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Paroles d'Actu
chanson francaise
20 janvier 2015

Yann Morvan : "Ce livre, c'est une déclaration d'amour"

   Souvent, j'ai un peu de mal, avec mes intro. Je peine à trouver l'inspiration qui me permette d'éviter les lourdeurs ou les redites excessives par rapport au corpus de l'interview présentée. Bref... Je commencerai celle-là, tiens, par l'évocation d'une année, la nôtre : 2015. C'est un bon sujet, 2015... Si jeune avec, déjà, tant de vécu ; du très, très sombre... et quelques jolis rayons. Janvier y est propice : permettez-moi de m'associer aux bons vœux qu'à ce jour tout le monde vous a déjà prodigués ; de vous dire aussi que je partage ces pensées que vous avez tous dans un coin de la tête. Et que nous garderons. Ça, c'est fait.

   On reste sur 2015. Sur ce qu'elle aura, à coup sûr, de solaire. Elle sera, pour la scène musicale française, l'année du retour d'une de ses authentiques « grandes », j'ai nommé : Véronique Sanson. Bon, quand je la classe parmi les « grandes », déjà, ça me gêne. Parce que ça réduit d'à peu près 50% le groupe de référence. Le français est ainsi fait. Je sais qu'elle n'aime pas trop ça, les mots anglais qui s'immiscent dans la langue de Molière, mais tant pis. La classer parmi les « grands », ça ferait bizarre. Je remplace, donc, par un « one of the greats » plus shakespearien mais plus neutre, plus englobant bien qu'un brin plus pompeux. Je fais cela, je persiste et signe. Et précise, à ce stade, que je ne fais pas de la lèche. Et que je me suis toujours bien gardé d'être « fan » de qui que ce soit. Mais j'aime cette artiste. J'admire tout autant ses talents évidents d'auteure, de compositrice, d'interprète (chant et musique !). Ces émotions qu'elle sait transmettre comme personne (et dont on sait qu'elles ne sont pas feintes, de sa part) et que je reçois comme avec fort peu d'artistes. Au départ, j'aimais bien le peu que je connaissais d'elle. Des bribes, comme ça. De loin. Puis je me suis offert sa compil', « Petits moments choisis » (dont je recommande l'achat à tout le monde). Et là, le charme a opéré. Pour de bon...

   Plusieurs choses, donc, dans son actualité, en ce début d'année. Dès la fin janvier, elle remontera sur les scènes de province et de Paris (l'Olympia) pour se remémorer, avec ses admirateurs et -trices, ses « années américaines », qui comptent parmi les plus florissantes de sa riche carrière. Gravitent autour de ces spectacles à venir, en attendant la sortie de son nouvel album original, l'édition d'une compilation regroupant le meilleur de ces « années américaines » (Warner, le 2 février) et, surtout, la publication d'un beau livre de référence sur cette époque qui couvre une bonne partie de la décennie 70 (Grasset, le 21 janvier). Ses auteurs ne sont autres que Laurent Calut et Yann Morvan, deux très proches de Véronique Sanson.

   Le présent article, mis en ligne à la veille de l'apparition chez tous les bons libraires de cet ouvrage, se veut un hommage assumé et appuyé à une artiste d'exception, un peu comme le fut mon interview de son ancien manager, Bernard Saint-Paul (juillet 2014). Je remercie Yann Morvan d'avoir accepté, avec beaucoup de gentillesse, de répondre à mes questions ; de m'avoir offert de quoi illustrer ce document. Laurent Calut, pour l'infinie patience dont il a fait preuve à mon égard (c'est promis, Laurent, je ne vous relancerai plus jamais sur cette histoire d'interview). Véronique, enfin (si elle me permet, à ce stade, de l'appeler par son simple prénom). Pour tout ce qu'elle donne. Pour ce qu'elle est... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

Yann Morvan

« Ce livre, c'est une

déclaration d'amour »

 

Véronique Sanson 1976

V. Sanson, somewhere in California, été 1976. Par Ken Otter.

 

Véronique Sanson, les années américaines

 

Q. : 24/12/14 ; R. : 19/01/15

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Yann Morvan. J'aimerais, avant d'aller plus loin, vous demander de vous présenter ; de nous dire tout ce que vous souhaiteriez que nos lecteurs sachent à votre sujet ?

 

Yann Morvan : Bonjour à vous et à tous. Pour aller vite, à côté d’une carrière classique de fonctionnaire, j’ai toujours eu un pied dans la musique. J’en joue modestement en amateur, mais surtout j’ai plaisir à écrire sur la musique, sur la chanson en particulier, et à ce titre, j’ai eu la chance de collaborer à divers festivals, les Francofolies, d’abord, puis les Nuits de Champagne à Troyes, les Muzik’elles à Meaux. J’écrivais de courts textes de présentation des artistes en découverte, jusqu’à des petites conférences sur la carrière des artistes majeurs. Mais hormis quelques piges et fanzines, les seuls travaux que j’ai publiés concernaient Véronique Sanson.

 

PdA : Racontez-nous l'histoire de, précisément, "votre" histoire avec Véronique Sanson, artiste dont il sera évidemment largement question au cours de cette interview ?

 

Y.M. : C’est un peu le conte de fée de l’adolescent fan qui devient petit à petit le confident de celle qu’il admire depuis toujours. J’ai croisé Véronique quand j’étais dans l’équipe des Francofolies à La Rochelle, j’ai eu l’occasion de lui exprimer maintes fois mon admiration, et le courant est vite passé entre nous (enfin, de son côté ! du mien, il était déjà branché depuis longtemps !). Et j’ai eu la chance de pouvoir lui consacrer un petit livre-portrait qui a été publié en 1995, que j’ai écrit sans chercher à l’interroger, avec ce que je savais d’elle, (et tout ce que je ne savais pas à l’époque !). Je lui ai simplement soumis le texte avant publication, elle m’a fait la joie de l’aimer sans réserve, elle qui se reconnaît généralement si peu dans ce qu’on écrit sur elle, et ça a été le début d’une amitié plus solide. Et d’une vraie collaboration, sous diverses formes, qui dure depuis vingt ans.

 

PdA : Vous avez donc coécrit et, ai-je envie de dire, co-composé, avec Laurent Calut, l'ouvrage Les Années américaines, qui paraîtra dès le 21 janvier chez Grasset. Qui a eu l'idée de ce livre, au départ ? Comment vous êtes-vous organisés, et qu'avez-vous entrepris, pour son élaboration ?

 

Y.M. : Laurent est un ami de plus de trente ans, qui connaît Véronique depuis encore plus longtemps que moi, et avec qui j’ai une vraie complicité et un grand plaisir à travailler. Nous sommes un peu les Véronicophiles officiels (et songeons à ouvrir une chaire de Sansonologie à la Sorbonne !).

 

Véronique m’avait demandé en 2007 de superviser le projet de son intégrale, et elle nous a chargés, il y a cinq-six ans, de gérer son site officiel, et plus généralement son image sur internet. Tout naturellement, nous avons commencé alors à classer, organiser, numériser tous les documents, les articles, les photos qu’on pouvait recenser, et surtout toutes ses archives personnelles, qui s’entassaient dans un joyeux désordre. En 2012, nous avons fortement suggéré à Warner de marquer les quarante ans de son premier album (Amoureuse, ndlr) par un réédition anniversaire, puisque nous avions de belles archives sonores rares ou inédites, et pour la période suivante, de 1973 à 1978, la découverte de belles photos inconnues et de ses cahiers manuscrits nous a plutôt dirigés vers l’édition. Là, c’est sa sœur, Violaine, qui est la business-woman de la famille, qui a remué tout Paris pour nous dégoter un contrat, et quand elle nous a annoncé que nous signions chez Grasset, nous nous sommes pincés pour vérifier que nous ne rêvions pas !

 

Ensuite, nous avons avancé parallèlement sur toute l’iconographie : les photos, les manuscrits, et sur le texte. Nous avons obtenu de Grasset une carte blanche totale sur la présentation et la mise en page, qui sont superbes. Je peux le dire sans prétention, puisque c’est Laurent, dont c’est le métier, qui a fait le gros du boulot. Pour le récit, plutôt que de partir de zéro avec Véronique, nous lui avons soumis un premier projet, qui lui a réveillé un flot de souvenirs, et que nous avons donc complété avec elle.

 

Couverture Les années américaines 

 

PdA : Les années américaines de Véronique Sanson s'ouvrent sur une rupture qui s'avérera aussi douloureuse qu'elle fut fracassante : elle quitte Michel Berger pour Stephen Stills (Crosby, Stills, Nash & Young), l'épouse en 1973 et s'envolera bientôt, avec lui, pour les États-Unis.

Sanson a souvent évoqué, après coup, cet épisode et ses choix d'alors; ce double sentiment qui, à côté de la griserie inspirée par ce pays où tout est plus grand, lui est venu très rapidement : sentiment de culpabilité envers Berger - certaines de ses grandes chansons à venir, je pense au Maudit (1973), à Mortelles pensées (1988), porteront la marque de ces remords, de ces regrets difficilement expiables -, sentiment d'avoir  « fait une connerie » avec Stills. Comment vit-elle, au plan personnel, les premiers mois de cette nouvelle vie ?

 

Y.M. : Comme souvent chez Véronique, les sentiments sont extrêmes, violents, et contradictoires. Il y a d’abord une histoire d’amour intense, doublée d’une immense admiration pour Stills, qui est un musicien absolument exceptionnel ; la plongée dans un univers véritablement rock’n roll, avec tous les excès que ça suppose, beaucoup plus proche du caractère profond de Véronique que le milieu parisien bourgeois douillet dans lequel elle évolue jusqu’alors. Elle se retrouve dans un univers artistique formidablement plus excitant que pouvait l’être le milieu de la musique à Paris en 1972, et côtoie des musiciens de génie.

 

Mais le revers de la médaille, avec un personnage comme Stephen, aussi excessif qu’elle, est que l’histoire sentimentale n’est pas pavée de fleurs tous les jours. Berger, dont la folie était toute intérieure, était dans la vie un homme bien plus sage et raisonnable, qui tempérait un peu le caractère bouillant de sa fiancée, et d’une certaine façon la protégeait d’elle-même. Avec Stills, il n’y a plus de garde-fou, il y a même un plus fou qu’elle. Malgré la passion qu’ils ont l’un pour l’autre, et qui les dévore tous les deux, elle éprouve vite un profond sentiment de solitude. Et comme elle n’est pas fière de la lâcheté avec laquelle elle a abandonné Michel, sans oser lui parler, elle nourrit vite ce sentiment de culpabilité qui s’exprime dans ses chansons d’alors.

 

PdA : 1974 : leur fils, Christopher, voit le jour. On le retrouvera, pas beaucoup plus tard, au centre d'une bagarre épique. Le divorce était devenu inévitable ; salutaire, même, au sens premier du terme, pour ce couple qui jamais n'aura cessé de « danser sur des volcans ». Sex, drugs & rock'n'roll, version trash, parfois et, par périodes, à un cheveu des limites du polar : ce fut cela aussi, ses années américaines. Dans quelle mesure diriez-vous de ces expériences, qui couvrent deux bons tiers d'une décennie, qu'elles l'ont transformée ?

 

Y.M. : Encore une fois, elle a vécu le meilleur comme le pire, parfois en même temps, et toujours dans l’excès. Stills n’était pas protecteur comme l’aurait été Berger. Livrée à elle-même, elle n’a plus de limites. Moins couvée, moins soutenue, elle a aussi dû prendre sa carrière en main, et a énormément appris sur le plan professionnel. Le fait de devoir produire seule Le Maudit, son premier album enregistré là-bas, lui a apporté une expérience irremplaçable, un métier, une indépendance, qui serviront la créatrice géniale qu’elle était déjà.

 

PdA : Les lecteurs l'auront bien compris : vous comptez, avec Laurent Calut, parmi les meilleurs "spécialistes" de la vie, de l'oeuvre de Véronique Sanson. Avez-vous fait d'authentiques découvertes à l'occasion de l'élaboration de ce beau livre, Les Années américaines ?

 

Y.M. : Je ne dirais pas que nous avons fait de découverte fondamentale sur un sujet que, vous l’avez gentiment dit, nous commençons à maîtriser depuis un bout de temps ! Mais mille petites choses, oui. Avec Véro, il y a toujours quelque chose à découvrir. C’est plus du côté de l’anecdote, de la petite histoire. Elle a eu une vie tellement intense, elle a traversé tant de choses à une époque de créativité exceptionnelle, et aussi, elle a une mémoire tellement capricieuse, que parfois, lui revenait un détail que simplement, elle-même avait oublié, ou n’avait pas pensé à nous raconter avant. Plus nous avancions dans le récit, plus lui revenaient de souvenirs que nous ne connaissions pas. Mais il y a aussi beaucoup de choses de l’ordre de l’intime qui n’avaient pas leur place dans une publication !

 

PdA : « Ses » années américaines, ce fut surtout, évidemment, de la musique, de la très bonne musique. Elle côtoie, intègre et reprend à son compte des sonorités nouvelles qui, jusque là, ne s'écrivaient pas, ou quasiment pas, en français. Elle mariera bientôt l'ensemble ; les fruits de toutes ces rencontres et découvertes à son goût de la belle chanson française, à ses talents de compositrice.

Je ne citerai que quelques uns des titres de cette période, milieu-fin des années 70. Le Maudit, bien sûr ; Véronique, Bouddha, On m'attend là-bas (Le Maudit, 1974). Vancouver, Redoutable, Étrange comédie (Vancouver, 1976), Bernard's song,  Y'a pas de doute il faut que je m'en aille, Harmonies et, autre pépite méconnue, Les Délires d'Hollywood (Hollywood, 1977). Les sublimes Ma Révérence et Toute une vie sans te voir ; Lerida, Mi-maître, mi-esclave, Pour celle que j'aime (7ème, 1979)...

Quel regard portez-vous sur ces pages de sa carrière, bientôt à l'affiche dans le cadre de son prochain tour de chant ? Qu'est-ce qui, de votre point de vue, les caractérise, musicalement parlant ?

 

Y.M. : Vous me lancez sur un sujet où je suis intarissable, vous avez quatre heures ? ;-) Une grande partie du livre essaie d’analyser son travail, et encore nous sommes-nous surtout focalisés sur les trois premiers albums américains.

 

Disons, pour faire court que cet environnement américain lui a permis d’exprimer pleinement des qualités de compositeure (comme écrivent les Quebécois) qui étaient déjà présentes dans les deux albums précédents. Elle est un cas à peu près unique de synthèse d’influences classique, pop-rock, et latino-américaine. Seul peut-être Jonasz fusionne autant ces trois inspirations. Et quand je parle de synthèse, de fusion, je veux dire qu’on retrouve ces influences au sein d’une même pièce musicale, et non qu’elle peut un jour écrire un blues, le lendemain une bossa, etc. C’est, je crois, ce qui fait la richesse et l’originalité fondamentale de sa musique.

 

Et les Américains lui ont permis d’apprendre et de développer toutes les techniques de l’arrangement, l’écriture des cordes, avec un orchestrateur majeur comme Jimmie Haskell, celle des cuivres avec le fantastique Steve Madaio, qu’elle a d’ailleurs réinvité sur scène pour cette tournée.

 

Vancouver

 

PdA : Comment expliquez-vous, au vu de son talent dans les trois branches du métier d'artiste de musique, au vu de son aptitude à parler, à chanter et à écrire l'anglais, qu'elle n'ait jamais réellement percé à l'étranger, hors-francophonie ? L'a-t-elle simplement voulu ?

 

Y.M. : Vous avez mis le doigt dessus ! Ce qui semblait une évidence pour son entourage et tous les commentateurs, à partir du moment où elle a commencé à écrire en anglais, ne l’a jamais été pour elle. Véronique n’a jamais eu d’autre ambition que de pouvoir s’exprimer à travers la musique, mais l’idée d’une carrière de prestige (et donc de la conquête d’un public international) lui est étrangère. Elle a chanté une fois à Amsterdam, fait un petite tournée en Allemagne, où elle n’a pas eu que des spectateurs francophones, et où la presse germanophone a été assez intéressée. Mais elle n’a jamais vraiment creusé ce sillon.

 

Il était déjà bien compliqué de vivre et de composer aux États-Unis, et de venir tous les ans promouvoir et tourner en France (« On m’attend là-bas ! »), une carrière américaine lui aurait mangé le peu de temps qu’il lui restait pour vivre. Et elle savait avec beaucoup de lucidité qu’elle avait peu de chance de percer dans un pays où il y a déjà tellement de candidats, et si peu d’écoute pour ce qui viendrait de l’étranger. Quand on lui a suggéré quelques idées de marketing dans la composition, un adaptateur plus formaté pour ses textes, elle a définitivement compris que si en plus, elle devait abandonner une part de sa liberté de création, il n’y avait rien à espérer d’une tentative de carrière anglophone.

 

PdA : Cette question sera liée à la précédente. J'ai 29 ans et n'ai donc pas connu les périodes les plus fastes de son parcours musical et médiatique. Mais une chose, tout de même, me frappe : il me semble que les radios, les télés, le grand public lui-même tendent à la négliger un peu ; à ne pas la considérer tout à fait comme elle mériterait, à mon avis, de l'être. Pas volontairement, sans doute, mais en grande partie par méconnaissance de son oeuvre : l'erreur récente - et courante - d'Anne-Sophie Lapix à propos de M. Berger qui aurait écrit et composé des chansons pour V. Sanson est révélateur de cette méconnaissance qui, parfois, frise le malentendu. Est-elle, aujourd'hui encore, reconnue à sa juste valeur, d'après vous ?

 

Y.M. : L’erreur courante (Michel Berger composant pour Véronique) tient plus à l’image de Pygmalion de Berger, à ses chansons pour France Gall ou Françoise Hardy, qu’à une méconnaissance de Véronique. Et, bien sûr, la gémellité de leur inspiration musicale rend l’erreur très pardonnable.

 

Quant à l’importance de la place de Véronique dans le paysage musical français, j’ai la sensation que c’est vraiment en train de changer depuis quelques années. Elle a été au top pendant trois décennies, avec une vraie nouvelle génération dans les années 90, après Rien que de l’eau, puis sa carrière a continué sur ce socle d’admirateurs sans réel renouveau dans les années 2000. Mais il y a aujourd’hui une vraie redécouverte par les plus jeunes (pensez à Jay-Z ou à Tout ce qui brille), et surtout, toute une jeune génération de musiciennes qui témoigne de l’influence primordiale qu’elle a eue, et du modèle qu’elle représente pour toutes les filles qui font aujourd’hui de la musique. Il y a bien sûr eu le très beau travail de Jeanne Cherhal sur Amoureuse, mais des voix aussi variées que celles de Zaz, Nolwenn Leroy, Élisa Tovati ou Christine and the Queens font d’elle une figure tutélaire. Et l’énergie que Véronique a aujourd’hui, où elle apparaît dans une forme éblouissante après quelques années plus difficiles, et des événements comme cette tournée « Années américaines » devraient encore consolider ce travail de reconnaissance. Et notre livre, qui revient sur sa période « pop-star », espère bien modestement y contribuer !

