Alcante : « J'aimerais bien avoir un projet d'adaptation audiovisuelle qui se concrétise »
Parmi les invités qui me font l’honneur de répondre toujours présents pour mes sollicitations Paroles d’Actu, je peux citer Alcante, et ça tombe bien, c’est lui que vous retrouverez en vedette de cet article ! Didier Swysen, c’est son vrai nom, est un des auteurs de BD les plus talentueux et prolifiques de la scène francophone actuelle (pourquoi juste francophone d’ailleurs ?) - et en plus de ça, avouez que ça ne gâche rien, c’est un gars bien sympa. Je ne vais pas faire un listing de ses créations, mais vous inviter simplement à lire ICI les interviews qu’il m’a déjà accordées, et surtout à prêter attention à son dernier bébé en date, un récit comme il les aime où la petite histoire rejoint, ou mieux, fabrique la grande.
Dans La diplomatie du ping pong (Coup de tête, mai 2024), Alcante nous raconte, avec son talent de conteur - il est accompagné, au dessin, du non moins talentueux Alain Mounier, que je salue -, ces matchs de ping pong qui contribuèrent, au tout début des années 70, à rapprocher l’Amérique de Nixon et la Chine de Mao, et qui, tout aussi important sans doute, virent la naissance d’une belle amitié entre deux pongistes que sur le papier tout opposait. Si cette histoire ne vous dit rien, pensez-y à deux fois, vous en avez forcément entendu parler si vous avez vu Forrest Gump... Je remercie Alcante pour les réponses qu’il a bien voulu apporter à mes questions, dans les premiers jours de mai, et pour toutes ses confidences. Et je vous recommande sans réserve cet album qui, pas inutile par les temps qui courent, fait du bien, en plus d’apprendre des choses... Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche...
>>> Forrest Gump <<<
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La diplomatie du ping pong (Coup de tête, mai 2024).
Alcante : « J’aimerais bien avoir un projet
d’adaptation audiovisuelle qui se concrétise »
EXCLU PAROLES D’ACTU
Alcante bonjour. Combien de temps s’est-il écoulé entre le moment où tu as pris connaissance de cette histoire de ping pong et d’amitié sino-américaine, et le moment où tu as décidé d’en faire une BD ?
Alors d’abord une petite présentation pour vos lecteurs qui ne connaîtraient pas le contexte de cette histoire. Si vous avez vu le film Forrest Gump, vous vous souvenez sûrement de ce match de ping pong entre Forrest et un Chinois devant des milliers de spectateurs ? Ce match a réellement eu lieu, et ma BD raconte l’histoire réelle derrière celui-ci. « La diplomatie du ping pong » se réfère donc à des matchs amicaux de tennis de table qui ont eu lieu en 1971 entre la Chine et les USA, alors que ces deux pays n’entretenaient plus de relations diplomatiques depuis l’arrivée au pouvoir de Mao en 1949. Les joueurs américains sont devenus les premiers Américains à mettre le pied en Chine depuis plus de 20 ans, et ces matchs ont permis une reprise des relations diplomatiques entre les deux pays, ainsi que l’entrée de la Chine à l’ONU ! Tout cela a fait suite à l’amitié inattendue et improbable qui s’était nouée entre un pongiste chinois et un pongiste américain lors des championnats du monde de 1971 au Japon.
Je ne sais plus exactement quand j’ai entendu parler pour la première fois de cette histoire, mais cela doit remonter à très longtemps. Quand j’étais enfant, fin des années 70, début des années 80, nous jouions mon frère et moi dans un club de tennis de table, et nous avions une vieille table de ping pong dans notre garage. Par ailleurs, nous avions des amis chinois et mon père était assez passionné par la Chine. Tout ceci explique que j’ai dû prendre connaissance très tôt de cette histoire, du moins dans les grandes lignes.
Quand j’ai appris fin 2020 que les éditions Delcourt lançaient une collection (« Coup de tête ») sur des événements sportifs qui ont dépassé le cadre purement sportif pour avoir un impact sociétal, j’ai immédiatement voulu raconter cette histoire. J’en ai parlé au scénariste Kris, qui œuvre comme directeur de collection sur ce coup-là, et il était directement partant car lui-même est pongiste et connaissait aussi vaguement cette histoire. C’est seulement alors que je me suis renseigné en détail sur celle-ci, et quand j’ai vu que le protagoniste américain était en plus un jeune hippie au look fantasque, cela m’a persuadé que je tenais vraiment une chouette idée de scénario !
