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Paroles d'Actu
8 avril 2024

Frédéric Quinonero : « Il y aura beaucoup de larmes aux adieux de Sylvie Vartan... »

Lors de mon interview du mois dernier avec Jacques Rouveyrollis, « magicien » des lumières pour nombre des plus grands, a rendu hommage à celles et ceux qui ont croisé sa route - route qui d’ailleurs se prolonge pour le plaisir de tous. Parmi eux, une artiste, une femme qu’il appelle invariablement son « porte-bonheur », Sylvie Vartan - il l’accompagnera d’ailleurs pour sa tournée d’adieux qui débutera cet automne.

 

C’est justement d’elle dont il sera question aujourd’hui, puisque le biographe Frédéric Quinonero, fidèle de Paroles d’Actu, vient de consacrer à Sylvie Vartan une bio complète et touchante, empreinte de sa part d’une tendresse, d’une nostalgie qui renvoient à sa propre jeunesse, lorsqu’elle fut, aux côtés de Johnny, de Sheila et de Françoise, une des idoles qui l’ont fait rêver et qui l’ont aidé à grandir. Merci à lui pour cet échange. Les adieux de Sylvie Vartan, Michel Delpech les évoquait il y a longtemps, on y est presque, et c’est pour beaucoup un peu une page qui se tourne... Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU. Q. : 17/03 ; R. : 04/04.

Frédéric Quinonero : « Il y aura

 

beaucoup de larmes aux adieux

 

de Sylvie Vartan... »

 

Sylvie Vartan, les chemins de sa vie (Mareuil Éditions, février 2024)

 

Frédéric Quinonero bonjour. Sylvie Vartan fait partie de ces figures qui depuis toujours accompagnent et rythment ta vie. Ça a été quoi ton histoire avec elle ? Quelle place l’enfant que tu étais lui a-t-il accordée aux côtés des Johnny, Sheila, Françoise ?

 

Sylvie Vartan a eu tout de suite une place privilégiée du fait qu’elle était la femme de mon idole. Mais comme elle n’était pas que cela, bien sûr, elle a accompagné toute ma vie… J’ai d’abord connu Johnny, puis j’ai vu Sylvie à la télé, elle chantait Loup et Annabel. C’était son époque pop-rock, avec ses musiciens Micky Jones et Tommy Brown. J’ai adoré son style. Je trouvais que Johnny et elle formaient un couple idéal. Je continue à penser qu’ils sont indissociables… Sheila a marqué mon enfance, mais j’étais assez frustré de ne pas la voir « en vrai », c’est-à-dire sur scène. Elle y est venue, mais trop tard selon moi… J’ai été ébloui devant Sylvie, en 1973, avec Johnny dans les arènes d’Alès. Puis, à l’adolescence, la mélancolie de Françoise m’a happé. Comme elle j’avais une vision absolue de l’amour, avec une propension pour les amours de dépendance ou faux amours, et j’ai beaucoup pleuré en écoutant en boucle ses chansons les plus désespérées (rires).

 

Ce qui frappe, quand on découvre Sylvie Vartan via ton livre, c’est sa personnalité, une force de caractère peu commune. Pour l’expliquer, faut-il avant tout chercher dans ses chemins d’enfance, l’exil de sa famille face au communisme sauce Staline, la conscience aussi d’inégalités de fait ?

 

L’épreuve de l’exil forge la maturité. Très jeune, Sylvie a compris sans le formuler, ni l’analyser comment fonctionne le monde. Elle a vu ses parents se sacrifier pour que leurs enfants ne manquent de rien, son père qui était un artiste obligé de se lever aux aurores pour aller travailler aux Halles… Elle a su très tôt qu’il lui faudrait batailler plus qu’une autre pour réussir et elle se l’était promis pour rendre à ses parents ce qu’ils avaient perdu en quittant leur pays.

 

>>> La Maritza <<<

 

Tu évoques longuement, notamment en début d’ouvrage, ses retours émouvants en Bulgarie, jusqu’à cette petite fille qu’elle a adoptée. Ses racines, sa famille, ont eu pour elle plus que pour d’autres artistes, une importance capitale, j’ai envie d’écrire « décisive », dans sa vie ?

 

Oui, car une partie de sa famille était restée là-bas, notamment son grand -père qu’elle adorait et qu’elle n’a plus jamais revu. Revenir en Bulgarie, retrouver ce pays qui l’a vu naître était un désir brûlant pendant de longues années, qui ne pouvait se réaliser qu’à partir du moment où le régime totalitaire qui avait fait fuir ses parents serait tombé. C’est arrivé en 1989, avec la chute symbolique du mur de Berlin. Plus tard, il lui était naturel d’adopter un enfant bulgare, quelqu’un qui lui ressemble.