 

PdA : Quelles sont, parmi toutes ses chansons, celles que vous préférez ; celles dont vous estimez qu'elles mériteraient d'être (re)découvertes - et que vous aimeriez voir dans un prochain setlist ?

 

Y.M. : C’est typiquement la question que vous pourriez me poser dix fois avec dix réponses différentes. Tellement dur de choisir. J’irais vers des chansons de cette période qui n’ont pas été chantées depuis trente ans, même si celles qui sont restées plus longtemps dans les set-lists sont toutes aussi bonnes. Mais je me réjouis à l’idée que (sans doute, elle est encore en pleine préparation), les plus jeunes pourraient avoir la chance d’entendre en scène Bouddha, pour laquelle j’ai toujours eu un gros faible, Étrange comédie ou Ma musique s’en va.

 

Véronique et Yann 

V. Sanson et Y. Morvan, 1995.

 

PdA : Citations, première :  « Qui prétendrait la connaître perdrait sa dernière chemise à parier sur ce qu'elle lui réserve dans l'heure qui suit. » Elle est de vous. Sur elle, of course. Pour l'avoir approchée, étudiée, qu'avez-vous appris d'elle et sur elle ? Quelle image de Véronique Sanson vous êtes-vous forgée ?

 

Y.M. : Je vais encore vous répondre : « Comment vous dire en quelques mots ce que j’ai déjà mis trois livres à essayer d’exprimer ! ». J’aime cette phrase que Julien Clerc a énoncée à l’occasion d’un récent duo à la télé : « Elle n’est que Musique ». C’est fondamentalement une artiste, pas une vedette. Elle paraît avoir une vie tout à fait ordinaire, elle est très abordable dans la vie, et en même temps, elle a une telle liberté, un tel refus des contraintes, que rien de ce qu’elle fait n’est tout à fait « normal ».

 

PdA : Citations, seconde et dernière (parce qu'il va falloir penser à conclure !) : « Rencontrer Véronique, c'est forcément l'aimer d'amour. Intensément. » Ces mots en disent long sur l'affection que vous lui portez. Elle s'apprête à remonter sur scène, à sortir un nouvel opus. 2015 sera l'année de son retour. Y a-t-il un message que vous aimeriez lui adresser ?

 

Y.M. : Je crois que ce livre, comme tous les travaux, petits et grands, que j’ai pu lui consacrer, est d’abord une déclaration d’amour. Et je suis sûr que c’est la même chose pour Laurent Calut. Une déclaration d’amour publique, il n’y a rien à ajouter à ça.

 

PdA : Quels sont vos projets, Yann Morvan ?

 

Y.M. : Je vis désormais le plus clair de mon temps sur une plage mexicaine, que j’ai quittée quelques jours pour accompagner la sortie du livre, et surtout, aller applaudir Véro à l’Olympia. Je continue à faire de la musique en amateur, et à gérer le site officiel de Véronique. Je n’ai pas d’autres projets pour l’instant, mais rien ne dit qu’une autre aventure ne surgira pas bientôt. Avec elle, bien sûr. On est monomaniaque obsessionnel ou on ne l’est pas.

 

PdA : Un dernier mot ?

 

Y.M. : J’espère sincèrement que les lecteurs de ce livre, s’ils ne sont pas déjà mordus, tomberont comme nous sous le charme de cette artiste unique, et surtout, qu’ils se presseront nombreux dans les salles.

 

Il faut voir Véronique Sanson en concert, elle n’est jamais plus vraie et plus belle que sur scène. On en sort toujours un peu transformé.

 

PdA : Merci infiniment...

 

Y.M. : Merci beaucoup à vous, Nicolas.

 

Photo de groupe

Y. Morvan, V. Sanson, L. Calut, juin 2014. Par Julien Tricard.

 

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Pour aller plus loin...

 

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19 janvier 2015

Elena Hasna : "Huit millions de vues... j'en reste abasourdie"

   Il y a un an, un peu plus ou un peu moins, je ne sais plus... bref, j'ai eu, comme nombre de Français et francophones, un coup de cœur pour l'interprétation par une petite Roumaine de cette sublime chanson qu'est Je suis malade (écrite par Serge Lama et composée par Alice Dona). J'ai découvert cette vidéo sur Facebook et l'ai partagée plus d'une fois sur ce réseau.

   Elena Hasna, c'est son nom, a repris plusieurs autres titres en français, dont Dernière Danse, que chante Indila. Je l'ai contactée et lui ai demandé d'évoquer pour Paroles d'Actu l'expérience Next Star (l'émission qui l'a fait connaître), ses goûts en matière de chanson française et ses envies pour la suite. Le texte ici publié est une traduction du sien, initialement composé en anglais. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

PAROLES D'ACTU - LA PAROLE À...

Elena Hasna (Je suis malade, 2013)

Elena Hasna

 

Q. : 06/01/15 ; R. : 12/01/15

  

   Je m'appelle Elena Beatrice Hasna. Je chante depuis l'âge de sept ans ; une passion qui, depuis lors, ne m'a jamais quittée. En 2013, j'ai souhaité participer à cette émission importante, en Roumanie : Next Star, sur Antena 1. C'est un show dans lequel des enfants chantent et sont jugés sur leur prestation. Je ne pensais pas devenir célèbre, parce que je n'ai pas réussi à atteindre la finale. Nous avons tous été surpris, moi la première, par le nombre de vues qu'a obtenues, sur le web, la vidéo de mon interprétation de Je suis malade, juste après la diffusion. Voyant cela, Next Star m'a invitée à réintégrer l'émission, dans le cadre d'une « finale de popularité ». Que j'ai gagnée.

   Il y a eu, cumulés, huit millions de visionnages pour cette vidéo de Je suis malade. J'en reste abasourdie... De nombreux Français s'en sont emparés, quand ils l'ont découverte. Serge Lama lui-même en a posté le lien sur sa page FacebookNext Star organise, de temps à autre, des émissions spéciales auxquelles, souvent, je suis invitée. J'ai participé à plusieurs concerts, à plusieurs émissions en France. J'y ai chanté cette chanson et en ai été très heureuse. J'aime beaucoup la chanson française. Je pourrais citer, outre Serge Lama évidemment, des gens comme Céline Dion, Dalida, Lara Fabian... J'aime beaucoup la France de manière générale. C'est un très beau pays.

   Ce dont j'aurais envie, pour la suite ? Je veux continuer de chanter et espère participer à nouveau show musical pour adolescents ici, en Roumanie. Je rêve d'un duo avec une grande vedette de la chanson. De me produire sur des scènes importantes. De poursuivre mon chemin et de gagner en notoriété, petit à petit. Merci de m'avoir proposé de m'exprimer sur votre blog.

 

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Vous pouvez retrouver Elena Hasna...

 

6 novembre 2014

Frédéric Quinonero : "Johnny a été le grand frère que je n'ai pas eu"

Le 22 octobre dernier, alors que les « Vieilles Canailles » (Eddy Mitchell, Jacques Dutronc, Johnny Hallyday) s'apprêtaient à entamer leur série de concerts, Frédéric Quinonero - qui m'avait fait l'amitié de répondre à mes questions sur Michel Sardou au mois de juin - voyait son nouveau livre, Johnny, la vie en rock, investir les étals des librairies. C'est le troisième ouvrage qu'il consacre à celui que nombre de francophones de toutes générations appellent toujours, plus de cinquante ans après, et avec la même affection, « l'idole des jeunes ». Une bio massive, très complète, qui fera date. Il a accepté, à nouveau, de m'accorder un peu de son temps. D'évoquer le Johnny qu'il aime et qu'il a appris à connaître. De se confier, aussi. Je l'en remercie. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

FRÉDÉRIC QUINONERO

Auteur de Johnny, la vie en rock

 

« Johnny a été le grand frère

que je n'ai jamais eu »

 

Johnny La vie en rock

(Source des illustrations : F. Quinonero)

 

Q. : 31/10/14 ; R. : 04/11/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Frédéric Quinonero. Je suis ravi de vous retrouver, quelques mois après notre première interview. Votre dernier ouvrage, Johnny, la vie en rock, vient tout juste de paraître (Éd. Archipel). Pourquoi avez-vous eu envie d'écrire ce nouveau livre sur lui, d'entreprendre ce travail colossal ?

 

Frédéric Quinonéro : J’avais écrit précédemment un livre qui se présentait sous la forme d’un agenda ou journal de bord, puis j’avais abordé la carrière de Johnny à travers la scène. Depuis longtemps, je rêve d’une énorme biographie, qui soit la plus complète possible, la plus riche, la plus documentée. Émaillée de témoignages de gens célèbres ou anonymes, dont certains rarement ou jamais sollicités. Une telle somme ne s’écrit pas en six mois ni même un an, c’est le travail de toute une vie.

 

Je voulais aussi quelque chose de très écrit, qui sans trop quitter la technique obligée de la biographie, impose un style d’écriture personnel. J’ai envie qu’on me juge autant sur la forme que sur le fond. Et je suis assez frustré quand on ne se soucie pas du premier élément qui me semble indispensable à tout auteur, fût-il biographe de stars.

 

PdA : Quelle est l'histoire de, précisément, votre histoire avec Johnny Hallyday ?

 

F.Q. : Mon histoire avec Johnny commence en 1969. J’avais six ans. Une histoire de fan, qui ressemble à des milliers d’autres. Je vois le « show Smet » à la télévision ; je tombe en admiration devant ce chanteur si charismatique. Le lendemain ou la semaine suivante, mes parents m’achètent le single de Que je t’aime, puis pour Noël « l’album au bandeau » (album sans nom sorti en 1969, ndlr). L’été suivant, ils m’emmènent l’applaudir dans les arènes d’Alès — à moins que ce soit Nîmes. Ils gardent un souvenir de moi ce soir-là, comme hypnotisé, envoûté.

 

J’ai grandi avec Johnny et ses chansons ; il a été le grand frère que je n’ai pas eu. Aujourd’hui j’ai un regard de biographe, mais je ne peux me défaire de mon regard de fan. Ce que j’écris est inévitablement chargé de mon amour pour lui. Je l’ai croisé plusieurs fois dans ma vie, sans jamais provoquer une vraie rencontre. Récemment, répondant à la suggestion de mon éditeur qui m’a dit : « Quand même, après trois livres que vous lui avez consacré, il serait temps que vous le rencontriez », j’ai tenté la démarche, mais elle n’a pas abouti, et je n’ai pas insisté.

 

PdA : Si, parmi son répertoire imposant, vous deviez sélectionner quelques chansons, connues ou moins connues, quelles seraient-elles ?

 

F.Q. : J’adore en particulier toute la période avec Tommy Brown et Micky Jones, les albums sortis entre 1967 et 1971. C’est ma période préférée de l’artiste. Outre Que je t’aime, qui a été mon premier disque, j’ai une préférence pour Oh ! ma jolie Sarah, une chanson qui a marqué mon enfance. Mais globalement, il n’y a pas une époque de sa carrière que je n’aime pas. Car tous ses albums me rappellent un souvenir, renvoient à quelque chose de l’ordre de l’affectif.

 

Parmi ses dernières productions, j’écoute assez souvent l’album Le Cœur d’un homme. Et je rêve d’un spectacle unplugged, d’une scène intime au milieu de ses fans. Il n’a plus besoin de nous bluffer avec tout un barnum de décors et de feux d’artifice. Sa voix et sa présence suffisent.

 

L'éphéméride

 

PdA : On a le sentiment de tout savoir de lui. Avez-vous fait d'authentiques découvertes lors du travail effectué pour ce livre ? Question subsidiaire : y a-t-il encore des zones d'ombre en ce qui concerne M. Smet/Hallyday ?

 

F.Q. : Tout artiste a des zones d’ombre. C’est d’autant plus vrai pour Johnny, qui a vécu une enfance si extraordinaire, au sens strict du terme. Abandonné par son père, éloigné de sa mère, il a forgé son éducation dans les cabarets et les théâtres. C’est un être profondément sensible et romantique, sous sa carapace de rock star.

 

Au fond, lui qui n’a pas eu d’enfance n’a jamais cessé d’être un gamin, et le terme n’est pas péjoratif. Ce qui explique ses difficultés à créer une famille. Cette vie carrément romanesque qu’il a vécue est pain bénit pour un auteur. Si j’ai réussi à transmettre la tendresse qu’il m’inspire et à rendre le personnage sympathique, même dans ses travers, le pari est alors gagné.

 

PdA : Pourquoi un amateur de Johnny ou - cas extrême - un fan absolu qui aurait déjà tout de et sur lui serait-il bien inspiré de feuilleter, d'acheter votre livre ?

 

F.Q. : Sans doute parce qu’il aura là la biographie la plus complète à ce jour. Déjà, 860 pages c’est du jamais vu ! Ensuite, parce que je me suis appliqué à ne rien laisser dans l’ombre, à relater tous les grands événements de la vie du chanteur. Et surtout, puisqu’il s’agit avant tout de raconter le parcours d’un artiste, je n’oublie rien de son extraordinaire carrière !

 

PdA : Si vous deviez lui adresser un message... ?

 

F.Q. : Je me réserve pour le jour où il souhaitera mettre un visage et une voix sur mon nom. 

 

PdA : Voulez-vous nous parler de vos projets, Frédéric Quinonero ?

 

F.Q. : Un livre en 2015, probablement au printemps. Ensuite, il est probable que je lève un peu le pied, ou plutôt la plume ! J’ai l’intention d’obtenir un diplôme afin d’exercer un métier parallèle. Vous n’êtes pas sans savoir que la situation sociale et contractuelle des auteurs n’est pas évidente, et que dans la période de crise que nous traversons elle ne cesse de se dégrader. L’écrivain est le parent pauvre de la culture, le seul qui n’a pas de statut et doit exercer un autre job pour subsister. Alors, si je veux continuer à vivre de ma passion, il est préférable pour moi de m’assurer un certain confort avec un emploi stable, fût-il à mi-temps. C’était ma minute d’engagement politique (rires).

 

PdA : Un dernier mot ?

 

F.Q. : Rock’n’roooooll !

 

Frédéric Quinonero

 

 

Que vous inspirent l'œuvre, le personnage de Johnny Hallyday ? Quelles sont, parmi ses chansons, celles que vous préférez ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Pour aller plus loin...

  

21 août 2014

Daniel Pantchenko : "Aznavour a su conjuguer qualité et chanson populaire"

   Je caressais depuis longtemps l'idée de consacrer à Charles Aznavour, qui a eu quatre-vingt-dix ans le 22 mai dernier, un article qui me permette d'évoquer celles de ses chansons que j'aime, de donner à nos lecteurs une occasion de les (re)découvrir. Avec, à l'appui, du son et de l'image : l'inclusion au document de liens audiovisuels mis en ligne par des passionnés, bien loin de décourager l'éventuelle consommation tarifée d'un produit artistique aurait, au contraire, pour effet d'enrichir l'expérience de l'écrit, d'aiguiser la connaissance, l'appétit du public pour une œuvre remarquable. Ô combien...

   Daniel Pantchenko, qui a signé il y a quelques années Charles Aznavour ou le destin apprivoisé, une biographie de référence sur cet auteur-compositeur-interprète de génie, m'a fait l'honneur d'accepter l'invitation que je lui ai proposée. Il nous ouvre à des titres fort peu connus et revient pour Paroles d'Actu sur le parcours exceptionnel - mais non dénué d'embûches - de celui qu'un sondage CNN/Time avait consacré « artiste du siècle » en 1998 et qui, aujourd'hui encore, après si longtemps, demeure présent, en bonne position, dans le cœur des Français.

   Un hommage à quatre mains, donc, à un artiste dont l'empreinte dans la légende et la grande histoire de la belle chanson française est assurée depuis longtemps. Chapeau bas, Monsieur Aznavour. Merci, Monsieur Pantchenko, pour vos réponses, passionnantes et qui nous donnent envie d'aller plus loin. Pour votre gentillesse. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

DANIEL PANTCHENKO

Auteur de Charles Aznavour ou le destin apprivoisé

 

« Aznavour a su conjuguer

qualité et chanson populaire »

 

Charles Aznavour ou le destin apprivoisé

(Source des photos : D. Pantchenko.

Dont : trois photos provenant de documents de présentation édités par l'Alhambra, 1956.)

 

Q. : 09/06/14 ; R. : 20/08/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Daniel Pantchenko. Vous êtes journaliste et l'auteur de plusieurs ouvrages, dont celui qui nous intéresse plus particulièrement aujourd'hui, Charles Aznavour ou le destin apprivoisé (Fayard), publié en 2006. Ce projet, c'est aussi une histoire d'amitié : vous avez souhaité terminer ce qu'avait entrepris votre ami Marc Robine, décédé en 2003...

 

Daniel Pantchenko : Effectivement. Marc et moi, nous étions journalistes à la revue Chorus, les cahiers de la chanson et nous nous retrouvions surtout à chaque réunion trimestrielle. Aussi passionné l’un que l’autre mais extrêmement différents, nous avions donc des discussions animées au sein de l’équipe dirigée par Fred et Mauricette Hidalgo. Marc m’avait parlé à plusieurs reprises du livre qu’il avait commencé sur Aznavour et il savait que j’avais beaucoup aimé certaines de ses chansons. Pas toujours des plus connues, d’ailleurs, que j’avais apprises par cœur (Sa jeunesse, Plus heureux que moi, Le Carillonneur…). Nous n’étions pas amis intimes avec Marc, mais nous avions une estime professionnelle réciproque. À son décès (l’été 2003), j’ai vu les documents précieux qu’il avait réunis et j’ai lu les quelque 150 feuillets qu’il avait écrits. C’était un travail non finalisé mais remarquable.

 

Dans un premier temps, j’ai pensé qu’il aurait été symbolique de poursuivre son travail avec plusieurs membres de l’équipe, mais cela ne s’est pas produit et j’ai donc décidé de m’atteler seul à la tâche. Je n’avais encore jamais écrit de livre et cela m’a mis en quelque sorte le pied à l’étrier. Comme je souhaitais pouvoir interroger Charles, j’ai fait parvenir le manuscrit de Marc Robine à Gérard Davoust (l’associé d’Aznavour aux éditions Raoul Breton), que j’avais déjà croisé au plan professionnel. Quelques mois plus tard, il m’a téléphoné, enthousiaste, pour me dire que Charles était d’accord pour me rencontrer. Je l’avais déjà interviewé en 1987, lorsque j’étais pigiste au quotidien L’Humanité, mais Charles n’avait plus accepté de participer à une biographie de ce type depuis quarante ans. J’ai alors signé le contrat en septembre 2004 avec les éditions Fayard, avec lesquelles la revue Chorus était partenaire. Et le livre est sorti en mai 2006.

