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28 septembre 2025

Richard Melloul : « Avec Blier comme d'autres, Michel Blanc a su prendre des risques »

La disparition soudaine et inattendue de Michel Blanc, le 3 octobre 2024, a provoqué parmi le public une émotion considérable. Il était, depuis des années, une figure familière des grands et petits écrans. On savait qu’on l’aimerait à jamais pour le personnage de Jean-Claude Duce, loser magnifique qui surclassait tous les autres parmi les Bronzés, parce qu’il semblait n’avoir pas leur cynisme. On ne croyait pas qu’on passerait si tôt, peu après s’être marrés aux éclats devant ces films pour la énième fois, des larmes de joie aux larmes de tristesse. On pensait l’avoir longtemps encore avec nous, pour nous faire sourire ou nous émouvoir, avec des rôles aussi différents que furent les siens : des rôles hilarants, osés, attendrissants, des personnages ambigus, torturés. Exigeant, il ne fit jamais le choix de la facilité, et sa carrière s’en ressent, comme une aventure continue, comme un perpétuel dépassement de soi. Arrêt brutal.

 

J’ai pu interviewer par téléphone, le 25 septembre, M. Richard Melloul, photographe réputé qui fut un proche de l’acteur, notamment pendant la période charnière de Tenue de soirée (1986). Coauteur, avec Philippe Durant, d’un bel ouvrage qui se veut un hommage vivant, Michel Blanc, Quand te reverrai-je... (Guy Trédaniel, octobre 2025), il a accepté de se prêter au jeu, répondant à mes questions sur le parcours du comédien, sur la photo, sur Depardieu, qu’il espère revoir un jour sur grand écran, et sur Sardou, auquel il consacrera en novembre un livre et un film. Merci à lui ! Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU (25/09/2025)

Richard Melloul : « Avec Blier

comme d’autres, Michel Blanc

a su prendre des risques »

Michel Blanc, Quand te reverrai-je... (Guy Trédaniel, octobre 2025)

 

Richard Melloul bonjour. Est-ce que vous pourriez me raconter un peu votre rencontre avec Michel Blanc, avec lequel, d’après ce que j’ai compris, vous aviez forgé une amitié durable ?

 

Une amitié, je ne sais pas... C’était un rapport de confiance dans le travail. Parce que c’était surtout lié à sa passion pour la photographie. Donc on restait beaucoup de temps dans les labos pour faire ses tirages : lui-même faisait des photos, moi, je lui donnais mon avis parce que c’est mon métier.

 

D’accord. Même si c’est vrai que vous racontez aussi pas mal, dans les encarts du livre, combien parfois il vous appelait pour des conseils, pour des choses assez personnelles...

 

Oui, mais c’était plus des conversations sur un problème de voiture, ou sur un problème de plomberie, des choses comme ça. Donc il y avait des liens. Peut-on appeler ça de l’amitié, parce qu’on se confie sur ce genre de sujet, ou qu’on joue au tennis ensemble, je ne sais pas...

 

D’ailleurs, c’est un sujet que j’avais plutôt prévu d’aborder un peu plus tard, mais vous dites dans le livre que c’était quelqu’un qui était réservé et qui ne se confiait pas vraiment sur des questions privées...

 

En tout cas, pas sur son enfance. C’est marrant parce qu’il ne parlait jamais de ça. Il parlait de ses parents, mais pas de lui au travers de ses souvenirs d’enfance. Je ne sais pas si c’était "secret" ou s’il gardait ça pour lui. Enfin, je ne vais pas dire "secret", mais ce n’était pas le genre d’échange qu’on avait avec lui.

 

Et comment est née cette bio à quatre mains que vous avez écrite avec Philippe Durant ? Vous vous connaissiez auparavant ?

 

Pas du tout. C’est mon éditeur qui a eu la bonne idée de nous réunir. Et lui, il a fait beaucoup de bios d’acteurs. Il l’avait rencontré plusieurs fois. Et il a beaucoup de connexions dans le monde du cinéma, donc il a pu interviewer plein de gens. Et moi, j’ai raconté toutes les anecdotes que j’avais vécues avec lui. Y compris en Afghanistan (pour Afghanistan, le pays interdit, d’Alain Corneau, ndlr), qui était un moment un peu étonnant quand même... À la suite de ça, j’ai donné l’idée de faire ce qu’on appelle un portfolio, c’est-à-dire un livre de cahiers photo, dans un magazine, je crois que c’était Studio ou Première. Donc Michel avait fait le tournage, il avait fait des photos, et il avait été publié lui-même en tant que photographe. C’était une fierté pour lui.

