Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Paroles d'Actu
16 avril 2025

Florence Belkacem : « Ce qui manque au monde, c'est la contemplation. »

Il est des romans dont la lecture peut, l’air de rien, modifier un peu notre façon de penser, par exemple en corrigeant des préjugés. Celui-ci va changer je crois les réflexes du lecteur attentif par rapport à l’univers qui l’entoure. Dans Cueilleuse de signes (Guy Trédaniel, mars 2025), la journaliste et romancière Florence Belkacem se raconte et nous livre un récit qui est à la fois un jeu de piste dans l’espace (de Paris à la Kabylie) et le temps (celui de l’histoire de sa famille) et une quête intérieure, que va alimenter sa sensibilité aux signes que la nature et le hasard (ou hasard en apparence ?) peuvent bien lui envoyer. Qu’on y croie ou pas, on se prend au jeu. Et si ce papillon ne s’était pas posé là par hasard ? Et ce scarabée, que j’ai croisé tout à l’heure... Un joli moment de partage. Une invitation à l’introspection ? Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU (16/04/2025)

Florence Belkacem : « Ce qui manque

 

au monde, c’est la contemplation. »

Cueilleuse de signes (Guy Trédaniel, mars 2025).

 

Florence Belkacem bonjour. Avez-vous le sentiment, avec ce nouveau roman, Cueilleuse de signes, d’avoir atteint un objectif, un cap désiré, comme peuvent le suggérer les derniers mots du livre ? Comme une mise à nu du cœur et de l’esprit, pour vous-même et aussi pour d’autres ?

 

Bonjour. Mise à nu n’est pas le bon mot, je dirais mise en correspondance. J’ai voulu retrouver mes origines du côté paternel en Kabylie car des signes semblaient m’appeler… comme par exemple une pièce de domino ou un prénom que je ne comprenais pas. Avec ce livre, une étape est franchie...

 

Dans quelle mesure justement ce récit est-il autobiographique autant qu’on peut le deviner, et est-il plus facile, comme par pudeur, de se raconter en donnant à son personnage un autre prénom que le sien ?

 

Chacun croit vivre dans le réel, mais c’est souvent son imaginaire qui façonne sa vie et Cueilleuse de signes en est le symbole. À un moment de ma vie, je me suis sentie prête à accueillir des signes qu’auparavant j’ignorais. Mais vous avez raison sur un point  : c’est beaucoup plus facile d’écrire en entrant dans la destinée d’un personnage qu’en disant «  je  ».

 

Est-ce que le chemin intellectuel et spirituel qui a été le vôtre jusqu’à présent, ce goût pour les mots des philosophes et pour les signes qui nous entourent, vous aide définitivement à mieux vivre et à accepter avec moins de difficulté les épreuves ? Être en paix avec soi-même doit-il forcement passer par une meilleure connaissance de l’histoire de sa famille et de ses souffrances passées ?

 

Vous posez plusieurs questions en une seule ! D’abord, je cite beaucoup de stoïciens – et d’abord Zénon, le premier d’entre eux – car je crois beaucoup dans les règles de vie proposées au IVème siècle avant notre ère  : il faut s’accepter tel qu’on est et accepter aussi les événements qui surviennent. Non pour s’en plaindre mais pour les comprendre et voir comment d’un mal peut surgir un bien.

 

Votre conseil justement pour qui aurait toutes les peines du monde à surmonter, à survivre même à une lourde épreuve, comme un deuil ?

 

Conseil est un bien grand mot, je préfère le mot attitude. Je crois que l’homme est plein de ressources et qu’il est toujours capable de se relever. Rien dans nos malheurs et nos tourments n’est insurmontable. Mais c’est vrai que le chemin qui mène vers l’apaisement peut être douloureux. Le plus difficile est de ne pas se mentir à soi-même.

 

Est-ce que votre parcours de journaliste qui a côtoyé tant de gens, personnalités ou non, a nourri votre connaissance de l’âme humaine ? D’ailleurs les signes, on les trouve aussi dans les rencontres humaines ?

 

Les signes, c’est souvent en soi qu’on les trouve et dans la nature. Un théologien comme Maurice Zindel a dit que «  l’au-delà est un au-dedans  » et j’en suis convaincue. Les rencontres peuvent vous influencer, mais c’est en soi que réside la force d’avancer…

 

Quelles rencontres vous ont le plus marquée et pourquoi ?

