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Paroles d'Actu
28 octobre 2018

« L'Arabie saoudite, de puissance de statu quo à facteur de déstabilisation du Moyen-Orient », par Olivier Da Lage

La disparition du journaliste Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, au début de ce mois, a provoqué dans les chancelleries de vives critiques, et quelques non moins vifs embarras, à mesure que s’établit la responsabilité du pouvoir saoudien dans cette affaire. Cible de tous les regards, le prince héritier déjà tout-puissant Mohammed ben Salmane, dit « MBS », 33 ans. Il y a onze mois, le journaliste de RFI spécialiste de la péninsule arabique Olivier Da Lage avait répondu à mes questions à propos de MBS et de la révolution de palais qu’il venait de mener, à la manière d’un Louis XIV en sa jeunesse. Il a accepté d’écrire pour Paroles d’Actu le présent article, qui pose un constat sévère quant aux politiques actuelles du royaume, et aux complaisances des uns, et des autres. Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Jamal Khashoggi

Portrait de Jamal Khashoggi. Photo © Jacquelyn Martin/AP/SIPA.

 

« Comment l’Arabie saoudite, puissance de statu quo,

est devenue un facteur de déstabilisation du Moyen-Orient. »

par Olivier Da Lage, le 27 octobre 2018

Depuis le 2 octobre et la disparition de Jamal Khashoggi au consulat général d’Arabie saoudite à Istanbul, le monde entier découvre, horrifié, quel personnage est vraiment Mohammed ben Salmane, dit MBS, le prince héritier saoudien.

Naguère encore, il était encensé par une grande partie des médias occidentaux comme le dirigeant réformateur qui allait moderniser au pas de charge son pays englué dans des pratiques moyenâgeuses.

Sur le plan économique, Mohammed ben Salmane devait sevrer le royaume de sa dépendance aux hydrocarbures, mettre au travail les Saoudiens en mettant fin à l’omniprésence de l’État dans l’économie et en développant le secteur privé, notamment en attirant les investisseurs étrangers et en privatisant 5 % du capital de Saudi Aramco.

Sur le plan social, ce jeune dirigeant d’à peine 33 ans se montrait en phase avec la jeunesse du pays (les moins de 30 ans représentent 60 % de la population d’Arabie saoudite) en mettant enfin un terme à l’interdiction de conduire des femmes, en ouvrant des salles de cinémas, en autorisant les concerts, etc.

Bref, Mohammed ben Salmane faisant entrer de plain-pied l’Arabie saoudite dans le XXIe siècle. Vu à travers le prisme des articles louangeurs décrivant les Douze travaux de cet Hercule des temps modernes, c’était en quelque sorte un Macron saoudien. Certes, avec des méthodes brutales que permet un régime absolutiste dans lequel toute opposition est légalement assimilée au terrorisme, mais, avec indulgence, les gazetiers séduits louaient son sens de l’efficacité plutôt que d’insister sur l’embastillement des opposants ainsi que des princes et hommes d’affaires susceptibles de lui faire de l’ombre.

Mais du coup, on s’interroge : comment ce jeune homme pressé de moderniser son pays et d’obtenir la reconnaissance internationale pour que les capitaux s’investissent dans le royaume a-t-il pu laisser faire (interprétation charitable) ou ordonner (interprétation plus vraisemblable) la torture et l’assassinat d’un dissident qui ne remettait même pas en cause le régime saoudien ?

La réponse est simple : parce qu’on l’y a encouragé. «  On  » étant d’une part son père, le roi Salman et d’autre part les principaux pays occidentaux, États-Unis en tête, suivis par le Royaume-Uni et la France.

Son père, qui dès son accession au trône en janvier 2015, l’a propulsé ministre de la Défense à l’âge de 29 ans, et a écarté l’un après l’autre tous ses rivaux potentiels jusqu’à en faire son prince héritier en juin 2017, est évidemment le principal responsable. Il n’est pas le seul.

 

MBS Trump et Kushner

M. ben Salmane, D. Trump et J. Kushner. Photo © Jonathan Ernst/Reuters.

 

Donald Trump, qui à l’évidence, a passé un pacte avec lui par l’intermédiaire de son gendre Jared Kushner dès avant l’élection présidentielle de novembre 2016, ainsi que l’ont révélé plusieurs enquêtes approfondies publiées ces derniers mois aux États-Unis, s’appuie sur lui dans sa politique anti-iranienne. Il compte sur l’Arabie pour soutenir les ventes d’armes américaines et pour garantir une production de pétrole suffisante pour que le gallon d’essence soit suffisamment bon marché pour son électorat. En échange, il a clairement dit dès son premier voyage à l’étranger qu’il a réservé à l’Arabie Saoudite en mai 2017 qu’il n’avait aucune intention de donner des leçons sur les droits de l’Homme.

