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Paroles d'Actu
chanson francaise
30 septembre 2021

Frédéric Quinonero : « Serge Lama est perçu injustement, corrigeons cela tant qu'il est encore là »

De Serge Lama, on connaît tous au moins une chanson : Je suis malade (S. Lama / A. Dona) a été interprétée, ici et ailleurs, par de grandes voix qui ont sublimé ce texte, pourtant très personnel d’un Lama né Chauvier qui, davantage sans doute que d’autres, s’est raconté et s’est confié, tout au long de sa carrière.

 

 

Connaît-on vraiment Serge Lama, au-delà de cette chanson, et de ses plus connues qui, des P’tites femmes de Pigalle à Femme, femme, femme, ne sont pas forcément ses plus intéressantes ? Je le confesse : de lui je ne savais pas grand chose avant de lire cette nouvelle bio de qualité signée Frédéric Quinonero, que je remercie pour cet entretien  - et je salue au passage Marie-Paule Belle et Marcel Amont, cités dans le livre et que j’avais tous deux interviewés, il y a des années.

L’histoire d’une enfance, qui l’aura marqué à vie ; l’histoire aussi d’une niaque hors norme, que les lourdes épreuves de son existence n’ont fait que renforcer. Lama, un gaillard attachant, et un grand interprète et auteur, trop souvent oublié, et qui mérite d’être découvert, ou redécouvert. Lisez ce livre, et écoutez-le, profitez-en : pour le moment le chanteur a vingt ans. Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Frédéric Quinonero: « Serge Lama est perçu

injustement, corrigeons cela tant quil est encore là »

Serge Lama La rage de vivre

Serge Lama, la rage de vivre (LArchipel, septembre 2021)

 

Pourquoi as-tu choisi de consacrer cette nouvelle biographie à Serge Lama ?

C’est avant tout pour réparer un manque  : il n’y avait pas de biographie de Serge Lama quand j’ai décidé d’écrire la mienne. Ensuite, il y a eu l’annonce de ses adieux à la scène, tout au moins à la Province, ce qui constituait un prétexte idéal. Enfin, et surtout, il s’agissait de réhabiliter un auteur et un show-man.

 

Ce qui saute aux yeux quand on lit ce récit, dès les premières lignes, c’est cette niaque assez incroyable qui a animé Lama, notamment après son terrible accident de l’été 1965 qui a emporté celle qu’il aimait, Liliane, le frère d’Enrico Macias aussi, et qui a failli, lui, le laisser paralysé...

J’ai ouvert mon livre en relatant cet événement tragique, de façon filmique. Car on peut dire que cet accident de voiture, au-delà de l’horreur qu’il représente, a «  fait  » Lama  ! Il était en tournée, il démarrait une carrière avec l’arrogance des débutants qui veulent réussir coûte que coûte. L’accident l’a fauché en pleine ascension, modifiant brutalement la donne. Ramené à la case départ, physiquement et moralement détruit, il lui a fallu remonter la pente avec une rage de vivre supplémentaire, mais la sensibilité en plus. Devenu plus ouvert aux autres, plus humain, il était désormais prêt à être aimé. Et il l’a été, ô combien  !

 

 

On est frappé aussi de voir à quel point il a, semble-t-il, été influencé par ce qu’il a vu de ses parents  : une mère au caractère fort, un peu castratrice ; un père artiste mais qui lui a manqué de niaque et a lâché l’affaire sous la pression notamment de son épouse. Peut-on dire que Lama, plus peut-être que d’autres artistes, s’est construit en songeant à ses parents ? Qu’il a choisi ses compagnes en pensant à sa mère, comme un anti-modèle, et qu’il a mené sa carrière et sa vie d’homme en s’assurant, lui, de ne jamais abandonner ce qui lui tenait à cœur ? Les Ballons rouges c’est vraiment l’histoire de son enfance ?

Il y a souvent chez l’artiste un enfant qui sommeille et n’a pas réglé ses comptes avec ses parents. C’est le cas de Lama. Admiratif de son père, chanteur d’opérette qui plaisait beaucoup aux femmes, mais dont la carrière évoluait péniblement, il en a toujours voulu à sa mère de l’avoir contraint à renoncer pour une activité alimentaire plus lucrative. Une rancœur injuste, à l’égard d’une femme, sa mère, qui supportait les inconvénients de la vie d’un chanteur, sans en connaître les avantages  ! Si Lama n’a pas eu de ballons rouges et ne jouait pas aux billes dans son quartier, c’est parce qu’il ne devait pas se salir et astreindre sa mère à trop de lessives… Ce ressentiment à l’égard de sa mère allait déteindre ensuite sur les femmes, en général, tout au long de sa vie – l’idée de la femme castratrice et empêcheuse de tourner ou de chanter en rond l’incita à ne jamais partager le même toit avec ses compagnes (sauf la dernière). Devenu chanteur populaire pour venger son père, alors qu’il se voulait plutôt écrivain, Lama a fait ensuite, comme dans la chanson, «  ce qu’il a voulu  ».

 

 

Parmi tes témoignages recueillis, sur l’accident, et sur son père, on retrouve avec plaisir les mots de Marcel Amont. Un témoin, comme une évidence à tes yeux ?

Oui, n’ayant pas accès aux très proches de Lama (le chanteur écrit un livre de souvenirs, et se les réserve), j’ai sollicité d’autres témoins qui ont accompagné son parcours, certains jamais sollicités. Marcel Amont l’a été, notamment pour évoquer l’accident de l’été 1965, puisqu’il était la vedette de cette tournée. Je l’avais déjà rencontré pour un livre sur les années 60 (Les années 60, rêves et révolution, 2009)  : il m’avait alors reçu dans sa chambre d’hôtel, allongé tout habillé sur son lit et moi assis dans un fauteuil (rires). C’est toujours un plaisir d’interviewer Marcel Amont qui est un artiste d’une grande humanité. J’ai tendance à penser que seuls les chanteurs de «  l’ancienne école  » sont encore capables d’une telle générosité. Il me remerciait encore tout récemment par courriel de lui avoir envoyé un exemplaire de mon livre.

 

On le salue avec chaleur. Tu l’évoques très bien dans le livre, Serge Lama aime écrire, il a de l’énergie à revendre, mais il a aussi fait des rencontres essentielles qui l’ont aidé à prendre le large, à l’image de son "père de substitution" Marcel Gobineau, de Régine, de Barbara aussi... Beaucoup de bonnes fées, au féminin comme au masculin, autour de lui ?

Marcel Gobineau, qui était régisseur au théâtre des Capucines où se produisait Georges Chauvier, le père de Lama, a été l’homme providentiel. Il l’a aidé à surmonter les épreuves, s’est occupé de lui comme d’un fils. Serge lui dédiera plus tard la chanson Mon ami, mon maître. Médium, Gobineau lui avait prédit que la gloire viendrait avec un disque à la pochette rouge, illustré d’un portrait de Serge qui ne serait ni une photo, ni un dessin… À ses débuts, ce sont surtout des femmes qui lui ont mis le pied à l’étrier. Barbara, la première, qui était la vedette de l’Écluse où Lama levait le torchon, l’imposera ensuite à Bobino dans le spectacle de Brassens où elle était la vedette américaine. Il y aura ensuite Renée Lebas, qui sera la productrice de ses premiers disques, Régine, pour qui il écrira des chansons et qui lui présentera le compositeur Yves Gilbert… Les femmes seront très importantes dans le parcours de Serge, toujours présentes dans son entourage.

 

 

Serge Lama n’était pas compositeur, mais on l’a vu, il a su et sait toujours très bien s’entourer. Parmi ses compositeurs, deux noms essentiels : Yves Gilbert et Alice Dona. Qu’est-ce que l’une et l’autre lui ont apporté, et en quoi la contribution de chacun à l’édifice Lama a-t-elle été particulière ?

Yves Gilbert survient très tôt dans son parcours, au moment où il est alité et corseté, à la suite de son accident. Le compositeur lui rend visite tous les jours et, ensemble, ils écrivent les chansons des premiers albums de Serge. Ils ne se quitteront plus. Yves Gilbert sera son pianiste attitré sur scène pendant toutes les années de gloire. Alice Dona intervient à partir de 1971, à la faveur d’une chanson écrite pour le concours de l’Eurovision (Un jardin sur la terre). Complément harmonique d’Yves Gilbert, elle devient indispensable dès lors qu’elle écrit Je suis malade et d’autres titres de l’album rouge (La chanteuse a 20 ans, L’enfant d’un autre…) Suivront de nombreux tubes, comme Chez moi, La vie lilas, L’Algérie…) Serge apprécie l’élégance d’Yves Gilbert, sa sensibilité féminine, et a contrario, le touche masculine et efficace d’Alice Dona, son élan populaire.

 

 

Au petit jeu des filiations et des ressemblances, on l’a paraît-il pas mal comparé à Brel au début, ce qui ne le convainquait qu’à moitié. Parmi les anciens, ne faut-il pas plutôt, chercher du côté d’un Bécaud ? Je sais qu’il a aussi revendiqué une filiation par rapport à Aznavour...

Oui, Bécaud comme Lama était un vrai show-man. Aujourd’hui, on ne cite pas plus Lama que Bécaud dans les influences sur les jeunes générations, alors qu’ils ont révolutionné la scène musicale chacun à son époque, par ailleurs auteur pour l’un, compositeur pour l’autre. Si Bécaud a influencé Lama à ses débuts – il allait le voir sur scène pour apprendre le métier –, c’est du côté d’Aznavour qu’il préfère qu’on le rapproche, car c’est sa plume qu’il voudrait qu’on honore, plus que ses qualités d’interprète qui, pourtant,  elles, pourraient être comparées à celles de Brel.

 

Lama a monté un spectacle assez impressionnant autour de Napoléon. Dans la deuxième moitié des années 70 il a volontiers assumé un côté cocardier, sa virilité, et passait auprès de certain(e)s pour être misogyne, voire allons-y franchement - l’époque (déjà) ne faisait pas trop dans la finesse - pour un affreux réac. On pense aussi à Sardou, qui a été catalogué dans ces catégories lui aussi : comme Lama, il a parfois tendu le bâton, mais comme Lama, il a prouvé par la suite à quel point il savait être plus fin que ce que certains espéraient de lui. De fait, est-ce qu’ils se ressemblaient au-delà des apparences, ces deux-là que tu connais bien ? Quelles ont été, pour ce que tu en sais, leurs relations ?

Napoléon ne lui a pas rendu service. Ce fut un triomphe en termes d’entrées pendant six ans, mais cela n’a pas attiré une clientèle jeune et l’a définitivement éloigné de la génération de ces années Mitterrand et des suivantes. Il y eut de graves erreurs de commises à cette période-là, en termes d’image et de communication, de celles dont on peine à se relever. Par la suite, il lui a manqué, dans les années 80 surtout, des grandes chansons, dignes de celles qu’il sait écrire quand il est inspiré. Si bien qu’aujourd’hui on l’associe encore à une caricature de chanteur franchouillard, liée aux chansons joyeuses qui demeurent ancrées dans les mémoires, comme Les p’tites femmes de Pigalle ou Femme, femme, femme. Sardou n’a pas eu cette traversée du désert des années 80, il a su prendre le virage qu’il fallait et garder sa popularité intacte avec des tubes comme Musulmanes ou Les Lacs du Connemara.

 

 

Quels sentiments Serge Chauvier, l’homme derrière Lama, qui a connu plus que sa part d’épreuves, t’inspire-t-il ? Si tu avais un message à lui faire passer, une question à lui adresser ?

Il m’inspire des sentiments contrastés, mais je le crois généreux et humble. Nous avons des amis communs. J’aurais aimé le rencontrer, même après ce livre. Pour parler histoire et littérature. Et chanson, inévitablement.

 

Quel regard portes-tu sur son travail, son œuvre en tant qu’auteur ? Serge Lama est-il à ton avis considéré à sa juste valeur aujourd’hui ?

On se souviendra sans doute longtemps de Je suis malade, que Lara Fabian a fait découvrir à la génération du début des années 2000. Et mon livre permet de se rendre compte de la richesse de son répertoire, qui ne se limite pas aux chansons festives, style Le gibier manque et les femmes sont rares. Je crois sincèrement qu’il y a une injustice de perception à l’égard de l’œuvre de Lama, qui mérite d’être corrigée tant qu’il est encore là.

 

 

Quelles chansons, connues ou moins connues d’ailleurs, préfères-tu dans son répertoire, celles que tu aimerais inviter nos lecteurs à découvrir ou redécouvrir ?

En voici dix-huit pour une playlist de mes préférées  : Le 15 juillet à cinq heures, Et puis on s’aperçoit…, Le dimanche en famille, Mon enfance m’appelle, Les poètes, L’enfant d’un autre, À chaque son de cloche, Les ports de l’Atlantique, L’esclave, Toute blanche, La fille dans l’église, Devenir vieux, O comme les saumons, Maman Chauvier, Les jardins ouvriers, Quand on revient de là, D’où qu’on parte et Le souvenir.

 

 

 

Et encore, parmi les mieux connues  : La chanteuse a vingt ans, L’Algérie, La vie lilas, Souvenirs… attention… danger ! et bien sûr, Les Ballons rouges...

 

 

Et, allez, quelles chansons de Lama mériterait-elles de sombrer définitivement dans l’oubli, celles qu’il n’aurait jamais dû écrire  ?

Messieurs… et quelques autres comme Je vous salue Marie.

 

Je ne crois pas briser un secret en indiquant, à ce stade, que tu as commencé un nouvel emploi à la Poste, durant l’été, à côté de tes activités d’auteur. Est-ce que cette expérience te fait regarder autrement, peut-être avec une motivation différente, ton travail d’écrivain ?

Cela faisait longtemps que je m’interrogeais sur ma situation et les difficultés que je pouvais rencontrer, financièrement. L’année 2020 a été épouvantable à tous points de vue et m’a fait franchir le pas. Cette nouvelle activité me permet d’avoir une vie sociale, un salaire, une mutuelle, bref une sécurité que je n’avais pas. Et me donne, en effet, la possibilité d’envisager l’écriture autrement. Celle aussi de dire merde à quelques-uns (rires)…

 

Début septembre, la disparition de Jean-Paul Belmondo a provoqué une vague d’émotion qui à mon avis, n’était pas usurpée tant l’artiste, talentueux, avait aussi une image sympathique. À quoi songes-tu à l’évocation de Belmondo ? C’est quelqu’un sur qui tu aurais pu avoir envie d’écrire ?

Il est l’acteur de mes tendres années et sa mort, comme celle de Johnny – toutes proportions gardées, car chacun sait ce que Johnny représentait pour moi ­ –, a fait s’écrouler un pan de ma vie. On n’allait pas voir le dernier film de Zidi ou de Lautner, on allait voir le dernier Belmondo. Ils sont de plus en plus rares les acteurs qui font ainsi déplacer les foules au cinéma. Son immense popularité était la conséquence de la simplicité et de la gentillesse qui irradiaient de tout son être. Il avait en outre un charme de dingue. J’aurais aimé écrire sur Belmondo, comme j’ai écrit sur Sophie Marceau. Je leur trouve des points communs, en particulier cette grande liberté qui a fait leur force.