 

De chouettes photos dans cet ouvrage, qui sont de votre patte, si je puis dire. Est-ce que la sélection a été difficile ? Combien de clichés avez-vous écartés ?

 

Alors, je vais vous dire un truc. J’ai fait beaucoup de photos de Michel, et qui sont restées presque inédites, parce qu’à l’époque, ce n’est pas quelqu’un qui intéressait les magazines. Il a rarement fait la couverture d’un magazine tout seul, ou même des parutions seul dans les journaux, parce qu’il faisait partie d’une troupe. J’étais un photographe qui avait fait des photos du Splendid, au tout début : il n’était même pas sur les premières encore.

 

On a même l’impression parfois, en les voyant ces photos, que c’est lui qui les a prises, parce qu’ils sont tous là, sauf lui.

 

Non, c’est bien moi qui les ai prises.

 

Et d’ailleurs, vous racontez à la fin une très belle anecdote sur la photo avec Depardieu et Miou-Miou, à l’époque de Tenue de soirée, à laquelle il tenait beaucoup...

 

Il l’a gardée au-dessus de sa tête pendant près de 30 ans. Tenue de soirée, je pense que c’est ça qui a été le vrai tournant dans sa vie professionnelle, dans sa carrière. Même si Monsieur Hire était formidable. Mais là, tout d’un coup, il prenait une place énorme dans un rôle où personne ne l’attendait. Il fallait oser, à cette époque-là. Je ne sais pas si vous connaissez l’anecdote, mais ça avait été proposé à Bernard Giraudeau, qui l’avait refusé. Comme quoi, vous voyez, dans le cinéma, ça peut être interchangeable...

 

Extrait du livre...

 

Et en tout cas, il a prouvé ô combien qu’il ne fallait pas le diminuer à Jean-Claude Duce. Mais ça, on va y revenir un petit peu plus tard.

 

C’est vrai qu’il ne serait pas content que j’aie appelé le livre comme ça, parce qu’il avait envie qu’on le sorte un peu de ce personnage. Mais je trouvais que c’était un clin d’œil, une forme de respect aussi pour lui.

 

Et d’ailleurs, est-ce que le projet de ce livre a été initié après sa mort ? Ou bien un peu avant ?

 

Non, on avait déjeuné ensemble une ou deux années avant sa mort. On avait parlé d’un documentaire qui réunirait le Splendid, mais on n’avait pas parlé d’un livre, parce qu’il n’était pas très confidences. C’était quelqu’un qui était assez réticent à se confier. Il était comme ça, avec moi en tout cas. Après, je ne sais pas comment il était avec les autres. Moi, je parle de ma relation avec lui.

 

Et est-ce que vous diriez, par rapport au Splendid, que c’était vraiment de Josiane Balasko qu’il était le plus proche ? Tous les deux, ils se sont mis un peu en retrait, ils ont essayé de faire des choses hors la troupe...

 

Exactement. Il était très proche de Balasko. À un moment, il a été très, très proche de Lavanant. Je crois qu’ils l’ont un peu écartée, je ne sais pas quand, mais à un moment, elle était moins présente... Parmi tous les autres, il avait, lui, un petit côté un peu intello. C’est lui qui pouvait avoir des honneurs de Télérama, et moins les autres.

 

C’est vrai que dans le récit, on le voit pas mal avec Jugnot, parce que Jugnot, c’est celui qu’il a connu au départ, et c’est celui qui lui a fait connaître le reste de la troupe. Mais finalement, il y a peu d’interactions avec Clavier, et avec Thierry Lhermitte. Il y a par contre de chouettes témoignages de Marie-Anne Chazel...

 

Alors ça, c’est formidable. Elle est vraiment bien. Mais je crois qu’il y avait deux bandes : il y avait la bande Jugnot-Blanc, et de l’autre côté, il y avait Lhermitte et Clavier. Parce qu’ils n’étaient pas dans la même classe, quelque chose comme ça.

