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Paroles d'Actu
17 mars 2020

Nicole Bacharan : « Si Trump est réélu, peut-être devra-t-on parler de la démocratie américaine au passé... »

Alors que la France se confine tant bien que mal et que le monde s’inquiète de plus en plus à propos du Covid-19, focus sur un autre sujet d’actualité : la présidentielle américaine. À quelques heures de la tenue de primaires démocrates dans des États majeurs, et tandis que l’ex-vice président Joe Biden semble avoir pris une avance considérable sur son concurrent Bernie Sanders, lui marqué plus à gauche, j’ai la joie de pouvoir vous présenter cette interview réalisée il y a quelques jours avec la politologue et historienne spécialiste des États-Unis Nicole Bacharan, auteure l’an dernier de Le monde selon Trump (Tallandier), et en 2016 de Du sexe en Amérique: Une autre histoire des États-Unis (Robert Laffont), ouvrage qui, avec l’affaire Griveaux, a inspiré ma première question. Merci à Nicole Bacharan pour sa fidélité et ses réponses éclairantes. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

PRÉSIDENTIELLE ÉTATS-UNIS, 2020

Nicole Bacharan Trump

Le monde selon Trump : Tweets, mensonges, provocations,

stratagèmespourquoi ça marche ? (Tallandier, 2019)

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU (MARS 2020)

Nicole Bacharan: « Si Trump est réélu, peut-être

devra-t-on parler de la démocratie américaine au passé... »

 

1. Est-on entré dans une ère où l’intime ne l’est plus vraiment, et faut-il s’inquiéter pour le fonctionnement de nos démocraties ?

La vie privée, et particulièrement la vie sexuelle, utilisée comme une arme politique, c’est aussi vieux que la démocratie américaine. Les «  Pères fondateurs  » Alexandre Hamilton et Thomas Jefferson en furent déjà les cibles, déchiquetés dans la presse par leurs adversaires politiques au nom de l’hypocrite principe «  qui ment à sa femme ou ment sur sa vie familiale, mentira aussi à ses électeurs, on ne peut pas lui faire confiance  ».

Depuis ce lointain passé, les humains n’ont pas changé, non plus que leur voyeurisme et leur goût du ragot, mais les outils de l’inquisition publique et de la mise au pilori se sont transformés, et avec les réseaux sociaux, sont devenus planétaires et instantanés. Qu’il s’agisse de la surveillance par l’État et la police au nom de la sécurité (suivant la redoutable affirmation «  il n’y a pas de problème pour ceux qui n’ont rien à se reprocher  »), qu’il s’agisse d’un dévoilement imprudent – même volontaire – de sa vie personnelle sur les réseaux sociaux (qui n’oublient jamais rien), qu’il s’agisse de la propension des mêmes réseaux sociaux à s’emparer de la vie privée de tel ou tel pour la disséquer, la juger, la condamner, oui, la transparence totale est à la fois illusoire et destructrice.

« En cas de changement de régime, tout ce qui,

d’intime, a été rendu public, pourrait bien

tomber aux mains de l’État... »

Sans possibilité de conserver bien à soi son «  petit tas de secrets  », sans espace pour vivre sa vie privée comme elle le devrait, c’est à dire de manière… privée, il n’y a plus de sphère intime, tout appartient au public, et en cas de changement de régime tout pourrait appartenir à l’État, et verser dans le totalitarisme.

Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, il est urgent de repenser la protection de la vie privée et des libertés individuelles à l’ère des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle.

 

2. Dans quelle mesure les succès de l’économie américaine sont-ils imputables à la politique de Donald Trump ?

Contrairement à ce qu’il a affirmé le jour de son investiture, le 20 janvier 2017, Donald Trump n’a pas hérité d’une économie livrée au «  carnage  », mais d’une situation de croissance assez bien assainie depuis la crise de 2008. Le chômage, à son niveau le plus haut en 2011, n’avait cessé depuis de se réduire. Cependant, il est évident que les baisses d’impôt massives décidées par Donald Trump ont réellement «  dopé  » l’économie. Même si elles ont touché principalement les entreprises et les plus hauts revenus, la classe moyenne en a bénéficié, au moins un peu. La réduction du chômage à son niveau plancher, la hausse modeste mais réelle des salaires sont aussi imputables en partie à ces choix fiscaux.