 

PdA : Charles Aznavour naît d'une famille d'artistes le 22 mai 1924, à Paris, presque par hasard... Est-ce au hasard que l'on doit l'installation des Aznavourian en France et, par voie de conséquence, l'émergence d'un des futurs grands ambassadeurs de notre langue ?

 

D.P. : Les parents de Charles Aznavour ont été ballottés par l’Histoire, entre la Révolution russe côté paternel et le génocide arménien en Turquie côté maternel. S’ils se sont installés à Paris, c’est qu’après avoir été l’un des cuisiniers du Tsar, Missak Aznavourian (le grand-père de Charles) y avait émigré et ouvert un restaurant, Le Caucase, où se retrouvaient de nombreux Russes blancs. Mischa (le père de Charles) y travaillera et y jouera du Târ (un instrument à cordes pincées) en chantant pour distraire les clients. En 1980, Aznavour a enregistré une magnifique chanson où tout est dit, Autobiographie, et il avait créé en 1975 Ils sont tombés, sur le génocide arménien.

 

PdA : Le jeune Charles rêve d'abord de devenir acteur, il s'orientera un peu plus tard, plus clairement, vers le monde de la chanson, des cabarets... En 1941, il rencontre le jeune auteur-compositeur Pierre Roche. En 1946, leur chemin croise celui de Piaf. Le duo va bientôt découvrir l'Amérique...

 

D.P. : Beaucoup de chanteurs, tels Reggiani ou Bruel, ont débuté ainsi avant de conjuguer les différentes disciplines ou d’en choisir une. Charles a fréquenté dès l’âge de neuf ans une école du spectacle et débuté tout de suite au théâtre. Avec sa sœur aînée Aïda, ils ont été des « enfants de la balle » (ils ont grandi dans le milieu du spectacle) avant d’être ces Enfants de la guerre que Charles a enregistrés en 1966. Aïda a commencé à chanter avant lui, il a débuté au cinéma à quatorze ans dans Les Disparus de Saint-Agil, de Christian-Jaque, aux côtés de Mouloudji et Michel Simon. Et il va gagner de nombreux radio-crochets avant d’intégrer une troupe où officie déjà sa sœur.

 

De fait, c’est sa rencontre au Club de la Chanson avec le pianiste-compositeur Pierre Roche en 1941 qui se révèlera déterminante. Lors d’une soirée où ils doivent se succéder, la présentatrice se trompe et les annonce ensemble. Du coup, ils décident de monter un duo qui va durer huit ans, orientant définitivement Aznavour vers la chanson. Curieusement, il passera d’ailleurs aussi huit ans auprès de Piaf… qui interprètera huit de ses chansons. Mais si le duo Roche-Aznavour découvre l’Amérique en passant par le Québec, Piaf va pousser Aznavour à chanter en solo et à bâtir sa carrière en France, ce qu’il va faire. En se libérant ensuite de la tutelle de Piaf, dont il dira toujours deux choses essentielles : qu’elle a été très importante pour lui et pour sa carrière ; qu’il n’y a jamais eu d’histoire d’amour entre eux.

 

PdA : Au début des années 50, il écrit pour Bécaud, compose pour Patachou, Gréco... En solo, il peine à décoller...

 

D.P. : Aznavour rencontre Bécaud en 1952 et ils se mettent à écrire ensemble des chansons que l’un et l’autre enregistreront : Viens, Mé qué, mé quéGréco avait remporté un prix avec Je hais les dimanches (qu’avait d’abord refusé Piaf !) ; avant d’auditionner Aznavour dans son cabaret sur la Butte Montmartre, Patachou était secrétaire chez Raoul Breton, l’éditeur obstiné et décisif d’Aznavour (j’ai tenu à lui consacrer tout un chapitre). Bientôt l’auteur Aznavour est chanté par de nombreux interprètes tels Georges Ulmer, Philippe Clay, Les Compagnons de la chanson (on dit que la France est « Aznavourée »), mais le chanteur Aznavour va être l’objet de critiques violentes à la limite du racisme pour ses origines ou sa petite taille, et de façon soi-disant spirituelle pour sa voix au timbre singulier : « l’enroué vers l’or », « l’aphonie des grandeurs », « la petite Callas mitée »… Il lui aura fallu une détermination et un courage hors-norme (sans oublier le soutien sans faille de l’éditeur Raoul Breton) pour venir à bout de tous ces obstacles. D’où le titre du livre (Charles Aznavour ou le destin apprivoisé) qu’avait trouvé Marc Robine, et que j’ai bien entendu conservé.

 

PdA : La consécration vient autour des années 1956-57. Il crée Sur ma vie (1956), son premier grand succès populaire. Le public le fête à l'Alhambra, à l'Olympia; il va, dès lors, enchaîner les contrats. Une vedette est née...

 

D.P. : Aznavour connaît ses premiers vrais succès publics fin 1954 après une tournée en Afrique du Nord, où il a enthousiasmé le propriétaire du Casino de Marrakech, qui est alors également celui du Moulin-Rouge. Il y passe donc ensuite en tête d’affiche, et pendant trois mois. L’année suivante, il sera en « vedette anglaise » de l’Olympia où il créera Sur ma vie, son premier grand succès populaire… que reprendra Hallyday beaucoup plus tard (un article de la revue Music-Hall le qualifie alors de « Monsieur-Force-la-Chance »). Ce n’est pas encore la « consécration » et même si son succès est de plus en plus grand, ladite consécration viendra véritablement avec son arrivée chez Barclay et le choc scénique et médiatique lié à Je m’voyais déjà (entre-temps, le 31 août 1956, un autre choc s’est produit, terrible celui-là, où Charles a failli perdre la vie dans un accident de voiture).

 

Alhambra 1

 

PdA : J'aimerais, à ce stade de notre entretien, vous inviter à évoquer quelques chansons d'Aznavour, à nous livrer les anecdotes dont vous auriez connaissance, votre ressenti face à tel ou tel titre. La liste est totalement subjective, presque égoïste : une sélection, parmi mes préférées. De superbes mélodies. Des textes très riches et, à la fois, désarmants de simplicité, la mise en scène quasi-cinématographique de situations, de sentiments qui peuvent toucher tout le monde... Il y en a qui sont archi-connues, d'autres moins. Une belle occasion, à mon sens, de faire découvrir ou redécouvrir quelques perles de son répertoire...

 

D.P. : En 1954, certains titres, déjà, ont marqué comme Viens au creux de mon épaule et Je t’aime comme ça (cousine annonciatrice de Tu t’laisses aller) et il les a réunis dans un 25 cm. Côté un rien mélodramatique, il y a eu ensuite Le Palais de nos chimères et Une enfant ; côté swing, On ne sait jamais, J’aime Paris au mois de mai, Pour faire une Jam… et toujours lié à la musique, Ce sacré piano ; côté sensualité voire provocation, il y a eu Après l’amourQuand nos corps se détendent …/… Quand nos souffles sont courts »), et des titres que parfois Piaf et Bécaud ont un peu édulcorés. Le mieux, c’est quand même d’écouter tous ces titres qu’on trouve aisément sur le web.

 

PdA : Sa jeunesse (Année : 1956. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Bien sûr, Sa jeunesse est une pure merveille, dans l’œuvre d’un auteur-compositeur où la thématique du « temps » est omniprésente (« C’est normal pour quelqu’un qui a peur de la mort », me confiera-t-il). Il l’associera plus tard à Hier encore, autre merveille (la chanson préférée, je crois, de Marc Robine), et il ne faut jamais oublier chez Aznavour la dimension mélodique extraordinaire. La sienne propre d’abord, mais aussi, celle de son grand complice (et beau-frère) Georges Garvarentz, qui a signé – en outre - de nombreuses musiques de films. Pour revenir à Sa jeunesse, Charles a écrit le texte fin 1949 à l’époque de son passage québécois au Faisan Doré avec Pierre Roche, et il n’a composé la musique que sept ou huit ans plus tard…

 

PdA : Les deux guitares (Année : 1960. Paroles : C. Aznavour. Musique : Tzigane russe.)

 

D.P. : C’est l’une des toutes premières chansons d’Aznavour chez Barclay (après Tu t’laisses aller), adaptée d’un air traditionnel russe, et qui prend valeur de symbole en évoquant les racines et les années d’enfance à travers la musique et l’ambiance des restaurants ouverts par son père. L’arrangement est de Paul Mauriat et on retrouvera cette ambiance et cet esprit musical en 1980, dans Autobiographie, cette longue et incontournable chanson déjà évoquée.

 

PdA : Je m'voyais déjà (Année : 1960. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Le 12 décembre 1960, pour la première de presse du passage d’Aznavour à l’Alhambra, Barclay a fait tirer pour les VIP un 45 tours / 2 titres spécial avec Je m’voyais déjà et L’Enfant prodigue. Pour la première chanson, Charles a imaginé toute une mise en scène, de dos au public, qui va se révéler très efficace. Et susciter un triomphe et l’avènement d’une vedette, bientôt internationale (d’où le chapitre que j’ai intitulé « L’effet 'Je m’voyais déjà' »). Bien qu’elle paraisse très autobiographique, Charles a maintes fois répété que cette chanson lui a été inspirée par un artiste croisé dans un cabaret belge.

 

PdA : Bon anniversaire (Année : 1963. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : C’est dans l’album qui s’ouvre sur For me… formidable (paroles de Jacques Plante, l’auteur de La Bohême). Ce titre doux-amer sur un anniversaire de mariage calamiteux, mais où l’amour reste le plus fort, s’inscrit dans l’esprit de Tu t’laisses aller, qu’on retrouve encore dans l’album à travers Dors et Tu exagères. L’homme y a quand même un peu trop le beau rôle, extrêmement compréhensif et patient à l’égard de cette femme qu’il aime « malgré tout ». Cette « abnégation » gentiment auto-célébrée aurait eu un peu de mal à passer dix ans plus tard avec l’essor du mouvement féministe.

 

PdA : La mamma (Année : 1963. Paroles : R. Gall. Musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Énorme tube sur un texte du père de France Gall, et encore sur une mélodie efficace de Charles. Il y a un côté cinématographique à l’Italienne, un récitatif, un refrain-cantique et une montée finale typiquement aznavourienne… Mais comme toujours, pour les chansons de Charles qui ont eu un tel succès et qu’on a – à mon goût – un peu trop entendues (c’était un peu le cas dans le même album avec Et pourtant), j’ai préféré ici Je t’attends (musique de Bécaud) ou Les Aventuriers (encore un texte de Jacques Plante).

 

PdA : À ma fille (Année : 1964. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Là, j’ai beaucoup aimé l’ensemble de l’album (à part son tube, Que c’est triste Venise) même si je trouve À ma fille un peu convenu. Cela étant, Charles (40 ans) sait les « dangers » qui guettent sa fille Patricia qui a alors 17 ans… l’âge de plusieurs de celles qu’il courtise dans ses chansons (Viens, Donne tes seize ans, Trousse-Chemise…). Et comme je l’ai dit plus haut, ici, c’est Hier encore que je préfère, l’une des plus belles de Charles à mon sens.

 

Alhambra 2

 

PdA : La Bohème (Année : 1965. Paroles : J. Plante. Musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Celle-ci aussi est évidemment superbe. Elle a permis à l’opérette Monsieur Carnaval (sur un livret de Frédéric Dard, alias San-Antonio) d’obtenir un grand succès. La chanson n’y était pas prévue au départ. Sentant immédiatement l’impact qu’elle pouvait avoir, Charles l’a enregistrée avant la vedette du spectacle, Georges Guétary, ce qui a provoqué un sérieux accrochage entre les deux artistes et leurs maisons de disques respectives. Tous ayant vendu beaucoup, la réconciliation eut lieu assez vite.

 

PdA : Et moi dans mon coin (Année : 1966. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Chantre inlassable du sentiment amoureux, Aznavour parle rupture d’une manière cinématographique et promène son œil-caméra sur la femme aimée et son rival, dont il saisit clairement et avec accablement le « manège ». Il y a souvent des saynètes de ce genre chez Charles, qui n’oublie jamais qu’il est comédien (il a enregistré Les Comédiens quelques années plus tôt). Il y a, dans ce même disque, Les Enfants de la guerre dont j’ai déjà parlé, et un exercice de style assez rare qui vaut le détour, éclairant d’intéressante façon la façon d’écrire du chanteur : Pour essayer de faire une chanson.

 

PdA : Emmenez-moi (Année : 1967. Paroles : C. Aznavour. Musique : G. Garvarentz.)

 

D.P. : Encore un titre-culte, et dont près d’un demi-siècle après, les deux dernières lignes du refrain gardent toute leur actualité : « Il me semble que la misère / Serait moins pénible au soleil ». Avec, une fois de plus cette touche cinéma, qui invite particulièrement bien au voyage.

 

PdA : Non, je n'ai rien oublié (Année : 1971. Paroles : C. Aznavour. Musique : G. Garvarentz.)

 

D.P. : Rebelote, et de façon magistrale, dans ce flash-back de plus de six minutes, avec la patte de Garvarentz, roi de la musique de film. Excellent en scène, of course, ce que plusieurs critiques ont souligné.

 

PdA : Comme ils disent (Année : 1972. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Inspirée à Charles par certains de ses amis (et déconseillée alors prudemment par des proches), cette chanson reste encore aujourd’hui la plus connue au plan symbolique sur le thème de l’homosexualité. Aucun chanteur de sa notoriété n’avait alors osé l’aborder ainsi et en finesse. Comme je l’ai noté dans le livre, des militants et autres artistes « engagés » ont déploré alors qu’Aznavour n’ait pas écrit cette chanson dix ans plus tôt. Quand on voit les débats pour le moins houleux qu’a provoqué « le mariage pour tous », on se dit qu’il y a encore du travail… À noter que cette chanson d’Aznavour sera la dernière à obtenir autant de succès (avec, à un degré moindre, Les Plaisirs démodés, sur ce même album).

 

PdA : Je t'aime A.I.M.E. (Année : 1994. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : J’avoue que cette chanson en forme d’exercice de style ne m’a pas vraiment passionné, même si elle illustre parfaitement une des manières d’écrire de son auteur.

 

PdA : Une autre, de votre choix ?

 

D.P. : Là, c’est le genre de question à laquelle je ne répond jamais, parce que la chanson que je choisirai aujourd’hui sera différente demain, et encore différente après-demain. Mais la question suivante me permettra de résoudre plus ou moins ce dilemme.

 

PdA : Justement... Quelles sont, notamment parmi celles qui sont un peu moins connues, vos chansons préférées d'Aznavour, celles qui, de votre point de vue, mériteraient d'être connues davantage ?

 

D.P. : Il y en a beaucoup, et le bonheur que m’apporte chacune de mes biographies, où je mets en avant l’artiste et son œuvre, c’est lorsqu’une personne me dit que sa lecture lui a donné envie de découvrir d’autres chansons de l’artiste en question. J’ai découvert Aznavour lorsque j’étais adolescent, au début des années 60, et j’ai adoré sa voix et son premier disque Barclay, avec Les deux guitares, bien sûr (peut-être à cause de mes origines paternelles ukrainiennes : à Bordeaux, on allait sur des bateaux soviétiques de passage, on trinquait et des marins chantaient des variantes - façon corps de garde - de cette chanson d’origine traditionnelle qui les faisaient beaucoup rigoler, mais pas nous, malgré la traduction).

 

Dans ce même disque, j’adorais Fraternité, Rendez-vous à Brasilia et surtout J’ai perdu la tête et Plus heureux que moi, que j’avais apprises par cœur et que je me chantais souvent. Et plus encore même, Le Carillonneur, dans le disque suivant, avec Il faut savoir. Le Carillonneur, c’est sur un texte de Bernard Dimey, auquel j’ai consacré un chapitre (38), car c’est le seul auteur auquel Aznavour a lui-même consacré tout un album (en 1983).

 

Ensuite, j’ai découvert des chansons antérieures qui m’ont aussi beaucoup plu comme On ne sait jamais, J’aime Paris au mois de mai, Sa jeunesse, Il y avait, Sur la table, C’est merveilleux l’amour, Ce sacré piano… Et puis encore, dans les années 60, L’Amour c’est comme un jour, Les petits matins, Avec, Le Toréador

 

Alhambra 3

 

PdA : Quelle image vous êtes-vous forgée, pour l'avoir étudié, rencontré plusieurs fois, de l'homme Charles Aznavour ?

 

D.P. : D’abord, « forger », c’est vraiment un verbe qu’utilise beaucoup Aznavour et qui lui correspond très bien, en homme – j’y reviens - qui a su apprivoiser son destin. Je l’ai effectivement rencontré plusieurs fois, mais vous savez, c’était dans un contexte privilégié où le rapport était évidemment facilité, simple, préparé par Gérard Davoust et empreint de confiance réciproque. Pour autant, j’ai constaté son professionnalisme, son souci du détail, son souci primordial pour sa famille, et aussi son humour, jeux de mots à l’appui…

 

PdA : Avez-vous été étonné, surpris par certaines découvertes, certaines révélations lors de la préparation de votre ouvrage ?

 

D.P. : Pas vraiment. Marc Robine avait déjà réuni de nombreux documents et, comme j’avais déjà écrit sur Aznavour (interview comprise), je le connaissais pas mal. J’ai appris des choses, comme j’en apprends chaque fois sur les artistes, des choses importantes mais pas véritablement surprenantes.

 

PdA : En 1998, CNN et les internautes de Time le consacrent « artiste du siècle » devant Elvis Presley et Bob Dylan. C'est un choix que vous comprenez, que vous auriez pu faire vous-même ?

 

D.P. : Pour moi, ce type de classement n’a pas vraiment de sens en matière artistique et donc, ne m’intéresse pas (même si cela a été indiqué en quatrième de couverture de mon livre).

 

PdA : Quel est, au fond, l'apport de Charles Aznavour à la chanson française ? Que lui doit-elle ?

 

D.P. : Charles rappelle toujours que son nom n’est jamais cité parmi les « grands » de la chanson française. Sans doute son immense succès populaire est-il en partie responsable de cela, et sans doute y a-t-il contribué lui même en se prêtant à certaines opérations plus médiatiques qu’artistiques. Il reste qu’il a su conjuguer qualité et chanson populaire, un certain nombre de ses compositions n’ayant rien à envier à personne, personne n’ayant par ailleurs porté comme lui cette expression culturelle française à travers le monde, au fil d’une carrière d’une exceptionnelle longévité.

 

Daniel_Pantchenko

(Photo de Claudie Pantchenko.)

 

PdA : Nous ne conclurons pas cet entretien avant d'avoir évoqué, l'espace d'un instant, votre dernier ouvrage : Serge Reggiani, l'acteur de la chanson. Reggiani, grand interprète qui, c'est heureux, revient dans l'actualité et sur les ondes, dix ans après sa disparition... Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire cette nouvelle biographie ?