Mais si la responsabilité de Trump est avérée dans le sentiment d’impunité que ressent MBS, la France et le Royaume-Uni ne sont pas exempts de reproches. L’une et l’autre vendent des armes au royaume qui, en dépit de ce que l’on affirme dans les cercles officiels, sont pour partie au moins utilisées par les Saoudiens au Yémen. Qui plus est, la France participe, par ses moyens satellitaires, à la sélection des cibles qui sont bombardées au Yémen par l’aviation saoudienne. Et lorsque – rarement – le Quai d’Orsay s’émeut de bavures particulièrement graves lors de bombardements qui ont provoqué de nombreuses victimes civiles yéménites, la compassion française pour les victimes ne va pas jusqu’à mentionner le nom du pays à l’origine des bombardements.

Pareillement, lorsque le 2 janvier 2016, le pouvoir saoudien a procédé à l’exécution d’opposants chiites dont certains n’avaient commis aucun acte de violence, parmi lesquels l’influent cheikh Nimr al Nimr, il a fallu attendre une journée complète pour que le porte-parole du Quai d’Orsay «  déplore profondément  » ces exécutions. Cette «  déploration  », cela mérite d’être précisé, n’a entraîné aucune conséquence et, en termes diplomatiques, n’est en rien l’équivalent d’une «  condamnation  », terme en revanche employé de façon routinière s’agissant de l’Iran ou du Nicaragua comme tout un chacun peut le constater à la lecture des communiqués du ministère des Affaires étrangères sur le site du Quai d’Orsay.

Comment s’étonner que Mohammed ben Salmane ait pu y voir autre chose qu’un alignement de feux verts placés sur sa route par les grandes puissances  ? On a voulu voir en lui ce prince moderniste qu’il affirme être sans écouter l’autre partie de son discours, celle dans laquelle, affirmant qu’il n’est pas le Mahatma Gandhi, il fait l’éloge de l’absolutisme comme garant de l’efficacité (déclarations à la presse américaine lors de sa tournée au printemps 2018).

Longtemps, l’Arabie saoudite a été considérée par les pays occidentaux comme une puissance de statu quo, un facteur de stabilité au Moyen-Orient. Au vu de l’expérience de ces quatre dernières années (guerre du Yémen, kidnapping du premier ministre libanais, blocus du Qatar, assassinat du Jamal Khashoggi au consulat saoudien d’Istanbul…), le moment est venu d’admettre que ce n’est plus le cas et d’en tirer les nécessaires conclusions.

 

« Le moment est venu d’admettre que l’Arabie saoudite

n’est plus un acteur de stabilité, et d’en tirer

les nécessaires conclusions... »

 

Olivier Da Lage

Olivier Da Lage.

 

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8 octobre 2018

« N'Golo Kanté sera encore présent en 2022. Comment voulez-vous qu'une malédiction nous touche ? » (L. Bacon, J. Choquet)

Il y a un peu moins de trois mois, le 15 juillet en début de soirée (heure française), l’équipe de France de football décrochait, en Russie, sa deuxième étoile de championne du monde en battant, au cours d’un match épique, une constamment impressionnante équipe croate, par 4 buts à 2. Un moment de grande joie collective, réunissant jeunes et moins jeunes autour d’une équipe, efficace et sympathique, et d’un drapeau, trop souvent ressorti précédemment pour des événements tragiques ; une communion comme on n’en connaît plus beaucoup mais dont le foot est capable et qui nous a rappelé 98, tout juste vingt ans auparavant. Dès le 20 juillet était publié, chez Hugo Sport, le bel ouvrage collectif Champions, les Bleus sur le Toit du Monde, confectionné par une bande de passionnés. J’ai pu interroger, tout récemment, deux des auteurs du livre, Lucie Bacon et Julien Choquet, tous deux journalistes pour Football Stories (Konbini). Merci à eux d’avoir accepté mon invitation et répondu à mes questions, et merci à Olivia Debarge (Hugo & Cie), sans qui cet article n’aurait pas été possible. Une exclusivité Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« N’Golo Kanté sera encore présent en 2022.

Comment voulez-vous qu’une malédiction nous touche ? »

Interview de Lucie Bacon et Julien Choquet.

Q. : 03/09/18 ; R. : 04/10/18

Champions les Bleus

Champions, les Bleus sur le Toit du Monde (Hugo Sport, 20 juillet 2018).

 

Bonjour, et merci d’avoir accepté mon invitation pour évoquer votre ouvrage, Champions, les Bleus sur le Toit du Monde (Hugo Sport, 20 juillet 2018). Parlez-nous de vous, qui l’avez composé ? Ça a été quoi, votre parcours aux uns et aux autres ? Parmi vos points communs, vous êtes tous fans de foot ? 