Néanmoins, l’économie favorisée par Donald Trump est une économie «  fossile  », tournée vers le passé, le charbon, le pétrole, le gaz, la dérégulation et la suppression des normes environnementales. Les États-Unis prennent ainsi du retard dans le développement des énergies renouvelables et sont complètement marginalisés dans la lutte contre le réchauffement climatique.

« La position dominante du dollar pourra-t-elle toujours

éviter aux États-Unis de subir les conséquences de leur

dette massive ? Rien n’est moins sûr... »

Enfin, les réductions fiscales, tout comme les investissements massifs dans l’armée et l’équipement militaire contribuent à creuser une dette publique abyssale. La position dominante du dollar pourra-t-elle toujours éviter aux États-Unis d’en subir les conséquences ? Rien n’est moins sûr.

 

3. Donald Trump a-t-il répondu aux attentes de son électorat, ces «  hommes blancs en colère  » que vous évoquiez il y a quatre ans ?

Oui, Donald Trump a tenu la plupart des promesses  que son électorat juge essentielles : nommer des juges ultra conservateurs opposés à l’avortement, à la Cour suprême et dans les tribunaux fédéraux  ; baisser les impôts  ; sortir de l’accord de Paris sur le climat et de l’accord sur le nucléaire iranien  ; construire un mur à la frontière avec le Mexique (le mur n’a pas beaucoup progressé, mais Trump a enfin obtenu de la Cour suprême le droit de détourner à cet effet une partie des fonds attribué au Pentagone)  ; revenir sur les règlementations environnementales datant de l’ère Obama. Trump ne manque jamais non plus d’affirmer son opposition au contrôle des armes à feu.

« La base électorale de Trump – env. 42% des électeurs -

est très soudée derrière lui et lui pardonne tout. »

Sa base électorale – environ 42% - est très soudée derrière lui et lui pardonne tout. Même si elle est composée pour l’essentiel de ces «  hommes blancs en colère  », d’âge mûr, peu éduqués, attachés à la libre circulation des armes et hostiles aux immigrés, on y trouve aussi des femmes, mais presque exclusivement blanches, des représentants des milieux d’affaires, des fermiers conservateurs, et des évangéliques qui ont tendance à voir en Donald Trump comme un nouveau messie.

 

4. Sur quels thèmes va se jouer la campagne ? Sera-ce un referendum pour ou contre Trump ?

Trump va rester fidèle à ce qui lui a réussi  : attiser la peur et la colère. Peur de l’étranger, peur de l’immigré, ressentiment contre «  les élites  », les alliés et les traités multilatéraux. Il a souvent prédit que s’il n’était pas réélu, le chaos suivrait  : une crise économique et financière sans précédent, une véritable invasion d’immigrés, des violences incontrôlables…

Si Joe Biden est bien le candidat démocrate, l’élection deviendra certainement un referendum pour ou contre Trump, elle se jouera entre les électeurs qui adhèrent à ses méthodes, et ceux qui voudraient revenir au calme et à la normale.

« La crise sanitaire du coronavirus ouvre

une période de grande incertitude... »

Comme dans toute élection, la situation et les perspectives économiques au moment de l’élection seront aussi déterminantes. À cet égard, la crise sanitaire du coronavirus ouvre une période de grande incertitude.

 

5. Votre regard sur la présidence Trump, confrontée au temps long de l’Histoire des États-Unis ?

Si Trump n’est pas réélu, sa présidence restera comme le moment où tous les noirs secrets de l’Amérique – violence, racisme, paranoïa – présents depuis l’arrivée des colons, seront revenus sur le devant de la scène et auront «  pris le pouvoir  », mais où la démocratie américaine aura tout de même prouvé sa capacité de résistance.

Mais si Trump est réélu, il en conclura que toutes ses outrances et ses abus de pouvoir ont été validés, et que désormais, «  tout est permis  ». Et peut-être devrons-nous parler de la démocratie américaine au passé, elle risquerait de n’en garder que les formes, comme une coquille vide.