 

D.P. : Exceptée la biographie d’Aznavour, écrite après le décès de Marc Robine qui l’avait amorcée, les trois suivantes (Jean Ferrat, Anne Sylvestre et aujourd’hui Serge Reggiani) répondent toujours de ma part à un souci fondamental : combler un manque éditorial à propos d’une chanteuse ou d’un chanteur importants à mes yeux, dont j’ai suivi professionnellement la carrière. Il n’existait pas de biographie vraiment pointue de Reggiani, que j’ai interviewé cinq fois entre 1981 et 2003.

 

Tout en abordant l’ensemble de sa carrière et de sa vie, j’ai centré naturellement mon travail sur la chanson, sur son répertoire remarquable et sur sa dimension d’acteur, avec cette voix émouvante reconnaissable entre mille. Et je me suis rendu compte que, toutes générations confondues, la plupart des gens auxquels j’ai parlé de mon projet d’écrire sur Reggiani ont réagi spontanément en disant : « J’adore ! »

 

PdA : Quels sont vos projets pour la suite, cher Daniel Pantchenko ?

 

D.P. : J’ai quelques idées de nouvelles biographies, mais pour l’instant, rien n’est arrêté. Je réfléchis également à des choses plus personnelles et je commence à réunir du matériel divers sans savoir encore ce que cela donnera et à quelle échéance…

 

PdA : Quelque chose à ajouter ?

 

D.P. : Sans doute, mais j’ai déjà beaucoup répondu et le mieux et de chercher directement dans le livre la réponse à d’autres éventuelles questions…

 

PdA : Merci infiniment...

 

Ndlr : Il m'a fallu opérer quelques choix s'agissant des chansons évoquées lors de l'interview et qui ont été commentées par M. Pantchenko. J'aurais pu en citer d'autres, que j'apprécie beaucoup, dont Être, Je voyage ou encore Un Mort vivant. N.R.

 

Aznavour Pantchenko

(Photo de Francis Vernhet, datée de janvier 2006.)

 

Et vous, que vous inspire l'œuvre de Charles Aznavour ? Quelles sont, parmi ses chansons, celles que vous préférez ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Pour aller plus loin...

  

31 juillet 2014

Bernard Saint-Paul : "J'ai confiance en Véronique... et je l'aime"

   Il est de ces articles dont la publication procure, au-delà de la satisfaction née de l'achèvement d'un projet et de la gratitude ressentie envers l'interviewé, une fierté véritable. Je pourrais citer quelques-uns des entretiens parus sur Paroles d'Actu - celui avec le regretté Gilles Verlant; celui avec la "maman" des Guignols Alain Duverne; celui avec la directrice des jeux et divertissements de France 2 Nathalie André; celui avec Marie-Paule Belle, par exemple -, ils ont tous au moins un trait commun : la sincérité qui émane de l'invité, le goût manifesté à l'idée de se raconter, sans fioriture ni tabou, simplement et, souvent, avec de vraies bonnes doses d'humilité.

   L'article qui suit sera, à l'évidence, à classer parmi ceux-là - et tous les autres que je n'ai pas cités. Bernard Saint-Paul a un CV long comme un bras (plus la moitié d'un autre). Je n'y reviendrai pas outre-mesure dans cette intro : sa carrière et sa vie, sa "drôle de vie", comme dirait Sanson, cette immense artiste qu'il a si souvent accompagnée, seront largement déroulées au cours du document. De ses mots, je retiendrai la puissance d'une tendresse qu'il ne cherche pas à dissimuler envers sa « petite sœur ». Et toutes ces anecdotes, passionnantes, formidables. Un mot, banal en apparence, dont chaque lettre est pesée, pensée ici : MERCI, Monsieur... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

N.B. : Votre serviteur a eu à coeur, lors de la composition de cette page, d'insérer une multitude de liens dénichés un par un pour permettre au lecteur de bénéficier, en plus du texte, d'illustrations visuelles et - surtout - musicales. Il y a, sans préjugé sur les questions de droits qui leur sont attachés, des liens YouTube, Dailymotion, etc... qui n'ont d'autre but que la (re)découverte de telle ou telle chanson. Celui ou celle qui partage un lien de ce genre le fait avant tout parce qu'il aime un artiste. Celui ou celle qui découvrira un titre qui lui plaira sera tenté, par la suite, de le "consommer" de manière plus traditionnelle, forcément. (Tenez, au passage, un investissement que je vous recommande vivement, avec le Lucien de Bernard Saint-Paul : Petits moments choisis)

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

BERNARD SAINT-PAUL

 

« J'ai confiance en Véronique...

et je l'aime »

 

Bernard Saint-Paul

(Photos : collection personnelle B. Saint-Paul)

 

Q. : 08/07/14 ; R. : 27-31/07/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Bernard Saint-Paul. "Fils d'un haut fonctionnaire nommé par le général de Gaulle et d'une mère institutrice", votre destin semblait tout tracé : vous seriez diplomate ou occuperiez, en tout cas, un emploi sérieux. C'était, comme il est raconté sur votre site, sans compter "les tentations diverses". C'était sans compter le Rock 'n' Roll et l'irrésistible pouvoir d'attraction de son "parfum d'interdit sauvage"...

 

Bernard Saint-Paul : C'est une belle formulation, cet "interdit sauvage". J'aime beaucoup ça, c'était vrai dans les années 70, ça l'est, hélas, beaucoup moins. J'avais une envie furieuse de quitter Bordeaux, de ne pas être professeur de Lettres.

 

Je ne me voyais pas moisir en province, la capitale me faisait les yeux doux, montrait le haut de ses jambes, insistant pour que je l'empale, et moi, pauvre idiot, j'y croyais ! J'étais loin de savoir qu'elle faisait ce même "coup du charme" à tous les puceaux de mon genre, aux rêveurs de grands espaces, à ceux qui voulaient toucher les paillettes, acheter la Tour Eiffel et s'encanailler avec le succès.

 

PdA : Parlez-nous de vos premiers coups de cœur - voire, carrément, de foudre - musicaux ?

 

B.S.-P. : Mon premier coup de foudre musical fut Be Bop a Lula par les Chaussettes noires. J'adorais le son de leurs guitares Ohio, le timbre de voix d'Eddy, son déhanché particulier et la manière dont il glissait les pieds pour jongler avec son micro. Puis ce fut Jumpin Jack Flash et Satisfaction, des Stones, et Ronnie Bird. Tels furent mes premiers émois musicaux en dehors de Maurice Ravel et de Gustave Mahler.

 

PdA : 1969... Suite à une rencontre "inattendue" d'avec Salvatore Adamo, vous quittez le sud-ouest pour Paris et devenez directeur artistique chez EMI (Pathé-Marconi)...

 

B.S.-P. : Exact. J'ai rencontré Salvatore quand je m'occupais de la page spectacle du quotidien local Sud-Ouest. Puis je suis venu à Paris où il m'a fait rentrer chez EMI en tant que directeur artistique. J'y ai exercé pendant deux ans en même temps que Gérard Manset, Claude Michel Schönberg et Michel Berger. On avait de tout petits bureaux au tout dernier étage et une foi inébranlable en nos capacités. C'était passionnant mais je n'y ai pas appris grand chose. J'y ai rencontré mon ami de toujours, Alain Chamfort et la belle Véronique qui me saluait de loin. Moi, j'étais fan des Stones, de Pink Floyd et des Who.

 

PdA : 1971... C'est, pour ce qui vous concerne, la fin de l'aventure EMI. Vous devenez producteur. Un flair de maître, pour l'une de vos premières prises : The Fool, de Gilbert Montagné, fera le tour du monde et se classera n°1 dans une douzaine de pays...

 

B.S.-P. : C'est un peu vrai... J'ai un gros nez, il justifie sa taille par les services qu'il me rend. J'ai, de fait, entendu, par pur hasard, une maquette d'un certain Lord Thomas, chantée dans un anglais approximatif. J'ai contacté le garçon en question, qui jouait dans un bar à Miami, je l'ai convaincu de rentrer en France. J'ai emprunté de quoi produire à Salvatore, j'ai choisi les musiciens et le studio Trident à Londres, à cause du piano sur lequel Elton John avait enregistré son premier album. J'ai pris les mêmes musiciens, et ça a fait The Fool.

 

Exceptionnel, d'autant que les premiers distributeurs auxquels j'ai présenté le bébé, à l'époque, m'ont pris pour un illuminé parce que j'osais leur faire écouter un titre en anglais ! « Ça ne marchera jamais, ici on est en France, la radio ne passera jamais ça. » Je tairai ici leur nom, par respect pour leur mémoire... on a tous le droit à l'erreur, tant qu'elle n’entraîne pas la mort.

 

Bernard Saint-Paul Musique

 

PdA : Dans quelques années, vous serez devenu le manager de Véronique Sanson, le producteur exécutif de bon nombre de ses disques à venir... Vous l'avez rencontrée durant votre période Pathé-Marconi, si je ne m'abuse...

 

B.S.-P. : Exactement... bien documenté ! J'ai retrouvé Véronique après cinq ans sans la croiser, sans avoir eu de ses nouvelles depuis qu'elle s'était mariée (avec Stephen Stills, ndlr).

 

PdA : Qu'est-ce qui vous a séduits l'un chez l'autre ; décidés, l'un comme l'autre, à travailler ensemble ?

 

B.S.-P. : Moi, j'étais fan de sa voix, de ce vibrato magique, de sa sensibilité contrôlée, de sa douceur, de son intelligence et de sa douceur avec moi. Nous étions comme frère et soeur, confiant l'un à l'autre nos secrets et nos désespoirs amoureux, riant de nos bévues, de nos mensonges opportuns, ignorant les conventions et les heures sur les horloges. Un soir, dans un restaurant japonais, rue Sainte-Anne, elle m'a dit que McCartney devait produire son prochain album, qu'elle attendait son accord. Je me suis proposé sur le champ, au cas où il se désisterait, croyant assez peu à mes chances... et puis elle m'a choisi.

 

Ce fut le début d'une aventure passionnante qui nous a enrichis l'un et l'autre par les rencontres et les voyages que nous avons faits ensemble, par toutes ces longues nuits que nous passions tous les deux à nous inventer un monde, à montrer qu'on s'aimait sans se dire qu'on s'aimait... Deux frère et soeur dans la tourmente, deux âmes sans attaches qui rêvaient d'aventures, de liberté profonde et d'amour infini, mais qui se lassaient vite de toutes leurs conquêtes.

 

PdA : 1976... Le fruit de votre première collaboration voit le jour : Vancouver, que l'on classera bientôt parmi les albums les plus emblématiques de Sanson, connaît un succès considérable... (Vancouver; When we're together; Redoutable; Donne-toi; Étrange comédie; Sad limousine; Full tilt frog...)

 

B.S.-P. : Je ne sais pas s'il s'agit, comme vous l'affirmez, d'un album emblématique, mais c'est en tout cas le premier titre de Véronique qui sera classé premier de tous les hit-parades (si jamais cela veut dire quelque chose). Cet album fut un plaisir à réaliser. Le piano sonnait comme je voulais, les musiciens rayonnaient. Nous avons passé beaucoup de temps à Londres après les péripéties liées à l'écriture. De fait, Véronique n'avait pas fini d'écrire, elle renâclait. On dirait aujourd'hui qu'elle faisait de la procrastination.

 

On vivait à cette époque au château d'Hérouville, où je la laissais le matin pour vaquer à mes occupations parisiennes (pas de téléphone portable ni d'internet dans ces temps-là). Je me suis vite aperçu qu'elle ne travaillait pas assez et que, par voie de conséquence, on ne pourrait pas enregistrer, faute de matériel. Je l'ai donc enfermée dans une pièce du château dont je ne la délivrais qu'en rentrant, en fin d'après-midi. Elle m'en a voulu sur le moment, mais dans cette geôle improvisée, elle a écrit Vancouver.

 

PdA : 1976, bis... Sanson la timide apprivoise la scène, le public, de plus en plus... Live at the Olympia sera son premier album live, le premier d'une longue liste...

 

B.S.-P. : C'était marrant, cette captation : de grands musiciens, une artiste qui découvrait les moyens techniques hors normes que j'avais mis à disposition. Aujourd'hui, ce déploiement de son et de lumière est banal. À l'époque, il ne l'était pas, au point que j'ai le souvenir de Bruno Coquatrix me faisant la guerre pendant les répétitions de l'Olympia et me hurlant dans l'oreille devant les baffles qui dégueulaient : « Jeune homme, vous la tuez, il lui faut, comme à Édith Piaf, une poursuite et deux projecteurs ». Il pensait ce qu'il disait, le pauvre ! On est tous victimes de nos limites...

 

PdA : 1977... "Il est jamais bien rasé, Il est toujours fatigué, Il dit toujours oui à un bon verre de vin... Il cache souvent sa tendresse, Par pudeur ou par paresse, Il est sûr de n'avoir jamais peur de rien..." Sur la tracklist de l'album Hollywood, il y a Les Délices d'Hollywood; Y'a pas de doute il faut que je m'en aille; Harmonies; How many lies; Les Délires d'Hollywood... et cette chanson, Bernard's Song (Il est de nulle part), qu'elle a écrite pour vous...

 

B.S.-P. : Je ne l'en remercierai jamais assez, mais je n'y suis pour rien ! Le plus navrant de cette histoire (et je ne sais pas si c'est bon signe ou non), c'est que trente-sept ans plus tard, le texte soit encore d'actualité. Elle m'avait bien cerné, la bougresse !

 

Un mot sur l'enregistrement de ce titre : nous étions dans le studio où Stevie Wonder travaillait et, par une chaude après-midi du sud californien, dès que nous avons pénétré dans le parking, elle m'a demandé de la laisser toute seule. Elle avait, disait-elle, une surprise pour moi, mais ne voulait pas que j'assiste à sa séance de voix. Quand je suis revenu, quelques heures plus tard, elle a mis le son à fond et m'a fait écouter la chanson, puis m'a dit dans le creux de l'oreille, « Tu es content ? ». Je ne comprenais pas le sens de sa question ! Je n'ai réalisé l'ampleur de son cadeau que quand elle m'a avoué, « Je l'ai écrite pour toi ! ». Je n'en croyais pas mes oreilles. J'ai caché mon émotion et mon orgueil qui naissait... Aujourd'hui, je ne cache plus rien, je suis fier, un point c'est tout.

 

Journal Saint-Paul Sanson

 

PdA : 1978... Vous retrouvez Alain Chamfort, pour lequel vous aviez déjà travaillé chez EMI. Gainsbourg vient de lui écrire ce qui demeurera son plus grand succès : Manureva...

 

B.S.-P. : Je suis à l'origine de cette rencontre. J'avais invité Alain à venir à Los Angeles pour y faire des choeurs sur l'album Hollywood. Son timbre de voix et son vibrato s'accordaient parfaitement avec ceux de Véronique. Puis, un soir, sur la terrasse de la maison que Véronique louait sur les collines de Hollywood, un de ces soirs fatigués où nous regardions décoller les Boeing, où nous refusions le sommeil, exacerbés par des substances encore aujourd'hui encore interdites, Alain m'a confié son désir de changer de parolier, d'équipe de production et de maison de disque. J'ai pensé aussitôt à Gainsbourg qui me semblait être le meilleur complément à la musique qu'il écrivait. Alain prétendait alors que ce n'était pas possible, qu'il n'accepterait jamais, que ce qu'il écrivait était trop typé "variété"... Et, croyez-le ou non, je suis rentré en France, j'ai fait écouter à Serge les maquettes que nous avions faites à Los Angeles avec Alain, et Gainsbourg a accepté.

 

Je me rappelle encore ce premier rendez-vous avec Serge, dans sa maison de la rue de Verneuil. J'y allais tremblant avec mes cassettes. Serge avait bu un coup, j'en ai bu quelques autres avec lui, puis il m'a dit, « P'tit gars, ton histoire m'intéresse » et j'ai appelé Alain aussitôt. J'ai donc réalisé les deux premiers albums d'Alain dont Serge avait écrit les textes. Le premier est intitulé : Rock'n rose ( je vous le recommande), le second (Poses, ndlr) contient Manureva. Je suis très fier d'avoir eu cette idée. Je m'en délecte encore aujourd'hui quand j'écoute ces albums.

 

PdA : 1979... Sept ans après Amoureuse, déjà le septième album de Véronique Sanson : 7ème, tout simplement... Il est plus sombre, plus mélancolique que les précédents. Plusieurs perles : Toute une vie sans te voir; Lerida (dans la ville de); Celui qui n'essaie pas (ne se trompe qu'une seule fois); Mi-maître, mi-esclave; Pour celle que j'aime (Maman). Sans oublier, évidemment, Ma révérence...

 

B.S.-P. : J'ai une nette préférence pour Ma révérence. Je me rappelle m'être caché pour pleurer dans le studio de mixage à Londres, tellement j'étais touché par la charge émotionnelle. Je ne voulais pas que Véronique sache qu'elle m'avait frappé au bon endroit. L'aider à propager ses émotions, ses détresses, ses chagrins et ses fêlures, confectionner un piedestal d'où elle pourrait être admirée, ça c'était mon travail quotidien, mais je n'étais pas là pour craquer. Mes sentiments étaient pour moi, pas de vautrerie pathétique. On peut pleurer quand on est grand, quand on est petit on se cache.

 

PdA : "Puis c'est la séparation... deux ego incompatibles"...

 

B.S.-P. : Oui, si vous voulez... Je reste persuadé que nos "ego" n'avaient rien d'incompatible, bien au contraire. Mais je suis très exigeant, et maladroit de surcroît. je peux blesser très fort sans jamais m'en rendre compte, ou alors des années plus tard... Dans le feu de ma passion, je me convulse, je rétrécis, je manque souvent de distance, et ce uniquement pour faire mieux. Et puis je gène énormément !

 

Rien de nouveau sous le soleil, les artistes aiment leur entourage et prêtent volontiers l'oreille à Radio Chiottes et ses consoeurs qui inventent pour nettoyer, pour ne pas perdre les privilèges acquis au fil des temps par l'habitude et le mensonge, l'habileté à brosser le manque de capacité à juger, parmi lesquels, et non des moindres, celui d'avoir l'écoute de leur idole qui a besoin d'être rassurée, ce que je trouve par ailleurs parfaitement justifié. Reste à choisir les rassureurs... qui ne sont pas les payeurs...

 

PdA : Dans les années 80, vous collaborez avec Jean-Patrick Capdevielle sur Quand t'es dans le désert; partez pour les États-Unis...

 

B.S.-P. : (...) Véronique m'a fait remarquer Jean Patrick Capdevielle, auteur de grand talent, avec lequel j'ai collaboré avec un plaisir indicible. Cet homme est un géant qui refusait d'écouter et persiste dans ses contradictions ravageuses, entre le désir insatiable de faire du fric et celui d'être sincère. Facile à dire comme ça de loin... mais je l'aime et il le sait.