 

Michel Blanc donnait, ça se sent beaucoup dans votre livre, l’image de quelqu’un qui lâchait rarement prise. Est-ce que vous diriez que c’était un éternel insatisfait et angoissé ? En tout cas, s’agissant au moins de son travail ?

 

Alors, c’était très bizarre. Il était plein de doutes, parce que quand on met sept ans pour écrire un deuxième film après un succès comme Marche à l’ombre...

 

Plus de six millions d’entrées, incroyable.

 

Voilà. Et il met sept ans à en faire un autre, parce qu’il n’est pas sûr de son coup. C’est quelqu’un qui est plein de doutes, mais qui sait exactement ce qu’il ne veut pas non plus. Donc, il y a cette espèce de mélange de certitude, et de doute à la fois. C’est marrant...

 

C’était quelqu’un qui donnait cette image à la fois de certitudes, de doutes, d’humilité, avec un petit côté un peu névrosé aussi ?

 

Alors, un peu hypocondriaque, ça c’est sûr. Il avait peur de tout, mais ce qui est terrible, c’est de savoir qu’il est mort comme ça. C’est un truc de fou...

 

Ça a choqué beaucoup de monde, cette histoire.

 

Moi je trouve qu’il y a un truc qui a été fou, et qui l’aurait surpris lui-même, c’est l’engouement qu’il a suscité quand il est décédé.

 

Vous pensez sincèrement qu’il en aurait été surpris ?

 

Franchement, moi c’est la première fois qu’on me demande une photo de Michel Blanc pour faire la couverture de Paris Match...

 

C’est triste que ça arrive à ce moment-là.

 

C’est pour ça que je vous dis que ça l’aurait surpris. Parce que ce n’est pas quelqu’un qui remplissait des magazines, encore une fois Il n’y avait pas de côté people. Même quand il était avec Lio, il n’y a pas eu une photos des deux ensemble qui intéressaient le monde.

 

Vous racontez qu’il était persuadé que si un jour il avait trébuché de voiture, les gens auraient ri...

 

Parce qu’il auraient cru à un gag. Je ne suis pas sûr que ça aurait été vrai à la fin de sa vie. Au début, oui, quand il faisait partie du Splendid. Mais après, je pense qu’il avait une image un peu plus intelligente que les autres et qu’il était un peu plus dans le cinéma que dans la comédie.

 

Est-ce que vous diriez malgré tout que, si les gens de cinéma l’associaient largement à tous les films qu’il avait faits, certainement le grand public l’associait-il encore beaucoup à Jean-Claude Duce ? Jean-Claude Duce, qui a été une opportunité incroyable - peu d’acteurs peuvent être à ce point associés à un personnage aussi marquant - a-t-il été pour lui, aussi un boulet ?

 

D’après ce que dit Marie-Anne Chazel, oui. Je crois qu’aux obsèques, il y avait quelqu’un qui était habillé en combinaison, avec les skis, le bonnet bleu-blanc-rouge sur la tête. Ils étaient amusés et puis un peu emmerdés en se disant, "ça lui colle la peau".

 

Et c’est vrai, vous le dites aussi dans le livre, c’est assez juste, que finalement Jean-Claude Duce est le seul personnage dont on se souvient vraiment du nom dans Les BronzésOn ne se souvient pas trop de Gigi, de Jérôme, de Popeye...

 

Je n’y avais pas pensé au départ, mais c’est vrai.

 

Quel regard, justement, portez-vous sur sa carrière, qui a été vraiment bien différente de ce qu’on aurait pu imaginer au départ ?

 

Moi, je suis toujours admiratif des gens qui se remettent en cause, qui ne surfent pas sur leurs acquis, qui se disent : j’ai l’ambition de tenter autre chose, je ne sais pas ce que ça va donner. À une époque on était à New York ensemble, je faisais un petit documentaire pour Canal+, sur lui. Un truc de vidéo, ce n’était pas mon métier, plus un truc de copains. En interview, il disait : en France, on vous met dans des petites boîtes, quand vous êtes comédien, vous êtes comédien comique, si vous voulez chanter, etc...

