25 juillet 2022

Bastien Kossek : « J'aurais adoré avoir 25 ans au milieu des années 60 ! »

J’ai la joie, pour ce nouvel article estival, et donc un peu plus léger, de vous présenter pour la deuxième fois Bastien Kossek, 30 ans, journaliste et passionné de chanson française. Sa première apparition sur Paroles d’Actu, ce fut dans le cadre d’une interview à trois partagée avec Frédéric Quinonero (que je salue ici) autour d’une passion commune : Michel Sardou. Un an tout juste après cet entretien, Bastien Kossek allait sortir un ouvrage remarqué, composé de témoignages inspirés sur le chanteur : Sardou : Regards (Ramsay, 2019).

 

Sardou Regards

 

Bastien Kossek est donc de retour pour ce nouvel article, et cette fois c’est un roman, son premier, qu’il nous présente : dans Chagrins populaires (Ramsay, 2022), on suit les splendeurs et les misères de la vie amoureuse de Paul, protagoniste qui ressemble beaucoup à l’auteur... Il y est aussi largement question de cette chanson française que Bastien, pardon que Paul aime tant : subtilement amenés, ce sont des hommages bienvenus à de grosses stars de son époque fétiche (les années 60-70), les Sardou, Eddy, Delpech, mais surtout aux oubliés de ces temps-là : Dick Rivers, William Sheller ou encore Marcel Amont (auquel je fais un coucou amical au passage). Je remercie Bastien pour cet échange riche au cours duquel il n’a pas été avare en confidences. Pour le reste, je ne peux que recommander la lecture de son roman, fin et sensible : il parlera aux "amoureux au cœur blessé", aux nostalgiques aussi. Exclu. Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Bastien Kossek : « J'aurais adoré

avoir 25 ans au milieu des années 60 ! »

Chagrins populaires

Chagrins populaires (Ramsay, juin 2022).

 

Qu’as-tu mis de toi dans Chagrins populaires (Ramsay, juin 2022), un roman qui sonne très autobiographique ? C’est difficile d’écrire sur soi quand comme toi on raconte souvent la vie des autres ?

Oui c’est très autobiographique en effet. Je l’ai écrit au départ pour des raisons qui ne sont plus tout à fait celles pour lesquelles je le publie aujourd’hui. Au début, je pense que je voulais exprimer des choses que je ne pouvais pas vraiment dire autour de moi. Ceux qui l’ont lu - ma mère parmi les premiers - sont un peu "tombés de haut". Parce que ce que ressent Paul dans le roman, je ne l’ai montré à personne. Je pense même que j’aurais été incapable de dire tout ça, même aux gens les plus proches de moi. Finalement, ce dont on s’aperçoit aussi dans ce livre, c’est que, ceux qui m’ont le plus parlé, ce sont les chanteurs, les artistes que j’ai écoutés pendant cette période-là. Je l’ai fait... j’ai mis du temps à le faire lire.

Pendant longtemps, j’ai pensé que ce manuscrit resterait secret… mais il y a parfois des déclics accidentels, de providentiels hasards. Je te donne un exemple : quand j’ai terminé de l’écrire, j’ai imprimé quelques pages chez ma mère, parce que j’aime me relire sur papier. J’ai laissé traîner deux feuilles sur le bureau. Le soir, ma mère m’envoie un texto : "C’est super, j’ai lu ce que tu es en train d’écrire". Je l’ai appelée, en lui disant un peu vivement que ça n’était pas pour elle. Et je m’en suis tellement voulu que le lendemain, j’ai imprimé tout le manuscrit et je lui ai dit : "Maintenant que tu as lu deux pages, je te donne le tout, tu verras de quoi il s’agit". Pas mal de choses comme ça. Écrire un roman est une expérience solitaire mais malgré tout il y a eu de petits déclics extérieurs. Parfois, des potes m’appelaient la nuit, je leur lisais les pages sur lesquelles je travaillais. J’étais en contact avec des éditeurs, au départ intéressés, qui voulaient notamment que je modifie les équilibres entre l’histoire d’amour et les histoires de chanteurs, en faveur de l’histoire d’amour. Mais ça aurait voulu dire, inventer, et ça je ne voulais pas. Tout est vrai en fait, là-dedans. J’ai laissé tel quel, laissé passer un an et demi, et étant en contact régulier avec un éditeur de chez Ramsay, la décision a été prise ensuite de publier.

 

Est-ce que ça a été compliqué, de laisser ce texte tel quel pour édition, comme une forme de mise à nu appelée à devenir publique ?

Comme je ne l’ai pas trop relu, je ne me suis pas rendu compte. Je pense être celui qui aime le moins mon livre, et aussi celui qui le connaît le moins. Une anecdote récente : j’ai sympathisé avec Manu, qui travaille à La Grand Librarie - la librairie indépendante d’Arras, où j’ai mes habitudes. On discutait, et dans la conversation, il faisait plein de références à mon livre. À un moment, Paul parle des épis qu’il a dans les cheveux, il m’a fait une vanne là-dessus, et j’ai mis dix secondes à percuter qu’il parlait de mon livre. À un moment, il a évoqué Vianney, et je ne me souvenais plus que je lui avais adressé un - gentil - petit tacle à un moment du bouquin. Il y a aussi une allusion à Patrick Bruel, quelqu’un qui le connaît m’en a parlé... Bref, je ne l’ai pas relu, sauf pour les corrections : si j’avais relu attentivement mon texte, j’aurais certainement écrit des choses différemment. Là, c’est resté comme ça m’est venu.

 

 

Et n’a-t-on pas des réserves, à l’idée de justement publier quelque chose d’aussi personnel, ne serait-ce qu’au niveau d’une forme de pudeur des sentiments ?

Maintenant que c’est sorti, je ne m’angoisse plus avec ça. Si ça permet à des gens de mieux me comprendre, c’est tant mieux - mais ce n’était pas un objectif. Tu sais, j’ai mis beaucoup de temps avant d’imaginer pouvoir refaire ma vie, et ça n’était pas évident pour tout le monde. Souvent, les gens de ma génération tournent vite la page après une déception, parfois ils accumulent les relations... et certains que je connais ne me comprenaient pas. J’ai l’impression que, pour beaucoup, les relations sont interchangeables, en amour comme en amitié. Moi je ne crois pas du tout à ça : quand j’aime quelqu’un, je l’aime pour des raisons précises. Pour moi les choses ne s’annulent pas.

 

Qu’est-ce qui dans la compo de ce roman a été douloureux, et qu’est-ce qui a été jouissif ?

Douloureux... Rien. Quand j’écrivais, je ne devais pas être au top de ma forme, alors mine de rien, écrire, ça me faisait plutôt du bien. Mettre sur papier des choses que personne ne savait m’a fait du bien. Ce qui a été jubilatoire ? Parler de mes chanteurs. C’était toute une période où j’étais dans le post Sardou (Regards, Ramsay, 2019, ndlr), post succès commercial. Beaucoup d’éditeurs qui te contactent, qui te proposent des choses... On m’a proposé de faire un livre similaire au Sardou sur Goldman, pour ses 70 ans, ce que je n’ai pas forcément voulu faire. J’ai besoin de mener des projets qui répondent aux envies profondes que je peux avoir. Il faut que ça soit sincère, presque viscéral, pour que je m’engage dans quelque chose. C’est pourquoi je n’aime pas trop répondre à des commandes. Les rares fois où je l’ai fait, je n’ai pas été épanoui, etc. Dans ce milieu, il y a souvent un monde entre ce qu’on te promet et la réalité. Moi, quand je promets, je tiens. Je n’ai pas de mérite… ça vient de mon éducation, c’est sûr. Si je ne suis pas sûr de pouvoir honorer ma parole, je ne fais pas.

Ces dernières années, je suis arrivé avec deux projets, des formats un peu originaux : un sur Dick Rivers, un sur William Sheller. Limite, les mecs ont rigolé. Quand j’ai présenté celui sur Dick Rivers, l’éditeur m’a dit : "Elle est géniale ton idée… tu veux pas plutôt me faire la même chose sur Johnny ?!". J’ai compris qu’on n’accordait plus suffisamment de valeur commerciale à ces artistes pour qu’on leur consacre des documentaires, livres ou télé. Pour moi, quand j’aime, peu importe que le mec chante devant 100 000 personnes ou dans une salle des fêtes. J’aime l’artiste, indépendamment de son succès. Si j’avais une notoriété j’aimerais la mettre au service de gens moins connus. Mais Bastien Kossek ne pouvait pas écrire sur Dick Rivers, ça faisait deux mecs qui n’ont pas de succès, en gros. Mais, donc, dans le cadre d’un roman, je suis super content de pouvoir parler de ces gens.

 

Coucher sur papier les travers de ce Paul un peu égocentrique et tellement malheureux d’avoir perdu la Joséphine qu’il aimait, ça t’a aidé à évoluer toi-même ?

Je pense bien, oui. J’ai fait de Paul une version aggravée de moi. Mais c’est bien, parce que ce livre m’a permis de mettre sur papier plein de bons souvenirs. Et toutes les erreurs que j’ai commises. On est tous amenés à en commettre, par contre je crois que si je les faisais à nouveau, ça ne serait pas pardonnable.

 

Je te sens plus fin que ça, et que ce Paul parfois très agaçant...

Oui, on a du mal à l’aimer... J’espère quand même qu’on le trouve un peu attachant. Mais il est maladroit, c’est le moins qu’on puisse dire.

 

Si toi, narrateur extérieur, tu devais intervenir à un moment du récit pour donner un coup dans la gueule à Paul ou plus simplement un conseil, à quel moment, et quel serait-il ?

