09 novembre 2021

Hélène de Lauzun : « Pour bien des Autrichiens, le traumatisme de 1918 n'a jamais été surmonté »

Quand on ne connaît que de loin l’histoire de l’Europe, on perçoit l’Autriche avant tout comme un petit pays prospère et pittoresque d’Europe centrale : on pense à des paysages comme le Tyrol, à des folklores, aux fameuses valses de Vienne. En fait, l’Autriche fut, du quinzième siècle jusqu’à 1918, une puissance majeure, centrale en Europe : elle a incarné pendant des siècles l’Allemagne, empire alors décousu mais dominé par les Habsbourg catholiques, avant d’en être chassés par une puissance plus cohérente, plus entreprenante aussi, la Prusse protestante qui allait elle, fonder un État allemand fort, au détriment d’une bonne partie de l’Europe. Une histoire partagée où se mêlent le romanesque et le tragique.

J’ai la joie de vous proposer aujourd’hui cette interview avec Hélène de Lauzun, historienne et auteure d’une passionnante Histoire de l’Autriche (Perrin, mars 2021), que je vous recommande. Je la remercie pour sa bienveillance face à ma démarche, et espère que cet article vous donnera envie d’approfondir ces questions. Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Hélène de Lauzun: « Pour bien

des Autrichiens, le traumatisme de 1918

n’a jamais été complètement surmonté »

Histoire de l'Autriche

Histoire de l’Autriche, par Hélène de Lauzun (Perrin, mars 2021)

 

Quelle est votre histoire personnelle avec l’Autriche, et pourquoi en avoir fait votre spécialité d’étude?

ich liebe dich Österreich!

Mes lecteurs me demandent souvent si j’ai un lien familial avec l’Autriche, des ancêtres autrichiens… Absolument pas  ! En revanche, j’ai eu la chance immense de pouvoir découvrir l’Autriche pour la première fois quand j’avais quatre ans, grâce à mes parents, avec qui j’ai sillonné toute l’Europe durant mon enfance. J’y suis retournée ensuite un certain nombre de fois, pour l’Autriche elle-même ou au détour de voyages en Suisse, en Pologne, ou encore en Allemagne. Ces voyages m’ont donné l’amour de cette extraordinaire civilisation de l’Europe centrale, dont l’Autriche est le pivot  : un savant mélange d’influences latines, slaves et germaniques, une immense richesse culturelle. Tout cela n’était malheureusement qu’effleuré pendant les cours d’allemand, qui s’évertuaient à nous assommer à coups de problématiques sur la pollution et l’activisme néo-nazi... Heureusement, j’ai eu aussi pendant deux ans un professeur d’allemand qui était d’origine tchèque  et jouait du violon  ! Cette dame adorable était une fenêtre ouverte sur cet univers qui me fascinait. Étant passionnée de musique et de danse, je rencontrai également en permanence l’Autriche sur mon chemin. J’ai passé ainsi un mois magique à Baden-bei-Wien, juste après le Bac, à goûter les délices de l’opérette et des Heuriger (bars à vins). J’en garde un souvenir extraordinaire. À la Sorbonne, deux cours sur les quatre que je suivais en licence étaient consacrés à l’Autriche et à l’espace danubien. J’ai hésité à un moment à me consacrer à mon autre passion, la Russie, à laquelle j’ai consacré mon mémoire de maîtrise, avant de revenir à mes premières amours pour la thèse.

 

Qu’y avait-il de rationnel, et au contraire d’irrationnel dans la vieille rivalité multiséculaire entre l’Autriche et la France?