Lucie Bacon : Nous sommes six amis (enfin je crois) liés par la passion du football et de Didier Deschamps. Je suis journaliste depuis 3 ans chez Konbini, et suis rédactrice en chef de leur site de foot.

Julien Choquet : Je suis également rédacteur chez Football Stories, et je pense aussi être amis avec les cinq lurons qui ont écrit ce livre à mes côtés.

 

Comment avez-vous vécu le 15 juillet 2018, jour de la finale bien sûr, et que retiendrez-vous de cette soirée ?

Lucie : La soirée, je n’en ai pas tellement profité car il fallait boucler les dernières pages du livre. Donc je me souviendrai surtout de l’après-midi et du match, où ça a été une succession de toutes les émotions, puis le partage entre le bonheur d’être champions du monde et le stress de devoir tout boucler sans pouvoir tout de suite fêter ça dignement.

 

Si vous étiez assez "grands" pour avoir des souvenirs de 1998, en quoi cette émotion, et ces moments-là ont-ils été différents, pour vous et au niveau collectif ? Est-ce que l’époque a changé, peut-être moins innocente, plus "cynique" qu’alors ?

Julien : J’avais sept ans en 98 donc ça a forcément été des moments différents, étant donné que je préférais jouer aux Lego à l’époque.

 

C’est quoi l’histoire de ce livre ? On notera qu’il est sorti très, très rapidement après la fin de la Coupe du monde. Comment vous y êtes-vous pris pour le confectionner ? Et est-ce que la décision de le réaliser a été prise au moment où vous avez compris que la France irait loin (voire l’emporterait) ou bien cet ouvrage sur la Coupe du monde 2018 serait-il malgré tout sorti ?

Julien : L’histoire de ce livre est très simple. Nous avons tous été contactés par Hugo Sport peu avant le début du mondial, afin d’écrire un livre sur le parcours de l’Équipe de France. Dès le début la consigne était claire : il ne sortirait que si les Bleus soulevaient le trophée. Étant donné que nous étions tous persuadés qu’Olivier Giroud et sa bande iraient au bout, on a pris nos petites plumes et on a accepté ce challenge. Et si le livre a pu sortir aussi rapidement, c’est parce qu’on écrivait les résumés de chaque rencontre du mondial au jour le jour. Nous nous sommes donc tous retrouvés après la finale pour écrire le résumé de la finale, réaliser les dernières retouches, et envoyer le livre en impression le lendemain matin.

 

Ce livre on l’a dit c’est un vrai travail d’équipe. Comment vous êtes-vous réparti les tâches ? Qui a écrit ? Qui a récupéré, et sélectionné les photos ? Qui a obtenu les (prestigieuses) interventions de Marcel Desailly (préface), et des champions Adil Rami et Benjamin Mendy ?

Lucie : On s’est réparti les tâches grâce à un outil très performant : Facebook. La maison d’édition a obtenu les autres interventions.

 

Franchement, qui parmi vous a cru d’entrée que la France ferait le parcours qu’elle a fait ? C’était quoi, les uns et les autres, vos prono de finale et de vainqueur d’avant Coupe du monde ?

Lucie : Pas moi, j’avais misé sur le Brésil puis sur la Croatie après les premiers matches

Julien : Dès le début du mondial, j’ai mis mon maillot de Giroud et je ne l’ai jamais enlevé. J’avais confiance en ce groupe France dès le début, je n’ai jamais douté (c’est faux j’avais parié 100€ chez Winamax que l’Espagne soulèverait le trophée).

 

Vos matches références de cette Coupe du monde, toutes équipes confondues ? A-t-elle été, sportivement parlant, de bonne et de haute tenue ?

Julien : En tant que Français, je suis obligé de citer le France - Argentine en huitièmes, qui a été déterminant pour la suite du parcours des Bleus, en plus d’être un grand match de foot. Sinon, j’ai beaucoup aimé le Belgique - Japon, ou le Brésil - Belgique.

 

La France l’a emporté d’une bien belle manière, battant une constamment impressionnante Croatie 4 à 2 en finale, après avoir éliminé un à un chacun de ses adversaires. Objectivement, cette équipe de France était-elle la plus douée, la plus méritante des 32 en lice ? Quelle part pour le "facteur chance" dans ce parcours, et quels mérites incontestables pour ce Team France ?

Julien : Peut-être pas la plus spectaculaire, peut-être pas celle qui avait le plus de possession (n’hésitez pas à insérer un drapeau belge à cet emplacement), mais c’est bien elle la plus méritante étant donné que nous sommes CHAMPIONS DU MONDE ! C’est la manière la plus simple de couper court à tous ces débats, qui au fond n’ont pas réellement de sens.

