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Paroles d'Actu
2 décembre 2024

Luc Mary : « À quoi rêvez-vous, Thomas Pesquet ? »

J’ai eu il y a neuf mois la joie de vous proposer une interview avec l’historien et passionné d’espace Luc Mary, autour de sa bio d’Elon Musk. Depuis, Donald Trump a été élu une seconde fois à la présidence des États-Unis, et son allié Musk a, un peu à la surprise générale, accepté un job dans la future administration républicaine. De cela, de cette histoire encore à écrire, il sera question dans ce nouvel article, fruit d’un deuxième entretien avec M. Mary. Mais on y parlera surtout d’une personnalité beaucoup plus solaire que les deux personnages cités plus haut : le spationaute Thomas Pesquet, sujet (lui aussi passionnant) d’un autre ouvrage fort intéressant et instructif de mon interlocuteur : Thomas Pesquet, l’enfant des étoiles (L’Archipel, juin 2024). Merci à lui pour ses réponses et pour sa disponibilité ! Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU (fin novembre 2024)

 

Luc Mary : « À quoi rêvez-vous,

 

Thomas Pesquet ? »

 

Thomas Pesquet, l’enfant des étoiles (L’Archipel, juin 2024).

 

Luc Mary bonjour. Thomas Pesquet est un modèle formidable pour la jeunesse, et pas simplement pour la jeunesse d’ailleurs : brillant, entreprenant, pugnace, inspirant. À quel moment décide-t-on d’écrire la bio de Monsieur Parfait ? Qu’est-ce qui vous a poussé dans cette démarche ?

 

Historien des sciences et surtout suivant pas à pas toutes les étapes de l’exploration du Cosmos, j’ai d’abord suivi les traces d’Elon Musk et de Jeff Bezos, les champions du New Space. Après avoir retracé leur épopée, il me semblait naturel de me pencher sur ce «  Tom Cruise de l’espace  » qu’est Thomas Pesquet. A la fois héros des enfants et pionnier d’une nouvelle ère, Thomas Pesquet est en effet un modèle d’excellence. S’il est le dixième français à avoir tourné autour de la Terre, il n’en reste pas moins le premier à avoir su communiquer sa passion pour le Cosmos, mieux encore à avoir réconcilié les Français avec la conquête de l’espace, en la faisant apparaître plus proche, plus humaine et plus concrète, et c’est en cela un grand champion. Car Thomas Pesquet est autre chose qu’un simple spationaute, c’est le champion d’une nouvelle race d’hommes, celle des «  Homo Spatiens  »,  à savoir un colon qui a à la fois le regard tourné vers le lointain Cosmos et vers la Terre, mettant ainsi en garde ces concitoyens contre les dangers de la pollution et du réchauffement climatique à court et à long terme.  Scientifique, technicien mais aussi musicien, sportif et polyglotte, il coche toutes les cases du parfait astronaute. En d’autres termes, la conquête de l’espace n’est pas seulement une aventure technologique, c’est aussi une philosophie de l’avenir.

 

« Thomas Pesquet a réconcilié

 

les Français avec la conquête de l’espace... »

 

Le parcours de Thomas Pesquet tel que vous le racontez est en effet exceptionnel : celui d’une élite intellectuelle qui va se frotter aux plus grandes des exigences physiques et mentales. Ces personnalités-là sont-elles, plus encore qu’il y a trente ou soixante ans, des exceptions qui tranchent avec le reste de l’humanité ?

 

Exceptionnel, Thomas Pesquet l’est évidemment, puisqu’il a remporté un énorme concours à l’échelle européenne. En 2009, seulement six astronautes sur un total de plus de 8 000 candidatures ont ainsi été recrutés par l’Agence spatiale européenne pour participer à la grande aventure de l’ISS, perchée à quelque 400 kilomètres d’altitude. Cela étant, les spationautes ne sont pas des «  surhommes  », seulement des hommes et des femmes qui doivent faire preuve d’une exceptionnelle endurance, d’une solidarité à toute épreuve et d’une réactivité impeccable. « Pour pouvoir aller dans l’espace, il faut savoir rester terre à terre » précise Thomas Pesquet. Car si l’aventure à bord de l’ISS est un privilège, c’est loin d’être un luxe. L’inconfort, l’insécurité et l’exiguïté sont ainsi totales.  On peut même parler de véritable camping sous l’œil de l’infini. Dans le milieu de l’apesanteur, les hommes doivent en effet réapprendre à dormir, à boire et à manger. À seul titre d’exemple, il est impossible de boire de l’eau dans un verre ; il faut l’aspirer d’un sachet au moyen d’une paille. Et la plupart du temps, cette eau n’est autre que de l’urine d’astronaute recyclée. Qui plus est, c’est le dépaysement le plus total. À seulement 400 kilomètres au-dessus du plancher des vaches, il n’y a plus de haut ni de bas, plus de jour ni de nuit, le Soleil se lève toutes les quatre-vingt-dix minutes. Pour couronner le tout, nos aventuriers de l’espace perdent à la fois des muscles, des os, des globules rouges, de l’acuité visuelle et même du capital-vie ! Autant dire que les spationautes, à défaut d’être des gens au-dessus du commun des mortels, sont surtout des êtres doués d’une santé exceptionnelle.

 

 Si vous pouviez, à l’occasion de cette interview, lui poser une question, quelle serait-elle ?