 

PdA : Bientôt, vous deviendrez attaché parlementaire et conseiller d'un ministre de la Mer...

 

B.S.-P. : Cet épisode du ministère de la Mer est inénarrable. J'ai fait une grande école qui aurait dû me conduire, comme mes parents le souhaitaient, à faire une carrière de diplomate. Tel ne fut pas le cas, j'ai préféré le Rock 'n' Roll. Me restait de cette grande école et de ce que l'on m'y avait enseigné une capacité hors-norme à inventer des situations et à valoriser les politiques. On a donc fait appel à moi (un parti politique tout à fait respectable, si cela a jamais existé) pour mettre en valeur un ministre qui n'était même pas député. Ce fut épique et très marrant.

 

On quittait le ministère tous les vendredis en fin d'après-midi pour attraper le dernier vol en direction de Brest et rejoindre le canton dans lequel il voulait se faire élire. Je préparais toutes ses fiches pour les rencontres du week-end. Je les lui faisais répéter dans la voiture à gyrophare qui nous conduisait à Orly en empruntant les bandes d'arrêt d'urgence, dans un vacarme de sirènes. Ça éclatait mon ministre. J'en ai conçu un syndrome, celui de la lumière bleue, qui afflige les puissants, les abuseurs de privilèges, qui savent très secrètement qu'ils ne fréquenteront pas longtemps les dorures de la République.

 

PdA : 1990... Vos talents, vous venez, cette fois-là, de les mettre au service de Polnareff, pour Goodbye Marylou...

 

B.S.-P. : En effet, Michel m'a fait contacter. Je l'avais rencontré dans un restaurant à Los Angeles. Il vivait à cette époque dans une chambre minuscule au-dessus d'un bar pourrave dans la banlieue parisienne. Il n'avait plus de contrat phonographique. Je lui en ai négocié un, puis j'ai fait ce que je savais faire : réaliser un album (Kâmâ Sutrâ, sorti en 1990, ndlr). Et ce fut un numéro un ! Il n'en avait pas eu depuis des années... Peut-être un coup de chance ?

 

PdA : 1992... Le tandem que vous formiez avec Sanson se reconstitue. L'album Sans regrets comprend de jolies reprises d'anciens titres (Mon voisin; Jusqu'à la tombée du jour; Odeur de neige; Le Feu du ciel; Panne de cœur...), de belles chansons originales (Sans regrets; Louise; Les Hommes; Visiteur et voyageur) et un futur gros tube : Rien que de l'eau...

 

B.S.-P. : Le tandem se reforme par un besoin réciproque. J'avais réalisé son plus gros tube (Vancouver) et j'avais une idée très précise de ce que je pouvais encore faire avec elle. Je me sentais peu remplaçable, j'avais la foi et aucun doute sur la finalité de notre travail commun. Nous passions nos vacances ensemble avec nos enfants respectifs (le plus souvent en bateau dans les Caraïbes) et un soir, au mouillage, face au soleil couchant happé par l'Océan, Véronique a exhumé de sa cabine une cassette stéréo et l'a passée sur la sono pour avoir mon sentiment. C'était la maquette de ce qui allait devenir Rien que de l'eau. Nous sirotions un "ti-punch" sur la plage arrière apaisée. La vie me semblait belle. Elle l'est toujours, heureusement.

 

PdA : 1993, 1994... Vous produisez deux captations de ses spectacles live : le Zénith 93 et Comme ils l'imaginent, concert de duos (avec M. Lavoine; A. Chamfort; M. Fugain; I Muvrini; Les Innocents; M. Le Forestier; Y. Duteil; P. Personne) enregistré en 94 pendant les Francofolies de la Rochelle...

 

B.S.-P. : Splendide, ce Zénith 93. À mon goût, son meilleur album live, avec celui consacré à Michel Berger. Une énergie hors du commun, un band qui décoiffait, de l'enthousiasme à revendre. C'était pur et dur, sans sophistications ni effets spéciaux. J'adore cet album et l'écoute encore de temps en temps. Puis ce fut La Rochelle. Jean-Louis Foulquier (paix à son âme) m'avait appelé pour voir si Véronique serait d'accord pour participer aux Francofolies. Dans le cas de Véronique, ça voulait dire faire venir les musiciens de Los Angeles pour un seul concert... un coût pas supportable. J'ai donc imaginé l'enregistrement de ces duos, convaincants à mes oreilles.

 

Le plus étrange dans cette histoire c'est la présence de I Muvrini (groupe corse totalement inconnu, à l'époque). Hervé Leduc, le directeur musical de Véro, m'avait fait écouter un projet sur lequel il travaillait et j'ai craqué pour la voix du chanteur lead. Je me rappelle le premier rendez-vous avec lui dans mon bureau. Il était halluciné et ne comprenais pas du tout comment leurs voix pouvaient s'intégrer à une chanson de Véronique, eux qui chantaient en langue corse et dans un tout autre registre. On a réussi ce challenge, je n'en suis pas peu fier. Et ce fut, à mon avis, le début de la notoriété de ce groupe.

 

PdA : 1994-96... Votre goût pour la belle chanson vous conduit à collaborer avec Serge Lama...

 

B.S.-P. : J'ai été recommandé à Serge (qui ne faisait pas, loin s'en faut, partie de mon panorama musical). J'ai fini par le rencontrer. Je n'ai pas ri à son humour mais j'ai apprécié chez l'homme son franc-parler gascon et sa verve inaliénable. Lui aussi était ignoré depuis une génération. J'ai pris en mains son album et il a fait disque d'or. On n'en revenait pas, ni l'un ni l'autre. (Voir : L'ami à l'Olympia en 1996, ndlr)

 

Bernard Saint-Paul soleil

 

PdA : 1996-98... Dans un autre cadre, avec les Éditions Atlas, vous contribuez à créer la collection Chansons françaises...

 

B.S.-P. : On m'a appelé un jour (son président, Bernard Canetti, qui n'est autre que le fils de Jacques Canetti, le plus grand découvreur de talents du 20ème siècle). Ils avaient dans l'idée de vendre un best-of de la chanson française en le classant année par année, commençant par les années 50. Ils n'arrivaient pas à boucler leur projet, faute des autorisations des major companies qui, prises au dépourvu, considéraient d'un mauvais œil l'éventuelle dilapidation de leur catalogue.

 

J'ai donc imaginé, pour by-passer ce mur de Chine, de faire réinterpréter toutes ces chansons par d'autres chanteurs que les originaux. J'y ai mis du temps (1 000 titres, 80 albums) mais ça a fonctionné. On a vendu 13 millions de CD, mais l'industrie traditionnelle s'est bien gardée d'en faire état. C'était un camouflet de taille, et un gigantesque manque à gagner.

 

PdA : 1998, 1999, 2000... Trois albums de Sanson, dont un live. De l'album Indestructible (1998), on retient trois ou quatre beaux morceaux (Indestructible; Un amour qui m'irait bien; Un être idéal; J'ai l'honneur d'être une fille...) et un chef d’œuvre, déchiré et déchirant : Je me suis tellement manquée... Un an et demi plus tard, c'est la sortie de son album hommage à Michel Berger, D'un papillon à une étoile (Pour me comprendre; Le Paradis blanc; Si tu t'en vas; Je reviens de loin...), interprété sur scène et enregistré en 2000 sous le titre Véronique Sanson chante Michel Berger; Avec vous. Elle bouleverse, plus que jamais. Ces années-là, c'est aussi l'amorce d'une période, disons... compliquée, pour elle...

 

B.S.-P. : Si vous voulez... En fait, c'était compliqué depuis longtemps, mais j'étais impuissant devant sa maladie. Je m'en voulais en silence d'être incapable de la soigner. Ça aurait été tellement plus simple. Mais cette saloperie s'accroche et vous tire par les pieds vers les abîmes qu'elle habite. Ce furent des années complexes, faites de tiraillements successifs, de mésententes, d'incompréhensions répétées entre Véronique et moi. De plus, évidemment, son entourage s'acharnait à vouloir me dégager. Je les gênais, c'était leur vérité ou la mienne ! J'ai très mal réagi aux médisances dont j'ai été la cible pendant ces années-là. C'est donc dans cette atmosphère lourde, Véronique étant malade, que nous avons enregistré l'album Indestructible au Palais des Sports de Paris.

 

Puis, ce fut l'hommage à Michel Berger, dont la rythmique fut enregistrée à Paris et les cordes à Rome, puis mixé dans un studio à Capri, qui a été fermé depuis. Pourquoi tous ces voyages ? Les musiciens de Véronique, qui habitaient tous aux USA, sont venus une semaine en France et ont enregistré les bases rythmiques. J'avais contacté, au tout début du projet, le splendide Paul Buckmaster (celui-là même qui avait fait les arrangements de cordes pour les premiers albums d'Elton John). Je suis allé le rencontrer à Los Angeles, il nous a fait des propositions, et pour que cela coûte moins cher, nous avons enregistré les cordes à Rome, dans le studio d'Ennio Morricone.

 

Quand tout cela fut terminé, nous avons fini à Capri. Je me rappelle m'être retiré pour pleurer quand j'ai eu fini le mixage de L'un sans l'autre. Réécoutez ce titre, c'est exceptionnel (voir : la version live de la chanson, sur l'album Avec vous, ndlr). J'adore le son de cet album, la délicatesse de l'écriture de cordes de Buckmaster, la finesse du mixage et surtout la touchante interprétation de Véronique. C'est, avec Olympia 1993, l'album de Véronique que je préfère, et de loin.

 

PdA : 2004, 2005... Elle revient, après un gros passage à vide. On la sent apaisée. Mieux. Son album Longue distance (J'aime un homme; Annecy; L'Homme de farandole; Vue sur la mer; La Douceur du danger; La vie se fuit de moi; Longue distance; 5e étage...) est suivi d'une tournée, immortalisée sur les enregistrements estampillés Olympia 2005. Le public, son public est là, présent. Le lien qui les unit n'a jamais été aussi fort...

 

B.S.-P. : Je n'ai pas remarqué qu'on la sentait apaisée. De près, je n'avais pas cette sensation. Mais elle se battait ! Je ne suis pas fan de cet album, qui s'est fait dans la douleur et l'approximation. Je n'en garde rien qui soit transcendant. C'est bien, mais on peut mieux faire.

 

PdA : Voyez-vous, dans votre parcours, quelque chose dont nous n'aurions pas encore parlé et que vous souhaiteriez évoquer ici ?

 

B.S.-P. : Qu'aurait-on oublié d'évoquer ? Mon âge ? Ma fortune ? Ma collection de voitures ? Ma sexualité trépidante ? Elle est atrocement banale, même quand j'ai bu, c'est dire !

 

PdA : De quoi êtes-vous fier, Bernard Saint-Paul ?

 

B.S.-P. : Je suis fier d'avoir su mettre ma culture et la petite intelligence dont mes parents m'ont fait cadeau au service d'une cause dont je rêvais depuis ma banlieue provinciale. J'habitais au dessus de l'école que ma mère dirigeait et écoutais Europe n°1 en rêvant d'habiter Paris, d'aller à l'Olympia, de réaliser des disques, de faire partie du monde de la musique, mais à ma manière uniquement. Quelque chose de très fort me disait que j'y avais ma place, que je saurais apporter une très belle pierre à l'édifice de la chanson. Cette intuition était la bonne.

 

PdA : Avez-vous, a contrario, des regrets ?

 

B.S.-P. : J'en ai encore quelques uns, dont celui, et non des moindres, d'avoir été trop rigide, intransigeant, froid, communiquant très peu, et très probablement à la limite du supportable. Je suis un solitaire, je ne me sens bien qu'avec des livres et/ou de la musique. J'ai du mal à échanger des banalités de café du commerce. Ce n'est pas de la prétention, c'est juste le constat que le temps passe très vite, que mon chat me comprend sans parler, que j'ai encore beaucoup à apprendre et que les minutes défilent.

 

PdA : Véronique Sanson fera son retour sur scène - et sans doute dans les bacs - l'an prochain...

 

B.S.-P. : J'ai appris cela très récemment.

 

PdA : Y a-t-il un message que vous souhaiteriez lui adresser, au détour de cet entretien ?

 

B.S.-P. : C'est une artiste incomparable, douée au-delà du possible, mais ce n'est pas la plus grande travailleuse que j'aie connue. En même temps, est-ce indispensable ? Si elle a LE titre, elle est imparable. La loi est la même pour tout le monde, tant en littérature qu'au cinéma et en musique. Je lui souhaite le meilleur, et j'ai hâte d'entendre. Je lui fais confiance et je l'aime. C'est ma petite sœur, vous ne saviez pas ?

 

PdA : Que vous inspire le paysage musical actuel ? Avez-vous, à ce jour, des coups de cœur pour tel ou tel artiste ?

 

B.S.-P. : À vrai dire, je suis quasi ignorant du paysage musical actuel en France, où je vis assez peu. J'aime beaucoup l'attitude de Christine and the Queens, quelques aspects de Julien Doré, London Grammar et Fauve. Je suis fan de Kiddo et de Michael McDonald.

 

Le rap a eu raison de ma patience, non pas tant par le manque flagrant de mélodies (voire l'appropriation outrancière de samples), mais bien plus par la pauvreté des textes et des messages que leurs auteurs essayaient d'y faire passer. Et ça, c'est dans le meilleur des cas, quand il s'expriment en français, quand ils respectent la syntaxe et la grammaire d'une langue qu'ils n'ont pas jugé nécessaire d'apprendre sur les bancs de l'école. Je n'ai aucun respect pour ces usurpateurs qui se prennent pour des poètes. Non seulement ils m'ennuient mais ils m'énervent profondément.

 

PdA : Question subsidiaire : seriez-vous prêt à rempiler dans le domaine de la production, de la réalisation musicale ?

 

B.S.-P. : Pourquoi pas ? Tout cela dépend du projet, mais ce serait à mes conditions et uniquement pour me prouver que j'ai encore un peu de goût.

 

Lucien

 

PdA : Changeons de domaine, avant de conclure... Votre premier roman, Lucien, a été publié il y a deux ans aux Éditions du Panthéon. Voulez-vous nous en parler ?

 

B.S.-P. : C'est le premier d'une série de personnages qui habitaient mon imagination. Lucien est un désespéré cynique dans son discours, mais cynique par faiblesse, par tendresse, le prototype du mec qui fait semblant et qui s'en veut au point de se haïr et de tout faire pour qu'on le déteste, ce qui justifierait l'opinion qu'il a de lui. On a dit de mon style qu'il était gainsbourien?  Est-ce que la détresse humaine serait l'apanage de Serge ? On est tous malheureux, on a tous des limites. Peu d'entre nous les acceptent, ils se battent contre des rochers. C'est ça, la grande loterie !

 

PdA : Quels sont vos projets, vos rêves pour la suite ?

 

B.S.-P. : Mes projets sont assez simples. Mon second roman, intitulé L'Enterrement de Monsieur Lapin, est parti chez l'éditeur il y a un mois maintenant. Sortie prévue : en janvier prochain. J'en ai aussitôt attaqué un autre, qui me prendra environ deux ans. Je voyage beaucoup en Asie, je vais voir une de mes filles qui fait ses études à Houston, je parle beaucoup à mon chat, j'aime qui veut m'aimer, je lis, j'écris et je rêve...

 

PdA : Un message pour nos lecteurs ?

 

B.S.-P. : Pour ceux qui n'ont pas encore lu Lucien, foncez sur amazon, sur Chapitre ou sur fnac.com, ou bien commandez-le à votre libraire... Vous ne vous ennuierez pas. C'est assez facile à lire, ça parle d'amour et de mal de vivre, de passions, de séparations, d'alcool, de drogues et de nouveaux-nés.

 

PdA : Un dernier mot ?

 

B.S.-P. : Merci de m'avoir accordé cet espace pour m'y livrer sans parapet, sans censure et sans garde-fou. Je n'ai rien su cacher que je n'aie encore en mémoire.

 

Ma conclusion à ce stade, et si elle peut être d'une quelconque utilité : protégez-vous des cons, ils osent tout, c'est même à cela qu'on les reconnaît (Audiard).

 

PdA : Merci infiniment...

 

Bernard Saint-Paul chien

 

 

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29 juin 2014

Frédéric Quinonéro : "Sardou a traduit en chansons l'âme d'un peuple"

   L'histoire commence il y a une bonne douzaine d'années. L'auteur de cette intro - entamée un 27 juin, jour de la St-Fernand - devait avoir dix-sept ans. Il, ou, pour plus de facilité, je, venais, alors, de créer mon forum d'actu sur la plate-forme Aceboard, le Forum 21 - disparu depuis, en même temps que la plate-forme. J'ai invité quelques contacts à m'y rejoindre, démarché quelques admin inscrits sur le forum support d'Aceboard. Parmi eux : un certain Giros, webmaster d'un site dédié à Michel Sardou. Sardou, je connais, pas mal, sans plus. De lui, j'aime quelques chansons, dont Le France. Avec Gianni - alias Giros -, nous sympathisons. Il a rejoint F21, je rejoins sa communauté, dédiée au chanteur. J'y rencontre des gens très sympa - dont Dominique, alias Lanatole, je la salue ici, ainsi que Gianni, et ceux qui me reconnaîtront -, y trouve une belle ambiance conviviale. J'y ai découvert, ai aimé de nombreux titres - dont L'An Mil, qui donne son nom au site, à la communauté bâtis par Gianni. Une œuvre parfois controversée. Une œuvre, une carrière riches, incontestablement.

   Automne 2012 : Paroles d'Actu existe depuis une quinzaine de mois. Pouvoir poser quelques questions à Sardou ? J'adorerais, évidemment. Je cherche les coordonnées de son agent sur internet, je lui présente mon blog, lui soumets ma proposition. Je réessaierai à la toute fin de l'année, puis au début de 2013. Une réponse de l'agent m'encourage à accélérer un peu, à rédiger mes questions - chose que je ne fais pas sans un "OK" préalable en général. Je n'ai pas le "OK" de principe, mais j'ai les questions en tête : perte de temps ou pas, on verra... Elles sont un peu différentes de celles qui lui sont posées habituellement dans les médias, lors des interviews de promo, parce que, je le crois en tout cas, je connais bien son répertoire. La rédaction et l'envoi se font le 26 janvier 2013 - jour de son anniversaire, je le sais et ne manque pas de le lui souhaiter, au passage. Le 28, je reçois un mail. Je le découvrirai rapidement : il ne connaîtra pas de suite... mais constitue déjà, en soi, une belle victoire.