 

Qui à votre avis mériterait le Ballon d’Or cette année ? Quel podium... et qui, à votre avis, sera dans les faits sacré ?

Lucie : Ngolo Kanté (Varane et Modric le méritent).

Julien : Paul Pogba pour un avis subjectif, Modric pour un avis objectif. Et le podium : Modric, Griezmann, CR7 (même si Varane mériterait d’y être).

 

Raphaël Varane et Didier Deschamps

Raphaël Varane, avec Didier Deschamps. Photo : L’Équipe (D.R.)

 

Cette équipe de France a été belle. Elle a fait rêver. Et elle est plutôt jeune. Est-ce qu’elle a, à ce stade, le monde à ses pieds, et l’avenir devant elle ? Comment échapper à la malédiction qui, depuis vingt ans à peu près, frappe chacun des champions en titre, voué à une performance médiocre le coup d’après ? C’est quoi l’idée, garder la tête froide avant tout ? Cette équipe-là a-t-elle appris de ses anciens, a-t-elle la maturité pour pouvoir espérer aller (encore plus) loin ?

Julien : N’Golo Kanté sera encore présent en 2022. Comment voulez-vous qu’une malédiction nous touche ? Un peu de sérieux quand même...

 

Un message pour Didier Deschamps à l’occasion de cette interview ? ;-)

Lucie : Didier Deschamps, merci beaucoup, on est ensemble...

Julien : Merce.

 

Quels arguments pour convaincre ceux de nos lecteurs que cette équipe de France a fait rêver que c’est bien votre livre, l’objet-souvenir qu’il leur faut ?

Julien : Parce que vous ne connaissez pas les surnoms de tous les joueurs de l’Équipe de France, tous donnés dans notre livre par Benjamin Mendy.

 

Vos projets pour la suite ?

Lucie : Écrire un livre pour la victoire à l’Euro.

Julien : Aider Lucie à écrire un livre pour la victoire à l’Euro.

 

Un dernier mot ?

Didier Deschamps, merci beaucoup, on est ensemble !!!

 

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4 octobre 2018

Eric Teyssier : « La reconstitution historique, ce ne sont pas des gens qui se déguisent ! »

Il y a quelques semaines, j’ai eu le plaisir de découvrir, via Georges Gervais de LEMME Edit qui l’a publié, le premier roman de l’historien Éric Teyssier, un récit historico-fantastique imaginant le retour de Napoléon (et de quelques unes de ses connaissances...) dans la France de 2015. Napoléon est revenu !, c’est un texte savoureux et inventif, qui rafraîchit pas mal de nos connaissances sur l’Empereur et nous pousse à réfléchir, d’une manière originale, sur notre époque et ses travers. Je suis heureux qu’Éric Teyssier et Georges Gervais aient, tous deux, accepté de participé à cet article en deux parties, et vous invite vivement à lire ce livre ! Exclu, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Napoléon est revenu

Napoléon est revenu !, publié par LEMME Edit, 2018.

 

partie 1: Georges Gervais (l’éditeur)

Q. : 27/09/18 ; R. : 01/10/18.

 

Georges Gervais

 

« Le roman historique, quand c’est bien fait, quand

le scientifique rejoint l’émotion, c’est top à lire ! »

 

Georges Gervais bonjour. Parlez-nous de vous et de votre parcours ? Qu’est-ce qui vous a conduit vers le monde de l’édition, et c’est quoi l’histoire, l’identité de LEMME Edit ?

Bonjour. Je suis journaliste print et web de formation. Mais j’ai aussi été libraire. Et je baigne dans les livres depuis ma plus tendre enfance. J’avais une grand-mère amoureuse de son pays au sens noble et non polémique de l’expression. J’avais 6 ou 7 ans lorsqu’elle m’a offert Les grandes batailles de V. Melegari chez Hachette. Elle me racontait aussi "sa" Grande Guerre avec beaucoup de précision et de respect. LEMME Edit tente de reproduire cet esprit : des livres écrits par les amoureux d’histoire pour les amoureux d’histoire.

 

Il y a trois mois paraissait, chez LEMME Edit donc, Napoléon est revenu !, oeuvre de fiction (réussie !) signée Éric Teyssier. Jusqu’à présent, vous vous spécialisiez dans les études historiques, plutôt très sérieuses. Allez-vous désormais continuer de vous diversifier, davantage vers de la fiction par exemple ? Et est-ce que les retours de cette première expérience vous confortent en la matière ?

