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Paroles d'Actu
12 septembre 2022

« C'est mon choix ! », par Christine Taieb

L’actu de ces premiers jours de septembre n’est pas franchement rose, et quand on y songe, celle de l’été non plus, ne fut pas follement réjouissante. Parfois, il faut savoir faire des pauses, se mettre un peu en-dehors de tout le tumulte extérieur. Prendre le temps de profiter. Simplement, de contempler. Il y a quelques semaines, j’avais proposé à Christine Taieb, une amie rencontrée à la faveur d’un article réalisé avec Véronique de Villèle - que je salue ici -, une carte blanche sur Paroles d’Actu. Je connaissais son optimisme, son regard pétillant sur le monde et aussi, son amour des mots. J’espérais un texte inspirant. Celui qu’elle nous livre ici l’est à l’évidence, et mieux que ça, c’est une belle réflexion introspective qui met en exerge quelque chose qu’elle a chevillé au corps et au cœur, un bien précieux à portée de tous et que personne ne devrait jamais perdre de vue : son aptitude à être, et à rester émerveillé. Merci à vous Christine, pour cette pensée positive, et pour vos photos personnelles ! Exclu, par Nicolas Roche.

 

« Ne pas répandre l’étendue de ses propres chagrins

est peut-être aussi un cadeau à offrir à son

entourage, tout comme un beau sourire ? »

 

La branche et le nuage

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

«  C’est mon choix  !  »

Christine Taieb

Fin de l’été 2022, son actualité souvent qualifiée de morose, parfois angoissante, et une nouvelle rentrée pour beaucoup.

Je retrouve un fidèle ami. Au cours de notre discussion, il m’interpelle sur ce qu’il appelle  :

«  Mon aptitude à rester émerveillée malgré le temps qui passe  ».

Sa demande me surprend et me porte à réflexion.  

Voit-il juste  ? Un regard positif serait-il paradoxal dans le pessimisme ambiant ?

Je sais intuitivement que ma démonstration sera délicate, tant elle relève de l’intime. Mais la perspective que mon angle de vue sur la vie soit inspirant, me convainc de tenter l’expérience, puisque le partage en est la clef de voûte.

Chacun peut s’interroger sur ses dispositions à être émerveillé avec le temps qui passe, ou le rester, malgré ce temps qui passe, ou même ne jamais l’avoir été. À chacun sa réponse. Car, si le temps s’écoule à la même vitesse pour tous, il n’agit pas de la même manière pour chaque personne.

Chacun développe un rapport particulier avec cette force intérieure qui incite à envisager le monde avec plus ou moins de bienveillance, consciemment ou pas, et différemment selon les étapes de sa vie.

Cette vie, et les années qui la nourrissent, nous chuchote des signes. Nous les écoutons avec une relative attention, jusqu’à s’apercevoir qu’ils sont des évidences, … et qu’ils s’accélèrent.

Pour ma part, depuis que  des signaux m’ont alertée, tels que :

. Des voyageurs qui se lèvent pour me laisser leur place dans le métro

. L’EFS qui n’accepte plus mes dons du sang

. Ma fille qui se rapproche de la cinquantaine

. Un récent podium en catégorie Master 7 (70 ans et +), …

Mon constat s’impose  : Je suis - déjà - une septuagénaire  qui n’a pas vu les années passer. Mon ami a donc raison sur ce point, dont j’ai très peu conscience. Lorsque je le réalise, c’est avec beaucoup d’autodérision  !

Il poursuit son interrogation sur le volet «  émerveillement  », et précise sa question, comme d’autres le font parfois :

« Comment fais-tu  ?

Pour rester motivée et dynamique, garder l’envie et la curiosité,

Et continuer de partager tes expériences autour de toi  ? »

En mon for intérieur, une petite voix me murmure  : « C’est simple  : je fais  ! ». Je choisis l’action plutôt que l’attentisme, sans doute par (un peu d’) impatience, (beaucoup d’) indépendance et (passionnément) un gros appétit de vie. M’efforcer d’oser mes rêves puis les dispenser, sont des évidences aujourd’hui. Une réponse simpliste «  il y’a qu’à faut qu’on » est insuffisante. Il me faut plonger dans le processus qui m’amène à rester charmée, surprise ou admirative … à plus de 70 ans.

