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Paroles d'Actu
13 juin 2023

Jean-Claude Dequéant : « Je dirais à Mylène que je l'aime, qu'il n'y a aucune rancoeur... »

Il y a deux mois était publiée aux éditions de L’Archipel Mylène Farmer, ange ou démon ?, une bio fouillée sur celle qui est probablement la plus grande star musicale française (mon interview avec son auteur Alain Wodrascka est à retrouver ici). Un angle intéressant (son rapport au religieux, au mystique), pas mal d’infos, des entretiens riches avec des gens qui ont travaillé avec la chanteuse (qui est aussi, le dit-on assez, une sacrée auteure ou -trice pour ne fâcher personne). Parmi eux, Jean-Claude Dequéant, arrangeur prolifique qui a composé un des titres les plus emblématiques de Mylène Farmer, Libertine.

 

 

En marge de la parution du livre, certains articles ont repris, en les assaisonnant un peu à la sauce polémique, des passages concernant notamment M. Dequéant : celui-ci aurait fait montre d’amertume envers Mylène Farmer parce qu’elle aurait, presque volontairement, pour lui nuire pourquoi pas, retiré Libertine de ses tours de chant. Version formellement contestée par mon invité du jour, donc, que j’ai souhaité inviter pour évoquer tous ces points et aussi, pour lui tirer le portrait. Rencontre avec un personnage sympathique, et un musicien de talent (à propos de musicien, relisez aussi mon interview récente avec Pierre Porte). Il faut noter que cet entretien s’est fait juste après la première date du Nevermore Tour de Farmer, et que dans son setlist il y a Libertine. Alors entre eux deux, je l’espère et c’est tout le mal que je leur souhaite, j’espère bien qu’il se passera encore quelque chose, que ça ne sera pas du never more. Exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Jean-Claude Dequéant :

« Je dirais à Mylène que je l’aime,

qu'il n’y a aucune rancoeur... »

JC Dequéant MF

 

D’où venez-vous, Jean-Claude Dequéant ?

Je suis né à Paris dans le 15ème arrondissement, de père né également à Paris - mais qui passa son enfance en Sologne - et de mère franc-comtoise. Mes parents étaient des artisans-commerçants.

 

Quels ont été vos premiers vrais rapports avec la musique, vos premiers coups de cœur musicaux ?

Ils ont commencé tôt. Mes parents n’avaient pas le temps de s’occuper de moi à l’âge de 5, 6 ans, et ils m’ont placé dans une petite pension familiale où une professeure de piano et solfège venait donner ses cours une fois par semaine. En voyant les autres enfants, j’ai voulu moi aussi apprendre le piano et la musique grâce au solfège. C’était ma première approche. Plus tard j’ai appris la guitare, et les premiers coups de cœur je les ai eus vers 15, 16 ans : Bécaud, Brel, Béart... et bouleversement avec Elvis Presley, un raz de marée !

 

Vous jouiez un peu leurs morceaux ? Les premières compo aussi ?

J’ai joué un peu de Brassens mais j’ai commencé à composer assez tôt et très vite j’ai plutôt "fait" qu’écouter.

 

Seul ? Avec un groupe ?

Non, seul ! Je n’ai jamais fait partie d’un groupe.

 

Et à partir de quand vous êtes-vous dit que vous feriez de la musique, votre métier ?

Dès 16 ans. Je ne voyais pas d’autre possibilité. C’était une véritable obsession...

 

Vous vouliez être à leur place, faire comme eux ?

Pas du tout, être "avec eux".

 

  

Il nous faut évoquer ici Yves Simon, qu’on a sans doute à tort un peu oublié. Mais c’est quelque avec qui vous avez souvent collaboré. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Il y a eu quoi, une sorte de coup de cœur musical ?

Il s’était passé dix années comme chanteur et je ne me sentais pas à l’aise, je n’assumais pas ce rôle de chanteur. J’ai eu la chance que mon producteur me permette d’écrire mes arrangements. C’est pourquoi j’employais dans mes séances une choriste qui était en même temps la girlfriend d’Yves Simon, et donc elle me l’a fait rencontrer. Nous avons commencé à tourner ensemble. Il a commencé à enregistrer un album chez RCA avec l’arrangeur de ses précédents enregistrements mais là ça ne marchait pas. Il m’a demandé d’essayer et nous avons enregistré "Au pays des merveilles de Juliet", et ensuite neuf autres albums ont suivi.

