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Paroles d'Actu
13 décembre 2024

Alain Frèrejean : « Churchill, un maître dans l’art de garder des secrets... »

Combien de pages noircies, combien de livres écrits sur Churchill depuis, au minimum, 1940 ? Bien courageux serait celui qui essaierait d’en faire un recensement exhaustif. Ayant cela en tête, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, ou qu’attendre de plus en commençant la lecture de Churchill le visionnaire (L’Archipel, novembre 2024), écrit de la plume de l’historien Alain Frèrejean. Bonne surprise que cet ouvrage, qui commence par une lumineuse préface d’Hubert Védrine, et qui prend le temps de tout explorer de ce qui importa de la vie et de l’action du Britannique. Un récit agréable, avec des focus bienvenus sur ses intuitions, remarquables, sans rien occulter de ses mauvaises idées ou erreurs de jugement. Un homme qui, non content d’être dans l’Histoire, la fit plus que tout autre peut-être au XXème siècle. Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU (début décembre 2024)

Alain Frèrejean : « Churchill, un maître

 

dans l’art de garder des secrets... »

 

Churchill le visionnaire (L’Archipel, novembre 2024).

 

Alain Frèrejean bonjour. Qu’est-ce qui vous a motivé à entreprendre d’écrire cette nouvelle bio d’un homme, Churchill, qu’on a déjà tant raconté ?

 

D’abord, parce que Churchill a été un homme exemplaire. Et que le souvenir de grands hommes, d’hommes de bien, d’hommes qui ont su prévoir l’avenir et se concentrer sur l’essentiel, comme Roosevelt, Truman, de Gaulle et lui, cela fait du bien. Si nos contemporains s’inspiraient davantage de Churchill, nous aurions moins à souffrir de leur vision à court terme et de leur égocentrisme.

 

Ensuite, j’ai voulu lever le voile sur certains aspects peu connus de son parcours : sa passion de l’aventure, de l’aéroplane, de la peinture, sa vie familiale, ses amours et ses amitiés, sa curiosité pour les inventions. Mais aussi sur ses chagrins et ses erreurs, comme ses rapports avec Tito, le drame de Varsovie, l’Opération Impensable ou la famine du Bengale. Car Churchill n’est pas seulement un visionnaire et un pragmatique, c’est aussi un émotif, dont la vie se lit comme un roman, plein de dépressions et de rebondissements.

 

L’ancien ministre des Affaires étrangères et diplomate respecté Hubert Védrine vous a offert la préface du livre. Parlez-nous un peu de cette rencontre ?

 

Hubert Védrine avait déjà gracieusement préfacé mes Discours des prix Nobel de la Paix. Avec la même grâce, il vient d’honorer d’une superbe préface Churchill, le visionnaire. Pourtant, je ne l’ai jamais rencontré. Je n’ai correspondu avec lui que par courrier et téléphone. Si j’ai eu le culot de lui demander ces préfaces, c’est que les écrits de Védrine m’ont toujours emballé. J’admire sa finesse d’analyse, son ouverture d’esprit, son absence de préjugés, son aptitude à concilier, comme Churchill, vision du monde et pragmatisme.

 

Churchill a perçu très tôt, vous l’expliquez fort bien, les dangers qu’allaient représenter le bolchevisme puis le nazisme. Avait-il la passion des libertés telles qu’on les concevait dans l’Empire britannique d’alors (y compris s’agissant de l’équilibre des puissances en Europe) ? Était-il fondamentalement un ennemi des idéologies ?

 

À mes yeux, Churchill n’est pas un homme de parti. Tour à tour, il a été député conservateur, libéral, puis à nouveau conservateur. Et, de 1940 à 1945, il a dirigé sans aucune bavure un gouvernement de coalition associant conservateurs, libéraux et travaillistes.

 

C’est un démocrate convaincu. Chaque fois qu’il a été mis en minorité, il s’est incliné. Et, lorsqu’il a été ministre de l’Intérieur, il a été tourmenté par la crainte de se tromper chaque fois que se posait la question d’exercer ou non le droit de grâce. Pour autant, ce n’est pas un fanatique des libertés, car il s’est longtemps opposé au droit de vote des femmes ainsi qu’à l’indépendance de l’Inde, et il a apprécié la dictature de Mussolini au début des années 1920.

 

Il a toujours été anticommuniste. Mais, à deux reprises, par pragmatisme, il a mis son anticommunisme au placard. D’abord, de 1941 à 1945, lorsqu’il lui a semblé un moindre mal que le nazisme. Puis, de 1953 à 1955, lorsqu’il a tenté de négocier un modus vivendi avec les successeurs de Staline.

