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Paroles d'Actu
9 juin 2013

Bruno Gaccio : "Au bout de la route, la guerre..."

Les Guignols, une affaire de famille. Le papa s'appelle Alain de Greef. La maman, Alain Duverne. Des avant-gardistes. Ça va, ça va, je rigole, j'espère que Christine Boutin et ses followers ne viendront pas pourrir ma page. Revenons à nos mouflets... pardon, à nos moutons. Quelle place Bruno Gaccio occupe-t-il dans l'arbre ? J'aurais tendance à répondre : celle du grand frère. Il a appris la vie, transmis ses passions, son goût de la déconne et de la provoc', soufflé ses révoltes à ses petits frères et soeurs de latex... Il a quitté l'équipe en 2007, mais les personnages qu'il a façonnés avec les historiques de l'émission sont sous bonne garde, entre de bonnes mains. À la pointe de la fronde qui suivit l'éviction de Pierre Lescure par Jean-Marie Messier en 2002, Gaccio s'occupe désormais des fictions au sein d'un Canal apaisé. Embourgeoisé ? Non. Il n'a rien perdu de ses indignations. L'espoir de voir émerger un demain différent, plus lumineux, peut-être. Je le remercie d'avoir accepté de jouer le jeu, de s'être confié à moi, pour vous. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

BRUNO GACCIO

Directeur de La Fabrique, unité de fiction spéciale de Canal +

Co-fondateur du Collectif Roosevelt 2012

 

"Au bout de la route, la guerre..."

 

Bruno Gaccio

(Photo proposée à ma demande par Bruno Gaccio)

 

 

Q : 21/05/13

R : 07/06/13

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Bruno Gaccio. Vous avez été co-auteur des Guignols de 1992 à 2007. Quinze ans d'une collaboration mythique, qui aura marqué l'histoire de la télé. N'avez-vous jamais eu, après votre départ, l'envie, par gourmandise intellectuelle, par attachement à vos "bébés", de réintégrer l'équipe des Guignols ? Si demain, les auteurs vous demandaient de les rejoindre... ?

 

Bruno Gaccio : Alors les Guignols, déjà, c'est le bébé de De Greef. Il est celui qui a eu l'envie (parce que les droits des Spitting Image anglais lui étaient passés sous le nez). Ensuite, il s'est bien planté avec les premières équipes d'auteurs. Ils venaient de chez les Nuls et écrivaient comme pour des "humains", or, l'écriture pour marionnettes est spécifique, très spécifique. Puis il y a eu Delepine et Halin qui ont inventés le JT, puis ma pomme a rejoint le bureau. Ça, c'est pour la paternité.

 

Quant à retourner aux Guignols, non. Mais un jour j'ai fais un rêve débile : tous les auteurs mouraient et la chaîne en profitait pour arrêter l’émission avec enterrement de première classe et larmes de crocodiles, faux derches et là... Hop ! je sortais du bois et je disais : non, on arrête pas, je replonge et je reforme une équipe en deux jours ! personne n'osait m'arrêter et les Guignols continuaient ! en fait c'est dégueulasse ce rêve, je pense à la mort de mes potes et je me présente en héros sauveur. Je suis un bel enculé.

 

 

PdA : Votre liberté de ton, votre amour de la liberté d'expression, chacun les connaît. À plusieurs reprises, vous les avez couchées sur papier. Je citerai "Le Guignol et le magistrat", avec Philippe Bilger et sous la direction de Gilles Verlant, en 2005, et "Peut-on tout dire ?", avec Dieudonné, en 2010. Le règne du politiquement correct a-t-il atteint des niveaux que vous qualifieriez de préoccupants ? Devrait-on vraiment pouvoir tout dire ?

 

B.G. : Aujourd'hui, plus que jamais, on peut tout dire. Les canaux sont innombrables pour s'exprimer. Mais on est aussi dans un monde où personne n'a envie de dire quoi que ce soit pour ne pas perdre son job. La World company a gagné. Les 0,6% les plus riches de la planète cumulent 40% des richesses. 84 000 milliards de dollars. Les 70% les plus pauvres ont 7 400 milliards. S'il veulent manger tous les jours, ils doivent fermer leurs gueules. Les journalistes font partie des 70% les plus pauvres, ou bien des 30% de "bien nourris" qui sont complices consentants, ça explique la pensée unique qui se répand. On ne rééquilibrera pas. Et vous le constatez, je peux le dire : tout le monde s'en fout. Des économistes du monde entier, des prix Nobel (10 en tout), des anciens directeurs de banques universelles, des chefs d'états - tout sauf des marginaux - disent que le monde va dans le mur (Crise structurelle, global collapse et in fine, une guerre donc). Mais on continue d'avancer en sifflotant.