 

Son histoire avec Johnny mériterait à elle seule de remplir plusieurs saisons d’une série télé. Ils se sont aimés à la folie, admirés, quittés, remis ensemble, et en tout cas toujours gardé l’un pour l'autre, jusqu’à la mort d’Hallyday, respect et tendresse. Peut-on dire qu’il y avait réellement incompatibilité entre eux s’agissant d’un projet de vie en commun, elle très mature, stable, lui « trop » en quête de tout cela ?

 

Ce fut un amour passionnel, un amour de jeunesse qui a duré bon an mal an deux décennies. Leur couple est devenu mythique, car symbole d’une époque faste et glorieuse. Ensemble ils ont connu les turbulences de cette génération éprise de rythme et de liberté. Mais ils n’ont pas évolué de la même façon : Johnny n’aspirait pas à la vie bourgeoise souhaitée par Sylvie, il est toujours resté ce rebelle déraciné qui ne se sentait vraiment à l’aise et heureux que sur scène, au contact du public. Leur fils David les a unis à jamais. La tendresse entre eux est demeurée intacte jusqu’au bout, malgré l’adversité. Ils l’exprimaient en se retrouvant quelquefois pour des duos.

 

>>> Tes tendres années <<<

 

Johnny, 50 ans, Parc des Princes. Johnny, Sylvie, Tes tendres années. J’ai revu la séquence qui donne quand même des frissons. Ça t’avait fait quoi, à toi ?

 

C’était encore plus émouvant dans le stade, au milieu de la foule. Subitement, c’est comme si tout le monde s’était arrêté de respirer. Il y a eu un étrange silence d’église dans ce lieu bondé, et seule la voix de Sylvie, tremblante elle aussi d’émotion, a résonné. Des frissons m’ont parcouru, bien sûr. Des larmes coulaient sur les visages autour de moi. Ça a été le moment le plus émouvant de ce spectacle des 50 ans de Johnny. À la sortie, quelqu’un a dit : « Johnny a chanté avec sa femme ».

 

Tony Scotti, c’est l’anti-Johnny par excellence ? L’adulte qui a su lui apporter peut-être une sécurité à laquelle elle aspirait ? Est-ce qu’à partir du moment où elle a été avec lui, artistiquement parlant son influence bénéfique s’est ressentie ?

 

Tony est moins rock’n’roll (rires). C’est un homme plus responsable, plus rassurant. Sylvie l’a rencontré lorsqu’elle avait 37 ans, à un âge où elle avait envie d’un certain confort. Même si sa vie professionnelle continuait à être trépidante, elle avait enfin trouvé une épaule solide où s’appuyer. Également artiste, ancien acteur et chanteur, Tony a été son conseiller puis le producteur de ses spectacles. Il l’a accompagnée partout à travers le monde. Il la rencontre en 1981, lorsqu’elle prépare son show au Palais des Sports. L’image qu’elle lui renvoie est glamour – elle chante Le Piège dans une gigantesque toile d’araignée –, et c’est cette Sylvie-là, inspirée dans ses shows de la chanteuse et actrice américaine Ann-Margret, qui fait succomber Tony. Grâce à lui, elle se produira à Las Vegas et Atlantic City.

 

J’ai découvert en lisant ce livre à quel point elle était admirée, y compris pour ses shows impressionnants, notamment vers la fin des années 70. Mylène Farmer avant l’heure, vraiment ?

 

Les deux artistes sont très différentes. Sylvie était moins nimbée de mystère, mais côté spectacle elle dominait la scène à cette période, avec des shows grandioses qu’elle promenait à travers le monde et qui en ont inspiré plus d’une, dont Mylène probablement. Sylvie rêvait ses spectacles et s’entourait des bonnes personnes, chorégraphes, danseurs, metteurs en scène et en lumières, pour les réaliser. Elle a toujours choisi ses chansons en fonction de la scène.

 

Comment expliques-tu qu’elle ait connu après cette folie un parcours à mon avis plus confidentiel ? Une envie justement de faire des choses plus intimistes ?

 

Toutes les chanteuses et les chanteurs issus des années 1960 ont eu un passage à vide dans les années 1980, y compris Johnny qui a connu un second souffle grâce à Berger et Goldman. Seule France Gall a eu sa période de gloire dans cette décennie-là. Pour Sylvie, cela coïncidait avec les débuts sur la scène musicale de son fils David, qu’elle a accompagnés avec Tony Scotti. Le vrai tournant a été son retour en Bulgarie, en octobre 1990. On a découvert à travers le concert émouvant à l’auditorium de Sofia et le reportage réalisé pour « Envoyé spécial » une Sylvie nouvelle, vraie, à fleur de peau. Une proximité avec les gens qu’on ne lui connaissait pas. Une intimité qu’elle va ensuite entretenir avec le public français, pour son plus grand bonheur.