Autriche/France : je t’aime, moi non plus

Cette rivalité multiséculaire n’a rien d’irrationnel, elle s’explique très facilement  ! La France et l’Autriche ont tenté pendant des siècles, si l’on peut dire, d’occuper «  le même créneau  »  : celui d’une monarchie catholique puissante à vocation universelle. La lutte pour l’héritage bourguignon, le combat de François Ier contre Charles Quint se poursuivent ensuite dans la rivalité qui oppose Louis XIV à Léopold Ier. La révocation de l’édit de Nantes en 1685 vient répondre à la victoire de la monarchie habsbourgeois contre les Turcs en 1683. L’Italie, puis l’Espagne sont les terrains où les deux dynasties se croisent, s’unissent, mais aussi se disputent en permanence.

En revanche, on peut peut-être parler d’irrationnel dans le monde post-révolutionnaire, alors que la rivalité entre la Maison de France et la Maison d’Autriche n’a plus lieu d’être. Il y a des blocages, des atavismes, des aveuglements idéologiques. La France ne comprend pas la carte qu’elle a à jouer à entretenir de bonnes relations avec l’Autriche, contre l’émergence d’une Prusse qui ne veut faire de cadeaux ni à l’une, ni à l’autre. C’est vrai à l’époque de Napoléon III, sous la IIIe République avant 1914, mais aussi dans l’entre-deux guerres dans les relations que la France entretient avec la fragile Première République autrichienne. Le manque de lucidité de notre pays est malheureusement lourd de conséquences pour la France comme pour l’Europe.

 

J’allais y venir : auraient-elles à votre avis été des alliées naturelles, notamment à partir du dernier tiers du XIXème siècle, face à l’émergence de la nouvelle Allemagne dominée par la Prusse? Voyez-vous dans ce non-rapprochement, une erreur historique?

face à Berlin, une erreur historique ?

J’ai répondu en partie avec la question précédente : à mon sens, oui, il s’agit bien d’une authentique erreur historique. L’incompréhension qui domine en France devant l’épisode de Sadowa, marquant la victoire des Prussiens sur les Autrichiens, est gravissime. La naïveté de Napoléon III devant le processus bismarckien d’unification de l’Allemagne est assez confondante. De fait, la France paie douloureusement au moment de la guerre de 1870 son incapacité à avoir renoué des liens solides avec l’Autriche. Les occasions manquées ont été légion.

 

À partir de quel point de la Première Guerre Mondiale, l’effondrement du vieil attelage habsbourgeois a-t-il été inéluctable?

Finis Austriae

Cette question n’est toujours pas tranchée et il est difficile d’y répondre en quelques lignes. Selon moi, il n’était pas écrit dans les astres que la monarchie habsbourgeoise devait s’effondrer. Son modèle multinational était peut-être trop en avance sur son temps… Ce qui est certain c’est que la guerre a constitué un formidable accélérateur des tensions déjà bien présentes avant le conflit. L’empereur Charles l’a bien compris, et c’est pour cette raison qu’il entame ses pourparlers de paix au printemps 1917. A partir du moment où ceux-ci échouent, le cours des événements devient très difficile à inverser. Je dirais que l’affaire Czernin* au printemps 1918 constitue définitivement un point de non-retour  : à cette occasion, Charles apparaît aux yeux de l’Europe, aux yeux des Allemands, aux yeux des Alliés, comme un homme faible sur lequel on ne peut plus miser. Le fameux adage de Tocqueville, à savoir que «  le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se réformer  », se prête par la suite particulièrement bien à la situation de la double monarchie. Les réformes que choisit de mener l’empereur Charles sont positives en soi, mais elles viennent au pire moment et accélèrent de ce fait la chute.

* L’affaire Czernin est la révélation au printemps 1918 aux yeux du grand public, à la faveur d’une escalade de provocations diplomatiques entre le ministre des Affaires étrangères autrichien, Czernin, et Clemenceau, des négociations secrètes effectuées par l’empereur Charles pour faire la paix avec la France.

 

Quelle responsabilité imputer à la passivité des Français, et surtout des Britanniques, quant au choix mussolinien de s’allier à Hitler, et aux sorts qu’allaient subir, de leur déstabilisation à leur anéantissement, l’Autriche et la Tchécoslovaquie?

avant l’Anschluss, occasions manquées

La passivité des Français et des Britanniques s’explique sans trop de difficultés. Quant à savoir si elle se pardonne, c’est un autre débat  !