 

 

Vous trouvez injuste qu’on parle aussi peu de lui ? Il y a des titres que vous voudriez tout particulièrement nous faire écouter ?

En effet, c’est injuste. Je pense que pour la chanson française des années 70, c’était "le plus important" Il a profondément imprégné les artistes de l’époque. Qui plus est c’est un écrivain remarquable qui a obtenu le prix Médicis ! On peut évidemment écouter Au pays des merveilles de Juliet, J’ai rêvé New York, Amazoniaque, etc… On peut aussi écouter Les brumes de la Seine, pour la particularité de mon arrangement.

 

 

C’est noté. Et en tant qu’arrangeur, vous avez pas mal travaillé avec Renaud aussi. Quels souvenirs gardez-vous de cette collaboration ?

Renaud, ça a été au moment de son premier album Polydor "Ma Gonzesse" (1979). Il est venu chez moi un soir pour me présenter les chansons qu’il allait enregistrer. Il était sympa et aimable. Les artistes sont toujours sympa, avant, c’est après que ça se gâte ! Les séances se sont passées dans la bonne humeur. On enregistrait au studio des Dames, qui n’existe plus, avec un équipe de musiciens formidables : Slim Pezin à la guitare (vous remarquerez que c’est également Slim que j’avais repris pour les séances de Libertine, Pierre-Alain Dahan (RIP) à la batterie, Jannick Top à la basse, Marcel Azzola (RIP) à l’accordéon et moi-même au clavier Rhodes. Renaud était très content de mon travail. Cependant, pour deux ou trois titres, il a fait refaire les arrangements car mon travail lui semblait trop intellectuel 2ème degré, et lui voulait du franchement populaire. Néanmoins dans cet album, il y a deux joyaux que je revendique : Chanson pour Pierrot et J’ai la vie qui m’pique les yeux.

 

 

Vous avez eu d’autres contacts avec lui ensuite ? Vous suivez toujours son parcours ?

Non, plus de contacts ! Il y a des artistes qui sont fidèles à un arrangeur tout au long de la vie, ce n’est pas le cas de ceux que j’ai connus. D’un autre côté, je comprends qu’un artiste ait envie d’essayer autre chose. Oui, j’ai suivi sa carrière comme j’ai suivi celle de Mylène, mais quel dommage (artistiquement) de ne pas poursuivre un travail commencé avec succès. L’album "Ma Gonzesse" a formidablement marché.

 

Justement, comment votre chemin a-t-il croisé celui du duo Mylène Farmer - Laurent Boutonnat ?

J’ai déjà raconté cet épisode pas mal de fois mais je vais essayer d’être original ! Après la crise de la musique en 1979, les arrangeurs ont été "virés" en masse par les artistes qui ont voulu faire leurs disques eux-mêmes en s’entourant de musiciens instrumentistes. J’ai fait partie de la charrette. Chacun s’en est sorti d’une façon ou d’une autre, mais je connais au moins un suicide indirect. Pour ma part, j’ai ouvert un petit studio que j’ai appelé "Le Matin calme", en référence à mes deux filles d’origine coréenne. J’ai enregistré beaucoup de maquettes pour commencer.