 

Jean-Paul Belmondo

Crédit photo : AFP.

 

Si ça ne tenait qu’à toi, et non aux impératifs posés par des éditeurs, y a-t-il des personnalités moins "bankables" auxquelles tu aurais envie de consacrer une biographie ?

Il y a des artistes oubliés comme Georges Chelon, que j’aime beaucoup et dont l’oeuvre mériterait d’être réhabilitée. Des artistes de mon enfance, comme Gérard Lenorman. De nombreux anonymes qui changent la vie (comme le chante si bien Goldman) mériteraient qu’on s’intéresse à eux. Ils sont sûrement plus méritants que certains chanteurs. Et puis, ça va t’étonner, mais j’aimerais raconter l’incroyable destin de Mireille Mathieu ! J’aime les gens qui ont un destin inouï comme le sien. C’est pain bénit pour un biographe !

Mireille Mathieu

C’est le destin qui me plaît, partie de rien, des terrains vagues d’Avignon, travaillant en usine pour nourrir la marmaille (13 enfants), et devenir ce qu’elle est devenue à force de travail et de renoncements, c’est purement incroyable.

 

C’est un appel du pied ?

Je ne suis pas sûr qu’elle ait envie de collaborer à un livre. Mais pourquoi pas ? Mireille, si tu nous lis...

 

À quand des écrits plus intimes ?

Chaque chose en son temps… Des choses sont écrites, des fragments. Une idée de roman autobiographique… Tout ça viendra sans doute.

 

Tes projets et surtout, tes envies pour la suite ?

Un projet de livre sur un chanteur, mais pas une biographie. Plein d’envies, mais rien encore de concret.

 

Un dernier mot ?

Doré… (c’est pour bientôt  !)

 

F

 

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22 juillet 2021

Bernard Lonjon : « L'âme de Brassens m'a suivi dans mon parcours et dans ma vie. »

Le 22 octobre de cette année, Georges Brassens aurait eu 100 ans. En 1951, Charles Trénet chantait : « Longtemps, longtemps, longtemps / Après que les poètes ont disparu / Leurs chansons courent encore dans les rues... » Que retient-on, aujourd’hui, un siècle après sa première venue au monde, de Brassens, qui davantage peut-être que son statut d’auteur-compositeur-interprète, dont il fut des plus grands, compte et comptera parmi les poètes intemporels ?

J’ai la joie de vous proposer cette interview avec Bernard Lonjon, un des meilleurs connaisseurs de l’artiste, dont il a d’ailleurs embrassé, partant de son Auvergne natale, le berceau sétois (notons quil participe à la programmation exceptionnelle mise en place par Sète à l’occasion de ce centenaire). M. Lonjon est notamment auteur du très ambitieux Brassens, l’enchanteur (L’Archipel, 2021), ouvrage qui retrace minutieusement la vie de Brassens jour après jour, année après année ; une publication agréable à lire parce que très vivante, et sur laquelle les fans du génial moustachu - mais pas que - devraient se précipiter.

Je profite de cet article pour avoir également une pensée pour mon père, qui aurait eu 70 ans la semaine dernière, et qui aimait Brassens. Sur la photo qui suit, les deux coffrets vinyles qu’il possédait de lui. Je n’ai plus, à ce jour, le matériel pour les écouter, mais je compte bien le faire un jour.

Vinyles Brassens

Exclu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Bernard Lonjon: « L’âme de Brassens

m’a suivi dans mon parcours et dans ma vie. »

Brassens l'enchanteur

Brassens, l’enchanteur (L’Archipel, 2021).

 

Bernard Lonjon bonjour. Quel temps passé, quelle somme de travail (l’écriture et, toute la recherche en amont) votre Brassens, l’enchanteur (L’Archipel, 2021) a-t-il représenté ? Avez-vous eu accès à des documents inédits, je pense à la foisonnante correspondance de Brassens avec notamment, ses copains ? Appris, vous-même, qui en êtes grand connaisseur, des choses importantes ?

Quatre années de travail depuis mon dernier Brassens: Les jolies fleurs et les peaux de vache. De passionnantes longues heures de recherches dans les vidéos (entretiens) on-line ou sur le site de l’INA, des milliers d’articles de presse, des manuscrits ou des correspondances dans diverses Archives, des entretiens avec ses amis à Sète ou ailleurs (de visu ou par mail), des relectures de livres de souvenirs (Tillieu, Battista, Poletti, Onteniente, Laville, Iskin, Larue...), de ses cahiers, de ses journaux intimes (peu nombreux), de ses agendas... Un gros travail de compilation ensuite avant de tenter de relier tous ces évènements petits ou grands qui replacent l’homme et l’artiste dans sa vie quotidienne.

 

Dans quelle mesure les périodes de vaches maigres, qui en son temps, celui des restrictions, ont réellement voulu dire, crier famine, ont-elles forgé le rapport de Brassens à l’argent ?

L’argent n’a jamais été un moteur, ni un frein pour lui. Il le disait: « J’ai de l’argent, c’est bien, je peux manger. Je n’en ai pas, ce n’est pas bien grave, je saute des repas. » La seule chose qui le gênait fut de dépendre des autres, et notamment de 1944 à 1952, de Jeanne. Il le lui rendra bien en l’immortalisant dans trois chansons (Chanson pour l’Auvergnat, La cane de Jeanne et Jeanne), en rendant à sa maison-taudis (ses propres mots) de l’impasse Florimont des allures de lieu de vie plus correct avec eau courante, toilettes et électricité. Ila toujours vécu de peu, même si ce fut souvent à cette époque, de rien! Une lecture-découverte d’un nouveau poète (Antoine Pol par exemple) l’enrichissait plus que des boîte de conserves (dont il a par ailleurs beaucoup trop abusé pour son corps... surtout qu’il les dévorait à même la boîte

 

 

L’anarchisme de Brassens, son anticléricalisme, son antimilitarisme, puisent-ils autant dans ses lectures, dans son regard sur le monde qui tourne (mal, souvent) que dans son expérience de vie ? Son message a-t-il résonné d’une manière particulière auprès des auditeurs de son époque ?

Sa hantise de l’ordre établi, des corps constitués, de la police, de la justice et de toute autorité... remonte peut-être à ce jour où à l’école maternelle de Sète, il fut mis au placard pour indiscipline avec pour conséquence une dizaine de furoncles dans la tête après ce choc psychologique. Plus vraisemblablement après une éducation balancée entre la ferveur catholique de sa mère grenouille de bénitier et la libre pensée de son père, il a penché vers le second à son arrivée à Paris (après l’affaire des bijoux pour laquelle il eut affaire à la justice et à la rumeur des Sétois). C’est là qu’il rencontra en 1946, au coeur du XIVe arrondissement, une bande de joyeux libertaires qui le convertirent très vite à leur cause, ce qui le conduisit à écrire des articles plutôt violents envers l’autorité dans « Le Monde libertaire », alors journal de la Fédération anarchiste.

 

Brassens était-il un vrai timide, ou bien une espèce de misanthrope qui s’est affirmée avec le temps ?

Il était du genre plutôt timide, sauf entouré de sa bande de copains habituels. En même temps, il aimait bien se retrouver seul, pour écrire ses chansons, lire ou flâner dans la poésie, « serein, contemplatif, ténébreux, bucolique. » Il aimait les gens, mais surtout ceux qu’il connaissait. Ce n’était pas un extraverti et son idéal eût sans doute été de se réfugier dans sa thébaïde.

 

Nous réalisons cette interview alors qu’il est question en continu, de vaccination obligatoire, de pass sanitaire pour des activités du quotidien, tout cela sur fond de règne du politiquement correct. Cette époque, la nôtre, Brassens l’anar, l’anticonformiste, il l’aurait haïe, non ?

Ni Dieu, ni maître! Aurait-il cependant obéi en portant un masque ou en allant se faire vacciner? Sans doute oui pour éviter toute confrontation avec l’ordre établi tout comme il le faisait en son temps en traversant sur les passages protégés pour éviter les flics. Il avait une forte tolérance envers les individus et prônait la liberté individuelle. Cette époque l’aurait probablement beaucoup "emmerdé" car il râlait déjà en son temps contre le conditionnement dû à la publicité à outrance. Il se serait peut-être replié sur lui-même. De toute façon, il ne fut jamais de son époque, lui qui disait être « foutrement moyenâgeux » !

 

On cite souvent, parmi les auteurs-compositeurs-interprètes de sa génération, en-dehors de lui, Ferré, Brel, Barbara, Béart, Ferrat... Rarement Aznavour, qui pourtant est peut-être celui qu’on écoute le plus souvent, en partie parce qu’il a vécu jusqu’à nous. Brassens, Aznavour, ce n’était pas tout à fait la même catégorie ?

Oui, on met au même niveau les 4B (Barbara, Brel, Béart, Brassens) et les 2F (Ferrat, Ferré). On oublie souvent Anne Sylvestre. Aznavour est plutôt comparé à Bécaud. En réalité, même Aznavour ou Bécaud ne passent pas la barrière du temps excepté 5 ou 6 ritournelles. Idem pour Béart. Barbara survit grâce à quelques interprètes. Brel et Ferré ont du mal, tout comme Ferrat. Tout ceci est lié à la conjonction de deux phénomènes: l’intemporalité de l’oeuvre (seul Brassens possède cela dans la quasi totalité de toutes ses chansons) et la musique (là aussi seul Brassens peut survivre, d’une part parce qu’il avait choisi, contrairement à ses congénères, une orchestration minimaliste de bout en bout avec guitare-voix et contrebasse, alors que la plupart des autres auteurs-compositeurs-interprètes ont sur-orchestré leurs textes, fait beaucoup d’arrangements, qui ont du mal à passer les génération).

Seul Brassens a su privilégier le texte par rapport à la musique, et certains textes comme La mauvaise réputation, La mauvaise herbe, Je suis un voyou, Le gorille... sont repris par les jeunes générations (rappeurs, slameurs, musiques actuelles...). Sa seconde force est la richesse de sa musique, unique dans le monde de la chanson, à la fois jazzy, swingante et blues. Brassens est à la fois un folksinger et un bluesman, mais on ne l’entend bien que lorsque sa musique est jouée par d’autres (jazzmen, bluesmen...).

 

 

Quelle est votre histoire avec Brassens ? En quoi dans son œuvre, dans son parcours de vie, vous parle-t-il au plus profond de vous, Bernard Lonjon ?

Une histoire d’amour qui remonte à ma tendre enfance. Ma mère chantait La chasse aux papillons, Le parapluie, Les amoureux des bancs publics... lorsque j’étais gamin. Ensuite j’ai découvert les chansons "pas pour toutes les oreilles" et j’ai adoré ces mots inconnus, ces gros mots qu’il chantait avec un sourire coquin, presque complice. Il m’a depuis accompagné, depuis mon Auvergne natale jusqu’à sa ville natale où je vis aujourd’hui, une ville bien singulière, à la fois populaire et d’un très haut niveau culturel, entre Paul Valéry, Jean Vilar, Agnès Varda, Brassens et les peintres Soulages, Combas, Di Rosa... Son âme m’a suivi dans mon parcours professionnel et dans ma vie quotidienne.

 

 
Si, par hypothèse, vous pouviez lui dire quelque chose, ou lui poser une question, que choisiriez-vous ?

J’aimerais savoir s’il se marre vraiment au bistrot des copains avec sa « bande de cons » qu’il adorait, de Fallet à Boudard, de Ventura à Brasseur, de Clavel à Gévaudan, de Laville à Granier... toute cette bande de joyeux lurons qui se retrouvaient autour d’une bonne table ou plus simplement devant une bouteille de rouge et un saucisson pour refaire le monde à leur manière.

 

Quelles chansons de lui, celles qui vous touchent le plus, pas forcément d’ailleurs parmi les plus connues, auriez-vous envie de nous inviter à découvrir ?

Le blason est pour moi la plus belle chanson sur le sexe féminin. Saturne, une magnifique chanson d’amour. Mourir pour des idées, une chanson anarchiste par nature et Supplique pour être enterré à la plage de Sète, sa meilleure à mon goût, et pas seulement parce qu’elle nous ramène en île singulière. Sinon, écoutez Les châteaux de sable, L’inestimable sceau ou encore Le fidèle absolu, Le modeste et Le sceptique. De sacrées trouvailles qui passeront le temps car Le temps ne fait rien à l’affaire. En réalité, chez Brassens, il n’y a Rien à jeter. Il faut embrasser l’oeuvre dans son intégralité, dans sa complexité et dans sa richesse inégalée.

 

 
Brassens s’est largement inspiré, référé à des poètes des temps passés, on le voit au jour le jour dans votre livre. Quelle sera la trace que lui laissera dans le patrimoine des belles lettres françaises ?

Il a déjà laissé des traces, étant au programme à la fois des classes primaires, des lycées et de l’enseignement supérieur. Plus de deux cents thèses ont été défendues sur son oeuvre. Il est traduit dans plus de 80 langues ou dialectes et repris par plus de 5000 interprètes dans le monde (qui ont réalisé des disques de chansons et/ou de musiques en hommage à sa puissance créatrice).

 

Vous êtes très actif quant aux festivités autour du centenaire Brassens, qui se déroulent notamment à Sète. Quels premiers retours vous sont parvenus, et quel est l’auditoire de Brassens en 2021 ?

Des emballements multi-générationnels. On retrouve souvent trois générations côte à côte et il est fréquent d’entendre des jeunes adolescents raconter qu’ils sont là parce que leurs grands-parents leur ont parlé de Brassens. Nous avons programmé des chanteurs et musiciens de toutes générations, de Maxime Le Forestier à son fils Arthur, de Catherine Ringer à Barbara Carlotti, de Michel Jonasz à JP Nataf ou Piers Faccini ou encore de Benjamin Biolay à Albin de La Simone. Joël Favreau est évidemment venu chanter sur le Roquerols, le bateau spécialement amarré à Sète où se déroulent les 250 évènements (de juin à décembre) : concerts, colloques, conférences, théâtre vivant, philo pour enfants, escape games pour ados, dessins pour enfants, expositions... Il y en a vraiment pour toutes les générations. Souvent les soirées se poursuivent avec des DJ qui enflamment le bateau-phare du Roquerols en reprenant Brassens sous forme de musiques actuelles...

 

Est-ce qu’il y a de nos jours, dans la chanson française, parmi ceux-ci et d’autres, des artistes dont vous diriez qu’ils sont des poètes comme a pu l’être Brassens ? Et qui trouveraient grâce à vos yeux ?

