27 août 2020

Bob Sloan, un hommage personnel

Cet article ne ressemble à aucun autre publié ici et, disons-le tout net, j’aurais préféré ne jamais l’écrire.

Il y a deux mois disparaissait Bob Sloan. Ce nom ne dira sans doute pas grand chose à grand monde parmi vous. Il me tient pourtant à cœur de vous parler un peu de lui, et de vous le présenter, quitte à aller pour une fois sur quelque chose de plus personnel sur ce blog.

Au commencement de cette rencontre, qui vaut bien à mon sens le présent hommage, il y eut un article, basé sur une interview à distance qui m’avait été accordée en avril 2016 par Grégor Trumel, alors consul général de France à La Nouvelle-Orléans. Un échange enrichissant avec un passionné connaissant très bien la Louisiane, l’histoire commune entre la France et les États-Unis, et les enjeux liés à la francophonie.

Le contact avec M. Trumel fut des plus agréables, et après publication de l’article, la discussion s’est prolongée. Curieux de découvrir, pour une idée de reportage futur, des parcours de francophones basés en Louisiane, je lui ai demandé s’il accepterait de me proposer un ou deux noms de personnes avec qui entrer en relation. Il m’en a proposé un : « Bob Sloan, universitaire de haut niveau et ancien directeur juridique de la compagnie Entergy. Très brillant et francophone. »

Bon, autant dire que, vu le profil du monsieur, et mes restes de timidité, je ne savais pas trop comment m’y prendre pour un premier abord, qui forcément serait un mail. Dans ce courrier, je me suis présenté un peu, 31 ans à l’époque, créateur de blog et grand curieux d’une Amérique jamais encore découverte (toujours pas à ce jour, mais j’espère le faire bientôt). Sa réponse, qui ne tarda pas, fut courtoise et d’emblée bienveillante : avant de l’écrire, il avait lu les deux articles que je lui avais proposés en lien et m’invita à un échange plus direct via Skype.

Le support de nos discussions, ce fut WhatsApp. D’abord du chat, pour se connaître un peu mieux, et affiner les formes de l’échange. Au départ, j’écrivais « Mr Sloan », normal. Très vite il m’a mis à l’aise : « Nicolas, je m’appelle "Bob", ou "Robert" si vous préférez, mais certainement pas Mr Sloan... ». Beaucoup de sujets abordés, au cours des discussions : les États-Unis, et la France, volets politique, diplomatie, économie et culture, les rapports et comparaisons entre nos deux pays, le nucléaire dont il était un expert reconnu, les débats d’idées qui le passionnaient, le sport et la religion... La famille. La vie, la vie tout court. Et l’Histoire, passion commune, même si évidemment sur ce sujet et sur les autres, il en savait beaucoup plus que moi. Mais il avait la bonté de ne jamais me le faire sentir.

 

Guy de Montlaur

Autoportrait sans indulgence, par Guy de Montlaur, 1969.

 

Sans grande surprise il y avait, dans notre panthéon commun, Churchill et de Gaulle, objets de pas mal de nos dialogues - qui de chats écrits, sont rapidement devenus téléphoniques, en général les jeudis après-midi. Cette histoire qu’il connaissait très bien, était aussi intimement liée à celle de sa famille, et notamment de sa belle-famille : son beau-père Guy de Montlaur, disparu en 1977, fit partie des fameux commandos Kieffer, ces Français Libres qui débarquèrent en Normandie en juin 1944, puis en Hollande. Il me parlait beaucoup de cet homme, peintre reconnu que lui n’avait pas connu mais qu’il admirait, et il me parlait souvent, avec admiration autant que tendresse, de la fille de celui-ci, son épouse Dauphine, enseignante comme lui à l’université de Tulane (La Nouvelle-Orléans), et chanteuse lyrique.

Après plusieurs mois de dialogue constamment agréable, une opportunité de rencontre fut trouvée lorsqu’il se rendit à Paris en juin 2018. L’occasion pour moi de retourner voir Paris, six ans après ma dernière visite de la capitale. Le rendez-vous fut pris pour le 17 juin, du côté de l’École militaire. De menus cafouillages et problèmes de communication ont retardé le moment tant attendu, mais ce fut résolu bien vite, et je l’ai retrouvé au café « La Terrasse », pour le petit-déjeuner. Moment souriant et de curiosité mutuelle, deux ans ou presque après nos toutes premières discussions par mail. La journée s’est poursuivie par une bonne balade qui nous a conduits jusqu’au Trocadéro, via le Champ-de-Mars et ses inévitables bataillons de vendeurs de Tour Eiffel. J’en ai tiré une belle photo que je garderai précieusement.

 

Bob

 

Une fois séparés, nous convînmes assez vite de nous revoir durant mon séjour. Le 19, soit deux jours plus tard, nos retrouvailles se firent côté Saint-Germain, aux pieds de Danton. Nous déjeûnames dans un restaurant, je n’ai pas retenu son nom, mais la déco était marine. Mille autres discussions alors, le monde refait en quelques minutes, sur fond sonore de match de foot, en pleine coupe du Monde qui, un mois après, allait voir la consécration de l’équipe de France. L’après-midi se poursuivit par une déambulation qui devait nous conduire jusqu’au jardin du Luxembourg. C’était en tout cas notre objectif, mais Paris étant vaste et ses rues parfois sinueuses, nous nous y sommes pris à plusieurs reprises avant d’atteindre le Sénat et son joli cadre. Nous avons certes un peu perdu notre chemin, mais ce fut souriant et ces écarts nous ont même permis, au hasard d’un détour, de passer devant un établissement qu’il avait fréquenté lors de ses études en France.

Je ne saurais dire, et cela importe peu, si Bob était un démocrate d’après la classification politique américaine. Ce que je sais, c’est qu’il était triste, et même malheureux, d’assister jour après jour, et tweet après tweet, aux démonstrations de vulgarité revendiquée du président des États-Unis, Donald Trump. Lui était un humaniste, ça se sentait quand on l’écoutait parler, ou même simplement, quand son regard et son sourire croisaient les vôtres. Je lui ai dit à une ou deux reprises que je le croyais apte à assumer le job, et je le pensais sincèrement : son expérience des affaires, de la politique et de la diplomatie, son intellect, sa curiosité des dossiers et des gens l’auraient qualifié pour devenir, je crois, un homme politique américain de haut niveau, qui eût été intègre et efficace. Je le lui avais promis : j’aurais été parmi ses premiers soutiens pour la campagne, « Sloan for America 2020 », si et seulement si il avait eu envie de cette vie de fou, évidemment.