Un jour, un jeune éditeur qui appréciait mon travail m’a rencontré avec deux jeunes inconnus qui avaient une chanson à enregistrer pour trouver une interprète. Il s’agissait de Jérôme Dahan et Laurent Boutonnat. La chanson s’appelait Maman a tort ! Ils étaient sympathiques et enthousiastes et la chanson était drôlement intéressante. Elle n’avait rien à voir avec la production habituelle. À l’époque, je commençais à enregistrer avec l’aide informatique du système Midi et d’un synthétiseur ARP Odyssée dont j’étais un des premiers à me servir en France, ainsi qu’avec un Oberheim et une boîte à rythme. On a mis en boîte Maman à tort et la première chanteuse sous la main était la petite soeur de l’éditeur, qui devait avoir 16 ou 17 ans. Elle chantait très bien mais la solution n’a pas été retenue, je ne sais pas très bien pourquoi ! Ensuite, et contrairement à ce qui a été raconté par moult "biographes", il n’y a pas eu de casting avec une dizaine de candidates se pressant à la porte du studio ! Les légendes ont la vie dure. Jérôme avait rencontré une apprentie comédienne, Mylène Gauthier, dans un cours de théâtre, et un jour j’ai vu arriver au studio, Jérôme, Laurent et Mylène. Celle-ci s’est mise derrière le micro (un mythique U87 Neumann) et ça marché immédiatement. Voix juste, ton chaleureux, un bijou direct. Nous avions notre voix et notre équipe. Nous avons travaillé ensemble pendant deux ans.

 

 

Forcément on a tendance à relire le passé avec nos yeux d’aujourd’hui, mais dès Maman a tort, vous avez eu le sentiment de construire quelque chose de particulier ? Le potentiel Mylène Farmer, vous l’avez senti tôt ? Et, ça a été écrit, vous-même l’avez rappelé en interview : Mylène Gautier voulait d’abord être comédienne, et Laurent Boutonnat cinéaste. Le phénomène Mylène Farmer, ça a presque été un accident, miraculeux mais accident quand même ?

Mon sentiment était qu’on était heureux ensemble quand on travaillait à nos projets. On était dans le présent et notre but était de faire fonctionner Maman à tort. Le futur ? Nous n’en étions pas encore là, tant les choses de ce métier sont hypothétiques et fluctuantes. On a fait un beau produit, nous étions contents. Restait à le faire vivre ! Le potentiel n’a été dévoilé qu’à partir de Libertine. C’est pourquoi sans Libertine, le futur n’était pas acquis ! Je ne parlerais pas d’accident car, dès les premières notes sur mon piano, j’ai su que je tenais quelque chose de grand. Mais l’expérience m’a appris que ce que l’on sent ne se réalise que très peu souvent.

 

Vous avez composé la musique de Libertine, mais pas pour elle au départ : une chanson bien différente était déjà écrite par un auteur. Est-ce que vous vous êtes dit, quand le texte de Laurent Boutonnat a été posé dessus, que votre mélodie prenait toute sa force, et qu’elle se mariait bien à ce qui allait être la marque de fabrique de Mylène Farmer, Éros et Thanatos dans le même lit ?

La première version, c’est un auteur, Georges Sibold avec qui je travaillais pour un album, qui était enthousiaste sur cette musique et a écrit un texte extrêmement coquin, léger, divertissant et intelligent (L’amour tutti frutti, ndlr). Le thème musical était instrumental (l’actuel refrain de Libertine) et revenait après chaque couplet. Les couplets n’étaient pas chantés mais rapés ! Ce que l’on appelait en ce temps-là du "parlé/chanté". En fait, c’était une chanson pour une comédienne. Déjà ! Et puis il y avait un pont qui a été gardé pour Libertine. Laurent m’a demandé d’enlever le parlé/chanté, qui était pourtant sacrément original et de créer un nouveau couplet, ce que j’ai fait. Vous voyez, c’était déjà Éros mais pas du tout Thanatos. Laurent et Mylène connaissaient et adoraient cette chanson, c’est pourquoi après les refus des labels, j’ai été très satisfait de leur demande de l’enregistrer et d’en faire la tête d’affiche de ce premier album. Evidemment, Laurent a voulu y mettre son propre texte - Mylène n’écrivait pas encore - et en repenser la forme et le rythme. Mais je ne rougirais pas de ressortir L’amour tutti frutti aujourd’hui. Hélas, avec Georges Sibold nous avons retravaillé une nouvelle version avec une jeune artiste, et nous n’avons pas pu la sortir car autorisation refusée de la part de Laurent.

 

Vous n’avez pas en tant que compositeur le droit de découpler si je puis dire la musique du texte pour redonner sa chance à L’amour tutti frutti ? Même en modifiant un peu le morceau ? Il faut forcément l’accord de l’auteur de la chanson déposée à la SACEM ?