Ça a été quoi le processus de création, et le travail pour cet album ? Avec Alain Mounier, le dessinateur et coloriste, vous vous connaissiez ? Comment vos échanges se sont-ils déroulés, s’agissant notamment des souhaits de l’un et de l’autre ?
Comme d’habitude, je suis d’abord passé par une bonne phase de documentation, puis j’ai écrit le synopsis d’une vingtaine de pages, très détaillé donc. Il s’est écrit très facilement et je dois dire que j’en étais très content. Kris a adoré le scénario, donc on s’est mis à la recherche d’un dessinateur. Il y a eu quelques essais non concluants avant qu’on tombe sur Alain Mounier, qui a beaucoup aimé le scénario et était partant.
Je connaissais bien son travail, notamment sur Le Décalogue ou plus récemment sur Ambulance 13, mais je n’avais jamais travaillé avec lui, et je ne l’ai même jamais rencontré puisque jusqu’à présent tous nos contacts se sont faits par téléphone ou e-mail. Je lui ai envoyé le découpage par gros morceaux d’une vingtaine de planches à chaque fois, et tout a été très facilement après les quelques ajustements habituels. Alain travaillait en couleurs directes et nous envoyait directement ses planches finalisées. Il n’encre pas, passant directement d’un crayonné apparemment très sommaire au dessin fini, c’est impressionnant. D’habitude j’aime bien recevoir les storyboards, les crayonnés, l’encrage et puis les couleurs, mais là j’ai reçu directement les planches terminées. Heureusement, son travail était vraiment bon.
Quels éléments de documentation as-tu utilisé justement pour mener à bien ce projet ? Les grandes lignes de l’époque mais surtout, les petits détails de la vie du début des années 70, côté Chine et côté US ?
Je lui ai fourni pas mal de documentation visuelle, comme d’habitude, mais Alain est plus âgé que moi et était déjà ado au début des années 70, il connaît donc bien ces années-là et était content de pouvoir dessiner des chemises à col en pelle à tarte et des pantalons pattes d’éléphant qui lui rappelaient sa jeunesse 😊.
C’est surtout au niveau du tennis de table proprement dit que j’ai dû aider Alain qui ne joue pas du tout au ping pong et méconnaissait d’ailleurs totalement les règles. Il avait même dessiné un joueur en train de reprendre une balle de volée, alors que c’est bien évidemment interdit au tennis de table 😊. Pour l’aider, je lui ai envoyé pas mal de vidéos, et de photos. Sur ces dernières, j’ajoutais des lignes de mouvement (une pour la trajectoire de la raquette, une pour la trajectoire de la balle) et je faisais une croix à l’endroit où l’impact de la balle avait lieu. Au début il a eu un peu de difficulté à représenter des mouvements réalistes, mais il a vite progressé et s’en tire finalement vraiment bien. Il y a juste les rebonds des balles qui sont exagérément hauts, mais on a laissé ça comme ça car ça donne un meilleur impact visuel.
Il y a aussi un rappel sur les horreurs qui ont pu être commises par le régime de Mao, histoire aussi de bien planter le décor. Ça a été rendu nécessaire par l’histoire de notre champion ?
L’album présente effectivement deux épisodes historiques complètement dingues qui ont lieu durant le règne de Mao. Le premier, c’est ce qu’on a appelé « le Grand Bond en avant ». En 1958, Mao a créé d’énormes exploitations agricoles afin d’augmenter considérablement la productivité de l’agriculture, permettant ainsi de déplacer la main d’œuvre dans la sidérurgie. Cela a été un fiasco complet car d’un côté l’acier produit était de très mauvaise qualité et de l’autre ses politiques centralisées dans l’agriculture et ses quotas irréalistes ont abouti à de très mauvaises récoltes. Cela a provoqué d’effroyables famines qui ont causé des millions de morts !