   « Je serais ravi de répondre à vos questions (...) mais, de grâce, n'en posez pas trop à la fois. Cela ressemblerait à un livre écrit à deux. De plus, je n'aime pas parler de moi. À la question des regrets, je n'en ai aucun. Ceux qui n'ont pas compris à l'époque ne comprendront pas plus demain. Pour le reste, j'ai suivi une route; celle qu'il y avait devant moi. J'ai commencé à écrire très jeune, ce qui pourrait expliquer quelques maladresses, mais je ne m'excuse jamais. Sauf quand je suis impoli. L'avenir ? Je verrai bien. Ou mieux, je ne le verrai pas. Il est désormais derrière moi. Bien à vous, Michel. » Sa tournée-marathon de 2012-2013 - qui sera interrompue par ses problème de santé - vient de démarrer. Il a pris le temps de m'écrire ces quelques mots. Il n'y aura pas - en dépit des quelques amendements apportés au texte - de suite... mais je suis content. Et je l'en remercie.

   Sardou, Vox populi, écrit par le biographe Frédéric Quinonéro, est sorti il y a tout juste un an, à la fin juin 2013. Je saisis l'occasion, lui propose une interview autour de son livre, autour de Sardou. Cet entretien, je le veux construit autour de chansons souvent méconnues, que j'aime et que j'aimerais inviter nos lecteurs à découvrir ou redécouvrir. J'ai pris le temps de parsemer ce document de liens vidéo qui sont, de la part de celles et ceux qui les ont publiées sur YouTube ou Dailymotion, autant de témoignages d'affection, d'admiration pour lui. S'il exige un procès, je le perdrais, tant pis... Et le blog s'en irait, j'ai pas payé l'crédit... Que ces vidéos soient prises comme telles : elles ne détourneront pas celui qui les aimera d'une consommation tarifée de l'artiste, elle l'inciteront au contraire à l'achat de titres en téléchargement légal, d'album physiques.

   Merci, un grand merci à Frédéric Quinonéro : il a joué le jeu, il l'a fait rapidement, avec beaucoup de générosité. Ses réponses sont éclairantes, passionnantes, empreintes de sympathie, de respect pour un chanteur qu'il a appris, au fil des années, à aimer. Sardou, Vox populi est à découvrir chez tous les bons libraires. Il mérite d'être découvert, de la même manière que son sujet qui, lui, gagnerait à être redécouvert. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

FRÉDÉRIC QUINONÉRO

Auteur de Sardou, Vox populi

 

« Sardou a traduit en chansons

l'âme d'un peuple »

 

Sardou Vox Populi

(Source des photos : F. Quinonéro)

 

Q. : 26/06/14 ; R. : 26/06/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Frédéric Quinonéro. Quel était votre rapport à Michel Sardou, à son œuvre, au personnage, avant de vous lancer dans le projet Vox populi ?

 

Frédéric Quinonéro : J’ai des souvenirs de disques de lui, achetés quand j’étais enfant : J’habite en France, Je t’aime, je t’aime, La Maladie d’amour. Adolescent, quelques chansons m’ont marqué, mais le personnage me rebutait. Élevé dans les valeurs humanistes de gauche, je ne pouvais tolérer qu’on use de son statut d’artiste pour se prononcer publiquement en faveur de la peine de mort, à un moment crucial où l’opinion publique réclamait à cor et à cri la tête d’un homme – finalement, cet homme fut emprisonné, puis un innocent, inculpé dans une autre affaire, fut guillotiné. Je ne pouvais tolérer davantage que soit évoqué sur le mode nostalgique « le temps béni des colonies » (j’avoue que je ne percevais pas le second degré).

 

Avec le recul, je me rends compte que je ne le détestais pas tant que ça, Sardou. Je me souviens de fêtes de village où j’aimais entendre l’orchestre entonner Je vais t’aimer, La Vieille ou Le France, alors que je m’interdisais d’acheter les disques. Même J’accuse, j’aimais bien ! Notamment son intro très pompière… C’était beaucoup pour le principe : dans une famille de gauche, il ne faisait pas bon être fan de Sardou. D’autant qu’il avait construit son image et sa notoriété sur l’art de la provocation, un art qu’il partageait avec son parolier Pierre Delanoë, qui était tout de même un vieux réac ! Le temps aidant, les esprits s’apaiseront de façon bilatérale.

 

PdA : Quelle est l’histoire de cet ouvrage, publié l’année dernière aux éditions Didier Carpentier ?

 

F.Q. : Deux déclarations du chanteur : l’une contre l’exil fiscal, l’autre en faveur du mariage pour tous – avec sa façon très personnelle de l’exprimer, se déclarant « pour le mariage des tantes » -, ont eu raison de mes réticences. J’ai même pris beaucoup de plaisir à la rédaction de ce livre et au travail de recherche qu’il a demandé. J’en profite pour remercier les fans, très sympathiques, qui m’ont aidé à l’iconographie, en particulier Fabien Chaise, webmaster d’un site dédié au chanteur. Le titre s’est tout de suite imposé à moi : Vox populi. Mon éditeur n’était pas très emballé, il voulait que j’en change. Mais j’ai insisté.

 

PdA : Commençons... par le commencement. Michel Sardou, né le 26 janvier 1947, est un authentique enfant de la balle : Fernand et Jackie, ses parents, sont comédiens. Le théâtre le tente; il suit des cours, se lie d’amitié avec un camarade, un certain Michel Fugain... avec lequel, bientôt, il s’essaiera à la chanson (1965). C’est le début de l’épisode Barclay. Le prologue...

 

F.Q. : Chez les Sardou, la tradition du spectacle se transmet en effet de génération en génération. Michel a fondé son éducation dans les salles de théâtre et de cabarets, ou sur les tournages de films de cinéma, où il suivait ses parents. Le déclic s’est opéré un dimanche après-midi sur la scène du Châtelet où sa mère, qui jouait dans une opérette, l’a attiré en fin de représentation sous les applaudissements du public. Pour lui, cependant, la chanson prendra le pas sur la comédie. Presque par accident. Apprenti comédien qui court le cachet, il s’associe avec Michel Fugain, copain de galère, pour écrire des chansons. Un jour de 1965, ils présentent l’une d’entre elles, Les Arlequins, devant Régis Talar, chez Barclay. Sardou chante, Fugain l’accompagne à la guitare. Un contrat est bientôt signé. Et le disque sort le 10 novembre, dans l’indifférence.

 

PdA : 1967 : il agace, déjà... Face à l’escalade vietnamienne, la France de De Gaulle prend ses distances avec Washington. Sardou, lui, chante Les Ricains. S’ils n’étaient pas là, affirme-t-il, « vous seriez tous en Germanie ». C’est sans doute vrai. Mais loin, dans le contexte, d’être du goût de tout le monde...

 

F.Q. : Et pour cause. Sardou réagit surtout contre la vague prosoviétique qui rejette l’Amérique, impliquée dans la guerre du Vietnam. Il rappelle au passage que la France était bien contente d’accueillir les Américains en 1944. La chanson sort en janvier 1967, au moment où De Gaulle, au nom de la souveraineté nationale, a sorti la France de l’OTAN et demandé aux Américains d’évacuer les bases implantées dans le pays. Le Général va donc « déconseiller » (comme on dit alors) la chanson polémique de Sardou à l’ORTF. Elle passe alors inaperçue et sera réhabilitée à l’orée des années 70. Dans l’intervalle, Sardou aura enfoncé le clou avec Monsieur le Président de France !

 

PdA : On avance un peu dans le temps... Eddie Barclay, estimant - il a du nez ! - que Sardou n’est pas fait pour ce métier, rompt leur contrat. Le chanteur saisit la balle au bond : il crée, avec le compositeur Jacques Revaux et le producteur Régis Talar - deux futurs fidèles parmi les fidèles - le label Tréma. Les premiers gros succès publics émergent au tout début des années 70... En 1973, ce sera, l’air de rien, la chanson-miracle : La Maladie d’amour...

 

F.Q. : La carrière de Sardou explose au début de 1970, avec Les Bals populaires. S’ensuivent, dans la même cuvée, J’habite en France, Bonsoir Clara et Le Rire du sergent. Il hésite entre ce répertoire pompier et la chanson sentimentale, représentée par Je t’aime, je t’aime ou Un Enfant. Fort de ces succès, le chanteur s’offre son premier récital à l’Olympia, en janvier 1973. Puis, La Maladie d’amour devient le tube incontournable de l’été et lui permet de gagner la fidélité d’un très large public populaire.

 

PdA : Son meilleur album est sans doute celui de 1976. Parmi les chansons moins connues, deux pépites : La Vieille, Je vous ai bien eus... Sur ce 33T, on retrouve la torride Je vais t’aimer. Et cette supplique d’une ancienne gloire nationale, Le France, qui fait mouche dans un pays qui, depuis quelques années, s’interroge, doute de lui et de son avenir...

 

F.Q. : C’est aussi son album le plus controversé, avec des titres revendicateurs comme J’accuse et l’insupportable Je suis pour. On y trouve aussi Le Temps des colonies, qui aborde sur un ton humoristique un sujet tabou. Sa tournée 1976 est émaillée de manifestations. On veut l’interdire de chanter, et on finit par y parvenir. Un journal titre « Heil Sardou ! » C’est dire la violence dont il fait l’objet.

 

On en oublie que, sur le même album, Sardou est capable de tendresse avec La Vieille et aborde le sujet délicat du suicide dans Je vous ai bien eus, une chanson mal comprise à sa sortie. Personnellement, j’adore l’emphase de Je vais t’aimer et le lyrisme du France, que je prends toujours plaisir à entendre et dont la puissance de l’interprétation m’émeut aux larmes.

 

PdA : Les tubes s'enchaînent sans discontinuer... les polémiques aussi. L’album de 76, (vous en parliez à l'instant) c’est aussi celui de Je suis pour, de J'accuse, du Temps des colonies. Quelques années plus tôt, il y avait eu Les Villes de solitude. Sardou est un artiste engagé, il se fait, dans le texte, volontiers provocateur. Chacun de ces titres va, pour des raisons différentes, en faire la cible de nombreuses attaques - parfois excessives ou à côté de la plaque, quelquefois violentes... En 1977-78, le climat est tendu, très tendu : des « comités Anti-Sardou » voient le jour, on retrouvera même une bombe au Forest National de Bruxelles... Comment vit-il cette époque ?

 

F.Q. : Il la vit très mal, forcément. En mars 1977, lassé d’être escorté par un commando de CRS et sans doute affolé de la tournure prise par les événements – on a tout de même attenté à sa vie ! -, il met un terme à sa tournée et s’offre des vacances en attendant que le calme revienne. Heureusement, il trouve des soutiens dans le métier, y compris parmi des personnalités de gauche, comme Yves Montand ou Jean Ferrat, qui réprouvent cette façon radicale de condamner un artiste et de porter atteinte à la liberté d’expression. Cependant, Sardou met la pédale douce et aborde pour son retour un répertoire qui ne prête pas à conséquence. Pour un temps, du moins. Ainsi, il triomphe à nouveau avec En chantant et La Java de Broadway.

 

PdA : Le temps s’écoule... il semble avoir un peu perdu de son goût pour la provocation. La décennie 80 s’ouvre, elle sera difficile pour pas mal d’artistes de sa génération. Lui va s’offrir une nouvelle jeunesse, conquérir de nouveaux publics. Sur son album de 1981, il y a cette chanson obscure qui raconte un banal mariage irlandais, chanson à laquelle – c’est ce qu’il affirmera plus tard, en tout cas - il ne croyait pas. Le morceau s’appelle Les Lacs du Connemara...

 

F.Q. : Elle fait partie de ces chansons tellement rebattues – il n’y a pas de mariage ou de fête familiale sans Les Lacs du Connemara - qu’elle en devient insupportable. En 1981, une autre chanson à succès suscitait tout de même un tollé chez les féministes : Être une femme, qui ravivait avec un humour douteux le caractère macho et misogyne du chanteur.

 

PdA : Milieu-fin des années 80 : les « comités anti-Sardou » ont vécu. L’époque est moins passionnée politiquement parlant. Lui s’est assagi, il divise moins. Ces années-là, il y aura, tout de même, deux chansons coup-de-poing, parmi ses plus emblématiques, ses plus belles aussi : il s’insurge des dérives, des trahisons du régime communiste soviétique dans Vladimir Ilitch (1983), s’interroge sur la condition féminine en terre d’Islam dans Musulmanes (1986)...

 

F.Q. : Même si Sardou se défend de les avoir écrites en réaction à une actualité, ces deux thèmes empruntent à l’air du temps. Vladimir Ilitch s’inscrit à une période de « guerre fraîche » entre l’Est et l’Ouest, juste avant la chute du régime soviétique et la fin d’une ère qui opposait deux systèmes. La chanson, qui semble glorifier Lénine et une certaine idéologie égalitaire, s’avère en fait un pamphlet anticommuniste, selon le parti pris du co-auteur Pierre Delanoë. Plus enclin aux envolées romanesques, Michel Sardou privilégie le souffle épique de l’Histoire.

 

C’est dans cet esprit qu’un soir, au milieu du désert saharien, alors qu’il court en pleine aventure du Paris-Dakar, il écrit Musulmanes, l’une de mes chansons préférées. L’album sort en 1986, après une vague d’attentats islamistes. Sardou s’élève contre l’amalgame fait entre musulmans et islamistes et se réjouit que son public entonne avec lui un hymne à la gloire des femmes arabes. Le métier semble réhabiliter Sardou : la chanson est récompensée aux Victoires de la Musique.

 

Sardou Vox Populi 2

 

PdA : Sardou a souvent chanté l’Amérique, ses mythes éternels et, plus souvent qu’à son tour, les désillusions qu’elle lui a inspirées : La Vallée des poupées (une très belle chanson de 1976), Huit jours à El Paso (1978), Happy birthday (1986)... La fascination est toujours là (Préservation en 1981, Chanteur de jazz en 85, Mam'selle LouisianeLe Blues black brothers et Au nom du père en 90...) mais le rêve a du plomb dans l’aile...

 

F.Q. : Dans mon livre, je consacre un chapitre à cette fascination de Sardou pour l’Amérique. Son répertoire est en effet riche de références au pays de l’oncle Sam, à commencer par Les Ricains, bien sûr, et affirme un proaméricanisme nourri dès l’adolescence par le cinéma et l’image d’un pays sublimé par ses grands espaces, ses voitures rutilantes et la possibilité fantasmée d’y faire fortune. C’est aussi la mère patrie du blues et du jazz. Longtemps, Sardou sera habité par cet attrait pour l’Amérique.

 

PdA : Dans son répertoire, on trouve également de nombreuses chansons épiques, des chansons sur lesquelles souffle un vent d’histoire... Il y a Danton en 1972, La Marche en avant en 73, Verdun en 79, Qu’est-ce que j’aurais fait moi en 98, La Bataille en 2000, sans oublier, bien sûr, les grandioses L’An mil, datée de 1983, et Un jour la liberté, de 89... Sardou aime l’Histoire, et quand il la chante, il y a toujours un message en filigrane...

 

F.Q. : C’est un autre chapitre du livre, « Notre histoire et la mémoire des vieux », titre emprunté aux Routes de Rome. Outre sa passion pour l’Histoire, qu’il transmettra à son fils Romain, Sardou aimait imposer ce type de chansons dans ses spectacles, afin de leur conférer une composante théâtrale. Ce fut notamment le cas d’Un jour la liberté, qui célébrait en 1989 le bicentenaire de la Révolution française et faisait l’objet d’un final de douze minutes à Bercy, avec le renfort de cent comédiens, mis en scène par Robert Hossein.

 

Dans ce répertoire, j’ai une tendresse particulière pour Verdun - j’aimais beaucoup cet album en 1979, en particulier Je ne suis pas mort, je dors et L’Anatole - et aussi pour Qu’est-ce que j’aurais fait, moi ?, un titre hélas méconnu, sur un thème déjà abordé par Jean-Jacques Goldman dans Né en 17 à Leidenstadt.

 

PdA : « Qu’est-ce qu’ils vont dire à la maison ? Un garçon qui aime un garçon... » Le Privilège sort en 1990. Avec cette très belle chanson, qui nous dit le désarroi d’un jeune garçon s’apprêtant à faire son coming out, il espère surclasser Comme ils disent d’Aznavour. Et amende - en même temps qu’une phrase de J’accuse - un peu plus son image...

 

F.Q. : Il m’a paru évident de consacrer un chapitre au thème de l’homosexualité, tant le sujet semble interpeller le chanteur. Il y fait allusion dans nombre de chansons, par des allusions souvent moqueuses ou méprisantes à ses débuts : Le Rire du sergent, Le Surveillant général et J’accuse qui, en effet, sera revu et corrigé dans les années 90. Sardou s’excusera de ses dérapages de jeunesse, en créant notamment Le Privilège, qui dénonce l’amalgame entre homosexualité et perversion.

 

Sardou a cette qualité d’évoluer de façon intelligente et de reconnaître ses torts. C’est ce qui le rend attachant. Une image m’a marqué lors des manifestations pour le mariage homosexuel : cette pancarte levée où était écrit « Même Sardou est pour ! ». J’avais contacté l’auteur de la photo, afin de la publier en illustration de ce chapitre. Hélas, il n’a pas voulu la céder, même moyennant rétribution.

 

PdA : Sa mère Jackie disparaît en 1998, vingt-deux ans après Fernand (« 1976, c’est la mort de mon père, et cette impression folle que ses dernières paroles n’étaient pas les dernières... » in 1965, datée de 1985). Il leur a consacré, au fil des années, de nombreux hommages (reprenant dans ses tours de chant Aujourd’hui, peut-être, de son père), écrit des textes plus ou moins biographiques mais empreints de tendresse : Une fille aux yeux clairs (1974), Les Noces de mon père (1981), Il était là (Le fauteuil) et le sketch Maman (1982), Les Yeux de mon père (2006)... Quels rapports entretenait-il avec ses parents ?

 

F.Q. : Michel Sardou disait de son père qu’il lui avait tout appris sans jamais lui avoir rien enseigné. Ils n’ont pas eu le temps de beaucoup se parler, tous les deux. Fernand Sardou est mort trop tôt, et Michel a idéalisé ce père un peu bougon et taiseux, mais tendre, comme l’étaient ces hommes du Midi que Pagnol a immortalisés dans ses films.

 

L’image de la mère a naturellement pâti de cette idéalisation du père, d’autant que Jackie était plutôt dirigiste et envahissante. La mère et son fils, qu’elle appelait « Mon minou », étaient très proches. Michel Sardou a mesuré le poids de son absence au lendemain de sa mort. Ce soir-là il chantait à Nancy. Et a failli craquer en interprétant Une fille aux yeux clairs, la chanson que Jackie disait sienne.

 

PdA : À partir de la fin des années 90, celui qui n’est « plus un homme pressé » a desserré les poings. Il s’est trouvé un nouvel équilibre personnel, se soucie moins de politique, - la dispensable Allons danser (2006) ou la trop méconnue Le Monde où tu vas (1994) mises à part. Il entame de nouvelles collaborations; ses créations à venir toucheront, au fond, à l’essentiel : l’amour (Tu te reconnaîtras, en 1997, Je n’oublie pas, Même si, Dis-moi en 2004, Nuit de satin et Je serai là en 2006, Et puis après en 2010...), le temps qui passe, ses bilans... (Putain de temps, en 1994, La Rivière de notre enfance et La vie, la mort, etc. en 2004, Les Jours avec et les jours sans, La dernière danse en 2006...) Que vous inspirent-elles, ses années les plus récentes ?

