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Paroles d'Actu
geopolitique
22 juillet 2018

« Quel bilan tirer de la Coupe du monde en Russie ? », par Carole Gomez

Il y a une dizaine de jours, peu avant la finale de la Coupe du monde de football qui allait voir la France (bravo les Bleus !!!) remporter sa deuxième étoile face à la Croatie (score : 4 à 2), j’ai proposé à Carole Gomez, chercheure à l’IRIS spécialiste des questions liées à l’impact du sport sur les relations internationales, une tribune carte blanche à propos de ce Mondial. Il y a deux ans, en période de Jeux olympiques d’été à Rio, elle avait déjà composé « Les compétitions sportives internationales, lieux d'expression du nationalisme », pour Paroles d’Actu. Je la remercie pour ce nouveau texte, qui nous éclaire sur la manière dont la Russie a voulu concevoir, et a géré cet événement. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

CDM Russie

 

« Quel bilan tirer de la 21ème Coupe du monde masculine

de football, qui vient de s’achever en Russie ? »

par Carole Gomez, le 19 juillet 2018

Si le grand public et les commentateurs sportifs retiendront, à juste titre, la victoire française en finale contre la Croatie apportant une 2ème étoile à l’équipe de France, force est de constater que ce mondial organisé en Russie a été pour le moins riche en enseignements.

Tout d’abord, intéressons-nous à l’hôte de ce méga-événement sportif. Désignée en décembre 2010, à la suite d’une élection qui a fait couler beaucoup d’encre, la Russie accueillait donc entre le 14 juin et le 15 juillet, 32 équipes. S’inscrivant dans la droite lignée de la diplomatie sportive mise en œuvre depuis le début des années 2000 par Vladimir Poutine, le Kremlin voulait faire de cette Coupe du monde le point d’orgue du retour de la Russie sur le devant de la scène sportive et in fine internationale. Les objectifs de l’organisation de ce Mondial sont de plusieurs ordres, relevant à la fois de politique intérieure mais évidemment aussi de politique étrangère.

En matière de politique intérieure tout d’abord, Vladimir Poutine souhaitait «  offrir  » cette Coupe du monde aux Russes, ayant pour ambition de les rendre fiers, par l’accueil d’une compétition à la internationale prestigieuse, mais également pour le parcours de la Sbornaya, l’équipe nationale, qui a plus que dépassé les attentes des supporters et du Kremlin, en étant éliminée aux tirs au but aux portes des demies-finales contre la Croatie. Cette édition a également permis de rappeler à la communauté internationale l’intéressante histoire russe et soviétique du football, qui tend à être souvent oubliée, voire minimisée.

Cet évènement représentait aussi un enjeu économique sur le plan intérieur d’un point de vue touristique. En effet, alors que la Russie n’accueillait qu’environ 30 millions de touristes en 2016 – à titre de comparaison, la France en accueillait 89 millions en 2017), Moscou entend utiliser cet évènement planétaire, retransmis dans la quasi-majorité des pays, comme un outil d’attractivité permettant de découvrir le pays autrement et ainsi susciter un intérêt. Si la question des retombées économiques d’un tel évènement sportif est toujours épineuse et variable en fonction de nombreux facteurs, les prochaines années témoigneront de la réussite ou non de ce pari.

Toujours sur le plan de la politique intérieure, il est également intéressant de s’attarder sur la carte de cette Coupe du monde et sur le choix des villes hôtes qui est loin de relever du hasard. Alors que le coût de cette Coupe du monde s’alourdissait au fil des mois, la FIFA en mai 2016 avait, à plusieurs reprises, alerté le pouvoir russe concernant les retards dans la construction ou rénovation de plusieurs enceintes. Devenu un sujet prioritaire pour l’ancien ministre des Sports, Vitaly Mutko, ainsi que pour le président Vladimir Poutine, l’avancement des infrastructures a été particulièrement suivi à la fois pour honorer les promesses faites à la FIFA, mais surtout pour chercher à démontrer la diversité des villes et provinces russes ainsi que l’unité de son territoire. En ce sens, l’organisation de matchs au sein de l’enclave de Kaliningrad, mais également à Sotchi, ou encore à Saransk, au sein de la République de Mordovie sont emblématiques. Par ailleurs, il est également à noter que l’ouverture de la Coupe a eu lieu quelques semaines après l’élection pour un quatrième mandat de Vladimir Poutine et qu’il entend encore accroitre par cet évènement sa popularité. Popularité toutefois mise à mal par l’annonce surprise du recul de l’âge de la retraite (de 55 à 63 ans pour les femmes ; de 60 à 65 ans pour les hommes).

 

« Le sport fait aujourd’hui clairement partie

de l’arsenal de la Russie en tant qu’outil de soft power. »

 

En matière de politique étrangère, avec l’accueil de la Coupe du monde, la Russie souhaitait faire un pas supplémentaire dans la mise en œuvre de sa diplomatie sportive initiée au début des années 2000, après avoir notamment obtenu les Jeux olympiques et paralympiques à Sotchi (2014) ainsi que l’organisation de grands compétitions internationales (escrime, natation, athlétisme, Universiades). Par sa capacité à organiser un méga évènement sportif, par la qualité de sa prestation, par le rappel de son histoire sportive, loin des scandales de dopages, la Russie utilise donc le sport comme un outil de soft power, permettant de la mettre, au moins le temps de la compétition, au cœur de l’attention. Cette présence incontournable sur la scène sportive est indissociable de la scène politique, Vladimir Poutine recevant nombre de chefs d’État et de gouvernement et ouvrant donc la voie à des discussions informelles. S’il est trop tôt pour tirer un bilan diplomatique de ce qui s’est passé dans les couloirs des stades, il sera intéressant de suivre dans les prochains mois les éventuelles avancées sur le plan diplomatique pour la Russie.

En outre, par un jeu de miroir l’associant à un évènement international populaire, festif et positif, Moscou souhaite donc renvoyer une image lissée de son pays, tourné vers l’extérieur, prête à accueillir le monde et permettant ainsi de venir faire oublier les fortes critiques à son égard depuis notamment l’annexion de la Crimée, les scandales de dopage révélés par plusieurs documentaires ou encore l’affaire Skripal. Sur ce dernier point, alors qu’un boycott sportif avait rapidement été évoqué par l’ancien ministre des Affaires étrangères britannique, Boris Johnson, avant de rapidement revenir sur cette proposition, le spectre d’un boycott diplomatique de grande envergure a plané sur la compétition. Hypothèse émise dès la désignation du pays, ce type de sanction s’est soldé par un échec, le Royaume-Uni se trouvant incapable de fédérer largement au-delà de ses frontières, trouvant un écho pour le moins faible, pour ne pas dire existant, au sein de l’Union européenne. Un premier effet du Brexit, ou la conséquence d’une volonté de boycott que l’on sait inefficace et vain ?

D’autre part, et cela trouve une résonnance particulière avec le sport, elle cherche également à montrer sa puissance sur la scène sportive, dans une perpétuelle compétition avec les autres nations, et notamment l’Occident. Le parcours de la Sbornaya, qui n’a pas trébuché avant les tirs au but en quart de finale, permettra d’entretenir cet argumentaire.

Que retenir de cette Coupe du monde ?

Alors que la question sécuritaire était, logiquement, mise en avant, avec notamment le risque terroriste mais également la crainte de voir des violences dans et en dehors des stades, il semblerait, selon les informations disponibles pour l’instant, que Moscou ait réussi à garder le contrôle de la situation. En matière notamment de lutte contre l’hooliganisme, plusieurs médias ont révélé quelques semaines avant le début de la Coupe du monde que le FSB avait été chargé de tenir à l’écart les hooligans susceptibles d’intervenir au cours de la compétition, et qu’il était parvenu à atteindre ce but. Au regard de l’importance de l’évènement, cela n’est cependant guère étonnant, compte tenu de la volonté de Vladimir Poutine de voir ce Mondial réussi, sans être entaché de quelque incident de ce genre. Seule l’irruption sur le terrain de membres des Pussy Riot, le soir de la finale, le 15 juillet, fait, sans doute, office d’ombre au tableau pour Vladimir Poutine.

Par ailleurs, si l’on s’éloigne du terrain sportif pour se concentrer sur l’aspect économique de cette compétition, il est intéressant de noter la forte représentativité d’entreprises chinoises parmi les partenaires et sponsors officiels de la compétition (Wanda, Hisense, Vivo, Mengniu et Yadea), confirmant la montée en puissance et la désormais indiscutable présence de l’Empire du milieu dans le football.

 

« Les Chinois étaient massivement présents en Russie ;

cela semble lié aux efforts déployés par Xi Jinping avec

son programme général de développement du football chinois. »

 

Cette présence va également de pair avec la forte présence de supporters chinois en Russie : Ctrip, opérateur chinois, a annoncé que la vente de billets d’avion vers la Russie pour la période juin-juillet 2018 avait augmenté de 40%, alors même que l’équipe nationale n’était pas qualifiée. Cette popularité du football peut être analysée à la lueur des importants efforts déployés par Xi Jinping depuis mars 2015 avec son programme général de développement et de réforme du football chinois, qui entend octroyer à la Chine au niveau du sport un statut conforme à sa position politique et économique.

Une fois de plus, le sport, et le football dans ce cas, dépasse très largement son seul pré carré et comporte d’importants volets politiques, diplomatiques et économiques. La prochaine Coupe du monde de football qui aura lieu en France (la féminine, ndlr), à partir de juin 2019, et la suivante qui aura lieu au Qatar à l’hiver 2022, seront donc à suivre avec une très attention. Ce qui n’est pas pour nous déplaire...