Bob est mort, et Trump garde encore des chances d’être réélu en novembre. Le monde est parfois mal fait. La nouvelle de sa maladie et de la gravité de celle-ci, qui m’est parvenue deux semaines avant son décès, m’avait beaucoup peiné. C’était un homme bon, aimé d’un grand nombre de personnes qu’il avait côtoyées dans sa vie, et d’abord évidemment des siens. Il y avait un projet, vague et un peu lointain mais dont la perspective m’enchantait : visiter avec lui La Nouvelle-Orléans, cité fascinante si l’en est, ou encore son petit coin de paradis breton, près de Saint-Malo, terre en laquelle il repose désormais. Un symbole touchant, pour cet Américain qui aimait tant notre pays, sa culture, son terroir et son histoire.

Lors des obsèques de sa fille Marie, Jean-Louis Trintignant avait cité cette phrase que jai toujours retenue : « Ne pleure pas celle que tu as perdue. Au contraire, réjouis-toi de l'avoir connue. » Je suis heureux d’avoir eu la chance et le privilège de connaître Bob Sloan. Je reprendrai un de ses mots à lui, toujours curieux et toujours enthousiaste : il était quelqu’un de très « chouette ». Je remercie Grégor Trumel, Dominique Wolton, et George de Montlaur pour avoir considéré, chacun avec gentillesse, ma proposition première d’hommage à plusieurs voix, pour Paroles d’Actu. Je salue chaleureusement sa veuve Dauphine et leurs enfants, que j’espère rencontrer un jour. Et j’envoie mes bonnes pensées à chacun des lecteurs et interviewés du blog : j’en ai rencontré quelques uns, avec bonheur, mais j’aimerais en croiser bien d’autres, pour d’autres belles expériences humaines. Quant à toi Bob, mon ami, de là où tu es sois sûr de cela : I’ll always remember Paris, your smile and your kindness to me.

 

Bob and I 2018

 

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12 juin 2018

« Me manquer », par Frédéric Quinonero (Hommage à Johnny Hallyday, 75è anniversaire)

Combien de personnes, même parmi celles qui ne retiennent pas forcément les dates, même parmi les "pas spécialement fan" du chanteur, se seraient surprises à répondre, parce qu’elles l’avaient dans un coin de la tête, comme ça, que Johnny était né un 15 juin ? Pas mal sans doute, et rien d’anormal à cela : devenu Johnny Hallyday, Jean-Philippe Smet est entré dans les  cœurs et dans les familles, et il n’a jamais quitté ni les uns ni les autres. Il était devenu familier. Mais voilà, cette année, pour la première fois, en cette date du 15 juin, il n’y aura plus ni cris de célébration ni pensées de bons vœux. À la place, une absence, pesante. Un silence... Jean-Philippe Smet est mort, lui qui a tant joué avec la vie. Mort. Il aurait eu 75 ans, âge canonique pour un rocker qui a eu sa vie. Si Johnny restera, pour longtemps encore, Jean-Philippe lui, est parti. Avant.

J’ai proposé à l’ami Frédéric Quinonero, talentueux biographe (Johnny Immortel, l’Archipel, décembre 2017) et surtout grand fan de Johnny, de réfléchir à un hommage, totalement libre dans la forme, à son idole. Il a accepté de se prêter à lexercice, ce qui comme on pourra l’imaginer n’a pas dû être neutre émotionnellement parlant. Je le remercie chaleureusement pour ce texte, bouleversant, déchirant même, et clairement empreint de l’amour qu’il lui porte. J’ai choisi de le publier dès ce jour de réception de l’article, soit trois jours avant ce 15 juin au cours duquel nous aurons, nombreux, des pensées pour Johnny. En musique, forcément. Une exclu Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Johnny immortel

Johnny Immortel, de Frédéric Quinonero (l’Archipel, décembre 2017).

 

« Me manquer »

Par Frédéric Quinonero, le 12 juin 2018.

 

J’ai rêvé la nuit dernière, Johnny, que t’étais pas parti.

Un instant étrange. Tu me regardes en silence. Des turquoises dans les yeux. Tu as l’apparence d’un ange. Une aile au paradis, l’autre dans la vie.

Dans la nuit, cette question qui serre le cœur: "C’est toi, c’est toi Johnny ?"

Et puis ce matin, ce réveil. Et toi qui n’es plus là. Parti à l’abri du monde. Loin de la rumeur qui court, des lumières et des discours. Cette chose impossible à croire que la mort t’a souri. J’ai oublié de me souvenir de l’oublier, et pourtant...

 

Pour ton anniversaire, j’ai mis une fleur sur l’étagère, à côté du sable blanc de ton paradis, là-bas. Et je bois à ta santé.

 

C’est comment l’envers du décor, dis ? Est-ce que les étoiles dans le ciel font des étincelles ? Est-ce qu’il y a du sable, et de l’herbe, et des fleurs ? De l’or dans les rivières ? Et des fleurs jaunes dans le creux des dunes ?

 

Tu étais là, mon Johnny, c’était toi. Ton sourire à transpercer l’acier. Tes yeux si purs, à te donner le bon dieu sans confession. C’était toi et moi. Les battements de nos cœurs sur la même longueur d’ondes. Tes cheveux si clairs que j’ai cru un instant rêver. Mais je rêvais, de fait. Et j’aurais voulu pouvoir retenir la nuit.

 

Oublier, t’oublier ? Toi qui me portes et me tiens debout ? Il me faudra plus de temps que m’en donnera ma vie.

Écoute mon cœur qui bat. Mon cœur fermé à double tour. Noyé dans l’ombre de toi. Écoute ma douleur, elle ne s’en va pas.

De vague en larmes je vogue en solitaire. Perdu dans le nombre d’un troupeau de misère. Comme un radeau qui flotte à la dérive. Une caisse qui se traîne à 80 de moyenne. Une tequila entre citron et sel… Évanouie, mon innocence. Johnny, si tu savais…

Non, je n’oublierai jamais. Tu es gravé dans ma vie.