 

Après avoir effectué près de 400 jours dans l’espace au terme de deux longues missions, celles de Proxima avec les Russes, et d’Alpha avec les Américains, respectivement en novembre 2016 et avril 2021, Thomas Pesquet n’est toujours pas rassasié d’espace mais aspire encore à flirter avec les étoiles. Son ambition première est de marcher sur la Lune. Il l’a dit et répété plusieurs fois devant les caméras. D’une certaine façon, pour paraphraser un célèbre publicitaire, je dirais qu’un astronaute qui ne contemple pas la Terre depuis la Lune a raté sa carrière. Jusqu’à présent, seuls douze hommes, douze Américains, ont arpenté l’astre sélène. N’en déplaise aux complotistes, les traces des six missions Apollo (1969-1972) sont toujours imprimées sur le sol lunaire. Ma question à Thomas serait la suivante : ses rêves de conquête spatiale s’évanouiraient-ils s’il n’était pas désigné pour marcher prochainement sur la Lune, disons avant 2030 ? Comment verrait-il alors son avenir ? Grand communiquant devant l’Éternel pour prêcher la colonisation et la connaissance du Cosmos, ou alors aspirerait-il à un rêve encore plus grand malgré tout, celui d’être le premier Français à marcher sur la planète rouge ?

 

« Trump-Musk ? On ne peut imaginer

 

deux Jupiter sur le mont Olympe... »

 

Dans quelle mesure peut-on comparer Thomas Pesquet à Elon Musk, auquel vous avez aussi consacré un livre ? Par ailleurs, Donald Trump, qui vient d’être de nouveau élu président des États-Unis, a nommé son allié Musk à la tête d’une nouvelle administration qui sera chargée de rationaliser les dépenses fédérales américaines. Croyez-vous que ce sera faisable ? Que Musk devra céder le contrôle de certaines de ses sociétés, pour être confirmé ? Et que l’attelage Trump-Musk, deux personnalités fortes qui n’ont pas les mêmes idées sur tout, tiendra ?

 

Même s’ils partagent le même rêve, celui d’explorer l’espace lointain, Thomas Pesquet et Elon Musk sont vraiment aux antipodes. L’un rend l’espace attractif, l’autre veut y transporter toute l’Humanité. Quand Pesquet veut marcher sur la Lune, Musk veut mourir sur Mars. Le premier est astronaute, ingénieur et bardé de diplômes ; le second est un autodidacte patenté mais doué d’une énergie et d’une imagination débordantes. Encore une fois, notre Normand de 45 ans symbolise l’excellence, la rigueur, le courage, le dynamisme et la soif de découvertes. En comparaison, même si on ne peut pas nier l’esprit pionnier et aventurier de l’ex-Sud Africain de 53 ans, Elon Musk se distingue aussi par son éclectisme mais surtout par ses folies et ses extravagances. L’image féérique du Docteur Jekyll du spatial est aussi quelque peu ternie par le Mr Hyde du social ; Elon Musk considère ainsi ses employés comme des pions que l’on peut jeter d’une minute à l’autre. Ces derniers temps, le Walt Disney de l’espace s’est même transformé en un Kissinger un peu déjanté de la diplomatie mondiale. Pour couronner le tout, depuis la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines, Elon Musk a accepté en effet un poste en tant que ministre de l’efficacité gouvernementale. À ma grande surprise. À mon humble avis, cette expérience politique ne durera pas. Elon Musk n’aime ni les règles, ni les normes, contre lesquelles il peste régulièrement quand elles le freinent dans ses affaires. Il pourrait aussi profiter de son poste pour en finir avec ses adversaires, comme Boeing ou Lockheed. Son ambition est aussi de gérer les États-Unis comme il préside X (ex-Twitter), c’est-à-dire en se fichant radicalement du quotidien des Américains. Enfin, Elon Musk a un ego surdimensionné, à l’égal de Donald Trump. Leur collaboration ne peut donc pas tenir à long terme. On ne peut imaginer deux Jupiter sur le mont de l’Olympe. Parions qu’il reviendra vite à ses premiers objectifs, offrir la planète Mars à l’Humanité.

 

 

Vos projets et surtout vos envies pour la suite, Luc Mary ?

 

Depuis la parution de mon livre sur Thomas Pesquet, je n’ai pas quitté le domaine de l’espace. Mieux encore, j’ai pris un billet pour le lointain Cosmos en imaginant un voyage au cœur de notre Galaxie, à près de 1 500 années-lumière de notre berceau céleste. Intitulé Vers l’infini mais pas au-delà, il s’agit d’un vrai routard galactique,  le premier guide touristique interstellaire pour être précis. À bord d’un vaisseau spatial construit d’ici mille ans, nous explorons ainsi toutes les planètes du Système solaire, mais surtout toutes les exoplanètes exubérantes et sidérantes qui gravitent dans un rayon relativement proche. À la fois ludique et scientifique, ce guide d’un genre nouveau répartit ainsi les planètes en quatre catégories, des plus fréquentables aux plus infernales en passant par les plus incontournables et les plus improbables. Ces planètes sont parfois aussi fascinantes qu’étranges. Certaines sont ainsi éclairées par deux soleils quand d’autres sont littéralement collées à leur étoile. D’autres encore interdisent toute implantation d’un club Med ; à l’exemple d’Osiris, une planète infernale tapie à 154 années-lumière où les vents dépassent plus de 10 000 km/h. À l’inverse, d’autres mondes s’avèrent presque aussi hospitaliers que notre vieille planète, comme Kepler 452-b, une super terre cachée dans la constellation du Cygne. Voyez-vous, la conquête de l’espace nous réserve encore plusieurs siècles de surprises. Nous vivons aujourd’hui encore dans la préhistoire de l’exploration du Cosmos…

 

« Nous vivons aujourd’hui encore dans la

 

préhistoire de l’exploration du Cosmos… »

 

 

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