Oui, une oeuvre est indissociable et L’amour tutti frutti n’était pas déclaré. Je ne déclarais pas mes musiques avant qu’elles ne soient commercialisées. Ce que je fais maintenant. Si je l’avais déclarée, Georges aurait, lui, donné son autorisation à Laurent. Hélas, les égos ne sont pas les mêmes !

 

 

Dommage en effet. J’en viens à une polémique récente. Il a été écrit, en interprétation plus ou moins fidèle de vos propos, que vous aviez une forme de rancœur envers Mylène Farmer parce qu’elle n’incluait plus vraiment Libertine, pourtant un de ses titré les plus emblématiques, à ses tours de chant - point que vous avez publiquement contesté je le précise. Entre-temps on a su que Libertine était dans le setlist du Nevermore Tour. Voulez-vous clarifier tout cela ? Et peut-on dire en tout cas qu’il était difficile d’exister autour d’un duo-couple aussi fusionnel que Farmer-Boutonnat, pour vous, pour Jérôme Dahan et d’autres sans doute, avec un Laurent Boutonnat qui prétendait à une forme d’exclusivité ?

Je n’ai jamais dit que j’avais de la rancoeur. Je suis heureusement dépourvu de ce sentiment assez rance qui ne me ressemble pas. Tout en ayant une grande admiration pour le talent de Mylène et Laurent, j’ai regretté effectivement cette volonté d’effacement de mon apport. Je me sentais bien avec eux, on a vraiment passé de bons moments. Quand à Jérôme, ce n’est pas le lien Laurent/Mylène qui l’a éloigné, mais l’appréciation différente sur le répertoire de Mylène. D’ailleurs, j’ai encore travaillé avec Jérôme par la suite. C’était (RIP) un talent tourmenté mais audacieux. Mylène n’arrivait pas à chanter les dernières compositions de Jérôme. Laurent à tout fait pour m’effacer du paysage. Maintenant qu’elle chante Libertine dans son spectacle Nevermore, je suis plutôt rassuré sur ses intentions à mon égard. Mon plus grand regret est bien de ne pas avoir pu donner une suite à Libertine. Bien sûr, il y a l’argent, qui pourrait dire le contraire, mais surtout l’artistique. Je me sentais légitime et je pense que j’aurais pu lui apporter une touche d’optimisme grâce à mes compositions, en majeur pour l’essentiel. Peut-être ses fans n’auraient pas aimé ! Qui sait ?

 

C’était compliqué d’échanger avec l’une sans passer par l’autre ? Est-ce que vous avez senti, en suivant sa carrière, qu’elle-même a ressenti le besoin de se "détacher" un peu de lui ?

Je n’ai jamais eu la sensation de ne pas pouvoir communiquer avec l’une sans l’autre. Il y avait une complicité certes, mais l’une et l’autre étaient des êtres indépendants. Après, je n’étais plus dans le cercle mais je pense que Mylène, à un certain moment, a voulu travailler avec des gens à la mode et plus jeunes. À part Woodkid que j’aime particulièrement, je ne crois pas que d’autres aient pu apporter à Mylène un supplément de talent et de changement. Que restera-t-il des chansons de Mylène ? Désenchantée (la plus grande), et Libertine (la naissance !) Les dernières ? On verra !

 

 

Mais justement, par rapport à ce que vous disiez juste avant, le fait que peut-être si vous aviez continué un bout de chemin avec elle, ça aurait pu lui apporter une "touche d’optimisme" : vous trouvez, sensibilité personnelle en tout cas, qu’elle est trop restée dans quelque chose de sombre ? Et à votre avis c’est un choix artistique, encore une fois Éros et Thanatos, l’imagerie gothique, etc, ou bien a-t-elle réellement, personnellement, du mal à mettre un petit plus d’optimisme dans sa couleur musicale ?

Elle est très sombre, et c’est Laurent qui le lui a transmis. Un petit côté plus optimiste ne l’aurait pas gênée, à petite dose. C’est très bien la sombritude (!) à condition d’y mettre une distance. Les grandes dames de la chanson avaient des palettes plus larges. Éros oui, mais on a tout le temps pour Thanatos !