Tu es parti mais tu es partout. Intraçable et muet. Ton absence et ton silence qui n’en finit pas. Comme une maladie, comme un grand froid. Chaque jour, je fais une croix. Quatre murs autour de moi et dessus, des photos de toi. Rien ici, non, rien n’a changé. Et le temps semble arrêté.

 

Me manquer, me manquer…

 

Frédéric Quinonero JH 75

Crédits photo : Yan Barry (Midi Libre).

 

Je serai là si tu veux pour écrire ton histoire, garder ta mémoire. Contre les croquemorts qui rodent. Contre les mots faciles et la haine des imbéciles. Tout ce cirque.

 

Continuer à vivre pendant que tu te reposes. Avec ton souvenir au plus fort de l’absence. Avec l’illusion d’attendre un signe. Des soirs comme un grand trou noir. Puis dans mes nuits, enfin, l’oubli. L’espoir que tu viennes encore me visiter. À certaines heures, quand le cœur de la ville s’est endormi. Ou dans le souffle d’un vent géant. Le vent qui hurle qui crie, et qui comprend. Un rêve qui ne fasse plus peur. Comme dans un tableau de Hopper… Et que la mort vaincue n’ait plus d’empire dans le pays des vivants.

 

Je t’en prie, Johnny, reviens ! 

Reprends ton cœur et ce vieux train, là, et dans le soleil, reviens vers moi. Reviens chanter les peines et les espoirs. Donner des raisons d’espérer. Palais des Sports, palais des foules. 15 heures ouverture des portes. Et les stands et la buvette… Chanter encore ce blues maudit pour qu’il éclaire ma vie. 

Mes valises sont toutes prêtes pour les voyages que je me raconte.

Pour aimer vivre encore.

 

Je n’ai jamais rien demandé, mais parfois j’ai envie de crier à la nuit: "Emmène-moi !" Et je m’accroche à mon rêve. Tôt ou tard, tu me reviendras. Tu verras. Comme l’aigle blessé revient vers les siens. Un monde sans toi ? Non. Remboursez-moi ! Je ne veux pas de ce monde-là ! Dans cette foutue boutique aux souvenirs, je vois s’en aller ma vie. Un souvenir de rocker sur les murs d’une ville triste… Non ! Je donnerai mes larmes au regard que tu avais, la flamme au souffle que tu portais. Je défierais les rois, les fous, les soldats, la mort et les lois… Mais qu’on reparte au bord des routes. Terminer la nuit sur les parkings et les tarmacs. Et reparler d’amour un jour. Pourquoi ne reviendrais-tu pas puisque je t’attends ? Je t’attends, tout le temps. Souviens-toi, la route est ta seule amie. On se reverra, dis ?

 

Quand la nuit crie au secours qui pourrait l’écouter ?

 

Je me sens si seul parfois, Johnny. Je voudrais tellement qu’on soit du même côté de la rivière. Être encore cet enfant qui croyait à l’éternité. Entendre ta voix de révolté. C’est une prière que je grave dans la pierre, pour toi, mon vieux frère. Je veux si fort refaire un jour l’histoire. Et fixer le soleil droit devant, comme un pari d’enfant. Trinquer à nos promesses au café de l’avenir. Refaire la route, dis. Rien ne peut séparer ceux qui s’aiment.

Reviens allumer le feu, mon Johnny, viens jouer ton rock’n’roll pour moi.

 

 

Johnny BDay

 Crédits photo : inconnus. D.R.

 

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Et vous, parlez-nous de "votre" Johnny...?

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14 décembre 2017

Eric Chemouny : « Johnny est parti, mais il n'aurait pas aimé que nous soyons tristes »

« J’ai pas toujours trouvé les motsPour bercer tes rêves d’enfantsEnsemble, on est devenu grand...De bons points en double zéroParalysés par tant d’amourOn s’apprivoise au jour le jour... »

« Je n’ai jamais su trouver les gestesQui pouvaient soigner tes blessuresGuider tes pas vers le futurÀ tous les signaux de détresseDis, comment j’aurais pu faire facePris entre le feu et la glace... »

« Au-delà de nos différencesDes coups de gueule, des coups de sangÀ force d’échanger nos silencesMaintenant qu’on est face à faceOn se ressemble sang pour sang... »

Qui ne s’est pas trouvé ému, ou au moins touché en écoutant cette chanson, Sang pour sang, issue de l’album éponyme (1999), le 42è studio de Johnny Hallyday ? C’est la confrontation d’un père et d’un fils, qui mettent à plat les non-dits accumulés sur des décennies, et se rendent compte qu’ils sont faits du même bois. Quand on n’a plus son père... ce titre prend tout son sens, et devient plus douloureux parce que cette redécouverte mutuelle ne viendra plus. Et, s’agissant de Johnny, de sa vie, de ses rapports avec son père, et aussi avec ses enfants, quand on les connaît, on sait à quel point la chanson est importante et forte de signification, dans son répertoire. À la compo, comme pour tout l’album, son fils David... Et à l’écriture, un nom, trop peu connu : Éric Chemouny.

Après la triste et marquante disparition de Johnny il y a huit jours, j’ai souhaité contacter cet auteur, l’inviter à témoigner, à évoquer l’artiste. J’ai à cette occasion découvert qu’il était très impliqué dans une belle initiative éditoriale, le webmagazine « Je suis musique », qui a consacré dans l’urgent numéro à celui qu’on appelait jadis « l’idole des jeunes ». Dont un article signé par M. Chemouny et qui revient sur l’histoire de Sang pour sang, à découvrir, en complément du présent. J’ai posé des thèmes, illustrés par des titres de chansons du « Taulier », M. Chemouny a rempli les blancs et ouvert son cœur. Merci à vous Éric, et que personne n’en doute : les grands artistes ne meurent pas. Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Q. : 12/12/17 ; R. : 13/12/17.

Éric Chemouny: « Johnny est parti, mais il

n’aurait pas aimé que nous soyons tristes »

Sang pour sang

L’album Sang pour sang (Universal, 1999). DR.

 

« Noir c’est noir » : Johnny est parti...

Johnny est parti, mais il n’aurait pas aimé que nous soyons tristes. Il n’a jamais été aussi présent ; les jeunes générations redécouvrent la carrière extraordinaire de notre rocker, entré dans la légende. Et ce n’est pas fini, il y aura sans doute d’autres émissions hommages, des biopics, des comédies musicales autour de son destin...