 

Carole Gomez

 

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6 mars 2017

Olivier Da Lage: « Hier chantre du non-alignement, l'Inde se préfère aujourd'hui multi-alignée »

Olivier Da Lage, journaliste à Radio France internationale (RFI) depuis de nombreuses années, vient de publier chez Armand Colin L’Inde, désir de puissance, le troisième des ouvrages qu’il a consacrés à ce pays encore bien mystérieux, géant démographique et possible acteur de premier plan sur la scène mondiale demain, ou plus probablement après-demain, si et seulement si... Derrière ces "si", de multiples conditions, et des chantiers immenses. Dans ce livre, agréable à parcourir et bourré d’informations méconnues, Olivier Da Lage regarde ce qu’a été la politique étrangère de New Delhi depuis l’Indépendance de 1947, les leçons qui en ont été tirées et ses traits plus récents, sur tous les terrains du globe. Il fixe ce que sont, aujourd’hui et pour la suite, les grandes forces et les défis considérables auxquels l’Inde doit ou devra faire face. Un ouvrage à lire, vraiment.

Je remercie Olivier Da Lage d’avoir accepté de répondre à ma sollicitation pour une interview ; il s’était déjà prêté à deux reprises à un exercice similaire pour Paroles d’Actu : un échange principalement consacré à l’Arabie Saoudite et au Qatar en janvier 2016, puis une tribune au titre explicite, « La France et l’EI: vers une guerre perpétuelle ? », en juillet 2016, une semaine tout juste après l’attentat de Nice. Ainsi va le monde... si on veut essayer de le changer, d’abord, attachons-nous à au moins tenter de le comprendre. Pour l’heure, donc... bienvenue en Inde. Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche...

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Olivier Da Lage: « Hier chantre du non-alignement,

l’Inde se préfère aujourd’hui multi-alignée »

Interview réalisée le 5 mars 2017.

Inde

L’Inde, désir de puissance (Armand Colin, 2017)

 

Olivier Da Lage, bonjour, et merci de m’accorder cette nouvelle interview pour Paroles d’ActuL’Inde, désir de puissance (Armand Colin, 2017) est le troisième livre que vous consacrez à ce mastodonte qui compte 1,27 milliards d’habitants. Première question : pourquoi l’Inde ?

pourquoi l’Inde ?

On trouve une infinité de livres sur le Moyen-Orient, sur l’Afrique, sur les États-Unis, et à présent sur la Chine, mais curieusement, je trouve, il y en a relativement peu d’ouvrages en français sur l’Inde et sa politique étrangère et ceux qui existent datent pour la plupart déjà un peu.

Quelle est votre histoire avec ce pays ? Quand et comment l’avez-vous "rencontré" ? Qu’est-ce qui vous a marqué, de visu, la première fois, et s’agissant des évolutions perçues lors des séjours suivants ?

l’Inde et vous ?

J’ai mis les pieds en Inde pour la première fois au début des années 80 et j’y suis retourné plusieurs fois dans les années suivantes. Au risque d’aligner les clichés, j’ai été frappé par la vitalité et la diversité de l’Inde et de ses habitants, ses couleurs, ses odeurs, et aussi, sa bureaucratie !

On est frappé de voir à quel point, au vu du gigantisme et des potentiels énormes de l’Inde, la question de la rivalité avec le Pakistan a été sans discontinuer fondamentale pour la politique étrangère et de défense du pays depuis l’Indépendance. Pourquoi la question du Cachemire est-elle à ce point importante pour New Delhi et pour Islamabad ? L’équilibre nucléaire entre les deux puissances condamne-t-il à un statu quo, une paix froide pendant des années, des décennies, ou bien entrevoyez-vous, à titre personnel, des pistes de solution définitive acceptable par les uns et les autres ?

le Pakistan, le Cachemire

Le Cachemire était connu sous le nom de « Suisse de l’Himalaya ». Ses alpages, sa verdure, ses fleuves et ses lacs. C’était le joyau des Indes britanniques, situé géographiquement à la frontière indo-pakistanaise. Dirigé par un maharadjah hindou, le Cachemire avait une population majoritairement musulmane. Il n’est pas difficile de voir pourquoi les deux pays issus de l’empire ont voulu l’avoir. L’Inde a fini par l’obtenir en faisant pression sur le maharadjah qui croyait pouvoir obtenir l’indépendance pour le Cachemire, mais qui, bien davantage que d’être incorporé à l’Union indienne, redoutait les ambitions pakistanaises et l’influence du Pakistan sur sa population musulmane. C’est ce qui a donné la première guerre indo-pakistanaise qui dure de 1947 à 1949 et se traduit par la partition du Cachemire. En 1965, le Pakistan tente à nouveau de forcer le destin pour s’emparer de la totalité du Cachemire mais échoue dans son entreprise. Depuis lors, le Cachemire reste à la fois un enjeu et un symptôme de la rivalité indo-pakistanaise. Le Pakistan soutient et entraîne des groupes terroristes qui s’infiltrent dans l’État du Jammu et Cachemire (indien) à partir de ce qu’Islamabad appelle le « Cachemire libre » (Azad Kashmir) et les Indiens le « Cachemire occupé par le Pakistan ».

Cachemire

Source du document : http://ceriscope.sciences-po.fr

En ce qui concerne les tensions indo-pakistanaises, il est difficile d’envisager une sortie de crise dans un avenir prévisible. D’une part en raison de l’enjeu émotionnel et patriotique que représente le Cachemire pour les deux parties. Mais aussi parce que bien que les deux pays soient des puissances nucléaires ouvertes depuis les années 90, cela n’a pas empêché un conflit armé (la guerre de Kargil, sur les hauteurs de l’Himalaya) en 1999. Les gouvernements des deux pays ont bien tenté à plusieurs reprises de se rapprocher, mais à chaque fois, l’armée et les services pakistanais ont tenté de torpiller le processus en suscitant des attentats et en Inde, les médias et les réseaux sociaux sont prompts à dénoncer toute approche diplomatique comme de la faiblesse envers l’État terroriste qu’est à leurs yeux le Pakistan.

Ce qui ressort de l’examen détaillé que vous faites des politiques étrangères indiennes, c’est, avec son voisinage direct, des politiques un peu gauches, maladroites, et plus globalement, les premières années, une approche idéaliste, un peu naïve, celles des pères fondateurs Gandhi et Nehru. Sur ce point, le réveil brutal a eu lieu en 1962, lors d’une guerre catastrophique provoquée par la Chine. La Chine... puissance qui n’a cessé depuis de s’affirmer. Comment son intrusion (notamment économique) de plus en plus franche dans la sphère de voisinage de l’Inde est-elle perçue par les leaders politiques et économiques du pays, et par sa population ?

la Chine

La Chine fait peur aux Indiens (l’inverse n’est évidemment pas vrai). À la fois du fait de sa puissance militaire, mais aussi de sa force de frappe économique et de ses projets terrestres et maritimes de « nouvelles routes de la soie » qui sont perçues comme une stratégie d’encerclement de l’Inde en s’appuyant sur les voisins de cette dernière (Népal, Bhoutan, Sri Lanka, et bien sûr Pakistan). Certains admirent la hardiesse chinoise et la rapidité de son processus de décision et vont parfois même jusqu’à regretter que la démocratie indienne soit un frein à l’efficacité ! Mais la Chine n’est pas seulement une rivale, c’est aussi une partenaire désireuse, comme l’Inde, de remettre en cause la domination occidentale née de l’après-guerre. Inde et Chine coopèrent d’ailleurs dans toute une série de dossiers, par exemple celui de l’environnement. C’est aussi un partenaire économique très important (et de plus en plus), ce qui rend improbable une confrontation majeure car les deux pays auraient trop à y perdre.

D’abord non-alignée par principe, l’Inde s’est progressivement rapprochée de l’URSS, tandis que, dans la région, Washington choisissait de parrainer le Pakistan. Aujourd’hui, dans un monde post-guerre froide, les choses se sont équilibrées. Quid du Japon, le grand rival régional de la Chine : est-ce que la proximité des profils de leurs dirigeants actuels (deux nationalistes), les orientations stratégiques et le prévisible des circonstances peuvent augurer pour les années à venir un rapprochement plus net entre Tokyo et New Delhi ?

le Japon

L’Inde délaisse en effet progressivement le non-alignement qui, de son point de vue, n’a plus beaucoup de pertinence dans le monde actuel, même si le dire ouvertement relèverait du sacrilège car c’est encore un dogme officiel de la politique étrangère indienne. Elle s’est considérablement rapprochée des États-Unis depuis près de vingt ans, mais pas au détriment de sa relation privilégiée avec Moscou. Car les Indiens demeurent rétifs à tout système d’alliance et insistent pour conserver à tout prix leur « autonomie stratégique ». Ils préfèrent aujourd’hui se définir comme multi-alignés. La relation avec Tokyo est certes facilitée par la proximité idéologique des deux dirigeants actuels Shinzo Abe et Narendra Modi, tous deux nationalistes et religieux. Mais elle a des fondements plus profonds, à commencer par une méfiance partagée à l’égard de la puissance chinoise.

Narendra Modi

Narendra Modi, issu d’un grand parti nationaliste hindou, est l’actuel Premier ministre de l’Inde.

