre parti est toujours le plus fidèle à cet héritage et il serait malhonnête de nier que Debout La France est une formation gaullienne ou que le FN tente de faire oublier son passé pétainiste, OAS et anti-gaulliste au profit d’une nouvelle ligne « Philippot » se réclamant du gaullisme.

Pour Les Républicains, je citerai Henri Guaino, dont je recommande d’ailleurs l’ouvrage De Gaulle au présent. Henri Guaino est un pur gaulliste, il l’a d’ailleurs démontré lors des élections européennes en refusant de voter pour le candidat européiste de l’UMP. Il y a aussi Thierry Mariani, avec l’ensemble de son courant « Droite populaire », qui s’inscrit pleinement dans l’héritage gaullien. Et plus modestement, il y a de très nombreux jeunes, dont je suis, pour qui le gaullisme est encore une boussole idéologique à l’origine de leur engagement politique. Voilà je crois une belle source d’espérance pour les années à venir.

 

Charles Aslangul

 

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Et vous, que vous inspire le message du général de Gaulle aujourd’hui ?

 

Pour aller plus loin...

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15 septembre 2015

Jean-Vincent Brisset : « On ne détruira Daesh qu’en s'attaquant à son financement et à sa logistique »

Le mois dernier, Jean-Vincent Brisset, général de brigade aérienne en retraite et directeur de recherches à l’IRIS, acceptait de répondre, pour le blog, aux questions d’actualité que je lui avais soumises quelques jours auparavant. En cette journée de « débat » à l’Assemblée nationale sur l’intervention aérienne en Syrie planifiée dans le cadre de la lutte contre l’État islamique, j’ai souhaité l’inviter à nous livrer son point de vue sur ce moment politique et, au-delà, sur la manière dont il entrevoit, fort de son expertise précieuse sur les affaires aériennes notamment, la suite des opérations. Je le remercie pour la bienveillance qu’il m’a, une fois de plus, témoignée. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Jean-Vincent Brisset : « On ne détruira Daesh

qu’en s’attaquant à son financement et à sa logistique »

 

Jean-Vincent Brisset - Tribune

 

Sur le débat à l’Assemblée nationale, le 15 septembre 2015

L’Assemblée nationale vient de débattre sur les frappes aériennes en Syrie, débat retransmis sur LCP. Le moins que l’on puisse en dire est qu’il a été décevant. Décevant parce que les discours, à l’exception d’une partie de l’intervention du ministre de la Défense, sont restés de la très basse politique politicienne. Des seaux de larmes de crocodiles versés sur le sort des victimes, des torrents de bonnes intentions, de la communication. D’un côté un Premier ministre expliquant, droit dans ses bottes comme un Cahuzac face à la même Assemblée, que la ligne de la France sur le sujet n’avait jamais changé. Des députés qui, selon leur appartenance, vont de la critique molle et politiquement correcte à la flagornerie. Des présidentes de commissions pataugeant dans l’angélisme. La conclusion par le Premier ministre a été largement consacrée à une démolition en règle d’une opposition très divisée sur le sujet. Elle comprenait aussi, outre le whishful thinking sur la création d’une coalition anti-État islamique dont le Président serait l’initiateur, des affirmations sur le refus de tout contact avec Bachar qui font craindre que la France ne soit, comme elle l’a été en Iran, un frein à une solution diplomatique.

 

« Pour les politiques, les militaires sont des pions »

 

On en a oublié que l’on était là pour parler de l’engagement de la France dans une guerre. Et qu’un tel engagement avait des conséquences qui ne sont pas que de politique et de légalité internationale. À part d’étonnantes déclarations de la présidente de la Commission de la Défense sur l’augmentation des moyens de la Défense (?), rien ou presque sur les aspects pratiques de l’engagement décidé, sur les risques encourus, sur les cibles, sur les coordinations indispensables avec les autres intervenants, sur les coûts... RIEN. Encore une fois, les députés, tous bords confondus, et le gouvernement démontrent qu’ils considèrent les militaires comme des pions que l’on agite et la « guerre » comme une opération dématérialisée autour de laquelle on communique. La notion même de « but de guerre » est ignorée.

 

Quels « buts de guerre » ? Quelle stratégie politico-militaire pour la Coalition ?

Les « buts de guerre » ne sont pas définis de manière claire, même si les discours martiaux se multiplient et se répètent autour d’une même phrase : « Il faut anéantir Daesh ». Mais l’État islamique n’est pas Carthage, et c’est ce que nos politiques ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre, ou font semblant de ne pas comprendre. On en reste à une conception selon laquelle la victoire s’obtient soit par la reddition complète de l’ennemi (qu’il soit anéanti ou seulement brisé), soit par une négociation. Mais ce type de victoire ne s’obtient que face à un adversaire dont le format est clairement défini. C’est loin d’être le cas.

Et l’équivoque ne se limite pas là. Parce que les gouvernants tendent à se prendre pour des chefs de guerre, surtout quand ils pensent que c’est bon pour leur image, ils se limitent à une perspective d’action essentiellement militaire. C’est facile et cela ne demande que le courage des exécutants. Et, si on se limite aux frappes aériennes, le risque de voir revenir des cercueils reste limité.

 

« Les coalisés n’ont pas de but de guerre commun »

 

Dans la lutte qui oppose aujourd’hui la « Coalition » et l’EI, les paramètres sont autrement plus nombreux. Surtout en Syrie. On est loin du schéma « un camp contre un autre ». Et les « coalisés » n’ont pas de « but de guerre » commun. Loin de là. Mais, sans se plonger ce débat, une chose est sûre, qui n’est pratiquement pas abordée : la suppression de la menace Daesh ne passera que par un tarissement de son financement et de sa logistique. Il faudrait pour cela une volonté commune qui n’existe actuellement pas et un courage politique encore plus improbable.

 

Quelle place pour la France au sein de la coalition ?

Pour le moment, l’action envisagée se limite à une action par des moyens aériens. Ceux engagés par la France en Irak peuvent être renforcés et/ou redéployés, mais on atteint vite des limites capacitaires. Le Premier ministre a déclaré que la France choisirait seule ses objectifs. C’est oublier que la France n’est pas la seule à survoler la Syrie et qu’une coordination est indispensable. Elle est nécessaire pour éviter les interférences entre aéronefs de la coalition. Elle doit aller plus loin, au niveau renseignement, ne serait-ce que pour éviter les tirs fratricides et les dommages collatéraux.

 

« Les forces françaises en Syrie seront tributaires d’autres

membres de la coalition en terme de logistique »

 

Plus loin encore, les moyens français engagés, déjà tributaires de soutiens au sol sur les terrains de stationnement, ne pourront pas se passer de l’aide apportée - entre autres - par les AWACS et les ravitailleurs de la coalition. On ne peut donc pas imaginer que la France puisse se singulariser alors qu’elle ne l’a pas fait en Irak. Par contre, le fait de donner une grande importance à l’indépendance que procure une bonne capacité de renseignement permet, comme c’était déjà le cas au Kosovo, de valider au niveau national des objectifs qui pourraient être proposés par un autre membre de la coalition.

 

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Vous pouvez retrouver Jean-Vincent Brisset...

9 septembre 2015

Lorrain de Saint Affrique : « Marine Le Pen n’a pas l’étoffe de la charge à laquelle elle prétend »

Lorrain de Saint Affrique fut, entre 1984 et 1994, le conseiller en communication de Jean-Marie Le Pen, alors président et leader incontesté du Front national. Il a accepté, sur la base de questions que je lui ai transmises à la mi-mai, de commenter l’actualité brûlante, en interne, du FN. Ses réponses, qui sont sans concession ni fioriture - je l’en remercie -, me sont parvenues le 9 septembre, soit, trois semaines après l’exclusion de M. Le Pen par le bureau exécutif du parti. Un entretien-synthèse... Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Lorrain de Saint Affrique: « Marine

Le Pen n’a pas l’étoffe de la charge

à laquelle elle prétend »

 

Marine et JM Le Pen

Illustration : AFP/Alain Jocard.

