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Paroles d'Actu
20 février 2024

Clément Lagrange : « C'est dans le rôle du messager que Florent Pagny se dévoile le plus »

Il y a trois mois et demi, je publiai sur Paroles d’Actu une interview avec Frédéric Quinonero, auteur que les habitués de ce site connaissent bien. Il venait de consacrer un bel abécédaire à un de nos chanteurs les plus populaires, Florent Pagny. De Florent Pagny, il est à nouveau question aujourd’hui, avec un ouvrage signé Clément Lagrange, auteur que j’ai connu en marge de mon entretien avec Benoît Cachin (il avait assuré l’iconographie de l’ouvrage de ce dernier sur Mylène Farmer). Ce nouveau livre, analyse détaillée de l’ensemble de la discographie de Pagny, s’inscrit dans la collection L’intégrale des éditions EPA - pour cette même collection, pour son "Cabrel", j’avais interviewé en octobre 2022 Daniel Pantchenko.

Bon, je vais arrêter un peu avec le name dropping, ça fait beaucoup pour une petite intro. La lecture de ce livre, fruit de pas mal d’heures de travail, plaira à coup sûr à celles et ceux, et ils sont toujours aussi nombreux, qui aiment Pagny. À recommander, sans aucun doute, en plus du livre de Quinonero, de l’autobio du chanteur, et bien sûr de l’écoute, à côté, de toute son œuvre. Merci à Clément Lagrange, pour nos échanges, et pour cette interview, réalisée mi-février. Florent Pagny, l’intégrale sera dispo dès demain, 21 février, dans toutes les bonnes librairies. Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Clément Lagrange : « C’est dans

le rôle du messager que Florent

Pagny se dévoile le plus »

Florent Pagny L'intégrale

Florent Pagny, l’intégrale (EPA, février 2024)

 

Clément Lagrange bonjour, peux-tu nous parler en quelques mots de ton parcours, et aussi de tes premiers émois musicaux ?

Bonjour ! J’ai le plaisir de participer à des livres ou magazines depuis bientôt 20 ans, que ce soit en tant que documentaliste, iconographe ou auteur. J’aime beaucoup travailler avec un auteur, me mettre au service de son projet pour y apporter ce qui est dans mon champ de compétences. Je n’ai aucun problème à ne pas être au premier plan, bien au contraire même : je me suis épanoui dans ce rôle-là.

En dehors de quelques articles pour des magazines il y a un moment, le fait de signer moi-même seul tout un livre est plus récent : il y avait probablement une question de confiance en soi à régler. Pas sûr qu’elle le soit totalement, mais un petit bout de chemin a été fait !

 

Avant ce livre sur Florent Pagny, tu en as écrit un sur Céline Dion en 2020, et réalisé l’iconographie de celui que Benoît Cachin a consacré à Mylène Farmer (dont tu connais très bien l’œuvre par ailleurs) l’an dernier. Trouves-tu spontanément des points communs à ces trois artistes ? Qu’est-ce qui, a contrario, les distingue ?

Leurs carrières à chacun se calquent d’une certaine manière, ils ont tous les trois commencé plus ou moins à la même période, même si quand Céline Dion et Mylène Farmer chantaient déjà, il n’était pas encore question de chanson pour Florent Pagny mais plus de cinéma. Ils ont ce point commun d’être monté très haut et de n’avoir jamais été boudé par le public dans leur rôle de chanteur. Florent Pagny a bien connu le creux de la vague au début des années 1990, mais c’est une partie du métier qui l’avait lâché, pas le public !

Ce qui les distingue est probablement de l’ordre de la personnalité, et c’est très amusant de constater que c’est tout et son contraire ! On aime Florent Pagny comme on aime Céline Dion parce qu’ils sont un caractère entier et sont volontiers expansifs, très transparents. A contrario, si on aime Mylène Farmer, c’est beaucoup pour sa réserve, qui la rend d’autant plus attachante qu’on la sent elle aussi très sincère.