Dès le début ! Dès le premier jour. Lors de leur vraie première rencontre, il est malade et Joséphine arrive non pas avec trois médicaments, mais la pharmacie entière. Dès ce moment-là... et après on s’habitue. On s’habitue à tout dans la vie. À être le centre du monde, à être traité comme un prince... Et clairement, c’est pas bon. Cette attitude a causé la perte de Paul, je pense. Et il faut aussi partager ses passions, il n’y a pas que la chanson française dans la vie... Il faut savoir s’intéresser aux passions de l’autre.

 

Il y a sans surprise quand on te connaît un fond musical sonore omniprésent : celui que compose la chanson populaire des années 60-70, en ce temps où la moitié des vedettes se prénommaient Michel, dont Sardou et Delpech, parmi tes préférés. (Polnareff aussi me souffle-t-il après lecture de ce court énoncé) Qu’est-ce qui t’a fait tomber puis baigner dans ce bain-là malgré j’ai envie de dire, ton jeune âge ?

Chez ma grand-mère, c’était un peu le grand sujet : les chanteurs. Il y avait toujours de la musique qui passait. Ma grand-mère était fan de Serge Lama, ma mère aimait Sardou. Mes oncles aimaient Johnny... Il y a des familles où ça parle de politique, d’autres où ça parle de sport, moi dans ma famille c’était la chanson. On est une famille du bassin minier, ma grand-mère vivait dans les corons, mes oncles étaient ouvriers... Il y avait quelque chose... et les Sardou, les Delpech ont eu beaucoup de succès dans ces milieux populaires. Après, ce goût, c’est inexplicable. J’y suis revenu tout seul quand j’étais ado. Je théorise beaucoup sur ma passion mais il n’y a pas d’explication : si j’avais pu choisir, j’aurais peut-être choisi quelque chose qui passerait plus facilement.

 

 

Parfois on ne choisit pas ce qu’on aime ni même, qui on est, si on avait pu choisir on aurait pris le chemin le mieux accepté : je ne veux pas faire de parallèle hasardeux, mais c’est valable par exemple, aussi, pour sa sexualité. C’est tout à fait ce que dit Sardou quand il explique le texte de sa chanson Le privilège. Le gamin de cette chanson, il n’a pas choisi, et on devine bien ce qu’il lui faut de courage pour dire qui il est vraiment. Tout ça pour t’expliquer, pour en revenir à la musique  - tu remarqueras que, comme mon personnage, j’ouvre souvent de longues parenthèses ! -, que je n’ai pas choisi d’aimer la variété française. C’est un marché qui est sinistré, la plupart de ces artistes sont soit décédés, soit hors du jeu artistique. Si j’avais pu choisir, j’aurais été fan de rap, ça aurait été magnifique : j’aurais connu une époque de création foisonnante, j’aurais vu plein de concerts, des disques sortant chaque semaine, Skyrock branché tout le temps. Mais j’ai pas choisi... J’y pense parfois, je me dis : j’ai 30 ans, ils sont tous morts ou presque, qu’est-ce que je vais devenir ?

 

D’ailleurs à un moment du récit, Paul dit à Joséphine : "On aura tout le temps de voyager quand tous mes chanteurs seront morts"... Sans trop raconter l’intrigue, j’ajouterai que ce Paul très féru de supports physiques à la papa trouve finalement intérêt, et même un peu plus que ça, à s’initier à la conso numérique et au partage social de ses musiques. Et toi penses-tu sincèrement que les outils d’aujourd’hui peuvent contribuer utilement à transmettre le goût de plaisirs anciens ?

Je pense que oui. Comme mon personnage, j’en suis devenu adepte. Au moment où je te parle, je suis en voiture, mon appli tourne toute la journée. Si je veux faire découvrir des chansons à des gens autour de moi, c’est quand même plus pratique que de les faire venir dans mon bureau pour leur passer un vinyle. Là je leur passe le son, je peux leur raconter l’histoire du titre, du chanteur... Je suis un grand collectionneur de disques : j’achète des vinyles mais ils vont tourner deux ou trois fois. Par contre, la chanson, je l’écoute inlassablement, dans ma voiture ou autre, en numérique. Mon temps d’écoute, c’est 95% de numérique et 5% de physique en ce moment, et ça se rapproche des ventes actuelles. Je reste très attaché au physique, aux pochettes, etc. Mais j’aime aussi le dématérialisé, pour son côté pratique.

 

Et tu penses que ça peut aider à faire connaître ces chansons anciennes auprès de jeunes publics ?

J’espère... Après, si tu regardes le top des ventes albums, c’est beaucoup du rap, essentiellement grâce au streaming. Donc, je me fais peu d’illusions : je ne pense pas qu’un mec de 20 ans veuille se faire l’intégrale de Julien Clerc. Idem quand Cabrel ou Goldman ont finalement accepté de mettre leur catalogue en ligne : pas sûr que la jeunesse française se soit précipitée dessus... Mais prends par exemple, Bécaud. Il est à mon avis le grand oublié de la chanson française depuis sa disparition. Sa chanson Je reviens te chercher a tourné partout dans une pub liée au Covid. Je suis persuadé que des gens qui ne la connaissaient pas ont Shazamé, puis streamé... Même chose pour William Sheller, avec sa chanson Un endroit pour vivre qui a été utilisée pour la pub d’Intermarché il y a quelques mois... J’espère qu’il y a des curieux voulant découvrir une autre chanson de tel artiste, puis une autre, etc... Je pense que ça ne séduira pas des masses, mais si au moins ça plaît à quelques individus... Pour mon livre c’est pareil : ça ne séduira pas les masses, mais j’ai eu des retours de gens qui, lisant le bouquin, écoutent les chansons en même temps. Je fais des tartines, presque trop je pense, sur l’album "Comme vous" de Michel Delpech, mais plein de gens m’ont dit qu’ils l’ont écouté, et ça m’a fait super plaisir. Avoir eu cette curiosité.

 

 

Oui, il y a aussi la vertu de ces albums de reprises par des chanteurs de maintenant qui remettent en lumière des anciens... Bon, et finalement tu l’aimes notre époque ? Si un gars un peu allumé te proposait de partir en DeLorean, avoir 25 ans en 1965, tu dirais oui et si oui, aller-retour ou aller simple ?

J’adorerais ! Je pense que ce serait un aller simple. Je suis terrifié quand j’entends les mecs qui ont vécu cette génération et qui sont un peu en mode : "C’est bien d’avoir ton âge"... Bah non, en fait. Ils n’ont peut-être pas pu en profiter, mais moi, tu me fais revenir à 25 ans au milieu des années 60, je sais que je vais kiffer pendant 20 ou 25 ans.

Anecdote : je me suis très bien entendu avec un monsieur, Régis Talar, qui était le fondateur et directeur de la maison de disques Tréma, qui était la première maison de disques indépendante française. Ils ont eu Sardou en tête d’affiche, ils ont eu Aznavour et failli avoir Claude François... Je me suis lié d’amitié avec cet homme à la fin de sa vie. Il me fascinait : il avait 80 ans, mais j’allais le voir dans son bureau, bureau magnifique, des disques d’or partout, il était à genoux sur sa moquette, il se faisait sur papier les tableaux de la Coupe du monde, c’était à l’été 2018. Tel match, telle affiche, sur TF1 à telle heure... Un gosse ! Je lui demandais toujours de me raconter des anecdotes sur la création de Tréma, son développement...

Un jour j’en suis venu à lui demander : vous pensez que si j’avais eu l’âge que j’ai à cette époque-là, on aurait travaillé ensemble ? "Quoi, tu aurais voulu chanter ?" Non, être comme vous, producteur, attaché de presse, faire partie de la maison Tréma. Il m’a dit que si j’étais venu frapper à sa porte, avec ma personnalité, mon côté passionné, il m’aurait engagé. Et ça m’a fait hyper plaisir. Mais voilà, ça me fait une belle jambe. J’aurai jamais 25 ans dans les années 70, et je ne serai jamais de l’aventure Tréma ! Donc pour répondre à ta question, oui j’irais ! Mon père est né en 1955, il a l’âge de partir en retraite. Il a vécu des choses magnifiques, et je crois qu’il n’aurait pas envie d’avoir mon âge aujourd’hui. Il est bien content d’avoir eu cet âge dans les années 70.

 

Donc tu renoncerais à tout pour partir ?

(Il hésite) Moui... Il y a bien des mecs qui veulent aller sur la Lune, ou tester des choses pour être immortels. Moi ça j’aimerais bien. C’est une expérience que j’aimerais vivre !

 

Finalement, tu l’aimes un peu quand même notre époque ?

Pas des masses... Après, on a l’impression que mon personnage en souffre. Moi, je suis lucide, je pense l’être. Je vois et j’entends des trucs improbables, mais ça ne m’empêche pas de vivre. Je ne suis pas en souffrance au quotidien. Je vis, comme un mec de 30 ans, même si un peu immature, mais pas calfeutré comme lui. Je fais avec l’époque, je sais ce que j’en pense, je ne vais pas la combattre parce que je n’y peux pas grand chose...

 

Si tu avais pu passer une heure avec un artiste disparu, lequel et pour lui raconter quoi, lui demander quoi ?

Réponse très simple, parce que globalement, je n’ai pas envie de rencontrer mes idoles, par peur d’être déçu par ce qu’ils sont et par ce que la notoriété a pu faire d’eux. Parmi tous, Eddy Mitchell me semble être le mec le plus "normal" de la bande. Donc ça aurait pu être une réponse... mais la vraie réponse que je vais te faire, ce sera Dick Rivers. J’ai ce regret, et je me sens presque coupable de l’avoir tant aimé après sa mort. Je le raconte dans mon livre : ce qui m’a donné envie de découvrir Dick Rivers, c’est cet article paru le jour de sa mort, dans lequel le journaliste a trouvé le moyen de se moquer de lui, de son allure, de sa crinière noir corbeau, de ses santiags – en plus, c’était pas des santiags mais des bottes de cow-boy ; rien à voir ! Moi, j’ai trouvé ça improbable de le caricaturer à ce point, même ce jour-là... Alors, je me suis renseigné, j’ai voulu faire mon propre avis, j’ai commencé à écouter ses chansons...