 

Paroles d’Actu : Bonjour Lorrain de Saint Affrique. Voulez-vous évoquer pour nous, avant d’aller plus loin, les raisons qui, à un moment de votre vie, vous avaient incité à adhérer au Front national ; celles qui, par-delà votre exclusion de 1994, vous poussèrent, sur le fond, à vous en éloigner ?

Lorrain de Saint Affrique : Il n’y a pas eu, au départ, d’adhésion, au sens formel : mon rôle de conseil auprès de Jean-Marie Le Pen s’est institutionnalisé au fil de conversations de plus en plus fréquentes, m’impliquant toujours davantage dans la « défense et illustration » de ses intérêts médiatiques à lui, qui n’étaient pas toujours en harmonie avec ceux de l’appareil FN. Des années durant, au même titre que le PS, le RPR ou l’UDF, le Front national figurait, dans mon activité, une entité politique parmi les autres, avec des nuances, dans le jeu personnel de Le Pen. Cette position à part dans le dispositif, avec ses phases occultes de nature, ne tenant qu’à la volonté de poursuivre de Le Pen était peu comprise, peu admise en interne. Les choses ont changé d’abord en 1990, quand il m’a nommé secrétaire départemental dans le Gard, puis en 1992 avec mon élection au Conseil régional de Languedoc-Roussillon.

 

« Le Pen exclu, c’est une clé

de voûte qu’on descelle »

 

Cependant, j’ai toujours été dans une position originale, distanciée, vis-à-vis des personnes comme des idées. J’ai peu de dispositions pour ce qui concerne la culture d’appareil. Quant à l’exclusion, elle fut une sorte de gage donné à l’époque à un Bruno Mégret en pleine ascension. À un tout autre niveau, voilà que Marine Le Pen donne des gages, elle aussi, à de puissants seconds, Philippot, Collard, et d’autres. Sauf que moi, j’étais une modeste pierre de l’édifice, un médicament de confort auprès d’un dirigeant particulièrement doué ; rien à voir avec la clé de voûte qu’elle vient de desceller. Je naviguais entre l’officiel et l’officieux. Aujourd’hui, il s’agit d’enjeux autrement lourds de conséquences, sur fond de parricide, dans une société désorientée.

 

PdA : Les récentes sorties de Jean-Marie Le Pen, qui ont provoqué tant de remous au sein du parti, m’ont fait penser à une phrase qui m’avait sidéré lors de la diffusion dun documentaire sur le Front national, il y a quelques années : au journaliste qui lui demandait ce qu’il entendait entreprendre s’il arrivait au pouvoir, Le Pen répondit, dans un grand éclat de rire : « Dieu m’en préserve ! » Vous avez émis une théorie intéressante à l’occasion d’une émission de radio diffusée début mai : Le Pen n’agirait pas par malveillance ou crise d’égo mal placée envers sa fille, il s’évertuerait à maintenir au-dessus du FN un « plafond de verre », tout cela procédant d’une conscience aiguë de sa part de l’impréparation du parti à tenir, en l’état, les rênes du pouvoir. Voulez-vous développer cette idée ?

Deux questions complémentaires : Jean-Marie Le Pen a-t-il eu jamais, à votre avis, sérieusement, sincèrement, l’ambition d’accéder à quelque responsabilité exécutive - dont, a fortiori, la première de l’État ? Ce point ne constitue-t-il pas, et de loin, sa principale divergence d’avec Marine Le Pen ?

 

L.S.A. : Vous avez noté comment, par dérision pour les éléments de langage frontistes, Le Pen appelle sa fille : « la-femme-d’État-aux-portes-du-pouvoir » ? En un seul mot !

 

Faisons simple : il y a un avant et un après 13 septembre 1987, « Le Détail », et ses multiples rebonds. Les ricochets médiatiques et politiques de l’affaire, interminablement réactualisés, ont mené Jean-Marie Le Pen à une stratégie en rupture avec ses ambitions antérieures. Jean-Marie Le Pen avait-il la stature, la carrure, la puissance d’incarnation, la densité humaine, culturelle d’un premier rôle ? Sans aucun doute à mes yeux ! Lui même ne se reconnaît qu’une seule erreur : ne pas avoir été le candidat de la droite nationale en 1965, contre Charles de Gaulle et François Mitterrand, au lieu d’aller chercher puis d’imposer Jean-Louis Tixier-Vignancour et d’en orchestrer la campagne.

 

« Le Pen a réalisé trop tard que

sa fille, née en 1968, était également

née de 1968 »

 

Quelle est la situation d’aujourd’hui ? Rien n’est plus absurde que de peindre Jean-Marie Le Pen en vieillard aigri ne supportant pas de voir ses successeurs réussir mieux que lui ; c’est oublier l’énergie qu’il a déployée pour ouvrir la route de sa fille, aplanissant devant elle les obstacles de toute nature, au prix des amitiés les plus anciennes. Comme on dit, il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Certes, depuis quelques semaines, Marine Le Pen orchestre l’exclusion en rafale des proches de son père, mais sur qui prend-elle modèle ? Demandez donc à Carl Lang, Jean-Claude Martinez, Roger Holleindre, Martine Lehideux, Fernand Le Rachinel, tous immolés sur l’autel mariniste, ce qu’ils pensent maintenant du parricide en cours d’exécution.

 

La question du pouvoir n’est pas en cause dans la détérioration des rapports entre Jean-Marie et Marine Le Pen : le patriarche, de droite, réalise seulement et un peu tard que sa fille a en tête un projet de gauche. Née en 1968, née de 1968 ! Plus grave, s’il lui concède ces qualités qui font les stars de la télé-réalité, il voit bien l’insoutenable légèreté de l’être, le bachotage laborieux pour nourrir l’illusion de la compétence, le vide structurel, la vacuité, la méchanceté dans certaines attitudes…

 

PdA : Vous avez côtoyé Jean-Marie Le Pen au plus près dix années durant lorsque, de 1984 à 1994, vous fûtes son conseiller en communication. Quels souvenirs gardez-vous de cette collaboration ?

 

L.S.A. : Ce furent des années passionnantes, qui certes m’auront été fatales sur un plan personnel et professionnel, mais au sujet desquelles j’ai peu de regrets. S’il n’y avait pas de place pour quelqu’un comme moi au sein du FN, je crois en revanche à une forme de complémentarité créative qui avait du sens auprès de Jean-Marie Le Pen.

 

Marseille Legislatives 1988

Sur cette photo qui date des législatives de 1988, L. de Saint Affrique

apparaît à la gauche de J.-M. Le Pen.

 

PdA : Quelle image vous êtes-vous forgée de Jean-Marie Le Pen, finalement ? Avez le sentiment, quelque part, d’être en mesure d’extraire de son parcours tel que vous l’avez vécu et observé, de ses prises de position telles que vous les recevez, l’esquisse d’une cohérence intellectuelle que vous expliciteriez pour nous ? Cette dernière, si elle existe à vos yeux, entre-t-elle en contradiction avec les vues des tenants actuels de la direction du Front national ?

 

L.S.A. : Un orateur exceptionnel, une personnalité rebelle à toute forme de pression culturelle ou sociale, un homme de culture et d’action aux défauts très répandus, mais aux qualités très rares. Il y a plus de dix ans, dans un livre, (Dans l’ombre de Le Pen, paru en 1998 aux éd. Hachette, ndlr) j’ai beaucoup nuancé mon enthousiasme, et pourtant, au final, si c’était à refaire comme on dit, les mêmes motifs aboutiraient sans doute aux mêmes réflexes de ma part. Ceux qui, au sein du Front national, mènent la danse contre lui, ne veulent voir que ce qui dérangerait, croient-ils, leurs spéculations de carrière : la place de leur cible dans l’histoire politique française contemporaine : ça leur arracherait le cœur de l’admettre, et plus encore de se laisser gagner par un sentiment de respect.

