21 juin 2020

« Les peintres naissent poètes », par Silvère Jarrosson

Quelques jours après nous avoir offert un texte intitulé L’artiste endormiSilvère Jarrosson a accepté cette fois de nous livrer une réflexion « colorée » sur la frontière parfois ténue, et la navigation dangereuse pour un artiste, entre poésie et folie. Merci à lui ! Exclu, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

« Les peintres naissent poètes »

par Silvère Jarrosson, juin 2020

Dans son clip Money Man, le rappeur américain Asap Rocky met en scène une jeunesse fictive, désœuvrée et aux prises avec une drogue hallucinogène issue d’un mélange d’ailes de papillons et de peinture acrylique. Durant ce court-métrage, le portrait social de ces jeunes à l’abandon est progressivement remplacé par l’étrange univers coloré dans lequel ils évoluent (celui des ailes de papillons, de la peinture et des hallucinations qui en découlent).

Avaler des ailes de papillons pour se sentir voler : parfois le rap oublie la vulgarité pour se réfugier dans la poésie.

Les ailes de papillon sont complémentaires de la peinture acrylique comme moyen d’échapper à la réalité — les jeunes d’Asap Rocky l’ont bien compris, qui en font une mixture. L’un comme l’autre manifestent, à leur façon, l’irrationnel et le poétique, par le jaillissement d’innombrables motifs colorés. Aristote appelait justement la couleur une drogue (« pharmakon »). Dans le cas des ailes de papillons, c’est le monde naturel même qui est source de ce jaillissement. La nature est en plein délire. Les papillons ont investi la poésie comme une niche écologique parmi d’autres. Leur génome a évolué vers une réalité qui semble folle, des fards et des poudres de couleurs irréalistes. L’irréalité s’est faite réalité, la folie est devenue la raison.

Chez les papillons, l’évolution vers ce monde coloré et poétique remplit une fonction biologique au service de leur survie et de leur existence. Comme on aimerait que la poésie soit, pour nous aussi, un indispensable de l’existence.

Il me semble que la poésie ne se distingue de la folie que par son degré de persistance. Chez le fou, l’abandon de toute rationalité au profit d’une réalité concurrente est durable, l’esprit ne parvient plus à s’en échapper. Chez le poète, cet état d’éloignement n’est que passager (bien que l’on ignore tout du chemin retour du délire à la réalité).

Les jeunes de Money Man ignorent eux aussi le chemin qui ramène au réel, et finissent perdus dans la folie. Durablement égarés dans leur monde coloré, sans échappatoire, ils ne sont plus poètes temporaires mais fous permanents. Comme les papillons, naviguer en plein délire est devenu, pour eux, la seule façon d’exister. Un indispensable de l’existence. À la fin du clip, à force de laisser leur regard plonger dans celui, factice, des ailes de papillons, ils deviennent tous aveugles.

Beethoven a fini sourd. Les peintres, eux, finissent aveugles. La peinture acrylique agit sur eux comme des ailes de papillon. Elle devient pour eux un indispensable de l’existence, elle les emporte, et un jour ils ne savent plus en revenir. Les peintres naissent poètes et meurent fous.

 

Papillon

 

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06 juin 2020

« L'artiste endormi », par Silvère Jarrosson

Le peintre Silvère Jarrosson, auteur en 2015 d’un autoportrait touchant et inspirant pour Paroles d’Actu, propose ici une tribune libre, un texte poétique dans lequel il livre un regard original sur la démarche de création : « L’artiste endormi ». Je l’en remercie et vous invite, que vous soyez amateurs d’art ou simples curieux, à venir découvrir son oeuvre. Exclu, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

« L’artiste endormi »

par Silvère Jarrosson, juin 2020

Dans les derniers chapitres du Roi des Aulnes, Michel Tournier décrit trois positions dans lesquelles dorment les enfants d’un internat : sur le dos, sur le ventre ou sur le côté. Les postures de ces enfants endormis sont décrites comme trois façons d’embrasser le sommeil. Elles apparaissent comme différentes conduites que l’on peut choisir d’adopter face à la vie. Les enfants s’endorment comme certains partent en voyage ou se mettent à peindre : comme une simple façon d’exister.

J’aime à penser que l’on peut être artiste comme un enfant endormi, dont les rêves mystérieux sont les œuvres. Beau dans l’existence, émerveillé et inconscient.

Première posture, latérale. En dormant sur le côté, l’enfant-artiste rejoint le foetus, se referme et rêve pour lui-même. Son art s’apparente alors à une recherche timide et personnelle. Il s’agit d’un art centripète, dont le nombril est le centre. Deuxième posture, sur le dos. Probablement plus confiant, l’enfant-artiste regarde le ciel, sans pudeur. Il rêve peut-être d’ascension. Un artiste mondain somme toute, et un art centrifuge, destiné aux autres. Troisième posture, sur le ventre. Dans cette position, l’enfant-artiste n’est ni vraiment en communion avec lui-même, ni tourné vers les autres. C’est à la terre qu’il se donne, vers elle qu’il se tourne. Face aux profondeurs, on devine que son œuvre pourrait en être le miroir. On a alors affaire à un artiste tellurique, tourné vers les entrailles du monde, avec lequel ses rêves résonnent.

Le ballet Les Sept danses grecques de Maurice Béjart s’ouvre d’ailleurs sur une séquence durant laquelle, avant de danser, les danseurs remercient eux aussi le sol qui les soutient, en l’effleurant. Dorment-ils également sur le ventre pour embrasser la terre ? Nul doute que la danse de Béjart est ancrée dans le sol, et tournée vers lui.

L’enfant-artiste et ses trois postures ensommeillées est une image qui m’intéresse, car elle peut nous permettre de comprendre et d’apprécier la peinture (et la danse). Elle m’a moi-même guidé dans mon cheminement artistique. Chacune de ces postures est une attitude que l'on peut adopter face au monde, et donc, par extension, face à une œuvre d’art. Elles m’ont appris à regarder mon travail, et à le juger. J’ai débuté mes premières années de peinture comme un enfant endormi sur le côté, pour moi-même et sans me soucier du regard extérieur. Replié en foetus et sûr de ma démarche picturale, je ne jugeais mes œuvres que d’un point de vue strictement personnel. « Cette œuvre est bonne car je la trouve bonne. » Point de vue auto-centré, toujours très tentant pour qui ne souhaite pas se soumettre aux aléas de la critique. Point de vue facile aussi, qui se cache derrière une certaine vision de la création artistique pour éviter d’avoir à se remettre en question.

Cette posture d’évitement m’est apparue insuffisante, et je me suis tourné vers le public, au gré de certaines expositions notamment. J’étais alors un enfant endormi sur le dos, tourné vers les gens et acceptant que mon travail soit jugé et accrédité par les autres. Reconnaissance sociale. « Cette œuvre est bonne car elle est considérée comme telle par les autres. » Posture plaisante puisqu’elle permet de se faire apprécier. Posture mercantile aussi, puisqu’elle revient à peindre ce que demande le public. Et donc posture insuffisante, puisque le public ne demandera jamais autre chose que ce qui existe déjà.

Il reste alors à adopter la troisième posture, celle de l’enfant dormant sur le ventre. Contact intime et réconfortant avec la réalité, stabilité apaisante de la joue plaquée contre le drap. Lorsqu’il dort sur le ventre, l’enfant-artiste prend appui sur la terre, comme un danseur au moment de s’élancer. L’œuvre n’a alors plus besoin de validation extérieure, car elle devient sa propre démonstration. Elle est juste dans ses fondements telluriques, donc elle est juste.