Source de l’illustration : http://indianexpress.com

J’ai, a priori, cette impression qu’on a, en Occident et en tout cas en France, une espèce de désintérêt assez net pour l’Inde, qu’on voit surtout comme un débouché pour nos industries de l’armement, tandis que chacun essaie de "conquérir" la Chine. Comme si l’Inde, bien que plus proche de nous, nous apparaissait plus lointaine, plus mystérieuse aussi que son grand voisin du nord-est. Est-ce que vous avez ce sentiment ?

la France

En partie oui. Pourtant, les Français sont nombreux à se rendre en Inde comme touristes, que ce soit au Rajasthan ou au Kerala. Mais on est un peu toujours dans l’exotisme. Les relations économiques se développent mais difficilement, car il faut bien dire que les Indiens sont des partenaires particulièrement coriaces, que la législation indienne, même si elle s’est beaucoup assouplie, recèle plein de pièges pour les investisseurs étrangers et qu’enfin, l’Inde n’est pas un pays où l’on fait un tour juste pour voir. Si on veut y faire des affaires, il faut avoir en tête le long terme et ne pas se décourager. Politiquement, malgré la volonté affichée des deux côtés, on peine à discerner que l’Inde soit en tête des priorités pour la diplomatie française et les Indiens aiment bien la France, mais ce n’est à leurs yeux qu’une puissance moyenne où l’on ne parle même pas anglais (je caricature un peu, évidemment).

Existe-t-il encore quelque chose, un lien particulier entre le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale, et l’Inde, toujours membre du Commonwealth ?

le Royaume-Uni et le Commonwealth

Un lien culturel, sans aucun doute. Un lien humain aussi, en raison de l’importante communauté indienne ou d’origine indienne présente sur le territoire britannique. Mais si à Londres on veut encore croire à une relation spéciale, cette impression n’est guère partagée vue de l’Inde, où l’on s’interroge principalement sur l’intérêt que représentera (ou non) le Royaume-Uni après le Brexit.

L’Inde, vous nous l’apprenez, entend parler avec tout le monde, sans dogme ni idéologie ; elle le faisait notamment avec la République islamique d’Iran quand c’était loin d’être bien perçu par tous. A-t-elle une influence quelconque, du jeu sur les régimes actuellement à la tête de la Syrie ? De la Corée du nord ?

l’Inde, État médiateur ?

Non, justement, et c’est un trait bien spécifique de la diplomatie indienne. À vouloir être amie avec presque tout le monde, l’Inde cherche à éviter tout ce qui pourrait fâcher ses nombreux amis. Elle évite soigneusement de s’entremettre entre des tiers en conflit et est par conséquent très largement absente du marché de la médiation. Cela lui permet de conserver voire de gagner des positions dans différents pays, mais elle renonce par là-même à influencer le cours des choses. Par ailleurs, la diplomatie indienne a horreur du changement et a vécu les « printemps arabes » comme une menace pour ses ressortissants (il est vrai qu’il y a des exemples, avec la crise du Koweït ou la guerre du Yémen) ou même un complot islamiste pour déstabiliser des régimes laïques, comme en Syrie.

Un des objectifs de politique étrangère et d’influence majeurs de l’Inde, c’est l’obtention d’un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Un tel élargissement paraît-il réaliste à moyen terme, et avec quelles réactions prévisibles de la part des cinq "grands" actuels ?

membre permanent du Conseil de sécurité ?

Cela devient un rituel lors de chaque rencontre diplomatique : le partenaire soutient officiellement le principe de l’appartenance de l’Inde au Conseil de sécurité en tant que membre permanent. Au point qu’à part la Chine ou le Pakistan, il y a peu de pays qui n’y sont pas officiellement favorables. En privé, c’est autre chose et j’ai entendu des diplomates de haut rang expliquer avec délectation que la négociation pour y parvenir ouvrirait une boîte de Pandore à tel point que cela n’est pas près d’arriver. Les Indiens n’en sont pas dupes et c’est pourquoi l’élection de Donald Trump a été très bien reçue par les cercles dirigeants indiens. Pas tant pour sa politique, que pour sa volonté de faire éclater le système international tel qu’on le connaît depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’Inde y discerne une opportunité pour participer à une réorganisation de ce système qui lui soit plus profitable et qui reconnaisse son statut de grande puissance du XXIe siècle.

Beaucoup de points passionnants sont abordés dans votre livre, je ne pourrais les évoquer tous : l’importance croissante de l’Inde sur les secteurs de l’agro-industrie, de la santé et du médicament par exemple, part importante de sa diplomatie d’influence notamment en direction de l’Afrique. La visibilité toujours plus grande du yoga et de la culture "Bollywood" participent également de cette diplomatie d’influence, qui a aussi pour but de sécuriser les amitiés éclectiques de l’Inde. Est-ce que les besoins énormes de l’Inde en énergie pour les années à venir sont "sécurisés", et de quelles ressources actuelles ou à développer dispose-t-elle en propre ?

développement et énergie

Non, pas suffisamment. C’est pourquoi l’Inde attache beaucoup de prix à la modernisation de sa marine afin de sécuriser les approvisionnements maritimes  des hydrocarbures. Qu’elle a noué de longue date avec l’Iran et la Birmanie, malgré les pressions internationales, car ces deux pays sont aussi producteurs d’énergie. L’Inde est aussi engagée dans la modernisation de son parc nucléaire avec la Russie et la France, notamment. Et enfin, elle s’est engagée dans l’alliance solaire internationale après la conférence de Paris. Mais tous ces projets suffisent à peine à suivre le rythme de sa progression démographique. Car si l’Inde a des ressources propres (charbon ou pétrole), c’est en quantités notoirement insuffisante.

Vous rappelez l’un des gros points noirs dans l’Inde d’aujourd’hui : la pauvreté, voire l’extrême pauvreté, qui y est encore massive. Les chantiers demeurent immenses sur les domaines notamment de l’éducation et de la santé. Est-ce qu’aux niveaux de l’État fédéral et des États fédérés, les budgets sont à la hauteur de ces priorités ? Plus globalement, comment ces deux types d’entité se portent-ils en s’agissant du poids de la fiscalité et de la dépense publique, et du niveau d’endettement ? Ont-ils des marges de manœuvre importantes pour favoriser des investissements, développer des politiques structurantes ?

budgets et investissements

Tout dépend de l’analyse que l’on fait. En arrivant au pouvoir, le BJP a opéré des coupes claires dans les subventions aux paysans et aux produits de première nécessité, convaincu que la bonne réponse consistait à favoriser les entreprises pour sortir de la pauvreté. Mais dès l’année suivante, le gouvernement Modi a renoué avec la politique qui était celle du parti du Congrès, car les résultats économiques se traduisent trop lentement en réduction de la pauvreté et les autorités ne peuvent faire face à une aggravation de la pauvreté de masse. Deux problèmes majeurs, identifiés par tous les analystes, sont les insuffisances dans le financement de la santé et de l’éducation.  Cela reste toujours vrai. Quant à la fiscalité directe, l’impôt sur le revenu est concentré sur une petite partie de la population (la classe moyenne supérieure salariée). Les pauvres ne payent pas d’impôts directs et les très riches arrivent à en payer beaucoup moins que ce qu’ils devraient. Les marges de manœuvres sont limitées et les gouvernements qui se succèdent tentent de les utiliser de la façon la plus lisible vis-à-vis de l’opinion publique et des marchés. Mais en dehors de quelques opérations spectaculaires, comme la démonétisation de 86 % des billets de banques en novembre 2016 afin de combattre la corruption et l’économie souterraine, les réformes menées ne peuvent produire leurs effets que dans le long terme.

La partie que vous consacrez à la démocratie indienne, "la plus grande du monde", est intéressante en ce qu’elle nous montre à quel point celle-ci paraît dynamique. Il y a bien sûr les problèmes de corruption, présents notamment dans l’administration. Mais cette démocratie que vous nous décrivez a l’air d’être sur de bons rails : des institutions dont les bornes sont respectées (l’armée subordonnée au politique, la justice indépendante par rapport à l’exécutif), une société civile vigoureuse. Est-ce qu’il y a des points de cette démocratie indienne dont on pourrait s’inspirer ? Et quels regards porte-t-on en Inde, pour ce que vous en savez, sur notre campagne pour la présidentielle si particulière de cette année ?

la plus grande démocratie du monde

C’est une démocratie très imparfaite, mais une démocratie quand même. Il me semble que sur certains points, la France pourrait s’inspirer de ce qui se fait en Inde, notamment de la loi sur l’accès aux documents administratifs (« le droit à l’information »). De même, en Inde, lorsque l’on critique un policier, on n’est pas systématiquement accusé d’outrage ou de rébellion. Pour le reste, les sociétés et l’histoire des deux pays sont vraiment trop différentes pour transposer purement et simplement les expériences de l’un à l’autre. Comme bien d’autres observateurs, les Indiens sont surpris des rebondissements que connaît la campagne électorale française, mais il serait très exagéré de dire que la vie politique française est au centre des préoccupations indiennes.

Comment voyez-vous l’Inde en 2050 ?

l’Inde en 2050 ?

Possiblement comme une puissance majeure, influente et en interaction avec la plupart des pays du monde. Mais il est possible aussi qu’elle retombe dans ses ornières si elle n’investisse pas massivement dans l’éducation et la santé, si  elle ne prévoit pas l’arrive massive à la retraite des jeunes actifs d’aujourd’hui et si elle ne parvient pas à gérer son conflit avec le Pakistan.

Quels conseils d’excursions donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait découvrir l’Inde, la "vraie" et pas simplement celle des tours opérateurs ?

conseils à un touriste ?