Les Français et les Britanniques dans l’entre-deux guerres sont empêtrés dans le mythe de la sécurité collective, la solution qu’ils ont échafaudée pour ne revivre à aucun prix le traumatisme de la Première Guerre mondiale. Tétanisées par ce souvenir, les classes politiques de ces deux pays, dans leur immense majorité, n’arrivent pas à faire preuve d’adaptation et de réalisme politique à l’égard des nouveaux défis des temps. Quand la France et le Royaume-Uni choisissent d’appliquer une politique de sanctions à l’égard de l’Italie dans l’affaire éthiopienne, ils se drapent dans une dignité diplomatique séduisante sur le papier, mais ne mesurent absolument pas les effets pervers d’une telle décision  : rejeté par les puissances démocratiques, Mussolini n’a dès lors pas d’autre choix géopolitique que de se rapprocher d’Hitler. Pourtant, l’épisode du coup d’État manqué contre l’Autriche et l’assassinat de Dollfuss, le chancelier autrichien, à l’été 1934, aurait dû les alerter  : à l’époque, l’indépendance de l’Autriche avait tenu grâce à l’envoi de troupes italiennes à la frontière, comme un signal adressé par Mussolini à Hitler sur les limites à ne pas franchir.

 

Les Autrichiens ont-ils toujours du mal à regarder en face cette histoire du Troisième Reich, auquel ils ont été incorporés de force, mais dont ils ont été partie intégrante? Les faits sont-ils bien établis, les disputes apaisées de nos jours?

les fantômes du nazisme

Les années ont beau passer, les blessures sont toujours là. Au sujet de sa responsabilité dans les crimes du IIIe Reich, l’Autriche avance en eaux troubles. Elle est le premier pays à avoir perdu son indépendance devant l’expansionnisme hitlérien… mais nombre d’Autrichiens ont activement collaboré au régime. Hitler lui-même était Autrichien de naissance… mais avait renié sa patrie d’origine de toutes ses forces, jusqu’à devenir apatride. Malgré des épisodes de repentance, le dilemme sur la responsabilité de l’Autriche reste entier et est inévitable. Le rapport des Autrichiens à leur histoire reste complexe. Un ami autrichien m’expliquait récemment que la période de l’entre-deux guerres, la Première République, restait par exemple encore très mal étudiée et peu connue. Ceci dit, quand je parle histoire avec des Autrichiens, il ressort souvent que le principal traumatisme reste 1918 et la fin de l’Empire, plus que la Seconde Guerre mondiale. Ce traumatisme initial, à bien des égards, n’a jamais été complètement surmonté.

 

Que reste-t-il aujourd’hui du passé impérial au sein de l’ex-ensemble Habsbourg? Les Autrichiens, les Hongrois et les Tchèques ont-ils encore le sentiment diffus de partager un héritage commun?

un héritage commun pour l’ex espace impérial?

Quand vous sillonnez les pays de l’ancienne monarchie, vous ne pouvez être que saisis par l’extraordinaire cohérence d’ensemble qui s’en dégage, malgré des particularismes très puissants. Sur le plan patrimonial, c’est manifeste  : l’Europe centrale unifiée par le baroque est une réalité. Les histoires sont totalement imbriquées, et l’empire affleure à chaque pas. Cette histoire commune n’empêche pas que les pays issus de l’ensemble habsbourgeois soient individuellement très jaloux de leur identité propre et de leurs spécificités, qu’ils entendent défendre bec et ongles… comme on peut le constater au vu des derniers débats qui agitent l’Union européenne.