Le foetus cherche sa force en lui-même, le mondain croit la trouver chez les autres. L’enfant de la terre la puise dans le sol, comme un danseur de Béjart. Pour lui, peindre revient à prendre appui sur le monde, pour nouer avec lui une relation qui engendrera l’œuvre. Est-il encore besoin de valider son travail a posteriori ? L’enjeu artistique n’est plus là. On pensera ici à Vendredi se glissant entre les racines d’un arbre pour que la nature puisse enfanter de leur symbiose (dans Vendredi ou la vie sauvage, un autre texte de Tournier).

Je voudrais peindre comme un enfant endormi sur le ventre, être cet esprit guidé par ses rêves, dans un état second. La nature humaine parle à travers ces enfants artistes. Ils en sont la voix.

 

S

« Hommage à Antonin Artaud, performance de Silvère Jarrosson

à la Villa Medicis, juin 2019. Curateur : Cristiano Leone. »

 

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19 mai 2020

Mickaël Winum : « Être artiste, c'est avoir un monde à défendre... »

Il est utile, et souvent même salutaire, lorsque les temps sont chargés d’inquiétudes, de lâcher un peu prise et de laisser s’exprimer la part de nous qui aspire à l’évasion. Et quoi de mieux, pour s’évader en des univers nouveaux, en des terres inconnues, par la rêverie autant que par la réflexion sur les autres et sur soi, que la culture ? L’époque est à ces moments-là : difficile, porteuse de bien des interrogations anxiogènes, elle serait plus sombre encore sans ces petits phares indispensables que constituent, pour tant de gens, la lecture, la musique, le cinéma, et bien sûr le spectacle vivant. Autant de secteurs et de métiers de l’art qui, pourtant, se retrouvent aujourd’hui en grande difficulté, parce que stoppés net pour une bonne cause, le soin pris de limiter la propagation du virus. Une question tout de même se pose : dans quel état les retrouvera-t-on, quand la vie elle-même aura recouvré de sa normalité ?

À l’heure du confinement, expérience propre à l’introspection, j’ai choisi de mettre en avant, pour l’article qui suit, ce monde de la culture, et je suis heureux aujourd’hui de vous présenter le résultat. Durant quelques jours, à cheval entre la fin avril et le début de mai, j’ai interrogé un jeune comédien, peut-être devrais-je plutôt dire « artiste » d’ailleurs, tant la palette de son art est large (théâtre, télévision, peinture, composition, écriture et interprétation de chansons). Mickaël Winum, c’est son nom, tient depuis de nombreux mois (la suite était encore en suspens) le premier rôle de l’adaptation par Thomas Le Douarec du Portrait de Dorian Gray, grand classique signé Oscar Wilde. Cet échange, retranscrit très fidèlement ici, m’a fait découvrir un garçon réfléchi et attachant, et entrevoir un grand artiste.

Je remercie chaleureusement Mickaël Winum d’avoir accepté de se prêter au jeu de l’interview, et salue également le metteur-en-scène Thomas Le Douarec, qui a eu la gentillesse d’écrire, sur ma proposition, quelques mots à propos de son comédien - une surprise que ce dernier ne découvrira qu’en lisant cet article. Une première partie, inattendue mais finalement indispensable, et une seconde, la principale, celle pour laquelle tout le monde est venu, ici. Comme au spectacle. Je leur envoie à tous deux, ainsi qu’à leur équipe et, à travers eux, à toutes celles et tous ceux qui, de près ou de loin, font et font vivre notre culture, inquiets de ce que demain sera fait, mes pensées bienveillantes. Une exclusivité, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Place au théâtre...

 

p. 1 : M. Winum, vu par Thomas Le Douarec

« Il ne pourrait pas envisager la vie sans art, et en cela,

il est très proche de son personnage de Dorian Gray ! »

« Mickaël est un véritable artiste : peintre, comédien et maintenant auteur, compositeur, chanteur… Un artiste total, complet, qui ne pourrait pas envisager la vie sans art, et c’est en cela qu’il est très proche de son personnage de Dorian Gray ! Dorian, comme Oscar Wilde, s’est lancé à corps perdu dans la quête de la beauté absolue : une quête permanente, de tous les jours. Le roman Le Portrait de Dorian Gray est une véritable réflexion sur l’art, tous les arts : la peinture bien sûr mais aussi le théâtre, la musique, etc. Aussi Mickaël, dans ce spectacle, est dans son élément, son milieu naturel, son biotope !

Depuis que je le connais, il n’y a pas une journée où Mickael ne peint pas, ne dessine pas, ne chante pas, ne joue pas. Et je parle en connaissance de cause, car lorsque nous sommes en tournée en province avec ce spectacle, il nous arrive, avec les comédiens, de ne pas nous quitter pendant plusieurs jours.

C’est un contemplatif, un homme très doux qui observe toujours la vie autour de lui avec beaucoup de sagesse. Un  grand solitaire doublé d’un immense bavard ! J’ai beaucoup d’affection pour lui, il le sait et c’est une joie pour moi de pouvoir vous parler de lui. Et ce qui m’impressionne le plus chez lui, c’est sa capacité au bonheur, sa joie de vivre égale et quotidienne malgré un lourd passé et les coups et bosses de son existence ! LA VIE NE L’A PAS ÉPARGNÉ, MAIS LUI SOURIT À LA VIE ! »

le 18 mai 2020

Thomas Le Douarec

Thomas Le Douarec est comédien et metteur-en-scène.

 

p. 2 : l’interview

Mickaël Winum: « Être artiste, c’est

avoir un monde à défendre... »

Mickaël Winum

 

Mickaël Winum bonjour, et merci d’avoir accepté de répondre à mes questions en ces temps un peu particuliers. On va essayer de parler un peu culture, un peu de la suite... Déjà, comment vis-tu ce confinement ?

Bonjour Nicolas. J’ai la chance d’avoir d’autres passions à côté de mon métier de comédien, notamment la peinture et le piano, des mondes parallèles dans lesquels j’ai la possibilité de me ressourcer et de faire face à cette situation des plus exclusives et, effectivement, assez particulière...

 

Est-ce que, tout bien pesé, et en retranchant bien sûr à ta réflexion les aspects les plus sombres de cette crise, tu réussis à trouver quelques vertus à cette situation (introspection facilitée, etc...) ?

Je lis beaucoup d’ouvrages sur le pouvoir du moment présent, le calme, la sérénité, le bonheur... Effectivement, on se retrouve là dans une situation où l’on est un peu soi-même en face de son miroir, ce qui inquiète d’ailleurs beaucoup de personnes, qui souvent se réfugient alors dans une sorte de routine, courant après le temps, l’argent... puisque la routine permet finalement d’oublier l’essentiel, et c’est rassurant pour la plupart.

Ces lectures me font penser que c’est le moment parfait pour retrouver l’essentiel, c’est-à-dire le présent, la vie, et savoir qui l’on veut être, où l’on veut aller. J’espère que tout cela permettra au monde de repartir sur de meilleures bases...

 

As-tu suffisamment foi dans l’humanité pour croire que l’on apprendra, collectivement, de nos erreurs, et que par la suite nous irons ensemble vers du plus responsable, notamment pour la planète ?

Étant de nature très positive, je suis toujours optimiste et crois toujours que le meilleur, et le progrès restent à venir. Encore faudrait-il que beaucoup qui n’ont pas conscience de cela puissent se réveiller et réagir, mais c’est encore une autre histoire...

 

Revenons maintenant à toi, à ton parcours... Au théâtre... Depuis quand as-tu ce goût de jouer, de te travestir en endossant la peau d’un autre, et à quel moment as-tu eu ce déclic qui t’a fait comprendre que le théâtre allait être important dans ta vie ?  

Au début, c’était une manière de me calmer, comme un exutoire. J’avais quelques problèmes, dans ma vie, que je devais résoudre, et c’est à travers le théâtre que cela s’est fait. Un metteur en scène, Jaromir Knittel, qui dirigeait une troupe de théâtre, m’a dit un jour : « Viens nous voir, vois si tu as quelque chose à offrir, et reste parmi nous si ça te plaît ». C’est ce que j’ai fait, et c’est comme cela que le voyage a commencé.