 

Céline Dion et la France

 

La maladie de Florent Pagny et celle de Céline Dion ont provoqué de forts élans de sympathie de la part de ceux qui les aiment et du public en général. Quel regard portes-tu sur cette séquence de leur carrière, et qu’est-ce que cela dit, justement, du lien que l’un et l’autre a établi avec son public ?

Passé le choc de l’annonce pour l’un et l’autre, il faut reconnaitre que ce sont des moments très forts. C’est délicat d’en parler car on manque encore de recul, même si Florent Pagny a donné des nouvelles rassurantes avant les fêtes avec l’espoir d’une rémission complète et que Céline Dion nous surprend avec quelques apparitions publiques qui envoient des signaux encourageants.

Le regard que je porte sur ce moment de leur vie à l’un comme à l’autre est qu’il est finalement dans la continuité du reste : d’autres pourraient se mettre en retrait et évoquer leur combat contre la maladie une fois qu’elle se conjugue au passé, eux font le choix de la partager avec le public, très certainement avec la conscience que leur propre expérience peut donner du courage à ceux qui en auraient besoin - et c’est tout à leur honneur - mais peut-être aussi un peu pour eux : Florent Pagny l’a d’ailleurs exprimé ainsi en déclarant que la vague d’amour qu’il avait reçue du public avait incontestablement contribué à sa guérison.

 

 

Ça a été quoi l’histoire de ton ouvrage sur la discographie de Florent Pagny pour EPA ? Pagny, quand as-tu commencé à l’écouter, à l’aimer ?

La collection L’intégrale des éditions EPA est une très belle collection qui parcourt la carrière d’un artiste francophone sous l’angle de sa discographie. Avant Florent Pagny, il y a eu Johnny, Francis Cabrel, Serge Gainsbourg, France Gall… bref, autant d’artistes aux longues carrières et à la discographie très riche. Le nom de Florent Pagny s’est imposé l’été dernier car le succès de son autobiographie parue au printemps 2023 a remis en lumière son parcours. Sa discographie est atypique puisqu’il aime alterner les albums de variété traditionnels avec des projets plus étonnants : en cela, ça a été un vrai plaisir de se plonger dedans.

Avant cela, j’ai le souvenir d’un 45-tours à la maison, au tournant des années 1980/1990, puis de l’album Savoir aimer, incontournable dans tous les foyers français. J’aimais beaucoup l’écouter à l’époque car j’y retrouvais des signatures que j’aimais par ailleurs : Obispo bien sûr, Zazie mais aussi Erick Benzi ou Jacques Veneruso. Et puis étant passionné de partitions, chez moi s’approprier une chanson passe beaucoup par lire sa partition, l’interpréter… et j’avais acheté le recueil de partitions de l’album Savoir aimer à l’époque. C’est une autre façon de rentrer dans le disque, ça permet de se construire un autre lien avec les chansons, peut-être plus intime.

 

Mais est-ce que réaliser un tel travail sur un artiste, un travail aspirant à l’exhaustivité, ne pousse pas fatalement à devoir écouter dans le détail tout ce qu’a fait l’artiste, peut-être jusqu’à l’overdose ?

La rédaction du livre s’est faite dans un délai assez court, en tout cas bien plus court que ce qui est habituel pour ce type de projet, donc il y aurait pu avoir ce sentiment d’overdose, mais non. Déjà parce que je n’y allais pas à reculons, mais aussi parce que la discographie de Florent Pagny prend plein de chemins différents ! Qu’il s’agisse d’un album symphonique, de reprises de Brel, d’une collaboration avec Maître Gims ou d’un projet dance, on n’écoute jamais la même chose.

Là où j’aurais pu avoir ce sentiment de saturation, c’est sur l’étape de documentation, en amont de l’écriture, où j’ai recherché puis écouté et visionné des dizaines et des dizaines d’interviews de la moitié des années 1980 à 2023. J’avais collecté une telle somme de documents que ça aurait pu donner le tournis, mais c’était indispensable d’avoir la voix et les mots de Pagny pour rendre vivant tel ou tel texte. J’ai échappé à cette overdose en fin de compte parce que quand bien même ça a été beaucoup de travail, il est très agréable à écouter s’exprimer et souvent surprenant, puisqu’il ne manie pas la langue de bois, loin de là !