 

PdA : Vous avez pu observer à la fin des années 90, de l’extérieur du parti, la violence de la rupture entre ses deux leaders d’alors, Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret. Sur des questions essentiellement tactiques. La coexistence au sein du FN de deux pôles puissants et apparemment contradictoires parfois (le sont-ils vraiment ?) - disons, pour faire simple, les souverainistes entraînés par Florian Philippot et les « tradi » qui voient désormais Marion Maréchal-Le Pen comme leur championne - est-elle potentiellement porteuse de troubles qui, pour l’instant, demeureraient contenus grâce à la personnalité de la présidente du parti, Marine Le Pen, qui incarne volontiers et assez habilement une ligne de « synthèse » ?

 

« Au FN, paroles et musique

dépendent des sondages »

 

L.S.A. : Ligne de synthèse, vous êtes sûr ? À droite toute, depuis quinze jours, au rythme des images de colonnes de « migrants » ; à Hénin-Beaumont, bientôt, vous entendrez une autre chanson. Paroles et musique dépendront des sondages tels que Florian Philippot en tirera la substantifique moelle et les mettra en bouche de l’une et des autres.

 

Vous me demandez un pronostic électoral sur les régionales ? Intuitivement, je ne vois de chance de succès pour le FN que dans le Sud-Est, sur le fil.

 

PdA : Au regard des forces en présence, au-dedans et à l’extérieur du parti, quelle évolution vous risqueriez-vous à prédire au Front national pour les quelques années à venir ?

 

L.S.A. : Intuitivement toujours, s’agissant du FN tel qu’il est maintenant, j’imagine les Français l’utilisant comme instrument provisoire de « déstabilisation du système » dans une phase peu paisible de la vie civile, et rien d’autre. Un détonateur !

 

PdA : Jean-Marie Le Pen considérerait, c’est votre sentiment en tout cas, que sa fille n’aurait pas l’étoffe d’un chef d’État. Quel est votre avis sur cette question ?

 

L.S.A. : Si telle était l’opinion de Jean-Marie Le Pen, je dirais que je la partage, en l’amplifiant.

 

Lorrain de Saint Affrique s

 

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8 septembre 2015

Thierry Lentz : « La rupture russo-française est inscrite dans les termes mêmes de la ’paix de Tilsit’ »

Un an moins un jour, tout juste, après la publication de notre dernier entretien en date, Monsieur Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, a accepté une nouvelle fois de répondre aux quelques questions que j’ai souhaité lui soumettre. Sont évoqués ici, au cours de passionnants développements, la Russie de laprès-Tilsit (1807) et les États-Unis tels que vus par Bonaparte. Je remercie Thierry Lentz pour cette nouvelle interview, réalisée le 8 septembre 2015, et signale que son dernier ouvrage, Napoléon et la France, est disponible chez Vendémiaire depuis la fin août. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Thierry Lentz: « La rupture russo-française

est inscrite dans les termes mêmes de la paix de Tilsit »

 

Napoléon et la France

Napoléon et la France (Vendémiaire, 2015)

 

Paroles d'Actu : Bonjour Thierry Lentz, je suis ravi de vous retrouver pour ce nouvel entretien, que je souhaite composer toujours autour de questions d’histoire, mais aussi d’un peu de l’actualité brûlante de ces derniers mois. La première thématique que j’aimerais que l’on aborde ensemble nous ramène deux cent huit années en arrière. Est-ce que l’on peut estimer, considérant ce qu’étaient alors les aspirations, les intérêts - parfois divergents - des uns et des autres, qu’un rebattement profond, historique des cartes de la géopolitique européenne a été manqué à Tilsit, en 1807 ?

 

Thierry Lentz : Tilsit est en tout cas un tournant du règne napoléonien. Il l’est en effet, mais pas forcément comme on l’entend généralement. Pour simplifier, le traité entre les deux empereurs a souvent été considéré comme un « partage du monde », et au moins de l’Europe, en deux zones d’influence, une française à l’ouest, une russe à l’est. C’est la vision que Napoléon lui-même a voulu imposer. 

 

Formellement, les accords signés en juillet 1807 sont constitués, d’une part, d’un traité de paix de vingt-neuf articles patents et sept articles secrets et, d’autre part, d’un traité d’alliance en neuf articles. Leurs déclarations liminaires annoncent une bonne nouvelle : il y avait désormais « paix et amitié » entre les deux empereurs. Là s’arrêtent les amabilités. Le reste n’est qu’une suite de conditions imposées par le vainqueur au vaincu. Le tsar accepte par la force des choses d’avaler quelques couleuvres et de renoncer aux ambitions européennes de son empire, qu’il a héritées de sa grand-mère, la grande Catherine.

 

L'entrevue des deux empereurs

L’entrevue des deux empereurs le 25 juin 1807 (Crédits : Fondation Napoléon)

 

Première couleuvre, il reconnaît de facto l’Empire français, ce qu’il s’était toujours refusé à faire depuis 1804. Dans la foulée, il accepte la présence de Joseph Bonaparte sur le trône de Naples et, plus grave pour les projets russes, l’existence de la Confédération du Rhin et la création du royaume de Westphalie pour Jérôme Bonaparte. L’Allemagne - dont le tsar rêvait d’être le protecteur - échappe à son influence.

 

Deuxième couleuvre, Alexandre garantit la création d’un duché de Varsovie, sorte de Pologne qui ne dit pas son nom, composé de territoires repris à la Prusse et artificiellement placé sous l’autorité du roi de Saxe. Ce faisant, il accepte qu’un glacis hostile empêche toute progression russe au nord-ouest du continent. Car le duché sera un satellite de la France : ses troupes continueront à y stationner tandis qu’un résident français sera nommé à Varsovie.

 

Troisième couleuvre, le tsar doit retirer ses troupes de Moldavie et de Valachie, territoires conquis sur les Ottomans un an plus tôt. Il s’engagea en outre à négocier avec la Turquie en vue d’une paix définitive, sous l’œil de Napoléon. Cette fois, c’est de leurs ambitions dans le sud-est de l’Europe dont les Russes doivent ici faire leur deuil.

 

Le seul avantage que Saint-Pétersbourg retire en apparence du dispositif de Tilsit est en réalité la certitude d’une catastrophe prochaine. Les traités érigent en effet le tsar en « médiateur » du conflit franco-anglais. Il doit mettre tout son poids dans la balance pour convaincre Londres de négocier. Mais cette fausse ouverture a sa contrepartie : si le gouvernement britannique ne se décide pas positivement avant le mois de novembre 1807, non seulement la Russie devra lui déclarer la guerre, mais de surcroît appliquer le Blocus continental, c’est-à-dire cesser tout commerce avec elle.

 

« Tilsit et ses suites ont plongé

la Russie dans le marasme économique »

 

Le désastre de Friedland coûte donc cher à la Russie et la défaite militaro-diplomatique se doublera bientôt d’un écroulement de l’économie. Comme il fallait s’y attendre, Londres n’acceptera pas de négocier et le tsar sera obligé de lui déclarer la guerre. En fermant ses ports aux importations de produits manufacturés anglais et aux exportations de céréales vers l’Angleterre, Tilsit et ses suites plongent à terme l’économie de son empire dans le marasme, d’autant que les exportateurs français se montreront incapables de conquérir les marchés confisqués aux Britanniques. Il s’ensuivra une grogne générale dans la haute société pétersbourgeoise qui exploite les ports et possède les plus grands domaines agricoles. La francophobie de l’entourage du tsar - et sans doute de l’autocrate lui-même - en sera décuplée.

 

Dès les mois qui suivent Tilsit, la rupture est certaine. Elle interviendra cinq ans plus tard et conduira l’Empire français à sa perte.