 

Je ne savais pas non plus, avant de lire cette bio, combien elle a eu plaisir, tout au long de sa carrière, à reprendre des standards très variés, française, U.S., j’en passe, au cours de ses spectacles. Ses influences musicales, en résumé ?

 

Sylvie Vartan a toujours eu un goût marqué pour la comédie musicale et ne perdait jamais de vue la possibilité pour elle de concevoir un visuel autour des chansons. On se souvient de ses formidables tableaux chorégraphiés et des entrées prestigieuses sur No more tears (Enough is enough), le hit féministe de Donna Summer et Barbra Streisand, Flashdance / Danse ta vie, ou encore It’s raining men des Weather Girls. Plus loin dans le temps, mis en scène par Jojo Smith, le chorégraphe de Saturday Night Fever, le final de l’Olympia 70 sur Let the Sunshine in avait marqué les esprits et opéré un virage dans la carrière scénique de Vartan. À l’époque, elle avait plaisir à puiser aux influences blues et country américaines (Creedence Clearwater Revival) ou soul (Isaac Hayes). Lors des concerts produits par Tony Scotti à Vegas et Atlantic City, elle s’est appropriée des standards français connus outre-Atlantique et des hits américains, dont Bette Davis eyes, plus tard accompagnée d’une chorégraphie sensuelle au Palais des Congrès de Paris… Elle a aussi emprunté des classiques de la chanson française pour les faire connaître au Japon, où elle est une véritable star. Et lors de son retour en Bulgarie, elle a repris des chansons locales et livré une version émouvante de la chanson de Lennon, Imagine, qui s’imposait. Rythme et émotion, toujours.

 

>>> Imagine <<<

 

Comprends-tu, justement, sa grande popularité au Japon ?

 

C’est La plus belle pour aller danser qui fut le détonateur de cet engouement des Japonais pour Sylvie Vartan. Elle l’explique par la partition musicale de la chanson qui aurait évoqué chez eux quelque chose de familier. Les Japonais étaient également fascinés par sa chevelure blonde. Une blondeur surnaturelle. Ils ont aimé aussi la personnalité de l’artiste, son élégance, sa beauté.

 

>>> La plus belle pour aller danser <<<

 

Sa chanson signature à ton avis, La Maritza ou La plus belle pour aller danser ? C’est la même personne qui interprète ces deux titres emblématiques ?

 

C’est la même personne à deux moments importants de sa vie. Lorsque Charles Aznavour écrit le texte de La plus belle pour aller danser, la chanteuse vit ses fiançailles avec Johnny qu’elle épousera l’année suivante. Ils incarnaient tous deux la jeunesse de l’époque et elle était cette jeune fille de la chanson à qui les adolescentes rêvaient de ressembler. La Maritza sort en 1968. L’événement pour Sylvie c’est son premier Olympia en vedette. Jusqu’alors elle avait partagé l’affiche avec quelqu’un. Jean Renard décide alors de lui composer une chanson intemporelle, de celles qui s’inscrivent dans une carrière et dans le patrimoine musical. Pierre Delanoë s’inspire de son histoire, de ses origines. Et Sylvie en fait un hymne qui ne quittera plus son répertoire.

 

>>> Par amour, par pitié <<<

 

Les chansons que tu préfères d’elle, celles qui, aujourd’hui comme hier, t’ont particulièrement touché ?

 

Celles qui me viennent spontanément : La Maritza, dont on vient de parler, Par amour, par pitiéToutes les femmes ont un secret, Je croyais, La drôle de fin, Quand tu es là, Je pardonne, C’est fatal, Loup, Aimer. Cela fait un bon top 10 !

 

Celles dans lesquelles elle se dévoile le plus, bien que les mots ne soient pas d’elle ?

 

Beaucoup de chansons la racontent, finalement. Les volets bleus, La Maritza, Le bleu de la mer Noire évoquent sa Bulgarie natale et l’exil. Elle se raconte beaucoup aussi dans Il y a deux filles en moi, Sensible, Forte et fragile, Je n’aime encore que toi, Toutes les femmes ont un secret… Elle s’adresse à ses enfants et petits-enfants dans Ballade pour un sourire, Le roi David, P’tit bateau, Darina, Les yeux d’Emma. Quant au couple qu’elle formait avec Johnny, ils échangeaient beaucoup en musique : Que je t’aime pour lui, Aime moi pour elle. Et les chansons Non je ne suis plus la même, Pour lui je reviens, L’amour au diapason, Bien sûr et tant d’autres semblent raconter leurs ruptures et réconciliations. Sans parler de leurs duos J’ai un problème et surtout Te tuer d’amour, passionné et torride.