J’en ai cité quelques-uns déjà. Il y en a beaucoup : Olivia Ruiz, Jeanne Cherhal, La Grande Sophie, Camélia Jordana, Zaz, Pauline Croze... Philippe Katherine, Thomas Dutronc, Yves Jamait, Cali, Thomas Fersen, Mathieu Boogaerts, Alexis HK, Alex Beaupain, Gérald De Palmas... Liste non exhaustive, sans hiérarchie...

 

Vos projets, peut-être surtout, vos envies pour la suite, Bernard Lonjon ?

Deux autres livres sur Brassens à paraître en fin d’année (La ronde des chansons, Brassens au cabaret), une biographie de Manitas de Plata, des contributions à des livres autour de Polanski et Pasolini... sur Nougaro également... Envie de me remettre à écrire des nouvelles, fictions... de laisser libre cours à mes envies d’écriture !

Interview : mi-juillet 2021.

 

Bernard Lonjon

Bernard Lonjon, par Jeanne Davy.

 

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30 octobre 2019

« Le regard de Charles », vu par Thomas Patey

Le 1er octobre 2018 disparaissait le plus bel ambassadeur de la langue française, Monsieur Charles Aznavour, à l’âge de 94 ans. L’enveloppe corporelle de l’homme expirait, vidée de sa flamme de vie. Son âme... Dieu seul le sait. Son oeuvre en tout cas, immense, demeure. Les chansons, les textes d’Aznavour, interprète superbe et auteur authentique, émerveilleront et inspireront, longtemps encore, les générations qui ont connu ce grand « petit bonhomme », et celles aussi qui ne l’auront pas connu. Il y a quelques mois, à l’occasion d’un échange autour d’un autre grand artiste, Marcel Amont (que je salue ici amicalement, ainsi que son épouse Marlène), j’ai fait la connaissance d’un tout jeune homme, Thomas Patey, un garçon attachant et totalement passionné par Aznavour et tant d’autres noms de la belle chanson française. Je lui ai proposé d’écrire un texte à l’occasion de la sortie du film Le regard de Charles (de Marc di Domenico sur des images tournées par Aznavour) qu’il a vu et aimé. Et lui ai proposé quelques questions pour qu’il se présente et nous raconte ses passions, et ses aspirations. Merci à toi, Thomas, et que cette publication contribue au beau parcours que je te devine... Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Le regard de Charles

  

partie 1: le texte de Thomas Patey

« Le regard de Charles... »

Le 5 octobre 2018, la France rendait un hommage national aux Invalides à Charles Aznavour.

Nous nous souvenons tous de ce petit cercueil recouvert du drapeau tricolore, de la Garde nationale chantant Emmenez-moi, de l’éloge à la langue française prononcé par le président Macron, mais surtout nous nous souvenons des applaudissements, les derniers qui devaient mettre fin à la carrière de celui qui fut, peut-être, le plus grand auteur-compositeur-interprète que le monde ait connu. Ce jour marque sans doute la fin d’une époque, le glas ne sonnant pas seulement le départ du chanteur, mais aussi celui d’un temps où la poésie se réfugiait dans la chanson française, la bonne chanson française. Ce jour là, sous un froid soleil, le cœur lourd, nous avons dit au revoir à Charles Aznavour, seulement au revoir. Un an après en effet, le plus arménien de tous les Français revient nous enchanter et nous emmène « au bout de la terre » avec ce film-documentaire de Marc di Domenico, co-réalisé par l’artiste : Le regard de Charles.

Par un semi-hasard, c’est le 5 octobre 2019 que je me suis rendu dans un petit cinéma lillois, situé donc à plus de 80 kilomètres de chez moi, pour assister à la séance de 17h45. Cela dit, je vais tenter à présent de poser un regard, sur un regard. Car l’oeuvre de Marc di Domenico et d’Aznavour est bel et bien un regard mis en film, et c’est cette distinction qui fait que ce documentaire est unique et des plus émouvants. La tâche est loin d’être évidente. Faire la critique d’un film est envisageable, mais établir une critique sur un regard n’est pas chose aisée. Qu’y a t-il de plus subjectif, de plus personnel qu’un regard ? Le regard possède une espèce d’irreponsablité, on ne peut pas le juger.

Je pensais tout connaître de la vie de Charles Aznavour, et étais persuadé d’avoir saisi et compris le personnage qu’il incarnait. Cependant, en quittant la salle de cinéma, j’eus une pensée que jamais je n’avais eue au sujet de mon idole : lui aussi a eu mon âge. C’est la chose qui m’a le plus frappé à travers ces images, le fait d’avoir face à moi un Charles Aznavour tout jeune adulte, en maillot de bain sur une plage, entouré d’amis, lui qui, les fois où je l’ai rencontré, était un fringant nonagénaire. Il a donc su ce que sont les amours adolescentes, les interrogations constantes, il a connu les parties de rire entre jeunes gens d’un même âge. C’est un autre Charles Aznavour que l’on découvre grâce à ces images personnelles, filmées dans un cadre privé. Oui, s’il chantait si bien la jeunesse, c’est qu’il en avait connu une, qu’il a sans doute bu jusqu’à l’ivresse. À l’automne de sa vie, Aznavour s’amusait à dire qu’il n’était pas vieux, mais âgé. Je comprends aujourd’hui, et en partie de par ce film-documentaire, ce qu’il voulait dire. Il n’était pas vieux, être vieux est un tempérament, une façon de penser et de voir les choses. Non, il n’était pas vieux mais seulement âgé, car il avait connu tous les âges, et avait voyagé durant neuf décennies.

Le voyage, voilà un deuxième sujet qu’il faudrait traiter pour évoquer ce film. J’ose le dire, ou plûtot j’ose l’écrire : ce film est plus une ode au voyage qu’un film sur Charles Aznavour. Pendant plus d’une heure, tout en restant assis dans un fauteuil rouge d’une salle de cinéma, vous partez en voyage, et vous parcourez le monde. Charles vous emmène au pays des merveilles, vous propose de découvir les paysages et de rencontrer les habitants du monde entier. De Montmartre au désert du Maroc, en passant par le Tibet, les terres d’Arménie, New-York ou Macao, Aznavour est de tous les continents, et en tant que fils d’apatrides, il était un peu de tous les peuples. Charles Aznavour filme comme il écrit, il ne cherche pas à montrer ce qui est beau ; il porte sa caméra pour filmer une réalité et si possible pour dénoncer, pour s’indigner comme il l’a fait durant toute sa vie. Il cherche le vrai. Ainsi, ne soyez pas étonnés si, en pensant regarder un film sur un chanteur de variétés, vous voyez des enfants en train de travailler, des femmes au dos courbé, des hommes aux mains abîmées. Aznavour nous offre des témoignages, il nous offre un regard, le sien, celui d’un homme qui sans doute, voulait hurler devant la misère du monde. Faute d’avoir crié, il a chanté «  Il me semble que la misère, serait moins pénible au soleil  ». S’il dénonce une misère, Le regard de Charles m’a surtout, et avant tout, donné envie de préparer une valise et de parcourir les villes, les pays, les continents, les océans. Nous voyageons avec lui, et c’est extrêmement touchant de savoir que c’est Charles Aznavour qui nous porte dans sa caméra. Bien loin de filmer comme un grand cinéaste, les images tremblent selon que Charles se trouve dans une voiture, sur un bâteau, dans un avion. Rarement dans ma courte vie, j’ai vu un film aussi vivant que celui-là. «  Entre deux trains, entre deux portes, entre deux avions qui m’emportent. Entre New-York et Singapour, ma pensée fait comme un détour pour me ramener sur les traces d’un passé que j’aimais tant...  » (Entre nous, Ch. Aznavour – G. Garvarentz)

Enfin, je dirais que ce film est le témoignage d’une époque révolue. Un temps que les plus jeunes, ou alors les moins âgés, ne peuvent pas connaître. Un temps, qu’il ne faut peut-être pas idéaliser, mais à en voir les images cela fait rêver. Un temps où l’art prime sur le commerce, où l’élégance, même sans un sou en poche, est présente. Ils sont tous sur l’écran, Édith Piaf, Pierre Roche, Gilbert Bécaud, Marlène Dietrich, Anouk Aimée, Lino Ventura... et il y a ceux qui ne sont pas filmés, ni mentionnés, mais nous les savons présents : Georges Brassens, Patachou, Charles Trénet, Jean-Claude Brialy... je ne me trompe pas lorsque je dis qu’ils étaient tous assis dans la salle le jour de la projection. Tous ces personnages qui hier encore avaient vingt ans, alors que j’aurai les miens seulement demain, restent plus jeunes que moi, de par leur souvenir et leur talent.

En sortant du cinéma, après avoir séché quelques légères larmes d’émotion, j’ai immédiatement envoyé un message à Séda Aznavour, la fille aînée de Charles, que l’on voit à plusieurs reprises dans le film, et avec qui j’ai la chance et l’honneur d’être en relation. J’ai voulu la remercier, pensant que je ne pouvais plus remercier Charles de vive voix pour ce moment qu’il venait de nous offrir. Je m’étais trompé, car en continuant à lui parler, il vit à travers nous. Alors je le répète ici, une fois de plus merci Charles. Oui vous êtes parti, mais en nous laissant et votre voix, et votre regard, vous nous faites le plus beau des cadeaux, et vous restez avec nous, avec moi... et à travers ce film, vous nous prouvez que le poète détient certes le plus beau des phrasés, mais aussi le plus beau des regards.

À toujours Charles.

Thomas PATEY, le 29 octobre 2019.

 

Charles Aznavour Montmartre

Thomas Patey Montmartre

Crédit photo Charles Aznavour à Montmartre : Keystone-France.

Crédit photo Thomas Patey à Montmartre : sa soeur Chloé.

 

partie 2: l’interview avec Thomas Patey

Peux-tu nous parler un peu de toi, de ton parcours, en quelques mots?

Je m’appelle Thomas Patey, j’ai 19 ans et suis originaire du Pas-de-Calais. Je suis en deuxième année d’études de droit à Boulogne-sur-Mer, avant de tenter d’intégrer l’École du Louvre à Paris. À côté des études je fais des claquettes, de la généalogie, et suis passionné par la vraie et grande chanson française. J’aime les mots, la musique et ce qu’on peut appeler « l’Esprit français ».

Comment en es-tu arrivé à aimer, tout gamin, et jusqu’à présent, la belle chanson française, qui souvent n’est pas celle qu’écoutent les jeunes de ton âge?

Cela m’est tombé dessus, je devais avoir six années à peine au compteur. C’était un soir, je venais d’enfiler mon pyjama et étais prêt à retrouver mes rêves d’enfant. Pieds nus et marchant sur la moquette, je traverse la grande salle de jeux, et arrive dans cette petite pièce où se trouve l’unique poste de télévision de la maison, passage obligé pour atteindre mon lit et retrouver mes peluches. Je suis incapable de dire, moi qui ai pourtant la mémoire des dates, quel jour ou quel mois nous étions alors mais c’est durant cette soirée que le présentateur du journal télévisé a annoncé : « Bientôt en salles, le dernier film d’Olivier Dahan, qui nous propose un biopic sur une femme oui, mais pas n’importe laquelle, la tragédienne de la chanson, femme à la vie intense mais désespérée, Édith Piaf. » Ce ne sont pas les mots exacts prononcés par le journaliste, du moins je ne pense pas. Quoi qu’il en soit, c’est à ce moment précis que se produit la rencontre qui devait changer ma vie de bambin. Maman et moi regardons et écoutons religieusement le court reportage présentant le film. Télécommande à la main et à moitié allongée sur le divan, maman déclare « Ah ça je vais aller le voir » (le « ça » étant le film). Ma mère a très souvent utilisé, et utilise toujours d’ailleurs, cette expression qui consiste à aller faire quelque chose... mais dans la pratique elle ne va que rarement au bout de ses envies, de ses projets, de ses pensées. Elle n’ira pas dans les salles voir ce film, en revanche je compte moi m’y rendre. Cette petite « vieille » femme en robe noire vue à la télévision a produit en moi un drôle d’effet qui m’a valu de rétorquer à ma mère : « Moi aussi je vais aller le voir ! ». Je n’ai pas entendu la voix de la chanteuse, pas même une mélodie, je l’ai simplement vu, là sur une scène, en noir et blanc. Maman n’a pas eu le temps de répondre à mon exclamation que je suis vite allé me coucher. Mon grand-père dit toujours que nous rêvons toutes les nuits mais que nous oublions nos rêves, cette nuit là j’ai dû rêver, oui, car au petit matin, le nom de Piaf résonnait dans ma tête. Qui est cette femme ? Pourquoi tourner un film sur elle ? Pourquoi le simple fait de la voir m’a t-il fasciné ? Je devais mener mon enquête, et je l’ai menée. Dès le matin, sur le chemin de l’école, je questionnai ma mère dans la voiture. Édith Piaf était une chanteuse française, très connue, décédée il y a longtemps maintenant, elle s’habillait d’une robe noire... ces renseignements sortis tout droit de la bouche de maman ne me suffisaient pas, bien que très utiles. Je voulais et étais en droit de tout savoir sur madame Piaf, que je ne connaissais pas la veille à la même heure. Quelques jours après, mon père agacé de mes questions nous a fait écouter à ma petite sœur et moi un disque de Piaf. J’ai reçu la claque de ma vie, la première chanson était L’homme au piano... « Peut-être que ton cœur entendra, un peu tout ce fracas, et qu’alors tu comprendras que le piano joue pour toi ». Voilà et depuis ce moment-là jamais cette voix ne m’a quitté. J’ai vécu Piaf pendant des années, et Piaf m’a fait connaître tous les autres, Bécaud, Trénet, Dietrich, Montand, Moustaki et Aznavour bien entendu. Piaf est la première à m’avoir transporté, mais la première à m’avoir totalement bouleversé c’est Barbara avec Nantes, j’avais sept ans.

Au-delà de ceux-là et du grand Charles Aznavour donc, quels artistes aimerais-tu inviter nos lecteurs, et notamment ceux de ta génération, à découvrir? En quoi est-ce que, dans leur art, et dans les messages portés, ils peuvent leur « parler »?

La liste est longue ! Tout d’abord je veux rendre hommage à Patachou que j’aime appeler « ma petite protégée », elle est à mes yeux l’une des plus grandes interprètes. Nous lui devons énormément, notamment la carrière de Brassens. Dès que je vais à Montmartre, je me sens obligé de me receuillir devant ce qu’était son cabaret, aujourd’hui galerie d’art. Cette femme est un raffinement, et son répertoire s’étend de la chanson légère à la chanson à texte, écoutez Le tapin tranquille par exemple, c’est une merveille.