Il est difficile de parler d’une nostalgie de l’empire, unanimement partagée, sur le plan politique. Mais le sentiment confus d’un âge d’or perdu, ou encore une nostalgie habsbourgeoise, oui. Prenez par exemple la Hongrie  : elle sait très bien employer les membres de la famille Habsbourg dans son corps diplomatique  ! Dans une certaine mesure, le groupe de Visegrad** peut être également compris comme un avatar de l’ancienne réalité impériale.

** Le groupe de Visegrad est un rassemblement intergouvernemental de quatre États de l’est de l’Europe  : la Hongrie, la Pologne, la Tchéquie et la Slovaquie. Il se caractérise par ses orientations conservatrices, notamment sur la question de la régulation des flux migratoires en Europe, point sur lequel il s’oppose aux orientations de Bruxelles. Tous les quatre ont appartenu d’une manière ou d’une autre (partiellement pour la Pologne) à la monarchie habsbourgeoise.

 

Vos projets et envies pour la suite?

Ils sont nombreux, je ne vais pas m’arrêter là  ! Plusieurs choses sont à envisager  : approfondir tout le versant culturel, autour de l’univers de la valse, que je connais bien pour la pratiquer et l’enseigner. Pourquoi pas organiser aussi, autour de la valse et de l’histoire, un voyage à Vienne  ? L’ouverture d’un train de nuit Paris-Salzbourg-Vienne cette année offre une excellente opportunité  ! J’aimerais aussi me lancer dans la biographie. L’Autriche regorge de personnalités passionnantes encore peu explorées, et le genre de la biographie est pour moi fondamental en histoire. Il pose la question de la liberté, des choix et des responsabilités individuelles, et a eu trop tendance à être négligé au profit de l’histoire du temps long.

 

Hélène de Lauzun

 

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Posté par Nicolas Roche à 18:23 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
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13 juin 2013

Pierre-Yves Le Borgn' : "Aidons nos PME, revalorisons l'apprentissage"

Le week end dernier, deux législatives partielles avaient lieu en dehors du territoire national. Les Français établis en Amérique du Nord ont préféré l'ex-député altoséquanais Frédéric Levebre au Montréalais Franck Scemama pour les représenter. Dans la huitième circonscription, comprenant notamment Israël, l'Italie, la Grèce et la Turquie, c'est l'UDI Meyer Habib qui l'a emporté face à la candidate UMP Valérie Hoffenberg. Il y a un an, chacun de ces sièges était occupé par une socialiste, avant l'annulation des deux élections par le Conseil Constitutionnel - et la diminution d'autant des effectifs de la majorité présidentielle -. Il y a cinq ans, ces circonscriptions extraterritoriales n'existaient pas. Elles sont nées de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, voulue par Nicolas Sarkozy. Un an après son élection et l'installation de François Hollande à l'Élysée, le député socialiste de la septième circonscription (l'Europe centrale et orientale) Pierre-Yves Le Borgn' a accepté d'évoquer pour Paroles d'Actu ces Français dont il entend porter les voix, ses idées, ses engagements, ses espoirs pour le quinquennat. Je l'en remercie. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

PIERRE-YVES LE BORGN'

Député de la 7ème circonscription des Français établis hors de France

 

"Aidons nos PME, revalorisons l'apprentissage"

 

Pierre-Yves Le Borgn'

(Photos proposées à ma demande par Pierre-Yves Le Borgn')

 

 

Q : 23/04/13

R : 09/06/13

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Pierre-Yves le Borgn'. Vous êtes depuis juin 2012 le Député des Français de l'étranger établis dans la septième circonscription extraterritoriale. (Albanie, Allemagne, Autriche, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Hongrie, ancienne République yougoslave de Macédoine, Pologne, Roumanie, Serbie, Monténégro, Kosovo, Slovénie, République tchèque, Slovaquie) Un territoire vaste, très vaste... À quoi votre quotidien d'élu ressemble-t-il ?

 

Pierre-Yves Le Borgn' : En effet, le territoire est grand. Seize pays, un territoire de 1,6 million de km2. C’est certain que ce chiffre n’a pas grand-chose à voir avec la taille des circonscriptions de mes collègues de France métropolitaine et ultramarine, qui mesurent quelques dizaines voire centaines de km2.