Petite anecdote : avant de faire mon livre Sardou, j’ai bossé avec Amir sur lequel je faisais un documentaire, pour la télé. Un jour, je vais tourner chez Warner, rue des Saints-Pères, parce que pour ce docu je devais interviewer la patronne de la maison de disques. C’était vers l’été 2017, il n’y avait personne chez Warner. Je dis des banalités à mon interlocutrice : "C’est vide chez vous, personne ne bosse ?". Elle me répond, en gros que si, il y a Dick Rivers qui vient les "saouler régulièrement". "Et d’ailleurs, il est encore sûrement à l’étage du bas, avec son manager". Je ne connaissais pas vraiment Dick Rivers, mais je me souviens que j’ai trouvé le moyen de rire de lui, d’avoir cette complicité avec une dame que je venais tout juste de rencontrer. Maintenant je me sens coupable. Je me dis : si je savais tout ce je sais maintenant sur lui, et sachant qu’il était un étage en-dessous de moi, mais j’aurais été le plus heureux du monde, je me serais fait un plaisir d’aller le saluer et de lui dire toute l’admiration que j’ai pour lui.

 

Oui... c’est un peu triste, c’est un peu son drame : il méritait sans doute d’être mieux considéré et n’était probablement pas le plus antipathique de tous. Il y a cette anecdote aussi, de Drucker qui n’a jamais voulu lui consacrer un "Vivement dimanche". C’est un bel hommage que tu lui rends...

En tout cas ça me tenait à cœur de le faire. Il était sur la ligne de départ, avec Eddy et Johnny, et maintenant il est le laissé-pour-compte. Au début, il est au même niveau qu’eux, et avec les Chats sauvages ils démarrent très fort. Pourquoi ? Délit de sale gueule ? Parce qu’il est un provincial alors que les deux autres sont des Parisiens ? Certes il n’écrit pas comme Eddy. Physiquement, il n’est pas Johnny. Mais pour moi, sa voix est magnifique. C’est le Johnny Cash français, et on n’en a pas assez pris conscience. Il a toute sa vie couru après les deux autres, quitte à être archi-pénible (ce que je raconte aussi). Mais l’étant moi-même, si je l’avais rencontré je pense que j’aurais pu le comprendre.

 

 

As-tu eu d’encourageants premiers retours, notamment peut-être de la part de gens dont s’est inspirée ton histoire, ou d’artistes que tu suis et qui désormais vont peut-être te suivre aussi ?

Oui, j’ai eu beaucoup de retours. Ce qui m’a touché, c’est de me dire que des mecs qui n’ont jamais lu de bouquin - et j’en ai quelques uns autour de moi - l’ont lu, et parfois m’ont fait des retours en temps réel et précis. Par exemple, mon gardien au foot qui n’avait pas lu de livre depuis le collège. Le patron d’un bar dans lequel j’ai mes habitudes, qui est devenu un ami, pareil. Certains m’ont dit que ce que ressentait mon personnage, ils l’avaient ressenti aussi. C’est bien. C’est un truc un peu nombriliste au départ je le reconnais, mais finalement pas mal de gens peuvent s’y retrouver. Voilà un truc qui me fait vraiment plaisir !

 

Ta playlist idéale, un top 10 pour passer du rire aux larmes ou des larmes au rire, sorte de montagnes russes des émotions ?

(Réponse parvenue par écrit quelques jours plus tard, le 13 juillet, après réflexion "à tête reposée").

En créant la playlist Chagrins populaires sur les différentes plateformes de streaming, j’ai pris conscience qu’à l’heure actuelle, il m’était impossible d’écouter les titres qui la composent. D’une certaine façon, aujourd’hui, c’est comme si j’étais trop heureux pour goûter des chansons aussi tristes. Puisque tu me demandes de composer une nouvelle playlist dans le cadre de cette interview, j’ai décidé de prendre le contre-pied  : que des chansons euphorisantes  ! D’un point de vue mélodique, tout au moins…

William Sheller – Les filles de l’aurore
Florent Pagny – Ça change un homme
Michel Sardou – Valentine Day
Hubert-Félix Thiéfaine – Mathématiques souterraines
Archimède – Je prends
Bénabar – Les belles histoires
Dick Rivers – Si j’te r’prends
Eddy Mitchell – À travers elle tu t’aimes
Sheila – Je suis comme toi
Janie – Compile

 

 

D’ailleurs il y a du vrai dans cette histoire de playlist qui, dans le roman, rencontre un grand succès ?

Pas vraiment, mais on peut faire un parallèle avec mon livre sur Sardou : un petit succès que j’ai pu connaître à ce moment-là...

 

Est-ce que tu écris des chansons, est-ce que tu composes un peu de la musique et si oui, tu attends quoi pour nous faire découvrir tout ça ?

Non. J’adorerais. Je n’ai malheureusement pas ce talent. Je trouverais ça génial mais je serais incapable de faire ça.

 

Écrire des chansons, je pense que tu ferais ça bien !

Il faudrait que je m’y attelle... Je suis admiratif : en 30 lignes ils arrivent à dire avec plus d’efficacité ce que moi j’ai mis 200 pages à exprimer !

 

Un message pour quelqu’un, n’importe qui ?

Si William Sheller lit l’interview, j’aimerais qu’il sache qu’il a été mon plus fidèle compagnon pendant des mois, notamment pendant l’écriture du livre, et que je lui dois beaucoup. Je parlais tout à l’heure de la chanson Un endroit pour vivre ; pour toute te dire, William Sheller était devenu un peu mon "endroit pour survivre" ! Je l’écoutais du matin au soir. Je m’en veux de le délaisser un peu, mais comme aujourd’hui je suis quand même mieux dans mes baskets qu’après cette rupture... Quand t’es heureux, t’écoutes pas William Sheller. Pour moi, il est, peut-être avec Jacques Revaux, dans un style plus populaire, le plus grand compositeur contemporain. Un musicien exceptionnel, et aussi un excellent auteur. Et un merveilleux interprète ! J’adore sa voix. Elle me touche. Pas forcément besoin d’une grande voix qui va atteindre des notes impossibles. Barbara lui disait : "Tu n’es pas un chanteur, tu es un diseur". Moi, ça me va très bien !

 

Tu l’as déjà rencontré ?

Non, je ne l’ai jamais rencontré.

 

Ne refais pas la même erreur qu’avec Dick !

Après, William Sheller, c’est quelqu’un qui a un certain âge aujourd’hui, il vit retiré du milieu du show biz, il vit en Sologne et je pense qu’il n’a pas trop envie qu’on l’embête. Parfois on a échangé par écrit. C’est déjà magnifique...

Il y a une histoire assez fascinante, avec William Sheller : l’an dernier, il a sorti son autobiographie. Il y a eu un peu de presse, et notamment une double page dans Le Parisien avec une grande photo sur laquelle il posait devant sa bibliothèque. Je regarde la photo, et un truc m’attire l’oeil : je vois que, parmi ses livres, il y a mon livre, Sardou : Regards... Comme je lui avais écrit, qu’il m’avait répondu, comme je lui ai un peu raconté ma vie dans une de mes lettres, je pense qu’il a acheté mon bouquin. Je ne vois pas d’autre explication : je ne pense pas qu’il soit un fan de Sardou. Me dire que je suis dans la bibliothèque de William Sheller, je trouve ça incroyable ! Et ça me fait penser que peut-être je devais lui envoyer mon roman...

 

Ça sans doute, et je ne peux que t’engager vigoureusement à le faire. Avec une ouverture, dans la dédicace, pour faire quelque chose avec lui... Justement, tu m’as parlé un peu de tes projets. C’est quoi tes projets et surtout tes envies pour la suite ? Penses-tu avoir pris le goût de l’écriture de romans ?

Mes projets... c’est marrant, j’ai eu une conversation il y a deux/trois jours avec un journaliste belge passionné de chanson française comme moi. Quand je dis que je suis lucide, je le suis y compris sur le fait de dire que, cette passion pour la chanson française, je pourrais la conserver toute ma vie mais je ne pourrais pas en faire une partie de mes activités professionnelles toute ma vie. Les impératifs commerciaux étant ce qu’ils sont, il me reste peut-être quelques années encore, peut-être un livre à faire autour de cette passion. Pourquoi pas sur Eddy Mitchell, la dernière des légendes vivantes ? Je pourrais bien lui consacrer quelques mois de travail. Mais pas sur le modèle de mon livre sur Sardou. Je ne veux pas faire une "collection" Regards comme on m’a suggéré.

S’agissant d’un futur roman, pourquoi pas mais ça n’aurait plus rien à voir avec moi. Il pourrait y avoir des références à la chanson française, mais beaucoup moins marquées. Par ailleurs j’ai d’autres projets liées à d’autres passions. De manière générale, j’ai envie de pouvoir vivre de mes passions le plus longtemps possible...

 

Belle réponse. D’ailleurs tu ne m’avais pas parlé d’un projet de livre sur Serge Lama ?

Je suis un peu poissard, comme mec... J’avais un projet qui se serait appelé Serge Lama : Carnets de tournée ou Carnets d’adieux, on ne savait pas trop. Je l’avais suggéré à sa productrice et épouse, Luana. L’idée, c’était de suivre sa dernière tournée derrière les rideaux, comment se sent Serge Lama, ou plutôt, que ressent un chanteur de variétés aussi populaire, qui a tourné sur toutes les routes de France pendant 60 ans, quand il chante pour la dernière fois à Bordeaux sa ville natale, à Lille, le soir de son tout dernier spectacle... C’était le plan, mais ça a été annulé, parce que Serge Lama a annulé sa tournée... Dommage, ce projet me tenait à cœur, ça n’était pas une commande mais quelque chose que moi j’avais imaginé, et j’avais très envie de le faire.