Suite à cela, Mao a été mis sur le côté. Mais pour revenir au premier plan, il a provoqué un deuxième épisode peut-être encore plus dingue : la révolution culturelle. Avec son petit livre rouge, il a réussi à faire une espèce de lavage de cerveau auprès des jeunes qu’il a transformés en gardes rouges, leur faisant croire que les nouveaux dirigeants étaient des traîtres à la nation, des capitalistes corrompus etc. Il s’en est suivi une espèce de chasse aux sorcières hystérique, avec des lynchages en publics, des profs d’unifs et autres « élites » envoyés en camp de redressement, etc, etc.
Le champion du monde chinois, Zhuang Zedong, a lui-même été victime de tout ça, réellement ! C’était non seulement très intéressant, mais aussi extrêmement passionnant pour le scénariste que je suis, car je me suis ainsi retrouvé avec deux personnages principaux totalement opposés l’un de l’autre : d’un côté ce teenager américain hippie rebelle un peu déjanté, qui rêve de gloire malgré un niveau médiocre, et qui est ultra-individualiste et n’a de cesse de se mettre en avant ; et de l’autre, ce trentenaire chinois, triple champion du monde mais qui a été broyé en tant qu’individu par le régime communiste et qui doit toujours s’effacer devant l’intérêt supérieur de sa nation et du Parti ! Comme scénariste, on ne peut pas rêver mieux ! Et quand on sait que c’est une histoire vraie en plus, c’est du pain béni !
Tu as longtemps pratiqué toi-même le ping pong, tu le rappelais tout à l’heure. Tu en vantes d’ailleurs les vertus, et les mérites en tant que sport qui peut être partagé par et avec tous, dans ta postface. Qu’est-ce qui t’a tenu particulièrement à cœur dans la manière dont il fallait le représenter dans l’album ?
En Belgique, nous avons eu la chance d’avoir un joueur exceptionnel, Jean-Michel Saive, qui a été champion d’Europe en 1994 et n°1 mondial aussi cette année-là. Le « ping » était alors très médiatisé en Belgique car la Belgique avait une très très bonne équipe avec notamment le frère de Jean-Michel Saive, Philippe Saive, qui était aussi un excellentissime joueur - je pense qu’il a été top 30 mondial -, avec un magnifique style de jeu. L’équipe belge est d’ailleurs arrivée en finale des championnats du monde de 2001, après avoir aligné 4 quarts de finales lors des championnats précédents. En 2001, ils ont perdu contre la Chine en finale. Mais par après, ils ont rejoué contre la Chine lors d’un match amical en mars 2002 et l’ont battue 3-0 ! C’est apparemment la dernière défaite de l’équipe nationale chinoise ! Tout ça pour dire que le « ping » belge a été d’un excellent niveau, d’autant plus qu’au niveau des clubs, la Villette de Charleroi a été plusieurs fois championne d’Europe également. Les matchs étaient retransmis à la télé, il y avait une ambiance de malade.
Bref, le public belge est plutôt connaisseur en tennis de table, et le public français pas mal aussi, et de plus en plus avec les frères Lebrun qui sont dans le top mondial pour l’instant (avant eux, la France a connu de beaux champions dans la discipline, tels Jacques Secrétin et Jean Philippe Gatien). Partant de là, on ne peut pas raconter ni montrer n’importe quoi ! 😊
Comme spectateur de film ou de séries TV, et comme lecteur de BD, je déteste quand je vois des mouvements sportifs qui ne ressemblent à rien alors qu’ils sont censés être exécutés par des professionnels de ce sport. Je garde par exemple en tête le film de Woody Allen Match Point avec Scarlett Johansson et Jonathan Rhys-Meyers, dans lequel ce dernier joue le rôle d’un prof de tennis qui a été auparavant joueur professionnel et a fait partie du top 100. La première fois qu’on le voit jouer, il entraîne une dame avec un panier de balles. Quand il lui envoie la première balle avec sa raquette, on voit directement qu’il n’a jamais tenu de raquette de tennis de sa vie en réalité, tellement sa prise est incorrecte et son mouvement peu fluide. Bref, en un clin d’œil, on voit que cet acteur n’y connaît strictement rien en tennis alors qu’il est censé être un pro ! Pour ce film, qui est un surtout un thriller / drame qui finalement n’a quasiment aucune scène de tennis, ce n’est pas très grave, même si c’est un peu dommage.
