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Paroles d'Actu
6 octobre 2014

Nicolas Marié : "La politique mérite mieux que des réactions émotionnelles"

   Dans la première saison des Hommes de l'ombre, la série de politique-fiction de France 2, Nicolas Marié incarnait Alain Marjorie, candidat socialiste à la présidence de la République. La seconde, dont la diffusion a débuté mercredi dernier, s'ouvre sur les scènes de liesse populaire d'une soirée de victoire - empruntées, pour l'anecdote, à celle de François Hollande en 2012. Dès la deuxième scène, on entre dans le vif du sujet. Un an après. Alain Marjorie est à l'Élysée. Et il va être confronté, bientôt, à de nombreuses, à de graves difficultés, tant aux plans politique que personnel.

   Nicolas Marié est de ces acteurs dont le visage nous est familier, sans pour autant réussir toujours à lui associer un nom. J'espère que cet article contribuera à pallier cette lacune imméritée, tant l'acteur est talentueux et l'homme attachant. Il a répondu tout de suite à ma sollicitation : je tiens à le remercier pour la gentillesse dont il a fait preuve à mon égard. Il nous livre quelques confidences à propos du tournage des Hommes de l'ombre ; nous parle de son personnage, du regard - affûté - que lui-même porte sur le monde politique. Surtout, il évoque pour nous son métier, avec une passion communicative. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

NICOLAS MARIÉ

 

« La politique mérite mieux

que des réactions émotionnelles »

 

Nicolas Marié 1

(Source des illustrations : Les Hommes de l'ombre, France 2.

Sauf : photo n°3, tirée du site Cinéma Passion.)

 

Q. : 04/10/14 ; R. : 06/10/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Nicolas Marié. Ce mercredi étaient diffusés sur France 2 les deux premiers épisodes de la deuxième saison de la série de politique-fiction Les Hommes de l'ombre. On ne se dit à aucun moment, à propos du personnage que vous y campez, le président de la République, Alain Marjorie, qu'il "sonne faux". Comment vous êtes-vous préparé pour cette interprétation ?

 

Nicolas Marié : Je n’ai pas eu de préparation particulière pour incarner ce Président. Il m’est arrivé dans ma vie de côtoyer assez fréquemment des hommes politiques. Ajoutez à cela le déferlement quotidien d’images sur le monde politique. Avec un texte bien écrit et suffisamment évocateur quant à l’autorité qui doit présider à ce type de rôle, il n’y avait plus qu’à se laisser porter par son instinct…

 

PdA : L'action se déroule un an après l'élection de votre personnage. L'état de grâce, s'il a existé, est derrière lui. Les difficultés s'accumulent. Sa majorité de coalition, précaire, vient de survivre à une motion de censure à l'issue incertaine. Surtout, deux affaires menacent de ruiner sa présidence : un scandale politico-financier et un faits-divers tragique ; la seconde ayant pour protagoniste principal son épouse (qu'interprète par Carole Bouquet) et pour dissimulateur en chef l'ex-ministre de l'Intérieur, éclaboussé par la première affaire et "démissionné" depuis.

« On ment pour protéger les siens et on ment ensuite parce qu’on a déjà menti ». Cette réplique qui fait mouche est lâchée par un Alain Marjorie manifestement désabusé. Un homme dont on ne doute pas, parce que ça se sent, qu'il est honnête et qu'il voulait faire de la politique "autrement". Cet état d'esprit s'accorde-t-il au vôtre lorsque vous considérez le monde politique ?

 

N.M. : Je crois qu’il y a un grand espace entre le mensonge et la trahison. On a le droit de mentir. Bien mentir est une qualité. Un bon acteur est un bon menteur. Il se sert de la couverture d’un personnage et d’un texte pour exprimer une vérité. Sa vérité. Alors le mensonge devient un outil de vérité.

 

Pour Marjorie, comme pour tout homme politique, le mensonge est aussi un outil. C’est un bon outil s’il est un outil nécessaire dans un objectif légitime. L’histoire regorge de mensonges d’hommes politiques ou de militaires et de stratèges (l’opération « Fortitude » aura été l’exemple même du mensonge salutaire…) qu’il ne viendrait à l’idée de personne de condamner dès lors qu’ils ont permis de gagner des guerres, de sauver des vies humaines. « Mensonge » ne veut pas forcément dire « malhonnêteté »… Ici, Marjorie prend simplement conscience des vraies difficultés de l’exercice du pouvoir. Comme il y a un grand espace entre « mensonge » et « trahison », il y a un grand espace entre « compromis » et « compromission »…

 

Pour ce qui me concerne, je ne me voyais pas aborder ce Président sans une haute idée de ce que doit être la politique et l’idée que s’en ferait mon Président… Je suis issue d’une famille de résistants de la 2nde Guerre mondiale qui ont été déportés en Allemagne et qui ont été sauvés grâce au courage et à la détermination de ces grands responsables politiques qui nous ont libérés de la bête immonde. Quelquefois grâce à des mensonges meurtriers, qui n’en étaient pas moins nécessaires… Je ne pouvais incarner un de ces responsables sans avoir chevillé au corps leur sens aigu du patriotisme. Cette réplique n’aura donc été que la traduction d’une interrogation légitime. Un instant d’intimité, de doute. Un constat qui ébranle mais ne remet pas en question l’objectif de grandeur.

 

PdA : La politique, c'est un engagement qui, dans une autre vie, aurait pu vous séduire, vous tenter... ?

 

N.M. : Ma réponse à la question précédente implique forcément une réponse affirmative à celle-ci. La désillusion, le désenchantement, le refuge vers les extrêmes, ne sont que réactions émotionnelles. La politique (avec un grand P) mérite mieux que cela.