 

Tu vas le lui envoyer ton roman, à Sardou ?

(Il réfléchit) Je peux le lui envoyer. Après je me dis qu’il y a trop d’états d’âme, trop de "moi" là-dedans, je n’ai pas envie d’encombrer les artistes que j’aime avec ce côté un peu nombriliste du personnage. Bien sûr que je serais hyper content que William Sheller lise les cinq ou six pages qui lui sont consacrées, que la veuve de Dick Rivers lise les chapitres où je lui rends hommage, que Sardou lise ce que j’en dis et qui témoigne de mon admiration constante pour lui. Pourquoi pas. Il a mieux à lire Michel, il a lu de grands livres dans sa vie, il n’est pas né pour ça.

 

S’il est dans un bon jour ?

Question de timing ! (Rires)

 

As-tu un dernier mot ?

Non... Je suis ravi de cet échange. Si moi j’avais un blog, je ne m’intéresserais pas à Bastien Kossek qui a sorti Chagrins populaires. Qu’un média s’intéresse à moi me fait plaisir. Et là ça me fait d’autant plus plaisir que toi tu l’as lu et bien lu. Je ne peux que te dire merci !

Entretien réalisé le 7 juillet 2022.

 

Bastien Kossek 2022

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !


02 avril 2018

« Faut-il désespérer… de vous revoir chanter un jour ? » Michel Sardou, La Dernière Danse, Hommage

Dans une dizaine de jours, il est prévu que Michel Sardou donne les deux derniers concerts de sa carrière (il les avait repoussés il y a peu, pour raison de santé). Une dernière danse ; après, si on en croit ses promesses en tout cas, ç’en sera fini de sa carrière de chanteur. Et quel chanteur ! Quelle carrière ! 53 ans de carrière, 100 millions de disques vendus. Deux interviews de biographes, deux articles ont déjà été consacrés à l’artiste et à l’homme, sur Paroles d’Actu : l’un avec Frédéric Quinonero (juin 2014), l’autre avec Bertrand Tessier (octobre 2015). Je raconte un peu, dans mon intro du premier article, mon histoire perso par rapport à l’artiste Sardou ; je ne le referai pas ici et invite ceux que ça intéresse à relire ce texte, et ces deux docs.

À partir du 4 avril, la nouvelle bio que Frédéric Quinonero consacre à Sardou, Michel Sardou : sur des airs populaires (City éditions) sera dispo dans toutes les bonnes librairies. Si vous lisez régulièrement ce blog, vous connaissez bien Frédéric, sa force de travail, sa grande capacité de synthèse, la qualité de sa plume, et l’heureuse bienveillance dont il fait montre dans ses ouvrages : je ne peux que vous inviter à aller découvrir ce livre, et suis prêt à parier que vous ne serez pas déçus.

Il y a quelques semaines, j’ai fait la connaissance, via internet, de Bastien Kossek, un garçon très sympa et très fan de Sardou qui, lui aussi, porte un projet d’ouvrage ambitieux sur le chanteur : ça s’appellera Regards, c’est en cours de développement, et ce sera suivi de près ! J’ai proposé à Frédéric et à Bastien de répondre à une interview croisée sur Sardou. Chacun a répondu aux questions de son côté, il ne sait pas ce que l’autre a répondu. Deux générations d’auteurs qui aiment Sardou et écrivent sur lui, ça se ressent, et c’est très intéressant.

Je suis heureux, également, d’avoir invité, comme guests surprises, deux amis fidèles, connus au temps où j’étais actif sur la très chaleureuse communauté de l’An Mil : son webmaster Gianni, alias Giros, et Dominique alias Lanatole, une des fans les plus actives. Deux personnes adorables qui ont accepté de m’écrire, chacun, un texte émouvant où il racontent leur histoire avec Sardou. Ils se sont également trituré les méninges, et à l’occasion crevé le coeur pour choisir, parmi le répertoire de leur idole, 15 chansons dont pas plus de la moitié de gros tubes, à ma demande. Histoire d’avoir, en fin d’article, une liste de chansons moins connues à proposer aux lecteurs qui le connaissent moins. Avec Frédéric et Bastien, ça fait quatre listes. Avec moi, ça fait cinq. Je me suis donc prêté au jeu moi aussi.

Mes chansons, donc. La colombe (1971). Danton (1972). Le France (1975). Je vous ai bien eusLa vallée des poupées, La vieille (1976). Je ne suis pas mort je dors (1979). La pluie de Jules César (1980). Le mauvais homme (1981) version live 2011. Il était là (1982). L’An MilVladimir Ilitch (1983). Vincent (1988). Putain de temps (1994). Rebelle (2010). Comment ça j’ai déjà atteint les 15 ? Je vais les mettre où, Un enfant et Le monde où tu vas ? Mais qui a posé cette règle à la c**... ? ;-) Une liste, très personnelle, comme chacune des cinq listes de cet article, parce que comme le dit Bastien Kossek, « il y a un Sardou pour chacun ». Je précise au passage que j’ai parsemé l’article de beaucoup, beaucoup de liens vers des chansons sur YouTube, pour que les lecteurs les découvrent.

Je demande aussi, parmi les questions posées, aux intervenants de sélectionner un objet ou une photo emblématique de Sardou, pour eux. J’ai pris cette photo, hier soir : ce 33T de l’album de 1976, pour moi de loin le meilleur de Sardou. Il appartenait à mon père. N’ayant pas de saphir pour le vieux tourne-disque (NB : dans la to do list), je n’ai pas écouté de vinyle depuis belle lurette. Mon père, donc, était ouvrier, et compagnon de route de la CGT sincèrement attaché aux valeurs portés d’amélioration des conditions de travail et de vie des plus laborieux. Je crois qu’il s’était éloigné de Sardou, en partie parce que le Sardou engagé, ça l’embêtait un peu, et que ça ne se limitait pas à la belle image du patron de la CGT l’embrassant sur les chantiers de Saint-Nazaire à l’époque du France. Il avait été un peu étonné de voir que j’aimais Sardou, mais m’avait proposé de me prendre un billet pour aller le voir une première fois, en 2005. J’avais pris deux billets, un pour moi, et un pour lui.

Un soir de juillet de cette année, direction le beau cadre du théâtre antique de Vienne (Isère). Très beau show, et un Sardou au top. Mon père, plus jeune que Sardou de quatre ans, me fait comprendre après le concert qu’il a apprécié ce moment. « Il a encore la forme, le père Sardou. Et tu as vu, quand il a chanté L’Aigle noir de Barbara, il a levé la main au ciel, vers la vierge (celle de la chapelle qui surplombe la scène). » Il avait aimé. Bien sûr, tout comme moi, il aimerait moins Allons danser, chanson sortie un an plus tard, un titre qui avait un côté « moralisateur dans le confort » assez déplaisant, et qu’on aurait cru écrit par François de Closets : « Parlons enfin des droits acquis, Alors que tout, tout passe ici bas, Il faudra bien qu’on en oublie, Sous peine de ne plus jamais avoir de droits ». Et cette ligne, qui sonne décidément bizarre dans une chanson : « Se prendre en charge, et pas charger l’État... ». Préférer, de loin, sur ce thème de la transmission bienveillante, Le monde où tu vas. Bref. Mon père n’est plus là aujourd’hui, mais je suis content d’avoir partagé cette soirée de juillet 2005 avec lui. Et de lui avoir redonné l’envie de s’intéresser à Sardou, dont il avait aussi un album live daté de 1971, et que j’ai toujours (le saphir, le saphir !). 

MS 1976

En janvier 2013, j’avais écrit des questions pour Michel Sardou (on ne sait jamais !) et les avais envoyées à un site officiel par je ne sais plus quel biais. Deux jours après je recevais ce mail, un de ceux qui m’auront le plus touché. « Je serais ravi de répondre à vos questions (...) mais, de grâce, n’en posez pas trop à la fois. Cela ressemblerait à un livre écrit à deux. De plus, je n’aime pas parler de moi. À la question des regrets, je n’en ai aucun. Ceux qui n’ont pas compris à l’époque ne comprendront pas plus demain. Pour le reste, j’ai suivi une route ; celle qu’il y avait devant moi. J’ai commencé à écrire très jeune, ce qui pourrait expliquer quelques maladresses, mais je ne m’excuse jamais. Sauf quand je suis impoli. L’avenir ? Je verrai bien. Ou mieux, je ne le verrai pas. Il est désormais derrière moi. Bien à vous, Michel. » Il n’y aura pas d’interview à la suite de cet échange, mais ce mail, venant de lui (quand même, LUI !) m’avait vraiment fait plaisir. L’avenir, on vous le souhaite radieux et chaleureux Michel. Merci à toi pour tout ce que tu as donné. Merci à vous tous, Dominique, Gianni, Bastien, Frédéric, pour vos contributions pour cet article exceptionnel. Hommage à un artiste authentiquement populaire. Une exclu Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Sardou Sur des airs populaires

Michel Sardou : sur des airs populaires, City éditions, 2018.

 

F. Quinonero : « Faut-il désespérer…

de vous revoir chanter un jour ? »

MICHEL SARDOU - LA DERNIÈRE DANSE - HOMMAGE

 

 

partie I : l’interview croisée

 

Frédéric Quinonero, Bastien Kossek bonsoir, et merci à vous deux d’avoir accepté de répondre à mes questions, pour Paroles d’Actu. Frédéric, les lecteurs du blog savent déjà qui tu es, ils connaissent tes écrits... Bastien, en ce qui te concerne, ce n’est pas encore le cas. Quelques mots sur toi, sur ton parcours ?