 

Après quasiment un an à l’Assemblée nationale, j’arrive à gérer mon emploi du temps. Il m’a cependant fallu près d’un semestre de rodage. Le lundi, je suis chez moi où je peux travailler au calme. Les mardis, mercredis et jeudis, je suis au Palais Bourbon où j’enchaîne les rendez-vous et les réunions. J’assiste naturellement aux questions posées au gouvernement et aux différentes séances dans l’hémicycle et ce de jour comme de nuit. C’est un rythme d’enfer, passionnant et parfois éprouvant.

 

Enfin, le vendredi, je suis à Cologne, où se trouve ma permanence parlementaire, pour y rencontrer les compatriotes qui le souhaitent ou bien je me rends dans le reste de la circonscription. Lorsque je suis en dehors de l’Allemagne, ce qui est en général le cas une à deux fois par mois au moins, j’organise des déplacements de deux à trois jours afin de tenir compte des difficultés de transport, notamment vers les Balkans.

 

 

PdA : Il est difficile et toujours un peu périlleux de chercher à synthétiser sur la base de situations individuelles complexes et souvent très différentes. Pouvez-vous malgré cela nous parler de ces Français qui vous ont élu l'année dernière, nous faire part de ce qui les préoccupe, peut-être d'une manière un peu décalée par rapport au reste de la communauté nationale ?

 

P.-Y.L.B. : Il y a des  sujets communs à tous les Français de la 7ème circonscription comme les bourses scolaires, les frais de scolarité élevés dans les écoles françaises, la protection consulaire, l’action sociale et plus particulièrement la question de la liquidation des retraites ou celle de la couverture santé. Une question plus légère mais non moins importante qui revient souvent lors de mes réunions publiques concerne le visionnage de programmes télévisuels par Internet depuis l’étranger. Enfin, un sujet très délicat est celui des conflits d’autorité parentale. Beaucoup de parents divorcés, en Allemagne notamment, me contactent parce qu’ils rencontrent des difficultés à obtenir un droit de garde et de visite de leur enfant. Ces difficultés sont induites par le défaut de la coordination de droit de la famille au niveau européen et je m’emploie beaucoup depuis de nombreux mois à prévenir ces difficultés. Je n’ai pas trop communiqué sur cette action-là car le sujet est très sensible et je préfère le faire au bon moment, lorsque j’aurai au demeurant des résultats à afficher.

 

 

PdA : Juriste international de formation, vous avez notamment travaillé à Mayence, à Francfort, en tant que cadre-dirigeant au sein d'une société de fabrication de panneaux solaires. L'Allemagne, sa culture du dialogue, sa politique de l'offre... sont souvent présentés comme des modèles dont il faudrait s'inspirer pour assainir et redynamiser notre économie. Vous connaissez bien nos deux pays. Voyez-vous des domaines dans lesquels nous devrions, à votre avis, nous inspirer de nos partenaires allemands ?

 

P.-Y.L.B. : Pourquoi se limiter à l’Allemagne ? Il me semble qu’il faudrait s’inspirer des méthodes ayant fait leurs preuves dans chaque pays de la circonscription et pas seulement en Allemagne. J’admire le dynamisme de l’économie allemande et notamment la force de son tissu d’entreprises de taille intermédiaire, championnes de l’exportation. C’est le fameux « Mittelstand », qui n’a pas d’équivalent en France, malheureusement. Il faut aider nos petites et moyennes entreprises à se développer car elles sont un atout pour notre économie et de ce fait pour l’emploi.

 

Un autre point positif que nous pouvons trouver de ce côté du Rhin concerne l’apprentissage. En effet, cette méthode d’enseignement est trop peu valorisée en France. Il faut encourager les collégiens à rejoindre un Centre de Formation pour Apprentis et faire disparaître cette idée reçue consistant à faire passer les apprentis pour des personnes inintelligentes. Lors de son déplacement à Blois, le Président François Hollande a annoncé des mesures importantes pour l’apprentissage. Cette formation professionnelle est un atout pour les adolescents et pour notre pays.