 

Serge Gainsbourg, Jacques Dutronc, Philippe Sollers et Bartabas, un extraterrestre perdu dans notre siècle.

 

Si vous pouviez poser trois questions à trois personnalités du moment, quelles seraient-elles ?

 

À Edgar Morin : vous arrive-t-il encore de rêver de votre maman, Luna ?

À Elon Musk : comment êtes-vous entré dans la tête de Donald Trump ?

À Donald Trump : seriez-vous capable de bannir Elon Musk de votre cercle de conseillers ?

 

Une question à une personne disparue, notamment de vos proches ?

 

À mon ami Thomas qui a mis fin à ses jours  : pourquoi ?

 

Vos projets et surtout vos envies pour la suite ? L’écriture de roman, c’est aujourd’hui ce que vous aimez le plus ?

 

Et pourquoi pas une pièce de théâtre ? J’adore écrire des dialogues, imaginer les réparties des personnages dans des situations improbables. Et j’admire les auteurs contemporains de théâtre qui font vivre nos rêves.

 

Un dernier mot ?

 

Ce qui manque au monde, c’est la contemplation.

 

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

Publicité
Publicité
11 avril 2025

Sophie Mousset : « Gérard Chaliand sait voir en chacun la beauté du monde »

Je cite rarement des attachés de presse dans les colonnes de Paroles d’Actu : celles avec lesquelles les contacts sont réguliers ont en privé elles le savent ma reconnaissance, et évidemment mon respect. Je vais faire ici une exception et saluer Patricia Ide Beretti. Il y a trois ans, en mars 2022, je lui demandais si elle croyait une interview possible avec une ancienne ministre de la Défense et de l’Intérieur qui venait de sortir un livre. Elle me répondit par la négative, mais me suggéra à la place un nom qui, alors, ne me parlait pas du tout : Gérard Chaliand, apparemment un géostratège renommé. Le deuxième volet de son autobiographie, Le Savoir de la peau, venait de paraître aux éditions de l’Archipel. Alors ce livre, je l’ai lu. Et j’ai été embarqué par ce récit de cet aventurier, compagnon de route et observateur de nombre de mouvements de libération dans le monde, depuis l’Algérie. Touché aussi par la vie de cet homme qui a connu, vécu, aimé plus qu’à son tour, et qui retient de ces expériences hors du commun, qui dans son grand âge l’ont laissé curieux comme aux premiers jours, tout sauf de la suffisance.

 

J’ai eu de nombreux échanges par mail avec Gérard Chaliand depuis. Il a répondu à mes questions pour louvrage cité plus haut (avril 2022), et m’a livré son regard d’expert sur Henry Kissinger après la mort du célèbre diplomate américain (décembre 2023). Expert, assurément : il connaît comme peu de gens en France ou ailleurs la complexité du monde, pour avoir côtoyé presque d’un même mouvement damnés de la Terre et chefs d’État. Au-delà de l’érudition de ses réponses, j’ai été touché par la gentillesse et la sensibilité apparente de cet homme, et regrette encore de n’avoir pas su à temps qu’il a tenu une conférence avec son fils Roc à Lyon, en janvier 2024.

 

Il y a quelques semaines, je l’ai contacté à nouveau. Pour prendre de ses nouvelles (il allait sur ses 91 ans) et lui poser de nouvelles questions, à la suite de la dernière élection (?) de Donald Trump. Après un temps il m’a fait de très courtes réponses, j’ai compris qu’il était fatigué. Peu après j’ai été approché par un éditeur, Les Belles Lettres, qui m’a confié travailler à un recueil de grands articles et interviews pour célébrer la pensée et la trace de Gérard Chaliand. Ils voulaient l’autorisation de reproduire mon interview la plus poussée avec lui, celle de janvier 2023 dont la phrase d’accroche (« Nous n’avons pas suffisamment désiré la construction d’une Europe forte ») résonne particulièrement en ce printemps 2025. J’ai évidemment accepté, flatté aussi de voir pour la première fois un de mes articles publié intégralement (intro comprise !) par un éditeur. Le Grand Tournant géopolitique est disponible depuis début mars.