Les retours sur cette fiction réussie, en effet, sont unanimes. L’aventure avec Éric Teyssier a été formidable, parce que simple et efficace. Un vrai plaisir d’éditeur. Trouver un bon manuscrit qui sommeille, c’est du pur bonheur. Je dédie d’ailleurs ce premier succès à mon amie "numérique" Orchia qui se reconnaîtra. Donc oui, d’autres romans historiques de cette qualité, sans problème. D’autant que c’est un genre qui a mauvaise presse en France, mais quand c’est bien fait, quand le scientifique rejoint l’émotion, c’est top à lire.

 

Si vous aviez, vous, la possibilité de poser une question à un Napoléon mystérieusement de retour, quelle serait-elle ?

Sire, pourquoi diable êtes-vous allé en Russie ?

 

Si vous pouviez voyager, un moment, en une époque plus ou moins ancienne de l’Histoire, rencontrer des contemporains, voire influer sur les événements, laquelle choisiriez-vous ?

"Influencer", cela me fait tout de suite penser à l’excellent livre de Stephen King, 22/11/63... Je suis très attiré par l’histoire ancienne... Donc, ce serait de me glisser à la suite d’Hannibal Barca traversant les Alpes, ou découvrir comment les grands textes ont été écrits, en commençant pas le plus grand, d’après moi, La Guerre du Péloponnèse de Thucydide. Plus près de nous, si je pouvais remonter un temps modifié, ce serait pour voir une armée française solide et victorieuse durant la Seconde Guerre mondiale ; comme ça l’honneur est sauf, et on évite la Collaboration, les règlements de comptes et autres pathétiques épurations.

 

Qu’est-ce que vous pensez, quand vous regardez le chemin accompli jusqu’à présent ?

Le chemin professionnel ? Qu’il faut être tenace et passionné pour exister ! J’adore cette devise, "Être et durer", que porte aujourd’hui le 3e RPIMa.

 

Vos envies, et vos projets pour la suite ? Que peut-on vous souhaiter ?

Beaucoup de bons textes bien écrits sur des sujets historiques originaux, et continuer à gravir les (hautes) marches de la légitimité éditoriale !

 

 

partie 2: Éric Teyssier (l’auteur)

Q. : 26/09/18 ; R. : 28/09/18.

 

Eric Teyssier

Photo : Christel Champ.

 

« La reconstitution historique, ce ne sont pas

"des gens qui se déguisent" ! »

 

Éric Teyssier bonjour, et merci d’avoir accepté de répondre à mes questions. L’histoire tient une place majeure dans votre vie, et cela peut-on dire sous des facettes multiples. D’où vous est-elle venue, cette passion, et de quel poids "pèse-t-elle" dans votre quotidien ?

l’histoire et vous

La passion vient de loin… Aussi loin que remontent mes souvenirs. Tout petit j’aimais déjà l’Histoire, les vieilles pierres, les récits de mes grands-parents qui avaient connu et fait les deux guerres mondiales. Je me souviens même de mon premier livre d’histoire en CE1 et tous les bouquins qui ont suivi après. Du coup, l’Histoire occupe beaucoup de place dans mon quotidien. C’est mon métier d’abord, celui d’enseignant-chercheur. Un métier que j’aime, au-delà des pesanteurs du monde universitaire, car il me permet de transmettre et de continuer à étudier. Il y a aussi les activités liées directement ou indirectement à ce travail. L’écriture d’abord, qui est devenue une véritable drogue. La reconstitution historique ensuite, romaine et napoléonienne, où je compte beaucoup de vrais amis. L’histoire vivante en général m’occupe beaucoup. Rendre l’Histoire accessible sous toutes ses formes et par les moyens les plus variés fait partie de mon quotidien. Le point d’orgue annuel est constitué par les Grands jeux romains dans l’amphithéâtre de Nîmes. Une reconstitution historique que j’écris et mets en scène depuis dix ans et qui réunit plus de 30 000 spectateurs dans les arènes autour de 500 reconstituteurs français et italiens. J’ai aussi pas mal d’activités et de projets liés à la radio et à la télé. Oui, l’Histoire pèse d’un certain poids dans ma vie. Mais j’aime ça.

 

Grands Jeux romais de Nîmes

Une illustration des Grands Jeux romains de Nîmes. Photo : France Bleu.

 

L’objet principal de notre interview, c’est votre premier roman, Napoléon est revenu !, paru il y a quelques semaines chez Lemme Edit. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous essayer à cet exercice de fiction, et quelles ont été vos inspirations ? Notamment, avez-vous eu connaissance du film allemand Il est de retour (2015), adapté d’un roman à succès et imaginant sur un ton humoristique un retour de Hitler dans l’Allemagne d’aujourd’hui ?

fiction et inspirations

Au début c’était un peu une plaisanterie. J’avais entendu parler de ce roman allemand, que je n’ai pas encore lu. Je me suis demandé ce que ça donnerait en France. La figure de l’Empereur s’est aussitôt imposée mais dans mon cas j’ai poussé le bouchon jusqu’à faire revenir l’Empereur chez moi. J’ai écrit une vingtaine de pages et mon entourage a voulu savoir la suite. Je me suis pris au jeu et je suis allé au bout de l’histoire avec un plaisir presque enfantin à suivre Napoléon et les autres personnages «  revenus  ».