 

F.Q. : Vous oubliez un succès marquant : Le Bac G, dont j’aime beaucoup la mélodie et le texte, en dépit de ce passage polémique sur les lycées poubelles, qui avait enragé Lionel Jospin, alors ministre de l’Éducation nationale. J’aime aussi Putain de temps, Le monde où tu vas, Rebelle, Je n’oublie pas. Des chansons qui me parlent.

 

Cette période est teintée d’une douce mélancolie et d’une nostalgie parfois amère que je partage. J’aime aussi l’homme qu’il est devenu. Je pense que la présence d’Anne-Marie Périer à ses côtés n’y est pas pour rien.

 

PdA : J’ai eu à cœur, tout au long de cet entretien, d’évoquer des titres peu connus, parmi ceux que j’aime. J’aurais également pu citer - même si l’occasion ne s’est pas présentée - d'autres chansons qui mériteraient d’être découvertes ou redécouvertes, comme Un Enfant (1972), Les vieux mariés (1973), Un Roi barbare (1976), les superbes Je vole (1978) et Je ne suis pas mort, je dors (1979), les émouvantes Victoria et La Pluie de Jules César (1980), Le mauvais homme (1981), Si l’on revient moins riches (1983), L’Acteur (1987), Le Successeur, Dans ma mémoire elle était bleue, Vincent (1988), Espérer (2004), Rebelle (2010)... J’en passe... Quelles sont, dans son répertoire, les chansons que vous préférez, et pourquoi ?

 

F.Q. : Ma préférée d’entre toutes est Je vole. Quand elle est sortie, je n’avais pas compris qu’elle évoquait un suicide, je pensais simplement que le garçon de la chanson faisait une fugue. Et pourtant, cette chanson m’émouvait aux larmes. Parmi celles que vous citez, j’aime surtout L’Acteur - j’étais élève au cours Florent quand elle est sortie, elle parlait donc forcément au cœur d’un apprenti acteur -, Les vieux mariés - j’aime cette idée que la vieillesse puisse être sereine -, Je ne suis pas mort, je dors et Vincent. Je pourrais encore citer Dix ans plus tôt, un tube d’été sur lequel j’ai connu mes premiers flirts, et Je viens du Sud, pour des raisons géographiques évidentes (Frédéric Quinonéro est un enfant du Gard, ndlr). Il y en a plein d’autres…

 

PdA : Qu’avez-vous appris à propos de Sardou à l’occasion du travail, des recherches que vous avez menés pour l’écriture de votre livre ?

 

F.Q. : Je ne crois pas avoir appris beaucoup de choses sur Sardou que je ne savais déjà, car malgré tout j’ai toujours suivi sa carrière et grandi avec ses chansons. J’ai surtout appris à passer outre les idées préconçues. J’ai appris qu’il était très agréable d’écrire un livre sur un artiste dont on n’est pas a priori fan et de se rendre compte qu’au fond on l’apprécie beaucoup plus qu’on ne le pensait. Le répertoire de Sardou se prête en outre à l’analyse, ce qui est pain bénit pour un écrivain.

 

Dans le travail d’écriture d’un livre, il y a toujours un moment difficile où l’on cale, où c’est douloureux et où l’on éprouve le besoin de faire un break. Ça n’a pas été le cas avec ce livre-là. Ce fut un vrai bonheur du début à la fin. J’ai trouvé un rythme dès le départ, et il ne m’a pas quitté.

 

PdA : « Qui êtes-vous, Michel Sardou ? » On ne compte plus les pages qui, années après années, ont été noircies autour de cette question. Il n’a jamais cessé d’être populaire - et cela dure depuis quarante-cinq ans - mais dans pas mal d’esprits subsistent, bien ancrés, quelques résidus de sa mauvaise réputation... Quelle image vous êtes-vous forgée de lui ?

 

F.Q. : L’image d’un homme rebelle, mais ce n’est pas fait pour me déplaire. Il est, selon le mot de François Mitterrand, un « homme à angles aigus », mais qui a tendance à les arrondir avec le temps.

 

PdA : Ses contours sont encore - et c’est heureux - en train d’être dessinés, affinés : il est toujours actif et reviendra probablement à la chanson dans les années à venir. Cela dit, quelle est et quelle sera, à votre sens, l’empreinte Sardou sur le patrimoine musical français ?

 

F.Q. : Pour moi, Sardou est le chanteur populaire par excellence, d’où le titre éloquent de mon livre. C’est un artiste fédérateur, qui a su plaire à toutes les couches sociales et traduire en chansons l’âme d’un peuple. Quand on est populaire un jour, on l’est toujours. Cette image de lui restera. Inévitablement.

 

PdA : Quel message souhaiteriez-vous lui adresser, à l’occasion de cette interview ?

 

F.Q. : Pourquoi ne pas m’avoir répondu quand je vous ai informé de mon projet d’écrire ce livre ? Je suis sûr que nous aurions eu des tas de choses intéressantes à nous dire et que nous aurions passé un agréable moment. Dommage.

 

PdA : Quels sont vos projets pour la suite, cher Frédéric Quinonéro ?

 

F.Q. : Le 14 octobre prochain, je publie une énorme biographie de Johnny Hallyday aux éditions de l’Archipel. J’ai hâte !

 

PdA : Un dernier mot ?

 

F.Q. : Espérer.

 

PdA : Merci... Salut !

 

Frédéric Quinonéro

 

 

Que vous inspirent l'œuvre, le personnage de Michel Sardou ? Quelles sont, parmi ses chansons, celles que vous préférez ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Pour aller plus loin...

  

29 avril 2014

Marcel Amont : "Je suis accro au spectacle vivant"

   Mon invité du jour, c'est un artiste authentique, un jeune homme présent dans le monde du spectacle depuis plus de soixante-cinq ans. Après des débuts prometteurs dans son Aquitaine natale, il a voulu conquérir Paris, "the place to be", déjà. L'année : 1950. La musique, le show : des passions inébranlables. Mais percer relève souvent du parcours du combattant. Il lui faudra attendre quelques années, surmonter des moments de questionnements sérieux avant de connaître, enfin, un succès mérité, une reconnaissance du métier; un public large et fidélisé, surtout. En 1956, il fait la première partie de Piaf à l'Olympia. Avec, dans la foulée, une récompense prestigieuse, des débuts au cinéma. Sa carrière est lancée au plan national. Dans les années 60 et 70, Marcel Amont - né Miramon - fait partie du paysage, presque de la famille. Les auditeurs, les spectateurs sont friands de ses interprétations qui, souvent, vont bien au-delà du "simple" exercice vocal : un saltimbanque, dans la plus noble, la plus pure tradition du terme, celle du music-hall. Les années 80 seront plus difficiles. Pour lui comme pour pas mal de ses confrères. Découragé ? Aucunement : il ira voir ailleurs, dans d'autres contrées - avec succès.

   Marcel Amont fait son grand retour en France au milieu des années 2000. Il présente un nouvel album, Décalage horaire, opus comportant des duos avec des personnalités aussi éclectiques que Gérard Darmon, Agnès Jaoui ou Didier Lockwood. Il n'est pas plus à la mode qu'à ses débuts, il en est plutôt fier, d'ailleurs : il le revendique dans la chanson Démodé. La mode, ça va, ça vient. Son univers à lui est toujours aussi attachant. Cet homme sur lequel le temps paraît n'avoir que peu de prise continue, plus que jamais, de divertir, de bluffer les spectateurs, avec un enthousiasme intact et communicatif, un sourire qui renforce ces sentiments qu'on lui associe et qu'il inspire : bonté, bienveillance. Humilité, ai-je envie d'ajouter... En 2012, il célèbre ses plus de soixante ans de carrière à l'Alhambra, l'occasion de retrouver quelques vieux copains, de se rappeler au bon souvenir d'un public toujours heureux de le revoir. L'occasion, surtout, de retrouver la scène, le vivant, qu'il aime plus que tout.

   En 2014, années de ses quatre-vingt-cinq ans, il surprend encore et toujours : Lettres à des amis sort en librairie. Dans cet ouvrage, il s'adresse à Aznavour, à Coluche, à De Gaulle ou à Jésus, à Joseph Kessel ou aux musiciens du Titanic - liste non-exhaustive... À ses parents et à Marlène, son épouse. Je la remercie pour nos échanges et remercie Marcel Amont pour les réponses qu'il a bien voulu apporter à mes questions. Merci à tous les deux pour votre gentillesse... et que les souhaits exprimés ici se réalisent ! Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

MARCEL AMONT

 

« Je suis accro au spectacle vivant »

 

Marcel Amont

(Source des photos : M. Amont)

 

Q. : 25/04/14 ; R. : 27/04/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Marcel Amont. Vous avez quatre-vingt-cinq ans depuis peu. J'en ai cinquante-six de moins, mais nous serions nombreux, parmi les jeunes de ma génération, à signer des deux mains pour avoir, à votre âge, votre pêche, votre énergie hors du commun. Cela dit, je ne ferai pas l'économie de la question qui suit : comment allez-vous ?

 

Marcel Amont : Étant donné mon âge, je vais bien.

 

PdA : « À dix-huit ans, j'ai quitté ma province... » Vous avez, pour ce qui vous concerne, quitté votre Aquitaine natale pour tenter votre chance en tant qu'artiste à Paris un peu plus tard, à la fin 1950, à vingt-et-un ans, si je ne m'abuse. À quoi vos premières semaines, vos premiers mois dans la capitale ont-ils ressemblé ? Vous est-il arrivé, parfois, d'être en proie à des doutes sérieux, d'être découragé au point de songer à tout plaquer ?

 

M.A. : Rien dans mon milieu ne me prédestinait à une carrière artistique.

  

Après des débuts prometteurs dans mon Bordeaux natal, j’avais compris que dans un pays centralisé comme la France, tout avenir artistique un peu ambitieux passait par Paris. Je suis donc « monté » vers la capitale. Les quelques contacts que j’avais ont vite tourné court et, comme tous les provinciaux, qui n’ont plus gîte et couvert gratuits assurés en famille, j’ai dû m’accrocher – souvent en proie au doute - sur le choix que j’avais fait de cette carrière ; sans aller jusqu’à renoncer, la tentation fut souvent forte de retourner dans ma région où j’avais commencé à gagner ma vie entre chanson, opérette et comédie.

 

PdA : En 1956, vous faites la première partie d'Édith Piaf à l'Olympia. Tout va s'enchaîner très vite, à partir de ce point : la reconnaissance du métier, le succès public, les projets - y compris pour le cinéma...

 

M.A. : C’est en effet en 56 que je suis passé, comme dit l’autre, de l’ombre à la lumière des grands scènes - avec en prime le Prix de l’Académie Charles Cros (pour un premier disque !) et un film avec BB…

 

PdA : Comment avez-vous réussi à garder la tête froide, à ce moment-là ? Avez-vous toujours réussi à le faire, d'ailleurs ?

 

M.A. : J’avais déjà sept ans de métier et, si j’avais rêvé de tout ce bonheur, je n’avais plus aucun regret d’avoir renoncé au noble métier d’enseignant ! C’était grisant mais surtout rassurant - ouf…

 

PdA : Dans les années 60, puis 70, vous êtes très présent dans le paysage médiatico-culturel. Vous avez massivement investi les scènes, les tourne-disques, les écrans de télévision, en cinq mot comme en cent : conquis le cœur des Français(es). On avance un peu dans le temps... Le virage des années 80 a été, pour nombre de vos confrères, plutôt difficile à aborder. Une expression revient souvent : la "traversée du désert". Est-ce ainsi que vous avez vécu ces temps de moindre exposition médiatique ?

 

M.A. : C’est toujours frustrant de devenir rare sur les médias ; mais par chance, mon travail, avant tout visuel et scénique, m’a ouvert les portes de l’étranger. J’ai chanté dans le monde entier, vécu un an à Rome (« Studio Uno ») et fait des disques en sept langues.

 

PdA : Vous le savez bien, les chansons qui marchent ne sont pas forcément toujours les plus belles ou les mieux écrites. À l'évocation de votre nom, il est quelques gros succès qui reviendront souvent : Bleu, blanc, blond (1959) ; Un Mexicain (1962) ; L'amour ça fait passer le temps (1971) ; Le chapeau de Mireille (1974)... J'aimerais vous inviter à nous parler de ceux de vos titres pour lesquels vous avez une tendresse particulière et qui mériteraient, à votre avis, d'être eux aussi découverts ou redécouverts... ?

 

M.A. : Les chansons que vous citez ont contribué à faire de moi ce qu’on appelle un chanteur populaire. Mais, je le redis, les trois-quarts de mon répertoire sont avant tout consacrés à des morceaux visuels que j’évite de chanter sur les médias pour que le public les découvre dans mes concerts. Mesdames, messieurs, venez les VOIR !

 

PdA : Qu'aimeriez-vous que l'on dise de vous au soir de votre départ pour le grand voyage, celui qui - pas avant une bonne trentaine d'années, minimum - vous permettra de retrouver quelques amis, de reprendre avec eux les rigolades interrompues ?

 

M.A. : Bravo et merci.

 

PdA : De quoi êtes-vous fier, Marcel Amont ?

 

M.A. : De l’ensemble de ma carrière, et de ma famille la plus proche.

 

Lettres à des amis

 

PdA : Dans votre ouvrage intitulé Lettre à des amis (Chiflet & Cie), vous prenez la plume - ou le clavier ? - et vous adressez à quelques personnes, connues ou non et qui, chacune à leur manière, vous marquent ou vous ont marqué. Imaginons qu'on vous offre la possibilité d'entretenir deux conversations, l'une avec un de nos contemporains, n'importe qui...

 

M.A. : Le pape François, pour qu’il m’aide à retrouver une foi perdue depuis longtemps.

 

PdA : ...l'autre avec quelqu'un ayant déjà rejoint le monde suivant.

 

M.A. : Mon père et ma mère.

 

PdA : Restons dans le domaine de la fantaisie. Cette question-là, j'aime la poser assez régulièrement. Un génie un peu fou - appelons-le, tiens... Doc' - vous propose de tester sa nouvelle invention : une machine à remonter le temps, construite dans une vieille DeLorean. Vous n'aurez droit qu'à un voyage, aller-retour ou aller simple, à vous de voir. Pour le lieu, et surtout l'époque, vous êtes libre, totalement libre... Que lui répondez-vous ?

 

M.A. : Aller simple à l’époque de mes trente ans. Mais, tout compte fait, le voyage commencé il y a trente-huit ans avec Marlène et qui se poursuit ici et maintenant, me convient tout à fait.

 

PdA : Quittons le passé et revenons sur Terre pour évoquer le présent, votre avenir, surtout... Vous avez souvent fait preuve de beaucoup d'inventivité, d'audace dans votre parcours artistique, n'hésitant pas, notamment, à marier la musique au visuel, à l'humour, un peu comme Annie Cordy. Votre curiosité, votre gourmandise intellectuelles sont restées intactes, vous êtes toujours un jeune homme. Quelles sont les aventures, les nouvelles frontières qui, aujourd'hui, pourraient vous séduire, vous tenter ?

 

M.A. : Mon vœu : continuer mes activités de spectacle et d’écriture sur fond de vie familiale harmonieuse.

 

PdA : Quels sont vos projets, vos envies ? Écrivez-vous de nouvelles chansons dans l'optique d'un prochain album ?

 

M.A. : Les albums n’ont évidemment rien de négligeable pour un chanteur. Mais je suis depuis soixante-cinq ans accro au spectacle VIVANT et je le reste. Je n’écris presqu’exclusivement qu’en ce sens – disque ou pas.

 

PdA : Quels sont vos rêves ?

 

M.A. : Que perdure l’ensemble des bienfaits dont j’ai parlé.

 

PdA : Vous connaissez bien le milieu de la chanson, vous en êtes depuis près de deux tiers de siècle; vous l'avez vu évoluer. Quels conseils offririez-vous à un(e) jeune qui vivrait pour la musique et aimerait en faire sa vie ?

 

M.A. : Deux conseils :

1) Faites comme vous sentez ;

2) Ne soyez pas interchangeables. N’ENTREZ PAS DANS LES MOULES.

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, cher Marcel Amont ?

 

M.A. : Partir en paix quand ce sera le moment.

 

PdA : Le plus tard possible... Un dernier mot ?

 

M.A. : Un dernier mot ? Pas tout de suite, SVP…

 

 

Que vous inspirent l'oeuvre, le parcours de Marcel Amont ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Vous pouvez retrouver Marcel Amont...

  

Éd. mineure de l'introduction : 15/07/14

1 février 2014

Marie-Paule Belle : "Le public ? Ils sont toute ma vie..."

   « Est-ce que vous avez déjà entendu parler de Marie-Paule Belle ? Non ? Ça ne m'étonne pas, et si vous m'aviez répondu "oui", j'aurais presque été inquiet. Inquiet, et puis déçu, parce que je comptais ce soir la faire découvrir aux téléspectateurs, pour la première fois. Regardez-la bien. Vous la reverrez, certainement. Vous en entendrez parler. Il y a très peu de jeunes chanteuses à qui l'on puisse prédire ce destin, en ce moment... » Nous sommes en mars 1973. Philippe Bouvard est emballé par cette nouvelle venue sur la scène musicale, à tel point qu'il va lui permettre d'interpréter deux de ses chansons, deux titres plutôt fantaisistes : Wolfgang et moi et Nosferatu. Elle est seule sur scène, en piano-voix. C'est elle qui en a signé les mélodies... La Parisienne sortira trois ans plus tard...

   « Cette femme est absolument faite pour "attaquer" Barbara » (Fabrice Luchini, Vivement dimanche, 2011). « Elle a la volupté et la grâce pour chanter du Barbara » (Fabien Lecœuvre, Les années bonheur, 2011). J'en passe, et des meilleures (la grande dame brune elle-même lui avait confié, dans un élan de tendre enthousiasme, qu'elle adorait son travail)... Marie-Paule Belle n'est pas uniquement le « diablotin sautillant sur un tabouret de piano » que l'on pourrait croire, vue de loin, en surface. Ses fans, eux, connaissent parfaitement l'étendue de sa palette, de son œuvre. Écoutez ses reprises de Attendez que ma joie revienne, de Dis, quand reviendras-tu ?, de Nantes... Écoutez Berlin des années vingt, L'enfant et la mouche, La petite écriture grise, Quand nous serons amis... Écoutez Un pas de plusCelles qui aiment elles, Assez... Quelques échantillons, simplement, il y en a tellement...