 

« De l’amour » : Une semaine d’hommages populaires

Au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer ! C’était très réconfortant de voir les Français se mobiliser, dans la communion autour d’un artiste que tout le monde aimait. Il a tellement donné de lui toute sa vie, et d’amour à son public, que c’était un juste retour des choses.

 

« Souvenirs, souvenirs » : Mon histoire avec Johnny

J’aimais beaucoup Johnny, comme mes parents, qui avaient pas mal de 45 tours : enfant, je me rappelle en particulier des pochettes si belles de San Francisco, et de J’ai un problème... Mais je n’imaginais pas le rencontrer un jour : il me paraissait si inaccessible... La vie a eu plus d’imagination que moi, et j’ai découvert un homme extrêmement timide, généreux, plein d’humour, et curieux des autres. Dans l’intimité, en studio notamment, il était au même niveau que les musiciens, juste soucieux de donner le meilleur de lui-même. Un immense artiste.

 

« J’ai un problème » : Sylvie, David, histoires d’amitié?

David et Sylvie sont avant tout des amis, avant d’être mes interprètes. La musique n’a fait que resserrer nos liens. On a les mêmes valeurs, si bien qu’on se comprend souvent sans se parler. Ce ne les empêche pas d’être exigeants avec moi en tant qu’auteur.

 

« Sang pour sang » : Genèse, coulisses et retombées d’un titre très intime devenu tube

J’ai raconté la genèse de Sang pour sang, dans Je suis musique, mais je suis très ému de constater aujourd’hui que cette chanson est restée comme une des préférées du public, pour le symbole universel qu’elle représente et la place particulière qu’elle a eu dans la discographie de Johnny. 18 ans après, je recois encore des messages de sympathie à ce sujet, de gens anonymes comme d’artistes reconnus. Jean-Michel Jarre et La Grande Sophie notamment, l’ont citée à sa disparition, comme leur titre préféré de Johnny. C’est très touchant.

 

Je suis musique

« Je suis musique », le numéro spécial Johnny.

 

« Je veux te graver dans ma vie » : Ce que j’ai appris et que je retiendrai de l’homme derrière le mythe Johnny

Me concernant, j’ai appris qu’il faut croire en ses rêves et que rien n’est impossible, si on travaille pour cela et qu’on se donne les moyens de les réaliser. Je crois que c’est aussi valable pour Johnny qui ne s’est jamais reposé sur ses lauriers, a toujours cherché de nouveaux talents, pour progresser et se renouveler ; le travail, toujours le travail... et cet instinct animal, cette intelligence qui le caractérisaient sont aussi à l’origine de son succès incroyable.

 

« Toute la musique que j’aime » : Johnny, mes chansons préférées...

J’aime beaucoup de chansons de Johnny bien sûr, mais j’ai une préférence pour le Johnny lyrique et mélancolique, ses grandes ballades : J’la croise tous les matins, Elle m’oublie, Le coeur en deux, Requiem pour un fou, Mirador, J’ai oublié de vivre, Derrière l’amour... La liste est trop longue... Et je suis le premier fan de son interprétation de Ceux qui parlent aux étoiles, que j’ai écrite pour lui, sur une musique de David, mais passée un peu inaperçue sur l’album « À la vie, à la mort », suite à l’écrasant triomphe (mérité) de Marie.

 

« Ça n’finira jamais » : Et maintenant, Johnny?

Je pense que l’hommage de la Madeleine n’est que le début de la mesure de son immense popularité : je suis certain que beaucoup de rues et d’écoles dans les villes de France vont porter son nom...

 

« L’envie », « Vivre pour le meilleur » : Projets, désirs et vœux

Vivre pour le meilleur, et au jour le jour est une belle philosophie... Profiter de chaque instant, en essayant de progresser dans son domaine, sans oublier de rendre aux autres un peu de ce bonheur que la vie nous apporte... C’est un peu le rôle de la musique.

 

Éric Chemouny est parolier et journaliste.

À découvrir, son webmagazine, « Je suis musique ».

 

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07 décembre 2017

« À toi Johnny », par Frédéric Quinonero

La mort de Jean-Philippe Smet, plus connu sous le nom de Johnny Hallyday, hier dans la nuit (pourquoi a-t-il fallu que cela survienne un jour de Saint-Nicolas ?), a provoqué une onde de choc émotionnel à la mesure du personnage. Johnny, c’était presque 60 ans de carrière, 110 millions de disques vendus, un univers perpétuellement renouvelé et, surtout, une pêche, un enthousiasme, et une voix qui emportaient tout. On pouvait râler parce qu’on le voyait trop, mais franchement, que celui qui n’a jamais aimé ne serait-ce qu’une de ses chansons, que celui qui a eu la moindre occasion dans sa vie de le trouver antipathique jette la première pierre sur son cortège mortuaire. Johnny était respecté parce qu’il était un showman hors du commun, et il était aimé parce qu’il était aimable. La France de plusieurs générations ressent aujourd’hui un deuil sincère, sans doute comparable à celui que l’on ressentira, outre-Manche, au départ d’Elizabeth. Il était quelque chose comme un lien, un pont entre des gens parfois très différents. En ce sens, si Jean-Philippe vient de s’éteindre, Johnny, lui, son oeuvre, son sourire, son exemple, tout cela restera. Johnny immortel, c’est précisément le titre de la version définitive de la bio qui lui a été consacrée par Frédéric Quinonero et dont il vient, à grand peine, de boucler les chapitres finaux. J’ai eu une grosse pensée pour lui quand j’ai su pour Johnny, pour lui qui le qualifiait, lors d’une interview pour Paroles d’Actu il y a trois ans, de « grand frère qu’il n’avait jamais eu ». Frédéric a accepté d’évoquer Johnny dans un nouveau texte, nostalgique et touchant, je l’en remercie bien amicalement... Une exclu Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Johnny immortel

Johnny Immortel, de Frédéric Quinonero (l’Archipel, décembre 2017).

 

« À toi, Johnny »

Par Frédéric Quinonero, le 7 décembre 2017.

 

Quelques fragments de vie avec toi, mon Johnny...

Ton apparition dans le poste en noir et blanc, dans Que je t’aime à la fin des années 60 et un petit garçon de six ans qui tombe sous le charme.