 

Dans votre récit, auquel on se prend facilement, et avec plaisir, Napoléon revient donc d’entre les morts, ou d’on ne sait où d’ailleurs. Et il débarque, un jour de 2015, dans la vie d’Adrien Beaussier, historien médusé dont il a mystérieusement trouvé l’adresse dans son manteau. Il revient de son époque pour découvrir la nôtre, et il ne sera pas seul dans cette situation, pour sa fortune, et aussi pour son malheur... Adrien Beaussier, on imagine, et vous venez de le confirmer, que c’est un peu vous... Cette histoire c’est quoi : votre fantasme absolu, couché sur papier ?

le retour de Napoléon, fantasme absolu ?

Oui, Adrien c’est moi. Je me suis mis à sa place. Quelles auraient été mes réactions ? Mes doutes d’abord, puis très vite chercher à démasquer un éventuel imposteur. J’ai aussi imaginé comment cet homme venu de nulle part pourrait me convaincre qu’il est bien Napoléon. Tout le reste s’est enchainé en suivant au plus près la réalité et la psychologie de ce personnage hors du commun. Alors oui, c’est un fantasme absolu. Peut-être plus fort encore qu’un voyage dans le temps. Dans la situation du roman, Napoléon est sur notre terrain. Il en devient plus humain.

 

Comment vous y êtes-vous pris pour confectionner ce récit, pour lequel vous avez dû, comme je l’imagine, apprendre et intégrer des codes de cet exercice qu’est le roman ? Combien de temps cela vous a-t-il pris ? Avez-vous vécu, de temps à autre, des moments de découragement ? De grande euphorie ?

l’exercice du roman

Je ne suis pas un grand lecteur de romans. Je n’en connais pas bien les codes. Alors j’ai utilisé les miens. Ceux de l’historien qui sait où chercher les informations. J’avais pour base de départ mon bagage personnel de passionné de l’Empereur depuis l’enfance. J’avais sa voix et ses gestes en tête. J’ai complété la documentation, j’ai collectionné les anecdotes sur son intimité, ses opinions sur les grands sujets. Il fallait que ce soit le plus authentique possible si je voulais être crédible. Ensuite l’histoire s’est écrite toute seule. Je n’avais aucun plan préconçu, aucun vertige de la page blanche mais une euphorie grandissante au fil des chapitres. Jusqu’au bout je ne savais pas où j’allais arriver. Je me suis laissé guider par le caractère de mes personnages. L’écriture s’est faite en deux temps. Une première période de six mois qui m’a conduit à la moitié du livre. Je voulais m’arrêter là mais c’était inachevé. J’ai laissé reposer un an et je me suis remis à l’ouvrage. J’ai musclé le début et rédigé la seconde partie du livre en un été. En tout donc environ neuf mois (une grossesse) mais en faisant beaucoup d’autres choses en même temps.

 

Napoleon est revenu

 

Napoléon, ayant assimilé (rapidement !) des éléments d’histoire contemporaine, et quelques aspects de la vie à l’ère des réseaux sociaux, aura à cœur, alors que se profile le bicentenaire de la défaite funeste de Waterloo, de faire mentir l’histoire, et de reprendre le pouvoir dans une France dont il juge les dirigeants, et aussi les citoyens, avec sévérité. Les critiques portées sur notre monde sonnent bien venant de Napoléon. Mais, à l’évidence, c’est aussi vous qui, ici, parlez à travers lui non ? Elle vous inspire quoi, notre époque ?

regard(s) sur notre époque

«  Je déteste ce siècle, il verra ma mort…  ». J’ai d’abord réfléchi à ce que penserait Napoléon de notre temps en me fondant sur ses propres paroles. Ensuite, je n’ai pas voulu tomber dans la caricature et la critique trop facile de notre temps et de tel ou tel dirigeant. Ils pèsent si peu à côté de lui et ils sont si vite démonétisés que je ne les nomme même pas. Cependant, on les reconnaîtra. Pour le reste, il est évident que lorsque l’on admire Napoléon, on est bien forcé de trouver notre époque bien terne et sans saveur.

 

Pour vous, l’heure est-elle, de nouveau, au recours à un homme providentiel, à supposer que vous prêtiez foi à ce concept ?

un homme providentiel ?