 

Depuis la fin de janvier 2025, je suis en contact régulier avec Sophie Mousset, une aventurière également remarquable, auteure de Kurdistan : Poussière et vent (Nevicata, 2017) et d’une pièce de théâtre, Appelle-moi Olympe (L’Aube). Grâce à celle qui fut la compagne de Gérard Chaliand et en est restée une très proche, j’ai pu continuer à prendre des nouvelles. Je lui ai proposé il y a quelques jours, prenant pour prétexte la parution du Grand Tournant géopolitique (dans lequel elle apparaît), de réaliser ensemble une interview pour évoquer M. Chaliand, mais pas que ! Elle a très aimablement accepté. Je la remercie pour sa disponibilité et pour me permettre de publier le présent article. C’est tellement bon de rendre hommage à quelqu’un qu’on estime tant qu’il est encore là ! ;-)

 

De mon statut de néo quadra qui aimerait oser davantage l’aventure, je salue avec respect et chaleur Gérard Chaliand, que je vous invite toutes et tous à découvrir, tant pour ses analyses fines du monde que pour son inspirant parcours de vie ou encore pour... sa poésie, parce qu’il est aussi poète ! Je remercie encore Patricia Ide Beretti, sans qui je ne l’aurais peut-être jamais connu. Et Sophie Mousset, qui vient de m’aider à comprendre mieux encore. Lui. Elle. Ce qui nous entoure. Et l’esprit d’aventure. Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU (04/2025)

Sophie Mousset : « Gérard Chaliand

 

sait voir en chacun la beauté du monde... »

 

Le Grand Tournant géopolitique (Les Belles Lettres, mars 2025).

 

Sophie Mousset bonjour. Parlez-moi de Gérard Chaliand, dont une anthologie des textes vient de paraître (Les Belles Lettres) ? De votre première rencontre, et de ce qu’il vous a d’emblée inspiré ?

 

Gérard Chaliand était un client régulier de la librairie dans laquelle je travaillais : Compagnie, au quartier latin. Un jour il m’a invitée à déjeuner. Je n’avais pas la moindre idée de qui il était, je travaillais au rayon littérature. En rentrant du déjeuner, j’ai tapé son nom dans la base de données de la librairie, il n’y avait pas encore Internet, à cette époque. J’ai vu des pages et des pages défiler d’ouvrages à son nom, j’étais estomaquée !

 

Ce qui m’a frappée chez lui, c’est sa clairvoyance sans cynisme, son calme et sa culture sans forfanterie. Il y avait aussi de la bonté dans son regard.

 

Peut-on dire que ce qui vous réunit, philosophiquement et humainement parlant, c’est le désir de comprendre les peuples dans leur identité, de les accompagner dans leur aspiration légitime à disposer d’eux-mêmes, et un goût certain pour l’aventure ? Êtes-vous tous deux totalement synchro sur tous ces points, notamment le dernier ?

 

On peut le dire, oui. J’avais mis de l’argent de côté pour partir en cargo pendant quelques années, finalement je l’ai accompagné partout pendant 19 ans. Quand il y a du danger, on se sent terriblement vivant. J’avais besoin de ça. Par ailleurs, j’ai toujours été très sensible au droit des minorités et je ne parvenais pas à comprendre le sens de la guerre. J’étais très naïve, je le suis encore un peu, mais beaucoup moins. J’ai bien compris que les relations entre les peuples sont un rapport de force. Hélas.

 

Quels évènements, quelles expériences, quels visages ont forgé votre engagement, vos indignations à vous ? La logique, bien des années plus tard, fut la même que pour ceux qui ont animé Gérard Chaliand dans sa jeunesse (les guerres de décolonisation notamment) ?

 

Tous nos voyages m’ont marquée, tous nos engagements. Je suis certainement très proche des Arméniens et des Kurdes à cause des amitiés que j’ai nouées avec certains d’entre eux. Le plus difficile, pour moi, fut l’Afghanistan, je m’y sentais comme une afro-américaine qui séjournerait dans un pays dont l’esclavage n’est pas aboli. Par ailleurs la très grande richesse de la culture afghane et la sensibilité de nombre d’entre eux m’ont souvent émerveillée. Toutes les certitudes volent en éclat en Afghanistan.

 

Née fille, j’ai beaucoup souffert de discrimination et de la violence masculine, c’est ce qui m’a permis de comprendre, de l’intérieur, ce que peuvent ressentir les peuples opprimés. Malheureusement, force m’est de constater que la résistance coûte un prix exorbitant.