 

Nicole Bacharan 2020

Nicole Bacharan est historienne et politologue.

 

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12 mars 2020

Yann Cucherat : « Dans dix ans, Lyon sera, plus que jamais, au centre de toutes les attentions… »

À trois jours du premier tour des élections municipales, - dont on ne sait même pas, Covid-19 oblige, si elles seront maintenues en temps et en heure - je vous propose, via ce nouvel article, une rencontre avec une personnalité déjà aperçue sur Paroles d’Actu il y a trois mois. Début décembre 2019, Yann Cucherat, adjoint au maire de Lyon (Sports, Grands événements et Tourisme), avait accepté d’évoquer pour nous ce grand rendez-vous qu’est devenu la Fête des Lumières. À ce moment-là, nul (et en tout cas pas votre serviteur) ne savait que, quelques jours après, il serait désigné par Gérard Collomb pour mener sous l’étiquette LREM la bataille pour la Ville de Lyon (le maire sortant et ex-ministre de l’Intérieur étant quant à lui candidat à la présidence de la métropole).

Fin janvier, j’ai ainsi contacté à nouveau M. Cucherat, pour l’inviter à "écrire" le Lyon qu’il connaît et aime, et à répondre à quelques questions de présentation dans la perspective de cette élection qui, comme celle de Paris, s’annonce extrêmement incertaine. Les jours du calendrier défilant, en même temps que s’accroissait la tension du moment électoral, j’étais persuadé que les réponses ne me parviendraient plus. Jusqu’à ce matin, à la vérification de mes mails. Focus donc, sur un homme, et sur une ville. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

partie 1: le texte de Yann Cucherat

« Lyon, regard personnel »

J’ai eu la chance de beaucoup voyager dans ma vie. Barcelone, Budapest, Montréal, Tokyo notamment, m’ont laissé des souvenirs impérissables. Je n’ai pour autant, jamais été las d’un éternel retour dans ‘ma’ ville.

À la fois mystérieuse et mystique, Lyon n’est éclairée comme aucune autre, depuis la colline qui prie, non loin de mon 5ème arrondissement de cœur, jusqu’à la colline qui crie, celle sur laquelle j’ai poussé mes premiers pleurs… Je suis né à la Croix-Rousse et j’en suis fier. J’ai ensuite fait mes gammes de gymnaste dans le 8ème arrondissement, qui restera à jamais spécial pour moi, mes journées défilant selon une routine implacable entre l’internat, les cours, et la salle d’entraînement de la Convention Gymnique de Lyon, avenue Viviani.

« Je souhaite désengorger Lyon de son trafic…

mais croyez-moi, j’adore les bouchons ! »

Je n’ai jamais vraiment eu de temps libre… J’ai toujours trouvé ma liberté dans un emploi du temps surchargé. Mes proches ont toujours eu à composer avec. Mes rares moments de relâche, je les ai cependant toujours vécus avec gourmandise. Car après l’effort, en bon Lyonnais qui se respecte, il y a le réconfort. Je souhaite désengorger Lyon de son trafic… mais croyez-moi, j’adore les bouchons ! Pas l’idéal quand on a cherché toute sa vie à être champion ; mais délectation n’est pas forcément synonyme de déraison. Il faut aussi parfois se laisser déborder avant de s’envoler à nouveau. Et je viens d’une famille où l’on aime les immenses tablées…

Avec mes amis, ceux d’à peu près toujours, je me suis régalé dans les travées de Gerland, d’abord pour supporter l’OL, ensuite, pour encourager le LOU. La patinoire Charlemagne est l’endroit où je vais soutenir ma fille, qui brille sur ses patins. La Halle Tony Garnier, celui où je vais vibrer pour un bon concert, tout comme l’été, lors des ‘Nuits de Fourvière’. L’hiver, il m’arrive parfois d’hiberner au creux du feu sacré d’une pièce des Célestins. J’aime les Subs, j’ai mes entrées quartier de l’industrie, et je raffole de la Confluence. J’ai descendu la Saône en kayak, flâné dans les allées de tous les parcs… Saint-Jean, Bellecour, Terreaux… Boulevard des Belges, Òtats-Unis, Gros Caillou, Part-Dieu, Place Carnot… Ainay, Avenue de Saxe, St Just, Valmy, L’île Barbe... Où n’ai-je traîné mes guêtres dans cette ville, où, parfois, le temps manque pour aller boire un verre sur les péniches des quais du Rhône, en bord de Saône, Place Sathonay, ou encore, dans les pentes...