Je voulais donc en tous cas éviter ce genre d’erreurs flagrantes dans notre BD où on voit quand même les championnats du monde et les meilleurs joueurs de l’époque, ça n’aurait pas été crédible, on aurait directement perdu de la crédibilité par rapport aux lecteurs pongistes, ça m’aurait ennuyé ! C’est pour cela que j’ai vraiment insisté auprès d’Alain pour qu’il fasse un effort de réalisme à ce niveau-là. Non seulement dans les différents mouvements en plein jeu, mais également avec les habitudes et petits tics des joueurs, comme par exemple le fait de faire rebondir la balle sur la table avant de servir, de râler en shootant dans les séparations des aires de jeu, etc... 😊 Je voulais que les pongistes reconnaissent qu’on sait de quoi on parle 😊.
Ces matchs amicaux de ping pong ont lancé un processus de réchauffement des relations entre la Chine de Mao et Zhou Enlai et les États-Unis de Nixon et Kissinger, dans un contexte de tensions accrues entre Moscou et Pékin. La Chine communiste a obtenu son siège à l’ONU, 30 ans avant celui à l’OMC. 50 ans après, on n’est plus vraiment dans l’entente cordiale entre Washington et Pékin, mais ça restera pour toi, réellement, un tournant dans l’Histoire ? Une semaine qui aura « changé le monde », dixit Nixon ?
Je me souviens que quand j’étais jeune ado, j’ai vu le téléfilm La Troisième Guerre mondiale (World War III) à la télé, ça devait être en 1983. Le film parle de tensions entre l’URSS et les USA qui finissent par dégénérer en guerre mondiale, et en guerre nucléaire. À l’époque, cela m’avait quand même fort marqué et m’avait fait peur. Tout ceci pour dire que la guerre froide était une période d’énormes tensions mondiales ! Que les USA et la Chine se soient rapprochés quelque peu, et que cette dernière prenne un peu ses distances avec l’URSS à l’époque, ça a dû quand même un peu diminuer toutes ces tensions.
>>> Tintin au Tibet <<<
Dans ta postface tu expliques également bien tes motivations par rapport à ce sujet. Au cœur de tout cela, il y a une belle histoire d’amitié, aussi improbable que possible, entre un pongiste américain assez médiocre, hippie jusqu’au bout des ongles, et un grand champion de la Chine maoïste, forcément très réservé. Une amitié qui, dis-tu, fait écho pour toi à celle de Tintin avec Tchang dans Tintin au Tibet, et à ta propre amitié avec un jeune japonais. L’amitié c’est une valeur cardinale pour toi, un thème qui te touche particulièrement ? Dirais-tu que tu t’en es fait dans le métier, de purs amis ?
Oui, l’amitié est quelque chose d’évidemment très important et à laquelle je suis très sensible, surtout quand elle parvient à dépasser et à transcender les différences. Je me souviens par exemple d’avoir été particulièrement ému dans une des dernières scènes de Danse avec les loups, quand le guerrier indien s’en vient faire ses adieux au personnage de Kevin Costner.
La plupart de mes amis sont des personnes rencontrées avant l’âge de 20 ans mais, oui, je m’en suis fait quelques-uns également dans le milieu de la BD.
Crois-tu qu’au-delà du cas exceptionnel comme celui présenté dans l’album, l’amitié entre deux êtres est capable de renverser un ordre établi, a fortiori quand on considère les relations internationales ?
Difficile à dire car quand on parle de relations internationales, les dirigeants sont censés faire passer l’intérêt de leur pays avant leurs sentiments personnels. Mais c’est clair que le fait que Reagan et Gorbatchev, par exemple, s’entendaient plutôt bien, facilite les choses. Et bien sûr, a contrario, des inimitiés personnelles les compliquent.
Tu as avoué avoir, pour les besoins du scénario, modifié un peu l’histoire, notamment s’agissant des matchs entre les deux amis. L’idée étant, j’imagine, de mettre en avant une réflexion sur l’amitié, l’honneur, le patriotisme et le courage. As-tu hésité avant de faire ces changements ?
Mon idée était surtout d’illustrer la phrase que je mets en exergue à la fin : « Everybody can learn from everybody » (tout le monde peut apprendre de tout le monde), qui est vraiment l’idée centrale de l’album, et qui figure sur la photo souvenir que Zhuang Zedong remet en cadeau à la fin à Glenn Cowan. Ce qui est assez étrange, c’est que je ne sais même plus s’il a vraiment écrit cette phrase, ou si c’est quelque chose que j’ai inventé. Il me semble que c’est plutôt une invention de ma part, c’est ce que j’ai écrit dans le dossier en fin d’album, mais je n’en suis plus sûr du tout. En tous cas, dans mon esprit, cette phrase aurait très bien pu être écrite par Zhuang pour Glenn, ça c’est sûr.