Le même petit garçon qui veut chanter ta chanson dans un radio-crochet sur la place d’Anduze, sa ville d’enfance, et l’organisateur qui ne sait comment lui expliquer d’en choisir une autre, que celle-là n’est pas pour son âge ; plus tard, mes parents qui m’expliquent avec un peu de gêne que «  quand tu ne te sens plus chatte et que tu deviens chienne  » ou «  mon corps sur ton corps lourd comme un cheval mort  », ce genre de phrases pose problème dans ma bouche et devant mon air hébété : «  Tu comprendras plus tard  »...

L’ «  album au bandeau  » au pied du sapin le matin de Noël et le verre de liqueur sur la table, bu par le Père Noël ; et moi surpris que le Père Noël te connaisse, toi, Johnny Hallyday.

Mon premier show de toi dans les arènes de Nîmes et moi hypnotisé, comme devant une apparition miraculeuse, tandis que des jeunes filles tombées dans les pommes sont évacuées sur des brancards ; puis, dans la voiture, l’air ahuri de mes parents quand je leur dis que je veux faire «  Johnny Hallyday  » comme métier.

Puis, mon dernier show des années plus tard, au même endroit, sans savoir quil serait le dernier.

Un communiant de onze ans entonnant dans son aube blanche ton dernier tube, Prends ma vie, à la fin du repas familial et les premières phrases : «  Je n’ai jamais mis les pieds dans une église, je ne sais pas prier  », entre autres, qui choquent l’assistance, en particulier une cousine très pieuse qui ne s’en est jamais remise.

L’affiche géante de la tournée Johnny Hallyday Story – toi vêtu de jean, posant allongé sur fond rouge - longtemps punaisée au mur de ma chambre d’adolescent, place Émile-Combes à Montpellier ; puis, longtemps après, celle du Stade de France 1998 au-dessus de mon bureau dans l’appartement de Saint-Maur.

Mon copain Bruno et moi sur ma Mobylette orange partant t’applaudir aux arènes de Palavas  et t’attendre le lendemain devant ton bungalow au Reganeous ; te voir sortir, boitillant – tu étais tombé dans la fosse la veille -, avec Sylvie préoccupée par l’état de ta jambe et ne se souciant pas de son petit chien venu vagabonder vers nous et devenu prétexte idéal pour vous approcher l’un et l’autre.

Mon premier spectacle parisien de toi, au Zénith, et tous les autres qui vont suivre...

Ton entrée chez Graziano où je travaille pour payer les cours de théâtre ; tous ces gens qui s’arrêtent de dîner, les couverts levés ; puis moi tremblant comme une feuille en servant le champagne à ta table et toi le remarquant qui m’adresses un sourire à faire fondre la banquise.

Ta voix dans le téléphone – «  Bonjour c’est Johnny  » - lorsque tu appelles pour réserver et moi, qui manque de tomber du tabouret où je m’étais assis.

Ta première interprétation de Diego en 1990 à Bercy et l’émotion qui nous a cueillis, mon amie Muxou et moi.

Tes messages à distance qui mettaient du baume au coeur au petit garçon devenu ton biographe.

Des souvenirs, souvenirs en pagaille…

Et maintenant, mon Jojo, à quoi ça va ressembler la vie sans toi  ?

 

Frédéric Quinonero JH

 

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26 août 2014

Micheline Dax : "Profitez de la vie, sans remords... et sans vergogne !"

   « Micheline est décédée tout à l'heure. C'est très étrange, car j'étais en train de récupérer des images de sa première apparition dans un film en 1948. On m'a appelé pour m'annoncer sa disparition alors que j'étais plongé dans mes "fouilles archéologiques", comme elle disait pour se moquer gentiment de moi. Je n'arrive pas à réaliser... » C'est par ces mots, par ce message qu'il m'a envoyé le 28 avril à 00h53 que l'ami Jean-Paul Delvor m'a appris la triste nouvelle. On la savait diminuée - elle venait de fêter ses 90 ans - mais on espérait qu'elle reprendrait le dessus, une fois de plus... Ce qu'elle laisse derrière elle est inestimable : des œuvres qui ont touché plusieurs générations d'un public qui lui est resté fidèle - en témoigne la déferlante d'hommages qui lui ont été rendus après l'annonce de son décès ; le respect et la reconnaissance que ses pairs du métiers réservent à l'une des leurs, une grande pro ; une belle famille, resserrée, élargie, une famille qu'elle aimait et qui n'a pas fini de l'aimer... Au revoir, Madame... et merci pour tout...

   Le document qui suit nous laissera, forcément, un goût d'inachevé. Au début de l'année, j'avais proposé à Jean-Paul Delvor, qui gère avec amour et dévotion sa page officielle, de réaliser ensemble une seconde interview de Micheline Dax, un an après la première, qui fut publiée le jour de son 89ème anniversaire. Elle n'était plus au mieux, son moral était fluctuant : cette interview-là serait solaire... ou ne serait pas. J'ai demandé à Jean-Paul, qui a eu avec elle d'innombrables conversations, de me faire une liste de ces points de son parcours d'artiste dont elle parlait avec plaisir. Une fois la liste reçue, j'ai rédigé les questions, les ai envoyées à celui qui fut son partenaire dans Arsenic et vieilles dentelles. Il a pu lui en poser quelques unes au téléphone, pas forcément dans l'ordre. Ses dernières réponses, tantôt drôles, tantôt émouvantes, forcément précieuses, elle les a livrées autour du 3 mars, de son 90ème anniversaire. Pour le reste, Jean-Paul a pris le relais. Il a complété une bonne partie des "blancs" par l'évocation de ce que Micheline lui avait raconté, avant. Et invité quelques amis à participer, eux aussi, à cet article, à cet hommage à une dame de cœur. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

MICHELINE DAX

 

« Profitez de la vie, sans remords...

et sans vergogne ! »

 

Micheline Dax

(Source des photos avec M. Dax : J.-P. Delvor)

 

Q. : 15/02/14 ; R. : jusqu'au 03/03/14 (?)

 

Paroles d'Actu : Bonjour, chère Micheline Dax... Je suis très heureux de vous retrouver, un an après la première, pour cette nouvelle interview réalisée pour Paroles d'Actu. Comment allez-vous ?