« Dans cet océan d’existence, Lyon a toujours été

mon phare. Ma maison. Et je compte bien, encore

et toujours, en défendre et en renforcer les fondations… »

Ma femme étant d’ailleurs, je me suis fait un véritable point d’honneur à lui dévoiler les trésors et les délices de ma cité, qui m’a toujours manqué à l’approche du 8 décembre, lorsque j’étais en compétition à l’autre bout du globe...

Et puis il y eu cette seconde vie… Celle d’élu, qui m’a permis de rendre à cette ville un peu de ce qu’elle m’a apporté, de ce qu’elle me donne, encore et toujours, depuis désormais quarante ans. En gymnastique, ma source de motivation était intarissable. En politique, j’apprends chaque seconde comme un assoiffé. Dans cet océan d’existence, Lyon a toujours été mon phare. Ma maison. Et je compte bien, encore et toujours, en défendre et en renforcer les fondations…

Yann Cucherat, le 12 mars 2020.

 

Yann Cucherat 2020

 

partie 2: l’interview avec Y. Cucherat

« Dans dix ans, je le garantis, Lyon sera, plus

que jamais, au centre de toutes les attentions… »

1/ Vous êtes, Yann Cucherat, candidat à la mairie de Lyon. Quelles qualités humaines, et quel niveau d’engagement personnel une telle charge suppose-t-elle à votre avis, et pourquoi croyez-vous être qualifié pour présider le conseil municipal de la troisième ville de France ?

‘Il est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser’ d’après Montesquieu. Ce ne sera pas mon cas. J’aime trop les gens pour me laisser enfermer dans l’isolement d’une telle fonction. Cependant, je connais assez les cimes, y compris la tête en bas, pour savoir comment retomber sur mes pattes. La base réside dans nos appuis. Il faut rester en contact avec son socle. Le mien a toujours été l’éducation, le travail, la présence sur le terrain. Je suis un homme d’action, et l’écoute a toujours été mon carburant. Je connais très bien ‘ma’ ville. Et je sais endosser la tenue du capitaine. Ni les défaites, ni les victoires, ne m’ont jamais fait chavirer. Lorsqu’on est candidat comme moi à la fonction à laquelle j’estime pouvoir prétendre, on est obligé de toiser l’horizon, car il convient de savoir anticiper, tout en étant bien conscient du temps présent. Tout en faisant preuve d’un immense réalisme. Les défis d’aujourd’hui sont énormes : environnementaux, sanitaires, économiques, éducatifs, sociaux… Comment, à l’ère du numérique et du tout relié, se permettre de passer à côté d’un seul de ces enjeux ? Voilà pourquoi il est nécessaire de savoir bien s’entourer, tout en conservant de la hauteur, un recul honorable, qui permet de garder la tête froide. Je suis jeune, j’ai de l’énergie à revendre, beaucoup d’envie, et le sang-froid est réellement l’une de mes qualités. J’ai existé dans ce métier avant d’appartenir à un appareil politique, et j’ai eu le meilleur des mentors possibles sur la place lyonnaise : Gérard Collomb.

2/ Votre parcours est connu. Mais d’où vous viennent vos engagements, et quelles sont vos inspirations ? Si vous deviez établir un panthéon, votre panthéon des personnes ou personnalités, passées ou contemporaines, qui vous inspirent et vous portent, quel serait-il ?

Les grands champions évidemment m’ont toujours inspiré. Leur ‘fighting spirit’, leur incroyable propension à lutter, à ne rien lâcher, leur refus de l’échec, leur courage face à l’adversité… Mais quelle que soit la portée d’une victoire, le sport reste un jeu. Certains êtres ont eu a s’exprimer sur un terrain beaucoup plus grand encore, et ceux-là font vraiment mon admiration : Gandhi, Mandela, l’Abbé Pierre, Simone Veil, Neil Armstrong… Tous ces êtres qui se sont battus pour que le monde avance, et je n’ai cité que des héros du XXème siècle. Mais il y en a eu tant !