 

Libertine, ça restera votre plus grande fierté artistique, le titre que vos filles fredonnaient et qui j’imagine vous rapporte le plus d’argent ? Son succès a changé votre vie, donné à votre carrière une autre trajectoire ? L’après-Farmer/Boutonnat, vous le décrivez comme un peu abrupt : a-t-il été difficile à vivre ?

Ce titre a juste changé ma vie au sens où je l’attendais depuis longtemps. Une étape qu’on ne croyait plus atteindre et qui, oh surprise, se concrétise. Pour l’argent, ce n’est pas non plus le délire ! Mais ça dure jusqu’à aujourd’hui et effectivement c’est le principal de mes droits d’auteur. Après Libertine, ça a été plus facile pour obtenir des entrées chez des décideurs, mais je n’étais pas préparé à ce métier de relations. J’ai obtenu un disque d’or avec la chanteuse Disney, Anne, et un très bel album avec une grande chanteuse japonaise, Tokiko, divers travaux encore et je me suis effiloché. Un grand passage à vide, et j’ai fait une pause musicale de quinze ans ou je n’ai plus touché un piano ni émis une note de musique. Et au bout, le réveil et l’envie. Depuis je n’arrête plus.

 

Avez-vous prévu d’aller applaudir Mylène Farmer, d’écouter des milliers de fans chanter Libertine lors de ce Nevermore Tour, peut-être son dernier ?

Non, je n’irai pas. Je ne peux plus supporter d’être à l’intérieur de ces foules denses. L’essentiel est que ce titre vive toujours et que mes filles puissent dire que leur père n’était pas trop "has been".

 

Cette année marquera aussi les quarante ans du premier titre de Mylène Farmer, auquel donc vous avez participé : Maman a tort. quarante ans de carrière pour celle, devenue mythique, que vous avez parmi les tout premiers à découvrir. Tros adjectifs pour qualifier cette Mylène Gautier/Farmer telle que vous croyez l’avoir comprise ?

Ambitieuse, dissimulatrice, courageuse.

 

À défaut d’un tête-à-tête, les yeux dans les yeux avec elle, dont je vous souhaite quand même qu’il se produise bientôt, s’il y avait un message, une question à lui poser à l’occasion de cette interview ?

Je lui dirais que malgré l’âge, je n’ai pas perdu une once de créativité. Je suis au top pour la technique et je ne suis plus seulement instinctif mais j’ai ajouté de l’analyse et de la richesse pour les mélodies et harmonies qui comptent particulièrement pour moi. Et surtout, que c’est une artiste que j’aime et qu’il n’y a jamais eu de rancœur, je le répète, envers la séparation brutale de notre équipe.

 

Même question, pour Laurent Boutonnat ?

Je ne lui reproche rien. Je le laisse dans son égotitude (ces néologismes nés de Ségolène Royal me ravissent) ! Il a toujours refusé les demandes de synchro (participation de Libertine à des films, séries, pubs...) dès l’instant où ça me touchait. C’est lui qui est rancunier, et non moi. Il n’a jamais supporté la séance d’explication au soir du mixage de la version anglaise. Il a eu une brillante réussite avec Mylène, et un énorme échec avec le cinéma. Ça fait mal, il a souffert, j’ai souffert. Nous sommes quittes !

 

 

Nous avons beaucoup évoqué vos rapports avec le duo Farmer-Boutonnat durant cet entretien et c’est normal. Maintenant j’ai envie, avant d’arriver à la fin, de vous demander de me citer pour nous les faire découvrir, parmi tous les titres auxquels vous avez participé, comme compositeur et comme arrangeur, ceux pour lesquels vous avez une affection particulière ?