 

Micheline Dax :

 

Paroles d'Actu : Je tiens à remercier, à nouveau, et de tout cœur, notre ami Jean-Paul Delvor. Sans lui, aucun de nos entretiens n'aurait pu avoir lieu. Il est, grâce à la belle page qu'il gère avec passion sur Facebook, comme un trait d'union entre vous et vos nombreux admirateurs. Il était votre neveu dans la version d'Arsenic et vieilles dentelles que Thierry Harcourt avait mise en scène il y a quelques années. Comment votre relation, professionnelle, au départ, s'est-elle transformée en une amitié aussi fidèle ?

 

Jean-Paul Delvor : Le texte qui suit est la retranscription d'un extrait de conversation datant d'il y a plusieurs années. Ce soir-là, je l'avais accompagnée au théâtre. Un peu plus tard, au resto, elle s'est mise à parler de Facebook, de ses "fans". Peu après, j'ai pris quelques notes...

 

« Il fait partie de ma cour ! (rires) Je suis une personne assistée, tu comprends ? (rires) J'ai du bol, ce garçon me trimballait partout. J'ai de la chance, tu sais. C'est lui qui m'a fait mon site ! Sur Facebook (!?) J'ai jamais vu, moi... ! Je n'ai pas d'ordinateur, ni d'internet, j'm'en fous... Mais les messages que je reçois ! ... Il m'en lit de temps en temps. C'est irrésistible ! Et des gens jeunes ! "Madame, je vous aime depuis que je suis tout petit", "Vous êtes un monument"... non mais, tu comprends, c'est irrésistible ! ... Parce qu'avant ce... cette... chose... moi, j'savais pas qu'il y avait des jeunes qui me connaissaient encore ! ... Tu vois c'que j'veux dire ? ... »

 

Dax_Delvor

(Photo : J.-P. Delvor, Arsenic et vieilles dentelles, 2006)

 

Paroles d'Actu : J'aimerais, à l'occasion de cette interview, vous inviter à évoquer ensemble quelques dates-clés, quelques moments qui ont jalonné votre incroyable parcours... Quelques uns, évidemment, pas tous, il y en a tellement... Tout à l'heure, il y aura non pas une, mais deux surprises...

 

Micheline Dax : Ah, chic alors ! (Rires)

 

Paroles d'Actu : Nous sommes en 1954. Vous êtes sur les planches du théâtre Édouard VII pour Souviens-toi mon amour, une pièce écrite par André Birabeau et mise en scène par Pierre Dux...

 

Jean-Paul Delvor : Micheline m'avait demandé d'en rechercher le texte, elle souhaitait le relire, car elle avait gardé un excellent souvenir de la pièce - une très bonne pièce, selon elle - et de sa distribution - elle était très amie avec l'une de ses co-actrices. Je ne l'ai jamais trouvé...

 

Paroles d'Actu : En 1957, vous êtes à l'affiche de Ce joli monde, film réalisé par Carlos Rim. Darry Cowl est également de la partie...

 

Jean-Paul Delvor : Elle aimait me parler de Darry Cowl. Elle disait qu'il était complètement fou, délirant, insolite... Une fois, après une journée de tournage de ce film, il l'a raccompagnée chez elle. Il a fait dix fois le tour du rond-point des Champs-Élysées en lui parlant et en lui faisant la cour. Il lui racontait des blagues, des choses absurdes... Elle était écroulée de rire... Il était très adroit, au billard et au lancer de fléchettes. Micheline l'imitait très bien, la cigarette aux lèvres et, remettant ses lunettes, en train de viser une cible avec une fléchette.

 

Paroles d'Actu : Deux ans plus tard, en 1959, vous jouez dans Messieurs les ronds-de-cuir, d'Henri Diamant-Berger. À vos côtés, on trouve Noël-Noël, Michel Serrault, Pierre Brasseur et Jean Poiret. Je crois que vous avez une anecdote à nous raconter à propos de ce film...

 

Jean-Paul Delvor : Il faut savoir que Pierre Brasseur, disons... n'était pas insensible aux charmes féminins (si j'arrêtais de mettre des gants, je dirais : un "chaud lapin"). Clairement, Micheline ne le laissait pas indifférent... Un jour, Jean Poiret lui a fait une blague. Micheline était en train de se changer dans sa loge. Poiret a conduit Brasseur jusqu'à sa porte. Il la lui a ouverte. Brasseur a poussé un "Oh ! Micheline !" de surprise et de concupiscence... Et il l'a poursuivie sur le plateau pendant de longues minutes. Elle riait beaucoup quand elle me racontait ça... même si elle en a voulu à Poiret pour cette "vacherie".

 

M

 

Paroles d'Actu : Un peu de temps s'écoule... On est en 1967. La Vie parisienne, d'Offenbach est interprété par la compagnie Renaud-Barrault. Jean-Louis Barrault est aux commandes...

 

Jean-Paul Delvor : Je n'ai pu lui poser cette question, mais ce que je sais, c'est que Micheline était très fière d'avoir fait ça. Elle adorait les costumes, elle disait que c'était somptueux (elle prononçait "sompetueux", en accentuant le "p")... Elle était très admirative du couple que formaient Simone Valère et Jean Desailly, et de leur jeu...

 

Paroles d'Actu : La même année, vous êtes la voix du personnage éponyme de Titus, le petit lion, une série télévisée d'animation pour laquelle vous avez gardé une grande tendresse...

 

Micheline Dax : Ah oui alors ! J'ai fait ça avec Bodoin, qui faisait le Grand Yaka au pays de Jaimadire... (rires) C'était drôle, naïf et poétique. Je faisais la voix de Titus, et aussi de Bérénice, qui était une petite souris... et y'avait Carel, qui faisait un pingouin et un pélican ! (rires)

 

Paroles d'Actu : Le Francophonissime, jeu télévisé créé par Jacques Antoine et Jacques Solness, apparaît sur les écrans à la fin des années 60...

 

Jean-Paul Delvor : Elle en a déjà parlé dans quelques interviews. Elle aimait beaucoup cette émission, surtout la première version, avec Georges de Caunes. Et elle avait beaucoup d'admiration et d'amitié pour Jean Valton et Michel Deneriaz, dont elle parlait toujours avec tendresse.

 

Paroles d'Actu : Entre 1978 et 1983, vous participez aux Bubblies et jouez des rôles, disons... assez improbables. Y compris, si je ne me trompe pas... un hachis parmentier ?

