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Paroles d'Actu
15 avril 2013

Lionel Dutemple : "J'aimerais faire un film des Guignols pour le ciné..."

   Les Guignols... On est des millions à les suivre chaque soir, à rire du regard qu'ils portent sur l'actualité du moment. Mais savez-vous qui se cache derrière vos personnages préférés ? Après l'interview d'Alain Duverne, maman de centaines de marionnettes depuis sa rencontre avec Alain de Greef, Paroles d'Actu vous propose un entretien avec Lionel Dutemple. Depuis 2000, il fait partie du cerle très fermé des auteurs des Guignols.

   Il a accepté d'évoquer pour nous les coulisses de l'émission, ses relations avec le monde politique et l'équipe du Grand journal... Et, quelques jours après la diffusion de sketchs controversés en réaction aux drames Koh-Lanta, il expose sans langue de bois ses conceptions de l'humour, de ce qui est ou n'est pas moral. Je le remercie pour le temps qu'il a bien voulu m'accorder. Bonne lecture ! Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

LIONEL DUTEMPLE

 

« J'aimerais faire un film

des Guignols pour le ciné... »

 

Auteurs des Guignols

(Photo fournie par Lionel Dutemple, éditée par Paroles d'Actu.

De g. à d. : Lionel Dutemple, Julien Hervé, Philippe Mechelen, Benjamin Morgaine)

 

Q. : 29/03/13 ; R. : 13/04/13

 

Avant de lire cette interview, j'aimerais dire ce mot aux éventuels lecteurs : parler sérieusement de l'humour, c'est un exercice compliqué. Tout ce qu'on fait aux Guignols, avant toute chose, c'est essayer de faire rire. Tout ce qui est dit autour est secondaire. (Note préliminaire, signée Lionel Dutemple)

 

Paroles d'Actu : Bonjour Lionel Dutemple. Vous faites partie de l'équipe des auteurs des Guignols depuis 2000. Racontez-nous... comment est-ce que tout a commencé ?

 

Lionel Dutemple : Alors que j'écrivais sur la sérié H, j'ai été recruté avec Ahmed Hamidi et Julien Hervé par Canalidée, une structure mise en place à Canal à l'époque pour chercher de nouveaux talents, que ce soit en animation, en tant qu'auteurs, comiques, realisateurs, etc... Ils cherchaient de jeunes auteurs pour Nulle part ailleurs. Après un an passé à écrire pour Nagui, le Jamel Show, le Visiophon (ancêtre du SAV) et les Césars, Bruno Gaccio a pensé à nous pour succéder à Franck Magnier et Alexandre Charlot, qui quittaient alors l'équipe des Guignols.

 

Gaccio travaillait dans le même bureau que nous durant cette première année, il assistait à nos débordements, crises d'hystérie, jeux idiots dans les couloirs... Et au lieu d'être saoulé, il nous a pris sous son aile.

 

PdA : On est des millions à rire grâce à vous chaque soir, mais finalement, on ne vous connaît que très, très peu... Et si vous nous parliez de vous, de votre équipe, de votre organisation ?

 

L.D. : Nous sommes avant tout une bande de copains. Julien, Philippe, Benjamin et moi ne faisons pas que bosser ensemble sur les Guignols. Nous bossons sur d'autres projets, et nous partons même en vacances ensemble ! C'est un drôle de métier, auteur des Guignols. Nous nous retrouvons chaque jour pour dire des conneries, ce qui pourrait apparemment ne pas vraiment passer pour un travail. Mais nous disons des conneries avec sérieux et réflexions, ce qui fait la force des Guignols. Nous nous attachons autant à la forme qu'au fond.

  

PdA : À quoi ressemblerait, si vous deviez nous la décrire heure par heure, votre journée-type, un jour d'émission ?

 

L.D. : Perso, j'écoute les infos et lis le journal chez moi jusqu'à 8h30-9h00, puis je me rends au bureau. Le matin, on parle entre nous de l'actu du jour, des conneries qu'on a vues à la téloche, au ciné, en soirée, avec en fond les chaînes infos en boucle. Si on a quelques idées matinales, on les note, mais en général on attaque l'écriture vers 13H00, quand on a des idées !

 

Il faut rendre le texte vers 16H30. On relit alors en compagnie du directeur artistique, d'un marionnettiste, et on corrige les défauts éventuels du JT. Certains soirs, on écrit également les séries, qui sont les sketchs tournés en extérieur et qui ne sont pas en direct. Il en faut quatre nouveaux par semaine. Mais les Guignols ne s'arrêtent pas vraiment le reste du temps, on est toujours à l'affût d'une connerie... Ça m'arrive de me relever la nuit et de noter une idée.