Notre pays est grand. Pour un amoureux d’une ville qui sait si bien fêter les ‘Lumières’, je ne peux que défendre mon pays, celui des droits de l’Homme, même à travers une histoire faite de clair-obscur, comme chez Le Caravage (car les grands artistes, ceux qui ont transformé l’humanité, forcent également mon admiration). Après, ce qui est formidable avec le XXIème siècle, c’est que les héros du quotidien, les vrais, pour peu qu’on s’informe correctement, qu’on s’éduque, sont connus… La Syrie ou le Chili pour ne citer que ces pays, regorgent de femmes et d’hommes qui forcent mon admiration, véritablement.

Mais si vous voulez vraiment savoir quelles figures me portent le plus, je vous répondrais que ma vraie source d’inspiration, au quotidien, ce sont ces femmes et ces hommes qui se sont sacrifiés sous Vichy puis l’occupation allemande, depuis nos rues, pour que la marche de notre nation, et du monde, demeure respectable. En bon lyonnais j’admire Jean Moulin, dont l’un des Q.G est situé à deux pas de mon actuel bureau de l’Hôtel de Ville (le restaurant ‘Le Garet’) ou encore Lucie Aubrac… Mais je n’oublie pas Jean Zay, Pierre Brossolette, et mon favori, le poète connu sous le nom du ‘Capitaine Alexandre’ : l’immense René Char.

3/ Lyon est une ville dynamique, et jeune. Vous êtes un candidat jeune, qui connaît bien les usages, et sans doute les aspirations des nouvelles générations de citoyens. Comment les regardez-vous, et pensez-vous avoir un message particulier à leur porter, à ces jeunes des générations "Y" et "Z", qui au passage ne comptent pas forcément parmi les votants les plus empressés ?

Avant toute chose, je tiens à rappeler à chacune et chacun, quel que soit leur âge, que le droit de vote est un droit fondamental, qui se rapproche d’une forme de devoir lorsqu’on prend en compte le sacrifice de certains de ces ‘héros’ que j’évoquais plus tôt, pour que nous en bénéficions. Ne pas aller voter, même lorsqu’on est pas en phase, proche d’aucun des candidats qui nous sont soumis, équivaut à rentrer dans le rang du troupeau, tout en se mettant un bâillon sur le museau.

Mais j’ai confiance en la jeunesse actuelle, je la sens très concernée, l’actualité sociale de notre pays en témoigne depuis plusieurs mois. Je lui propose donc de me faire confiance, et d’être assurée que je saurai entretenir le dialogue. La jeunesse demande des garanties, car elle porte beaucoup de poids sur ses épaules… Je le comprends, et je saurai rester à son écoute.

4/ Comment entrevoyez-vous Lyon à l’horizon 2030 ?

D’abord, le moins pollué possible… C’est d’ailleurs l’une des premières demandes de notre jeunesse je crois. Sinon, comment se projeter ? Sans le chant des oiseaux, avec un masque filtrant sur le nez, en mauvaise santé, dans une ville engorgée de fond en comble ? J’imagine de nouvelles énergies, de nouveaux modes de consommation, de nouvelles tendances, y compris de spectaculaires retours aux sources. J’aurai alors 50 ans, je me sens prêt à accompagner tous ces changements, prometteurs car j’ai confiance en NOUS. Et dans dix ans, je le garantis, Lyon sera, plus que jamais, au centre de toutes les attentions…

5/ Un dernier mot ?

‘Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront.’ (René Char, Les matinaux)

Réponses recueillies le 12 mars 2020.

 

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2 mars 2020

Lauric Henneton : « Trump, l'hyper-présidence, jusqu'à la caricature... »

Demain 3 mars se tiendra le Super Tuesday, journée décisive au cours de laquelle un grand nombre des délégués pour les primaires démocrates (dont ceux de Californie, du Texas, de Caroline du Nord, de Virginie et du Massachusetts) sera attribué. Plusieurs données à retenir du côté du « parti de l’âne », à ce stade : le statut de favori d’un Bernie Sanders, très marqué à gauche et en grande forme actuellement ; le maintien dans la compétition de l’ex vice-président Joe Biden, renforcé par le retrait du jeune espoir Pete Buttigieg qui était sur un même positionnement, plutôt centriste ; in fine la grande incertitude quant à l’issue de ces primaires.