J’étais déjà dans une sphère artistique qui m’aidait à m’exprimer, avec la peinture et le dessin quand j’étais gosse (la musique est venue bien après), mais c’est vraiment avec le théâtre que ça s’est concrétisé. Cette découverte m’a beaucoup apporté.

 

Qu’est-ce que le théâtre t’a apporté dans ta construction personnelle ? Dans quelle mesure t’a-t-il aidé à grandir, à te former en tant que personne ?

Pour moi, le théâtre, c’est un peu un prisme qui permet de voir le monde de manière plus large : on est amené à s’intéresser à la vie des autres, au comportement du personnage qu’on va incarner sur scène. On est souvent très observateur quand on est comédien. Régulièrement, je me pose sur une terrasse, et j’observe les passants, longuement, essayant de deviner où ils vont, quels sont leurs objectifs, leurs vies. Pour moi c’est vraiment cela le théâtre, et aussi un vecteur de textes, de poésie essentiels pour le monde.

 

Conseillerais-tu de le pratiquer à des gens timides, qui n’oseraient pas trop avancer en société ?

Bien sûr. Le théâtre, ça libère. On n’est jamais vraiment seul, sur un plateau. Même lors d’un monologue ou d’un seul-en-scène, il y a toujours le regard bienveillant d’un metteur-en-scène, et aussi les techniciens qui nous entourent... On n’est pas tout seul, et ça fait du bien : il y a un peu cette idée de famille d’emprunt, provisoire, le temps d’un spectacle, d’une tournée.

 

Justement, j’ai lu que tu étais originaire d’Alsace. J’imagine que tu es monté assez rapidement à Paris pour le théâtre. Est-ce que ça a été compliqué au début, Paris, en ne connaissant pas forcément grand monde au départ ? Et cet aspect « famille de substitution » a-t-il été important à ce moment-là ?

Je suis monté à Paris un peu plus tard que la moyenne : je suis arrivé à 22 ans. Mais j’étais, c’est vrai, complètement perdu : je n’avais pas de repère, pas de famille artistique. Personne d’ailleurs n’est issu du milieu artistique dans ma famille. Mais j’ai eu la chance d’être accompagné par des grands de ce métier, notamment Jean-Laurent Cochet, qui vient de nous quitter malheureusement - il a formé les plus grands, de Gérard Depardieu à Fabrice Luchini. C’est quelque chose qui ne s’oublie pas. Ils sont avec nous ces professeurs, chaque fois qu’on est en répétition, qu’on monte sur une scène... Cet accompagnement, ces mains tendues comptent beaucoup, et il en faut même si on a la volonté et la persévérance, qui sont essentielles.

 

Si tu me permets d’entrer dans une sphère plus personnelle : tu dis que personne de ta famille ne provient d’un milieu artistique, est-ce que cela a rendu plus difficile l’acceptation par tes proches, et notamment tes parents, de ton choix de parcours (des inquiétudes particulières pour un monde qu’ils ne connaissent pas...) ?

De manière générale, il m’ont bien soutenu. Il y a quand même eu des questionnements, des craintes et mises en garde, notamment lorsque je suis parti à Paris... Sentir en tout cas un soutien de sa famille, de son cercle d’origine est très important, et ils ont été formidables face à cette démarche.

 

Le portrait de Dorian Gray

 

J’aimerais maintenant t’interroger un peu plus précisément sur ton actualité, même si tout ce qui forme la culture est un peu mis entre parenthèses en ce moment... Ton actu c’est bien sûr ta composition dans Le Portrait de Dorian Gray, mis en scène par Thomas Le Douarec. La pièce est basée sur ce roman très particulier d’Oscar Wilde, fantastique et philosophique, et dont tu interprètes le rôle-titre, personnage torturé s’il en est. Comment t’es-tu glissé dans la peau de Dorian, et dans le fond est-ce que ce personnage t’a « travaillé » ?

J’ai toujours trouvé ce genre de personnage plus intéressant à travailler, parce que j’aime bien gratter derrière les apparences. On est dans un monde qui fonctionne beaucoup sur le premier regard, les premières impressions, on juge souvent très rapidement sans gratter derrière. Au théâtre, on peut se permettre, dans le travail d’un personnage, d’aller voir ce qui se cache derrière. Souvent, c’est tout un monde qui se cache derrière les personnages sombres, avec par conséquent, plus de choses à découvrir, on se confronte à beaucoup plus d’émotions, de richesse, de contrastes. Ces personnages-là sont encore plus excitants à jouer.

Je crois également que ce sont des personnages qui permettent de dépasser nos peurs, nos angoisses de la vie et nos fantômes du passé... On parlait en début d’entretien du pouvoir du moment présent, du calme et de la sérénité, moi bizarrement, c’est à travers ce type de personnage que j’arrive à les trouver. Par exemple, j’avais dit dans une interview que pour aller mieux, j’aimais beaucoup les films très sombres, les livres noirs, parce qu’ils me permettaient de dépasser mes sensations et en un sens de me dépasser moi-même...

Je dirais aussi que je n’ai jamais vraiment aimé ce qui est trop simple, simpliste. J’aime quand il y a plusieurs couches de complexité à explorer et à travailler dans un personnage. Quand j’ai joué Oreste par exemple, du début à la fin, ce qu’il traverse, ce qu’il vit, c’est comme Dorian, comme une spirale infernale. Et tellement de choses rencontrées : l’amour, les désirs, le rejet, la haine, le mépris... Il y a quelque chose d’assez enivrant dans ces spirales infernales.

Ces personnages sont également une leçon, à travers leur façon de réagir à des situations, leurs actes, leurs paroles... Tu parlais tout à l’heure de Dorian Gray comme d’un conte philosophique, c’est le cas. Ce sont toujours les pièces et les personnages qui suscitent le plus de questions qui font réagir, qui font grandir.

 

Y a-t-il justement, parmi les grands héros, les grandes victimes de la littérature, ou même parmi les personnages ayant existé (je pense par exemple à des gens comme les serial killers), des figures que tu rêverais d’incarner, comme un challenge pour aller encore plus loin dans l’exercice ?

Il y en a beaucoup. J’ai eu la chance notamment d’interpréter l’Aiglon d’Edmond Rostand, un de mes premiers grands rôles, sous la direction de Jaromir Knittel. On pourrait penser par exemple à une adaptation théâtrale de Norman Bates, ou bien au Prince de Hombourg de ‎Heinrich von Kleist. Ou encore Ruy Blas de Victor Hugo... Les grands héros de la période romantique...

 

Avis à qui nous lirait. Norman Bates, avec un bon script, je demande à voir ! Tu l’expliquais, tu aimes réfléchir en profondeur à la personnalité d’un personnage. Comme comédien certes. Mais as-tu aussi le goût d’écrire ou de mettre en scène ?

Pour le moment non, je n’ai pas vraiment d’envie de mise en scène. Pour l’écriture, pas mal d’envies, mais pour le moment je les concrétise davantage dans les textes de chansons que je suis en train d’écrire et de composer, ce qui d’ailleurs prend du temps.

 

Je rebondis sur ce point, et sur un sujet que tu as déjà abordé en interview, cette espèce de mal français qui veut qu’on essaie de faire rentrer tout le monde dans des cases bien délimitées... De ce point de vue-là ton parcours pourrait agacer pas mal de gens : comédien, peintre, musicien, chanteur... Pour toi artiste, ça suppose de toucher à un peu tous les domaines de l’art ?