 

Un jour, il m’a appelé. Il m’a raconté l’histoire de Tenue de soirée. Et encore, très vaguement : que Blier l’avait appelé pour un film avec Depardieu. Je lui ai dit que c’était très dangereux, mais que d’un autre côté, il ne pouvait pas se plaindre de ne pas sortir des boîtes, et lui-même ne pas vouloir en sortir non plus. Il était d’accord avec ça. Et j’ai une anecdote, mais je crois que je l’ai mise dans le livre : son agent m’a dit qu’il l’avait appelé, et qu’il ne voulait pas faire le film, parce qu’il ne voulait pas se raser la moustache. Et finalement... Voilà, il a pris des risques. Il a fait des films avec plein de gens différents. Un jour, je déjeune avec lui, il me raconte qu’il fait un film avec Louane, qu’il est content de le faire. Ce n’est pas là où je l’attendais, mais il prenait plaisir à le faire.

 

Finalement, il a quand même eu un choix de carrière très maîtrisé.

 

Oui, alors ce n’était pas quelqu’un à qui on imposait des choses. Ce n’était pas quelqu’un qui était influençable. Il savait exactement, encore une fois, ce qu’il voulait et ce qu’il ne voulait pas. En tout cas, encore une fois, je vous le dis franchement, dans les rapports que j’ai eus avec lui, je ne parle que de ça, le reste je ne sais pas....

 

C’est humble de le dire, en tout cas, parce que c’est vrai que je pense que malgré tout, peut-être sous-estimez vous le poids qu’il accordait à vos jugements.

 

Ce genre de sentiment me va bien, voilà. Si je dure depuis longtemps avec les gens avec lesquels je travaille, c’est parce que je reste à ma place. Je ne me prends pas pour eux.

 

On comprend aussi quelque chose d’intéressant et de très peu connu finalement : que la musique était un peu son havre de paix...

 

Il était venu une fois chez moi, il y a très longtemps, il s’était mis au piano, et j’en avais été surpris par sa maîtrise. Il avait une grande connaissance de la musique classique. Je ne peux pas vous dire quel était son compositeur préféré, mais encore une fois il y avait un petit côté intello, quand même, chez lui. À l’époque, il était très pote avec John Boorman, il est très pote avec plein d’acteurs anglais, il est copain avec la fille de Boorman, Katrine, je crois qu’il a tourné avec elle. Il a fait un film, j’ai les photos d’ailleurs, à Rome, produit par Ettore Scola. Je ne me souviens pas que Clavier ait fait ça, quoi...

 

(...) Cela dit, à propos de Clavier, je vais vous confier quelque chose. Quand je voulais faire ce documentaire, j’ai dit à Michel : j’aimerais bien faire un truc pour le 50e anniversaire du Splendid. Il m’a dit : ah bon, tu crois, mais on a fait un truc sur Canal, déjà, etc... Il m’a dit : écoute, je ne sais pas, si Clavier veut, tout le monde voudra. Tout le monde le fera. Si Clavier le fait, tout le monde le fera...

 

D’accord, un peu le chef de bande, quelque part.

 

C’est drôle, ce que Philippe Durant dit dans le livre, c’est que Michel n’aimait pas écrire en bande... La dernière fois que j’ai déjeuné avec lui, avant qu’il s’en aille, j’ai senti qu’il y avait une espèce de fraternité entre eux, vraiment. Il avait un vrai respect de la bande, quoi. J’ai jamais entendu Michel dire du mal de l’un de la troupe, jamais.

 

Enfin, je n’ai pas l’impression qu’il était quelqu’un qui avait un caractère à vraiment dire du mal...

 

Non, pas dire du mal, mais comme il savait exactement ce qu’il voulait, et surtout ce qu’il ne voulait pas, ça pouvait souvent être borderline. Mais là pas du tout. Il y avait une forme de respect quand il parlait des autres, tout le temps.

 

Si vous deviez retenir trois ou quatre films, de ou avec Michel Blanc, que vous aimeriez conseiller particulièrement à nos lecteurs, notamment ceux un peu moins connus, qui vous ont marqué ?

 

Pour moi, c’est indissociable du moment que j’ai vécu pendant le tournage. Et à 300%, au-dessus de tout, c’est le seul, c’est Tenue de soirée. J’ai vu... comment je pourrais vous dire... L’univers de Blier, de Miou-Miou et de Depardieu, plus proche des Valseuses, donc, c’est pas du tout le même univers d’humour que le Splendid. Pas du tout. Et j’ai vu les trois, Blier, Depardieu et Miou-Miou, l’amener vers leur monde à eux. Et au bout de quinze jours, Michel Blanc était plus "vulgaire" que les trois réunis ! Comme quoi, il avait bien réussi son truc, et là, moi, j’avais été bluffé parce que je voyais... Il aurait pu être intimidé, mais il l’était pas du tout.