Bastien Kossek : Déjà une question difficile (sourire) ! Je suis incapable de trouver le mot qui résumerait mes activités. Si je faisais du pain, je dirais que je suis boulanger, et ça serait très simple (rires) ! Là, c’est un peu plus compliqué, à l’image de mon parcours, finalement. On peut dire que je suis un « touche-à-tout » principalement attiré par l’interview : un passeur de parole. Provoquer la rencontre, recueillir les témoignages, organiser une conversation, apprendre des choses, en comprendre d’autres : voilà ce qui me passionne en premier lieu. Au fond, c’est le sens de tous les jobs que j’ai faits jusqu’ici : une petite émission de télé sur Melody (« Rendez-vous avec… »), de la radio sur France Bleu, de longs entretiens pour le site internet du journal L’Équipe, l’animation des débats lors d’avant-premières dans les cinémas UGC, et l’écriture de documentaires pour une société de production audiovisuelle.

 

Votre actu à tous les deux est très colorée Sardou, et ça tombe plutôt bien, puisque c’est le fil conducteur de notre échange. Pour toi, Frédéric, il y a la sortie de ta dernière biographie, Michel Sardou, sur des airs populaires (City Éditions, avril 2018) ; quant à toi Bastien, c’est un projet de livre qui, petit à petit, prend forme. Quelle est, pour l’un et pour l’autre, l’importance de Michel Sardou dans votre univers musical, et peut-être dans votre vie ? Sans forcément en faire une « maladie », est-ce qu’on peut parler d’histoire d’amour, et si oui depuis quand existe-t-elle ?

 

F. Quinonero : « Je chantais Les Bals populaires debout

sur la table à la fin des repas de famille ! »

 

Frédéric Quinonero : J’ai eu une culture musicale très populaire. Et Michel Sardou a fait partie de ces chanteurs que j’entendais dans le transistor, à la télé chez Guy Lux ou les Carpentier. Ses chansons étaient reprises dans les bals pendant les fêtes de village. Ce sont ces souvenirs-là qui me viennent quand je pense à lui. Je l’ai connu avec Les Bals populaires (d’où le titre de mon livre, qui m’est venu spontanément), que je chantais debout sur la table à la fin des repas de famille, et il a accompagné toute ma vie depuis mon enfance, avec Johnny, Sylvie, Sheila, Dassin, Fugain, toute cette génération-là. Je me souviens de La Maladie d’amour que le type des autos tamponneuses de la fête foraine d’Anduze passait sans arrêt pendant l’été 73, puis de mes premiers flirts sur Je vais t’aimer et Dix ans plus tôt. Puis Je vole, le bien-nommé, que j’avais piqué à Montlaur, et l’album « Verdun » (1979) qu’on écoutait en boucle avec mon ami Bruno et ses potes dans les rues de Lyon… Mes madeleines à moi.

 

Bastien Kossek : (rires) Pour ma part, elle court, elle court… depuis le milieu des années 2000 ! Il faut savoir que ma maman – mais aussi ma grand-mère, mes tantes… – ont toujours adoré Sardou. C’est un peu une maladie familiale, un virus qui se transmet ! Ma mère, c’est une grande admiratrice ! Quand elle était ado, elle a fait partie de son Fan Club – seulement un an, par manque de moyens – et sa chambre était tapissée de posters de Michel. Enfant, j’ai été bercé par ses chansons, et je crois même que j’ai appris à lire avec les livrets qui se trouvaient à l’intérieur de ses albums. Des photos en témoignent (sourire) ! Après, j’ai connu une période – comme tout le monde, j’imagine – durant laquelle j’ai voulu me différencier, ne pas écouter la même chose que mes aînés. Alors, dans la voiture, pour ne pas entendre Sardou, j’écoutais des groupes de rock, le volume des écouteurs à fond ! Et puis, petit à petit, je suis revenu dans le droit chemin (rires). D’abord avec l’album « Du plaisir » (2004), qui était très moderne dans ses sonorités et, définitivement, grâce à « Hors Format  » (deux ans plus tard, en 2006), qui est une merveille, que ce soit dans l’écriture, le choix des thèmes, les ambiances. Depuis, Sardou ne m’a plus quitté, et il a même pris une place assez centrale dans ma vie…

 

Parlez-nous, l’un et l’autre, de votre démarche pour vos ouvrages respectifs, s’agissant de leur construction mais aussi, en particulier, les prises de contact, les témoignages recueillis... Je crois que le tien, Bastien, sera largement composé de témoignages inédits. Quant à toi Frédéric, je sais que cette bio a été autorisée par l’intéressé après avoir été validée par son épouse Anne-Marie. En quoi diffère-t-elle de Vox Populi, le premier ouvrage que tu avais consacré à Sardou en 2013 ?

 

Frédéric Quinonero : J’ai repris la trame de Vox Populi, un compromis entre la biographie chronologique et les thématiques des chansons de Michel. J’ai tout revu, relu, modifié, amélioré, actualisé. Je ne sais pas relire un texte de moi sans le corriger phrase après phrase. Alors, cinq ans après, tu penses !... Vox Populi était très illustré, et le texte se perdait un peu parmi toutes ces belles images. J’avais envie qu’il soit mis en valeur, qu’il se suffise à lui-même. C’est le cas ici. Ensuite, Cynthia (la fille de Michel Sardou, qui est également écrivain, ndlr) et Anne-Marie Sardou l’ont relu et approuvé. Puis, Vline Buggy (auteure de Les Bals populaires, Et mourir de plaisir et J’habite en France, ndlr) m’a écrit une belle préface. C’était le moment ou jamais de le sortir, puisque se tourne la page musicale de la carrière de Michel.

 

B. Kossek : « Quand il a annoncé qu’il arrêtait

sa carrière de chanteur, j’ai ressenti comme une forme

d’urgence : c’était maintenant ou jamais. »

 

Bastien Kossek : En tant que fan, puisque c’est comme ça que me considère avant tout, j’avais envie de quelque chose de neuf. J’ai trop souvent été frustré par des interviews répétitives, des reportages convenus, etc. Ça faisait longtemps que j’avais envie de proposer autre chose, mais je me freinais. Je ne connaissais, ni Sardou, ni son entourage, et je ne savais pas comment y accéder. J’avais l’impression d’être au pied d’une montagne. Et puis, je ne me sentais pas vraiment légitime. C’est une envie profonde que j’avais, mais je repoussais un peu le truc. Quand il a annoncé qu’il arrêtait sa carrière de chanteur, j’ai ressenti comme une forme d’urgence : c’était maintenant ou jamais. J’ai beaucoup réfléchi, me suis posé pas mal de questions. Que suis-je capable de faire ? Que pourrais-je apporter de nouveau ? Qu’est-il envisageable de proposer ? Je savais pertinemment que Michel ne s’impliquerait pas directement dans ce projet. Même si c’est une idée qui me séduisait, j’avais conscience qu’un livre d’entretiens – avec lui – n’était pas réalisable. Alors, j’ai imaginé un recueil autour du thème du regard, afin que des personnes très différentes, qui l’ont côtoyé dans des circonstances diverses, me racontent « leur » Michel Sardou.

 

Regards

Regards, de Bastien Kossek. Visuel temporaire.

 

Ce printemps 2018, c’est la date qui a été choisie par Michel Sardou pour tirer sa révérence, et quitter la scène musicale (disques et concerts), après une ultime tournée (ses deux derniers concerts, prévus pour la fin mars, ont été repoussés à la mi-avril pour raisons médicales). Il ne quitterait pas le monde du spectacle mais irait un peu plus encore vers le théâtre. Déjà, est-ce que vous y croyez, à un retrait définitif du monde de la chanson ? Et quel regard portez-vous, à la fois sur cette dernière période, et bien sûr sur sa carrière, qui se sera donc étendue sur cinq décennies ?

(restera-t-il encore ?)

Bastien Kossek : Ce n’est pas la première fois que Sardou annonce qu’il arrête la chanson, ou plutôt qu’il planifie une fin de carrière musicale à court ou moyen terme. Quand il avait une trentaine d’années, déjà, il l’évoquait ! Il était définitif, disait : « Dans cinq ans, j’arrête la chanson ! » Simplement, c’est beaucoup plus facile d’annoncer ça quand on est jeune et en pleine possession de ses moyens, qu’aujourd’hui. À l’âge qui est le sien, je pense que c’est une décision sans retour possible. Une décision qui, au fond, ne doit pas le laisser insensible. Je pense qu’il n’arrête pas le cœur léger : il le fait parce que c’est un homme digne, relativement lucide. Je dis relativement, parce que d’un côté, il a conscience que ses capacités vont baisser avec le temps, et que certaines chansons – Je vais t’aimer, pour prendre l’une des plus emblématiques – ne sont plus adaptées à sa voix, ni à l’homme qu’il est. D’un autre côté, je pense qu’il aurait pu – j’aimerais écrire, qu’il peut – faire évoluer sa carrière, piocher dans d’autres titres de son imposant répertoire, aller vers plus de dépouillement, de simplicité, de proximité. Il y a eu des fins de carrières magnifiques ! Prenez – dans un autre style – Johnny Cash, que Sardou adore, et qui a su se réinventer dans les dernières années…

 

F. Quinonero : « Je crois sincèrement que son souhait le plus cher

est de terminer sa carrière au théâtre. Comme son père. »

 

Frédéric Quinonero : Il a vraiment décidé d’arrêter la chanson. C’est une décision qui couvait depuis quelques années. Je crois qu’il est allé au bout de ses envies et de ses possibilités. Sa tessiture vocale s’est réduite avec le temps, et il a conscience que Sardou qui chante Le France ou J’accuse avec une octave en moins dans la voix ce n’est plus Sardou  ! Il y a aussi une question d’endurance : il faut avoir la santé pour chanter de ville en ville… La scène c’est donc fini. Alors, peut-être, si l’inspiration revient, on aura droit à un nouveau disque… Mais je crois sincèrement que son souhait le plus cher est de terminer sa carrière au théâtre. Comme son père.