 

 

Distingues-tu plusieurs périodes bien définies dans la carrière de Florent Pagny (collaborations majeures, colorations musicales, tranches de vie) ?

Oui, clairement. Le livre suit d’ailleurs ce découpage avec les débuts, où Pagny écrit et compose puis estimant avoir atteint ses limites dans le domaine, il se met au service d’auteurs-compositeurs qui renouvellent son répertoire. Bienvenue chez moi et Caruso constituent un réel tournant où le regard qu’on pose sur lui change, et le succès extraordinaire de Savoir aimer qui suit prolonge ce changement. À partir de là, Florent Pagny gagne non seulement une légitimité après laquelle il courait peut-être, mais surtout une liberté qui lui permet de s’épanouir pleinement en tant qu’artiste. Evidemment, cela se calque aussi sur sa vie personnelle.

La suite de sa discographie illustre justement cette liberté, qu’il s’agisse de projets étonnants pour un artiste de son rang ou d’albums nés tout à fait spontanément, avec de nouvelles collaborations notamment Calogero qu’il retrouve ponctuellement ou Marc Lavoine qui n’est jamais très loin.

 

 

Quels sont les titres de Pagny dans lesquels à ton avis il se dévoile le plus ?

Dur à dire, car outre le fait qu’il ne signe plus ses chansons depuis un moment, j’ai fait le constat qu’autant Florent Pagny n’est pas avare de sa parole et dit franchement ce qu’il pense, autant il reste un grand pudique dès qu’il s’agit de sujets plus personnels. Il cache d’ailleurs cette pudeur sous son côté "grande gueule" !

Il y a bien sûr des textes très personnels qu’il a signés dans ses premiers albums, mais je pense qu’ils appartiennent vraiment au passé. On n’est clairement pas la même personne à 60 ans qu’à 25 ans et ce qu’il a pu ressentir à ce moment-là au point de le coucher sur le papier n’a probablement plus le même écho en lui aujourd’hui, et c’est bien normal.

Depuis qu’il a abandonné l’écriture, Pagny se revendique régulièrement comme "messager" : il porte les textes des autres pour les amener jusqu’au public, où tout un chacun peut se reconnaître. L’image est très jolie, simple et sincère, et lui convient à merveille : c’est probablement dans ce rôle plus que dans une chanson précise qu’il dévoile vraiment qui il est.

Cela étant, quand il précise que Et un jour, une femme est le titre de son répertoire qu’il préfère et qu’il pense toujours à son épouse quand il l’interprète nous dit aussi qui il est.

 

 

Ceux qui, toi, te touchent le plus ?

Je fais partie de ceux qui sont infiniment plus sensibles à une composition, une production, une atmosphère qu’à un texte. Je ne mets pas de côté les paroles, mais ça me touche différemment.

Dans ce registre, j’ai toujours beaucoup aimé Dors. Et pour parler strictement de production, j’adore la reprise de Les parfums de sa vie qui me transporte !

 

 

C’est quoi la place particulière de Florent Pagny dans le paysage musical français ?

Incontestablement il a acquis une place unique au fil de sa carrière. Florent Pagny c’est en quelque sorte l’ami des Français. Il y a quelques semaines, il a même été consacré deuxième personnalité préférée des Français, toutes disciplines confondues, preuve non seulement de sa popularité mais aussi de l’empathie qu’il dégage.

 

Florent Pagny a récemment sorti des enregistrements de ses titres en duos, avec des vétérans de la chanson mais aussi avec de nouveaux venus. Sens-tu une filiation artistique entre lui et certains jeunes chanteurs ?