Joan Pau Verdier : Faits divers. Tous les albums d’Yves Simon. Sapho : Le balayeur du Rex. Renaud : Chanson pour Pierrot. Nicole Croisille : Tout le monde peut chanter sa chanson. Les Étoiles : Jeanne la Française. Michel Corringe : Ecce Homo. Mannick : Je suis Ève. Jean-Roger Caussimon : Il fait soleil. Marie-José Casanova : Poupée, poupée. (texte de M.-J. Casanova, composition d’Alain Bashung, arrangements de J.-C. Dequéant). Très flou, vent fou, chantée par moi-même (Polydor 77). Tihyad : La nature humaine. Etc, etc… Il y a plein d’autres artistes et titres que j’aime, mais il faut se reporter à la bible de Serge Elaïk : Les arrangeurs de la chanson française.

 

Quand vous regardez derrière, le chemin parcouru, vous vous dites quoi ?

Je n’aime pas trop regarder derrière, car j’aurai pu faire beaucoup mieux. Il me manque par exemple des musiques de films, et c’est un grand regret (comme Boutonnat avec le cinéma !) Je n’ai jamais travaillé avec des artistes très populaires (mis à part Mylène) Les directeurs artistiques me qualifiaient de trop intellectuel. Quelle erreur ! Je pense que cela vient de mon travail avec Yves Simon. J’ai toujours été trop réservé dans un milieu où il faut beaucoup de relationnel. Laurent a peut-être raison d’avoir un égo si développé, si j’avais eu le même, j’aurai sans doute été plus loin ! Mais bon, avec des si… Donc, mon regard est mitigé !

 

 

Vos projets et surtout, vos envies pour la suite ? Pourquoi est-ce que le cinéma, ce serait forcément perdu pour de bon ?

Le cinéma ! Je ne pense pas avoir la force et justement, le relationnel pour démarcher, c’est trop tard. C’est de ma faute ! J’ai eu des opportunités. Je suis incapable de les saisir... Pour la chanson, je suis toujours passionné. L’artiste Tihyad a sorti sur sa demande une version de Libertine où nous partageons le chant (retour au chanteur de mes débuts !) J’ai écrit un arrangement très différent de l’original. Il tourne actuellement sur les réseaux et semble intéresser. Cet artiste a enregistré également une de mes compositions, parmi celles dont je suis le plus fier Je l’appelle Paradis, qu’il sortira plus tard. C’est une grande chanson d’amour au départ gay friendly mais s’appliquant finalement à tous les couples. C’est une mélodie très ample avec des harmonies riches. C’est un exemple de ma création actuelle et j’y crois beaucoup.

 

Bon, j’ai la faiblesse de croire en tout cas que rien n’est perdu. Un appel que vous voudriez lancer à quelqu’un qui lirait notre entretien ?

Un(e) grand(e) artiste, un réalisateur(trice), j’ai encore des réserves d’énergie à consommer, des trésors créatifs, alors ? À bientôt !

 

 

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

De toucher encore des personnes avec mon travail de compositeur, d’auteur et d’arrangeur. C’est comme un sacerdoce, ça ne peut pas finir.

 

Vous êtes un homme heureux aujourd’hui ?

Ah oui, très. Je pars aux États-Unis voir ma fille qui fait une carrière incroyable dans la recherche, mon autre fille est à Paris et je suis fier d’elle, j’ai un superbe jardin et j’ai toujours l’envie de la musique, tout est pour le mieux malgré les réserves que le monde futur nous promet !

 

Vous avez un dernier mot ?

Merci Nicolas pour ce bel entretien qui m’a obligé à sortir de ma réserve. Presque une analyse ? Portez-vous bien.

 

JC Dequéant

Avec l’artiste Jacqueline Taïeb.

 

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Commentaires
T
En réponse à Loup : <br /> <br /> Oui enfin, c'est un ensemble qui a fait que Libertine a été un succès. La chanson était bonne aussi, certes le clip a aidé, mais ce n'est pas tout. D'autant plus que Mylène a eu plein d'autres succès c'est pas comme si il n'y avait eu que ça. Il faut arrêter d'être aussi réducteur et surtout de penser détenir la vérité.
Répondre
L
Le succès de Libertine est dû à son clip et aux paroles dans une moindre mesure. Dequeant est bien mal placé pour parler d’ego. C’est la nudité intégrale de Mylène l’origine du succès, c’est peut-être triste à admettre mais c’est la réalité.
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