«  Pourquoi ce choix  ?  »

«  On a toujours le choix  » dit l’adage qui est aussi l’une de mes convictions, quelles que soient les questions de santé ou matérielles.

De mon cercle familial non vertueux, j’ai compris dès l’enfance, que tension rime avec désunion et rancœur ne rimera jamais avec bonheur.

C’est à partir de cet âge tendre chaotique que j’ai décidé, dans les années-BAC d’écrire mon histoire dans l’harmonie. Cette période de construction mentale a été déterminante, comme pour tout adulte en devenir.

Pour ne pas sombrer dans une nostalgie victimaire ou une agressivité stérile, j’ai décidé de savourer ce fameux verre «  à moitié plein  »  : franchir les aléas de la vie en dissipant ses noirceurs, laisser libre cours à mon enthousiasme, tout en combattant mes peurs et préjugés.

Les écrivains ont généreusement inscrit leurs réflexions sur le thème du choix. Certains ajoutent même :

«  Quand on aime, il est encore plus facile de choisir  »  (Alain Monnier)

«  Choisir la vie, c’est toujours choisir l’avenir  » (Simone de Beauvoir)

Malgré son génie pour analyser le sentiment de liberté, je n’adhère pas à l’option de Jean-Paul Sartre qui propose que l’« On peut choisir de ne pas choisir». De mon point de vue, elle s’accompagne du risque associé d’intégrer la famille des éternels «  C’est compliqué  !». À chacun son confort dans ses choix personnels. Je préfère privilégier des objectifs, plus ou moins ambitieux, qui me donnent un cap et m’écartent de la procrastination. Ce cap est évolutif, jamais figé, mais agit comme un fil conducteur vers ma satisfaction.

Bien entendu, comme pour beaucoup, des éléments extérieurs m’ont contraint tout au long de la vie. Ma réaction devant ces freins a été d’user de ma liberté intérieure. Celle d’admirer - sans seulement regarder - de découvrir et d’apprendre – pour mieux partager. Cette liberté ultime ne dépend ni des finances, ni des autres, ni des circonstances. Ce choix m’a si souvent donné rendez-vous avec le plaisir et l’amusement  : pourquoi refuser cette opportunité  ?

Je comprends qu’à partir d’un destin familial similaire, d’autres empruntent un chemin de vie différent. Le mien s’est imposé, comme une bouée salvatrice à laquelle je me suis accrochée dans les premières années. Puis j’ai gagné en confiance, dizaine après dizaine. Ce parcours m’impose une profonde humilité car il se (re)dessine chaque jour. Cette voie est sans doute d’autant plus fragile, que la société tend plus vers l’accusation que l’admiration.

Cette voie est-elle aisée  ?

Tout comme l’appétit vient en mangeant, la capacité de garder mes yeux grands ouverts sur mon environnement facilite mon lâcher-prise, multiplie mes occasions d’y déceler ce qui est beau, sans ignorer ce qui l’est moins. Elle m’aide à être moins freinée par mes craintes, le défaut d’imagination ou un manque d’intérêt.

 

Désert tchadien

 

Revenir d’un voyage le cœur rempli de riches rencontres et de belles images, m’incite à projeter un prochain périple. Mon baluchon est toujours prêt à repartir. Mon carnet de vaccination est toujours à jour et mon agenda encombré de post-it trône fièrement sur mon bureau.

La «  liste de mes envies  » s’allonge au fil du temps, surtout en période de rentrée, qu’une vie ne suffira peut-être pas à satisfaire  ! Cette dynamique de curiosité multiplie à l’infini mes terrains de jeux dont certains, comme le désert saharien, ont mes faveurs.

La déception fait partie des aléas de la découverte. Si le climat, les paysages ou les coutumes manquent parfois de charme ou d’intérêt – selon mon avis – ma curiosité de découvrir d’autres territoires reste intacte.

Le dernier livre d’un auteur me déçoit  ? tant d’autres me restent à découvrir  !

Apprécier un concert, un film, une exposition, le récit d’une amie, un succulent gâteau ou un coucher de soleil, etc… sont toujours de bons moments pour recevoir ces cadeaux de la vie.