 

Micheline Dax : C'était un truc anglais d'une connerie ! Je faisais Madame Poubelle (rires) et Gwendoline, une jeune blonde qui changeait d'apparence. Et un jour, je dois dire : "Eh bien mes amis, aujourd'hui, je serai un hachis parmentier" ! (avec la voix de Gwendoline, ndlr) Va faire le bruitage d'un hachis parmentier, toi ! (rires) Alors, j'ai fait prrrrrrr... (bruit d'une chose molle, qui s'écrase, comme une bouse, ndlr)

 

Paroles d'Actu : Au milieu des années 80, vous êtes de l'aventure N'écoutez pas, mesdames !, de Guitry, mise en scène par Pierre Mondy. Une expérience qui vous a laissé, je crois, un très bon souvenir...

 

Micheline Dax : Ah, ça, mon p'tit garçon, Guitry, c'est un tel bonheur à jouer... Qu'est-ce que tu veux, c'est tellement drôle ! et intelligent ! et c'est d'une cruauté... Et ce rôle (Valentine, ndlr), c'était pile le genre de personnage que j'avais envie de jouer à ce moment-là... Et jouer avec Pierre Dux, c'était divin ! Et je me suis beaucoup amusée, ensuite, en tournée, avec Paturel !

 

N'écoutez pas mesdames

 

Paroles d'Actu : En 2004, Stephan Meldegg reprend pour le théâtre Saint-Georges Miss Daisy et son chauffeur, d'Alfred Uhry...

 

Ndlr : Pour évoquer cette pièce, Jean-Paul Delvor a eu l'excellente idée d'inviter M. Jean-Loup Horwitz, qui en partagea l'affiche avec Micheline Dax, à évoquer pour Paroles d'Actu cette aventure commune... (03/05/14)

 

Jean-Loup Horwitz : Miss Daisy et son chauffeur... Que de souvenirs. Que de rires avec Micheline, Jean-Michel Martial, le chauffeur, et moi dans le rôle du fils, Boolie ! Quel bonheur aussi de travailler avec Stephan Meldegg... C'était la première fois que Micheline et Stephan travaillaient ensemble. Il faut dire que c'étaient deux mondes différents. Quand nous avons commencé à répéter, Micheline connaissait toute la pièce par cœur, comme à son habitude. Jean-Michel et moi, pas un mot. Petit à petit le texte entrait, encore incertain. Et quand l'un de nous se trompait, Micheline tapait du pied... Ça énervait tout le monde, et surtout, cela déconcentrait Jean-Michel... Alors, ce qui devait arriver arriva : Jean-Michel s'arrête et demande à Micheline de cesser, soutenu par le metteur en scène. Micheline, renfrognée, se fait violence, et pendant quelques temps, le travail reprend... Au fil des jours, avec le travail sensible et exceptionnel de Meldegg, nous avions et le texte et l'émotion des personnages. Et là, à notre grand étonnement, c'est Micheline qui se trompait ! Il a fallu qu'elle reconstruise son personnage selon les consignes de Stéphan pour devenir l'exceptionnelle Miss Daisy quelle fut. C'était l'affrontement de deux techniques... Micheline jouait en musicienne qu'elle était. Meldegg travaillait sur l'âme des personnages. Miss Daisy, c'est aussi le début d'un changement radical : Stephan Meldegg s'est battu pour que Micheline porte une perruque blanche... Elle a trouvé que ça lui allait bien et a abandonné sa couleur noire.

 

Je parlerai aussi des 80 ans de Micheline. Micheline m'avait fait promettre de ne rien faire... Mais sa fille Véronique, avait convoqué au Théâtre Saint-Georges les vieux complices de sa mère... Et au dernier rappel, ce fut une avalanche de personnalités ! Micheline troublée, avait quand même trouvé le mot - « Revenez dans vingt ans ! » - pour faire rire la salle. Pour ses 81 ans, nous étions en tournée à Metz. Au dernier rideau, l'immense salle, prévenue par les ouvreuses avant le début du spectacle, s'est mise à chanter Joyeux anniversaire ! tandis que du fond de scène roulait un immense gâteau lumineux fabriqué par les machinistes du théâtre ! Quelle émotion !

 

Je finirai par un petit secret... Nous avions un rituel, Micheline et moi. Avant le lever de rideau, Micheline avait toujours les mains gelées par le trac. Et comme j'ai toujours les mains chaudes, Micheline tendait vers moi ses deux mains et nous restions là, tous les deux, écoutant le merveilleux bruit de la salle avant l'ouverture du rideau... En jouant Boolie, je suis devenu le presque fils de Micheline... et quand elle m'envoyait un mot, Micheline signait : "Ta presque mère" ! C'est dire le lien qui nous unissait et la tristesse qui est la mienne aujourd'hui... (05/05/14)

 

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(Photo : agent)

 

Paroles d'Actu : Dans la deuxième moitié des années 2000, vous interprétez, avec d'autres femmes, les fameux Monologues du vagin. Il y en a une qui a accepté, à ma demande, de me parler de vous... Et, au travers de ce témoignage, de vous transmettre toute son affection... Voici ce que m'a dit Marie-Paule Belle...
 
« Dites-lui que j'ai sur mon bureau la photo de Sara Giraudeau, elle et moi prises devant le miroir de sa loge quand nous jouions Les Monologues du vagin au Théâtre de Paris !
 
Le 3 mars, c'est son anniversaire, et je me souviens que nous l'avions fêté au Bistro des deux théâtres, où elle avait sa table ! Nous avons souvent dîné ensemble : elle me racontait sa vie, des anecdotes sur Piaf, et d'autres... Nous avons partagé beaucoup d'émotions... et de fous rires ! Et de trac, aussi. Par exemple, à l'Olympia, pour le concert de William Sheller : elle sifflait magnifiquement un Aria écrit pour elle par William et je chantais seule au piano une très belle chanson que William m'avait écrite, L'Homme que je n'aime plus... Elle voulait s'en aller avant d'entrer en scène, tellement elle avait peur ! On se tenait la main, on s'encourageait...
 
Je vis maintenant dans le sud , au soleil. Elle me manque et je l'embrasse bien fort, comme ces souvenirs... »

 

Ndlr : Message lu par Jean-Paul Delvor à Micheline Dax le 3 mars 2014, jour de son anniversaire...

 

Micheline Dax : Oh que c'est gentil ! Elle m'a appelée tout à l'heure ! C'est vrai, je suis partie... On m'a rattrapée ! (rires) Elle est tellement gentille avec moi... Dis-lui que je l'embrasse fort fort fort !