 

Sardou a traversé plusieurs époques, il s’est essayé à différents styles. Le chanteur a évolué, l’homme a mûri. Est-ce qu’il y a une époque, un Michel Sardou que vous, vous préférez ? Un album que vous mettriez en avant ?

 

Frédéric Quinonero : Sans hésitation, et malgré les polémiques qu’il a suscitées à ce moment-là, les années 1970. Mon côté nostalgique me renvoie à l’album « J’habite en France  », le premier qu’on m’a acheté quand j’étais môme. Mais mon préféré, si j’en juge d’après le nombre de plages que j’apprécie, est « Verdun » (1979). Outre les souvenirs personnels que m’évoque l’écoute de ce disque, je ne me suis jamais lassé de titres comme Je n’suis pas mort, je dors, L’Anatole, Carcassonne ou Verdun. Du grand Sardou !

 

Hors Format

L’album « Hors Format » (AZ-Universal, 2006), choix de B. Kossek.

 

Bastien Kossek : Je vais te faire une réponse de Normand, parce que l’homme, je l’aime à toutes les périodes (sourire) ! Je découperais sa carrière en trois périodes distinctes. D’abord, il a été un mec fougueux, d’une totale clarté dans ses sentiments comme dans ses intentions, parfois maladroit, et profondément épicurien. Ensuite, à partir des années quatre-vingt, j’ai l’impression qu’il a évolué, tendant vers plus de retenue, de pondération. Il a alors acquis une véritable stature, et il était très brillant dans chacune de ses prises de parole. Enfin, une dernière période – depuis dix ans, peut-être – qui semble condenser les deux précédentes, à ceci près qu’il n’a plus rien à prouver – tout en restant professionnel – et qu’il fait désormais ce qu’il a envie.

 

Quant à l’album, ce serait « Hors Format », forcément ! Pour moi, c’est la quintessence de ce qu’a proposé Sardou : c’est varié, puissant, audacieux. Il y a des grandes fresques qui ont fait sa légende (Beethoven), des chansons populaires dans la lignée de ses plus grands tubes (Valentine Day), des titres extrêmement forts émotionnellement (Les yeux de mon père, Nuit de satin), des thèmes de société qui visent juste (Les villes hostiles), et des morceaux d’une noirceur insoupçonnée dans son répertoire (On est planté, Je ne suis pas ce que je suis). Je crois que cet album est le plus personnel et le plus créatif qu’il ait réalisé. En te répondant, je m’aperçois que je mets de côté Jacques Revaux, à qui je voue pourtant une admiration sans bornes, et sans qui Sardou n’aurait sans doute pas accompli la même carrière. Un crève-cœur de te répondre, donc !

 

Sardou a su s’entourer, à son meilleur, des auteurs et des compositeurs les plus talentueux de leur époque. Mais on remarque aussi, dans les crédits de ses albums, que souvent, il apparaît parmi les auteurs - moins en tant que compositeur. Finalement, dans quelle mesure a-t-il effectivement « écrit » (et non pas simplement « retouché ») certaines de ses chansons ? Combien en a-t-il écrites en propre ? Frédéric, peut-être ?

 

Bastien Kossek : Je laisse donc Frédéric te répondre, tout en précisant que pour mon livre, j’ai interrogé trois des co-auteurs majeurs de Sardou. Ce qu’ils disent de lui – en tant qu’auteur – est aussi passionnant qu’instructif…

 

F. Quinonero : « À la grande époque, lors de sa collaboration

avec Pierre Delanoë, Sardou édulcorait le côté "engagé à droite"

de son partenaire par son penchant romanesque... »

 

Frédéric Quinonero : Entre 80 et 90 chansons sont créditées à son nom seul en tant que parolier. J’ai compté neuf titres qu’il a entièrement écrits, paroles et musique : J’y crois, L’Anatole, Verdun, Les Noces de mon père, Mélodie pour Élodie, 55 jours, 55 nuits, La Chanson d’Eddy, Tout le monde est star, La vie, la mort, etc... Difficile ensuite d’estimer sa part réelle de créativité (d’autant qu’elle varie selon l’inspiration) dans les collaborations avec Delanoë, Dessca, Billon, Dabadie, Barbelivien, Vline Buggy et les autres. Il a souvent dit que Vline Buggy – et elle le confirme dans la préface qu’elle m’a écrit – lui avait appris à aller à l’essentiel dans l’écriture, à se débarrasser de la mauvaise poésie qui parasitait ses premiers textes, à l’époque Barclay. Jacques Revaux prétend que Sardou intervenait toujours sur l’écriture d’une chanson, à pourcentages variables, et même si ce n’était qu’un apport minime il apportait la touche finale, ce qui faisait que la chanson allait marcher, le truc en plus, la cerise sur le gâteau. On peut s’aventurer à dire aussi qu’à la grande époque, lorsqu’il travaillait en complicité avec Pierre Delanoë, l’un (Delanoë) y allait franco dans le côté «  engagé à droite  », que Sardou édulcorait par son penchant romanesque… Ce fut le cas notamment dans Vladimir Ilitch : Delanoë a versé dans le pamphlet anticommuniste, tandis que Sardou s’est laissé porter par le souffle épique de l’histoire.

 

Michel Sardou traîne depuis les années 70 et les chansons les plus polémiques (Je suis pour, qu’il dit avoir été maladroite ; Le Temps des colonies, dont il déplore qu’elle soit lue au premier degré ; on peut aussi citer dans les années 80 et 90 les titres engagés Vladimir Ilitch, Le Bac G, et plus tard la dispensable Allons danser) une image d’ « homme de droite », largement amplifiée par des prises de position, sur le plan politique notamment. Alors, cette image, réalité ou, comme souvent avec lui, pas « noir ou blanc mais d’un gris différent » ?

 

Bastien Kossek : Le truc, c’est que ce sont les chansons que tu cites qui ont été mises en avant. Si, en début de carrière, Sardou avait rencontré le succès avec des titres comme Danton, God save, ou Zombie Dupont, peut-être qu’on lui aurait apposé l’étiquette du chanteur de « gauche ». Bon, je reconnais qu’avec ces trois chansons, les chances de succès étaient minces (rires) ! Personnellement, le positionnement politique des titres de Sardou, c’est un débat qui ne m’a jamais vraiment intéressé. C’est réducteur, et un peu vain…

 

F. Quinonero : « Par tradition familiale, en souvenir de Fernand

qui se levait quand De Gaulle parlait dans le poste,

Sardou s’est longtemps dit gaulliste... Aujourd’hui,

il ne croit plus en l’homme providentiel. »

 

Frédéric Quinonero : Il est plutôt de droite, oui. Et ne peut concevoir l’idéal de gauche, communautaire et égalitaire. Cela ne fait pas partie de son éducation. Même s’il n’est pas contre les tendances redistributives que l’on trouve le plus souvent à gauche. Par tradition familiale, en souvenir de Fernand qui se levait quand De Gaulle parlait dans le poste, Sardou s’est longtemps dit gaulliste. Mais on ne sait plus trop ce que ça veut dire, être gaulliste, aujourd’hui. Comme beaucoup de Français, la vérité ne vient jamais d’où il l’attend. Et il ne croit plus en l’homme providentiel. Aux dernières élections, il a trouvé en Macron un bon compromis. Ni de droite, ni de gauche. Mais on peut espérer que ses espoirs seront encore déçus. (Rires)

 

Est-ce que dans votre vie, l’un et l’autre, vous avez été « gênés » parfois d’aimer Sardou, par rapport à vos proches, vos amis, etc ? Par rapport à l’image qu’il  dégagerait, à ses prises de position, etc. C’est « dur » parfois d’assumer qu’on aime Sardou, franchement ?

 

Frédéric Quinonero : Je vais reprendre ce que je te disais dans une précédente interview. Adolescent, quelques chansons m’ont marqué, mais le personnage me dérangeait. Comme je baignais dans un milieu de gauche, on ne tolérait pas autour de moi qu’un chanteur use de sa notoriété pour se prononcer en faveur de la peine de mort, à un moment crucial où l’opinion publique réclamait à cor et à cri la tête d’un homme – finalement, cet homme fut emprisonné, puis un autre, inculpé dans une autre affaire et dont la culpabilité demeure discutable, fut guillotiné. En réalité, je répétais ce que l’on disait autour de moi, car j’étais très jeune. Pas tant dans ma famille, car mon père adorait Sardou, que dans mon cercle d’amis et celui de ma sœur, plus âgée que moi. À la radio ou dans les fêtes de village, j’aimais entendre Je vais t’aimer ou Le France, alors que je m’interdisais d’acheter les disques. Même J’accuse, j’aimais bien ! Notamment son intro pompière… Mais au lycée, je ne m’en vantais pas.

 

B. Kossek : « Plus le mec en face de moi se montre méprisant

au sujet de ma passion pour Sardou, plus j’en rajoute.