 

 

PYLB 1

 

 

PdA : Plus globalement, vous revendiquez pleinement votre ouverture sur l'international, votre culture profondément européenne. Vous avez ainsi étudié au Collège d'Europe à Bruges, travaillé en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg et aux États-Unis. Qu'avez-vous appris au contact de ce monde-là, ces leçons que vous souhaiteriez, peut-être, partager avec ceux de nos compatriotes - et ils sont nombreux - qui ne voient pas forcément la mondialisation d'un très bon œil ?

 

P.-Y.L.B. : Nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire du Traité de l’Elysée, dont l’une des heureuses conséquences a été de donner naissance à l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (OFAJ), qui a permis à des milliers de jeunes de découvrir une autre culture en traversant le Rhin. Quitter son pays pour s’établir ailleurs n’est pas une décision facile à prendre. J’ai fait ce choix. Cela n’a pas toujours été facile. J’en ai parfois bavé, mais j’ai travaillé d’arrache-pied, apprenant de toutes les cultures dans lesquelles je m’immergeais, et j’ai réussi professionnellement. Vivre dans différents pays m’a permis de découvrir d’autres méthodes de travail. Mon expérience professionnelle est un melting pot de ces cultures d’entreprises dans les quatre pays que j’ai connus.

 

Ma conclusion est donc qu’il ne faut pas craindre l’ouverture au monde et aux autres mais bien au contraire utiliser ce qu’elle peut apporter de positif pour une carrière et un parcours de vie.

 

 

PdA : Sans transition, une question d'"actualité immédiate", ce sera la seule de cet entretien. À l'heure où je vous la propose, l'Assemblée nationale vient d'adopter le Mariage pour tous. Vous l'avez fait, avec vos collègues députés. Dans quel état d'esprit vous trouvez-vous suite à ce vote ?

 

P.-Y.L.B. : Je suis heureux et fier. Cela est un véritable honneur pour moi d’avoir participé à ce changement sociétal important. Avec cette loi, le mariage est devenu ouvert à tous. Il n’était pas normal que dans notre pays, nous ne reconnaissions pas l’égalité des couples devant la loi.

 

 

PdA : Quelles sont les thématiques, les causes sur lesquelles vous souhaiterez vous engager tout particulièrement à titre personnel durant ce quinquennat ?

 

P.-Y.L.B. : J’ai déjà évoqué les problèmes de garde d’enfants, qui sont l’une de mes priorités. Je souhaiterais œuvrer pour rapprocher nos politiques et législations nationales en droit de la famille. Si nous sommes arrivés à élaborer un droit matériel commun du mariage entre la France et l’Allemagne, nous pourrons le faire sur le divorce et les successions. C’est une nécessité. L’accès à l’enseignement français à l’étranger est également une thématique importante car beaucoup de familles souffrent de frais de scolarité trop élevés. Pour les familles demeurant trop loin d’un établissement français, une solution serait de développer les filières bilingues.

 

L’accès à la langue et à la culture française par nos compatriotes est aussi une priorité car c’est souvent ce qui permet à nos concitoyens de garder un lien avec notre pays. J’ai d’ailleurs utilisé une grande partie de ma réserve parlementaire pour permettre à différentes bibliothèques de ma circonscription d’acquérir de nouveaux livres, de faire des travaux pour rendre l’accueil des usagers agréable ou permettre un meilleur accès aux livres.