Toutes les Indes sont vraies. Les couleurs du Rajasthan comme celles du Kerala, mais aussi la vie trépidante de Bombay ou Calcutta, ou au contraire très paisible du Sikkim. Il faut essentiellement être prêt, mentalement, à voir des choses et rencontrer des gens très différents.

Sikkim

Quelques images du minuscule État du Sikkim, histoire de rêver un peu...

Quels sont vos projets, vos envies pour la suite ?

Je travaille actuellement à la rédaction d’un guide de Bombay.

Un dernier mot ?

En Inde, on n’a jamais le dernier mot !

 

Olivier Da Lage

Olivier Da Lage

 

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2 novembre 2016

Thierry Lentz : « Paris n'est pas qu'une fête, c'est aussi une cible... l'a-t-on déjà oublié ? »

Thierry Lentz, grand historien spécialiste des périodes Consulat et Empire et directeur de la Fondation Napoléon, compte parmi les contributeurs fidèles de Paroles d’Actu ; j’en suis fier et lui en suis reconnaissant. Quelques jours avant le premier anniversaire de la soirée terrible du 13 novembre 2015, je lui ai soumis quelques questions davantage ancrées dans une actualité immédiate que d’ordinaire : la parole en somme à un citoyen imprégné d’histoire - et il m’est d’avis qu’on devrait s’intéresser un peu plus à ce qu’ils ont à dire de l’actu, ces citoyens qui connaissent vraiment l’Histoire !

Joseph Bonaparte La fin des empires

Je signale au passage la parution, cette année, de deux ouvrages que je vous engage vivement à découvrir : la bio évènement, hyper-fouillée signée Thierry Lentz de Joseph, frère aîné à la « vie extraordinaire » de Bonaparte (Perrin, août 2016), et un ouvrage collectif passionnant, j’ai envie de dire « essentiel », que M. Lentz a co-dirigé aux côtés de Patrice Gueniffey (Perrin-Le Figaro Histoire, janvier 2016) et qui porte sur la fin des empires - lui-même a rédigé le texte sur la chute de l’empire napoléonien. C’était en aparté. Place à l’actu. Une actu dont on ne sait encore comment elle sera exploitée par ceux qui, demain, écriront l’Histoire. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Paris n’est pas qu’une fête, c’est aussi

une cible... l’a-t-on déjà oublié ? »

Interview de Thierry Lentz

Q. : 30.10 ; R. : 02.11

Bataclan

Après l’attaque du Bataclan... Photo : REUTERS.

 

Dans quelques jours, nous commémorerons, à l’occasion de leur premier anniversaire, les « Attentats de Paris », leurs 130 morts et leurs 413 blessés. Pour cette première question, déjà, j’aimerais vous demander comment vous les avez reçus et vécus à titre personnel, ces événements, à chaud puis, peut-être, avec le recul de l’historien ?

« Après la folle nuit du 13 novembre,

le 14 au matin, un silence terrible

dans le métro et les rues de Paris »

J’ai vécu ces attentats comme tous les Parisiens, dans l’angoisse d’abord, la colère ensuite. Il se trouve qu’habitant sur le chemin de l’hôpital de la Pitié, j’ai eu toute la nuit pour y penser : des dizaines d’ambulances, des sirènes… puis le lendemain matin, plus rien. Un terrible silence dans les rues et le métro. Je crois que je n’oublierai jamais ce moment-là. Heureusement, devant participer à un festival d’histoire près de Metz, je suis immédiatement allé « ailleurs », au milieu de personnes qui étaient certes abattues mais pas « témoins directs ». Le temps du recul est venu bien après, comme vous l’imaginez, d’autant qu’il y a eu Nice, ville où habitent beaucoup de mes amis et une partie de la famille. Une cousine de mon ex-épouse a été tuée ce soir-là, de même que deux amies d’une amie. Pour ce qui est du travail « d’historien », je crois qu’il est un peu tôt pour qu’il puisse commencer. Nous sommes encore en pleine crise et si je suis parfois frappé par certaines insouciances…

Est-ce qu’il y a, à votre sens, un « avant » et un « après » 13-Novembre, une rupture marquée dans l’esprit de la population française qui peut-être se serait sentie jusqu’à ce point relativement préservée en tant que telle des convulsions du monde, des soubresauts de l’Histoire ? Est-ce que vous pressentez, à la suite de ces attentats, une sorte de réveil, de sensibilisation nouvelle - durable ? - aux problématiques de sécurité, de renseignement, de défense ; une signification régénérée de la notion de « citoyenneté » ?

Je ne suis pas sûr qu’il y ait déjà un « après ». Il suffit de voir à quel point les pouvoirs publics masquent autant les causes profondes que les causes directes de ce qui nous arrive. Concernant le 13 novembre, j’ai suivi de près les travaux et conclusions de la commission d’enquête parlementaire, j’ai, je crois, lu à peu près tout ce qui a été publié de sérieux et ma conclusion est assez déprimante. Pour fuir certaines responsabilités, on a menti, par omission souvent, sciemment parfois. En ce premier anniversaire, je n’allumerai aucune bougie mais continuerait à poser des questions factuelles qui me taraudent. En voici quelques-unes auxquelles le ministre de l’Intérieur n’a toujours pas répondu. Pourquoi a-t-il attendu le 30 octobre 2015, neuf mois après les premiers attentats, pour annoncer son plan de modernisation des équipements de la police, plan qui n’est toujours pas mis en œuvre, ce que nous savons à travers les mouvements policiers actuels ? Pourquoi le Bataclan, qui était ciblé depuis 2009, n’a-t-il pas fait l’objet de mesures de protection particulières ? Pourquoi les dirigeants de la salle de spectacle n’ont-ils jamais reçu « l’avis à victime » prévu par la législation ? Qui a refusé l’intervention de la patrouille Sentinelle qui était devant le Bataclan pendant la fusillade (le ministère prétend qu’il n’a pas pu retrouver le responsable, ce qui est encore pire : il ne sait même pas qui donnait les ordres ce soir-là) ? Pourquoi les unités d’élite ne sont-elles intervenues que plus de deux heures après le début des faits ? etc, etc, etc.

Sur Nice, nous le savons tous, les questions sont encore plus graves. Il semble bien que les autorités de l’État aient, au départ, essayé de masquer des éléments essentiels. On avait baissé la garde… toujours l’insouciance. L’état d’urgence n’a été utilisé qu’avec parcimonie pour aller au fond des choses. Les territoires perdus sont bien loin d’avoir été reconquis. On ne nous parle que des « valeurs de la République », qui empêcheraient ceci ou cela. Parmi ces valeurs, n’y a-t-il pas le respect, y compris par la contrainte, du pacte social qui implique la protection des citoyens ?

« La fuite des responsabilités est quasi-générale... »

La fuite des responsabiltés est quasi-générale. Tiens : pourquoi, ne serait-ce que pour la forme, le ministre ou le préfet de police n’ont-ils pas présenté leur démission dans les jours qui ont suivi le 13 novembre ? Ça aurait eu « de la gueule », quitte pour le président de la République à leur demander de rester en fonction. C’est ce qui s’est passé en Belgique après les attentats de Bruxelles. Mais voilà, nos responsables ne le sont plus. On a décrété que M. Cazeneuve était l’homme de la situation, je ne le crois pas. Il passe son temps à finasser, à sauter d’une jambe sur l’autre, et ça n’est pas son air sérieux qui changera ma perception. Il n’a pas toujours dit la vérité et il en est une autre : il a été incapable de nous défendre. Quant au préfet de police de Paris, son incapacité, ses incohérences sont manifestes : 13 novembre, incapacité à faire respecter l’état d’urgence, interdiction d’une manifestation le matin et autorisation à midi, camps de migrants partout dans Paris (et pas qu’à Stalingrad), approbation béate des projets les plus absurdes de la mairie de Paris, dont la fermeture des voies sur berge, etc. Autrefois, le préfet de police de Paris était là pour maintenir l’ordre. Il était craint. On le regarde aujourd’hui avec un sourire triste. Je vous donne quelques exemples récents que j’ai constaté de visu de l’insouciance revenue. Récemment, le marais était rendu piéton pour un dimanche. Il y avait des milliers de personnes sur les voies. Au bout des rues, deux policiers municipaux et de frêles barrières Vauban. Ces policiers laissaient passer les taxis et beaucoup d’autres véhicules. Idem quelques heures plus tard à un vide-greniers de la Butte aux Cailles. Là, rues étroites et encore des milliers de personnes dans les rues. Aucun, je dis bien aucun, policier pour empêcher, par exemple, un camion fou de faire un carnage. Comme on nous le serine depuis des mois : Paris est une fête, il ne faut pas la perturber… Mais Paris n’est pas qu’une fête, c’est aussi une cible.

Quel regard et quel jugement portez-vous, globalement et dans le détail, sur les grandes orientations de politique étrangère de la France au cours des deux derniers quinquennats ? Est-ce que de vraies bonnes choses sont à noter ? Des imprudences de portée potentiellement historique ?

(...) Êtes-vous de ceux qui considèrent que la France serait encore trop « dans la roue » des Américains en politique étrangère, ce qui nous empêcherait de mieux dialoguer, comme il en irait peut-être de nos intérêts, avec par exemple des pays comme la Russie ? La question de l’appartenance de notre pays à l’Alliance atlantique devrait-elle être posée, d’après vous ? La France a-t-elle encore une voix originale, singulière à porter sur la scène des nations ?