Pour y voir plus clair, notamment sur la campagne et le bilan de Donald Trump, j’ai souhaité interroger Lauric Henneton, maître de conférences à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, spécialiste de l’histoire et de la politique des États-Unis, et auteur récent d’un Atlas historique des États-Unis (Autrement, 2019). Je le remercie d’avoir accepté de se prêter à l’exercice, avec clarté et précision. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

PRÉSIDENTIELLE ÉTATS-UNIS, 2020

Donald Trump 2020

Donald Trump en 2019. Source : REUTERS.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU (2 MARS 2020)

Lauric Henneton: « Trump,

c’est l’hyper-présidence, poussée

jusqu'à la caricature... »

 

1. Le bilan de Donald Trump, qui sera candidat à sa réélection en novembre, peut-il être qualifié de "bon", du point de vue notamment des électeurs plutôt humbles et conservateurs qui constituent sa base ?

La question du bilan est à la fois décisive et particulièrement épineuse. Décisive car elle correspond à la fameuse question de Ronald Reagan: "Votre situation est-elle meilleure qu’il y a quatre ans ?" et que c’est souvent un élément décisif du choix, quand il n’est pas déjà fait sur des bases plus idéologiques. Épineuse car il est difficile de déterminer ce qui, dans la santé économique d’un État, dépend directement de l’action de l’administration en place.

Ici, deux exemples: la bonne santé de la bourse et la baisse continue du chômage. Les deux tendances avaient débuté sous Obama, c’est factuel et vérifiable. Mais tout est dans le "narrative", le récit. Les partisans de Trump sont de toute façon enclins à le croire, quoi qu’il dise. Reste la décision des indécis et là c’est très volatile. L’emploi cache en réalité un nombre important d’Américains qui sont sortis des statistiques ("not in the labor force"). Si on doit cumuler deux emplois sous-payés très loin de chez soi pour vivoter, on est dans les statistiques flatteuses.

On note un rebond des salaires, en revanche, mais là encore, difficile de mettre cette tendance directement au crédit de l’administration Trump, et pas par anti-trumpisme primaire: c’est difficile de mettre cela au crédit d’une administration fédérale en général. Notamment parce que l’attractivité économique est aussi une affaire qui se décide au niveau des États, mais aussi à un niveau encore plus local.

« Le coronavirus pourrait être

le "Katrina" de Donald Trump... »

La grande question actuellement est celle de l’impact du coronavirus sur l’économie (et la bourse). L’administration Trump est notoirement sous-pourvue, ce qui ne facilite pas la gestion. Le coronavirus pourrait être pour Trump ce que l’ouragan Katrina, qui avait dévasté La Nouvelle-Orléans en 2005 dans l’indifférence assez générale, avait été pour l’administration Bush. Évidemment, Trump rejettera la faute sur les médias, qui montent tout en épingle pour faire le buzz et sur les Démocrates.

 

2. Y a-t-il la moindre chance que la campagne générale se joue sur les idées plutôt que sur les personnes (pour ou contre Donald Trump) ? Et de ces deux hypothèses, laquelle serait, a priori, moins défavorable aux Démocrates ?

Une présidentielle, et dans une certaine mesure une sénatoriale, se jouent sur la personnalité, c’est inévitable quand ce sont des humains qui votent et pas des machines. Nous sommes tous, que nous le voulions ou non, plus ou moins réceptifs à des considérations de type émotionnel (charisme, par exemple). Nous rationalisons après-coup.

Dans le cas d’un duel Trump-Biden on sera clairement dans un référendum sur Trump plus que dans des considérations programmatiques strictes, même si celles-ci sont évidemment en filigrane: voter pour l’un ou pour l’autre, c’est forcément voter pour des programmes très différents et au-delà, pour des orientations pour le pays.