Tous ces chanteurs et chanteuses du caf’conc et du music-hall, ainsi que ceux des cabarets de Saint-Germain-des-Prés apportent leur marque. Ils forment un tout qui est une richesse et un trésor national, un berceau de culture, de talent et de poésie. Mais si ce sont des noms que vous voulez... regardez Yves Montand sur une scène, les performances physiques des Frères Jacques, écoutez les chansons réalistes et boulversantes de Damia et Berthe Sylva, chantez les textes de Trénet, de Mireille et Jean Nohain, laissez vous emporter par les voix de Juliette Gréco et Gilbert Bécaud, amusez-vous sur les chansons de Ray Ventura et Maurice Chevalier, dansez comme Joséphine Baker, lisez les textes de Brel, de Brassens, de Ferré... écoutez et vous verrez, vous gagnerez beaucoup ! Cependant, je pense que les textes qui vous « parleront » le plus seront peut-être ceux d’Aznavour, car il avait ce talent d’évoquer notre quotidien, certes avec brillance de texte et génie musical mais avec compréhension et acharnement. Tout a été évoqué par Charles, quelle que soit la situation, Charles aura la solution. Vous êtes fou amoureux ? Vous avez peur du temps qui passe ? Vous êtes désespéré par les effets de la ménopause sur votre charmante épouse ? Vous avez des envies charnelles ? Vous souhaitez vous évader ? Écoutez Charles Aznavour, et vous trouverez quelque part la solution, je vous le promets !

À tous ces noms, on peut ajouter Michel Legrand, Léo Marjane, Mistinguett, Frehel, Aristide Bruant, Marcel Amont, Cora Vaucaire, Francis Lemarque, Henri Salvador, Gainsbourg (mais pas Gainsbarre...), Jeanne Moreau évidemment, Nougaro, Reggiani, les chansons de Vincent Scotto, Tino Rossi, Mouloudji, Lina Margy, Mick Micheyl disparue cette année...

La chanson française vous sera une aide pour tout, dans tout et pour toujours. Vous avez des milliers de textes et de mélodies à portée de main, faites-en bon usage...

Quels sont tes projets, tes envies pour la suite? Que peut-on te souhaiter?

Pour l’avenir ? Tout le bonheur du monde, cela m’ira très bien. Une longue vie, remplie de chansons, d’élégance et de bonne humeur. Des projets j’en ai en masse, mais je pense que le plus pertinent à avouer aujourd’hui serait celui de faire connaître à un maximum de personnes les trésors de notre patrimoine musical français. Et comme en France tout commence, et tout se termine par des chansons... « Je tire ma révérence, et m’en vais au hasard, par les routes de France, de France et de Navarre. Mais dites-lui quand même, simplement que je l’aime, dîtes lui voulez-vous, bonjour pour moi et voilà tout »... chantait Jean Sablon.

Interview du 29 octobre 2019.

 

Thomas Patey

Après le décès de Charles, j’ai été photographié avec son mouchoir

pour le journal local. Par mon père, Benoît.

 

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12 juin 2018

« Me manquer », par Frédéric Quinonero (Hommage à Johnny Hallyday, 75è anniversaire)

Combien de personnes, même parmi celles qui ne retiennent pas forcément les dates, même parmi les "pas spécialement fan" du chanteur, se seraient surprises à répondre, parce qu’elles l’avaient dans un coin de la tête, comme ça, que Johnny était né un 15 juin ? Pas mal sans doute, et rien d’anormal à cela : devenu Johnny Hallyday, Jean-Philippe Smet est entré dans les  cœurs et dans les familles, et il n’a jamais quitté ni les uns ni les autres. Il était devenu familier. Mais voilà, cette année, pour la première fois, en cette date du 15 juin, il n’y aura plus ni cris de célébration ni pensées de bons vœux. À la place, une absence, pesante. Un silence... Jean-Philippe Smet est mort, lui qui a tant joué avec la vie. Mort. Il aurait eu 75 ans, âge canonique pour un rocker qui a eu sa vie. Si Johnny restera, pour longtemps encore, Jean-Philippe lui, est parti. Avant.

J’ai proposé à l’ami Frédéric Quinonero, talentueux biographe (Johnny Immortel, l’Archipel, décembre 2017) et surtout grand fan de Johnny, de réfléchir à un hommage, totalement libre dans la forme, à son idole. Il a accepté de se prêter à lexercice, ce qui comme on pourra l’imaginer n’a pas dû être neutre émotionnellement parlant. Je le remercie chaleureusement pour ce texte, bouleversant, déchirant même, et clairement empreint de l’amour qu’il lui porte. J’ai choisi de le publier dès ce jour de réception de l’article, soit trois jours avant ce 15 juin au cours duquel nous aurons, nombreux, des pensées pour Johnny. En musique, forcément. Une exclu Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Johnny immortel

Johnny Immortel, de Frédéric Quinonero (l’Archipel, décembre 2017).

 

« Me manquer »

Par Frédéric Quinonero, le 12 juin 2018.

 

J’ai rêvé la nuit dernière, Johnny, que t’étais pas parti.

Un instant étrange. Tu me regardes en silence. Des turquoises dans les yeux. Tu as l’apparence d’un ange. Une aile au paradis, l’autre dans la vie.

Dans la nuit, cette question qui serre le cœur: "C’est toi, c’est toi Johnny ?"

Et puis ce matin, ce réveil. Et toi qui n’es plus là. Parti à l’abri du monde. Loin de la rumeur qui court, des lumières et des discours. Cette chose impossible à croire que la mort t’a souri. J’ai oublié de me souvenir de l’oublier, et pourtant...

 

Pour ton anniversaire, j’ai mis une fleur sur l’étagère, à côté du sable blanc de ton paradis, là-bas. Et je bois à ta santé.

 

C’est comment l’envers du décor, dis ? Est-ce que les étoiles dans le ciel font des étincelles ? Est-ce qu’il y a du sable, et de l’herbe, et des fleurs ? De l’or dans les rivières ? Et des fleurs jaunes dans le creux des dunes ?

 

Tu étais là, mon Johnny, c’était toi. Ton sourire à transpercer l’acier. Tes yeux si purs, à te donner le bon dieu sans confession. C’était toi et moi. Les battements de nos cœurs sur la même longueur d’ondes. Tes cheveux si clairs que j’ai cru un instant rêver. Mais je rêvais, de fait. Et j’aurais voulu pouvoir retenir la nuit.

 

Oublier, t’oublier ? Toi qui me portes et me tiens debout ? Il me faudra plus de temps que m’en donnera ma vie.

Écoute mon cœur qui bat. Mon cœur fermé à double tour. Noyé dans l’ombre de toi. Écoute ma douleur, elle ne s’en va pas.

De vague en larmes je vogue en solitaire. Perdu dans le nombre d’un troupeau de misère. Comme un radeau qui flotte à la dérive. Une caisse qui se traîne à 80 de moyenne. Une tequila entre citron et sel… Évanouie, mon innocence. Johnny, si tu savais…

Non, je n’oublierai jamais. Tu es gravé dans ma vie.

Tu es parti mais tu es partout. Intraçable et muet. Ton absence et ton silence qui n’en finit pas. Comme une maladie, comme un grand froid. Chaque jour, je fais une croix. Quatre murs autour de moi et dessus, des photos de toi. Rien ici, non, rien n’a changé. Et le temps semble arrêté.

 

Me manquer, me manquer…

 

Frédéric Quinonero JH 75

Crédits photo : Yan Barry (Midi Libre).

 

Je serai là si tu veux pour écrire ton histoire, garder ta mémoire. Contre les croquemorts qui rodent. Contre les mots faciles et la haine des imbéciles. Tout ce cirque.

 

Continuer à vivre pendant que tu te reposes. Avec ton souvenir au plus fort de l’absence. Avec l’illusion d’attendre un signe. Des soirs comme un grand trou noir. Puis dans mes nuits, enfin, l’oubli. L’espoir que tu viennes encore me visiter. À certaines heures, quand le cœur de la ville s’est endormi. Ou dans le souffle d’un vent géant. Le vent qui hurle qui crie, et qui comprend. Un rêve qui ne fasse plus peur. Comme dans un tableau de Hopper… Et que la mort vaincue n’ait plus d’empire dans le pays des vivants.

 

Je t’en prie, Johnny, reviens ! 

Reprends ton cœur et ce vieux train, là, et dans le soleil, reviens vers moi. Reviens chanter les peines et les espoirs. Donner des raisons d’espérer. Palais des Sports, palais des foules. 15 heures ouverture des portes. Et les stands et la buvette… Chanter encore ce blues maudit pour qu’il éclaire ma vie. 

Mes valises sont toutes prêtes pour les voyages que je me raconte.

Pour aimer vivre encore.

 

Je n’ai jamais rien demandé, mais parfois j’ai envie de crier à la nuit: "Emmène-moi !" Et je m’accroche à mon rêve. Tôt ou tard, tu me reviendras. Tu verras. Comme l’aigle blessé revient vers les siens. Un monde sans toi ? Non. Remboursez-moi ! Je ne veux pas de ce monde-là ! Dans cette foutue boutique aux souvenirs, je vois s’en aller ma vie. Un souvenir de rocker sur les murs d’une ville triste… Non ! Je donnerai mes larmes au regard que tu avais, la flamme au souffle que tu portais. Je défierais les rois, les fous, les soldats, la mort et les lois… Mais qu’on reparte au bord des routes. Terminer la nuit sur les parkings et les tarmacs. Et reparler d’amour un jour. Pourquoi ne reviendrais-tu pas puisque je t’attends ? Je t’attends, tout le temps. Souviens-toi, la route est ta seule amie. On se reverra, dis ?

 

Quand la nuit crie au secours qui pourrait l’écouter ?

 

Je me sens si seul parfois, Johnny. Je voudrais tellement qu’on soit du même côté de la rivière. Être encore cet enfant qui croyait à l’éternité. Entendre ta voix de révolté. C’est une prière que je grave dans la pierre, pour toi, mon vieux frère. Je veux si fort refaire un jour l’histoire. Et fixer le soleil droit devant, comme un pari d’enfant. Trinquer à nos promesses au café de l’avenir. Refaire la route, dis. Rien ne peut séparer ceux qui s’aiment.

Reviens allumer le feu, mon Johnny, viens jouer ton rock’n’roll pour moi.

 

 

Johnny BDay

 Crédits photo : inconnus. D.R.

 

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Et vous, parlez-nous de "votre" Johnny...?

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21 juin 2017

« Autour de Françoise Hardy », Emma Solal et Frédéric Quinonero

Il y a deux mois sortait, chez l’Archipel, la nouvelle biographie signée Frédéric Quinonero, fidèle des interviews Paroles d’Actu. Ce dernier opus en date, sous-titré Un long chant d’amour, est consacré comme une évidence au vu du parcours de l’auteur, à Françoise Hardy, artiste élégante, délicate et touchante dont les problèmes de santé ont inquiété les nombreux amateurs, ces dernières années. Lorsqu’il a été convenu d’un nouvel échange autour de ce livre, Frédéric Quinonero a eu à coeur de m’orienter également vers une artiste que je ne connaissais pas, Emma Solal, interprète de reprises solaires et délicates, réappropriées par elle, de chansons plus ou moins connues qu’avait chantées Françoise Hardy. Le tout s’appelle « Messages personnels ». À découvrir, parallèlement bien sûr à la lecture du livre de Frédéric Quinonero, somme d’infos connues de toute une vie mais aussi fruit d’enquêtes inédites, le tout dans un style agréable, un must pour tout amateur de l’artiste... Merci à eux deux pour cet article, pour les réponses apportées à mes questions datées du 18 juin (Frédéric Quinonero le 18, Emma Solal le 19). J’espère que Françoise Hardy lira cet article, et surtout qu’elle aura loisir de découvrir leur travail. Puisse cette publication vous donner envie, aux uns et aux autres, de vous y plonger, en tout cas... Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche...

 

ENTRETIENS EXCLUSIFS - PAROLES D’ACTU

« Autour de Françoise Hardy »

Françoise Hardy 

Crédits photo : Virgin Emi.

Emma Solal et Frédéric Quinonero

 

Paroles d’Actu : Parlez-nous de votre parcours, et de vous, Emma Solal ?

Parcours et premiers pas.

Emma Solal : Je suis une chanteuse (auteur et interprète) parisienne d’origine italienne. Je pianote au clavier sur scène et j’ai un très joli ukulélé chez moi que j’aimerais pouvoir utiliser bientôt sur scène également. J’ai des influences musicales variées dont le Jazz, la chanson française, la musique brésilienne, italienne, l’opéra, les musiques plus électroniques également, tout une palette d’inspirations donc ! Après avoir sorti un premier album de chansons jazzy, « Robes du soir » et deux EP digitaux, j’ai travaillé sur ce projet « Messages personnels », de reprises de chansons de Françoise Hardy.

 

PdA : Qu’avez-vous mis de vous, de votre univers, "votre" patte personnelle dans « Messages personnels », cet album de reprises de chansons de Françoise Hardy ?

« Patte personnelle ».

E.S. : Il s’agit d’un album que nous avons arrangé et enregistré avec Paul Abirached (guitares), Philippe Istria (percussions) et Pierre Faa (mixages et collaborations variées). C’est un album qui a été enregistré dans le prolongement du spectacle « Messages personnels », joué au théâtre Les Déchargeurs à Paris avec Paul et Philippe et mis en scène par Stéphane Ly-Cuong en janvier-février 2015 puis en novembre-décembre 2016. L’idée originale en revient à mes amis Éric Chemouny, qui est auteur et journaliste, et Pierre Faa, auteur-compositeur-interprète avec qui j’ai fait mes premiers albums.

« J’ai eu envie de redonner, à ma manière,

des couleurs aux chansons de Françoise Hardy »

L’univers de Françoise Hardy m’a toujours beaucoup touchée, notamment au travers de l’exploration du lien amoureux et de la complexité des sentiments, qu’elle décline depuis quelques années maintenant ! Je suis admirative de ses textes ciselés, de son parcours, de la richesse de ses collaborations musicales… J’ai eu envie de proposer ma vision de son univers, en premier lieu bien sûr car il me fait vibrer, mais également car ses chansons ont très peu vécu sur scène, Françoise Hardy ayant cessé de faire des concerts à partir de 1968. J’ai eu envie de leur redonner des couleurs, à ma manière ! Et nous avons tâché avec Paul, Pierre et Philippe, d’orner les treize chansons de l’album de couleurs musicales variées et différentes des titres originaux. Une relecture personnelle et un hommage, en somme.

 

Messages personnels

 

PdA : Pourquoi avoir choisi, Frédéric, de consacrer cette nouvelle bio à Françoise Hardy ? Est-ce qu’elle tient, dans ton esprit, une place particulière dans cette période chère à tes yeux et sur laquelle tu as beaucoup travaillé, les années 60 ?

Pourquoi ce livre sur F. Hardy ?

Frédéric Quinonero : Françoise Hardy a été avec Sylvie Vartan et Sheila l’incarnation d’un prototype de jeune fille moderne dans les années 60. Toutes les trois ont marqué les esprits, ce n’est pas un hasard. J’avais écrit sur Sylvie et Sheila, je rêvais depuis longtemps d’une biographie de Françoise Hardy, mais je voulais quelque chose d’abouti, de complet, pas du déjà vu.