Je vais même te dire : j’adore ça ! »

 

Bastien Kossek : J’ai vite compris qu’aimer Sardou était perçu de manière très particulière, mais je n’ai jamais été gêné. Au contraire, plus le mec en face de moi se montre méprisant à ce sujet, plus j’en rajoute. Je vais même te dire : j’adore ça ! Je me rappelle qu’au lycée, au-delà des idées préconçues que j’entendais sur l’artiste que j’admirais un mec m’avait lancé : « Mais il est vieux, ton Sardou ! Quand il va mourir, tu vas pas être bien ! » Alors, pour être aussi con que lui, j’avais répondu : « C’est sûr que ça me fera plus de peine que quand ça sera ton tour ! » C’était pas hyper malin, mais je le pensais profondément (rires). Quant à mes amis, je crois qu’ils apprécient tous Sardou ! Faut dire que je ne leur ai pas laissé le choix (rires). Plus sérieusement, je pense qu’il y a un Sardou pour chacun, que tout le monde – dans la variété de son répertoire – peut trouver de quoi être concerné, ému, enthousiasmé. Mon meilleur ami est un grand fan de rap, mais quand je fouille dans sa playlist Deezer, je trouve toujours quelques titres de Sardou…

 

Sardou proclame souvent qu’il « n’est pas l’homme de ses chansons », sous-entendu, sauf dans de rares cas, il ne raconte pas sa vie mais se met dans la peau de personnages. Est-ce pour cette raison qu’on a tant de mal à cerner l’homme derrière le personnage parfois ? En tout cas, il se démarque ici d’autres artistes, qui vont plus volontiers vers des chansons personnelles. Est-ce que cette espèce de détachement vis-à-vis de ce qu’il chante a des conséquences sur la manière dont on perçoit l’homme (une image un peu froide qui pour certains peut encore lui coller à la peau), et dont ses chansons sont reçues par le public (puisqu’elles ne racontent pas sa vie, on peut s’identifier plus facilement à elles) ?

 

« Je n’sais pas faire le premier pas, 

Mais vous savez déjà tout ça.

Je n’suis pas l’homme

De mes chansons, voilà. »

Salut, 1997.

 

Bastien Kossek : Je pense que Michel Sardou aime brouiller les pistes, rebattre les cartes. En tant qu’auteur, je crois que c’était une réelle volonté tout au long de sa carrière. Sans doute ne souhaitait-il pas livre du prêt-à-penser, avec des chansons trop typées, trop datées ou trop précises, préférant ainsi laisser de l’espace à l’auditeur. Il a toujours voulu que le public soit, en quelque sorte, le co-auteur des chansons…

 

Frédéric Quinonero : Il a construit son image et sa notoriété sur l’art de la provocation. Mais s’il est évident que pour certaines chansons à polémique, comme Les Villes de solitude ou Le Temps des colonies, il campe un personnage, cela l’est moins pour d’autres où la différence entre l’artiste et ses personnages est ténue – je pense en particulier à Je veux l’épouser pour un soir qui, curieusement, n’a pas suscité de controverse à sa sortie. Mais c’est vrai qu’il affichait souvent au gré de ses «  incarnations  » un visage plutôt grave, fermé, le rictus rageur, le poing serré, l’allure guerrière. Dans Je vais t’aimer, qui était une chanson d’amour, mais pas le genre sentimental, plutôt le truc hyper sexué, il incarnait le mâle dans sa virilité plénière – ce qui avait pas mal révulsé les féministes. C’est une image dont il a eu beaucoup de mal à se défaire. Pour beaucoup, il est le type qui sourit quand il se brûle !

 

Est-ce qu’avec la fin de la carrière d’un Sardou, on n’assiste pas un peu à la disparition des artistes transgénérationnels, capables de parler massivement aux « cheveux blonds » comme « aux cheveux gris » en même temps ? Et Sardou a-t-il vraiment été de ceux-là d’ailleurs ? Je précise ma question : quand les jeunes aimaient Sardou dans les années 70, est-ce que les « vieux » faisaient eux aussi déjà partie de son public ?

 

Bastien Kossek : Je crois qu’il a toujours été transgénérationnel, en effet…

 

F. Quinonero : « Sardou, avec sa cravate et ses costards

trois pièces des débuts, faisait plutôt garçon de bonne famille

qui plaisait aux enfants, tout en rassurant les parents. »

 

Frédéric Quinonero : C’est La Maladie d’amour, justement, qui a installé définitivement Michel Sardou dans la spirale du succès et lui a permis de gagner la fidélité d’un public, le plus large qui soit, « de sept à soixante-dix-sept ans ». Mais je ne l’ai jamais perçu comme le chanteur d’une génération, ainsi que l’a été Johnny, par exemple. Sardou, avec sa cravate et ses costards trois pièces des débuts, faisait plutôt garçon de bonne famille qui plaisait aux enfants, tout en rassurant les parents. Cette popularité-là, il l’a gardée. Aujourd’hui, moi qui fais partie des «  cheveux gris  », je partage avec les «  cheveux blonds  » un intérêt assez vif pour certains chanteurs qui remettent au goût du jour la chanson française traditionnelle. Je pense à Gauvain Sers ou Vianney.

 

Lors d’interviews que vous m’aviez accordée, toi Frédéric, tu me disais que Sardou avait « traduit en chansons l’âme d’un peuple ». Un peu plus tard, Bertrand Tessier, également biographe du chanteur, m’avait confié penser que Sardou n’avait « pas son pareil pour capter l’air du temps ». Quel est ton avis sur la question, Bastien ? Sardou, quelle marque, quelle trace ?

Bastien Kossek : Je trouve que ce sont des « punchlines » très efficaces, et très justes.

 

Donnez-moi, tous les deux, après y avoir bien réfléchi, une liste de 15 chansons de Sardou, celles que vous garderiez s’il vous fallait faire un choix sacrificiel. En essayant de ne pas inclure à la liste plus de la moitié de grands succès, histoire de faire découvrir des perles méconnues à nos lecteurs ?

 

Frédéric Quinonero :

- Je vole ;

- Le France ;

- Restera-t-il encore

- Je vous ai bien eus ;

- Je vais t’aimer ;

- Verdun ;

- Je viens du sud ;

- Si j’étais ;

- Vladimir Ilitch ;

- Io Domenico ;

- Musulmanes ;

- L’acteur ;

- Le bac G ;

- Qu’est-ce que j’aurais fait, moi ? ;

- S’enfuir et après.

 

Bastien Kossek : Voici ma liste ! J’ai fait ça très sérieusement, presque méthodiquement… Mais si tu me demandes de refaire le même exercice dans une semaine, tu peux être sûr que la moitié des chansons aura changé (rires) !

- Madame je (il avait vingt ans et, déjà, quel auteur !) ;

- La vallée des poupées ;

- La vieille ;

- Le prix d’un homme ;

- Dossier D ;

- Le verre vide ;

- Rouge ;

- Délivrance ;

- Les routes de Rome ;

- Elle en aura besoin plus tard ;

- Le grand réveil ;

- La chanson d’Eddy ;

- Les yeux de mon père ;

- Valentine Day ;

- J’aimerais savoir.

 

Une photo perso, de concert ou d’un objet fétiche, que vous rattachez à Sardou ?

 

Frédéric Quinonero : Je ne suis pas trop fétichiste. Mais je suis très attaché aux choses de l’enfance. Et les objets qui concernent Sardou sont forcément des disques, les premiers qu’on m’a offerts : le 33 tours vinyle de « J’habite en France » ou encore le single de «  Je t’aime, je t’aime  ».

 

J'habite en France 

 

Sardou, en trois adjectifs ?

 

B. Kossek : « Populaire. Irréductible. Imprévisible. »

F. Quinonero : « Bougon. Sincère. Populaire. »

 

Si vous pouviez lui adresser un message, ou lui poser une question là, à l’occasion de cette interview (imaginons qu’il nous lise), ce serait quoi ?

 

Bastien Kossek : Accepteriez-vous de rédiger ma préface (rires) ?

 

Frédéric Quinonero : Ma question est : faut-il désespérer… de vous revoir chanter un jour ?

 

Vos projets pour la suite ?

 

Bastien Kossek : Acheter les droits d’une pièce de théâtre majeure, et la proposer à Michel Sardou (rires) !

 

Frédéric Quinonero : Continuer.

 

Un dernier mot ?

 

Bastien Kossek : Merci Nicolas pour cet entretien fouillé ! Pour une fois, je suis de l’autre côté, puisque c’est moi qui réponds aux questions… et je dois avouer que c’est difficile ! Maintenant, j’ai hâte de découvrir les réponses de Frédéric, lui souhaitant – au passage – un énorme succès pour sa biographie consacrée au chanteur qui nous a réunis durant cette interview !

 

Frédéric Quinonero : Salut.

 

Frédéric Quinonero

Frédéric Quinonero. Q. : 25/03/18 ; R. : 27/03/18.

 

Bastien Kossek

Bastien Kossek. Q. : 25/03/18 ; R. : 30/03/18.

 

partie II : parce que c’était lui, parce que c’était moi... (ou le choix du fan)

 

Dominique, alias Lanatole

29/03/18

 

Introduction : Pourquoi Michel ?

 

Episode 1 :

« Michel, mon premier amour d’adolescente... »

J’avais quoi ? 13/14 ans, et cet été-là, sur toutes les ondes et à longueur de journée, on entendait cette « bombe atomique » : La Maladie d’amour ! Alors, pour cette toute jeune adolescente que j’étais, il était impossible que je ne tombe pas amoureuse pour la première fois de ma vie ! Ce fut pour Michel ! Une maladie incurable puisqu’encore aujourd’hui, presque sexagénaire, je suis encore, voire même plus qu’auparavant, admirative de cet artiste !

 

Episode 2 :

Eté 77 : la rencontre avec celui qui allait devenir l’homme de ma vie, le père de mes enfants... On s’est rencontrés tout simplement dans un bal populaire, il a proposé de me ramener chez moi et ô surprise une cassette tournait, qu’il avait mise en fond sonore, c’était l’album « J’habite en France » ! Et de cet album là, je ne connaissais que les titres phares, Petit, Les Ricains, Les Bals populaires et bien sur la chanson éponyme… et lorque j’ai entendu cette voix sur des chansons inconnues pour moi, j’avoue que le jeune homme que je venais de rencontrer prit une importance pour le restant de ma vie, que je ne soupçonnais pas alors.