 

 

PdA : J'ai le souvenir d'un sketch fameux des Guignols dans lequel Pierre Lescure cherchait à expliquer à Alain de Greef (voir notre interview) les plans pharaoniques, globalisés de Messier, de Vivendi pour Canal. Il essayait de le rassurer, à la fin, en lui promettant que la chaîne garderait toujours l'esprit "famille" qui la caractérisait. Sur ce point, ils n'avaient pas l'air, l'un comme l'autre, d'être totalement convaincus... Qu'en est-il à ce jour ? Que reste-t-il de cet esprit "famille" ? L'"esprit Canal" est-il toujours vivant ? Regrettez-vous, au moins sur certains aspects, la chaîne des années 90 ?

 

B.G. : Je ne regrette rien. Canal est une grande chaîne, on y est libres (voir la réponse à la question précédente).

 

 

PdA : Vous occupez aujourd'hui une place importante au sein du département "fiction" de Canal. En quoi votre fonction consiste-t-elle ?

 

B.G. : Ma place au sein de Canal est très modeste. Mon rôle consiste à faire faire leur première oeuvre de fiction à des réalisateurs n'en ayant pas encore fait. Pareil pour les auteurs.

 

 

PdA : Qu'est-ce qui a été accompli jusqu'à présent sous votre responsabilité ? Quelles sont les fictions dont vous êtes le plus fier, celles que vous souhaiteriez que nos lecteurs découvrent ou redécouvrent à l'occasion ? Quels seront les nouveautés, les projets à suivre dans les prochains mois, les prochaines années ? Un scoop ou deux ? ;-)

 

B.G. : Trois films par an (télé... mais film quand même, on ne fait pas exprès d'être moins bon parce que c'est à la télé) depuis 7 ans. La série Hard (une comédie romantique qui se passe dans le monde du Porno) attaque sa troisième saison. C'est le scoop pour l'année prochaine.

 

 

PdA : Revenons au Bruno Gaccio citoyen. Vous avez participé à la fondation du collectif Roosevelt 2012 qui propose des solutions concrètes, anti-Monsieur-Sylvestre, pour sortir de la crise. Pourquoi cet engagement ? Avez-vous déjà été tenté par l'idée de vous lancer en politique pour porter vos convictions ? C'est quelque chose que vous excluez totalement ? ...

 

B.G. : Mon engagement dans Roosevelt 2012 est assez naturel. Je suis comme ça. Cynique parfois, désabusé souvent, pessimiste joyeux... Donc quand quelque chose me paraît "juste" et faisable, (le collectif, ça n'est pas du tout utopique, gauchiste, blabla, c'est concret les propositions attention) j'aide.

 

Là, je sers de tête de gondole. On me voit, je fais des prises de paroles publiques, ça m'amuse bien et j'essaye de faire bouger les lignes de quelques millimètres. On est reçu a l'Élysée, à Matignon, et pas qu'une fois. Je rencontre des députés, plein... et je me rends compte que souvent, ils n'ont pas plus de raisons d'être à leur place que je n'en aurais si je la voulais. Mais ils ne peuvent rien faire (député) ou ne veulent pas faire (Elysée/Matignon). Alors je redeviens désabusé. Puis, le lendemain, je croise des gens qui me disent "Merci de vous engager pour nous, nous on nous écoute pas, vous, si". Alors j'y retourne, pour ces naïfs là.

 

 

PdA : Quels sont vos envies, vos rêves pour la suite ?

 

B.G. : Mon problème principal est de n'avoir que peu d'envies et pas de rêves.

 

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, cher Bruno Gaccio ?

 

B.G. : D'avoir des envies et des rêves.

 

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci infiniment.

 

B.G. : Il me faudrait un livre pour dire ce que j'ai à ajouter. Juste une chose, pour parler du monde dans lequel on vit. Lorsque l'on veut se rendre à Marseille, on prend l'autoroute. Si on ne voit que des panneaux "Lille-Roubaix-Tourcoing", on en déduit qu'on n'est pas dans la bonne direction et que donc, il ne sert à rien de "ralentir", il faut faire demi tour. Aujourd'hui tout le monde croit rouler vers le Sud en constatant que tous les panneaux indiquent le contraire... La solution qu'on nous propose est pourtant de ralentir. On va donc aller moins vite au mauvais endroit, mais on ira au mauvais endroit : la guerre ! La guerre qui sauvera toutes les économies d'un coup, qui assurera la transition énergétique, de nouvelles règles de vie mondiale, etc. S'il reste quelque chose de la planète, évidemment. Je suis gai, n'est-ce pas ?

 

 

 

Merci encore, Bruno Gaccio, pour vos réponses, pour ces confidences. Je vous souhaite de les retrouver, ces envies, ces rêves. Cette lueur... Que vous inspire le regard que porte Bruno Gaccio sur notre monde ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

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Vous pouvez retrouver Bruno Gaccio...

 

Sur Canal ;

 

Au sein du Collectif Roosevelt 2012.

 

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