 

PdA : Une séquence que j'aime particulièrement, celle du "film". Parfois, ce sont des chansons, souvent très réussies et qui feront immanquablement le buzz. (Je pense à Désolé, à Rappelle Sarkozy, à À l'UMP y'a un groupe..., aux chansons de Carla Bruni...) Comment ça se passe, l'élaboration et le tournage d'une telle séquence ? Peut-être accepteriez-vous d'en illustrer le récit, en en prenant une pour exemple ?

 

L.D. : Le texte est écrit sur la base d'une de nos idées ou de celles d'un auteur extérieur, qui sont au nombre de trois : Ludovic Bruneau, Patrick Lhonoré et Yvan Longuet. Vous dire comment une idée naît, c'est comme essayer d'expliquer le Big bang. Une idée drôle, ça vient, c'est tout. Une idée pas drôle, ça vient souvent aussi, mais celle là, on essaye de pas s'en servir ! :)

 

Une fois le sketch écrit, dans ce cas-là, une parodie de chanson, on le lit à un réalisateur, qui va le réaliser avec trois autres sketchs, et cela en moins de trois semaines. Une semaine de préparation, où le réalisateur fait son découpage, où nos équipes cherchent ou construisent un décor. On enregistre les voix des imitateurs. Les maquilleuses et habilleuses, les documentalistes s'occupent de rassembler l'ensemble des marionnettes pour qu'elles soient le plus raccord aux personnages existants. Une semaine de tournage, où un sketch est tourné en une journée en général. Pour un clip, ça peut aller jusqu'à deux jours. Une semaine de montage, enfin, on les visionne et on corrige d'éventuels défauts ou lenteurs.

 

PdA : Je suis impressionné par votre capacité à créer chaque jour presque dix minutes de sketchs totalement inédits. J'imagine la pression que cela doit représenter, la terreur de la page blanche que chacun pourrait ressentir dans de telles conditions... Est-ce que ça vous arrive, ou pas du tout ?

 

L.D. : Non. Ça arrive d'être un peu pressé par le temps, mais en douze ans de Guignols, soit environ 3 000 JT (putain de merde, j'en ai pas marre ???), il y a toujours quelque chose qui a fini par sortir, donc pas d'inquiétude. L'inquiétude, on l'a plus sur des périodes longues, si on trouve que ça ronronne, ou qu'on a pas été très bon pendant une semaine ou plus, là on se remet très vite en question, pour trouver des solutions...

  

PdA : Abordons maintenant deux critiques distinctes qui peuvent, de temps en temps, vous être faites...

 

Il arrive que certaines personnes soient, de bonne foi, parfois choquées par votre humour, jugé gratuitement méchant sur tel ou tel sketch. Très récemment, ce fut le cas à propos de votre réaction à la mort d'un jeune candidat de Koh-Lanta. Avez-vous des remords, des regrets à propos de certains sketchs ou traitements de personnages ? Quelles sont les limites que vous vous fixez ?

 

L.D. : Ce qui me choque (et attention, j'en dors très bien la nuit), c'est l'ensemble de cette vague de téléréalité où on est prêt à détruire la vie d'un inconnu pour faire des recettes publicitaires... deux morts en dix ans de téléréalité, c'est un miracle. Et on ne compte pas les tentatives de suicide, les dépressions, la descente aux enfers de 99% - ou à peu près - des candidats. Et je parle même pas de la morale de ces émissions inculquée aux plus jeunes : "le plus fort, le plus vicieux, le plus machiavélique" emporte les 50 000 euros promis au vainqueur, soit, 0,0000000001% des recettes publicitaires générées par ces vides cerveaux.

 

Sur Koh-Lanta, on a juste ri avec cette mécanique infernale qui brise la vie des candidats en reproduisant une de leurs séquences vedettes. Et c'est de l'humour, je rappelle ! L'humour, ça sert aussi à exorciser des peurs, des drames. Je ne suis pas sûr qu'un mort sur Koh-Lanta soit plus grave qu'un mort SDF, un mort syrien, un mort de... Si, y'a des catégories de morts plus cool que d'autres ???