 

Pourtant, avec les traités de 1807, Napoléon a pu croire le continent verrouillé. On peut parler à cet égard d’apogée de l’Empire français et de l’empire des Français sur l’Europe. Débarrassé de l’Autriche après Austerlitz, le conquérant a châtié la Prusse par le traité de paix bilatéral signé avec elle, toujours à Tilsit, le 9 juillet. En écartant la Russie des routes occidentales, des Balkans et de la Méditerranée, il l’a confinée dans ses positions orientales, la seule place réservée dans son idée à ceux qu’il appelle, comme l’Europe entière d’ailleurs, les « barbares du Nord ». Mais Napoléon ne saura pas s’arrêter sur cette excellente position. Son « système » est conçu pour le mouvement et non pour la récolte patiente des fruits de la victoire. La sévérité de ses traités prépare des revanches. La nécessité du Blocus pour contraindre l’Angleterre à la paix lui créent partout des ennemis. Son rêve de prépondérance l’entraîne à aller toujours plus loin. Moins d’un an après Tilsit, la Grande Armée entre au Portugal puis en Espagne pour s’assurer des marches méridionales. Ce sera la campagne de trop, celle qui marquera vraiment un tournant, ce que Talleyrand appellera le « commencement de la fin ».

 

PdA : Comment décririez-vous les perceptions et relations mutuelles qu’entretinrent, au temps des gouvernements de Bonaparte Premier Consul puis empereur, les États-Unis et la France ? Que sait-on de la manière dont les citoyens et dirigeants américains de l’époque regardaient l’expérience napoléonienne ?

 

T.L. : Napoléon connaît mal les États-Unis. Il les considère, non sans condescendance, comme une nation de boutiquiers et, plus grave, leurs habitants comme des Anglais vivant en Amérique. Il ne peut toutefois se passer de tenir compte de leur puissance commerciale, déjà importante au début du XIXe siècle. Les États-Unis posent le problème central d’une guerre à grande échelle comme celle que se livrent Français et Anglais : que faire avec les neutres ? Ce sera aussi la question centrale qui, on le sait, fera basculer les deux guerres mondiales au XXe siècle. C’est pourquoi le Premier Consul puis l’empereur, non sans tâtonnements, fait tout pour détacher les États-Unis de l’Angleterre. Dans la guerre de blocus que les deux nations mènent, il est le premier à cesser d’intercepter les vaisseaux américains. Mais il le fait trop tard, en 1811, alors que ses options continentales l’ont déjà tourné vers l’est de l’Europe et vers sa perte.

 

« Napoléon a négligé les États-Unis, il l’a regretté »

 

Il reconnaîtra plus tard que ne pas avoir mieux tenu compte des États-Unis a été une de ses erreurs. Il pronostique même à Sainte-Hélène qu’à l’avenir elle finira par dominer le monde, en rivalité avec la Russie, ce qui n’est pas mal vu. Mais, lui, n’a pas eu cette préscience au moment où elle lui aurait été fort utile. C’est pourquoi la guerre de 1812 entre l’Angleterre et les États-Unis ne lui sera d’aucune utilité. Les choses auraient pu être différentes si elle avait éclaté un ou deux ans plus tôt, non parce que les Étasuniens admiraient la France impériale, mais parce que tout ce qui affaiblissait davantage Albion pouvait être profitable aux intérêts français.

 

Seconde partie de votre question, les citoyens du nouveau monde sont majoritairement défavorables à la France. N’oublions pas non plus que la plupart des dirigeants américains sont nés sous l’emprise et sont de culture britannique. Ils veulent bien régler, y compris par les armes, leurs différends avec l’ancienne mère-patrie, mais ne vont pas jusqu’à souhaiter sa destruction par son ennemi héréditaire. Ça n’est que très postérieurement que la popularité de Napoléon s’installera outre-Atlantique.

 

PdA : Revenons, cher Thierry Lentz, à 2015. À cette actualité dominée par l’afflux massif de réfugiés qui fuient un Proche-Orient en proie au chaos pour une large part, et donc, à la loi du plus fort. Ma question ne touche pas directement aux problématiques que posent ces réfugiés - elles sont, du reste, déjà largement commentées par un peu tout le monde, ces temps-ci. Ma question est autre. Face à la progression, à l’implantation croissante des extrémistes de l’État islamique sur les terres sunnites, en Irak et en Syrie notamment, le président de la République vient d’annoncer une accentuation de la pression aérienne française dans cette région. Est-ce que, comme citoyen qui a une grande connaissance de l’histoire, des affaires internationales et militaires, vous avez un avis tranché sur la manière dont il conviendrait de lutter contre ce groupe et, si j’ose dire, les « racines du mal » ? La France a-t-elle vocation à prendre une part significative et directe dans la gestion de cette affaire, d’ailleurs ?

 

T.L. : J’ai bien peur que dans ces questions d’actualité, l’historien vous demande d’attendre un peu avant de formuler sa réponse. Pour le reste, mes avis de citoyens n’ont guère leur place dans un entretien historique.

 

PdA : Voulez-vous nous dire quelques mots de vos projets à venir ?

 

« Je prépare une biographie de Joseph Bonaparte »

 

T.L. : Les éditions Vendémiaire font paraître ces jours-ci un recueil de mes études regroupées sous le titre Napoléon et la France. Il s’agit à la fois d’une remise des pendules à l’heure sur quelques thèmes éculés (dictature, rejet de la Révolution, etc…) dont on nous rabat les oreilles et de véritables études historiques sur les thèmes retenus. Viendra, en novembre, la parution d’un « album Napoléon », chez Perrin, après quoi je jouirai d’un repos bien mérité puisque la biographie de Joseph Bonaparte que je prépare depuis des années ne paraîtra qu’à l’automne 2016.

 

Thierry Lentz

 

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2 septembre 2015

Johann Chapoutot : « Pour les nazis, 1933 liquide 1789 et ses suites »

Johann Chapoutot, jeune historien de trente-sept ans, s’est imposé en quelques années comme l’un des grands spécialistes de l’histoire de l’Allemagne en général et du nazisme en particulier (il s’est notamment illustré par la parution, l’année dernière, de l’ouvrage de référence La loi du sang : Penser et agir en nazi, chez Gallimard). Deux ans après un échange plus que cordial mais qui navait cependant pas débouché sur un entretien, il a accepté, cet été, de se livrer à l’exercice de l’interview - et de se livrer tout court, d’ailleurs, au passage - pour Paroles d’Actu (mes questions lui ont été envoyées le 2 août, ses réponses datent de ce jour, 2 septembre). Je le remercie chaleureusement pour son implication dans ce projet, pour la bienveillance qu’il m’a témoignée. Et vous souhaite, à toutes et tous, une bonne lecture de cet article qui, je l’espère, vous donnera envie d’aller plus avant dans la découverte de ses travaux. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Johann Chapoutot: « Pour les nazis,

1933 liquide 1789 et ses suites »

 

La loi du sang

La loi du sang : Penser et agir en nazi (Gallimard, 2014)

 

Paroles d'Actu : Bonjour Johann Chapoutot, je suis ravi de réaliser cet entretien avec vous. J’aimerais, pour cette première question, vous inviter à évoquer en quelques mots ce qu’ont été les modèles de société historiques qui ont inspiré les théoriciens du IIIème Reich : quelle place l’exemple souvent fantasmé a posteriori de la cité militariste grecque de Sparte a-t-il tenu dans la réflexion ? quelles organisations de communauté passées trouvent grâce aux yeux de Hitler ?

 

Johann Chapoutot : On parle beaucoup de Sparte comme d’un modèle pour le IIIème Reich et on n’a pas tort. La cité lacédémonienne était exaltée comme une référence en matière d’organisation de la communauté : des hommes voués au combat, des femmes assignées à la procréation et au soin du corps, et une masse d’hilotes et de périèques asservis pour nourrir les citoyens-soldats. Pédagogues, journalistes, militaires vantent ce modèle à partir de 1933, et Heydrich s’y réfère explicitement dans un discours du 2 octobre 1941 qui porte sur l’organisation de l’Europe de l’Est (jusqu’à l’Oural) en passe d’être totalement soumise aux armes allemandes : il parle explicitement d’hilotisation de l’Europe. Tout cela est juste, mais on sait rarement que la référence à Sparte n’est ni gratuite, ni fortuite ou isolée : c’est toute l’Antiquité grecque, mais aussi romaine, qui est convoquée comme modèle (ou contre-modèle, selon les lieux et les périodes de l’Antiquité) par les nazis, car ils estiment que Grecs et Romains sont de race germanique.