C’est vrai que ce n’est pas une obligation, pour un artiste, de s’exprimer à travers différents médias artistiques, mais ça ne devrait pas être une privation non plus. C’est tellement dommage que beaucoup de personnes - notamment chez nous ! puisque ce problème se retrouve nettement moins aux États-Unis ou au Royaume-Uni - cherchent à ce point à caser dans une expression artistique. Beaucoup d’artistes combinent plusieurs cordes à leur arc, je pense par exemple à Patti Smith, à Yoko Ono, à David Lynch ou à tant d’autres... Je trouve ça beau : être artiste c’est construire son monde à travers différents moyens d’expression, et le défendre. Personne ne devrait contraindre cela. Mais je suis de nature optimiste donc j’espère qu’il y aura du changement et du progrès de ce point de vue-là.

 

Le théâtre passe, à tort ou à raison, pour être assez élitiste, et de fait, beaucoup de gens qui ne sont pas habitués au théâtre n’iront pas, ce que personnellement je trouve très dommage. Est-ce que tu trouves cela regrettable, vu que ta famille elle-même ne connaissait pas ce milieu à la base, et as-tu des idées d’initiatives qui pourraient inciter les gens à aller plus naturellement au théâtre ?

Question intéressante ! C’est très regrettable effectivement que le théâtre ait cette image élitiste. Comme tu le rappelles, ma famille ne venant pas du milieu, ce serait pour moi une grande victoire que de contribuer à élargir l’impact du théâtre. Je pense qu’il y a déjà un problème de prix, soyons honnêtes, beaucoup de programmations sont malheureusement trop onéreuses. Il y a également un problème de choix : je pense par exemple à un pays comme le Royaume-Uni, qui propose des spectacles qui brassent beaucoup plus de monde. Il y aurait peut-être une solution à voir de ce côté-là... je suis confiant et bien sûr, voir davantage de monde dans nos salles serait formidable.

Quand je parle d’élitisme, je pense par exemple à des programmations de théâtre fonctionnant beaucoup par abonnements, et dont les abonnés n’ont pas vraiment d’autre choix que de suivre la programmation qui a été validée par les théâtres en question. Il y a peut-être quelque chose à réviser aussi de ce point de vue-là. Nous autres, en tant qu’artistes, essayons le plus possible d’aller chercher les gens, de les faire venir... Le théâtre est une fête, c’est aussi un rassemblement d’échanges, d’interrogations, comme il était d’ailleurs à la base, notamment en Grèce : c’était un moyen pour le peuple de se réunir, de se questionner et de philosopher. Retrouver un peu de cet esprit-là, ce serait vraiment bon.

 

Dorian Gray

In Dorian Gray.

 

Belle idée ! Puisses-tu être entendu. Pour revenir, un instant, à la crise sanitaire qui nous frappe, et à celle, économique et financière, qui nous attend, tu n’est pas directement gestionnaire d’un théâtre, mais tu en fais partie et en connais bien les enjeux. Alors, es-tu inquiet pour la suite ?

Bien sûr. Mais je crois que c’est aussi le moment idéal pour rebondir. Je vois que beaucoup de pétitions sont lancées, notamment pour le soutien des intermittents, ou l’organisation et le financement du festival off notamment. Pas mal de choses se mettent en place et j’espère qu’elles vont aboutir. Je suis inquiet pour le moment, mais confiant pour l’avenir.

 

On a beaucoup parlé de théâtre jusqu’à présent, c’est normal. Parlons un peu cinéma : de quel ciné es-tu amateur, et quelles sont tes envies en la matière (de collaborations notamment) ? Profite, on nous lit !

J’aime beaucoup le cinéma indépendant, le cinéma d’auteur, notamment les films d’Audiard, de Desplechin, de François Ozon, de Philippe Lioret, de Mathieu Amalric... Pas mal de réalisateurs étrangers aussi que j’aime beaucoup, notamment Terrence Malick, David Fincher ou David Lynch... Il y a également Lars von Trier, qui est un de mes réalisateurs préférés. Pour le moment, je tourne beaucoup plus pour la télévision, mais j’espère bien que des rôles pour le cinéma vont arriver bien sûr... Je ne suis qu’en début de parcours, j’ai un peu de temps.

 

C’est tout le mal que je te souhaite. Tu parlais aussi de la partie musicale de ton parcours : as-tu une formation de musicien, de chanteur, et quelles sont tes influences ?

J’ai suivi des cours de chant à l’opéra de Strasbourg, parallèlement à mon parcours au conservatoire de la même ville. Actuellement, je prends des cours de chant et de coaching vocal à la Maison des sons.

Quant à mes influences, j’aime beaucoup les chansons à texte : Jacques Brel, Barbara, Édith Piaf, Leonard Cohen, Cat Power... Je me situe musicalement, un peu entre la folk pop et l’indie pop. Des chansons à texte sur ces mélodies envoûtantes, c’est ça mon truc.

 

Est-ce que tu écris des textes, et est-ce que tu composes des mélodies de chansons ?

Oui, les textes des chansons sont déjà écrits. J’écris mes propres textes. Et je prends des cours de piano depuis un an et demi. Je pars d’abord du texte, et ensuite je cherche les accords, les mélodies sur le piano.

 

Parlons un peu peinture... Qu’est-ce qui t’inspire, niveau peinture ? Et est-ce que cette forme d’art te procure des sensations autres ?

En peinture j’ai plus de liberté. Tu plantes ton décor, tu choisis tes couleurs, ton cadrage, tes personnages... tu n’es pas dépendant d’une production, d’un metteur en scène... C’est très calme, la peinture. Ça m’apaise, et j’en fais beaucoup, pendant plusieurs heures, avant de dormir. Très jouissif, vraiment.

Je dirais aussi que lorsque tu peins, tu es vraiment en communion avec toi-même, tu projettes sur la toile ce qui se passe en toi. Par exemple, je pars souvent du réel, des images que je vois, des scènes auxquelles j’assiste en journée, ou je prends des photos... et tout cela m’amène à un univers assez poétique, parfois surréaliste, et c’est très enrichissant.

 

Tableau M

Un des tableaux de M. Winum.

 

Au tout début de mon entretien, à propos du Covid-19 et du confinement, tu m’as dit quelque chose d’intéressant : quand on est confiné seul notamment, on se retrouve face à soi-même, comme face à un miroir, dans une espèce d’introspection. Point d’autant plus pertinent peut-être que toi, bien sûr, tu joues Dorian Gray, dont on sait le rapport qu’il a à sa propre image... Alors, sans aller trop loin dans l’indiscretion, as-tu découvert quelque chose de toi durant cette période ?

À titre personnel, pas tant que ça. J’avais déjà pas mal conscience de ce qui est essentiel. J’ai cette possibilité d’y revenir assez facilement, entre deux rôles et deux projets, et cela permet aussi de se remettre en question en tant qu’artiste. Je pense plutôt à d’autres qui avaient un autre rythme de vie, encore plus rapide, et qui eux ne pouvaient pas forcément se permettre de faire cette pause-là. Pour eux, je pense que le changement doit être encore plus grand.

 

Quels conseils donnerais-tu à un petit Mickaël, ou à une petite Mickaëla d’ailleurs, de douze, treize ans, qui viendrait de Strasbourg ou d’ailleurs d’un coin encore plus reculé de province, et qui après avoir assisté à une pièce de théâtre, aurait envie de suivre ce chemin, alors même que ses parents ne seraient pas du tout du milieu ? Ton histoire finalement...

C’est très intéressant comme question. Mon conseil : ne jamais renoncer, persévérer quand on croit. On a un monde à défendre. Je viens d’une école où nos professeurs disaient que chaque artiste a son monde à défendre, j’insiste là-dessus. On peut rencontrer des problèmes, mais ils peuvent être surmontés : questions financières / pas au bon endroit / pas bien entouré, etc... Tout cela est gérable, et on peut faire de belles choses, surtout dans notre pays... Mon conseil au fond, c’est de dire qu’il faut vivre ses rêves, et non pas rêver sa vie.