Et c’est vraiment ce qui se passe dans l’album : Glenn l’individualiste à l’égo un peu trop développé apprend une certaine forme de modestie et d’empathie grâce à Zhuang. Et ce dernier fait le chemin inverse : grâce à Glenn, lui qui était contraint de se fondre dans le moule dicté par le Parti communiste et de toujours servir l’intérêt (supposé) du Parti avant le sien, va se rebeller et retrouver sa fierté en montrant de quoi il est réellement capable.
Pour faire ce chemin, il fallait leur donner un certain temps, qu’ils n’ont pas vraiment eu dans la réalité historique, puisque l’équipe chinoise était restée au Japon quand les Américains se sont rendus en Chine. Glenn et Zhuang ne s’y sont donc pas retrouvés, contrairement à ce que je montre dans la BD. C’est un écart volontaire de ma part. Je ne suis pas un historien qui doit présenter fidèlement et objectivement une suite de faits réels, mais un scénariste dont le but est de raconter une bonne histoire. S’il faut un peu tricher avec la réalité historique, allons-y. Je n’étais pas ici dans la même démarche que dans La Bombe où tout est rigoureusement authentique vu la gravité du sujet traité. Ici j’aborde certes un événement historique important, mais par le biais de personnages finalement assez peu connus.
Ces changements me sont vraiment venus naturellement. C’était quelque part trop « embêtant » que Zhuang soit absent de la seconde partie du récit, je l’y ai donc remis. Mais j’explique cela dans le dossier en fin d’album, et y raconte ce que ces deux personnages sont ensuite devenus.
Si tu avais pu rencontrer certains des personnages, humbles ou très haut placés de cette histoire, leur poser des questions, ça aurait donné quoi ?
Oh la la, c’est compliqué comme question ! Je pense que j’aurais été trop impressionné si j’avais rencontré Nixon, Mao, ou Kissinger pour vraiment pouvoir leur poser des questions, et je ne suis pas sûr que ça m’aurait intéressé tant que ça. Je préfère lire des livres sur eux… Par contre, j’aurais bien aimé rencontrer les champions de tennis de table de l’époque. Donc pour répondre à la question, j’aurais bien voulu rencontrer Zhuang Zedong et lui demander « on tape quelques balles ensemble ? » 😊
Les JO de Paris vont s’ouvrir bientôt. Il y a tu le rappelles tout un historique d’évènements sportifs, notamment olympiques, qui ont-ils contribué là encore, à faire bouger les lignes, lignes parfois diplomatiques, ou en tout cas à marquer les esprits. Est-ce que le sport peut, y compris dans les temps troublés que nous vivons, être source de dialogue, de rapprochement ?
Je pense qu’il peut faire bouger les lignes, oui, car le sport est quelque chose d’extrêmement populaire, dans tous les sens du terme, et lorsque des sportifs donnent le bon exemple (ou le mauvais d’ailleurs, ça marche dans les deux sens malheureusement), cela peut avoir un impact. Symbolique sans doute, mais la symbolique est quelque chose d’important !
Tu as expliqué être passionné par l’Histoire et par ces petites histoires qui font la grande. Quelles lectures privilégies-tu pour justement déceler et te saisir de ces destins sans prétention qui vont justement, l’air de rien, changer le cours des choses ?
Je n’ai pas vraiment de lecture privilégiée, pas de magazine d’histoire spécifique par exemple. En général, ça commence souvent en surfant sur le Net. Je trouve un article qui parle de quelque chose qui attire mon attention, je le lis et puis hop j’ai envie d’en savoir plus, je fais quelques recherches sur le net et souvent ça me passionne de plus en plus, j’ai l’impression que je tire sur un fil et qu’il y a toute la pelote de laine qui se délie petit à petit. Je creuse, je creuse, et alors seulement je vais chercher des références bibliographiques, qui elles-mêmes en contiennent d’autres et ainsi de suite. C’est un peu une quête sans fin, et c’est le piège dans lequel j’ai tendance à tomber : je veux toujours en savoir plus, plus, plus et c’est très chronophage.