 

>>> Forte et fragile <<<

 

Quelques mots justement sur son entourage artistique, notamment ceux qui ont écrit et composé pour elle ? À cet égard aussi, elle a toujours fait preuve de discernement ?

 

La plupart des auteurs qui ont écrit pour elle la connaissent bien pour avoir partagé des moments de sa vie, de Gilles Thibaut à Jean-Loup Dabadie, en passant par Didier Barbelivien et Michel Mallory. Ce dernier a écrit des centaines de chansons pour elle et pour Johnny. Il a raconté leur histoire. Chacun, comme je l’ai dit, se renvoyait la balle.

 

Un mot sur sa collaboration avec Jacques Rouveyrollis ?

 

Je suis ravi d’apprendre qu’il éclairera son dernier spectacle. C’est un merveilleux metteur en lumières, un magicien. Je l’évoque dans mon livre à plusieurs reprises. Je me souviens en particulier d’une séquence au Palais des Sports 1981 pour la chanson Mon père. Jacques Rouveyrollis avait conçu près de Sylvie une fenêtre filtrant une lumière bleutée. Très symbolique.

 

>>> Mon père <<<

 

Cet automne, elle repartira pour une tournée d’adieux, « Je tire ma révérence », où on imagine d’ailleurs qu’elle reprendra le titre de Jean Sablon, ou peut-être celui de Véronique Sanson ? Je sais que tu compteras parmi ses spectateurs. Qu’attends-tu de ce moment ?

 

Qu’on se dise je t’aime une dernière fois. C’est une longue et belle histoire l’amour entre une chanteuse et son public. On va probablement beaucoup pleurer.

 

Si tu pouvais, les yeux dans les yeux, lui poser une question, une seule, à cette femme que tu aimes depuis toujours, quelle serait-elle ?

 

Est-ce qu’on peut dîner tous les deux ensemble, Sylvie ?

 

Trois adjectifs, trois mots pour la qualifier ?

 

Mélancolique, forte et fragile.

 

Françoise Hardy vient d’avoir 80 ans. Sylvie Vartan les aura cet été. Ça te fait quoi, de voir tes idoles de jeunesse atteindre ce cap-là ?

 

Cela me renvoie à mon propre vieillissement… La vie passe vite. C’est assez douloureux, en fait, de voir ses idoles vieillir. On les voudrait éternellement jeunes.

 

Tu as lu l’autobio de David Hallyday, plusieurs fois cité dans le livre. Qu’est-ce qu’il a reçu de sa mère, qu’est-ce qu’il a reçu de son père s’agissant des traits, de la personnalité ? C’est quelqu’un dont tu aimerais écrire toi-même la bio ?

 

Il a probablement reçu de sa mère et de sa grand-mère, sa chère Néné, des valeurs refuge, un bel équilibre et une force de caractère. De Johnny il a sûrement hérité de quelques failles qui le rendent vulnérable et touchant. Et le sens de la dignité, commun aux deux. Et bien sûr le goût viscéral de la musique.

 

Qui te transporte dans les artistes d’aujourd'hui ?

 

J’essaie autant que possible de me tenir au courant. Mais je n’ai plus le comportement de fan que j’avais à l’adolescence. Ce sont surtout les chansons qui m’interpellent. Je ne suis plus trop inconditionnel d’un artiste, même si je peux me laisser séduire par la personnalité de quelques-uns. Récemment, la voix de Zaho de Sagazan. L’énergie de Suzane. La mélancolie et le romantisme de Pomme. Le côté engagé et populaire de Gauvain Sers. Et quelques artistes plus en marge, comme Benoît Dorémus et Frédéric Bobin. Et plein d’autres. J’essaie d’aller à la découverte de chanteuses et chanteurs que les médias n’invitent pas.

 

>>> Aimer <<<

 

Tes projets et surtout, tes envies pour la suite ?

 

Aucun projet précis de livre, pour l’instant. Envie de prendre encore du plaisir à écrire sur la chanson, malgré les difficultés qu’on peut rencontrer. Envie de me faire plaisir. Et de pouvoir vivre à côté…

 

Un dernier mot ?

 

Le mot de passe ? C’est l’amour (dixit Sylvie) !

 

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