Quant aux hommes et femmes que je croise sur ma route, par choix ou pur hasard, un long travail d’introspection m’a appris à développer un meilleur discernement pour déceler les relations parasites. Je m’en éloigne tout simplement, en acceptant cette distance salutaire. Chaque anniversaire ravive la notion viscérale du temps qui file trop vite et l’urgence de profiter des êtres sincères et authentiques.

Je sais qu’espérer est sans doute prendre le risque d’une déception, mais c’est aussi la possibilité d’une satisfaction.

Je lis le scepticisme sur le visage de mon ami. Il a raison  : La vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille !

Au fil des années, chacun traverse des souffrances  : je n’évoque pas seulement les symptômes d’une arthrose galopante, mais bien la perte d’un être cher. Je n’y échappe pas, encore plus précisément en cette année 2022. Dans ces douloureux moments, je maintiens une pensée positive, en gardant en mémoire les moments de tendresse partagés, qui aident à amortir les effets de la douleur et lavent des idées noires.

J’imagine que mon discours intérieur peut sembler volontaire, voire (trop  ?) volontariste. Sans doute, se diffuse-t-il autour de moi, et malgré moi  ? Pour ma part, il contribue à gérer les inévitables nuages de l’existence avec plus de sérénité. Ne pas répandre l’étendue de ses propres chagrins est peut-être aussi un cadeau à offrir à son entourage, tout comme un beau sourire  ?

Rester mobilisée et constructive ne signifie pas, ignorer les misères du monde, mais au contraire me donner les moyens de les analyser et rester impliquée dans certains engagements.

Si mes joies sont très personnelles sur l’instant, il est vrai que je les partage ensuite volontiers. Peuvent-elles être comprises comme de l’exhibitionnisme  ? Dans mon esprit, elles diffusent du plaisir, parfois du rêve et génèrent souvent des échanges gais et enrichissants. Elles marquent ma confiance en l’être humain, toute aussi consciente que la vie reste un danger permanent. Tomber de vélo ou être touchée par la maladie ne se prémédite pas. Ces éventualités illustrent mon côté oriental «  inch’allah  !  »

Je garde mon idéalisme, non par excès de naïveté, ni par facilité, mais après avoir profondément réfléchi pour le concevoir, en acceptant les difficultés et en continuant de rêver à un progrès.

Mon ami semble convaincu de mon postulat et de ses bienfaits, mais poursuit son interrogation.

«  Comment fais-tu pour y accéder ?  »

Calquée sur la théorie de l’équilibre du tabouret sur trois pieds, la mienne est très prosaïque.

Jusqu’à la retraite, mon équilibre de vie s’articulait autour des vies affective, sociale et professionnelle  : ce classique cocktail a plutôt bien fonctionné !

Désormais retraitée depuis plus de dix ans, et grâce à tant de temps libre, mon tabouret s’est doté de mille autres pieds, tous aussi indispensables et cohérents.

 

L'arbre et le chemin

 

L’un de mes constats à cette étape de vie,  est qu’il n’y a pas de mue profonde dans la façon de se comporter, dès l’instant où l’on liquide ses annuités  : Madame bavarde le reste, Monsieur râleur le reste, Miss hyper active devient Mamie débordée. Sans doute étais-je déjà Mademoiselle émerveillée  !

Il est probable qu’avoir bénéficié, dès l’âge de quatre ans, d’une éducation musicale et sportive au conservatoire, m’a ouvert le goût pour ces disciplines et plus largement pour la culture générale. Ce capital, cultivé au fil du temps, m’a prédisposée à comprendre l’interaction entre bien-être physique et mental et l’envie de la cultiver. Mon apprentissage a été jalonné d’expériences et de rencontres enrichissantes, en France et dans les quatre coins du monde. Jusqu’à peut-être devenir une forme d’aptitude, en tout cas une ouverture d’esprit qui mène vers l’autre, surtout s’il est différent ou d’une culture éloignée de la mienne.

Dès l’adolescence, je me réjouissais de découvrir d’autres horizons, humains ou géographiques, en rêver d’autres sans mettre de limites à mon imaginaire naissant. J’ai usé beaucoup de sacs à dos et de galoches avant d’apprécier les modèles actuels plus élaborés.