 

Et puis, on ne sera jamais d'aussi mauvais goût que ce qu'on critique. D'après le Canard enchaîné, qui est l'une de nos sources préférées, car indépendante, Denis Brogniart, attention, accrochez vos ceintuires, aurait remis, en souvenir à la famille, un vase de sable de la plage où le pauvre gars est décédé, et... un totem d'immunité !!! C'est qui, les plus drôles ???

 

On rit de tout sous peine de ne rire de rien. C'est là aussi le prix de la liberté chèrement acquise par les anciens des Guignols. Si on se fixe une limite, on est foutu. La seule limite que l'on ait, c'est de ne pas parler de vie privée. On ne parle pas non plus des rumeurs, on attend que l'information sorte pour en parler. On n'est pas des journalistes, mais des gagmen.

  

PdA : Alain Duverne, créateur des marionnettes des Guignols, me faisait part il y a quelques semaines de son admiration pour votre équipe d'auteurs, « bons, bûcheurs, acharnés », de son goût pour votre humour. Mais également de ses regrets quant à la ligne éditoriale, voire « politique », qui serait la vôtre lorsque vous vous engagez. Trop timide, trop « politiquement correct » face aux aberrations qui nous entourent.

Il pense que vous devriez employer vos talents à la mise à la lumière des « arthroses » de notre peuple et de notre société ; contribuer à élever le débat. Une idée, notamment : un spin-off dans lequel les leaders politiques guignolisés discuteraient autour d'un « monsieur ou d'une madame tout-le-monde en latex ». Qu'aimeriez-vous lui répondre ? C'est une idée qui pourrait vous intéresser ? Plus généralement, quelle conception vous faites-vous du "rôle" des Guignols ?

 

L.D. : Alain est un utopiste, un grand rêveur. C'est plus simple que ça en fait. On n'est pas là pour faire la morale, régler des comptes ou mener une guerre idéologique. On est là, tous les soirs à 19H52, pour divertir le public. On le fait d'une façon plutôt "intelligente", peut-être, puisqu'on cherche les travers de nos contemporains pour les caricaturer et que l'on cherche à savoir pourquoi telle ou tel personne a dit ça. Il y a une régle immuable pour tenter de trouver des idées : imaginer le pire. C'est ce qu'on fait, et malheureusement, on est souvent loin de la réalité.

 

Quand les équipes précédentes ont inventé la World Company, personne ne pensait alors que les grandes firmes, les grands financiers dirigeaient la planète. En imaginant une petite troupe d'hommes cyniques se partageant le pouvoir et les richesses de la planète, ils ne se doutaient pas qu'ils taperaient aussi juste. Et aujourd'hui, vingt ans après... C'est pire que ça !

 

PdA : Lors d'une interview accordée à Télé Câble Sat l'an dernier, vous déclariez que Nicolas Sarkozy « aurait adoré (vous) supprimer ». Avez-vous déjà reçu des réactions ouvertement exaspérées de la part de personnalités croquées, voire... subi des pressions ? (11/04/13)

 

L.D. : On ne subit aucune pression. S'il y en a, notre président Rodolphe Belmer (le patron de Canal, ndlr) ne nous en parle pas. Et honnêtement, les hommes politiques ont d'autres chats à fouetter que s'occuper d'une troupe de... bah, de guignols.

 

PdA : Parmi les personnages que vous égratignez - gentiment - en ce moment, Michel Denisot et Jean-Michel Aphatie. Franchement, où en sont vos relations avec l'équipe du Grand journal ? (13/04/13)

 

L.D. : Le Grand journal est traité de la même façon que les autres. S'il y a des choses qui nous amusent sur leur plateau, on n'hésite pas à en parler. De plus, on aime bien les marionnettes d'Aphatie et Denisot, donc, on ne se prive pas de les utiliser ! (13/04/13)

 

PdA : Quels ont été, jusqu'ici, vos moments les plus forts parmi ceux vécus avec les Guignols ? Ceux dont vous êtes le plus fier, parce que vous les trouvez franchement réussis, ou parce qu'ils sont devenus très populaires - ou les deux ?

 

L.D. : Ce dont je suis fier, c'est d'avoir fait perdurer cette machine de guerre que sont les Guignols. Je dirais que le plus dur, c'est aujourd'hui et demain, d'arriver à se renouveler sans cesse. Il y a quelques moments forts que j'ai vécus et que je trouve réussis. Supermenteur, le 11 septembre et notre traitement de Ben Laden, l'évolution et la transformation de Sarkozy, en fait, y'en a mille, et je vais pas vous faire un catalogue chiant de mes douze années ! Putain, j'ai la grosse tête !!!