Il y a quelque chose de solaire, qui rend optimiste, dans cette BD. Es-tu quelqu’un d’optimiste, pour toi et pour la collectivité ?
Non, je ne pense pas, objectivement, je suis plutôt quelqu’un de pessimiste. Pourtant j’aime bien les happy ends, mais force est de constater que mes histoires se finissent souvent mal. Mais c’est moins le cas depuis quelques années cependant, et j’ai pris énormément de plaisir à écrire Whisky San par exemple, duquel émane selon moi un vrai sentiment « feel good ». Idem pour La diplomatie du ping pong, pour lequel j’ai même plutôt un peu embelli la fin, en ne parlant pas dans la BD (mais bien dans le dossier) de ce qui se passa après l’histoire pour Glenn et Zhuang, et qui ne fut pas particulièrement réjouissant, ni pour l’un ni pour l’autre. Dans un autre registre, j’ai d’ailleurs « escamoté » dans ma BD le fait que l’entrée de la Chine de Mao à l’ONU en avait parallèlement éjecté Taïwan. J’avais vraiment envie d’écrire une histoire positive, je me suis donc concentré sur les aspects positifs. On a besoin de positif à notre époque, non ?
Ken Follett t’a rendu sur les réseaux un bel hommage il y a quelques jours, louant ton adaptation des Piliers de la terre. Une sensation unique j’imagine. À quand la version en anglais ? D’autres langues en projet ?
Oui, Ken Follett a fait un post sur les réseaux sociaux à l’occasion de la journée de la BD. Il a écrit qu’il n’avait jamais écrit de BD lui-même mais qu’une équipe « talentueuse » avait fait une adaptation « fantastique » des piliers de la Terre. Ça fait évidemment plaisir... 😊
La BD est déjà parue en allemand, et d’autres langues vont suivre, mais cela prend plus de temps que d’habitude car il y a plus d’intervenants à la discussion, ce qui rend les choses plus complexes.
Whisky San sera-t-il adapté en japonais ? En anglais ?
Là, il est vraiment trop tôt pour le dire. En japonais, ça me ferait certainement plaisir. Nous avons proposé l’album pour le « Japan International Manga Award », on croise les doigts.
Un album d’Alcante adapté en film ou en film animé, c’est toujours pas pour demain ? Aucune négo allant dans ce sens en ce moment ?
Par le passé, j’ai déjà eu trois albums pour lesquels des droits audiovisuels avaient été optionnés.
Le premier, c’était Quelques jours ensemble, pour lequel l’option avait d’ailleurs même carrément été levée par une maison de production belge qui voulait vraiment l’adapter en film. Le scénario avait été écrit, mais malheureusement la boîte a fait faillite avant de pouvoir aller plus loin.
Le second, c’était pour ma série Re-Mind qui avait carrément attiré l’attention d’un tout gros producteur américain et qui avait aussi mis un scénariste sur l’affaire pour en tirer un long métrage. Mais le film Source Code avec Jake Gyllenhaal est sorti, qui comportait quelques similarités avec mon histoire, et cela a mis malheureusement fin au projet.
Le troisième, c’est La Bombe, sur lequel un grand producteur français avait pris une option et cherchait des co-producteurs. Mais le film de Nolan, Oppenheimer, a été annoncé et là aussi ça a mis fin au projet, ce qui est un peu bête à mon avis car La Bombe a une approche différente d’Oppenheimer. D’ailleurs un autre producteur est venu aux nouvelles récemment. Puisque nous avons récupéré les droits, nous allons peut-être donc avoir une seconde option sur cette BD.
Au-delà de tes projets du moment, on en a déjà parlé ensemble récemment, de quoi as-tu envie, qu’est-ce qui te fait rêver ?
J’aimerais bien avoir un projet d’adaptation audiovisuelle qui se concrétise justement. Je trouve que j’ai plusieurs albums qui s’y prêtent vraiment bien. Outre les trois que j’ai mentionnés à la question précédente, je trouve que ma série Jason Brice a du potentiel. Et j’en suis carrément convaincu pour Whisky San, La diplomatie du ping pong et mon prochain album G.I. Gay.
Un dernier mot ?
Lisez des BD, c’est bon pour la santé ! 😊
(Réponses datées du 11 mai 2024.)
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