 

PdA : Comment t’y es-tu pris pour composer cet ouvrage ? As-tu pu t’appuyer notamment sur des témoignages inédits, sur des recherches que tu aurais entreprises ? Et dirais-tu que tu as encore gagné en aisance dans l’exercice, alors que tu signes ton 16 ou 17è livre ?

Le livre, coulisses.

F.Q. : Je ne me suis pas contenté des archives que l’on trouve facilement sur les sites de fans. J’ai interrogé une dizaine de témoins, surtout des personnes qui n’ont jamais ou très peu été sollicitées. J’avais besoin d’informations exclusives et pertinentes pour illustrer mon propos. J’aurais pu, par exemple, contacter Jean-Marie Périer qui est quelqu’un d’absolument adorable et que j’avais interviewé pour ma biographie de Johnny. Mais il a déjà tout dit sur Françoise… En revanche, trouver des musiciens qui l’ont côtoyée dans les années 1960, à l’époque où elle chantait autour du monde, me semblait plus intéressant… On gagne en aisance à chaque livre, il me semble. Même si parfois on se demande si on va arriver au bout. C’est à chaque fois comme un petit miracle. Quant au style d’écriture, je pense que le temps le bonifie. Le temps, l’expérience, les lectures diverses.

 

Un long chant d'amour

Françoise Hardy, un long chant d’amour (l’Archipel, 2017)

 

PdA : Si vous deviez ne choisir pour les emporter que 5 chansons de Françoise Hardy, lesquelles, et pourquoi ?

5 chansons, pas une de plus...

 

E.S. : Françoise Hardy n’a pas forcément écrit et/ou composé les cinq chansons que je choisirais mais elles me touchent tout particulièrement :

« Message personnel » pour sa mélancolie et les superbes texte et musique de Michel Berger.

 

« Même sous la pluie » : elle met si bien en scène l’attente de l’être aimé, la douleur et parfois une certaine complaisance  à se retrouver dans cette posture.

 

« Soleil » : j’aime ses évocations de plage, de sable, qui parlent à l’italienne que je suis, tout en restant dans une couleur très mélancolique qui me parle aussi…

 

« Étonnez-moi Benoît » : son côté léger, enlevé, moqueur… Et j’adore Patrick Modiano, j’ai lu beaucoup de ses romans.

 

« Je suis moi » : là encore une collaboration avec Michel Berger et une chanson de libération de la femme, teintée de joie et d’une certaine sérénité, ce qui est un peu rare dans le répertoire de Françoise Hardy !

 

F.Q. : Sans réfléchir :

« Tant de belles choses », un chef-d’œuvre d’émotion pure : je ne peux l’entendre sans pleurer.

 

« Message personnel », parce que c’est un tube intemporel, mais surtout pour le passage parlé qui est de sa plume et qui fait selon moi la magie de la chanson.

 

« Ma jeunesse fout le camp » : elle est avec « Il n’y a pas d’amour heureux » de ces grandes chansons que Françoise a sublimées, car elle porte en elle la mélancolie qu’elles véhiculent.

 

« Soleil », car elle est la première chanson d’elle que j’ai entendue quand j’étais petit garçon. Je la trouvais d’une beauté et d’une douceur remarquables.

 

« L’amitié »  : une des plus belles chansons jamais écrites sur ce thème, je ne me lasse pas de l’entendre.

Et il y a beaucoup d’autres pépites dans son répertoire…

 

PdA : Michel Berger est très présent dans votre liste de cinq chansons, Emma. Nous commémorerons bientôt les 25 ans de sa disparition, bien trop prématurée. J’aimerais vous inviter à nous parler un peu de lui. Est-ce qu’il compte parmi les gens, les artistes qui vous inspirent vraiment ? Qui d’autre, à part lui, et Françoise Hardy ?

 

E.S. : En effet, Michel Berger compte parmi les artistes qui m’inspirent et que j’ai beaucoup écouté. J’apprécie beaucoup sa sensibilité, ses mélodies, sa délicatesse, son élégance aérienne et profonde à la fois…

 

Michel Berger

Illustration : RFI Musique.

  

J’ai aussi beaucoup écouté, dans le désordre, Brel, la Callas, Barbara, Ella Fitzgerald, Vinicius de Moraes, Tom Jobim, Mozart, beaucoup d’influences variées donc pour ne citer qu’eux parmi ceux qui ne sont plus tout jeunes ou plus de ce monde !

 

PdA : Une époque, une image à retenir de Françoise Hardy ?

« Une » Françoise Hardy ?

 

E.S. : Les années 1960, Courrèges, son allure sublime et élégante, une icône !

« Dans les années 60, elle triomphait

dans toute l’Europe et elle était une des rares

vedettes françaises à être aimée des Anglais...  »

F.Q. : Cette époque magique où elle était à la fois une pop star dans le monde entier et l’incarnation de la femme française, habillée par Courrèges. Contrairement aux idées reçues, elle a beaucoup chanté sur scène à cette période, elle était reçue comme un chef d’État en Afrique du Sud, au Brésil… Elle triomphait en Italie, en Espagne, dans toute l’Europe. Et elle était une des rares vedettes françaises à être aimée des Anglais – elle a chanté à quatre reprises au Savoy, ce qui est exceptionnel pour une artiste française.

 

PdA : Comment qualifierais-tu, Frédéric, sa relation devenue légendaire avec Jacques Dutronc ? Que t’inspire-t-elle ?

Hardy, Dutronc...

F.Q. : Elle a formé avec Dutronc un couple mythique, comme Johnny et Sylvie, et tellement atypique ! Je comprends qu’on puisse être séduit par un personnage comme Jacques Dutronc. Je trouve leur fin de parcours exceptionnelle, et Françoise admirable de s’être sacrifiée pour son bonheur à lui. C’est un bel acte d’amour que peu de gens sont capables d’accomplir.

 

Françoise Hardy et Jacques Dutronc

Crédits photo : Mano.

 

PdA : La question "regards croisés" : un mot, l’un(e) sur l’autre, sur son parcours et son travail ?

"Regards croisés"

 

E.S. : J’avoue ne pas avoir encore lu le livre de Frédéric mais il est déjà dans ma valise pour mes vacances en Sardaigne cet été ! Mais je connais d’autres biographies écrites par Frédéric, que j’avais lues avec plaisir ! Je souhaite à Frédéric un très beau succès avec sa biographie de Françoise Hardy.

 

F.Q. : Je connais peu le parcours d’Emma, que j’ai découverte avec son album de reprises de Françoise. Je vais pouvoir désormais m’y intéresser de plus près. J’ai beaucoup aimé son album « Messages personnels », justement parce qu’elle s’est approprié les chansons. Elle a choisi des titres souvent peu repris, comme « Rêver le nez en l’air », qui est une réussite. Il y a une belle pureté chez cette artiste. Elle a su aborder le répertoire de Françoise avec simplicité et élégance. Je lui souhaite une longue route.

 

PdA : « Tant de belles choses », tu la citais Frédéric, c’est une chanson très récente de Françoise Hardy, émouvante et adressée à son fils. "Tant de belles choses", l’expression est jolie et parlante. Qu’est-ce qu’elle vous inspire à tous les deux, quand vous pensez à la chanson, à ce qu’il y a derrière, à Françoise Hardy et à la vie... ?

« Tant de belles choses »

 

E.S. : « Tant de belles choses », en effet, c’est une chanson superbe et si émouvante, sur la transmission, l’amour entre les parents et les enfants. C’est également la teneur de ce que je souhaiterais dire à mon fils, sur le fait de profiter et d’être à la hauteur de cette vie qui nous est offerte…

« Son texte le plus beau, le plus spirituel... »

F.Q. : Elle fait partie de mes chansons préférées. Sur un thème délicat, celui d’une mort prochaine, elle livre son texte le plus beau, le plus spirituel. Elle exprime sa croyance en l’éternité de l’esprit et de l’âme, ce en quoi je crois également. C’est une chanson consolatrice pour exprimer la force des sentiments, qui nous survivent. Françoise l’a écrite après avoir appris qu’elle souffrait d’un lymphome. C’est un message d’amour à son fils.

 

PdA : Quel serait si vous en aviez un le "message personnel" que vous aimeriez adresser à Françoise Hardy, qui lira peut-être cet article, cette double interview ?

Message personnel à F. Hardy ?

 

F.Q. : Je le lui dirai en privé si elle fait la démarche de me contacter ‑ elle a mes coordonnées. Nous partageons nombre de points communs, si l’on exclut la politique (rires), nous pourrions bien nous entendre.

« Je serais ravie de pouvoir inviter Françoise Hardy

à chanter un duo ensemble ! »

E.S. : Je serais ravie de pouvoir inviter Françoise Hardy à chanter un duo ensemble !

 

PdA : Trois mots, adjectifs ou pas d’ailleurs, pour la qualifier ?

Françoise Hardy en 3 mots ?

 

F.Q. : L’élégance, la franchise, la mélancolie.

 

E.S. : Elégance, pop, intemporelle.

 

PdA : Lors d’une interview précédente Frédéric, tu me faisais part d’une certaine lassitude, par rapport au métier d’auteur, à la difficulté d’en vivre... et tu évoquais l’idée de chercher un autre job plus stable en parallèle. Où en es-tu par rapport à cela ? Es-tu plus "secure", plus optimiste par rapport à ce métier ?

Du métier d’auteur.

 

F.Q. : J’en suis au même point. À une différence près, qui n’est pas négligeable : j’ai le sentiment qu’on reconnaît davantage mes qualités d’auteur. Pas seulement dans le fond, mais aussi dans la forme. Et j’en suis content.

  

PdA : Tu as consacré plusieurs ouvrages à Johnny Hallyday, que tu avais qualifié lors de notre interview citée à l’instant de « frère » que tu n’avais pas eu. Il se bat aujourd’hui courageusement (comme, certes, bien des malades) contre cette saleté qu’on appelle cancer, et remonte même sur scène en ce moment. Comment l’observes-tu dans cette séquence de sa vie, toi qui la (et le !) connais si bien ?

Johnny face à la maladie...

« J’ai du mal à imaginer la vie sans Johnny... »

F.Q. : Je suis très inquiet, bien sûr. Je ne peux m’empêcher de penser à Piaf et aux derniers temps de sa vie, l’époque des tournées suicide. En même temps, la scène ne peut lui être que bénéfique. Alors, courage à lui ! J’ai du mal à imaginer la vie sans Johnny. Toute ma vie a été marquée par ses chansons. Je ne voudrais pas avoir à lui dire adieu.

 

Johnny, la vie en rock

Johnny, la vie en rock (l’Archipel, 2014)

 

PdA : Quels sont tes projets, tes envies pour la suite ? Frédéric, une nouvelle bio en perspective ou des désirs de bio ? Quid, peut-être, d’écrits de fiction ? Et vous Emma ? Que peut-on vous souhaiter ?

Des projets, des envies ?

 

F.Q. : Je suis ouvert à tous projets, à condition d’avoir la possibilité de les mener à bien. Aujourd’hui, concernant la biographie, je pense avoir franchi un cap (voir réponse à une question précédente) et j’aspire à un travail en complicité avec un artiste. J’ai envie d’aventures humaines. Nous y réfléchissons, mon éditeur et moi. En attendant, je travaille sur un nouveau livre (une biographie) destiné à un nouvel éditeur. J’espère que le résultat sera à la hauteur de mes attentes.

 

E.S. : Je travaille sur un nouvel album de compositions originales, qui aura une couleur plus pop justement.

Pour la suite, je serais heureuse de réussir à trouver un plus large écho auprès du public, aussi bien pour l’album « Messages personnels » que pour mes prochains albums… et je serais très heureuse d’échanger avec vous à l’occasion d’un prochain album depuis les coulisses de l’Olympia !

 

Un dernier mot ?

 

Frédéric Quinonero

À suivre…

 

Frédéric Quinonero p

 

Emma Solal

Merci beaucoup à vous Nicolas pour cette interview!

 

Emma Solal (2017)

 

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11 juillet 2016

Violaine Sanson-Tricard : « Véronique, ma merveilleuse petite soeur, fragile et forte... »

Dans une chanson de son album Longue Distance (2004), 5ème Étage, tendre évocation de son enfance parisienne, Véronique Sanson consacre à sa sœur aînée Violaine, ces quelques lignes : « Vio vio t’es la plus belle que j’aie aiméeMes malheurs tu les prends comme des trésorsPetite soeur je n’sais vraiment plus où allerJ’ai trop peur de t’emmener dans mes dangers ». Près de quarante ans plus tôt, les deux sœurs formaient, avec François Bernheim, l’éphémère trio musical des Roche Martin. Elles ne se sont jamais vraiment quittées, loin des yeux parfois - folle Amérique ! - mais jamais bien loin du cœur. Sur l’album Plusieurs Lunes, dernier opus studio en date (2010) de Sanson en attendant le prochain, prévu pour cet automne, Violaine Sanson-Tricard a signé un titre emblématique, Qu’on Me pardonne. On la voit encore apparaître à la fin du tout récent Live des Années américaines, sur scène. Y’a pas de doute... elle fait partie de la Team... (pardonnez-moi Véronique, de l’équipe).

Je vous engage vivement à l’écouter, à le regarder, ce film des Années américaines. Sans grand doute un de ses meilleurs enregistrements publics (voix et énergie de Sanson, instru et musicos au top et setlist de rêve). Après avoir visionné l’ensemble, vous comprendrez mieux pourquoi sa place est si particulière et privilégiée dans l’univers de la chanson française - et, singulièrement, dans le panthéon perso de votre serviteur. Un long article lui a déjà été consacré ici, l’entretien avec Yann Morvan réalisé à l’occasion de la sortie du beau livre qu’il a coécrit avec Laurent Calut, Les Années américaines. Quel dommage qu’on n’ait pu la faire cette interview Véronique, ma plus grosse frustration pour ce blog... Un jour peut-être. Je suis en tout cas ravi de pouvoir vous proposer, ce soir, les fruits de cet échange avec Violaine Sanson-Tricard, tendre évocation de sa « très grande petite sœur ». Votre parole est rare, merci à vous Violaine pour ce témoignage... Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

« Véronique, ma merveilleuse petite sœur,

fragile et forte... »

Interview de Violaine Sanson-Tricard

EXCLU PdA - 02-05/07/16

Véronique et Violaine Sanson

Photo fournie par Violaine Sanson-Tricard. Par Ken Otter (tous droits réservés).

Véronique, Violaine. En 1976, quelque part à la fin du printemps...

 

Les Années américaines : votre ressenti (tournée 2015-16, Live)

La tournée fut un incroyable succès. La thématique des “Années américaines” reprenait le moment où la musique de Véronique avait pris sa pleine ampleur. Enregistré aux États-Unis avec les plus grands musiciens de la pop musique de l’époque, l’album Le Maudit proposait un son étrange et nouveau, né de l’alchimie entre une voix inattendue, des paroles presque exclusivement en français sur une couleur de production totalement américaine. Cet album fut rapidement suivi de Vancouver, puis de Hollywood, et les trois albums sont devenus des albums cultes, chacun dans son genre.