 

PdA : Revenons à la série. Pour cette nouvelle question, c'est à une sorte de numéro d'équilibriste que j'ai envie de vous inviter. Je le disais, pour l'heure, deux épisodes sur six ont été diffusés. À la fin du deuxième épisode, le président Marjorie est pris d'un malaise dont on avait déjà pu percevoir, ici ou là, des signes avant-coureurs... Parlez-nous de la suite de l'intrigue, sans rien en révéler, évidemment ?

 

N.M. : Le Président, très malade, ne va pas mourir. L’exécutif va être confronté à une courte période de vacance du pouvoir, qui sera prétexte à montrer au public comment nos responsables gèrent ce type de situation extrême.

 

PdA : Que retiendrez-vous de cette expérience ? Quels souvenirs en garderez-vous ?

 

N.M. : Ces six épisodes ont été tournés en crossboarding. Ce qui signifie que, dès le premier jour, nous tournions des scènes du 6 avec des scènes du 3, du 5 et du 1. Le lendemain, des scènes du 2, du 4, du 3, du 1 et du 5… et ce pendant trente jours… C’est un exercice exaltant, mais qui demande beaucoup de travail et une grande rigueur. Il faut dès le premier jour de tournage avoir construit la ligne générale de son personnage et en fonction des péripéties auxquelles il est confronté, avoir ajusté très précisément son évolution au fil des scènes de chaque épisode. Et respecter bien entendu scrupuleusement cette évolution pendant le tournage de chaque scène de ce grand puzzle.

 

Carole Bouquet, Bruno Wolkovitch, Aure Atika, Philippe Magnan, Yves Pignot, Emmanuelle Bach, sont des camarades de jeu délicieux, et nous avons été encadrés par un réalisateur talentueux et imaginatif et une production exigeante et attentive. Quelles qu’aient donc été les difficultés de ce type d’exercice, j’en garde un excellent souvenir.

 

Nicolas Marié 2

 

PdA : Quand on entreprend de regarder ce qu'a été votre parcours d'artiste jusqu'à présent, Nicolas Marié, on est impressionné, forcément. Vous êtes de ces visages, de ces voix que l'on a tous croisé au moins trois ou quatre fois, au détour d'un film, d'une série, sans forcément pouvoir mettre de nom dessus. Le nombre de pièces, de productions télé auxquelles vous avez participé force le respect. Vos voxo et filmographie noirciraient à elles seules pas mal de pages. S'agissant du cinéma, il conviendrait évidemment de citer 9 mois ferme, de votre ami Albert Dupontel, auquel on pourrait accoler 99 francs (J. Kounen), Micmacs à tire-larigot (J.-P. Jeunet), entre autres...

Quelles seraient, justement, sur l'ensemble des œuvres auxquelles vous avez collaboré, celles que vous aimeriez inviter nos lecteurs à découvrir ou redécouvrir, et pourquoi ?

 

N.M. : Comme une vie d’homme, la carrière d’un acteur est multiple. Je revendique cette multiplicité, elle m’a nourri au fil des années. Je l’ai encouragée, provoquée. Donc ce n’est pas une oeuvre en particulier que je mettrais en avant, mais la grande diversité des supports (théâtre, cinéma, télévision, radio, synchro..), des réalisateurs, des textes, qui a jalonné mon parcours.

 

PdA : Qu'est-ce qui vous rend fier, quand vous regardez dans le rétro et autour de vous ?

 

N.M. : Une vie d’adulte nourri d’abord par le bonheur d’aimer et d’être aimé.

 

PdA : Voulez-vous nous parler de vos projets ?

 

N.M. : Mon professeur d’art dramatique lorsque j’avais vingt ans disait toujours qu’on n’est pas sûr d’avoir le rôle tant que la dernière représentation n’est pas jouée… Les acteurs sont très superstitieux… Rares sont ceux qui dévoilent leurs projets… Je peux donc juste vous confier que mes projets sont multiples eux aussi… Dans les quatre mois qui viennent, il y a du théâtre, du cinéma, de la synchro et de la télé.

 

PdA : Des envies, des rêves, pour aujourd'hui ou demain ?

 

N.M. : Continuer de respirer à pleins poumons le grand air de la vie, en continuant de jouer avec le support du mensonge pour exprimer ma vérité…

 

PdA : « Au fond de moi, je n'ai pas le souvenir d'avoir voulu faire autre chose que comédien, c'est terrible ! D'une certaine manière, je n'avais pas d'autre choix ! (rires) J'ai toujours eu envie de faire ça. » Voici ce que vous déclariez lors d'une interview à Allociné, l'année dernière.

Quels conseils donneriez-vous à un(e) jeune qui se poserait aujourd'hui les mêmes questions que vous à l'époque, qui rêverait de devenir tragédien(ne) ou de jouer la comédie et, idéalement, d'en faire sa vie ?

 

N.M. : Un seul conseil : faire. Il n’y a que dans le « faire » qu’on apprend, crée, se grandit, vit. Faire. Faire. Faire. Un projet, aussi banal apparaît-il, sera plus fondateur pour un jeune acteur que tous les discours. S’il ressent donc l’appel de ce métier, qu’il embrasse avec avidité, avec gourmandise, tous les projets qu’il se soumet à lui-même, toutes les sollicitations qui se présentent à lui.

 

PdA : Un dernier mot ?

 

N.M. : Peter Brook termine un de ses livres (L’Espace vide) par : « Jouer sur une scène demande de gros efforts. Mais quand le travail est vécu comme un jeu, alors ce n’est plus du travail. Jouer est un jeu… ». Pour un acteur, la vie est un immense terrain de jeu. Vive la vie. Vive le jeu.

 

Nicolas Marié 3

 

 

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Vous pouvez retrouver Nicolas Marié...

 

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