 

 

PYLB 2

 

 

PdA : Près d'un an a passé depuis les élections présidentielle et législatives... L'enthousiasme populaire n'est plus tout à fait de mise... Quant la confiance, celle accordée à l'exécutif, elle est en berne. La crise, d'accord, mais elle n'est jamais qu'un élément de ce désamour, plus profond et qui touche à la politique menée, aux priorités affichées, aux personnalités elles-mêmes. L'inquiétude, voire la défiance sont exprimées par nombre de nos compatriotes, dont pas mal d'électeurs du président. Où en êtes-vous par rapport à tout cela ? Confiant, vous l'êtes toujours ?

 

P.-Y.L.B. : Bien sûr que je suis toujours confiant. Un célèbre adage dit : Paris ne s’est pas fait en un jour. Il me semble donc qu’il faut laisser du temps au temps. Je comprends bien évidemment les Français vivant dans une situation délicate qui souhaiteraient que leur vie s’améliore rapidement. La majorité a besoin de temps pour améliorer la situation de la France. Nous avons hérité d’une situation économique et sociale très dégradée par la crise certes, mais aussi par les choix de la droite au pouvoir durant 10 années. François Hollande l’a très bien dit lui-même : « Je demande à être jugé au terme des cinq ans ».

 

 

PdA : Cette question de la confiance me pousse à en aborder une autre, fondamentale pour le bon fonctionnement de notre société. Votre parcours, celui de votre famille est exemplaire. Celui de la méritocratie républicaine, de "l'émancipation et l'élévation sociale grâce à l'école laïque et aux bourses scolaires". Aujourd'hui, l'ascension de l'échelle sociale, la génération suivante vivant forcément mieux que la précédente, beaucoup de gens n'y croient tout simplement plus. La morosité des perspectives économiques, la remise en cause d'acquis sociaux - y compris par la gauche - et le poids écrasant de la dette ne sont évidemment pas étrangers à ce ressenti ô combien préoccupant... Qu'avez-vous envie de répondre à ces personnes ?

 

P.-Y.L.B. : Je répondrais qu’il ne faut jamais baisser les bras. Grâce à l’École de la République, l’ascension sociale est possible. J’en suis le parfait exemple. Je suis le petit-fils d’un cheminot, d’une garde-barrière, d’un boulanger et d’une coiffeuse. Grâce aux bourses, mon père et mère ont pu suivre des études et devenir instituteurs. Ils ont su, confiants en l’école et nous inculquant le goût du travail, nous aider, ma sœur et moi, à faire des études longues.

 

Nous vivons une époque difficile et je comprends les doutes de nos compatriotes, mais ne plus essayer de se battre contre l’injustice sociale serait le pire exemple à donner à nos enfants. C’est dans la solidarité nationale, avec le sens des devoirs et des droits qui fondent la République, que l’on construit l’avenir.

 

 

PdA : Revenons à des horizons plus immédiats, même si l'avenir se jouera en grande partie au cours de ce quinquennat... Sur la base de quels résultats tangibles, de quels chantiers sérieusement entrepris pourrez-vous sincèrement déclarer, au printemps 2017, "Oui, Hollande, a été utile à la France et aux Français" ?

 

P.-Y.L.B. : Comme vous l’écrivez, tout va se jouer au cours du quinquennat. Je vous donne donc rendez-vous en 2017 pour répondre à cette question. Et je vous redis ma confiance en l’action menée par le Président de la République.

 

 

PYLB 3

 

 

PdA : Un message pour nos lecteurs ?

 

P.-Y.L.B. : N’hésitez par à aller sur mon site, j‘y poste très régulièrement des articles.

 

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, Pierre-Yves Le Borgn' ?

 

P.-Y.L.B. : Que j’arrive à réaliser tout ce que j’ai entrepris pour nos compatriotes. C’est là qu’est ma motivation, ma volonté de servir.

 

 

 

Merci encore, Pierre-Yves Le Borgn', pour vos réponses, pour votre enthousiasme. Merci également à Cyril Mallet, collaborateur du Député, pour sa patience, pour nos échanges. Si vous êtes vous aussi un(e) Français(e) établi(e) à l'étranger, n'hésitez pas à nous faire part de votre expérience, en commentaire. Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

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