Là, nous changeons de sujet… Il est frappant de voir que certains pensent que, parce qu’ils changent de politique un beau matin, l’état du monde et les forces profondes de la géopolitique changent en même temps. C’est à la fois présomptueux et dangereux. La politique gaullienne est morte avec Nicolas Sarkozy et l’intégration complète à l’Otan. Dès lors, la France n’a plus qu’une politique suiviste et sans originalité. Nous nous en rendrons compte bientôt.

« On n’arrivera jamais à rien avec la Russie

si on ne s’attache pas d’abord à la comprendre »

Vous parlez de la Russie, essayons de regarder ce dossier plus précisément. Prenons un exemple qui commence avec Napoléon, au hasard. On a coutume de dire qu’à Tilsit, Napoléon et Alexandre se sont « partagé le monde ». On en rajoute même avec l’histoire - jolie - du radeau sur le Niémen et des embrassades entre les deux empereurs. Même si l’on oublie qu’ils décidèrent très vite de poursuivre leurs discussions à terre tant le radeau était inconfortable, la légende du partage et de la séduction mutuelle ne tient pas. Elle tient d’autant moins que le traité de Tilsit était un accord uniquement justifié par les rapports de force entre un vainqueur (Napoléon) et un vaincu (Alexandre). J’ajoute qu’il ne pouvait pas durer pour une simple raison : il était par trop contraire aux réalités du monde et à la tradition séculaire de la diplomatie russe. Que recherchaient les tsars depuis Pierre le Grand ? Essentiellement deux choses : être pris au sérieux et considérés comme des Européens (d’où leurs appétits polonais et finlandais, leurs mariages allemands, etc.) et avoir accès aux mers chaudes (conquête de la Crimée par Catherine II, revendications sur Malte et Corfou de Paul 1er, nombreuses guerres avec l’Empire ottoman pour atteindre la Méditerranée, etc.) Quelle fut la réponse de Napoléon : la création du duché de Varsovie, la mainmise sur l’Allemagne avec la Confédération du Rhin, l’obligation pour Saint-Pétersbourg de rendre la Valachie et la Moldavie à l’Empire ottoman, soit tout le contraire des tropismes internationaux de la Russie. Qui plus est, l’obligation de déclarer la guerre à l’Angleterre (effective mais si peu active à partir de novembre 1807) ruina en un temps record le commerce extérieur du « nouvel allié » de l’Empire français. Qu’on ne s’étonne pas ensuite si Alexandre ne songea qu’à prendre sa revanche, non pour lui, mais parce que c’étaient la politique et l’intérêt de son pays, ce qu’il annonça de Tilsit-même à sa sœur Catherine. On connaît la suite et le résultat : au congrès de Vienne, on donna un gros morceau de Pologne à la Russie, on lui garantit de pouvoir commercer par les Détroits, Naples lui ouvrit ses ports et on accepta l’empire des tsars en tant que nation européenne en l’intégrant au « concert des puissances » qui allait gouverner le monde pendant un siècle. Suivez ces lignes de la politique extérieure russe pour la suite des décennies et, peut-être, vos réflexions sur un présent brûlant gagneront en profondeur. Pour dire les choses trivialement sur le présent : s’« ils » n’ont pas forcément raison (ils ont même probablement tort quelquefois), « ils » sont comme ça. Être européen, avoir accès aux mers chaudes - pourquoi pas avec un port au Moyen-Orient ? -, développer l’économie, montrer qu’on compte dans le concert des nations… Cela nous rappelle évidemment quelque chose d’immédiat.

En histoire, comparaison n’est pas raison, on ne le dira jamais assez. Mais en politique internationale, oublier l’histoire, c’est marcher sur une jambe en se privant de comprendre celui avec qui on discute (ou on ne discute pas).

Comme le dit un excellent spécialiste de politique étrangère de LCI, « ainsi va le monde » et il ne change pas si vite qu’on veut. Mon but n’est évidemment pas de « soutenir » Poutine, cela n’aurait à la fois aucun sens et aucune importance concrète. Je veux simplement souligner qu’avec Poutine ou sans lui, la politique extérieure de la Russie ne change pas comme on le croit sur un claquement de doigts. Notre seule possibilité de manœuvre est de contenir ce qu’il y a d’agressif dans la politique russe en ce moment. Sûrement pas de les forcer à abandonner ce qui fait le sens profond de leur position dans le monde.

Si on laisse de côté, ne serait-ce qu’un instant, le niveau déplorable du gros des discussions autour de l’élection présidentielle américaine à venir pour ne considérer que les orientations de politique étrangère affichées des deux candidats principaux, on remarque qu’il y a bien plus que d’habitude une véritable différence d’appréciation entre Hillary Clinton et Donald Trump : la première s’inscrit sur une ligne qui se veut volontiers interventionniste, le second paraît proche des isolationnistes. Est-ce qu’à votre avis, considérant l’état du monde et les intérêts de la France, l’une ou l’autre de ces alternatives est préférable ?

« Le monde paiera peut-être un jour, en mer

de Chine, le prix de la politique de retrait d’Obama »

Ce qui est frappant avec les grands politiciens américains, c’est qu’ils commencent toujours avec des avis péremptoires sur un monde qu’ils ne connaissent pas ou mal, avant de revenir au réalisme une fois élus. Encore que ça ne marche pas à tous les coups : voyez George W. Bush qui a vraiment tenté de faire ce qu’il avait promis, et avec le résultat que l’on connaît. Ce que l’histoire nous enseigne est ici de toute façon que la puissance prépondérante ne peut se désintéresser des affaires du monde, sauf à se faire prendre sa place ou, pire, à déclencher un cataclysme : voyez l’Angleterre à partir du début du XXe siècle ; elle laisse pourrir la crise des Balkans sous prétexte que ses « intérêts directs » ne sont pas menacés ; au bout du compte, l’Allemagne veut prendre sa place et l’explosion a lieu. Plus près de nous, c’est sans doute la plus grave erreur d’Obama qui a mis un mandat à se rendre compte que le retrait des États-Unis laissait toute grande la place à la Chine. L’Amérique (et le monde) en paieront peut-être le prix un jour en mer de Chine où il se passe des choses dont on ne parle pas en Europe, mais qui sont graves.

Ce n’est pas vous sans doute qui me direz le contraire : dans cette pré-campagne pour la présidentielle française de 2017, il est très peu question de retour d’expériences, de regards en arrière... en un mot d’Histoire. Est-ce que nos élites, nos hommes politiques ont perdu le « sens de l’Histoire » - et si oui est-ce que c’est manifestement néfaste au pays ? Question liée : on a pléthore de personnalités politiques qui vont prétendre à la charge suprême... mais a-t-on encore des hommes d’État, dans le lot ?

« Cessons de chercher à faire "parler les morts"

et écoutons plutôt ce qu’ils ont à nous dire »

Nos hommes politiques connaissent mal l’histoire. Il se contentent de faire « parler les morts » en en appelant à Jaurès, de Gaulle et quelques autres encore. Au lieu de cela, comme le dit si bien Michel de Jaeghere, ils feraient mieux d’écouter ce que les morts ont à leur dire. L’historien a sans doute sur ce point quelques conseils et éclairages à donner. À eux ensuite de bâtir un avenir sur ce passé qui parle. Mais c’est encore un autre sujet…

 

Thierry Lentz

 

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12 août 2015

Jean-Vincent Brisset : ’Lutter contre le terrorisme suppose la mise à plat de tous les circuits financiers’

J’ai le privilège de recevoir aujourd’hui dans les colonnes de Paroles d’Actu un grand connaisseur des affaires de défense et de relations internationales. Général de brigade aérienne en retraite, Jean-Vincent Brisset est depuis 2001 directeur de recherches à l’Institut de Relations internationales et stratégiques (IRIS). Il a accepté rapidement de donner suite à ma sollicitation, ce dont j’entends ici le remercier.

Il est question, dans cet entretien, de quelques uns des points chauds de l’actualité du moment : les rapports entre la France et la Russie ; les tensions entre la Chine et le Japon ; le casse-tête Daesh et la problématique de la nébuleuse terroriste, de plus en plus globalisée. Ses réponses me sont parvenues le 12 août, quatre jours après l’envoi de mes questions. Une lecture très enrichissante pour qui aurait le désir d’appréhender un petit peu mieux les réalités de notre monde. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Jean-Vincent Brisset : « Une lutte efficace contre le terrorisme

suppose la mise à plat de tous les circuits financiers »

 

Jean-Vincent Brisset

 

Paroles d'Actu : Bonjour Jean-Vincent Brisset. Vous avez exprimé à plusieurs reprises, ces derniers jours, disons, votre désapprobation quant à la manière dont l’affaire des Mistral initialement destinés à la Russie a été conduite par Paris. Est-ce que, de votre point de vue, s’agissant notamment des intérêts géopolitiques et économiques de notre pays, la diplomatie française est, pour parler trivialement, « à côté de la plaque » sur la question de la Russie ? Quelles relations avons-nous vocation à entretenir avec Moscou ; avec Kiev ?

 

Jean-Vincent Brisset : La diplomatie française a choisi de ne pas livrer les Mistral en se basant sur des sanctions contre la Russie justifiées par des violations du droit international. Il aurait pourtant été possible de procéder à cette livraison, en affirmant l’indépendance de la France sur ce dossier et en profitant du créneau ouvert par la conclusion des accords de Minsk II. En ne le faisant pas, Paris s’est délibérément placé en position de dépendance vis-à-vis des États-Unis et a, une fois de plus, affadi l’image du pays sur la scène internationale.