À ses tout débuts, Pagny avait l’image d’un ‘loulou’, un mot qu’on n’emploie plus : blouson de cuir, boucle d’oreille, mèche devant les yeux… D’ailleurs, avant la chanson, quand il jouait au cinéma ou à la télévision, c’était la plupart du temps pour incarner des jeunes voyous. En ce sens, aujourd’hui non, personne n’incarne cette image-là ou en tout cas ne s’en revendique. Les choses sont bien plus sages. En revanche, incontestablement il s’est entouré de toute la famille The Voice pour partager des duos sur cet album. Son rôle dans cette émission et le fait de convier autant d’artistes issus du programme prolonge son statut de messager qu’on évoquait il y a quelques instants en lui donnant une dimension supplémentaire, celle de la transmission.

 

Petit fantasme, on imagine un moment de duo rassemblant Mylène Farmer et Florent Pagny : quelle chanson de l’une, et quelle chanson de l’autre ?

Allons bon ! Voilà quelque chose qui ne m’avait jamais traversé l’esprit, je dois avouer ! Je cherche, je cherche mais pour l’un comme pour l’autre, je n’imagine rien donc je les laisse me surprendre !

 

 

Que t’inspire le tour Nevermore de Mylène Farmer ? Ton intime conviction : never more ?

Je prends toujours un grand plaisir à découvrir ses spectacles. Sur celui-ci, la direction musicale m’a un peu moins emballé, disons que j’y trouve moins mon compte sur la globalité. En dehors de ça, mon émerveillement est intact, j’aime toujours comment elle parvient à conserver une dimension très humaine au milieu d’un immense show.

Pour le reste, je dois avouer que je ne me suis jamais pris au jeu de savoir si oui ou non tel ou tel spectacle serait le dernier. Je les prends comme ils viennent. Je crois avoir compris que l’envie de celui-ci lui est venue très spontanément : rien n’est jamais gravé dans le marbre.

 

Trois adjectifs pour qualifier Mylène Farmer, Céline Dion et Florent Pagny ? Dont si possible, un en commun pour les trois ?

Mylène Farmer est inqualifiable (clin d’œil à l’une de ses interviews au JT de France 2 en 1996 : "Je préfère qu’on ne me qualifie pas !"), Céline Dion est hors-normes et Florent Pagny est résolument libre.

Tous les trois sont fondamentalement artistes, en ce sens qu’ils se servent de tout ce que leur art leur offre à la fois pour s’exprimer et pour partager. Je trouve ça merveilleux.

 

Savoir aimer

 

Quand on aime et quand on suit les artistes comme toi tu le fais, on n’a pas un peu le désir de faire ce métier-là ?

Oh lala, absolument pas ! Question de personnalité, déjà. Et puis un détail qui n’est pas des moindres : autant j’ai le bonheur d’avoir une excellente oreille musicale qui me sert à décortiquer ce que j’écoute, autant je suis incapable de produire une seule note juste ! L’oreille et la voix ne vont pas de pair chez moi…

 

Tes projets et surtout, tes envies pour la suite ? Un nouveau projet Farmer je crois ?

On m’a souvent poussé à faire mon propre livre sur Mylène Farmer, c’est vrai et j’ai toujours repoussé l’idée, pour x ou y raison. Il y a une littérature conséquente sur le sujet, avec plusieurs livres qui paraissent tous les ans depuis des années et des années donc il faut trouver une idée qui sorte de l’ordinaire. Et là, en effet je suis en train de monter un projet éditorial autour d’une idée originale qui rassemble ce que j’aime - et que les fans aiment aussi - à savoir les petits détails et les anecdotes. C’est beaucoup de travail donc je croise les doigts pour que cela aboutisse. Et cela me permettra de retrouver les photographes de Mylène Farmer avec qui j’ai toujours eu beaucoup de plaisir à travailler au service d’autres livres !

 

Sur qui d’autre aimerais-tu pouvoir écrire à l’avenir ?

La collection "L’intégrale" manque de figures féminines jusqu’ici. Il y a sans doute quelque chose à creuser de ce côté-là… En écrivant sur la discographie de Florent Pagny, je suis quelque peu sorti de ma zone de confort, comme on dit, mais l’objectif a été tenu. Donc je suis prêt à retenter l’expérience.

 

Un dernier mot ?

Mon crédo : quand on aime la musique, on aime toutes les musiques !

 

Clément Lagrange

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