 

Y avait-il à cet égard, au-delà des intérêts particuliers des pays, unité de vues entre Londres et Washington ?

 

De 1919 à 1941, la majorité des Américains, à l’instar de Ford, de Lindbergh et de Joe Kennedy, est plus favorable aux Allemands qu’aux Anglais. Tandis que Churchill prend dès 1932 feu et flammes contre le péril nazi, Roosevelt n’en prend conscience qu’en 1938 et le peuple américain qu’en décembre 1941. De même, en 1945, tandis que Truman et les Américains sont obsédés par la guerre contre le Japon, Churchill est obsédé par l’asservissement des Polonais au joug de Staline.

 

L’élément le plus intéressant de votre ouvrage réside à mon avis dans l’exposition précise et détaillée de toutes les intuitions que Churchill a pu avoir, s’agissant notamment de l’importance des chars en tant qu’unité compacte et de l’aviation en temps de guerre moderne, mais aussi de ce qu’il a entrepris et encouragé en matière de stratégies audacieuses, de décryptage de codes, de subterfuges en tous genres pour tromper l’ennemi... Combien de ses initiatives ont été décisives pour le cours de la Seconde Guerre mondiale ?

 

Sa première initiative est sans doute d’avoir refusé l’offre d’Halifax de demander l’armistice à Hitler par l’intermédiaire de Mussolini.

 

La seconde est d’avoir sans relâche resserré les liens avec Roosevelt, auquel Churchill a, en cinq ans, adressé plus de 1700 lettres et messages, et qu’il est allé rencontrer huit fois, dont cinq en Amérique.

 

La troisième a été son alliance avec Staline, marquée aussi par quatre rencontres, dont deux en tête-à-tête à Moscou.

 

Et la quatrième, qui a certainement raccourci la guerre d’un an, est le soutien qu’il a apporté à Alan Turing pour développer et dissimuler le système Ultra de déchiffrement des messages codés adressés par la Kriegsmarine à ses U-boote chargés de torpiller dans l’Atlantique les transports alliés de troupes et de matériel.

 

Peut-on dire que, pour ce qui concerne Churchill, la France doit une fière chandelle à Strasbourg (qui l’avait particulièrement marqué dans sa jeunesse), et ladite ville une fière chandelle à l’ex-Premier ministre britannique ?

 

La France doit plusieurs chandelles à Churchill. D’abord, Churchill a “inventé” de Gaulle, qu’il a armé, financé et « lancé comme une savonnette » selon les propres paroles de de Gaulle. Puis, en janvier 1945, Churchill a sauvé Strasbourg d’une contre-offensive allemande en intervenant auprès d’Eisenhower pour annuler son ordre d’évacuation de l’Alsace. Enfin, à Yalta, il a arraché à Staline et Roosevelt leur accord pour octroyer à la France une zone d’occupation en Allemagne ainsi qu’un siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations-Unies, avec droit de véto.

 

Si par extraordinaire vous pouviez poser une question à Sir Winston, quelle serait-elle ?

 

Si je pouvais rencontrer Churchill, je lui demanderais comment il a réussi l’exploit de préserver le secret sur des points essentiels.

 

Certes, on sait que, grâce à l’Opération Fortitude et aux ruses de Pujol, il a réussi à faire croire à Hitler pendant trois semaines capitales que le débarquement en Normandie était une simple diversion et que les Alliés allaient incessamment débarquer en  force aux Pas de Calais. Mais comment a-t-il pu préserver le secret sur le débarquement en Afrique du Nord ? Sur le fait que, grâce en partie aux secrets qu’il avait transmis à Roosevelt, les Américains préparaient des bombes atomiques ? Et comment a-t-il fallu attendre vingt ans pour apprendre que, grâce au système Ultra et à l’équipe de Bletchley Park, les Anglais déchiffraient tous les messages envoyés par les Allemands à leurs sous-marins ? Et trente ans pour apprendre que Churchill a demandé en juin 1945 à son état-major de planifier une guerre contre Staline pour libérer la Pologne, l’Operation Unthinkable, l’Opération Impensable ?

 

Monsieur Churchill, comment avez-vous réussi à préserver si longtemps le secret ?

 

Il y a une autre question que je me garderais cependant de lui poser : sur son absence et celle de sa femme, suite peut-être à une dépression, aux obsèques de leur fille Diana, lorsque celle-ci s’est suicidée.

 

Vos projets et surtout vos envies pour la suite, M. Frèrejean ?

 

Des tournées de conférences dans des maisons de retraite pour seniors sur des sujets particuliers de l’œuvre et de la vie de Churchill, tels que « Churchill et la peinture, comme passe-temps et remède contre la dépression ».

 

Source : Babelio.

 

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