 

Plus globalement, le soutien sans restriction au régime ukrainien, dont il est nécessaire de rappeler qu’il est issu d’un coup d’État, méconnaît la présence au sein des instances dirigeantes de personnages qui, en d’autres circonstances, seraient infréquentables. On se souvient de la vertueuse indignation de l’Europe après l’élection de Jörg Haider en Autriche. Les unités combattantes non régulières qui secondent, et parfois précèdent, les forces de Kiev sont souvent aussi peu recommandables. Le fait de considérer que les seules vraies frontières de l’Ukraine sont celles de 1954 et qu’elles ne sont pas discutables relève davantage du dogmatisme que d’une analyse simple de l’histoire d’une nation dont la géométrie a beaucoup varié au cours des siècles. De son côté, la Russie, en pleine phase de reconstruction nationale et de tentative de retour à la puissance passée, a utilisé des méthodes qui ont attiré la stigmatisation.

 

Pour aller plus loin, deux questions se posent. La première est celle de l’intérêt de la France (et de l’Europe) à intégrer l’Ukraine dans l’Union et, allant plus loin, dans un dispositif militaire. Quel serait le bénéfice, sachant que ce pays ne remplit pratiquement aucun des critères permettant une telle adhésion ? La seconde est celle de la relation avec la Russie. L’Europe de l’Atlantique à l’Oural est tout aussi irréaliste que celle de l’Ukraine membre de l’UE. Mais, sans aller jusqu’à une union, la mise en place de bonnes relations avec Moscou, basées sur la confiance, la vision à long terme et la complémentarité ne pourrait qu’être bénéficiaire pour l’Europe et lui permettraient de bénéficier d’un contrepoids vis à vis des États-Unis. On constate d’ailleurs, jour après jour, que les sanctions décidées contre la Russie pénalisent surtout les Européens, à un tel point qu’on en vient à se demander si les seuls bénéficiaires ne sont pas les États-Unis.

 

PdA : Les pulsions nationalistes qui, de temps à autre, paraissent s’exprimer dans la Russie de Poutine sont sans doute, pour partie, la marque du sursaut d’orgueil d’un grand peuple qui, après avoir été une superpuissance mondiale incontestée, a connu le démembrement de son empire, vécu le chaos intérieur et subi, au-dehors, des humiliations souvent favorisées par l’inconséquence de certaines prises de position occidentales. Ceci dit, ne nourrissez-vous pas quelques préoccupations quant aux mouvements qui sous-tendent la rhétorique du Kremlin ? La Russie ne risque-t-elle pas de tendre à redevenir, à l’instar de Washington, une puissance potentiellement déstabilisatrice des équilibres régionaux ?

 

J.-V.B. : La Russie, c’est certain, aspire à redevenir une très grande puissance dans tous les domaines. En dehors de toute considération de déstabilisation, c’est déjà cette volonté qui inquiète. Ceux qui, aux États-Unis, font tout pour que ces aspirations n’aboutissent pas imaginent un vaste ensemble où une Russie forte pourrait s’appuyer à la fois sur une Europe forte et indépendante et sur ses partenaires des BRICS (le club des grandes puissances émergentes qui comprend, outre la Russie, le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, ndlr). Ce qui se traduirait bien sûr par un affaiblissement relatif de la position des États-Unis.

 

« L’OTAN verse au moins autant

dans la provocation que Moscou »

 

Pour en revenir à la déstabilisation, il est évident que l’exemple donné en Ukraine, dans le cadre du soutien aux rebelles du Donbass, plaide contre Moscou. Certains pays ayant autrefois appartenu au Pacte de Varsovie agitent régulièrement l’épouvantail, soutenus en cela par les plus bellicistes de l’OTAN. À ce jour, pourtant, les mouvements de troupes se font plutôt de l’Ouest vers l’Est que dans l’autre sens. Là aussi, Moscou balance entre le laisser-faire et la tentation de réagir. Les missions aériennes qui, régulièrement, s’enfoncent au cœur de pays de l’OTAN en écornant leurs espaces aériens sont avant tout des démonstrations assez impressionnantes d’une vraie capacité opérationnelle dont on disait, il y a encore peu, qu’elle avait disparu à la dissolution de l’armée soviétique. Cependant, en faire une provocation relève bien plus de la communication, laquelle oublie de signaler que les avions de l’OTAN effectuent tout aussi régulièrement des missions symétriques.

 

PdA : Interrogé en septembre 2014 par un journaliste d’Atlantico au sujet du groupuscule terroriste qu’on appelle désormais communément « Daesh », vous avez préféré à la notion d’« État islamique » celle, alors plus proche de la réalité de terrain, de « légion islamique ». Où en est-on, onze mois après ? L’organisation « État islamique » est-elle, de facto, en passe d’en devenir un (si tel n’est déjà le cas) ?

 

J.-V.B. : Comme je l’avais dit en 2014, le refus de considérer l’« État islamique » (ou d’utiliser la prononciation arabe de son acronyme) comme un État - au sens dÉtat-nation - vient de ce que cette dernière appellation répond à des critères assez universellement admis. L’organisation qui se baptise « État islamique » ne répond pas à ces critères. Pas de gouvernement identifiable, pas de base législative, pas de territoire… En quelques mois, l’E.I. n’a pas réussi à atteindre le but qu’il s’était fixé : mettre en place des institutions répondant à ces critères.

 

Les derniers développements des opérations semblent conduire vers une évolution assez caractéristique. Les territoires contrôlés il y a encore quelques mois sont de moins en moins contigus et les opérations militaires classiques et frontales sont de plus en plus remplacées par des attentats suicide. La volonté de s’exporter ou, plutôt, d’exporter d’abord le terrorisme et accessoirement un certain fondamentalisme, vers l’Afghanistan et encore plus loin en Asie et en Afrique, plaide en faveur de l’appellation de « mouvement » plus que de celle d’« État ».

 

PdA : L’accord qui a été conclu à la mi-juillet à propos du nucléaire iranien rendra à Téhéran de son poids et de sa capacité d’influence dans la région. N’est-il pas à craindre que, dans un contexte de tensions communautaires exacerbées, une part croissante des Sunnites de Syrie et d’Irak assistant au renforcement du « croissant chiite » soit tentée de se soumettre au règne et à la règle de Daesh ?

 

J.-V.B. : Cet accord comporte un volet sur le nucléaire, mais il a surtout pour conséquence de permettre à l’Iran de sortir de l’enfermement auquel une partie de la communauté internationale, sous la pression d’un intense lobbying, l’avait soumis. Entre la volonté prosélyte qui, il ne faut pas en douter, ne s’est pas éteinte et l’espoir de redevenir un pays fréquentable, respectable et ouvert au monde, les divisions perdurent certainement au sein même du pouvoir iranien. Pour le moment, les tenants d’une certaine ouverture sont aux commandes, mais ils doivent déjà faire des concessions. Ils seront soutenus par la classe dirigeante tant que celle-ci considérera que les concessions faites sont payantes et que les autres parties prenantes aux accords ne trahissent pas la confiance qu’elle leur a faite.

 

De leur côté, les adversaires de cet accord feront tout pour que la population iranienne soit persuadée qu’elle a été trompée. Pour cela, ils multiplieront les « révélations » et les provocations pour provoquer un retour, sinon de sanctions effectives, du moins de menaces. Si cela conduit à un retour de la radicalisation de Téhéran et à la reprise des vieux discours sans que la remontée en puissance de l’Iran ne soit remise en cause, les Sunnites de Syrie et d’Irak pourraient se sentir à nouveau menacés et se retourner vers un « bouclier » sunnite qui pourrait être l’État islamique, mais aussi bien certains mouvements à peine moins extrémistes.

 

PdA : Quelle évolution entrevoyez-vous à l’horizon de cinq années s’agissant d’une question que vous connaissez particulièrement bien, celle des relations entre les deux grandes puissances est-asiatiques rivales que sont la Chine et le Japon ?

 

J.-V.B. : Les rapports actuels entre la Chine et le Japon sont en grande partie gouvernés par deux faits. Le premier est, au niveau des opinions publiques et des inconscients, l’animosité entre Japonais et Chinois. Fruit de siècles de conflits et de rancœurs, elle perdure. Le gouvernement chinois ne fait rien pour l’apaiser et l’attise même parfois quand il est en difficulté, le « Japan bashing » étant l’une des choses qui marche le mieux pour ressouder l’opinion publique chinoise derrière ses dirigeants. De leur côté, les dirigeants japonais doivent composer avec une population qui regrette de plus en plus ouvertement que la défaite de 1945 ait condamné le pays à tenir une place de second rang sur la scène internationale. Le Premier Ministre actuel a été élu sur un programme de « renforcement » et peut donc se permettre à la fois des actions en profondeur sur le plan de la remise à niveau de l’outil militaire et des démonstrations symboliques, comme les traditionnels hommages rendus à d’anciens combattants dont certains ont été des criminels contre l’humanité. Mais, à côté de ces motifs de discorde, la Chine et le Japon sont condamnés à s’entendre parce que leurs économies sont fortement interdépendantes, de l’ordre de 300 milliards de dollars par an.