Un homme, ou une femme, providentiel(le) devrait comme Bonaparte pouvoir parler de la France et de son avenir en s’appuyant sur son passé. Il ou elle ne devrait pas le faire dans un discours démagogique ou électoraliste mais pour redonner aux Français la foi en leur destin. Je pense que c’est un trait bien français que d’attendre un personnage de ce genre. Il y en a eu quelques-uns depuis Napoléon Ier, avec Napoléon III, Clemenceau et de Gaulle. Dans l’état d’incertitude où se trouve notre pays, l’heure pourrait bien être à ce genre de recours. L’intérêt que les lecteurs ont pour cet ouvrage semble aller dans ce sens.

 

Comment pensez-vous que les Français réagiraient effectivement au retour de l’Empereur ? Non pas ceux qui viennent applaudir les reconstitutions, mais le gros des masses ? D’ailleurs, ceux-là le connaissent-ils toujours, lui et les autres grands noms de notre histoire ?

s’il revenait... vraiment ?

C’est l’une des questions posées par le livre. Certains le recevrait avec enthousiasme en disant «  Enfin !  ». C’est le cas des reconstituteurs et des passionnés qui baignent dans cette époque et seraient prêts à le suivre comme les grognards l’on suivi lors du retour de l’île d’Elbe. D’autres verraient cela avec suspicion voire de l’hostilité, comme en 1815… Et beaucoup seraient assez indifférents du fait d’une méconnaissance totale de notre histoire.

 

Ce roman, nous l’évoquions à l’instant, c’est aussi un bel hommage que vous rendez à un univers que vous connaissez fort bien, celui des reconstituteurs historiques. Des passionnés faisant revivre, pour leur plaisir et celui de larges publics, des personnes et événements historiques. Non sans, bien sûr, quelques problèmes de jalousie ici ou là. C’était un de vos objectifs principaux, cette mise en lumière d’une passion finalement peu présente dans la fiction ? Que voulez-vous nous en dire, de ce monde de la reconstitution historique, tellement emballant pour qui y assiste ?

reconstitutions historiques

Je baigne dans ce monde depuis vingt ans. Je l’ai vu évoluer et prendre de l’ampleur. La France est venue sur le tard dans ce mouvement venue du monde anglo-saxons. À présent, le phénomène est de plus en plus important et touche toutes les périodes historiques. C’est vrai qu’au regard de son importance sociologique, la reconstitution historique et plus largement «  l’histoire vivante  » sont relativement peu représentées dans les fictions ou dans les médias. Certains ont encore tendance à regarder cette activité avec dédain ou commisération. On voit encore trop souvent cela comme «  des gens qui se déguisent  ». Toujours en retard d’une ou deux guerres, l’université française méconnait voire méprise ce phénomène alors qu’il est largement enseigné partout ailleurs dans le cadre de la «  public history  ». En fait, ce que je vois, ce sont des passionnés très pointus qui viennent de tous les milieux sociaux et appartiennent à toutes les classes d’âge. Ces reconstituteurs se réunissent autour de leur passion de l’Histoire et ont d’ailleurs de plus en plus tendance à explorer plusieurs périodes. Le souci de partager cette passion avec le plus grand nombre est de plus en plus présent au sein de ces associations. Je constate aussi un intérêt grandissant du public qui vient toujours plus nombreux lors de ces manifestations. Les Grands jeux romain de Nîmes ont ainsi réuni 32 000 spectateurs dans les arènes en trois représentations. Je pense que les Français recherchent là ce qu’ils ne trouvent plus dans l’enseignement scolaire de l’Histoire. Un enseignement qui tourne complétement le dos à l’histoire de France. De même, la télévision n’offre plus cette approche vivante de l’Histoire. Pourtant, elle savait le faire au temps du regretté Jean Piat. La reconstitution historique permet ainsi de palier à cette carence culturelle. Elle participe aussi à la valorisation de notre patrimoine commun.

 

Jean Piat

Jean Piat interprétant Robert d’Artois dans Les Rois maudits.

 

Vous êtes aussi un grand connaisseur de la Rome antique, et notamment de l’univers des gladiateurs. Entre nous, est-ce que vous ne trouvez pas qu’il y a, dans nos "jeux du cirque" contemporains, une cruauté qui parfois n’aurait rien à envier à celle qu’on trouvait jadis dans les arènes anciennes ?

jeux de cirque(s)

C’est nous qui projetons sur l’Antiquité une prétendue cruauté. Si les Romains voyaient nos films de gladiateurs ils les trouveraient cruels, inutilement sanglants, et surtout très vulgaires. Plus que la cruauté, c’est surtout la vulgarité qui ressort de nos jeux du cirque contemporains. Les médias créent des idoles de carton-pâte qui gagnent des fortunes en se roulant par terre pour faire croire qu’on leur a fait mal. Je préfère les héros de notre histoire aux zéros du foot. O tempora, o mores

 

Peut-on établir, à votre avis, des traits de comparaison pertinents entre la chute de l’empire napoléonien et l’effondrement de l’empire romain d’Occident ?

morts d’empires

Non, le premier s’est joué en trois ans et le second en trois siècles. Napoléon n’a pas eu le temps d’enraciner son système contrairement aux Romains. Par contre, il est évident qu’il s’est sans cesse inspiré de Rome pour bâtir et organiser son Empire. La Révolution française, dont il est issu, faisait déjà la même chose.