« Un duel Trump-Sanders serait un double

référendum : sur Trump et sur le socialisme,

associé au candidat démocrate. »

Dans un duel Trump-Sanders, en revanche, les idées seront plus présentes: au référendum sur Trump s’ajoutera un référendum sur le "socialisme", une notion assez mal définie aux Etats-Unis. Les plus âgés, qui ont vécu la guerre froide, sont nettement plus réticents que les jeunes, pour qui l’URSS relève des livres d’histoire. La séquence entre l’investiture de Sanders et l’élection de novembre serait alors l’occasion d’un grand exercice de pédagogie et de clarification sur la portée réelle du projet de Sanders, un exercice visant à rassurer les plus sceptiques. De l’autre côté, Trump dépenserait des millions de dollars à diaboliser le projet de Sanders en partant du principe que si l’on calomnie, il en restera toujours quelque chose.

 

3. L’historien que vous êtes lit-il dans la présidence, dans le "moment" Trump, quelque chose de fondamentalement nouveau, comme une rupture par rapport au reste de l’histoire des États-Unis, ou bien les ruptures de Trump ne se jouent-elles finalement que sur la forme ?

Trump a fait sa fortune politique sur une double rupture, qui commence au sein du Parti républicain. Il ne faut jamais l’oublier: l’essentiel de la campagne de 2015-2016 se situe au moment des primaires, de juin 2015 à l’été 2016. La dernière ligne droite (septembre-octobre) est finalement très brève. On l’oublie car elle est d’une rare intensité. La principale rupture se situe donc au sein du Parti républicain, que ce soit au niveau de l’interventionnisme militaire ou du retour au protectionnisme. Même chose sur l’immigration: s’il y a bien une constante dans l’opposition à l’immigration illégale, les Républicains n’étaient pas du tout hostiles à une immigration légale dans la mesure où elle fournissait une main d’oeuvre peu qualifiée bon marché indispensable à la bonne santé de l’économie, notamment dans les régions agricoles du Sud-Ouest (principalement en Californie).

Les lignes Trump sont donc en rupture assez nette avec les positions classiques du Parti républicain, mais on trouve aussi des continuités, qui n’apparaissaient pas toutes pendant la campagne 2015-2016. La politique fiscale, favorable aux plus riches, les coupes budgétaires, la déréglementation systématique des mesures de protection environnementale mises en place par l’administration Obama, la nomination de juges conservateurs à la Cour suprême: tout cela est très en phase avec la droite du Parti républicain. En cela, Trump nourrit une polarisation qui existait bien avant son entrée en politique. Trump est donc ici un catalyseur mais pas du tout l’origine du mal.

On pourrait faire un parallèle avec Sanders du côté démocrate: il entre en campagne en 2015 dans une galaxie démocrate déjà tiraillée, notamment par le mouvement "Occupy Wall Street" d’un côté et "Black Lives Matter" de l’autre - qui lui est d’abord très hostile. Sanders est aussi un catalyseur, sur lequel se greffent des personnalités montantes comme Alexandria Ocasio-Cortez (jeune élue à la Chambre des représentants proche de ses idées, ndlr).

Trump est aussi une forme d’évolution maximaliste sinon caricaturale de l’hyper-présidence déjà diagnostiquée par Hubert Védrine sous Bill Clinton dans les années 1990, de la "présidence impériale" qui remonte à la présidence Roosevelt dans les années 1930. Évidemment, sa personnalité abrasive, son utilisation très provocatrice et clivante (à dessein) des réseaux sociaux, sa stratégie visant à flatter sa base électorale la plus radicale, tout cela concorde à accentuer très profondément des tendances déjà présentes.

« La présidence Trump est un exercice

grandeur nature de résilience

démocratique. »

C’est encore accentué par des tendances volontiers autoritaires, neutralisées parfois par son administration (certains ministres, démissionnaires depuis), par les institutions (la séparation des pouvoirs, plus ou moins efficace) et le mille-feuilles fédéral. En cela la présidence Trump est un exercice grandeur nature de résilience démocratique, ce que les économistes appellent un test de résistance, un "stress test". Et ce sera encore davantage le cas si Trump était réélu en novembre, ce qui n’est ni exclu ni acquis.

 

Lauric Henneton 2020

Lauric Henneton est maître de conférences à

l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

 

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