Témoin d’une époque en phase totale avec l’air du temps, cette musique a attiré un public qui d’emblée, a dépassé le cercle des fans de Véronique.

L’extrême qualité du spectacle, l’énergie inouïe qui s’en dégageait a fait le reste. Il a fallu booker une semaine, puis une autre semaine supplémentaire à l’Olympia, les Zéniths de province étaient pleins, et la tournée, qui devait se terminer mi-Juillet, a dû être prolongée de 6 mois avec un Palais des Sports plein à craquer et debout dès la première partie, et une dernière performance le 9 Janvier à l’Olympia, date de la captation du Live.

Le Live est un magnifique rendu de ce spectacle : François Goetghebeur, le réalisateur, a compris - il est peut-être le premier à l’avoir compris à ce point - que Véronique était bien sûr une merveilleuse interprète et une sacrée bête de scène, mais aussi et surtout un auteur compositeur dont le spectacle est avant tout construit autour de la musique et des musiciens qui la jouent.

Son montage porte cela avec brio et maestria, et Véronique n’est que louanges pour François, dont elle dit : “Il est un des seuls à avoir tout compris de ma musique”.

 

DVD Les Années américaines

Le DVD+2CD des Années américaines sur le site officiel de Véronique Sanson.

 

“Ses” années américaines (1973-81) comme vous les avez vécues...

Cette époque a été pour Véronique une vie erratique entre star système, mal du pays, isolement et sentiment de culpabilité après sa rupture avec Michel Berger. Sous les paillettes, beaucoup de solitude et de souffrances. Un lien qui ne s’est jamais distendu entre Véronique et sa famille (et surtout avec notre mère, avec qui elle parlait tous les jours au téléphone malgré la distance et le décalage, et, à l’époque, le coût exorbitant des communications. C’était son luxe, disait-elle).

 

Regard sur sa place, son empreinte dans le paysage musical français

L’arrivée de Véronique dans le paysage musical français a fait l’effet d’une petite bombe. À l’époque, il y avait les anglo-saxons et les petits français qui en adaptaient les tubes, ou bien se cantonnaient dans le yéyé. Peu d’artistes avaient apporté une musicalité et une singularité comparable.

 

Quelques moments choisis... (vos 3 ou 5 chansons préférées d'elle)

On M’attend Là-bas, Bernard’s Song, Ma Révérence, Étrange Comédie, Full Tilt Frog.

 

Regard sur le lien qui l’unit au public

Le lien qui unit Véronique à son public est fusionnel. Écoutez ce qu’elle dit (en substance) au tout début du Live : “Avant de monter sur scène, je suis pétrifiée, je pense que je n’aurai jamais la force de mettre un pied devant l’autre. Puis j’entre sur la scène et là, pftttt !!! Tout s’éclaire.” Sa générosité sur scène est absolue, on sent qu’elle se donne à tous et à chacun.

 

Dans la vie comme sur la scène ?

Véronique est ma merveilleuse petite soeur, fragile et forte, éclairée autant qu’écrasée par un gigantesque talent dont elle doute sans cesse.

 

Les Années américaines

Les Années américaines, livre de Laurent Calut et Yann Morvan (Grasset, 2015).

 

Travailler avec elle...

Travailler avec Véronique, c’est comme de jouer avec un bébé chat. C’est ingérable et magique.

 

Quelques scoops sur l’album à venir ?

Le single, qui sort en septembre, est un texte déchirant sur notre mère, porté par une musique qu’on n’arrive pas à se sortir de la tête. On le fait parfois écouter en salle de réunion comme ils se doit dans le métier. Je n’ai jamais levé les yeux sur l’assistance sans voir une quasi totalité d’yeux rouges, quand ce ne sont pas quelques larmes qui coulent.

Et puis comme toujours, le reste de l’album (qui sort en novembre) est un mélange incroyablement éclectique de titres qui dénoncent les abus des forts et les puissants, la bêtise des habitudes, ou parlent tout simplement d’amour avec des mots chaque fois nouveaux.

 

Édit. du 10 septembre 2016 : le clip du premier single de lalbum Dignes, Dingues, Donc...,

le nom du morceau est Et je l’appelle encore, et la promesse est tenue...

 

Véronique par Violaine, en trois mots

Ma très grande petite sœur.

 

Un message à lui adresser à l’occasion de cet article ?

Bonjour, mon Futifu.

 

Un dernier mot ?

Merci d’avoir lu tout ça jusqu’au bout !

 

Les Roche Martin

Photo fournie par Violaine Sanson-Tricard. « Un soir à la Maroquinerie, il y a probablement quatre ou cinq ans, nous avons reconstitué, le temps de deux ou trois chansons, les Roche Martin, un groupe fondé avec François Bernheim lorsque Véronique avait 16 ans. La photo est bien postérieure aux années américaines, et le groupe était bien antérieur à ces années-là. »

 

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3 avril 2016

Mathieu Rosaz : « Je revendique mon goût pour la variété »

J’ai découvert sur la toile il y a trois ans, presque par hasard, l’artiste Mathieu Rosaz, auteur-compositeur-interprète de grand talent. Une interview fut réalisée dans la foulée puis publiée sur Paroles d’ActuUn vrai coup de cœur : rares sont ceux qui savent aussi bien que lui chanter, « transmettre » Barbara. Ses compositions propres valent elles aussi, clairement, le détour. Son actualité du moment, c’est justement la sortie de son dernier opus perso en date, l’EP Oh les beaux rêves. Une voix sensuelle, des textes et mélodies fins et sensibles, à son image. Et une belle occasion de l’inviter à se confier, la quarantaine passée depuis peu, sur sa carrière, ses projets et envies... Comme une sorte de bilan d’étape. Cet exercice-là, il l’a de nouveau accepté, et il y a mis beaucoup de sincérité, je l’en remercie. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Je revendique mon goût pour la variété »

Interview de Mathieu Rosaz

Q. : 31/03 ; R. : 03/04

 

Oh les beaux rêves

Oh les beaux rêves, nouvel EP disponible sur iTunes, Amazon, Spotify et Deezer.

 

Paroles d’Actu : Merci Mathieu de m’accorder ce nouvel entretien, trois ans après notre première interview. La première question que j’aimerais te poser n’est pas des plus joyeuses, elle touche à l’actualité, une actualité décidément bien sombre... Paris, cette ville que tu aimes tant, est naturellement le théâtre de nombre de tes chansons ; les hommages que tu lui rends en rappellent d’autres dont ils sont bien dignes. Comment as-tu vécu à titre personnel les événements tragiques du 13 novembre dernier ? Est-ce qu’il y aura clairement, pour ce qui te concerne, un « avant » et un « après » cette date ?

 

Mathieu Rosaz : Il est finalement difficile de ne pas dire de banalités à ce sujet… Comme tout le monde j’ai été terriblement choqué, bouleversé. J’étais pas loin des Halles ce soir-là quand j’ai reçu l’information. Il a fallu rentrer en rasant les murs. J’habite à 10 minutes à pied du Bataclan. L’idée de l’avant et de l’après ne se situe pas pour moi autour du 13 novembre 2015. Cela fait bien plus longtemps qu’une guerre plus ou moins sournoise est déclarée. Cela date du 11 septembre 2001.

 

PdA : Lors de notre échange de février 2013, nous avons largement évoqué ton travail autour de l’œuvre de Barbara, dont tu t’es fait - c’est un ressenti personnel - l’un des plus beaux interprètes. On entend beaucoup tourner depuis quelques semaines l’album Très souvent, je pense à vous que Patrick Bruel a consacré à la « Dame brune ». C’est fait avec sincérité et respect, comme toujours avec Bruel... mais il y a chez toi, dans ton interprétation d’elle, un vrai supplément d’âme par rapport à ce que lui fait (j’invite simplement nos lecteurs à comparer vos deux versions de Madame (liens : la version Rosaz et la version Bruel). Comment as-tu reçu son album ? N’est-ce pas frustrant sincèrement de voir la promo monstre qu’il y a autour par rapport à tes créations à toi, qui en mériteraient sans doute au moins autant ?

 

M.R. : J’ai été ravi du projet de Patrick Bruel. Cela faisait un bon moment que j’étais persuadé que l’œuvre de Barbara avait besoin pour continuer à vivre d’être portée par un nom, par une figure populaire. Forcément, avec le temps, le public de Barbara s’étiolait un peu, vieillissait, même si certains continuaient à la découvrir. Il fallait un coup de projecteur médiatique et Patrick Bruel l’a donné en allant en parler partout. Et il en parle bien. Son disque est très bien produit, avec des arrangements raffinés, des harmonies renversées et des directions musicales audacieuses, risquées aussi. Son chant est sobre. Je n’ai absolument rien à lui reprocher. On a le droit de ne pas aimer une voix mais on n’a toujours pas réussi malgré les progrès de la science à greffer de nouvelles cordes vocales sur quelqu’un. J’ai vu proliférer à l’égard de Bruel des insultes inacceptables, avec des relents d’antisémitisme parfois. C’est une honte. Qu’est-ce que ces gens qui insultent en prétendant défendre l’oeuvre de Barbara ont compris à Barbara ? Le public qui vient voir Bruel chantant Barbara sur scène n’est pas le public de Barbara mais son public à lui. Après plus de trente ans de carrière, il s’offre un rêve et son public l’aime assez pour le suivre. Depuis cette mise en lumière de Barbara, des projets se débloquent : films, émissions. C’est formidable. Le but de tout cela est que des gens qui ne connaissaient pas Barbara la découvrent. Et le but est atteint. Tout va bien !

 

PdA : Ton actualité, c’est la sortie au début de l’année d’un nouvel EP que tu as choisi d’intituler Oh les beaux rêves. Quelle a été l’histoire de cette création-là ? En quoi porte-t-elle à ton avis la marque d’une évolution depuis l’album La tête haute quitte à me la faire couper ! sorti en 2009 et que tu disais être dans notre interview ton « disque le plus abouti » ?

 

M.R. : Je n’avais pas sorti de chansons inédites depuis 2009, à l’exception de quelques unes postées directement sur YouTube de temps en temps. J’ai fait ce petit disque à la base pour les quelques personnes qui ont la bonté de me suivre, et d’attendre… Il n’y a que sept chansons. Quatre d’entre elles ont été écrites aux alentours de l’été dernier. Rapidement, facilement et spontanément. Je n’avais pas envie d’attendre encore d’avoir de quoi faire un album entier, d’autant que le format bref du EP me convient et me semble en totale adéquation avec une époque où même si on a du temps, on est moins disponible car submergés d’informations et de tentations. J’ai eu quarante ans et sans que cela soit une véritable révolution intérieure, je l’ai senti passer. Je n’en reviens pas de ne plus faire partie des « jeunes » ! Même si je n’ai jamais eu l’impression d’être particulièrement jeune… Mais bien qu’étant une vieille âme de naissance, je pouvais encore faire illusion… Les chansons traduisent donc les humeurs traversées ces derniers temps. Les illusions et les désillusions dans Oh les beaux rêves, la quête de sérénité et un certain détachement dans Vivre au bord de la mer, une de mes préférées, et les souvenirs d’enfance, toujours très présents dans N’ai-je jamais grandi ?.

 

PdA : Dans un des titres du dernier opus, L’éphémère, on retrouve des thèmes qui te sont chers et que tu viens en partie d’évoquer : la jeunesse qui s’enfuit, les angoisses liées au temps qui passe inexorablement, le désir ardent de plaire toujours et la hantise de la solitude... Est-ce que ce sont là des questions qui sont prégnantes dans ton esprit, et notamment depuis que tu as passé, l’an dernier, ce fameux cap de la quarantaine ?

 

M.R. : Attention, je ne parle pas vraiment de moi dans L’éphémère. Cette chanson est née de l’observation de quelqu’un qui dansait, qui était beau, jeune, qui formait un tout très cohérent. Et je me suis demandé comment allait vieillir cette créature ? Comment allait-elle négocier le virage ? Je ne sors plus beaucoup en boite mais à l’époque où je sortais, j’observais. On voyait parfois des gens d’un âge certain, dirons-nous, qui s’accrochaient. Mais elles seules étaient dupes. Si toutefois elles l’étaient. Il pouvait y avoir quelque chose de pathétique. C’est l’éternelle question : comment être et avoir été ?

 

PdA : La chanson Oh les beaux rêves m’a elle aussi beaucoup touché. On y oscille entre désillusions et espoirs. Où se situe ton curseur à ce niveau-là ?

 

M.R. : Le bilan est fait et cette chanson le résume. Maintenant il faut avancer !

 

PdA : Sur cet EP comme dans d’autres chansons, je pense à tes reprises de Madame, de Le bel âge de Barbara, à ton emblématique Banquette arrière pour ne citer qu’elles, tu abordes souvent, avec beaucoup de finesse et de sensibilité, le thème des amours au masculin. Est-ce que ça a été évident, facile à faire pour toi au départ ? Est-ce qu’à ton avis il est plus simple de chanter cela aujourd’hui qu’il y a vingt, dix ans ?

 

M.R. : Le problème est que si j’écris une simple chanson d’amour en disant « il » et non « elle », la chanson deviendra une chanson « gay » et plus une chanson d’amour, tout simplement. Cela fausse la donne. Mieux vaut employer le « tu » dans ce cas, si possible. Il n’est pas plus simple de chanter ce type de choses aujourd’hui qu’il y a vingt ans car finalement et malheureusement, malgré tout, les mentalités ont très peu évolué en vingt ans. Elles ont presque régressé d’ailleurs. Même si globalement, si on se base sur ces cinquante dernières années, il y a eu du progrès. Un nouveau type de blocage a débarqué : celui des gays eux-mêmes. Beaucoup sont à la tête d’importants médias et j’ai clairement l’impression qu’ils ne veulent pas trop entendre parler de ce qui pourrait avoir un rapport avec l’homosexualité, leur homosexualité… Il y a aussi un facteur économique. Les homosexuels restent une minorité et le graal reste pour beaucoup la timbale à décrocher auprès de ce qu’on appelle le grand public.

 

PdA : « La » chanson signée Barbara que tu aurais aimé écrire ?

 

M.R. : Perlimpinpin, bien sûr, entre autres.

 

PdA : La même, tous artistes confondus.

 

M.R. : Il y en a trop. Mais suite au 13 novembre, j’ai repensé avec beaucoup d’émotion à la chanson Ils s’aiment de Daniel Lavoie. Sortie en France en 1984. Magnifique chanson.

 

PdA : Quel regard portes-tu sur ton parcours d’artiste jusqu’à présent ? Que crois-tu avoir appris de ce milieu ?