 

Le premier président de la République d’Arménie, Levon Ter Petrossian m’a fortement impressionnée par son intelligence et sa clairvoyance, mêlées de tristesse. D’autres dirigeants également, que je préfère ne pas nommer, pour lesquels j’avais de l’affection et qui se sont avérées être des tueurs. C’est très dur à accepter, mais il n’y a guère de morale en matière de politique...

 

Comment expliquerez-vous à qui ne le connaîtrait pas l’apport de Gérard Chaliand à l’univers de la géopolitique, et son empreinte pour une meilleure appréhension du monde ?

 

Le premier apport de Gérard Chaliand fut le regard sans complaisance qu’il posa sur la révolution algérienne. Bien qu’engagé aux côtés du FLN, son honnêteté intellectuelle l’a obligé à constater les dérives autoritaires qui suivirent la libération. Son livre L’Algérie est-elle socialiste ? fut très mal accueilli. Il voyait juste pourtant.

 

Son expérience en Guinée-Bissau, au Vietnam, en Palestine, entre autres, a fait de lui un spécialiste des guerres irrégulières dont il a étudié, non seulement les effets, mais les stratégies, les règles fondamentales qui permettent de vaincre sur la durée.

 

Enfin, son Atlas stratégique, qu’il a mis au point aves son compère Jean-Pierre Rageau, a révolutionné la vision habituelle et autocentrée du globe.

 

Ses observations de la guerre irrégulière et des guérillas se sont montrées particulièrement pertinentes au moment où al-Qaïda et Daech sont apparus sur la scène internationale.

 

Kurdistan : Poussière et vent (Nevicata)

 

Vous avez vous-même consacré une bonne partie de vos travaux à la question kurde. Est-ce que vous diriez qu’au vu des derniers évènements, en Turquie et en Syrie notamment, on est plutôt plus ou moins proche qu’auparavant de l’idée d’un État kurde ?

 

Un État qui rassemblerait tous les Kurdes n’est malheureusement pas envisageable dans un avenir proche, il faudrait modifier cinq frontières, dans une zone déjà très instable. De plus, les concitoyens de tous les Kurdes s’y opposeraient. Ce qui se rapproche le plus d’un État kurde est la région kurde autonome d’Irak.

 

Vous avez aussi écrit sur les mers et abordé ses enjeux. Le grand large est-il redevenu comme au temps de Bougainville une question décisive en ces temps de réaffirmation des empires ?

 

Certainement. Les océans sont de gigantesques axes d’échange, par le commerce et la communication, mais aussi de rapports de force et d’observation réciproque. Par ailleurs les déchets qui menacent leur écologie sont également un danger insuffisamment pris en charge...

 

Êtes-vous de ceux qui estiment que par-delà la rhétorique le second mandat de Donald Trump ouvre réellement une page nouvelle dans l’histoire de notre temps ? Si oui s’inscrit-il dans cette logique de fin de l’hégémonie occidentale qu’analyse Gérard Chaliand, ou bien Trump cherche-t-il au contraire à la freiner ?

 

Donald Trump n’a rien inventé, les rapports de force ont toujours été le principe même des échanges politiques. Ce qui change, c’est justement la rhétorique «  décomplexée  » comme on dit aujourd’hui. On la retrouve également chez tous les partis d’extrême droite en Europe !

 

L’attitude de Trump semble renforcer l’alliance européenne et je m’en réjouis, même si, économiquement cela risque d’être très inconfortable pour nous, mais ce qui m’inquiète davantage, c’est qu’elle nuit considérablement à l’émergence de régions plus fragiles. Donald Trump cherche à imposer une hégémonie non pas occidentale mais étatsunienne en jouant sur une conception rétrograde de la société par les dirigeants chinois et russes, entre autres, en affichant des principes moraux qu’il ne respecte aucunement.

 

Quel regard portez-vous sur la jeunesse de 2025, à supposer qu’on puisse évoquer au singulier cette réalité multiple ? La sentez-vous plus ou moins à même que les précédentes générations de vivre vraiment l’aventure de la vie, et l’aventure tout court ?

 

Vous faites bien de parler de jeunesse au pluriel, car en effet je constate une distance de plus en plus grande entre ceux qui ne peuvent guère se concentrer que sur les moyens de leur subsistance, quand ce n’est pas de leur survie, ceux qui en ont tellement bavé qu’ils sont pris dans un engrenage de violence, ceux qui doivent fuir un pays en guerre ou en famine, ceux qui, plus préservés, se sentent concernés par l’écologie, la lutte contre les discriminations, ceux qui ont bénéficié de grandes études… etc.