 

Cette annexion raciale de l’antiquité méditerranéenne permet aux nazis de se revendiquer de la cité-État holistique antique, soit d’un modèle de communauté traditionnelle, pré-révolutionnaire, opposé à la société issue de Rousseau (le « contrat social ») et de la Révolution française. Goebbels proclame fièrement : « Nous avons effacé 1789 de l’histoire ». En effet : il s’agit de revenir à un modèle d’organisation humaine qui, en promouvant le tout contre la partie, le groupe contre l’individu, mette fin à ce qu’Alfred Rosenberg appelle « cent cinquante ans d’erreurs ».

 

PdA : Les tentatives visant à déstabiliser le régime républicain allemand, étonnamment avancé dans sa conception pour son temps, ont été pour l’essentiel le fait de factieux situés aux extrêmes de l’échiquier politique. L’édifice a su résister aux difficultés immenses nées de l’après-Guerre mais la Grande Dépression, avec les reflux massifs de capitaux étrangers qu’elle a entraînés, paraît lui avoir asséné le coup de grâce. Peut-on dire après coup que les puissances occidentales d’alors ont agi au mieux de ce qui était réaliste pour soutenir la république dite « de Weimar » ? Jusqu’à quel point l’accession de Hitler à la chancellerie - et ses conséquences funestes rendues possibles par sa grande habileté - est-elle évitable ?

 

J.C. : C’est le grand paradoxe : la communauté internationale a été très dure à l’égard de la République de Weimar, identifiée à l’Allemagne éternelle, à un rejeton supplémentaire d’une histoire forcément militariste, expansionniste et dangereuse. Alors qu’il aurait fallu tout faire pour aider les sociaux-démocrates arrivés, un peu malgré eux, au pouvoir en 1918, alors qu’il aurait fallu les aider à stabiliser la situation intérieure en pratiquant généreusement le crédit, en décidant d’une paix honorable et en n’accablant pas la République nouvelle au nom de l’Empire défunt, les Alliés, France en tête, ont imposé à cette première République démocratique, parlementaire et sociale de l’histoire allemande des conditions léonines. La chronologie est terrible : le Traité de Versailles est signé le 28 juin 1919, et la constitution élaborée à Weimar est adoptée, dans cette même ville, le 31 juillet. Autrement dit, l’hypothèque de Versailles pèse de manière évidente sur Weimar, et les deux villes sont irrémédiablement associées dans une commune répudiation : Carl Schmitt parlera même, dans le titre d’un de ses livres, du « combat » nécessaire contre « Weimar, Genève, Versailles » (Genève étant le siège de la Société des Nations, ndlr).

 

« L’échec de lexpérience démocratique

weimarienne n’était pas inéluctable »

 

Cela dit, il est aisé de refaire l’histoire : il faut aussi comprendre que la France, notamment, sort d’une guerre éprouvante, que des dizaines de départements sont fortement détruits par les combats et que près de deux millions de morts appellent réparation, si ce n’est vengeance. Le paradoxe est que l’on a été dur avec le doux (Weimar) et doux avec le dur (Hitler, à partir de 1933). Non pas parce qu’Hitler était bien dangereux au départ (jusqu’en 1936, il eût fallu une simple intervention militaire pour renverser son régime), mais parce que, entre-temps, le temps avait passé, et que les circonstances de 1935 ne sont plus celles de 1919 : on s’était lassé d’une dureté sans résultats à l’égard de l’Allemagne, et la crise de 1929 avait rendu le système des réparations parfaitement caduque. Il a d’ailleurs été abandonné avant même l’arrivée des nazis au pouvoir : un succès considérable de la république de Weimar, au passage, entre autres réalisations intérieures (vote des femmes, conventions collectives et libertés syndicales, stabilisation monétaire…) et extérieures (Locarno, entrée à la SDN, rapprochement avec la Russie-URSS…).

 

Ces succès montrent que l’arrivée des nazis au pouvoir n’avait rien d’irrésistible, et que la démocratie, fût-elle jeune, n’était pas vouée à l’échec en Allemagne. L’ascension d’Arturo Ui, pour parler comme Brecht, était bel et bien résistible. Mais c’est là une autre histoire, contrefactuelle, et étayée sur des éléments solides : on sait que c’est la droite dite « bourgeoise », celle de la camarilla présidentielle, autour d’Hindenburg, et de Papen, qui, pour conjurer une possible révolution soviétique en Allemagne, s’est alliée avec le NSDAP début janvier 1933. Les nazis se vantaient bruyamment d’avoir « pris le pouvoir » (Machtergreifung). Ils n’ont rien pris du tout, ils avaient trop peur de l’armée, légaliste et conservatrice, et ne se souvenaient que trop bien, Hitler surtout, de l’échec cuisant du putsch de 1923. Le pouvoir, on le leur a donné.

 

La nazisme et l'Antiquité Le meurtre de Weimar

J. Chapoutot est également l’auteur de Le nazisme et l’Antiquité et de Le meurtre de Weimar (P.U. de France).

 

PdA : Que sait-on de l’état de l’opinion allemande au tout début des années 30, j’entends, entre le Krach de 1929 et l’arrivée des nazis au pouvoir en janvier 1933, s’agissant non des difficultés économiques, criantes, mais du rapport du pays au reste de l’Europe ? Pense-t-on souvent, chez les tenants de la politique traditionnelle et de l’armée, dans les médias et au sein du peuple, en termes de « revanche », de « réunion des minorités germanophones », d’« expansion nationaliste » ?

 

J.C. : Le lien très particulier, dans l’histoire allemande, entre territoire et population, entre espace et nation (la seconde excédant largement le premier, car il y a des germanophones partout, dispersés par les migrations et les mouvements de l’histoire) ne se dément pas dans les années 1920, au contraire : Versailles crée des problèmes de « minorités » évidents, en attribuant des zones germanophones à la Tchécoslovaquie, à la Pologne, à la Roumanie, aux pays baltes, et en interdisant, au mépris des principes les plus élémentaires du droit international, mais aussi du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes solennellement proclamé par les 14 points de Wilson, l’Anschluss avec l’Autriche (l’Autriche sociale-démocrate qui vote son rattachement à l’Allemagne en novembre 1918 du reste…). Autrement dit, après la paix de Versailles, on n’a jamais vu autant de germanophones hors des frontières de l’Allemagne (ce sont 15 % de son territoire que le Traité enlève au pays) : il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que les voix les plus fortes et les arguments les plus durs de l’avant-1914 se fassent entendre…

 

Ces voix, et les nazis ne font là que répéter ce qui se dit chez les plus radicaux des pangermanistes et des expansionnistes de l’Allemagne wilhelminienne, réclament une concentration ethnique : ein Volk, ein Reich, donc – concentration mâtinée, pour les plus ambitieux ou les moins pacifistes, d’une expansion de l’espace dit vital. Les nazis veulent, a minima, parachever l’unité ratée de 1871 (car Bismarck, par pragmatisme et réalisme politique, s’était résolu à ne pas faire une nouvelle guerre à Vienne et avait opté pour la solution « petite-allemande »), veulent laver l’affront de 1918-19.

 

« Voter nazi au tout début des années 1930,

c’est voter pour la liberté et pour le pain »

 

Cela dit, pour l’opinion publique allemande, ce qui domine, en cette fin des années 1920, ce sont les préoccupations économiques et matérielles : du fait de la crise, terrible, la famine refait son apparition en Allemagne (mauvais souvenirs des années 1840 et de la Grande Guerre), et le niveau de vie chute vers des indices caractéristiques des années… 1860. Donc, quand on vote nazi en 1930, 1931 et 1932, on vote avant tout pour Freiheit und Brot, ce fameux slogan électoral nazi qui signifie « la liberté » (le retour de l’Allemagne dans le concert des grandes puissances, à égalité de droits avec les autres, contre Versailles) et « le pain ».