 

Imaginons, maintenant, que vous puissiez poser une question, ou donner un conseil, à Napoléon ou à tout autre personnage historique, à tout point de l’Histoire : qui choisissez-vous, et pour quelles paroles ?

message à Napoléon

Vaste programme… J’aimerais convaincre Napoléon de ne pas mettre le doigt dans le guêpier espagnol et de ne pas s’engager dans l’immensité russe. Pas sûr qu’il ne m’écoute le bougre. Adrien Beaussier en sait quelque chose. Pour la question, j’aimerais demander à l’Empereur quelle est la leçon de l’Histoire ? D’ailleurs, il y répond dans le livre…

 

Cette question-là, liée à la précédente, je la pose souvent, comment alors ne pas vous la poser à vous... On imagine qu’un savant un peu fou a mis en place une machine à remonter le temps. Vous avez droit à un seul voyage, où et quand vous voulez. Aller-retour ou, après 24h, séjour perpétuel. Quel est votre choix, et pourquoi ?

voyage dans le temps

Pour un aller-retour de 24 h, une journée de jeux romains dans le Colisée de Rome sous Trajan ou Hadrien me plairait bien. J’en profiterais pour faire une visite de la ville éternelle à son apogée. Si la destination Rome n’est plus disponible, la même journée à Nîmes à la même époque ferait aussi mon bonheur. Pour un voyage perpétuel, ce serait, sans hésiter avoir vingt ans en 1789, comme Napoléon. Vivre comme lui l’épopée de la Révolution et de l’Empire avec un passage par l’Italie et l’Egypte et écrire le récit de ce quart de siècle fantastique après 1815. Si toutefois un boulet anglais n’a pas mis un terme à ma carrière à Waterloo.

 

Rêveriez-vous d’une adaptation de votre roman au cinéma ? Et si oui, vous verriez-vous y jouer un rôle, et lequel ?

adaptation ciné

On m’a déjà dit à plusieurs reprises que ce roman pourrait bien s’adapter au grand ou au petit écran. Il n’y aurait pas besoin de moyens hollywoodiens pour en faire un bon film ou une bonne série. Je suis sûr que ce thème plairait à un vaste public. En tout cas j’en serais ravi. Quant à jouer un rôle… ce serait le mien, celui de l’historien Adrien Beaussier. Mais je verrais aussi très bien un acteur comme Fabrice Luchini. Il serait parfait pour interpréter ce personnage à la fois étonné et passionné. Si un tel film pouvait voir le jour, le rêve deviendrait réalité, à condition de trouver un Empereur crédible physiquement. Je pense qu’un acteur comme Daniel Mesguich serait parfait sur ce plan. Il avait incarné jadis un excellent Bonaparte à la télévision.

 

La fin du livre appelle une suite... Songez-vous à en écrire une, et vous sentez-vous encouragé en ce sens par vos lecteurs ?

vers une suite ?

Il y a plusieurs pistes pour une éventuelle suite et je suis très tenté de l’écrire. La rédaction de ce premier roman a été un immense plaisir pour moi. Je dirais même une véritable jouissance. Je suis très touché par les réactions souvent très enthousiastes de mes lecteurs et lectrices. Cela m’encourage à persévérer dans cette voie. Mais il me faut aussi faire en sorte de ne pas les décevoir. Je vais donc bien réfléchir à une suite qui soit à la hauteur de leurs attentes.

 

Vos projets, vos envies pour la suite ?

projets et envies

Dans le monde universitaire auquel j’appartiens, on m’a souvent reproché d’être trop «  grand public  ». Ce qui passe pour une insulte pour ceux qui aiment rester dans «  l’entre soi  », constitue le plus beau des compliments à mes yeux. Je vais donc aggraver mon cas en continuant à écrire dans le domaine du roman historique, «  très historique  ». C’est-à-dire des œuvres de fiction, comme ce roman, mais qui possèdent un ancrage dans le réel assez fort pour être à la fois ludiques et didactiques. C’est ce que le public attend et aimerait voir plus souvent sur les écrans. Donc, dans les envies, il y aurait aussi l’idée de mettre tout cela en images.

 

Un dernier mot ?

Vive l’Empereur !

 

Austerlitz 2016

Photo : Austerlitz, 2016.

 

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