 

M.R. : Je n’ai pas fait le quart du dixième de ce que j’aurais voulu faire. J’ai passé plus de temps à cogiter qu’à agir. Aurais-je pu faire autrement ? Quant au « milieu », de quel milieu parles-tu ? Celui de la chanson, du showbiz ? Je n’ai pas le sentiment d’avoir fait vraiment partie plus de deux secondes d’affilée de l’un de ces « milieux ». Mais j’ai observé des systèmes, des trajectoires, des comportements. Je connais les chapelles, les réseaux. Si « milieu » il y a, il est à l’image me semble-t-il de tous les autres. Et au bout du compte de l’Homme, avec ses grandeurs et ses bassesses… 

 

PdA : Une question qui sonne comme l’expression d’un désir perso, j’assume... à quand une collaboration avec Marie-Paule Belle ? ;-)

 

M.R. : Quand elle veut ! J’adore son répertoire. C’est une formidable compositrice. Avec ses auteurs, elle a créé des chansons qui sont des sommets du genre. Elle a à cause de La Parisienne une image de rigolote mais c’est très réducteur de la limiter à ce registre. Il faut écouter Sur un volcan, Assez, L’enfant et la mouche, Comme les princes travestis, Celui… Bien qu’issue des derniers cabarets et du classique, elle a totalement sa place aux côtés des artistes qui firent partie de ce qu’on a appelé la nouvelle chanson française dans les années 70 : les Souchon, Sheller, Sanson etc… C’est une grande.

 

PdA : Est-ce que tu te sens « bien dans tes baskets » dans cette époque qui est la nôtre ? Si tu avais la possibilité de la quitter pour partir ailleurs, dans un autre temps, ce serait quoi, le Paris de l’âge des cabarets ?

 

M.R. : Il y a quinze ans j’aurais pu répondre la période des cabarets, Saint-Germain-des-Prés etc… mais je ne suis plus tellement dans ce trip-là. Sur le plan musical en tout cas. Je revendique mon goût pour la bonne (et même moins bonne) variété. La chanson fait partie de la culture populaire et il ne faut pas trop l’intellectualiser. La chanson n’est pas la poésie bien qu’elle puisse être poétique. Les chansons sont des parfums et du divertissement. Elles sont mon île aux trésors et mon refuge. Plus généralement, la période rêvée pourrait être celle des « Trente Glorieuses » où on trouvait du travail au coin de chaque rue, où il n’y avait pas de chômage ou si peu. Je suis né juste après. Pas de bol ! 

 

PdA : Comment définirais-tu le bonheur ? Et, si la question n’est pas trop indiscrète, que manquerait-il pour faire le tien ?

 

M.R. : « Bonheur » est un mot qui, à force d’avoir été mis à toutes les sauces, ne veut plus dire grand chose. C’est un mot pour les publicités. Rien de plus insignifiant que l’expression « rien que du bonheur ». Le mot « bonheur » a aussi des allures de dictature culpabilisante pour qui ne l’atteint pas. C’est pourtant un bien joli mot. Être heureux, de temps en temps, c’est tout ce que je demande. Ces moments-là surgissent grâce au rire, à la complicité, au partage… Ce sont des petites « victoires sur l’ironie du sort », comme chantait quelqu’un.

 

PdA : Un dernier mot ?

 

M.R. : Tout d’abord merci à toi, Nicolas, de me permettre de m’exprimer via ton blog.

 

J’aimerais signaler que j’ai participé à une formation passionnante l’année dernière sur le chant, la voix et le coaching avec Richard Cross, véritable savant dans le domaine. J’ai commencé à donner quelques cours et j’aime ça. Elèves de tous niveaux bienvenus ! Suffit de me contacter via mon site ou ma page Facebook.

 

Et puis je vais réaliser sur scène à la fin de l’année un projet auquel je pense depuis plus de douze ans : chanter les chansons que j’ai adorées quand j’étais enfant. J’ai choisi des chansons créées uniquement par des voix féminines entre 1983 et 1988. Cela s’appellera « Ex-Fan des Eighties ». Libéré temporairement du piano, je serai juste accompagné à l’accordéon par le talentueux Michel Glasko, très calé lui aussi dans les titres de cette époque. On a commencé à répéter et on se régale. Je vais chanter des tubes ou des succès qui furent créés par des filles qui répondent aux doux prénoms de Jeanne, Muriel, Mylène, Jakie, Viktor etc… Là oui, je peux peut-être parler de bonheur… Ce sera drôle, léger, décalé et plus profond aussi qu’on peut l’imaginer car derrière le côté kitsch des arrangements d’époque, se cachent de très belles chansons. Et leurs maladresses ont un charme fou. J’aborde ces chansons comme de grands classiques. Le respect étant de les bousculer un peu. J’ai hâte !

 

Mathieu Rosaz

 

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6 mars 2016

Frédéric Quinonero : « Jane Birkin a été, pour Gainsbourg, plus que sa muse, son double féminin »

Le 2 mars, jour marquant le vingt-cinquième anniversaire de sa disparition (déjà !), on était peut-être plus nombreux qu’à l’accoutumée à se rappeler Serge Gainsbourg. Les médias en ont pas mal parlé à cette occasion, et c’est heureux tant son œuvre mérite d’être redécouverte et découverte par les nouvelles générations. Le mois dernier, les éditions L’Archipel faisaient paraître la dernière biographie en date du fidèle Frédéric Quinonero, Jane Birkin, « La vie ne vaut d’être vécue sans amour ».  Un récit fluide, vivant, sensible et touchant à l’image de son objet, Jane Birkin, qui fut probablement « la » femme de la vie de Gainsbourg et, très certainement, hier comme aujourd’hui, une des personnalités les plus émouvantes et les plus « vraies » du monde du show-biz. Frédéric Quinonero a accepté de répondre à mes questions et de nous « prêter » pour reproduction, à ma demande, lextrait de son ouvrage qui raconte la rencontre Gainsbourg-Birkin. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche.

 

Partie I : l’extrait du livre

Le cadre : le tournage de Slogan, un film de Pierre Grimblat. On est en 1968. Les premiers contacts - difficiles -, « la » rencontre entre Serge Gainsbourg et Jane Birkin ; l’un et l’autre, une sensibilité à fleur de peau et l’âme blessée (chacun sort alors d’une séparation douloureuse, le premier avec Brigitte Bardot, la seconde avec le compositeur britannique John Barry, père de sa fille Kate).

Lors de l’audition, elle est déstabilisée par la présence désagréable de Serge Gainsbourg, fortement déçu de ne pas avoir Marisa Berenson pour partenaire et déterminé à témoigner de sa méchante humeur. Elle ne sait pas prononcer son nom, elle comprend « bourguignon » - il existe un Serge Bourguignon acteur et cinéaste, il a obtenu un Oscar à Hollywood en 1963 pour son film Les Dimanches de Ville-d’Avray et fait tourner Bardot l’année précédente dans À cœur-joie. « Mais comment pouvez-vous accepter de tourner un rôle en France alors que vous ne parlez pas un mot de français ? », lui lance-t-il avec mépris. Elle fond en larmes. Et continue de jouer sa scène, comme si sa vie en dépendait, ce qui convainc Grimblat de l’engager. « Jane pleurait sur son sort. Elle confondait tout : la fiction et la réalité, la vie et le scénario. [...] J’en ai conclu qu’elle était fabuleuse » dira Gainsbourg. Pourtant, alors que le tournage commence à la mi-juin, retardé par les événements, il persiste à ne faire aucun effort de civilité.

[...] L’ambiance sur Slogan est donc au vinaigre. Une semaine passe. Le vendredi soir, inquiet pour le bon déroulement de son film, Grimblat organise un dîner chez Maxim’s où il omet sciemment de se rendre, laissant ses héros seuls, en tête à tête. Tous deux ont ce point commun d’avoir été quittés par la personne aimée, ils sont tristes. « Qu’est-ce que vous n’avez jamais fait ? Tout ce que vous désirez, je vous promets de l’exaucer », lance un Gainsbourg grand seigneur à la fin du dîner. Jane a besoin de se changer les idées, elle est prompte à accepter toutes les invitations à s’amuser. Et la soirée se poursuit dans toutes les boîtes à la mode. Jane découvre un homme séduisant : « Il était adolescent, ambigu, contradictoire, romantique, sensible. » Chez Régine, elle l’entraîne sur la piste de danse pour un slow. Piètre danseur, il lui marche sur les pieds. Sa maladresse l’attendrit. À son tour, Serge se laisse séduire par cette fille drôle et émouvante, sexy et décontractée, qui déambule dans les lieux les plus chic de Paris avec son blue-jean, ses baskets et son cabas en osier rempli de livres et de cahiers noircis de notes. Au petit matin, comme elle refuse qu’il la ramène à son hôtel, il commande au chauffeur de taxi de poursuivre jusqu’au Hilton où il a ses habitudes. Elle fait mine d’ignorer la gaffe du réceptionniste : « La même chambre que d’habitude, monsieur Gainsbourg ? » Et le trouve à nouveau touchant quand il tire les rideaux et tamise la lumière, avant de s’allonger tout habillé sur le lit où il s’endort comme une masse, copieusement imbibé. Elle file au Drugstore voisin et revient avec le single d’un hit qu’elle avait dansé devant lui chez Régine, Yummy Yummy Yummy des Ohio Express, et le lui glisse discrètement entre les orteils, en guise de remerciement.

Issu de Jane Birkin, « La vie ne vaut d’être vécue sans amour » (L’Archipel, février 2016). P. 48 à 50 (extraits).

 

Jane Birkin Serge Gainsbourg 1968

Jane Birkin, Serge Gainsbourg, 1968. Photo : Giancarlo Botti - Agence Gamma-Rapho. Src. : Photos de légende. 

 

Partie II : l’interview

Frédéric Quinonero: « Jane Birkin a été, pour Gainsbourg,

plus que sa muse, son double féminin »

 

Jane Birkin

Jane Birkin, « La vie ne vaut d’être vécue sans amour » (L’Archipel, février 2016)

 

Pourquoi avoir choisi d’écrire cette biographie de Jane Birkin ?

Jane Birkin est quelqu’un de très inspirant. J’aime à la fois l’artiste et la femme. C’est un être qui me touche par sa spontanéité, sa poésie, son humour. Je me reconnais dans certains traits de sa personnalité, la nostalgie de l’enfance, la mélancolie, l’amour des autres. Écrire sur elle a été un vrai plaisir.

 

Trois mots pour la définir ?

Nostalgique, généreuse, émouvante.

 

Quel regard portes-tu sur le couple/duo qu’elle a formé avec Serge Gainsbourg ?

C’est un couple mythique, rattaché à une époque de liberté et d’insouciance. Ils se sont connus en 1968, grande année, même si les événements leur sont passés au-dessus du brushing. Jane a été le grand amour de la vie de Serge, et réciproquement. Elle a été sa muse, son double féminin. Et ce n’est pas donné à tout le monde de sublimer à ce point le talent d’un artiste. Il l’a imposée en tant qu’actrice dans son film Je t’aime moi non plus, puis il a écrit pour elle ses textes de chansons les plus intimes et les plus raffinés, exprimant une sensibilité à fleur de peau qu’il ne pouvait exprimer lui-même sans paraître indécent. Les trois albums Baby alone in Babylone, Lost Song et Amour des feintes sont de vrais bijoux. Jane a été l’interprète de Serge dans le vrai sens du terme, elle a été sa voix, elle a porté ses mots (ses maux). Pendant qu’il se plaisait à jouer à Gainsbarre, il lui donnait ses blessures et ses fragilités à chanter. C’était sa plus belle façon de lui déclarer son amour éternel. Et le plus beau cadeau qu’elle lui ait fait en retour, et sa plus belle victoire, est d’avoir fait connaître son œuvre dans le monde entier. Ce fut sa mission après la mort de Serge. Sa façon à elle de lui dire merci.

 

Jane Birkin et Serge Gainsbourg

Source de l'illustration : http://rockimages.centerblog.net.

 

Cinq chansons chantées par Jane Birkin à écouter ?

Ballade de Johnny-Jane (1976),

Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve (1983),

Quoi (1985),

Lost song (1987),

Physique et sans issue (1987).

 

Un message à lui adresser ?

Le message est dans le livre, je pense. Je l’ai écrit avec toute l’affection que je lui porte.

 

Frédéric Quinonero

Photo : Emmanuelle Grimaud

 

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22 octobre 2015

Bertrand Tessier : « Sardou n'a pas son pareil pour capter l'air du temps »

Le 14 octobre paraissait, chez Fayard, Sardou : 50 années ensemble, un riche retour en texte et en images sur la carrière et la vie de Michel Sardou. Si le chanteur en a écrit la préface, l’ouvrage, lui, est signé Bertrand Tessier, journaliste et auteur de nombreux livres sur, notamment, les parcours de quelques artistes populaires. Le 18 octobre, il m’envoyait les réponses aux questions que je lui avais écrites et envoyées par mail six jours plus tôt. Merci à lui. Bonne lecture... et bonne écoute ! Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Bertrand Tessier: « Sardou n’a pas son pareil

pour capter lair du temps »

 

50 années ensemble

 

Paroles d’Actu : Bonjour Bertrand Tessier, merci de m’accorder cette interview à l’occasion de la sortie de votre dernier ouvrage en date, Sardou : 50 années ensemble (il y a quatre ans, déjà, vous co-composiez Les images de ma vie chez Flammarion). Comment en êtes-vous arrivé à nous présenter aujourd'hui ce livre édité chez Fayard ? Parlez-nous de ce projet ?

 

Bertrand Tessier : Qui peut se targuer d’avoir cinquante ans de carrière dans la chanson en France ? Qui plus est : cinquante ans de succès. Nous nous connaissons depuis plusieurs années ; il a, je crois, confiance en moi. Il était logique de célébrer ce bel anniversaire avec un livre à la hauteur du personnage. Un livre de grand format, où s’entremêlent textes, photos, documents d’archives…

 

PdA : Quelle était votre perception de l’homme Michel Sardou avant de travailler sur et avec lui ?

 

B.T. : J’avais l’image d’un homme bougon, râleur, difficile d’accès. En fait, c’est une protection. Une manière de mettre de la distance. À partir du moment où il vous a adopté, il se montre tel qu’il est vraiment : charmant, fin, cultivé, délicieux, drôle. En plus, à la différence de toutes les stars que j’ai pu rencontrer au cours de ces dernières années, il a une immense qualité : il n’est pas du tout égomane !

 

PdA : Avez-vous fait de réelles découvertes sur l’artiste et l’homme lors de l’édification de cet ouvrage ?

 

B.T. : Le but de ce livre n’était pas de faire des « révélations » plus ou moins sulfureuses mais de retracer une carrière année par année, à la fois à travers ses disques, mais aussi à travers les reportages photo qu’il a accordé à la presse. Ce qui est fascinant, c’est de voir la quantité de choses qu’il a faites en cinquante ans : disques, concerts, tournées, pièces, films, téléfilms, émissions de télévision. C’est un bourreau de travail ! Et en cinquante ans de carrière, il n’a pas connu le moindre passage à vide : il a toujours eu le public de son côté.