 

PdA : Le modèle de société nazi était-il en somme, philosophiquement parlant, férocement réactionnaire, fondamentalement révolutionnaire, ou un mélange plus « subtil » des deux ?

 

J.C. : Le débat est vif entre historiens depuis les années 1960. Les historiens marxistes ont vu dans le IIIème Reich un modèle achevé de réaction politique et sociale, le dernier soubresaut autoritaire et antisocial d’une bourgeoisie aux abois, d’une élite capitaliste dont la crise du modèle économique libéral ébranle la domination. D’autres historiens, pratiquant l’histoire sociale justement, ont montré tout ce que le régime nazi pouvait avoir d’émancipateur pour certains segments de la population allemande : politique fiscale et sociale avantageuse, congés payés, ascension sociale au mérite… autrement dit, le « socialiste » de national-socialiste n’était pas un vain mot, ne serait-ce que par réalisme politique, c’est-à-dire par volonté de s’acheter le consentement de la plus grande partie possible du peuple allemand. Par opportunisme et par nécessité de constituer un vivier et une postérité de cadres, le régime entend par ailleurs puiser partout dans la population de « bonne race ». Il s’agit d’aller chercher les talents partout où ils sont et non pas seulement dans les élites traditionnelles.

 

Cela dit, je suis partisan de prendre les discours nazis au sérieux, notamment quand des hiérarques du parti et du régime affirment, pour s’en féliciter, qu’ils ont enterré la Révolution française et ses suites, mais aussi ses principes (égalité et fraternité au premier chef). On ne doit jamais perdre de vue que les nazis considèrent leur œuvre comme une contre-révolution réussie : 1933 clôt à leurs yeux un cycle historique malheureux et néfaste ouvert par 1789.

 

PdA : On établit souvent, dans l’analyse de l’actualité du moment, des parallèles entre l’État islamique et le nazisme : la cruauté des moyens employés, la violence inhérente aux fins recherchées par les uns comme par les autres ; leur volonté commune d’éradiquer toute trace d’un passé qui contreviendrait à la doctrine, leurs visées radicales, profondément excluantes et totalitaristes comportent d’évidents points de ressemblance. Ces parallèles sont-ils justifiés de votre point de vue ?

 

« Oui, il y a matière à comparaison entre Daech et les nazis »

 

J.C. : Ils sont tentants. La radicalité des uns et des autres est comparable, et elle s’origine dans un même mélange d’opportunisme matériel (il ne faut pas oublier que Daech est avant tout une organisation mafieuse, une gigantesque machine à piller et à faire de l’argent, notamment à partir des ressources pétrolières et d’innombrables trafics) et d’engagement existentiel, religieux, eschatologique. Cela dit, comparer avec n’est pas comparer à, c’est à dire assimiler à. Les historiens distinguent toujours les contextes : comparer oui, c’est éclairant. Assimiler, non, c’est obscurcissant.

 

PdA : Quels sont vos projets, Johann Chapoutot ?

 

J.C. : Plusieurs livres sont sur l’établi. Ils touchent au nazisme, mais pas seulement, car c’est l’histoire de l’Allemagne et de la modernité (notamment économique, mais aussi écologique) qui m’intéressent aussi – et surtout. Le nazisme ne m’intéresse au fond que pour ce qu’il dit et révèle de notre modernité. Cinq livres m’attendent, ainsi qu’un long temps de recherches et de lectures auparavant. Je m’installe dans cette temporalité-là et essaie d’habiter un temps plus serein, celui d’une recherche disjointe des enjeux proprement académiques ou de carrière, qui sont désormais derrière moi. Mon objectif, ces dernières années, était, à marche un peu forcée, de bâtir un polder intellectuel en créant les conditions professionnelles de la sérénité intellectuelle. S’est désormais ouvert un temps pétri de lectures, d’écriture, de travail de la matière (pas seulement historique ou intellectuelle) et de longues heures passées avec mes enfants.

 

Johann Chapoutot

Source de l’illustration : Clio

 

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Édition de la présentation de l’article, le 25 septembre 2015.

30 août 2015

Jean-Philippe Cénat : « Louis XIV a échoué à transformer les institutions de l’Ancien Régime en profondeur »

Dans deux jours, le premier septembre, sera commémorée, à l’occasion de son tricentenaire, la mort du plus fameux des rois de France : Louis XIV, le « Roi-Soleil » pour la postérité. J’ai souhaité soumettre quelques questions touchant à des aspects sensibles de politique intérieure et étrangère de son règne - je passe volontairement mon tour s’agissant des belles dames de la Cour et de la galerie des Glaces - à l’historien Jean-Philippe Cénat, auteur notamment de Louvois : Le double de Louis XIV (Tallandier) et de Le roi stratège (P.U. de Rennes). Son accord fut immédiat et ses réponses, reçues vingt-quatre heures à peine (le 30 août) après l’envoi de mes questions, s’avèrent très complètes et hautement instructives pour aimerait mieux connaître cette époque - l’évocation court ici de la Fronde jusqu’à la Révolution. Je remercie chaleureusement M. Cénat pour ce document qu’il me permet aujourd’hui de mettre en ligne. Et souhaite que cette lecture vous donnera l’envie d’aller plus avant dans la découverte de son travail. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Jean-Philippe Cénat: « Louis XIV a échoué à transformer

les institutions de l’Ancien Régime en profondeur »

 

Louvois Louis XIV

J.-P. Cénat est auteur de Louvois : Le double de Louis XIV (Tallandier) et de Le roi stratège (P.U. de Rennes).

 

Paroles d'Actu : Bonjour Jean-Philippe Cénat, je vous remercie d’avoir accepté le principe de cette interview axée sur le roi Louis XIV, dont on célèbre, ces jours, le tricentenaire de la disparition. L’histoire de ce monarque, baptisé Louis-Dieudonné, débute dans des conditions particulièrement difficiles: c’est le temps de la Fronde, cette dynamique violente, puissante et plurielle qui entend revenir sur le renforcement continu, depuis plusieurs règnes, de l’autorité de l’État - et donc de l’autorité royale. Sait-on estimer aujourd’hui l’impact réel qu’a eu la Fronde sur le jeune roi ? Sur sa personne et, forcément, en ces années de formation, sur la manière dont il s’est forgé en tous points ?

 

Jean-Philippe Cénat : La Fronde a eu évidemment un impact considérable sur le jeune Louis XIV, qui a vécu des événements très difficiles alors qu’il n’avait qu’une petite dizaine d’années. Il a connu une forte contestation de son pouvoir, dû quitter par deux fois sa capitale et être séparé de son parrain Mazarin. Il en a gardé une grande méfiance à l’égard du peuple et de la ville de Paris, ce qui explique en partie le choix de Versailles pour y construire son nouveau palais, quelques années plus tard. Ces événements tragiques l’ont aussi rapproché de Mazarin, qui fut son mentor en politique et en qui il eut toujours une grande confiance. Louis XIV n’osa jamais lui retirer la direction du gouvernement avant sa mort en 1661.

 

Le Roi-Soleil tira aussi la leçon de la Fronde qu’il fallait écarter du pouvoir central, particulièrement du Conseil d’en-haut, la famille royale (son oncle Gaston d’Orléans n’avait cessé de se révolter contre l’autorité de Louis XIII) et les Grands, c’est-à-dire la haute noblesse. C’est pourquoi à partir de 1661, tous les ministres et secrétaires d’État appartinrent désormais à la noblesse de robe ou à des familles qui devaient tout à la faveur royale. Inversement, il écarta du gouvernement les princes du sang comme les Condé, et même sa mère, Anne d’Autriche, qui avait pourtant su préserver son pouvoir pendant la Fronde.