 

Ceux que je connais, dans à peu près tous ces cas de figure, me semblent en tout cas nettement moins naïfs que ne l’était ma génération. Il ne faut pas être naïf, c’est une grosse perte de temps. Quant à l’esprit d’aventure, il est le nerf même de la jeunesse si celle-ci n’est pas brisée.

 

Cela implique un difficile équilibre entre conscience des autres et du monde et refus du cynisme ou du fatalisme. C’est ce qui m’a toujours frappée chez Gérard Chaliand, cette aptitude à voir la beauté du monde en chacune des personnes qu’il a rencontrées. Malgré tout. C’est sans doute pourquoi Gérard est resté jeune si longtemps !

 

Vous évoquez la naïveté perdue des nouvelles générations, parlant même de la naïveté comme d’une "perte de temps". Cela revient-il nécessairement à dire que la connaissance du monde rend, ou devrait rendre cynique ? L’idéalisme (que j’associe peut-être à tort à la naïveté) est-il à proscrire pour mieux appréhender les réalités de notre temps ?

 

En effet, pour moi l’idéalisme n’est pas de la naïveté, ce qui est naïf c’est de croire que cet idéal adviendra, mais cela n’empêche pas de lutter pour tendre vers des améliorations ! Et à mon avis, se battre pour quelque chose est une excellente raison de vivre. Le cynisme c’est de l’amertume et... un peu de complaisance aussi. C’est un péché de jeunesse dans mon cas. Cela ne mène à rien. Pour comprendre les gens il faut de l’empathie, mais pour comprendre les phénomènes de société et en particulier politiques, il faut faire fi de ses émotions et des jugements de valeurs. C’est un exercice très difficile, dans lequel Gérard Chaliand excelle, mais il lui a fallu des années pour y parvenir !

 

Qui vous inspire sans nuance dans le monde d’aujourd’hui ?

 

Christiane Taubira, Claude Favre, une poétesse bouleversante et beaucoup d’anonymes.

 

Le conseil que vous donneriez à un homme d’État amené à conduire la politique étrangère de son pays ?

 

Ne pas sous-estimer son ennemi.
 

Dans la dernière partie de ses mémoires, Gérard Chaliand évoquait cet homme qui revint dans son pays parce que bouleversé par l’odeur familière de l’armoise. Lors de notre interview j’avais demandé à M. Chaliand quelle était "son" armoise à lui, il m’avait répondu : le souvenir de celles et ceux qu’il a perdus. Et vous ?

 

Moi aussi, bien sûr… et peut-être aussi toutes les photos que je n’ai pas prises et qui me hantent, les lumières de la Bretagne et de la Loire et… ma bibliothèque !

 

Gérard Chaliand tel que vous le connaissez et l’avez compris, en trois mots ?

 

Soif de connaissance, allégresse physiologique, amour des femmes.

 

Feu nomade (Gallimard)

 

Il est aussi féru de poésie et praticien lui-même dans cette discipline. Quel poème voudriez-vous non pas lui dédier, mais lui dédicacer, comme un clin d’œil amical ?

 

Feu nomade bien sûr.

 

Vos projets et surtout vos envies pour la suite, Sophie Mousset ?

 

Quand le vent soufflera, je reprendrai mon barda.

 

De quels peuples et communautés aimeriez-vous justement partager la vie pour quelques semaines ou quelques mois, à l’avenir ?

 

J’aime beaucoup les zones géographiques qui font se rencontrer des cultures différentes, c’est le cas de l’Afghanistan, mais je n’ai aucune envie d’y retourner dans le contexte actuel. L’Asie centrale me tente bien ! Le Japon aussi, pour d’autres raisons, j’admire beaucoup leur auto-discipline, leur attention portée aux autres et leur sens de l’esthétique. Et puis il y a plein de pays d’Afrique que je connais peu ou pas, surtout dans l’est, j’aimerais y passer du temps. J’aimerais aussi retourner dans des zones que j’ai bien connues.

 

Cela dit, j’ai emmagasiné beaucoup de souvenirs dont je ne comprends pas encore toute la portée. Même sédentaire, je voyage encore beaucoup en pensée.

 

Un dernier mot ?

 

C’est un miracle d’être en vie, on a tendance à l’oublier.

 

Sophie Mousset et Gérard Chaliand, vers 2008.

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

Paroles d'Actu
Publicité
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 1 086 228
Publicité