 

PdA : Michel Sardou a souvent été et demeure, de par certaines de ces chansons et ses nombreuses prises de position, un personnage controversé. Comment recevez-vous et analysez-vous ses « engagements » ? Sardou est-il « politique » ?

 

B.T. : Politique, non, car ce n’est pas un homme d’engagement. Il n’est inféodé à aucun parti ni aucune idéologie. En revanche, je dirais que c’est un chanteur de société. Depuis ses débuts, il raconte la société française et ses évolutions. Les villes de solitude, consacrée aux villes nouvelles qu’on n’appelait pas encore les cités, c’est Starmania cinq ans plus tôt ! Il n’a pas son pareil pour capter l’air du temps. On lui a collé une étiquette de droite et de facho après Je suis pour, dont il a reconnu que le titre était une erreur - ce n’était en rien un plaidoyer pour la peine de mort, mais l’illustration de la loi du talion.

 

En France, on aime ranger les artistes dans des tiroirs. On lui a fait de véritables procès en sorcellerie : qui peut, sincèrement, douter de la dimension parodique, ouvertement humoristique, de Le temps des colonies ? Il a eu toutes les peines du monde à se départir de cette image. Aujourd’hui, les clivages sont différents, on voit bien à quel point il est avant tout un homme libre. Et c’est ce qui plaît. Dans le monde politiquement correct qui est le nôtre, un artiste qui n’hésite pas à ouvrir sa gueule pour dire ce qu’il pense, cela fait du bien !

 

PdA : L’espèce de détachement désabusé et, en même temps, d’autodérision aux traits prononcés dont il fait régulièrement montre depuis quelques années reflètent-ils à votre avis le vrai de sa personnalité ?

 

B.T. : Désabusé, je ne pense pas qu’il le soit. Il a gardé le même enthousiasme. Regardez les photos lors de sa dernière tournée : il y a dans son regard quelque chose qui pétille. La scène est vraiment son domaine. Mais son regard sur le monde a évidemment évolué, notamment sur le personnel politique… il n’est plus dupe de rien, si tant est qu’il l’ait jamais été. En ce qui concerne l’autodérision : le mot est juste. Non seulement il a beaucoup d’humour, mais il en a beaucoup envers lui-même.

 

PdA : Quelles sont, parmi ses chansons, celles qui ont votre préférence - et pourquoi ?

 

B.T. : Ses grands classiques : La maladie d’amour, En chantant, Les lacs du Connemara, etc. J’aime beaucoup ses chansons d’album, comme on dit : des titres qui ne sont pas voués à devenir des tubes, mais où il exprime des choses très personnelles, avec une qualité d’écriture tout à fait exceptionnelle. J’ai aussi une tendresse toute particulière pour Musulmanes. Vous en connaissez beaucoup, des artistes qui sont capables de propulser au sommet des hit-parades le mot « musulmanes » ? En concert, c’est au moment où retentissent les youyous de la chanson que ses fans accourent au pied de la scène… Preuve que cette chanson vaut tous les plaidoyers pour la tolérance…

 

PdA : Comment définiriez-vous la place qu’occupe, la trace que laissera Michel Sardou dans le paysage musical français ?

 

B.T. : On l’a pris pour un fabricant de tubes ; c’est un artiste singulier qui au fil des ans a construit une véritable œuvre. Il est entré dans le patrimoine français. Voir ses détracteurs d’hier l’encenser aujourd’hui en est la meilleure preuve.

 

PdA : Depuis quelques mois, l’objet premier de notre entretien semble privilégier de plus en plus clairement les scènes de théâtre aux salles de concert. Il chantera encore, ça ne fait aucun doute, mais il semble avoir perdu un peu de cette envie, s’agissant au moins de créations nouvelles. Quel est votre ressenti sur cette question ?

 

B.T. : Il a 68 ans et le marché du disque a évolué. Aujourd’hui, on ne cherche plus à construire des carrières, mais à faire des coups. Il ne se reconnaît pas dans cette évolution. Lui a toujours privilégié la durée. Ses derniers albums ont malgré tout été des succès. Il craint le disque de trop. Et puis, le théâtre est son vieux rêve. Comme il le dit souvent, il est devenu chanteur par accident : il se destinait à être comédien. Il ne fait pas du théâtre par défaut mais par passion.

 

PdA : Pourquoi le fan de la première heure / l’amateur occasionnel / le curieux serait-il, de votre point de vue, bien inspiré de s’emparer de votre livre ? Qu’a-t-il de plus que tous les précédents ? Vos meilleurs arguments ?

 

B.T. : Pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? Parce qu’il y a tout Michel Sardou dedans ! Les coulisses de ses disques, de ses tournées, de ses pièces… Quatre cents photos dont de nombreux documents inédits : Anne-Marie, son épouse, m’a notamment confié de nombreuses photos qu’elle a faites de Michel…

 

PdA : Si vous aviez un message à adresser à Michel Sardou, là, maintenant ?

 

B.T. : « Remets-toi à écrire des chansons ! Ta place est unique, le public suivra. »

 

PdA : Quels sont vos projets, vos envies pour la suite, Bertrand Tessier ?

 

B.T. : Continuer à alterner livres et documentaires pour la télévision, continuer à osciller entre l’univers du cinéma et celui de la musique.

 

Bertrand Tessier

Photo : Thomas Dusseau / SudOuest.fr

 

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Et vous, que vous inspire le parcours de Michel Sardou ?

 

Pour aller plus loin...

16 août 2015

Charles Aznavour : « Je n'ai qu'une envie : vivre »

Cet article, que je suis heureux de vous présenter, a une histoire un peu particulière. Bien avant la tenue de mon interview de Daniel Pantchenko, son biographe, à l’été 2014, j’ai essayé à plusieurs reprises - dès la fin 2013, si ma mémoire ne me fait pas défaut - d’entrer en contact avec un collaborateur direct de Charles Aznavour. Un challenge énorme pour le blog et pour moi, tant je nourris pour cet homme, lun des rares vrais « monuments » de la chanson, une admiration qui est tout sauf feinte.

Mi-juillet 2014 : je reçois un mail de Mischa Aznavour, son fils, me confirmant que mon message a bien été réceptionné et m’invitant à écrire quelques questions qu’il transmettra à son père. Je m’exécute aussitôt et les lui envoie le 20 du même mois. Le temps passe. Je n’y crois plus vraiment. Je relance Mischa Aznavour de temps en temps, pour la forme. Sait-on jamais. Bah, on verra bien...

On est au mois de juillet 2015. Deux mois auparavant, Charles Aznavour, sur le point de fêter ses quatre-vingt-onze printemps, a sorti un nouvel album, Encores, successeur direct de Toujours , une nouvelle preuve s’il en fallait que l’artiste n’entend pas quitter de sitôt l’arène dans laquelle il a si souvent été couronné, par acclamation populaire principalement. Juillet 2015, donc. Le 18 pour être précis. Je reçois, à la suite, plusieurs mails de Mischa Aznavour. Il vient d’enregistrer son père répondant à mes questions. Les fichiers audio sont là, à portée de clic. Quelque chose d’émouvant, je ne dirai pas le contraire. Je les ai inclus à l’article, pour vous faire partager de mon émotion. Et ai parsemé le document de liens vidéo, pour vous inviter à découvrir ou redécouvrir l’ensemble des chansons citées ; quelques traces d’une œuvre qui, au mépris des ans et des fluctuations de la mode, se transmet entre les générations. De tout cœur, je les remercie, tous les deux : Mischa Aznavour, pour son infinie bienveillance envers moi ; Charles Aznavour, pour m’avoir accordé un peu de son temps, qui est précieux. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Charles Aznavour : « Je n’ai qu’une envie : vivre »

 

Encores 

La photo d’illustration est celle de l’album Encores. Tous droits réservés.

 

Édition du 14 octobre 2015 : Mischa Aznavour m’a fait parvenir le 11 octobre la liste des chansons qu’il préfère dans le répertoire de son père, une pièce que je lui avais demandée et qui vient encore enrichir cet article. Je retranscris cette liste à la suite de cette note, juste avant l’interview de Charles Aznavour.

Mischa Aznavour : Mes chansons préférées ?

- Adieu, sur l’album Entre deux rêves, pour la simple et bonne raison qu’elle résume l’âme aznavourienne. Elle semble triste, parle d’adieux et on s’y remémore tous les moments de bonheur. Pourtant, elle finit sur une note d’espoir, puisqu’il est dit à la fin, « Je ne partirai que demain ».

- L’amour c’est comme un jour, très connue. Là, pour le coup, il n’y a aucun espoir. Une bonne chanson pour pleurer dans les bras de celle qui vous quitte...

- De ville en ville, sur l’album De t’avoir aimée. La plus belle chanson d’amour pour Paris ! Avec les merveilleux arrangements de Claude Denjean...

- Parmi les chansons récentes, j’adore Buvons. Tirée de la comédie musicale Toulouse-Lautrec. Mon père excelle dans les chansons où il parle d’ivresse.

- L’amour à fleur de cœur bien sûr, car je me retrouve dans le texte.

- Un par un.

- Et, pour citer un album en particulier, celui de 1969, Désormais.

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Charles Aznavour. (...) Cette interview, j’aimerais la placer sous les signes de la découverte et de la transmission, deux notions qui vous sont chères. Vous faites régulièrement référence à nos « anciens » (Trenet et d’autres), à l’idée qu’une génération d’artistes doit forcément quelque chose à celle qui l’a précédée, comme une ligne ininterrompue et perpétuellement dynamique - celle, en l’occurrence, de la tradition de la belle chanson française.

Quelles sont les chansons que vous avez aimées, admirées dans votre jeunesse et que vous aimeriez inviter nos lecteurs, nos générations à découvrir ?

 

Charles Aznavour : Les anciennes chansons, même les ptites chansons un peu drôlottes (sic), étaient toujours parfaitement écrites, dans un français parfait. On a eu des chansons fantaisistes merveilleuses. Aujourd’hui, ou ce sont de bonnes chansons, ou ce sont des resucées de ce qui a déjà été fait. (écouter: NRoche1)

 

PdA : Je suis, pour l’heure, loin, bien loin de connaître la totalité de votre répertoire. Si je devais établir une liste des titres que je préfère, on y retrouverait, forcément, quelques succès immenses, que tout le monde a à l’esprit : Je m’voyais déjà (1960), La mamma (1963), La Bohème (1965), Emmenez-moi (1967), Non, je n’ai rien oublié (1971) ou Comme ils disent (1972). Vous les avez déjà largement commentées dans la presse et les médias, je ne reviendrai pas dessus.

Je souhaiterais plutôt en évoquer d’autres, des perles, elles aussi. Elles sont moins connues, mais elles complètent ma liste : Sa jeunesse (1956), Les deux guitares (1960), Bon anniversaire (1963), À ma fille (1964), Et moi dans mon coin (1966), Je t’aime A.I.M.E. (1994). Et des mentions spéciales pour Tu t’laisses aller (1960), Être (1979), puis, arrivées plus tard, Je voyage et Un mort vivant (2003). La lecture de cette liste, de ces titres vous inspire-t-elle des anecdotes, des pensées ?

 

C.A. : Des anecdotes... vous savez, je pourrais écrire un bouquin, avec des anecdotes. Là, comme ça, je ne vois pas... Sur d’autres titres en particulier, peut-être. (écouter: NRoche2 et NRoche3)

 

PdA : (...) Cette question-là sera directement liée à la précédente. La ligne, toujours. Sur la vidéo de votre live au Palais des Congrès, enregistré en 2000, on vous entend, à un point du spectacle, raconter qu’en substance, les nouvelles chansons d’un artiste sont comme les jouets que l’enfant vient de recevoir pour Noël : l’un comme l’autre a envie de les montrer, de les présenter. Mais il arrive, de temps en temps, que le public n'accroche pas comme lui le souhaiterait à celles de ses créations qui, pour une raison ou pour une autre, ont une importance particulière, voire la préférence de l'auteur-compositeur-interprète.

Est-ce qu’il y a, dans votre répertoire, des chansons à propos desquelles vous vous dites, parfois, « Celle-là aussi aurait mérité d’être un peu plus connue, de compter parmi mes grands succès et de traverser le temps » ? En d’autres termes : quelles sont, parmi vos chansons moins connues, celles que vous préférez, celles que vous voudriez nous faire écouter, lire ?

 

C.A. : Nous n’avons pas d’enfant, Les amours médicales, et Vous et tu. (écouter: NRoche4)

 

PdA : Qu’aimeriez-vous, en substance, que l’on dise, que l’on retienne de vous au lendemain de votre départ - pas avant une bonne trentaine d'années ! - quand, par « trois colonnes à la une, dix pages à l’intérieur », « (...) la presse entière retouchera (votre) vie » (in De la scène à la Seine) ?

 

C.A. : « Plus qu’un parolier de chansons, il était un auteur... » (écouter: NRoche5)

 

PdA : En 2014, les canaux de diffusion de la création musicale sont innombrables. Internet peut permettre à un artiste talentueux de se faire connaître largement, pour presque rien. Mais l’esprit « zapping » n’a jamais été aussi fort... et la médiatisation est souvent fonction de critères assez peu reluisants pour qui les fixe.

Est-ce que, tout bien pesé, vous diriez qu’il est plutôt plus ou moins aisé de démarrer dans le métier en 2014 qu’au moment de vos propres débuts, dans les années 40-50 ? Quels conseils pourriez-vous donner à un(e) jeune qui vivrait pour la musique et qui rêverait d’en vivre ?

 

C.A. : En fait, je ne sais pas vraiment, parce que je n’ai pas débuté à cette époque. Je peux parler de mon époque à moi. Je pense que les écueils sont les mêmes pour tout le monde. Ce n’est jamais facile. Il y a ceux qui ont une chance immédiate, et ceux qui vont chercher le succès avec beaucoup de difficulté. (écouter: NRoche6)

 

PdA : Lors d’une interview que vous accordiez à Culturebox l’an dernier, vous déclariez ceci: « Il faut garder son regard d'enfant, sinon on a tout perdu »...

 

C.A. : Oui, il faut à tout prix garder le regard, mais aussi le vocabulaire de l’enfance. (écouter: NRoche7)

 

PdA : Qu'est-ce qui vous fait rêver, aujourd'hui ? De quoi avez-vous envie ?

 

C.A. : J’ai envie de vivre... (Il sourit, ndlr ; écouter: NRoche8)

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, Charles Aznavour ?

 

C.A. : Non... Je ne souhaite rien d’autre que ce que je possède... et que j’ai. (écouter: NRoche9)

 

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Et vous, quelles sont, parmi le répertoire de Charles Aznavour, vos chansons préférées ?

 

Vous pouvez retrouver Charles Aznavour...

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