 

Il se méfia toujours beaucoup de son frère, Monsieur, et dans une moindre mesure de son neveu, le futur Régent. Monsieur fut relégué dans des fonctions subalternes et de parade à la Cour et Louis XIV ne lui offrit plus jamais l’occasion de commander une armée après avoir remporté la bataille de Cassel en 1677. Cette victoire fut mal vécue par un roi jaloux du succès de son frère, d’autant plus que lui-même n’eut jamais l’occasion de remporter une bataille en personne, les généraux craignant pour sa sécurité.

 

PdA : La monarchie « absolue », concept que Louis XIV installe et incarne au premier chef pour l’Histoire, renvoie à ce que le roi assume directement l’essentiel des décisions d’autorité: les structures féodales anciennes continuent de tomber en désuétude ; la puissance publique passe elle résolument à l’État, et la maîtrise de celui-ci aux mains du roi. Voilà pour le pouvoir politique. Qu’en est-il de sa mise en application: Louis XIV dispose-t-il, au temps de son règne, de relais territoriaux, d’une administration à la hauteur de ses ambitions ?

 

J.-P.C. : Pour se faire obéir, notamment en province, Louis XIV chercha à s’appuyer de plus en plus sur des commissaires, c’est-à-dire des agents qui dépendaient entièrement du pouvoir royal, et qu’il pouvait révoquer à volonté, contrairement aux détenteurs d’offices, ces dernières restant largement vénales. Les plus importants de ces commissaires étaient les intendants, qui avaient des pouvoirs de justice, de police et de finance et devinrent plus nombreux et plus présents dans tout le royaume. Malgré leurs pouvoirs croissants, ils durent cependant composer avec les élites et les pouvoirs locaux (parlements, gouverneurs, États provinciaux).

 

« En dépit des clichés, Louis XIV fut souvent

homme de compromis vis-à-vis des élites »

 

L’historiographie actuelle a tendance à relativiser la toute puissance de l’État central sur les provinces et à insister sur le fait que Louis XIV a plus cherché un compromis avec les élites, notamment la haute noblesse, qu’à la domestiquer par la force. C’est ce qui explique d’ailleurs que le pouvoir royal fut mieux obéi qu’au début du siècle et que les révoltes des Grands se firent plus rares. En fait, ces derniers tiraient un meilleur profit du nouveau système et ils n’avaient donc plus guère de raison de s’y opposer. En gouvernant sans premier ministre, Louis XIV évita aussi le problème de la jalousie des élites à leur égard, chacun estimant pouvoir désormais accéder aux bienfaits du roi directement. Cela contribua à apaiser certaines tensions, contrairement à l’époque de Richelieu et de Mazarin.

 

Sinon, d’une manière générale, l’encadrement administratif de la France resta relativement faible, surtout si l’on compare avec la situation actuelle (46 000 détenteurs d’offices en 1665, face aux 5,6 millions de fonctionnaires d’aujourd’hui !). Le système reposait avant tout sur les liens de fidélité et les clientèles, plus que sur une pyramide institutionnelle bien organisée. Louis XIV réussit ainsi à rallier à lui les grandes clientèles ministérielles (les Le Tellier, les Colbert…) et les réseaux périphériques de la haute aristocratie, celle-ci étant désormais en partie court-circuitée.

 

PdA : Pensez-vous, en considérant le point de vue du roi, que la révocation de l’Édit de Nantes (1685) était justifiée par les circonstances de l’époque ? L’exil massif de protestants industrieux que cette décision a provoqué a-t-il réellement eu l’impact décisif que l’on lit souvent sur le développement économique de la France ?

 

J.-P.C. : La révocation de l’Édit de Nantes est généralement considérée, à juste titre, comme une des erreurs principales du règne de Louis XIV. Elle s’inscrit dans le cadre plus large de la politique antiprotestante au Grand Siècle, qui cherchait à rétablir l’unité religieuse du royaume, l’édit de tolérance étant vu comme une sorte d’anomalie dans l’Europe du temps où les sujets suivaient la religion de leur prince. Cette politique, d’abord modérée et utilisant des moyens pacifiques pour convertir les huguenots, se durcit après la fin de la guerre de Hollande, avec notamment les dragonnades (logement de soldats chez les protestants, ce qui provoquait d’importantes nuisances).

 

Ce durcissement n’avait rien d’inévitable et il ne fut pas orchestré par le roi ou même ses ministres. Il s’agit plutôt du résultat d’initiatives d’intendants de province, comme Marillac dans le Poitou, qui cherchaient à se faire bien voir en annonçant de spectaculaires conversions grâce à des méthodes brutales, souvent passées sous silence. Sans être dupes de ces manières et de l’exagération du nombre d’abjurations et bien que ne les approuvant pas spécialement, les ministres de Louis XIV, en particulier Louvois et son père Michel Le Tellier, ne firent rien pour enrayer le mouvement, ce qui revint à le cautionner tacitement. Il en alla en quelque sorte de même du roi, qui ne fut pas très bien informé de la réalité de la situation et préféra surtout voir uniquement le côté positif, à savoir que le protestantisme étant en voie rapide d’extinction. Dans ces conditions, il apparaissait alors logique de révoquer l’édit de Nantes, ce qui fut décidé en octobre 1685.

 

« L’impact de la révocation de l’Édit de Nantes 

sur l’économie française a sans doute été exagéré »

 

Les conséquences de cette décision ne furent pas aussi catastrophiques que ce que la légende dorée protestante et anti-louisquartorzienne a voulu montrer depuis le XVIIIè siècle. Tout d’abord, la révocation provoqua l’exil de 150 à 200 000 personnes, ce qui ne représente qu’environ 10 % des huguenots et moins de 1 % de la population française. On est donc loin de la catastrophique démographique parfois annoncée ! De même, il faut relativiser le fait que leur départ aurait provoqué la ruine de l’économie française et un important développement des pays d’accueil. Certes, le royaume a vu un déclin de certaines manufactures textiles, un affaiblissement de son commerce avec les pays du nord et des activités maritimes, secteurs où les protestants étaient particulièrement actifs. Il y eut aussi une certaine fuite des capitaux au profit notamment de la banque d’Amsterdam et quelques transferts technologiques vers les pays voisins dans le textile, l’horlogerie, le raffinage du sucre ou encore la fabrication du papier.

 

Mais le déclin économique français est plus lié à d’autres facteurs, comme la pression fiscale, les guerres ou le contexte économique général. D’autre part, les huguenots n’ont pas non plus connu tous la fortune à l’étranger, et il existe de nombreux échecs ou de grosses difficultés lors de leur implantation dans les États allemands ou dans les Provinces-Unies. Enfin, il faut rappeler que la France bénéficia à la même époque de l’immigration des jacobites, les partisans du roi catholique d’Angleterre Jacques II, chassé de son trône par Guillaume d’Orange. Ce flux de réfugiés compensa en partie le départ des huguenots.

 

PdA : La suprématie navale de la Grande-Bretagne sur les mers et les océans, donnée majeure de la géopolitique européenne des XVIIIè et XIXè siècles, est-elle une réalité déjà affirmée - pour ne pas dire « arrêtée » - sous le règne de Louis XIV ?

 

J.-P.C. : Au début du règne de Louis XIV, l’Angleterre est encore loin de dominer les mers en Europe. Elle a alors pour rivale la Hollande, et la renaissance de la Royale, impulsée par les Colbert, fit de la France une puissance navale de premier ordre. L’Angleterre fut même, au début de la guerre de Hollande, l’alliée de Louis XIV entre 1672 et 1674, et le resta largement tant que Charles II et Jacques II gardèrent leur trône, jusqu’en 1688. En fait, la montée en puissance de la Navy date plus de la fin du XVIIè et du début du XVIIIè siècle. Au début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, la France, fait unique dans son histoire, possède alors à la fois la première armée et la première flotte du continent. La Royale est en effet capable de rivaliser pendant quelques années avec les forces combinées de l’Angleterre et des Provinces-Unies. Tourville remporte même une victoire importante à Béveziers en 1690.