C’est sans résistance que j’ai multiplié les occasions de me réjouir : devant les couleurs du ciel, le goût d’un fruit juteux, les senteurs d’un sous-bois, le chant d’un oiseau, les rires partagés, le bruit des verres qui trinquent ou la capacité du corps à aimer bouger.

Mes sources sont devenues intarissables  pour nourrir mes projets  : lectures, échanges, réseaux sociaux (eh oui  !), visites, etc…

Une simple marche, même non sportive et endurante, offre dès les premiers pas du jour, la possibilité d’accumuler des sujets d’émerveillement, y compris en milieu urbain  : un arbre, une statue, une vitrine, des rires d’enfants, le regard d’une personne âgée. Tout promeneur, même occasionnel, connaît cette magie contemplative. Le statut de retraitée permet de le multiplier à l’infini. 

Je suis consciente que ce n’est pas le chemin emprunté par tous les concitoyens, parfois enclins à vilipender. Je suis tout autant convaincue que la possibilité de s’émerveiller n’est pas corrélée aux conditions économiques (en tout cas, dans nos pays développés) : Je répète à l’envie mon exemple de la balade. Déambuler, l’œil curieux, toujours prête pour d’improbables découvertes ne me coûte rien  ; seule la volonté d’y consacrer un peu de mon temps et d’énergie, et l’envie de mesurer l’enrichissement personnel.

Ainsi donc, mon âge n’est pas un empêchement d’être émerveillée, mais bien au contraire, un cadeau insoupçonné, rendu possible grâce à la volonté d’un regard positif sur la vie et beaucoup de temps libre.

Artiste ou bricoleur, casanier ou globe-trotter, croyant ou non, chacun selon ses goûts, modes de pensée et talents, peut déployer sa curiosité dans les domaines de son choix. Le choix ne constitue jamais ni une recette miracle, ni un remède universel.

Le mien développe ma liberté d’esprit en brisant les digues de la morosité pour laisser place au contentement, tout en préservant l’esprit de critique.

Les visages ne sont-ils pas enlaidis lorsque s’y figent une moue désenchantée ou des mâchoires crispées par l’amertume  ? Imaginons que seules des mines souriantes nous accueillent dans les wagons du métro parisien ?!

«  Ça ressemble au bonheur  ?  »

Je n’adopte pas ce concept. Trop ambitieux  ? Presque prétentieux  ? Trop abstrait  ? ou, pire, moralisateur ? À mon sens  : Trop convenu.

Je lui préfère la notion d’équilibre  : équilibre entre soi-même et les autres, entre ce que l’on est et ce que l’on vit, entre hygiène de vie physique et mentale, entre monde des bisounours et catastrophisme.

Si difficile à atteindre, si fragile à maintenir, cet équilibre est le terreau qui me permet de considérer mes erreurs comme des expériences et transformer mes envies en projets. Il m’oblige à être modeste, le rester et agir en pleine conscience, sans tricherie.

Sans doute n’avais-je pas le même recul voici dix, vingt ou trente ans. Finalement, quelles que soient les raisons qui m’ont poussée à boire le verre à moitié plein, sa dégustation s’avère bénéfique.

J’accepte volontiers mes contradicteurs qui adoptent d’autres voies pour dégager du plaisir pour eux-mêmes et leurs proches. Des diktats seraient les pires ennemis de la liberté ultime du choix.

 

Coucher de soleil

 

En se quittant, je remercie chaleureusement mon ami de m’avoir guidée vers une réflexion aussi personnelle qu’inattendue. Elle met certainement en exergue une forme de vitalité que traduisent la mobilité du corps et de l’esprit.

Un seul mot résume mon regard pour les dix, vingt ou trente années à venir  : MERCI à tous celles et ceux qui acceptent de partager mes rêves et délires.

Une question que mon ami ne m’a pas posée  :

«  Quel est le comble d’une septuagénaire ?  »

Ma réponse  :«  Rester émerveillée d’être émerveillée  !  »

Rester émerveillée  : c’est mon choix  !

par Christine Taieb, le 7 septembre 2022

 

C

 

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