 

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(Photo : collection personnelle M.-P. Belle)

 

Paroles d'Actu : La seconde surprise, c'est un autre message qu'un grand nom du théâtre, qui a pour vous une grande tendresse, a tenu à vous adresser... C'est Monsieur Jean-Claude Dreyfus.

« Pour la divine Micheline : Nous qui avons partagé durant des années le même quartier, celui des Batignolles, ainsi que le même parking de l'Europe, où nous nous sommes retrouvés soudain en fourrière - celles du beauf de Tonton, face au Paris Rome. Je pense à son patron, retrouvé découpé en morceaux dans une valise au bois de Boulogne et qui, de son vivant, me harcelait pour que j'écoute des musiques militaires sorties du juke-box... Oh... comme j'aurais aimé prendre une boisson à vos côtés, et que vous me siffliez « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle... » en sirotant un Fernet-Branca... Bref, je vous adore et vous embrasse tendrement... et amitieusement ! JcD » (02/03/14)

 

Micheline Dax : (Rires) C'est très gentil... Merci beaucoup...

 

Paroles d'Actu : Je crois savoir que vous n'avez rien perdu de votre amour du cinéma... Quels sont vos films préférés ?

 

Micheline Dax : Ah... J'ai une passion pour L'Aventure de Mme Muir, (J. Mankiewicz, 1947, ndlr) avec Rex Harrison et Gene Tierney - elle est d'une beauté... J'en pleure à chaque fois. Je l'ai vu un nombre incalculable de fois, tout comme Le Plaisir d'Ophüls (1952, ndlr), qui est un chef d'oeuvre... Gabin et Darrieux, magnifiques ! La scène où Gabin fait la cour à Darrieux... (rires) c'est un régal, une merveille ! ça repasse de temps en temps sur le câble, je n'en rate jamais une miette !

 

(...) Madame Bovary (V. Minnelli, 1949, ndlr), avec Jennifer Jones, qui était d'une beauté insolente ! Ah, la garce ! (rires) le moment où elle se voit dans le grand miroir... et la scène du bal, avec Jourdan ! (...) Le Père tranquille (R. Clément, 1946, ndlr), avec Noël-Noël ! (...) et tous les Guitry ! tous sans exception...

 

Jean-Paul Delvor : Micheline m'a aussi fait découvrir un film qu'elle adorait et que je lui avais retrouvé en VHS. Elle en connaissait les dialogues absolument par cœur. Elle gloussait de rire et de plaisir quand on évoquait certaines scènes. Elle connaissait aussi le nom de tous les interprètes : Elvire Popesco, Victor Boucher, - qu'elle adorait comme acteur et dont elle me parlait souvent - André Lefaur, Blier dans un tout petit rôle ! Ça s'appelle L'habit vert (R. Richebé, 1937, ndlr), une pépite...

 

Paroles d'Actu : Vous êtes devenue Commandeur des Arts et des Lettres en 2006, Chevalier de la Légion d'Honneur en 2012. Que vous inspirent-elles, ces distinctions ?

 

Jean-Paul Delvor : Un matin, Micheline, très remontée, me laisse un message sur mon répondeur :

« Bonjour mon p'tit coco, c'est Micheline... On vient de me laisser un message pour me dire que j'ai été "nommée" Chevalier de la Légion d'Honneur... mais c'est pas possible, il faut la demander ! et moi, j'ai rien demandé ! on me l'aurait proposé, je l'aurais refusé... oh, tu sais alors ! qu'est-ce que c'est que cette histoire ?! Si tu pouvais faire une enquête, ça m'arrangerait. Tu me tiens au courant, tu seras gentil... C'était aujourd'hui, ou hier soir, je ne sais pas, enfin, je suis nommée aujourd'hui... non mais quelle connerie... ! (rires) Je t'embrasse, mon garçon... »

 

Paroles d'Actu : Quel message souhaiteriez-vous adresser à nos lecteurs, notamment celles et ceux qui comptent parmi vos fidèles et seront heureux d'avoir de vos nouvelles, de lire vos mots ?

 

Micheline Dax : Je suis bienheureuse de savoir que l'on ne m'oublie pas, et je vous embrasse tous très fort...

 

Paroles d'Actu : Que peut-on vous souhaiter, chère Micheline ?

 

Micheline Dax :

 

Paroles d'Actu : Aimeriez-vous ajouter quelque chose avant de conclure cet entretien ?

 

Micheline Dax : Profitez de la vie, sans remords... et sans vergogne !

 

 

Quelques lignes...

 

Claire Nadeau

Claire_Nadeau

(Photo : agent)

 

(...) Bien que j'aie rencontré Micheline très tard, à l'occasion des Monologues du Vagin que nous avons joués ensemble plusieurs mois, elle a tout de suite pris une grande place , et je l'ai tout de suite aimée. Micheline et ses indignations légendaires ! Quand je la retrouvais en arrivant au théâtre, elle m'accueillait souvent par un : "Non mais, tu as vu ça, ce pauvre gosse, ce que les gens peuvent être salauds !" en référence à un quelconque fait divers (et il y en avait beaucoup). Pour la taquiner, je lui répondais : "Ah bon, tu connaissais le gamin ?", ce qui avait le don de la faire redoubler de fureur, contre les "salauds", contre moi qui ne compatissais pas autant qu'elle aurait voulu, et puis, très vite on se racontait des histoires joyeuses, et sa bonne humeur revenait, et elle descendait sur le plateau comme une jeune fille, pleine d'entrain et jubilant de jouer ces Monologues. Et, bien souvent, la soirée se poursuivait au restaurant, avec toujours une petite coupe de champagne : "Ça fait un bien fou, tu ne trouves pas ?".

 

Micheline qui n'aimait pas aller se coucher, qui aimait tant la vie tout en râlant contre les uns, les autres, les cons et les salauds, Micheline que je chérissais tendrement, et qui me manque... Merci à vous de perpétuer son souvenir.

 

Bien amicalement,

 

Claire Nadeau. (12/07/14)

 

 

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Et vous, quels souvenirs garderez-vous de Micheline Dax ?

 

 

Quelques liens...

 

 

13/07/14

Posté par Nicolas Roche à 09:34 - - Commentaires [1] - Permalien [#]
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