 

Belle réponse... Et est-ce que toi, du coup, tu dirais que tu vis tes rêves, et que tu es heureux dans ta vie ?

Tout à fait. Je pense que je suis exactement là où je voulais être : à Paris, comédien, et développant d’autres arts. Je connais des moments artistiques absolument géants qui remplissent ma vie de bonheur.

 

Quels sont les trois adjectifs qui seraient à ton avis les plus pertinents pour t’auto-présenter ?

Passionné, déterminé, perché.

 

Croquis M

Dorian Gray, vu par Mickaël Winum.

 

On a pas mal parlé de tes projets. Au-delà d’eux, quelles sont tes envies profondes pour la suite ?

Une envie... Je dirais, continuer mon chemin avec passion, et poursuivre mon exploration du monde quand ce sera de nouveau possible, je suis un vrai globe-trotter...

 

Tes petits coins de paradis ?

Partout où il y a de la nature et de la culture.

 

Un appel, un message à faire passer à l’occasion de cet interview ?

Un message à faire passer oui : ne laissons pas mourir la culture, elle est salutaire pour tous...

 

Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Une vie bien remplie, passionnée et passionnante.

 

Un dernier mot ?

Vive la vie !

 

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08 avril 2019

« Silvère Jarrosson, à la lecture du chaos », par Frédéric Le Coq

J’ai la joie, pour ce nouvel article - le premier depuis plusieurs semaines - de vous proposer le texte qu’un observateur passionné a consacré, sur ma proposition, à un artiste passionnant. Il y a trois ans et demi, j’avais eu le privilège d’accueillir, en ces colonnes, le témoignage autobiographique inédit de Silvère Jarrosson, peintre contemporain talentueux et inspiré. Je n’entends pas grand chose à l’art contemporain mais suis ouvert à sa découverte. Je ne sais qu’humblement dire ce que je trouve beau, ou touchant, sans forcément savoir toujours mettre des mots sur ces sentiments. Frédéric Le Coq, auteur amateur d’arts plastiques et de photographie, a su le faire avec talent, ce dont je le remercie. Un regard, éclairé bien qu’amoureux, sur une oeuvre, et un artiste qui méritent décidément d’être vus. Une exclusivité Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

« Silvère Jarrosson, à la lecture du chaos »

par Frédéric Le Coq

D’aucuns parleront de la peinture de Silvère comme «  abstraite  », par opposition au figuratif, sans doute. Mais elle est très concrète, très ancrée dans la matière. La peinture de Silvère est une peinture de l’exploration qui embrasse le cosmos, la pensée et le mystère de l’indicible.

Peinture en évolution perpétuelle, elle se nourrit de toute sorte de phénomènes biologiques, physiques et oniriques, grâce auxquelles elle trace sa propre trajectoire.

C’est en suivant les sept séries de l’œuvre, de «  Rythmes vitaux  » à «  Élégies  », qu’on découvrira sa diversité.

 

Rythmes vitaux

Cette première série abonde en couleurs, en formes fractales, en géodésiques proliférantes. Magmatique, la matière déborde de toute part. Elle éclabousse par son énergie.

C’est le big-bang.

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Tonio, acrylic on canvas, 27,5x20 inches, 2014.

 

On passe du lisse [Porifera 3] au strié [Massacre, Pluie d’Ideal] et au rugueux (Antimoine). Les lignes sont très rares, à la place, il s’agit d'ensembles, de constellations [Nacre iridescente 2] et de flux [Tonio].

L’énergie est partout: courant, point d’intensité, flux, arc électrique, chute.

Si le corps est à appréhender dans la peinture de Silvère, il faut le considérer en premier lieu au sens de la science-physique, traversé par cette énergie, ce corps s’affuble de divers états  : solide [Le baiser], liquide [Porifera 3], en fusion [Tonio, Guam].

Les bases de la peinture de Slivère sont ici jetées  : l’expérimentation.

Il s’agit d’une expérimentation à la fois scientifique, artistique et spirituelle. Scientifique, elle l’est au regard de l’évocation de ces phénomènes physiques. Mais elle l’est également dans la recherche de techniques et de procédés picturaux : «  Avant le dripping, Silvère Jarrosson prépare sa peinture selon un procédé qu’il rapproche de la subduction : en déployant une pression suffisante, il glisse une couche de peinture blanche sous une couche de peinture colorée, ce qui va la déformer à la manière d’une plaque tectonique.  » (Hannibal Volkoff, 2017)

L’expérimentation artistique semble évidente dans la diversité des toiles de cette série de départ. Le jeune peintre s’essaie, en tire un plaisir certain dont il a pleinement conscience  : «  Le champ de l’expression s’élargit alors et le désir de créer apparaît spontanément. Ces premières toiles, chorégraphies impulsives, sont le résultat direct de cette naissance.  »

Enfin, l’expérience spirituelle vient compléter la quête du peintre, comme le mentionne la citation de Guillaume Cassegrain, que Silvère a choisi pour illustrer ses première toiles  : « La coulure pense et me fait penser, elle encourage en moi (en toi) une divagation incontrôlable de la pensée, des idées qui naissent alors que je la regarde. »

Le scientifique, l’artistique et le spirituel ne cessent d’exister et d’interagir dans l’expérimentation picturale de Silvère. D’une série à une autre, ces trois fondamentaux s’affirment.

Rythmes vitaux est de fait le big-bang de cette expérimentation picturale. Son moteur, c’est la mise en abîme par le peintre de la puissance créatrice du sujet observé  : le chaosmos et ses émanations protéiformes.

«  Le chaos n’est pas un état informe, ou un mélange confus et inerte, mais plutôt le lieu d’un devenir plastique et dynamique, d’où jaillissent sans cesse des déterminations qui s’ébauchent et s’évanouissent à vitesse infinie.  » (Gilles Deleuze)

 

Comas

Le chaos commence à s’ordonner peu à peu.

Cette série est particulièrement cartographique  : strates [Comas 11, Inlandsis], agencements de formes [Massaï], émergence de forces à la fois qui construisent et détruisent, qui ordonnent et désordonnent [Électrochoc].

On assiste également à un aller-retour permanent entre le macroscopique et le microscopique, entre l’intérieur (réseau neuronal)  : [Comas 1], [Comas 6] et l’extérieur (la carte : [Comas 7], [Comas 8], [Comas 9]).

 

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Électrochoc, acrylique sur toile, 81x61 cm, 2013.

 

Ce qui permet de passer de l’intérieur à l’extérieur, du macroscopique au microscopique, c’est la pensée onirique. À cet égard, le coma est une situation très particulière de cette pensée : entre la vie et la mort, l’ordonné et le désordonné, le visible et l’invisible.

Si on devait trouver une intention représentative dans la peinture de Silvère, c’est peut-être ces instants de passage, ce transitoire. Transitoire d’un paysage (un fleuve qui s’écoule), transitoire d’un réseau organique (échange inter-cellulaire), transitoire de la pensée («  des idées naissantes  »).

La toile de Silvère n’est-elle pas une mise en abîme de l’acte créateur ? Dans le sens où à l’issue de cette transition évoquée picturalement, il y a avènement de quelque chose.

Par ailleurs, cet avènement se veut perpétuel dans le temps et infini dans l’espace. La série Détails suggère l’idée selon laquelle dans une partie d’une toile, une nouvelle toile peut se redéployer. De même qu’un rêve peut être enchâssé dans un autre.

Mais qu’est-ce qu’une idée naissante  ? En neurologie, on pourra l’interpréter dans la «  coupe sombre  », qui est un arc électrique qui s’établit entre deux neurones. Or l’arc est omniprésent dans la peinture de Silvère. Cet arc, c’est la manifestation physique, parfois chromatique, souvent spectaculaire et toujours éphémère, d’une connexion entre deux corps ou deux pôles. Attraction, acte délibéré de rapprochement ou désir.