 

Les rivalités sur les Senkaku (des îles sous contrôle japonais revendiquées par le gouvernement de Pékin, ndlr) avaient dégradé les relations en 2013 et 2014. Les flux commerciaux, le tourisme les investissements avaient nettement baissé. La rencontre Xi-Abe de novembre 2014, longuement préparée des deux côtés, a fait baisser la tension pour quelques temps. Toutefois, le récent projet (juillet 2015) de modification des doctrines de défense du Japon provoque de nouvelles réactions violentes de Pékin. Alors que depuis 1945 la défense japonaise se limitait strictement à de l’autodéfense individuelle du territoire, Abe voudrait la faire passer à une auto défense collective, lui permettant d’intervenir au profit d’alliés ou des intérêts japonais hors du territoire national. Dans le même temps, les forces japonaises se dotent ou vont se doter de nouveaux matériels plus axés vers le combat loin de leurs bases. Les forces chinoises ne sont pas en reste, avec, chaque année depuis quinze ans, le plus fort, dans le monde, des taux d’accroissement annuel des budgets de défense.

 

« Une implosion de la Chine n’est pas à exclure »

 

À l’horizon de cinq années, il est difficile d’imaginer un conflit frontal et délibéré entre les deux puissances. Par contre, comme en Mer de Chine du Sud, un incident n’est jamais à exclure. Un incident qui pourrait dégénérer rapidement s’il provoquait un nombre relativement important de victimes ou si des moyens lourds étaient impliqués, directement ou indirectement. On peut aussi craindre, sans doute à un peu plus long terme, l’implosion d’une Chine dont l’économie trop dépendante du monde extérieur est terriblement fragile et inégalitaire. Outre les retombées économiques et sociologiques sur le reste du monde, une telle implosion pourrait donner aux dirigeants l’envie de ressouder le pays dans une aventure nationaliste (le « coup des Malouines ») qui pourrait prendre la forme d’une attaque du Japon et/ou d’une reconquête de Taïwan.

 

PdA : Vous « pratiquez » et « pensez », Jean-Vincent Brisset, les sujets de défense et de sécurité depuis de nombreuses années. Qu’est-ce qui vous inquiète réellement dans le monde d’aujourd’hui ; dans sa trajectoire telle qu’on peut l’envisager ?

 

J.-V.B. : Sur le plan de la défense et de la sécurité, le premier danger auquel on pense est celui lié au fondamentalisme islamique, mais aussi à tout ce qui lui est périphérique, c’est-à-dire une éventuelle confrontation de grande ampleur entre les tendances antagonistes à l’intérieur de l’Islam. On voit déjà l’État islamique tenter de s’exporter, alors que l’on sait qu’il y a des centaines de millions de musulmans en dehors du croissant qui s’étend du Maroc à l’Iran et que certaines communautés sont sensibles, tant en Afrique subsaharienne qu’en Asie.

 

Mais plus que les conflits directement liés à une certaine vision de l’Islam, je crains les « spin-off » des groupes terroristes « idéologico-religieux » et leurs dérives vers le très grand banditisme. Les frontières entre les mouvements prêchant une « foi » et les exactions telles que piraterie, culture et trafic de drogue, prises d’otages à but lucratif et autres contrebandes de pétrole sont de moins en moins nettes. Les réponses données actuellement sont essentiellement militaires, sans doute parce que, c’est ce qui demande le moins de courage aux politiques et qui gêne le moins les groupes de pression. Même si elles sont encore soutenues par les opinions publiques, ces réponses sont devenues totalement utopiques.

 

On ne contrôle pas trois millions de km² de Sahel avec quelques milliers d’hommes et quelques avions. Ceci est d’autant plus vrai que les combattants des démocraties, c’est leur honneur mais c’est surtout leur faiblesse, ont des possibilités d’action très limitées par rapport à des adversaires qui - eux - ont dans leur boîte à outils toute la panoplie de la terreur. Une bonne partie de la solution consisterait à détruire les circuits financiers qui alimentent et récompensent les adversaires. Contrairement à l’envoi de troupes, cela demande beaucoup de courage politique et provoquerait certainement des cataclysmes internes dans beaucoup de pays. Il faudrait aussi que cette mise à plat des circuits financiers soit imposée à tous les pays. On imagine la difficulté de l’affaire.

 

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Vous pouvez retrouver Jean-Vincent Brisset...

9 septembre 2014

Thierry Lentz : "L'inconstance diplomatique de Napoléon l'a perdu"

J'ai la joie et le privilège d'accueillir pour la troisième fois Monsieur Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, dans les colonnes de Paroles d'Actu. Notre premier entretien, daté d'août 2013, eut pour objet principal un événement marquant du 20e siècle : l'assassinat de John Kennedy. Le second, publié quatre mois plus tard, fut une occasion passionnante d'évoquer cette figure dont l'étude lui est si chère : celle de Bonaparte. Il a accepté - et je l'en remercie ! - de répondre à nouveau à quelques questions touchant à la carrière et à l'époque de celui qui fut le premier « empereur des Français ». Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

THIERRY LENTZ

Directeur de la Fondation Napoléon

 

« L'inconstance diplomatique

de Napoléon l'a perdu »

 

Waterloo

La Bataille de Waterloo, 18 juin 1815

(Clément-Auguste Andrieux)

 

Q. : 08/09/14 ; R. : 09/09/14

  

Paroles d'Actu : Bonjour, Thierry Lentz. Lorsqu'il revient aux affaires, en 1815, Napoléon paraît enclin à s'adapter aux nouvelles dispositions du pays : il affirme qu'il veut la paix, qu'il ne rejettera pas la Charte en bloc.

Que sait-on de ce qu'étaient, alors, ses projets ?

 

Thierry Lentz : Lorsque Napoléon revient de l’île d’Elbe, il est confronté à d’immenses difficultés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. En France même, contrairement à ce qu’on croit généralement, la première restauration n’a pas été un échec sur le plan politique et institutionnel, pas plus d’ailleurs qu’en politique étrangère, où Talleyrand, puis Louis XVIII, ont su redonner à leur pays une place de choix dans le concert européen en reconstruction.

 

Le premier problème qui se pose à l’empereur est la Charte. Même « octroyée » par le roi, elle constituait une avancée non négligeable vers une sorte de régime libéral, « à l’anglaise », comme on disait alors. Napoléon sent bien qu’il ne peut faire comme si cette constitution n’avait pas existé. Il est donc contraint à son tour de concéder le fameux « Acte additionnel » aux constitutions de l’Empire, dont une partie est rédigée par un de ses adversaires de toujours, Benjamin Constant.

 

Même si les bonapartistes feront grand cas de cet amendement aux constitutions de l’an VIII et de l’an XII, Napoléon n’est pas à l’aise avec celui-ci. Cet homme n’est pas celui de la négociation parlementaire, ni même de la moindre opposition aux projets de l’exécutif. Se débarrasser des aspects les plus contraignants de l’Acte additionnel était sans doute un de ses projets, s’il avait réussi à obtenir la paix de l’Europe.

 

Et c’est là son second problème majeur. Son retour a surpris ses anciens vainqueurs, alors réunis à Vienne. Sous l’impulsion de Talleyrand, ils se sont vite repris et ont signé plusieurs traités visant à la fois à mettre fin à ce qu’ils appellent « l’aventure » et à ne jamais accepter de paix séparée avec Napoléon. Et de fait, pendant toute la durée des Cent-Jours, ils n’auront pas le moindre contact avec lui.

 

Partant de ces deux constats, l’épisode de la campagne de Belgique, qui se termine par le désastre de Waterloo (18 juin 1815), se comprend mieux. Si Napoléon prend l’offensive alors qu’il n’est pas prêt, ça n’est pas pour vaincre avec ses maigres moyens le million d’hommes que les Alliés ont mis en marche, mais c’est pour frapper les esprits par une grande victoire, afin de négocier à l’extérieur et de reprendre les chambres en main à l’intérieur.

 

PdA : Lors de notre interview du mois de décembre, vous aviez notamment évoqué l'échec de Napoléon à bâtir et viabiliser une tierce Allemagne (la Confédération du Rhin) qui eût été résolument indépendante de Vienne et de Berlin - sinon de Paris. « Le retour à l'incertaine bascule entre l'Autriche et la Prusse », affirmiez-vous, « allait s'avérer, à long terme, une calamité pour le continent. » J'aimerais vous inviter à expliciter ce point, à aller plus loin dans la réflexion. Le premier des Napoléon, en molestant les patriotismes, a excité les nationalismes ; le troisième, en cherchant à accompagner leur émergence, a mis à mal l'équilibre européen tel qu'issu du Congrès de Vienne.

Quelle responsabilité prêtez-vous aux deux Napoléon s'agissant de l'unification allemande autour de la Prusse, le plus acharné de nos adversaires de l'Histoire contemporaine et, sans doute, celui qui a fait connaître ses plus grands périls au continent européen durant cette époque ?

 

T.L. : Il est vrai que j'avais déjà développé ce point, la dernière fois, à propos du premier Napoléon.

 

Napoléon manqua avec les États allemands une alliance stratégique, en raison d’une sorte de préjugé qui voulait que la France soit plus forte contre l’Autriche ou la Prusse si l’Allemagne restait divisée. Mais ce qui était vrai en un temps où aucune force n’était en mesure de fédérer la « tierce Allemagne », l’était moins lorsque la France dominait à ce point l’Europe. Napoléon aurait pu créer puis soutenir une entité politique solide dans la partie sud de l’espace germanique, avec les États les plus ouverts à l’influence française : Bavière, Bade, Wurtemberg, les deux Hesse, voire la Saxe. Il eût fallu pour cela assigner des buts finis au système napoléonien et avoir une vision de l’Europe future. Napoléon n’avait pas clairement cette vision et c’est pourquoi il ne s’éloigna pas des traditions diplomatiques, alors même que les États qui auraient pu constituer le socle d’un accord de grande ampleur ne demandaient qu’à se rapprocher de lui.