 

Mais Louis XIV, qui doit faire face à presque toute l’Europe coalisée, ne peut maintenir un tel effort maritime jusqu’au bout et la logique géostratégique fait que le royaume donne la priorité à la terre sur la mer. Ainsi, la France délaisse la guerre d’escadre au profit de la guerre de course. Cette priorité à la terre se retrouve également lors de la guerre de succession d’Espagne et c’est à ce moment que la Navy surclasse de manière définitive la flotte française. Les choses n’étaient pas forcément jouées d’avance, car Louis XV et Louis XVI auraient pu faire le choix de l’expansion maritime et coloniale et non se concentrer sur les affaires européennes. Mais encore une fois la géographie et l’histoire française en font avant tout une puissance continentale. Elle pouvait difficilement investir autant que l’Angleterre dans une marine, qui fut pour elle une priorité depuis le XVIè siècle.

 

PdA : Considérez-vous, en tant qu’historien spécialiste de cette époque, que s’agissant des initiatives diplomatiques et militaires sur lesquelles il avait réellement du jeu, Louis XIV a commis des erreurs, des fautes manifestes ?

 

J.-P.C. : Louis XIV n’est pas le souverain parfait et a évidemment commis des erreurs en politique étrangère. Pour moi, la principale ne fut pas d’avoir participé à trop de guerres (il ne fut pas tellement plus belliqueux que ses contemporains), mais plutôt l’orientation de sa diplomatie dans les années 1680. Insatisfait des résultats de la paix de Nimègue de 1678, le roi se lance dans la politique des « Réunions » qui consistent à annexer en pleine paix des territoires frontaliers qui dépendaient théoriquement de ceux cédés lors des traités précédents. Si cela permit de renforcer les frontières nord-est du royaume avec Strasbourg et Luxembourg par exemple, ces gains restèrent modestes, car l’optique était avant tout défensive. Or cette politique de force choqua avec raison beaucoup les voisins du royaume, la France devenant alors la puissance perturbatrice et dangereuse sur le continent. Elle perdit alors tous ses alliés et dut ensuite affronter toute l’Europe coalisée lors de la guerre de la Ligue d’Augsbourg à partir de 1688. Louis XIV aurait alors mieux fait, soit de déclencher une nouvelle grande guerre en 1683, profitant de sa prépondérance militaire et de l’attaque turque contre Vienne pour conquérir les Pays-Bas espagnols, ou mieux de mener une politique d’apaisement qui aurait rassuré ses voisins et mis la France dans de meilleures conditions pour capter l’héritage espagnol.

 

« La guerre de Succession d’Espagne fut,

du point de vue français, un conflit juste et nécessaire »

 

La guerre de Succession d’Espagne est parfois critiquée par les historiens. Mais Louis XIV a probablement choisi la meilleure option en 1700 en acceptant le testament espagnol, car le conflit était alors quasiment inévitable. Il aurait pu éviter quelques maladresses qui ont déclenché les hostilités en 1701-1702 et il aurait dû révoquer certaines généraux incapables (notamment Villeroy ou La Feuillade), mais cette guerre fut une des plus justes et nécessaires de son règne.

 

PdA : Le règne de Louis XIV prend fin, vous l’évoquiez à l’instant, peu après le règlement de la guerre de Succession espagnole qui, sur le papier, fait entrer l’Espagne - qui cesse d’être une grande puissance - dans la sphère d’influence française tout en contentant, par des clauses de compromis, les grands d’Europe. L’Autriche des Habsbourg, notamment, voit son territoire élargi ; plus fragile sur ses fondations, elle tend à devenir, de fait, plus conservatrice, moins encline à des aventures extérieures inconsidérées. Le terrain paraît alors propice à des rapprochements entre les deux grands rivaux des siècles passés. L’idée d’une alliance du continent « contre la mer », maintes fois reprise depuis, fait-elle son chemin à ce moment-là ? Si oui, les successeurs du roi l’ont-ils gâchée ?

 

J.-P.C. : Les traités qui mettent fin à la guerre de Succession d’Espagne sécurisent enfin la France, qui ne craint plus un encerclement par les Habsbourg, puisqu’un Bourbon est désormais sur le trône de Madrid. L’Autriche se tourne également désormais davantage vers l’Europe centrale. Les conditions géopolitiques semblent alors réunies pour cesser l’opposition entre les deux dynasties. Torcy, le secrétaire d’État des Affaires étrangères de Louis XIV, comprit ce changement et fit d’ailleurs des ouvertures en vue d’une alliance avec les Habsbourg pour stabiliser la nouvelle carte de l’Europe. Mais cela n’alla pas loin, puisque sous la Régence, la France préféra s’allier avec l’Angleterre. Il restait également entre les deux puissances la paume de discorde des Pays-Bas, attribuées à l’Autriche, et que la France convoitait depuis longtemps.

 

D’ailleurs, les deux pays se sont à nouveau retrouvés face à face lors de la guerre de Succession d’Autriche, entre 1744 et 1748. Il fallut attendre la politique plus pacifique de Louis XV, son renoncement à annexer les Pays-Bas et surtout la menace de plus en plus inquiétante de la Prusse pour que s’opère réellement un renversement d’alliances en 1756. Or, cette alliance autrichienne, comme plus tard le mariage de Louis XVI avec Marie-Antoinette, ne furent jamais bien acceptés par l’opinion publique française, qui considéra encore pendant longtemps les Habsbourg comme des rivaux. Cela montre bien que ce rapprochement était loin d’être évident et qu’il était très probablement encore plus prématuré à la fin du règne de Louis XIV qu’en 1756.

 

PdA : Après la mort du « Roi-Soleil », en 1715, la monarchie telle qu’il l’avait refondée perdurera encore trois quarts de siècle. Puis ce fut la Révolution. Louis XIV en porte-t-il, de votre point de vue, une part de responsabilité ?

 

J.-P.C. : Louis XIV a indéniablement renforcé son pouvoir et celui de la monarchie administrative, en réussissant notamment à incarner à la perfection la majesté du roi absolu. En fait, il a surtout réussi à tirer le maximum des vieilles institutions de l’Ancien Régime, mais sans pouvoir les transformer en profondeur pour en faire des instruments plus modernes, notamment sur le plan fiscal, ce qui va provoquer la chute de la monarchie en 1789. D’autre part, la personnalisation extrême du pouvoir sous Louis XIV a eu pour inconvénient de désacraliser largement la légitimité des lois et de son pouvoir, en considérant que ce qui était légal et juste ne venait que de sa propre volonté. De même sa maîtrise parfaite de la mécanique de la Cour fut un lourd héritage à gérer pour ses successeurs qui ne voulaient ou ne pouvaient jouer le même rôle à Versailles, suscitant alors la déception des hommes du XVIIIè siècle.

 

Louis XIV a en quelque sorte figé le système de la monarchie absolue autour d’un modèle jugé indépassable, ce qui l’empêcha largement de se réformer au cours du XVIIIè siècle. Dès sa mort, la haute aristocratie chercha à profiter de la Régence pour récupérer une partie de ses anciennes attributions rognées par le Roi-Soleil, ce qui montre à nouveau que le système dépendait beaucoup de la personnalité du souverain. Tout cela fait que l’on peut considérer que Louis XIV porte une part de responsabilité inconsciente et involontaire dans le déclenchement de la Révolution. Mais les choix de Louis XV et de Louis XVI me semblent plus déterminants dans cette évolution.

 

PdA : Voulez-vous nous entretenir de vos projets, Jean-Philippe Cénat ?

 

J.-P.C. : Pas de grands projets de livre dans l’immédiat, car il me faut un peu de temps avant d’avoir envie de me relancer dans une longue aventure comme l’écriture de mon Louvois. Mais je garde en tête l’envie un jour d’écrire, seul ou en collaboration, une histoire de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, conflit qui me semble très important et qui n’a pas encore trouvé son historien.

 

Jean-Philippe Cénat

 

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Et vous, que vous inspire la figure de Louis XIV ?

 

Vous pouvez retrouver Jean-Philippe Cénat...

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