L’arc, la coupe sombre, est en quelque sorte le sujet sous-jacent de la toile [Électrochoc]. Il est l’expression d’une puissance, qu’elle soit naturelle ou convoquée par la main de l’homme, du peintre.

Le [portrait à l’échelle] de l’artiste réalisé par le photographe Julien Benhamou évoque singulièrement cet arc. On y voit Silvère perché sur une échelle, à plus deux mètres de hauteur. Au sol, la toile est le réceptacle d’un jet de peinture blanche qui prend naissance au bout du bras tendu du peintre, dans un équilibre très instable. Tout est dit dans ce cliché  ! Le photographe a tout capté.

À dessein, Silvère joue sur les échelles...

 

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Créature

Émanation du chaos, la créature, c’est l’émergence de l’être vivant. Êtres difformes, polychromes, irisés, mouvants, toujours en devenir.

Série de l’étrangeté, ces créatures sont l’émanation de notre imagination. Elles disposent quasiment toutes de racines longilignes, flottant dans l’espace, se déployant tout azimut. Ces créatures se disséminent également [Créature 3 et 8]. On est au point de rencontre entre le végétal et l’animal, mais toujours pris dans un processus de création (pro-création)

Dans la peinture de Silvère, par ailleurs, pour la première fois, des lignes sont tracées, des lignes porteuses d’une intention propre. Pourvues de ces lignes-racines, ces créatures ne forment-elles pas un ballet céleste ?

De là, la créature nous ouvre sur une nouvelle lecture du chaos, celui du mouvement qui fait sens, dans la quête d’une harmonie. L’éclair originel, la coupe sombre neuronale finit par aboutir au mouvement harmonieux de la vie. Même s’il n’en demeure pas moins étrange.

 

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Créature 3, acrylique sur toile, 50x50 cm, 2014.

 

No man’s land

Dans cette série, on revient au minéral, mais pas seulement. On aborde aussi la mesure de l’espace, au sens où le peintre est arpenteur. À ce stade, il y a clairement évocation du rapport de l’homme avec l’univers  :

«  Mes No man’s land sont les divagations d’un homme solitaire, perdu dans son monde. L’exploration du désert.  »

Et quelle est la nature de ce rapport ? Essentiellement le questionnement. D’une part, ce questionnement est sujet d’inquiétude, mais d’autre part, il est moteur de l’expérience et de l’exploration.

On a vu que la peinture de Silvère était une mise en abîme de l’expérience  : il y a l’expérimentation technique dévolue à l’élaboration des toiles (innovation), et en parallèle le terrain pictural qui en émane, sur lequel notre œil de spectateur va pérégriner, découvrir.

Or chez Silvère, exploration et expérimentation sont semblables, eu égard à son approche artistique de l’espace évoqué plus haut  : intérieur et extérieur, microscopique et macroscopique.

Suggère-t-il que l’homme est perdu dans l’espace infini du cosmos ou bien dans les replis infinis de ses pensées ? Les deux à la fois. Ce refus de se déterminer dans l’espace ou à figer ses pensées est moteur. Ce refus est délibéré.

 

Fragment & Cryptique

Ces deux séries présentent un intérêt à être regardées ensemble car elles se font écho de la manière suivante  : Fragment appartient à l’aérien et Cryptique au tellurique. Le ciel et la terre. On entre dans ces deux séries par la science naturelle, un cabinet de curiosité où le peinture nous donne à voir des singularités biologiques et géologiques  : le grain, la roche stratifiée, une aile de mammifère volant ou nageant, etc.

Dans Les Mots et les choses, Michel Foucault évoque la naissance de la littérature par le fait que les mots ne se réduisent plus à la seule fonction de représentation mais existent pour eux-mêmes. Avec Silvère, on est dans ce même processus  : la peinture part d’une représentation du vivant et de la terre, fille des sciences naturelles, pour nous amener vers une poésie de la matière et du mouvement.

 

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Tryptique, série Fragment / Organe.

 

Le tellurique, c’est le sommeil ou la mort. L’aérien, c’est la puissance de la vie. Bref, les obsessions intemporelles de l’homme qui ont toujours été au centre des sciences et de l’art.

Dans Cryptique, planches radiographiques ou coupes géologiques, on ressent la densité de la matière, la quantité de force qu’il a fallu pour la constituer et celle qu’il faut pour l’extraire et parvenir à l’observer dans sa brutalité primitive. L’histoire de la terre, qui est aussi la nôtre, n’est pas un long fleuve tranquille.

Dans Fragment, on s’est délesté de la terre et nous nous sommes affranchis de ses forces de gravitation grâce à une magie qu’on se gardera d’expliquer mais que nous contemplons avec extase, amplificatrice d’une sérénité, loin de la brutalité géologique.

Surfaces aqueuses et corps rugueux, Fragment & Cryptique ne sont-elles pas à rapprocher au lisse et au strié de Gilles Deleuze  ?  :

«  Le nomade ne se déplace pas, il habite un espace lisse, traversé de lignes de fuites et de multiplicités. Un espace lisse est un espace ouvert, un espace d’errance, c’est un espace de l’immanence et non un espace strié et fermé sur lui même divisé en parcelles. Un espace fermé est un espace que l’on partage, que l’on divise, que l’on restreint. Un espace ouvert est un espace ou l’on se répartit, un espace non divisé, un espace complet, un tout.

La pensée est affectée par l’espace. Dans un mode sédentaire, l’espace a été fermé et les données sont ordonnées sur un plan de la transcendance (verticalité et hiérarchie). Dans un mode nomade la pensée circule elle suit les lignes de fuite, elle est dans tout. On pourrait parler d’un mode de pensée aléatoire, intuitif, libéré des espaces clos de la pensée transcendantale.  » (Raphaël Bessis, Le Vocabulaire de Gilles Deleuze)

Et à chaque peintre, ses espaces...

 

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Cryptique 6, acrylique et pigments sur toile, 100x73 cm, 2015.

 

Élégies

Cette série poursuit les toiles élaborées dans la série Fragments. On retrouve les surfaces lisses et oniriques, traversées par des ondes qui leur donnent du mouvement.

Si la couleur est présente avec une certaine discrétion (irisations et dégradés), en revanche le blanc est omniprésent. Le blanc entoure les fragments, mais il pénètre aussi à l’intérieur, de sorte qu’on ne sait pas s’il s’agit de vide ou de plein. Les fragments naviguent entre les deux.

C’est tout le sujet des Élégies.

La transparence des fragments (le fait de voir quelque chose à travers, entre ou au-delà), c’est faire de la toile un instrument optique à part entière. Là, tel fragment enveloppe un [clavecin], là tel autre accompagne des danseurs dans une chorégraphie [Aura]. C’est donner à la toile un autre statut que celui de sujet pour en faire un instrument de lecture, un medium du visuel.

 

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Aura, chorégraphie de Fabio Lopez, 2019.

 

La peinture de Silvère s’affranchit de l’espace confiné du support de la toile. Elle se déploie dans l’espace, en perpétuelle extension. Ainsi en va-t-il d’un triptyque ou d’une juxtaposition circulaire de tableaux [Institut français de Lettonie] qui nous montrent que la peinture a pour vocation de s’étendre à l’infini. La toile saute hors de la toile, pour se répandre dans l’espace, le cosmos, à la surface de la terre ou à l’intérieur d’un réseau neuronal, par l’établissement de connexions visuelles, physiques ou oniriques.

Mais le jeu des fragments avec le blanc a également une autre vocation. «  Les Élégies sont un recueil de poésie dont le sens s’estompe, comme un chemin dont la trace s’effacerait progressivement.  »

Que le fragment par endroit, passe sous le seuil du visible (quand le blanc l’emporte), ne veut pas dire forcément que celui-ci disparaisse ou meurt à tel endroit, mais plutôt qu’il passe en deçà de quelque chose, pour réapparaître au-delà, au terme d’un processus de création et de fusion qui l’aura enrichi par une autre discipline.