 

PdA : Quels sont les réactions, les retours du public qui vous amusent, vous touchent le plus ?

 

L.D. : La réussite d'une blague, c'est quand les enfants en parlent à l'école, ou les gens au bureau. Entendre mes propres enfants reprendre des expressions des Guignols sans le faire exprès, ça me surprend toujours.

 

PdA : J'ai 28 ans. Je suis fan de l'émission depuis la présidentielle de 1995, j'avais 10 ans à l'époque. Et je vous suis resté fidèle depuis. Pour moi, et pour tous vos fans (et ils sont trèèès nombreux), pourriez-vous nous faire quelques révélations inédites, nous livrer quelques scoops à propos des Guignols ?

 

L.D. : Je crois qu'il n'y a rien de secret aux Guignols. On ne fréquente pas beaucoup le milieu des gens qu'on caricature, donc nos vies sont plutôt banales, en dehors du bureau.

 

PdA : Quels sont vos projets, vos rêves pour la suite ?

 

L.D. : J'aimerais qu'un film des Guignols voie le jour au cinéma. Et j'aimerais être de ceux qui vivront cette aventure.

 

PdA : Un message pour nos lecteurs ?

 

L.D. : J'ai été roux jusqu'à 18 ans, et j'ai survécu. Tout obstacle peut être vaincu à force de volonté. (bon, moi, c'est grâce à une teinture, mais bon... :) )

 

PdA : Un mot... pour quelqu'un en particulier ?

 

L.D. : François Hollande, si tu me lis : fais gaffe, t'as repris trente kilos depuis mai.

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, cher Lionel Dutemple ?

 

L.D. : À moi, rien, tout va bien. Je souhaite aux gens le bonheur. J'aimerais aussi que les guerres s'arrêtent. Que la faim dans le monde soit éradiquée. Que le PSG achète Ronaldo. Que j'arrête de faire des fautes d'orthographe à toutes mes phrases. Que les épisodes 7, 8 et 9 de Star Wars ne soient pas des navets. Que Bayrou devienne président. Bref, j'aimerais que des trucs impossibles, en fait (à part Ronaldo au PSG).

 

PdA : Une tribune libre. Pour conclure cet entretien comme bon vous semblera.

 

L.D. : J'aimerais que vous ne lisiez pas cette interview sur un iPad tout en regardant un épisode des Anges de la téléréalité.

 

PdA : Merci infiniment...

 

 

Une précision : J'aurais souhaité agrémenter ce texte de quelques liens vers des vidéos de l'émission (les chansons citées, notamment). Mais Canal les bloque systématiquement sur les réseaux sociaux, donc... Merci encore, cher Lionel Dutemple, pour vos réponses, très intéressantes. Pour votre enthousiasme, votre créativité... Longue vie aux Guignols ! Un commentaire ? Phil Defer

 

  

Les Guignols : le site web, la page Facebook...

 

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Présentation remaniée : 07/11/14.

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Commentaires
R
Les Guignols, avec une majuscule svp, devraient être reconnus d'utilité publique et à ce titre émarger au budget de la sécurité publique. Moi je suis un pas si jeune Guignol qui rigole au quotidien de vos conneries que jamais je n'ai cessé d'apprécier. Je pense que vous faites un boulot à la fois nécessaire et remarquable. Il n'y a pas à en douter les Guignols ont une influence en politique, c'est évident et c'est très bien qu'il en soit ainsi.<br /> <br /> Bravo donc à toute l'équipe qui mérite bien de la République et c'est tout à son honneur qu'elle se laisse décoiffer !
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D
Je pense que les guignoles font parties de notre culture et qu'ils nous offrent chaque soir un grand moment de franche rigolade et de relaxation sur ... ce qui nous fait gueuler et stresser au quotidien. <br /> <br /> Par contre j'aurais été curieux d'avoir eu une réponse à cette question : <br /> <br /> "A quel point ,pensez vous, les émissions des guignoles ont un impact sur nos décisions politiques?" <br /> <br /> En, effet, je ne pense pas que nos politiciens, n'en ont autant rien à faire car ils sont conscient du poids des guignoles dans l’électorat français !
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M
le problème c'est pas les auteurs mais le contraste entre la chaine "commerciale" et ce qui se dit aux guignols ...<br /> <br /> "Que Bayrou devienne président" ... et ceci est a l'image du reste mdrrrr
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J
Très drole cet auteur, ça se sent dans ses réponses!
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