Leur premier objectif était de se débarrasser du Saint-Empire, ressenti comme un obstacle à leur indépendance. Mais l’empereur ne sut pas approfondir les rapprochements franco-allemands. Il voulut seulement les mettre au service de ses propres desseins. Le renoncement à la couronne impériale par François d’Autriche (1806) permit pourtant une redistribution des cartes : Vienne était exclue de l’Allemagne, avec la complicité des États moyens. C’est alors que Napoléon tenta d’organiser la coopération au sein de la Confédération du Rhin créée par le traité du 12 juillet 1806. Elle compta une quarantaine d’adhérents autour de la France. L’empereur en était le « protecteur ». Les premiers fruits de l’accord furent récoltés sur le terrain de la guerre franco-prussienne (1806) et de la paix de Tilsit (1807) : après avoir confiné l’Autriche au sud, l’empereur des Français rejeta la Prusse vers le nord. 

Un espace politique et géographique s’ouvrait. Il aurait fallu l’occuper et en renforcer les composantes. On put le croire avec cette Confédération, dont le texte fondateur prévoyait des institutions politiques communes : l’archevêque de Mayence, Dalberg, fut désigné prince-primat et président d’un « collège des rois », d’une diète confédérale qui aurait dû s’assembler à Mayence… mais ne fut jamais réunie. La Confédération du Rhin ne fut qu’un outil militaire, permettant certes aux alliés de se protéger les uns les autres mais servant surtout à appuyer les projets napoléoniens : il y eut environ 125 000 Allemands dans la Grande Armée de 1812. L’historien Michel Kerautret a pertinemment comparé ce montage à l’Otan. Les autres domaines de coopération restèrent du ressort des relations bilatérales, ce qui avec l’empereur des Français était synonyme de dialogue entre fort et faible.

Finalement, Napoléon se servit surtout de la Confédération du Rhin pour maintenir la division de l’Allemagne, désormais sous autorité française, et non tenter une « union » politique autour de la France. La dureté des règles du Blocus continental, le favoritisme commercial, les tentatives d’imposer des solutions juridiques et administratives auxquelles toutes les élites allemandes n’étaient pas favorables, le mépris manifesté aux princes confédérés n’étaient sans doute pas de bonne politique pour souder la tierce Allemagne à la France. L’effondrement de l’Allemagne « napoléonienne » en 1813, le retour à l’incertaine bascule entre l’Autriche et la Prusse allaient s’avérer à long terme une calamité pour le continent. En ayant sanctionné aussi durement la Prusse après 1806 et en ayant manqué l’Allemagne, Napoléon en porte une part de responsabilité.

Source : http://parolesdactu.canalblog.com/archives/2013/12/28/28736160.html, décembre 2013.

 

Ce qui suivit est une histoire qui ne concerne qu’indirectement la France. Son tort fut de rester seulement observatrice – mais pouvait-elle faire autrement ? - de la montée en puissance de la Prusse. Elle ne réagit que lorsqu’il fut trop tard, après la défaite autrichienne de Sadowa (1866).

 

Quoi qu’on puisse penser des qualités personnelles de Napoléon III, sa politique allemande fut inepte. Il se laissa entraîner sur la pente de ce qu’il croyait être une diplomatie « savante », avec le fameux épisode des « pourboires », et ne réussit qu’à se couper de l’Angleterre (qui faisait alors la pluie et le beau temps dans le monde) pour finalement se retrouver seul face à la Prusse et aux États allemands. Il était l’empereur et est donc le premier responsable de la catastrophe.

 

PdA : L'historien n'a évidemment pas vocation à être un moraliste, et il est toujours plus aisé, forcément, de jauger les arguments, de juger les décisions après coup. Cela dit, quelles ont été, à votre sens, les erreurs les plus graves et lourdes de conséquences qu'a commises Napoléon ?

 

T.L. : La question est trop vaste pour qu’on puisse y répondre brièvement. Pour résumer, l’échec de Napoléon vient de sa politique étrangère, qui était une politique de rapports de force, presque jamais de collaboration. On vient d’en donner l’exemple avec l’Allemagne, mais on pourrait les multiplier. Vainqueur, il n’a jamais su négocier des paix qui n’étaient pas des punitions, alliant l’abaissement du vaincu et les avantages léonins pour l’Empire.

 

Certes, sa politique est plus complexe qu’on ne le croit généralement. Dire qu’il était seulement un conquérant est insuffisant, de même que tout ramener à une continuation de la lutte entre l’Ancien Régime et la Révolution. Il faut ajouter à l’analyse l’incontestable persistance des données permanentes des relations internationales en Europe : nécessité pour la Russie de se positionner dans le concert européen, pour la Prusse d’asseoir sa place dans l’ensemble germanique, pour l’Autriche de l’en empêcher, pour l’Empire ottoman de survivre, etc...

 

On rappellera aussi que l’épisode napoléonien s’inscrivit dans le cadre d’une seconde « guerre de Cent Ans » entre la France et l’Angleterre, commencée sous Louis XIV et achevée à Waterloo, affrontement entre « l’équilibre », cher aux Britanniques (l’Europe est constituée de puissances moyennes qui se neutralisent), et le « système » (l’Europe s’organise autour d’une ou deux puissances majeures).

 

On peut le démontrer par l’absurde : la grande coalition anti-napoléonienne de 1814 mit quatorze ans à se constituer, ce qui montre qu’avant cela, la prépondérance française convenait à nombre d’acteurs, qui comptaient en profiter pour asseoir leur propre position. Ceci n’empêche pas de considérer que les choix stratégiques de Napoléon furent discutables et, au final, fautifs… puisqu’il chuta et, avec lui, la domination française sur le continent.

 

À sa décharge, on dira que l’empereur des Français tenta l’unification continentale avec les méthodes de son temps. Il installa la prépondérance française, parfois certes avec le soutien de la frange « éclairée » des pays bouleversés, mais toujours par le jeu de la force militaire et la contrainte. « La France avant tout », écrivait-il. Autour de cette maxime, il avança en opportuniste, n’ayant pas, au fond, de projet défini.

 

Il parlait de son « système » sans jamais dire ce qu’il était et où il s’arrêterait. Il n’y a rien de moins compatible avec la vie internationale que de laisser ses rivaux et ses alliés dans une telle incertitude. Pour dire les choses trivialement, il voulut courir tous les lièvres à la fois, changeant souvent d’ambition et modifiant ses alliances-pivôt au gré de ses besoins : l’Espagne jusqu’en 1808, la Russie à partir de 1807, l’Autriche après 1810.

 

PdA : Après lui, de nombreuses autres années et expériences ont été nécessaires à la France pour se façonner un régime qui sache marier valeurs de la Révolution et maintien de l'ordre, libertés publiques avancées et État fort. La République elle-même a, dans l'histoire de son développement, dans le détail de son organisation, connu pas mal de zones de turbulences avant de s'établir.

Est-ce que, pour vous, la République telle que voulue et dessinée par De Gaulle à partir de 1958 constitue, sur le papier en tout cas (j'insiste sur ce point, surtout en ce moment), une bonne synthèse ; le régime qui, tout bien pesé, sied à la France ? Quels amendements lui apporteriez-vous ?

 

T.L. : Je ne suis pas légitime à donner un avis sur la situation actuelle autrement qu’au titre d’observateur et de citoyen. Sur le plan institutionnel, je considère que les institutions de la Ve République sont excellentes, à ceci près que le quinquennat les a affaiblies. Le président n’est plus un arbitre fort, dans ce schéma, il est le véritable chef du gouvernement et celui de la majorité parlementaire.

 

Nous subirons encore longtemps les inconvénients de la réforme voulue par Jacques Chirac pour son confort personnel et en vue d’obtenir un second mandat. Pour le reste, le citoyen que je suis ne peut être que désappointé par ce que les circonstances et les hommes, je veux parler des deux derniers présidents, ont fait de la fonction présidentielle. Aucun des deux n’a compris que le président de la République est, si j’ose dire, le « roi de France ».

 

Puisque vous me posez la question, l’amendement que je ferais à l’actuelle constitution serait de rétablir le septennat. Mais vous avez compris que c’est impossible, parce que ça n’est plus à la « mode ». Partant, je ne serais pas étonné que nous allions droit à la crise de régime, et que les apprentis-sorciers qui parlent de « VIe République » - sans jamais nous dire ce qu’ils y mettent - ne soient dominants au moment où il faudra trancher. Mais je ne veux pas aller plus loin dans le commentaire.

 

PdA : Voyez-vous dans l'histoire napoléonienne quelques leçons qu'il conviendrait de tirer et qui, à votre avis, mériteraient d'être énoncées aujourd'hui, au regard de telle ou telle question de politique intérieure, de telle ou telle affaire touchant aux relations internationales ?

 

T.L. : Là aussi, vaste sujet. Napoléon a régné il y a deux cents ans… Il n’a certes pas été le champion des libertés individuelles et là, il ne nous aide guère. Mais il n’en a pas moins donné un « style » qui pourrait inspirer : volonté, travail, courage. Il a légué des principes : unité nationale, respect de l’État, ordre et application de la loi, qui est rare et claire. Vous le voyez, c’était vraiment il y a deux cents ans !

 

PdA : Quels sont vos projets pour la suite, Thierry Lentz ?

 

T.L. : Mon prochain ouvrage, sur la campagne et la bataille de Waterloo, devrait être en librairie fin janvier 2015.

 

PdA : Merci infiniment !

 

Thierry Lentz

 

 

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