 

L’univers de Blier était quand même quelque chose d’assez osé, c’est sûr.

 

Mais oui. Moi j’étais sûr que le film ne sortirait jamais, parce que les dialogues étaient tellement impensables, imprononçables... Mais franchement, sur le tournage, il ne se démontait pas. Il aurait pu être un peu en dedans, un peu dans la crainte, pas du tout. Il assumait tout le truc.

 

Vous évoquiez tout à l’heure le fait que votre relation au départ s’était nouée autour de sa passion pour la photo. Il y a d’ailleurs une anecdote où vous expliquez qu’avec les clichés qu’il avait pris en Asie, il y aurait de quoi faire un bel album, sans doute. Quel type de photographe il était ?

 

Comment je pourrais vous dire... ? Il ne mettait pas en scène. Il voyageait beaucoup à l’époque, notamment dans les pays asiatiques. Il photographiait les gens dans la rue, les petites filles, ceux qui mangeaient dans les restos, etc. C’était plus un photographe de l’instantané. Il ne montait pas les choses. Comme un touriste un peu aguerri, et un peu exigeant.

 

Et qui peut-être préférait photographier les visages plutôt que les paysages...

 

Oui, complètement. On allait dans les boutiques où moi, je me fournis. Il achetait du matériel de qualité, cher. À l’époque, j’étais dans les agences Sygma. Il passait du temps avec moi. On allait dans les labos. Pendant que les photographes, les tireurs tiraient l’actualité, il s’arrêtait un petit peu pour tirer ses photos à lui...

 

D’ailleurs, ça, c’est une question un petit peu à part. Quels sont les conseils que vous donneriez-vous à quelqu’un qui adorerait la photo et qui aura envie d’en faire son métier ?

 

Je vais vous répondre d’une manière très simple. Je ne peux pas donner des conseils à quelqu’un qui veut démarrer le métier que j’ai commencé à exercer quand j’avais 14 ans. Parce que ce métier a changé. Les outils avec lesquels moi, j’ai travaillé, le mode d’expression que j’ai eu... ce ne sont plus du tout les mêmes codes aujourd’hui. Plus du tout. Moi, je serais tenté de dire que ce métier est un peu foutu par rapport à ce que j’ai connu. Mais quand j’étais môme, que j’avais 14 ans, les mecs qui avaient 60 ans me disaient exactement la même chose. Et ça m’a pas empêché de faire carrière et de gagner ma vie, d’en faire mon métier. Aujourd’hui... c’est vrai que je n’ai pas de conseils à donner. Regardez les gens quand ils font des photos avec leur téléphone, ils photographient la Tour Eiffel, ils ne la regardent même pas. Ils regardent d’abord leur écran.

 

Vous me dites que le mode d’expression par la photo a changé depuis que vous avez commencé. Mais est-ce que votre façon de prendre des photos a fondamentalement changé depuis que vous avez 14 ans ?

 

Non, parce que j’ai grandi dans un monde, c’est ma culture si vous voulez. J’ai vécu dans des endroits où il y avait des reporters photographes qui revenaient de missions incroyables. Après, le people est arrivé, des choses comme ça. Je crois que j’ai évolué avec mes envies. Je faisais des actualités et j’ai arrêté pour faire autre chose. Maintenant, je fais des films, des livres, des choses comme ça. Je ne crois pas qu’on puisse faire ce métier aujourd’hui de la même manière qu’on le faisait il y a 30 ans. On ne peut plus faire la même chose. Je ne peux pas convaincre une jeune influenceuse, à mon âge, de vouloir faire des photos avec moi. Elle ne va pas y croire. Et moi, non plus.

 

Qu’est-ce qui fait une belle photo pour vous ?

 

Une émotion. Il n’y a que celui qui la regarde qui peut savoir si c’est une belle photo ou pas.

 

C’est une belle réponse.

 

C’est vrai. C’est ce que ça déclenche chez les gens.

 

Pour revenir un peu à notre sujet, je vais aller sur une question un peu plus compliquée à aborder en ce moment. On a parlé de Tenue de soirée, vous lui avez consacré un livre. Question simple : est-ce que vous pensez qu’on reverra Depardieu un jour au cinéma ?