« Écrire en peintre, peindre en chorégraphe, vivre en poète... »

Écrire en peintre, peindre en chorégraphe, vivre en poète. Devenir pictural d’un poème, d’une équation ou d’une loi physique...

 

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Institut de Lettonie, 2018.

 

Le travail de Silvère ne cesse de décloisonner les disciplines. Toutes les disciplines nécessaires à satisfaire l’injonction créative. La réalisation de telle toile pourrait-elle ainsi commencer par une constellation de mots et finir par les bribes d’une chorégraphie.

Au côté de l’espace concret de la toile et de son environnement physique, il y a le champ abstrait des disciplines décloisonnées qui participent activement à l’élaboration de l’œuvre.

La peinture, la danse, la littérature sont des variantes de l’injonction créative. De toute évidence, l’œuvre de Silvère est celle d’un peintre, d’un danseur et d’un écrivain à l’affût perpétuel de la puissance onirique du vivant.

 

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Dyptique, de la série Élégies.

 

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10 juillet 2016

Pupazzaro, l'homme qui a grimé Griezmann en général 19è : « Le foot, c'est de l'art... »

L’image fait le tour du web social et média français depuis quelques jours : un portrait de fort belle facture dAntoine Griezmann apprêté à la manière d’un officier supérieur du dix-neuvième siècle. Il faut dire que « Grizou » a, en quelques matchs décisifs de l’Euro, gagné sous le maillot bleu ses galons de héros national. De lui transparaissent, en plus d’un talent dont plus personne ne doute, des impressions de simplicité, dhumilité que pas grand chose ne remet en cause. Combien de « Griezmann président ! » déjà... De fait, défiance généralisée aidant, on se verrait assez volontiers lui remettre les clés de l’Élysée, par acclamation populaire. Votre serviteur a en tout cas la conviction qu’il sera propulsé directement dans le Top 3 des personnalités préférées des Français dans le sondage JDD de la fin de l’année. Et, à quelques heures de la grande finale contre le Portugal, on peut dire qu’à l’occasion de cet Euro qui se joue chez nous, l’Équipe de France de foot a pour longtemps regagné le cœur du public français - et peut-être contribué à lever un peu de la sinistrose ambiante.

J’ai souhaité, après l’avoir contacté, inviter l’artiste qui a réalisé cette oeuvre à répondre sous forme d’un texte inédit à plusieurs questions : qui est-il et comment en est-il venu à réaliser ces portraits ? quel regard porte-t-il sur Griezmann, son Euro ? quel message lui adresserait-il s’il en avait l’opportunité ? quel pronostic pour la finale de ce soir ? en quoi le football est-il, comme il l’affirme sur sa page Facebook, un « art » ? quels sont ses projets et rêves d’artiste ? Voici Fabrizio Birimbelli alias Pupazzaro. Quoi qu’il en dise, un vrai artiste, qui mérite d’être largement découvert et soutenuL’entretien, réalisé en anglais, date du 9 juillet. Je vous le propose ici, traduit par mes soins. Bonne lecture... et allez les Bleus ! Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Antoine Griezmann

Par Fabrizio Birimbelli alias Pupazzaro.

Lien/link : www.redbubble.com/people/pupazzaro/shop...

 

« Le foot, c’est aussi de l’art... »

Je m’appelle Fabrizio Birimbelli. Pupazzaro est le pseudo que j’utilisais sur DeviantArt.com (une plateforme massive d’art en ligne), je l’ai gardé depuis. Dans les temps anciens, à Rome, le pupazzaro était celui qui fabriquait des marionnettes (pupazzi).

Je ne travaille pas dans l’art et l’art n’est pas pour moi un « hobby ». C’est une vraie passion, je ne saurais même pas dire depuis quand elle est en moi. Je suis actuellement programmeur informatique (un autre job créatif, si vous voulez mon avis). Je me suis mis au dessin, à la peinture numérique il y a quelques années. Partant de la peinture physique ou du dessin à l’encre sur papier, le numérique ouvre des possibilités infinies... et c’est amorti bien plus rapidement !

À propos de ces tableaux de sportifs : j’ai d’abord commencé, sans trop réfléchir, à réaliser des portraits de joueurs de l’AS Roma (ma ville et mon équipe favorite !) en généraux du 19ème siècle. La Roma en a publié quelques uns sur son site, puis j’ai été contacté par Antonio Rüdiger, qui voulait son propre portrait, et m’a invité à Trigoria (le camp d’entraînement de l’AS Roma). Sur place, j’ai pu apporter le sien à une légende, Monsieur Francesco Totti...

Tout cela m’a apporté un peu de notoriété. J’ai été publié sur certains sites de sport, reçu en peu de temps des centaines d’abonnés nouveaux sur Twitter, Instagram et Facebook... Pas mal de gens m’ont incité à en faire davantage encore. Chacun voulait voir ses propres joueurs de ce point de vue disons épique. Et j’ai pensé que les grandes compétitions européennes pouvaient être une bonne source d’inspiration... J’ai commencé avec les capitaines (mon Lloris aussi est un tableau dont je suis fier), etc...

L’idée de faire de même avec Griezmann mest venue naturellement. Il est un bon joueur, qui a la classe mais sait être un combattant sur le terrain. Il a aussi une « bonne figure », des expressions inspirées et un regard rêveur... je savais que ça allait coller parfaitement à mon projet.

Avant le début de l’Euro, je pensais que cette année serait celle de Pogba, lui aussi une grande vedette... mais Griezmann a démontré qu’au-delà de la classe, il savait faire preuve de noblesse dans ses attitudes et, en même temps, de vraies qualités de leader : le mix parfait.

S’il lit cet article ? Peut-être aimerait-il avoir son propre portrait accroché au-dessus de sa cheminée (s’il en a une à Madrid) ? Appelle-moi, Tony ! ;-)

Je ne saurais dire comment cet Euro va se terminer. La France est puissante mais, de l’autre côté, il y a un gars appelé Cristiano Ronaldo... Tout peut arriver.

Tout peut arriver... parce que le football, c’est aussi de l’art. Imprévisible. Injuste. Le foot est le sport le plus apprécié sur la planète. Pas seulement pour le jeu en lui-même mais aussi pour ces « héros » qui le font. Pas de vrais héros, non, on sait qu’il sont des professionnels, on sait qu’ils vous quitteront la saison suivante pour une nouvelle équipe, mais en ce que, durant 90 minutes, ils te représentent, toi et ta ville, tu cries, chantes pour essayer de les aider à mettre ce ballon dans le filet. Si ça, ce n’est pas « épique » ?

Si vous regardez des gens comme Maradona, Falcao, Sócrates, permettez-moi d’y ajouter Totti... Ce n’est pas uniquement un jeu ou du sport. Pas simplement de la technique. Des pieds, pas des coups de pinceau... mais le résultat est dune beauté pure. ;-)

Pour ce qui me concerne, moi, je ne me considère pas comme un artiste. La suite, je ne sais pas de quoi elle sera faite. Continuer à dessiner, c’est ce que j’aime... Que ça devienne un métier ? Un rêve...

Merci à vous de partager ce que je fais !

Fabrizio Birimbelli, le 9 juillet 2016

 

My name is Fabrizio Birimbelli. Pupazzaro was a surname I used on DeviantArt.com (art-related forum) and so remained. In the past days in Rome, pupazzaro was someone making puppets (pupazzi).

Art is not my job, neither a hobby, it’s a great passion that I’ve followed since I can remember. Now I work as a computer programmer (another creative job in my opinion) and since a few years I have started painting and drawing in digital. Coming from the real paint or drawing ink paper, the digital media gives you endless possibilities and is damped quicker !