 

Episode 3 :

Mars 2005 : je n’avais jamais vu Michel en concert jusqu’à ce jour de Saint Casimir (hormis un concert en 2002 à la maison des Sports de Clermont-Ferrand, mais j’étais très mal placée et donc ce ne fut pas un souvenir impérissable). Ce jour-là, grâce à internet, grâce à l’An Mil et à son webmaster Giros, je rencontrais des fans aussi frappés que moi ! Pour la première fois de ma vie j’allais partager cette passion qui m’anime depuis 1973 et qui est indéfectible, avec d’autres !

Le concert : premier rang, plein centre. Je n’ai vu que LUI, rien d’autre : pas de jeux de lumière, pas de musiciens, pas de choristes. Juste MON Michel… énorme émotion jusqu’aux larmes sur L’Aigle noir, qu’il interprète de manière magistrale...

J’avais préparé un papier sur lequel j’avais écrit en gros : MICHEL JE T’AIME, telle une ado ! Je le lui ai montré, il m’a fait un signe de la main, un clin d’oeil et voilà comment il a fini de m’achever dans cet amour éternel.

 

Episode 4 :

Tournée 2007 : elle m’a emmenée au quatre coins de France, et même jusqu’en Belgique, au Forest National. Je me suis regorgée de Michel, comme si toutes ces décennies de frustration me poussaient à le voir, encore et encore ! J’ai dû faire 16 ou 17 dates. Ce fut épique, inoubliable, excitant, passionnant et je ne le regrette pas, car ça m’a permis aussi de rencontrer des humains formidables dont, certains font partie aujourd’hui de mes amis intimes, et rien que pour ça je ne peux qu’aimer davantage Michel !

 

Epilogue :

2017/2018 : ce qui sera probablement sa « Dernière Danse », comme il nous l’a annoncé.

« J’ai savouré chaque concert de cette dernière tournée,

pour cela reste gravé à jamais dans ma mémoire intime… »

Je suis donc allée le voir 9 fois pour cet ultime opus et j’ai essayé de savourer chaque instant. Sa voix est encore au top, toujours frissonnante, chaleureuse (lorsqu’il n’a pas de laryngite bien sûr !) ; sa démarche n’est plus très assurée (douleurs au dos ?) mais son amour pour nous, le public, il ne fait que nous le chanter, nous le dire, nous le répéter ; je l’ai trouvé en communion totale avec nous. J’ai savouré chaque concert, pour cela reste gravé à jamais dans ma mémoire intime… bien consciente que je vivais mes derniers concerts avec lui, mais bienheureuse qu’il nous offre cette Dernière Danse. Sur mes deux derniers à Dijon, j’ai bien évidemment pleuré avec tous ceux qui étaient devant, c’était vraiment très, très émouvant ! Lorsque le rideau se ferme sur Michel à la fin, qu’il disparaît, on sait alors, qu’on ne reverra plus notre chanteur, en chantant...

Je ne suis pas triste qu’il arrête la chanson, il a sûrement raison de s’arrêter au sommet de son art. Je suis heureuse d’avoir pu vivre toutes ces heures de concerts à fond. Il va nous manquer, même si on le retrouvera sans doute sur les planches d’un théâtre ici ou là. Mais on a la chance qu’il soit encore vivant !

 

Lana MS

« Ma photo préférée de tous les temps »

 

Pourquoi j’aime Sardou ?

  • parce que sa voix, en premier lieu ;

  • parce que sa culture (histoire, littérature...) ;

  • parce que son intelligence ;

  • parce que ses textes profonds ;

  • parce que son romantisme (et oui !) ;

  • parce que ses grandes chansons, qui resteront à la postérité ;

  • parce que ses musiques variées (il a su s’entourer des meilleurs compositeurs) ;

  • parce qu’il a suivi sa ligne de conduite avec ses contradictions (ou évolutions) assumées ;

  • parce que son professionnalisme, son perfectionnisme ;

  • parce que sa sensibilité ;

  • parce qu’il est un homme libre (comme il le martèle sur sa dernière tournée) ;

  • parce que son humour décapant, provocateur parfois ;

  • parce que son autodérision ;

  • parce que l’homme ;

  • parce que c’était lui…

 

Mon choix de 15 chansons (torture mentale)

Lana

 

- - - - -

 

Gianni Rosetti, alias Giros

Créateur et webmaster du très beau site An Mil / Sardou.ch.

30/03/18

« Ça fait déjà longtemps qu’on se connaît... »

 

Cela fait maintenant 35 ans qu’on se connaît.

Et il est entré dans ma vie par le plus grand des hasards...

J’ai 47 ans aujourd’hui, donc à l’époque je devais avoir une douzaine d’années, c’est dire le parcours effectué avec Michel, jusqu’à aujourd’hui.

Moi qui était passionné de cinéma et de séries TV, la musique ne m’intéressait pas vraiment. Cette époque de ma vie a été marquée par le divorce de mes parents, je n’allais pas très fort... cela m’a profondément marqué. Mon père est parti, je ne l’ai que très peu revu. La blessure était immense, elle l’est encore aujourd’hui ; on ne s’est jamais rapprochés.

Je ne sais pas grand chose de lui... On ne s’est revus que peu de fois durant toutes ces années. Je me souviens d’une fois où j’avais été chez lui. J’y avais aperçu des 45 tours de Michel. Peut-être l’aimait-t-il aussi, je n’en sais rien...

« Ce soir-là, il m’a touché au plus profond de moi-même. »

Bref j’étais un gamin pas très heureux, avec peu d’amis. Un soir, alors qu’on était chez des amis, ma mère discutait à la cuisine, et moi j’étais seul au salon regardant la télé. Je zappe sur une émission de variétés et là, Michel apparaît. Il chante... je ne me souviens plus de quelles chansons exactement. Seigneur, cette voix m’a bouleversé, elle m’a profondément touché... Il se passait quelque chose en moi, une émotion terrible. Cet homme avec ce regard si sévère (comme on le disait de lui...). Moi, j’y ai vu une grande tendresse, dans son regard. Comme avait dit Yves Montant, « il a le regard sévère, mais l’œil tendre ». Ce soir-là, il m’a touché au plus profond de moi-même.

Et ce soir-là, il m’a sans doute sauvé la vie. Cette rencontre a été une des plus belles de ma vie, une lumière est apparue, l’espoir... Cette passion naissante pour cet artiste a été salvatrice pour moi, et là tout a commencé : une très belle histoire, qui dure encore jusqu’à aujourd’hui. On ne s’est plus jamais quittés et on ne se quittera jamais. Michel et moi, c’est pour la vie.

Dès le lendemain donc, je tannais ma mère pour qu’elle m’achète un des ses albums. Il fallait absolument que j’écoute cette voix, ce timbre si particulier, qui avait réussi a atteindre mon cœur, les tréfonds de mon âme. J’insistais tellement, qu’elle est venue avec une K7 de Michel, « Chanteur de jazz », et là une chanson me plait énormément : Voyageur immobile. C’est avec elle que tout a commencé, et c’est avec elle que tout s’achèvera...

Cette incroyable aventure venait de commencer, Michel faisait désormais partie de ma vie ; il allait devenir très important pour moi, il serait là dans les bons comme dans les mauvais moments. Grâce à lui, j’ai remonté la pente. Ce fut la course aux chansons. Il me fallait toutes les connaître. Lorsque j’ai commencé à travailler, quelques années après, je faisais le tour des magasins pour trouver des K7 de Michel avec des chansons que je n’avais pas. Le bonheur ultime, quand je découvrais ce titre que je ne connaissais pas. Magique !

Puis l’instant tant attendu, l’heure du premier concert. Michel sera à Lausanne, j’en tremble encore de bonheur... le voir pour de vrai, là devant moi... Comme le dit le grand Jacques Revaux, dans un concert de Michel on en reçoit plein la figure, et pas qu’une fois mais pendant 25 chansons... Il était là... et c’était tellement émouvant, cette homme avec cette voix venue d’ailleurs, son regard plein de tendresse, et cette communion avec son public... Une soirée de rêve, gravée à jamais dans ma mémoire.

« Il a sans aucun doute remplacé un peu mon père,

qui m’a tant manqué, et qui a toujours été absent. »

Depuis je n’ai jamais cessé de la suivre : concerts, émissions, théâtre... et comme le disait ma mère, « regarde, il y a ton père qui passe à la télé... » (Rires) Oui c’était vraiment très fort, ce lien qui nous unissait, et ça l’est toujours resté. Il a sans aucun doute remplacé un peu mon père, qui m’a tant manqué, et qui a toujours été absent.

Si Michel pouvait se douter du poids important qu’il a eu dans ma vie... il m’a redonné l’envie d’avoir envie, à un moment où tout était sombre pour moi. J’ai rencontré plein de gens formidables grâce à lui, je lui dois beaucoup... Michel et moi, c’est « l’histoire sans fin », la maladie d’amour... une fois qu’on l’a...

Et maintenant vivement la suite de l’histoire...

 

Sardou 66

 

Mes chansons ? Évidemment celles liées aux pères...

 

partie III : le choix des fous

 

Citées 3 fois sur 5 (60% des fous):

La Vallée des poupées (1976)

L'An Mil (1983)

 

Citées 2 fois sur 5 (40% des fous):

Restera-t-il encore / La colombe (1971)

Le France (1975)

Je vais t'aimer (1976)

Je vous ai bien eus (1976)

Un roi barbare (1976)

La vieille (1976)

Je ne suis pas mort, je dors (1979)

Verdun (1979)

Il était là (1982)

Vladimir Illitch (1983)

Délivrance (1984)

Vincent (1988)

Le grand réveil (1992)

Putain de temps (1994)

Les yeux de mon père (2006)

 

Et vous, racontez-nous, aussi...

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

Posté par Nicolas Roche à 12:43 - - Commentaires [4] - Permalien [#]
Tags : , , , , , ,