 

Oh, qu’est-ce que j’aimerais... Je paierais pour ça. Pas simplement dans le cinéma. Mais d’être un homme, pas "réhabilité" parce que c’est compliqué... mais je trouve tout ça un peu injuste.

 

Vous êtes un peu en contact avec lui encore ?

 

Très peu. Je ne sais pas quoi lui dire. Je ne vois pas ce que je peux dire...

 

Photo gracieusement prêtée par Richard Melloul...

 

En trois mots, comment est-ce que vous qualifieriez Michel Blanc ?

 

Petit, chauve et... Non, non, je déconne. Exigeant, est-ce qu’on peut dire exigeant ? Fidèle, même si ça venait plus de moi que de lui. Mais il y avait une relation qui était très particulière, c’est-à-dire que je faisais partie de sa vie, enfin, comment je pourrais dire ça, sans que ce soit prétentieux. Il m’appelait souvent, voilà. Il y avait un vrai lien, mais je ne sais pas s’il était sincère, s’il était profond... Quand je suis allé sur ses tournages de films, il ne me disait pas, je finis pas trop tard, on va bouffer ensemble. Il était dans son truc et moi j’étais venu faire quelques photos, c’est tout. Il était sincère mais il était dans son histoire, il était dans son écriture et tout. Moi ça m’allait bien. Avec tous les gens avec lesquels j’ai travaillé, je n’ai pas eu besoin d’être ami. Ça, ça nous regarde, la personne et moi. Par contre, ce que je veux, c’est sa confiance. Les gens avec lesquels je travaille et avec qui j’ai travaillé longtemps, c’est des rapports de confiance.

 

Et Sardou, c’est quelqu’un aussi avec qui vous avez ce rapport de confiance, peut-être d’amitié ? J’ai vu que vous allez bientôt sortir un nouveau livre avec lui...

 

Un livre et un film, on vient de terminer aujourd’hui, d’ailleurs. Un film de 90 minutes pour le groupe M6, mais qui passe d’abord, en version 120 minutes, sur le réseau Pathé. Il va d’abord sortir au cinéma, ce qui est incroyable pour un documentaire... Il sera au cinéma les 6 et 9 novembre. On ne peut pas avoir des rapports de photographe, de professionnel avec quelqu’un pendant 40 ans sans qu’il y ait ces rapports de confiance... c’est impossible.

 

Le rendez-vous est pris alors pour une interview prochaine, notamment autour du livre ?

 

Avec grand plaisir. Il sort le 3 novembre. 60 ans de carrière, donc 60 ans de photos de scène. Moi, je n’ai pas tout, évidemment, mais à partir de 82, 83, je commence à le photographier. Plus ça va, plus les photos sont fortes, parce que la lumière est forte, parce que les décors sont incroyables, parce que lui, il mûrit, ça donne un truc formidable... Vraiment, vous allez voir, c’est magnifique.

 

Est-ce que vous pensez que vraiment, ses adieux étaient de vrais adieux ?

 

Il ne peut pas faire autrement. Il est fatigué. Il finit par s’en apercevoir, lui-même le dit. Il a même dit qu’il n’avait plus la même pêche. C’est pour ça que j’ai fait le film. Un hommage. On en parle déjà pas mal sur les réseaux de Pathé et de fans.

 

Est-ce que vous avez un dernier mot ? Pour conclure cet échange, agréable.

 

C’était très agréable de vous avoir et de parler. C’est quelqu’un, Michel, qui a déclenché chez les enfants - je dis les enfants parce que c’est l’âge de mon fils, autour de la quarantaine - quelque chose de fort. Ils ont été choqués. Vraiment. Ils ont été tous attristés par la mort de Michel Blanc. Si ça avait été Lhermitte ou quelqu’un d’autre, tous ces gens de cette génération m’ont dit que ça n’aurait pas été pareil.

 

Cette image un peu plus fragile, un peu plus discrète...

 

Oui, et c’est vraiment lié aux Bronzés. Pour les gens de cette génération, je pense que cette émotion est très liée à ces films. À ceux-là.

 

C’est pourquoi, malgré tout, merci Jean-Claude Duce !

 

Exactement, de la reconnaissance pour lui...

 

Richard Melloul.

 

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