About this sportsmen portraits : I have started without thinking too much making some portraits in this 1800-generals style of AS Roma players (my city and my favourite team). Roma published some of them on their site, then I was contacted by Antonio Rüdiger who wanted his portrait and invited me in Trigoria (the training camp of Roma). There I was able to bring the portrait to a legend named Francesco Totti.

This gave me some popularity. I was published on sports sites, got tons of followers on TwitterInstagram and Facebook and many people asked me to do more. Everyone wanted to see their own players from this epic point of view. And I thought the European Championship could be a good source of inspiration. I started with captains (my Lloris too is one portrait I am proud of) and so on.

The idea of Griezmann came naturally. I think he is a good player, with class, but a fighter inside the pitch. He also has the « right face », inspired expression and dreaming look that I think works well with my stuff.

Before this Euro champ., I thought this could be the year of Pogba (I think that he is also a great star), but Griezmann showed more than class : a great attitude and leadership, the perfect mix.

If he reads this article maybe he would like to have his own portrait hung on his fireplace (if he has one in Madrid). Well... « contact me Tony ! »

I don’t know how it will end. France is strong but on the other side there’s a guy called Cristiano Ronaldo and anything can happen... cos football is art.

Unpredictable, unfair. Football is the most loved game on earth. And not only for the game itself but for the « heroes » that are part of it. I mean they are not really heroes, you know that they are professionals, you know that they will leave you next summer for another team, but during those 90 minutes they represent you and your city, you scream and sing trying to help put that ball in the net. Epic, isn’t it ?

And if you look at people like MaradonaFalcaoSócrates, and let me add my Totti, you could say that’s not a simple game or sport. It’s not mere techique, it is art. Feet and not brushes, but the result is pure beauty ;-)

I don’t consider myself an artist, so I don’t really know what it will come. Keep drawing is just great, doing as a real job... that’s a dream.

Thanks a lot for sharing my stuff.

Fabrizio Birimbelli, July 9, 2016

 

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04 juin 2015

(Auto)portraits d'artistes : Julien Benhamou

L’un des challenges qui, dans le cadre de mes activités pour ce blog, m’ont toujours attiré, c’est cette volonté permanente de parfaire ma culture (qui est hautement perfectible), de m’auto-pousser à découvrir des horizons vers lesquels je ne serais pas naturellement allé. Il y a peu, tentant comme souvent de faire découvrir Paroles d’Actu via cet outil fort pratique qu’est Facebook, j’ai croisé le profil de Julien Benhamou, photographe. J’ai été subjugué par la beauté de ses photos. Par son art, il réussit à parer les mondes de la danse et de l’opéra - déjà tellement porteurs en soi de « beau », de rêve (et même de fantasme pour qui, comme moi, ne les connaît pour ainsi dire pas du tout) - et leurs acteurs, qu’il côtoie assidûment, dun supplément de grâce. Je l’ai invité à nous raconter son parcours ; à sélectionner quelques photos parmi ses préférées et à les commenter en quelques mots ; à nous offrir enfin un autoportrait. Voici donc Julien Benhamou, un authentique artiste dont j’ai l’intime conviction que le travail constituerait un matériel de premier choix dans la perspective d’un recueil, que je verrais bien sous la forme d’un beau livre commenté (si j’étais éditeur, je le lui aurais déjà proposé !) Cet article se veut aussi un hommage à des artistes que le grand public ne connaît pas forcément mais qui, davantage que bien dautres, mériteraient d’être élevés au rang de vedettes dans un monde qui tournerait rond. Allez, j’ai assez parlé. Place à l’artiste et à ses œuvres. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche.

 

 

 

Ma passion pour la photographie mest apparue vers l’âge de treize ans, lorsque j’ai eu mon premier appareil. J’ai tout de suite aimé l’échange que cet outil me permettait d’établir avec les gens que je photographiais. Je me suis donc lancé très tôt dans des études de photo, puis je suis devenu assistant dans la mode et la pub.

J’ai découvert le monde du spectacle et de la danse suite à un projet avec des danseurs de l’Opéra de Paris, qui fut exposé au ministère de la Culture. Je me suis alors lancé en tant que photographe indépendant. Je réponds aujourd’hui à des commandes pour des institutions, des agences, des magazines, etc...


Je développe en parallèle un travail personnel de portraits, qui s’intéresse davantage à la poésie du mouvement qu’à la performance du danseur.

J’entretiens sur le long terme deux collaborations avec des danseurs dont j’aime particulièrement l’univers et la personnalité : la première avec Aurélien Dougé, danseur et chorégraphe de Inkörper Company, pour la série Blessed Unrest, qui se fabrique à partir de nos expérimentations en studio ou en extérieur ; la seconde avec François Alu, premier danseur à l’Opéra de Paris, avec lequel nous créons une série d’images qui défient la gravité.

Julien Benhamou, le 28 mai 2015

 

Cou-de-pied

Cou-de-pied, novembre 2013. Grégory Dominiak.

Détail de pointe masculine, inspiré d’une des créations de Marie­-Agnès Gillot, qui a eu l’audace de mettre les hommes sur pointes dans son ballet Sous apparence.

 

 

Duet # 1

Duet # 1, mars 2015. Germain Louvet et Jérémy Loup ­Quer.

Séance studio organisée pour une exposition au mois d’avril sur le nu.

 

 

Le Baiser

Le Baiser, mai 2015. Juliette Gernez et Pierre-­Antoine Brunet.

Recherche de nu graphique.

 

 

Nu de dos

Nu de dos, octobre 2014. Valentin Regnault.

Pour cette image, je me suis inspiré des croquis de nus classiques. La lumière dessine les muscles du dos du danseur.

 

 

Blessed Unrest # 1

Blessed Unrest # 1, février 2012. Aurélien Dougé, Inkörper Company.

C’est avec cette image que j’ai amorcé une collaboration avec Inkörper Company.

 

 

Marie-Agnès Gillot

Marie­-Agnès Gillot, janvier 2012.

Portrait de Marie­-Agnès Gillot à l’Opéra Garnier pour Libération.

 

 

Eve Grinsztajn

Eve Grinsztajn, mai 2012.

Eve Grinsztajn est une artiste que j’admire beaucoup. Cette photo a été réalisée lors d’une séance qu’elle m’a commandée.

 

  

Chute Léonore Baulac

Chute Léonore Baulac, janvier 2015. Léonore Baulac, hab. par Franck Sorbier.

L’idée de la chute est un thème récurrent dans mon travail.

 

 

Clément Becq

Clément Becq, mars 2014. Clément Becq, nageur.

J’accorde toujours une attention particulière à la lumière dans mes images. Un portrait classique, sans mise en scène, ne repose quasiment que sur la force du regard.

 

 

Le Mur

Le Mur, janvier 2015. François Alu.

Dans cette image on retrouve la notion de gravité. François Alu y a ajouté de l’humour.

 

 

Portrait Fumée

Portrait Fumée, janvier 2015. Germain Louvet.

J’aime souvent utiliser dans mes images des effets au rendu aléatoire, comme la fumée, le talc, des vêtements fluides, etc.

 

 

Nu #1 Mathilde Froustey

Nu #1 Mathilde Froustey, janvier 2015. Mathilde Froustey.

Nu inspiré de l’idole dorée de La Bayadère.

 

 

L'Envol

L’Envol, juin 2014. Léonore Baulac et François Alu.

Cette photo, réalisée sur la plage de Carteret, est sans trucage.

 

 

Scorpion

Scorpion, octobre 2014. François Alu.

Photo réalisée dans les sous-sols de l’Opéra Garnier.

 

 

Autoportrait

Autoportrait, juin 2015. Signé Noémie Graciani.

 

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Posté par Nicolas Roche à 21:03 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
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