   Pour cette première publication Paroles d'Actu de l'année, je vous invite à découvrir ou à redécouvrir une grande, une très grande musicienne et artiste de la chanson française. Les médias feraient bien de s'en souvenir et d'en faire autant, tout le monde y gagnerait... Un talent. Une femme de cœur et de convictions. En trois mots comme en cent : une « Belle » personne... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

MARIE-PAULE BELLE

 

« Le public ? Ils sont toute ma vie... »

 

Marie-Paule Belle

(Source des photos : production)

 

Entretien réalisé entre le 27 janvier et le 1er février 2014

  

Paroles d'Actu : Bonjour Marie-Paule Belle. J'aimerais, pour débuter cet entretien, vous inviter à évoquer pour nous la figure de Barbara : vous lui avez consacré plusieurs enregistrements, deux spectacles et de nombreuses représentations publiques depuis 2001. Quelle est la place qu'elle a occupé, qu'elle occupe dans votre vie ?

 

Marie-Paule Belle : C'est grâce à Barbara et Brel que j'ai décidé de chanter, lorsque je les ai vus sur scène, adolescente... J'étais bouleversée... Barbara a été une révélation pour moi. C'était la première fois qu'une femme parlait de l'amour, de la mort avec un éclairage si personnel ! Elle s'accompagnait au piano avec des mélodies classiques, parlait de ses sentiments, de son histoire... Tout ce que j'aime ! Par la suite, mon chemin est passé par l'Écluse, cabaret de la Rive gauche, où elle a chanté longtemps !

 

J'ai eu la chance de la rencontrer et de lui parler quelquefois... J'ai deux fax d'elle dans mon bureau, je les considère comme des porte-bonheur... Les spectacles que je lui ai consacrés m'ont apporté beaucoup d'émotions, même au Japon et en Pologne ! Parfois le public a redécouvert quelques chansons, ce qui m'a fait très plaisir... Elle est toujours présente dans ma vie...

 

PdA : Et dans la nôtre... Abordons maintenant, si vous le voulez bien, votre répertoire à proprement parler. La Parisienne est probablement celui de vos titres que l'on vous associe le plus naturellement. Son succès a contribué à vous apporter notoriété et reconnaissance.

Quels sont, au quotidien, les signes de cette popularité, les témoignages d'affection du public qui vous touchent particulièrement ? Question subsidiaire : n'est-ce pas un peu frustrant, parfois, d'être régulièrement "réduite" à cette chanson dans les médias ? Entendons-nous bien : elle est formidable, éminemment moderne, et l'énergie que vous dégagez avec elle est à chaque fois communicative. Mais vous en avez d'autres, beaucoup d'autres...

 

M.-P.B. : Il est vrai que La Parisienne est ma carte d'identité ! Lorsque l'on me reconnaît, on me chante cette chanson, ou l'on sourit avec gentillesse et complicité à un feu rouge, par exemple ! On me dit : « Vous avez enchanté ma jeunesse », « Quelle énergie ! », etc..., etc...

 

C'est vrai qu'au bout de plus de quarante ans de carrière, et une vingtaine d'albums, j'aurais aimé que l'on se souvienne d'autres chansons que j'aime aussi, soit pour leur mélodie, soit pour leur sujet, car j'ai chanté des chansons très différentes... Mon public fidèle, mes fans s'en souviennent ! Je ne suis pas frustrée car je trouve merveilleux de rester encore dans la mémoire de certains, d'une façon aussi joyeuse et positive ! Si je suis venue au monde pour apporter un peu de joie, c'est déjà pas mal, et j'ai plaisir à le constater lors des signatures, après les concerts. J'ai aussi une grande chance de partager encore, de nos jours, cette joie sur scène !

 

PdA : C'est en effet quelque chose d'exceptionnel et qui n'est pas donné à tout le monde... La plus belle des récompenses pour un artiste, j'imagine... S'agissant, justement, de ces autres titres qui gagnent à être connus, parlons-en.

Quelles sont, sur l'ensemble de votre répertoire, les cinq ou dix chansons que vous préférez ? Celles que vous aimeriez inviter nos lecteurs à découvrir ou redécouvrir via, par exemple, les plateformes de téléchargement légal ?

 

M.-P.B. : Il est difficile pour moi de répondre à cette question ! De plus, beaucoup de mes chansons ne peuvent être téléchargées, car elles sont introuvables sur internet, ou ailleurs, mes albums ayant eu des producteurs indépendants et des distributeurs différents...

 

Il y a des chansons comme Sur un volcan, L'enfant et la mouche, Berlin des années vingt qui sont très bien écrites, par Michel Grisolia et Françoise Mallet-Joris. Ou, dans le dernier album, Assez et Celles qui aiment elles, écrites par Dominique Valls. Elles évoquent des sujets graves, en dehors des modes, comme la décadence conduisant aux extrêmes, l'indifférence, la cruauté, la violence, l'homophobie, etc... Ces sujets sont traités sans lourdeur, avec justesse, avec poésie par leurs auteurs.

 

Il y a des chansons romantiques ou nostalgiques, comme Quand nous serons amis, La petite écriture grise, Elle t'a changé, Patins à roulettes, 42 colonnes corinthiennes, La cabine en verre, Matin d'amour, Nuage rose, etc... Il y a des chansons comme Beauté de banlieue, dont je suis fière de la musique, ou des chansons autobiographiques dont je suis l'auteur, comme Sans pouvoir se dire au revoir. Enfin, les chansons drôles qui m'ont beaucoup fait rire en les créant avec mes amis, dont Isabelle Mayereau, avec qui j'ai écrit aussi des chansons drôles pour Anne Baquet. Je pense à Moujik russe, L'oeuf -complètement surréaliste -, Placali Calalou, etc...

 

Mes goûts personnels vont plus vers les chansons graves ou romantiques, qui sont souvent à l'opposée de mon image médiatique caricaturée, celle d'un diablotin sautillant sur un tabouret de piano !

 

PdA : Parmi ces chansons, il en est qui sont, pour le coup, à la fois romantiques et graves. Vous évoquiez l'un des titres de votre dernier album en date, Celles qui aiment elles, sur Marie Paule ReBelle. Des trésors de sensibilité, dans ce texte... Vous savez « le prix de leurs amours rebelles »...

Qu'avez-vous ressenti après l'adoption en 2013 de la loi Taubira ouvrant droit au mariage pour tous ? Cette reconnaissance par la République de ces amours encore trop souvent montrées du doigts, vous l'attendiez, vous l'espériez depuis longtemps ?

 

M.-P.B. : Je l'attendais et je suis très heureuse qu'enfin, cette loi soit votée !

 

PdA : Plusieurs sondages ont indiqué, à l'occasion de ces débats, qu'un grand nombre de Français approuvait cette évolution et qu'il y avait, en tout état de cause, un recul de l'intolérance en matière d'homosexualité. Mais il y a eu, ici ou là, à la marge mais de manière parfois organisée, des actes, des mots qui n'ont pas grandi leurs auteurs...

J'aimerais vous demander, en tant que femme engagée, en tant qu'artiste populaire, quel message vous adresseriez à un père, à une mère qui, de bonne foi, sans pensée haineuse, vivrait mal l'annonce par son enfant de son homosexualité ?

 

M.-P.B. : Je lui demanderais simplement ce qui est le plus important : le bonheur de son enfant ou le souci du regard des autres ?! Cela dit, je ne suis pas du tout d'accord avec les sondages : l'homophobie (comme le racisme) a progressé en France, on l'a vu lors des manifestations contre le mariage pour tous ! Je le vois tous les jours après mes concerts, avec les nombreux témoignages d'homosexuels, hommes et femmes, qui me remercient pour la chanson Celles qui aiment elles et qui souffrent beaucoup dans leur quotidien, surtout en province !

 

PdA : Puissent cette chanson, la sagesse de vos propos contribuer à faire progresser l'esprit de tolérance, ou plutôt de respect, je le souhaite de tout cœur. Parmi vos titres récents, il y en a un autre, très beau, qui aborde le sujet ô combien douloureux des femmes battues : Assez (Marie Paule ReBelle). J'imagine que, dans un domaine qui ne s'éloigne pas trop de cette question et de celle abordée précédemment, la résurgence des débats portant sur l'IVG, en France, en Espagne, surtout, ne doit pas vous laisser indifférente...

Quels sont les sujets d'actualité qui vous interpellent, vous révoltent et qui pourraient, peut-être, vous inspirer la création de nouvelles chansons ?

 

M.-P.B. : Tout est dit dans votre question. Dominique Valls a écrit de très beaux textes sur ce qui me tient à cœur... Quand un sujet me révolte ou m'interpelle de quelque façon que ce soit, j'en parle avec mes auteurs, et ils m'écrivent de très jolies choses... C'est vrai que la résurgence des débats portant sur l'IVG m'inquiète beaucoup, moi qui ai défilé pour dans les années 70 ! Quelle régression...

 

PdA : Vous avez justement rendu hommage à vos auteurs au cours de notre interview. Envisageons maintenant, si vous le voulez bien, un domaine qui passe souvent au second plan et dans lequel vous excellez depuis toujours : la composition. Quel rapport entretenez-vous avec votre piano ?

 

M.-P.B. : Le piano est comme une personne. Certains me parlent tout de suite, d'autres ne me diront jamais rien ! J'avais évoqué le sujet avec Barbara, qui avait le même dialogue avec son piano. Un jour où je n'avais aucune inspiration, ce qui me rendait malheureuse, elle m'a dit, en parlant de mon piano : « Laisse-le bouder ! Laisse passer le temps et il te reparlera ! ».

 

Mon piano est réglé spécialement pour moi, selon mes goûts (graves profonds, un peu métalliques, mécanique souple, aigus perlés). Pour les concerts, je fais très attention à la qualité du piano, car j'ai eu beaucoup de problèmes, surtout en début de carrière... Je chante complètement différemment si j'ai un bon piano ou pas.

 

PdA : Quel est, pour ce qui vous concerne, le processus qui mène à la naissance d'une mélodie ? Vient-elle, en général, avant ou après le texte ?

 

M.-P.B. : Les mélodies arrivent souvent avec le plaisir de l'improvisation, ou bien n'importe où et n'importe quand. Je ne le commande pas et je les enregistre dès qu'elles me restent dans la tête. J'ai dans mon iPhone et mon ordinateur des musiques très différentes allant de la ballade classique au jazz.

 

Pour les chansons, je pars sur quatre vers que l'on me donne, et je m'envole... Ou bien, je donne à l'auteur la mélodie structurée en couplets, refrains, avec la métrique des vers. Il n'y a pas de règle, mais j'écris très rarement sur un texte définitif. 

 

PdA : Merci pour ces quelques anecdotes précieuses, tout droit venues des coulisses de votre art. En filigrane, il y a aussi la question de la production musicale, de son évolution. Vous aviez fait appel aux internautes pour coproduire votre dernier album.

Qu'est-ce qui, depuis vos débuts, a changé dans la manière de faire de la musique, de la diffuser ? Quel regard portez-vous sur le paysage musical actuel ?

 

M.-P.B. : Tout a changé depuis mes débuts ! Les mentalités, la technique, le marché, etc... Large question ! Je dirai seulement que, lorsque j'ai commencé, j'ai signé pour trois albums ! À cette époque, on pouvait donner une chance à l'artiste, afin qu'il dispose d'un temps suffisant pour faire connaître son univers. J'ai eu la chance d'être récompensée par des prix prestigieux pour les trois premiers albums, ce qui m'a aidée pour resigner... Aujourd'hui, peu importe l'univers de l'artiste ! Ce qui compte c'est qu'il vende. L'artiste est d'abord un produit, il doit être formaté, avec des critères précis pour cibler une clientèle précise. Le CD ne se vend plus. Tout se passe par internet. Pour reprendre le slogan d'une pub : avant, il y avait des directeurs artistiques qui lisaient les partitions, mais ça, c'était avant ! Aujourd'hui, il y a des directeurs de marketing qui regardent les chiffres... Moi, je n'ai regardé que l'artistique !

 

Avec internet, on découvre de belles choses, mais aussi n'importe quoi ! Ce qui est merveilleux, c'est qu'avec un bon logiciel, un clavier, tout le monde peut faire de la musique, avoir un Steinway ou un orchestre philharmonique au bout des doigts... faire un album à la maison ! J'adore ces nouvelles technologies ! Ce qui est moins merveilleux, c'est ce qu'on entend parfois... Hélas, certaines émissions de télé ont développé de fausses valeurs... Tout le monde chante pareil, sans charisme, sans présence. Peu de personnalités sont "habitées" ! Peu se détachent (quelques exceptions, comme Stromae). On a montré les paillettes et non le travail ! J'espère encore que, si le talent est là, avec le travail, la chance (les bonnes rencontres au bon moment), on peut garder l'espoir d'être agréablement surpris !

 

PdA : Quels sont celles et ceux qui, pour ce qui concerne la chanson française, trouvent grâce à vos yeux - ou plutôt à vos oreilles - aujourd'hui ? Je pense à ceux, plus ou moins connus, qui émergent, je pense évidemment, aussi, à ceux qui, fort heureusement, sont toujours là...

 

M.-P.B. : Les grands auteurs-compositeurs, dans des styles très variés, de Trenet, Brel, Bécaud, Barbara, à Gainsbourg, Berger, Bobby Lapointe, pour ceux qui nous ont quittés. Et d'Aznavour, Sheller, Le Forestier, Lama à Jonasz, Souchon, Sanson, Voulzy, Julien Clerc, pour ceux d'aujourd'hui. Piaf, Maurane pour les voix... J'en oublie... Mouloudji, Cora Vaucaire, Montand, etc... De nos jours, Stromae se détache par son originalité, Zaz pour son timbre de voix. Je ne connais ni le rap, ni l'électro, et j'écoute des voix féminines anglo-saxonnes dans le jazz classique ou actuel.

 

PdA : Vous avez récemment annoncé, à regret, l'annulation de la tournée Sacrée soirée, à laquelle vous deviez participer. Où et quand pourra-t-on vous applaudir, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois ?

 

M.-P.B. : À cause de cette tournée, aucun contrat n'a été signé, aucune démarche n'a été faite, car je ne pouvais cumuler les concerts de la tournée et les miens. Les deux prochaines et dernières dates de concerts du spectacle De Belle à Barbara, signées avant cette tournée, sont le 7 février, à Villeparisis, en région parisienne, et le 11 février, à Bayeux. Ensuite... ?

 

PdA : Allez-vous essayer de proposer de nouvelles dates, en Île-de-France et en province, pour De Belle à Barbara ?

 

M.-P.B. : Je ne crois pas... C'est trop tard. Toutes les salles sont programmées et prises, y compris pour les réunions électorales. La production est en train de voir si l'on peut avancer le nouveau spectacle, mais là aussi, c'est compliqué...

 

PdA : Voulez-vous nous dire quelques mots de ce que sera ce nouveau spectacle ?

 

M.-P.B. : Ce sera toujours du piano-voix, avec des chansons du répertoire et les miennes, dont certaines remontent à la période de mon passage à l'Écluse. Je le donnerai dans des petites salles, pour être très proche du public. Le titre provisoire est Comme au cabaret.

 

PdA : Avez-vous d'autres projets, d'autres envies dont il vous plairait de nous faire part ? Par exemple, planchez-vous, ou allez-vous plancher sur de nouvelles chansons ? Sur un nouvel album ?

 

M.-P.B. : Pour l'instant, je n'ai pas d'autre projet.

 

PdA : Quel message auriez-vous envie d'adresser à nos lecteurs et, en particulier, à celles et ceux d'entre eux qui, nombreux, vous suivent et vous aiment, depuis six mois, dix ans ou trente-cinq ans ?

 

M.-P.B. : Merci ! Car c'est grâce à leur fidélité, à leurs témoignages, à leur amour, tout simplement, si je suis toujours là ! C'est cet élan d'amour qui me donne l'énergie et l'envie de continuer lorsque je suis découragée et que je songe arrêter... Je le leur ai redit sur scène il y a huit jours, je l'écris en dédicace sur les albums ou les programmes, je le leur redis maintenant et je le ferai toujours, car ils sont toute ma vie !

 

PdA : « Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous »... Très belle dédicace, je suis sûr qu'elle les touchera beaucoup... Que peut-on vous souhaiter, chère Marie-Paule Belle ?

 

M.-P.B. : Que je continue à être émerveillée...

 

PdA : Je vous le souhaite de tout cœur... Continuez à nous émerveiller, à nous émouvoir... Un dernier mot ?

 

M.-P.B. : Merci Nicolas ! À bientôt ?...

 

PdA : Ce serait un honneur et, surtout, un plaisir. Merci infiniment pour ce bel entretien...

 

Marie-Paule Belle 2 

 

Que vous inspirent l'oeuvre, les combats de Marie-Paule Belle ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Vous pouvez retrouver Marie-Paule Belle...

 

11 septembre 2013

Arthur Jamin : "Contemplatif et mélancolique..."

Arthur Jamin est auteur-compositeur-interprète. La musique, il l'a découverte très tôt, très jeune, grâce à son frère, pour l'essentiel. Armé d'un synthé Yamaha, d'une petite guitare, ce dernier lui composait des morceaux, il les lui faisait chanter. Des compos, quelques reprises. L'éclectisme, déjà. Lou Reed, Dorothée côtoient Hugo, Rimbaud. Une imagination foisonnante, la naissance d'un univers artistique, philosophique que viendront alimenter, un peu plus tard, son goût pour la belle chanson française, ses interrogations, ses révoltes de spectateur d'un monde qui ne tourne pas toujours rond. "Chanter, c'est lancer des balles", affirmait Souchon, le grand Souchon, l'un de ses maîtres. Celles qu'évoque Jamin dans son "Western moderne" ne se lancent pas, elles fusent, de tous les côtés. Le tableau est glaçant, la violence omniprésente. "Personne n'en sortira indemne". Dans un autre registre, plus léger, plus optimiste, un très joli titre, "J'envoie des ballons". La vie, l'amour, le temps qui passe, et le reste... Son premier album, "La Ballade du garçon brouillon", cofinancé par les internautes, sera bientôt disponible... Rencontre avec un artiste qui, à n'en pas douter, saura vous toucher. Une sensibilité à fleur de peau, un talent certain... À suivre, vraiment ! Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

ARTHUR JAMIN

Auteur-compositeur-interprète

 

"Contemplatif et mélancolique"

 

Arthur Jamin

(Photo : Timothée Leroy)

 

 

Q : 20/08/13

R : 06/09/13

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Arthur. Qu'aimerais-tu que l'on sache à ton sujet avant d'aller plus loin ?

 

Arthur Jamin : Que je suis un gentil garçon ! (rires)

 

 

PdA : La musique, l'écriture, le chant... trois passions que tu tiens à partager avec un public. Elles t'animent depuis longtemps ?

 

A.J. : Oh oui, je m'amusais déjà à réaliser les pochettes de mes albums imaginaires vers 7-8 ans ! C'est mon frère qui le premier m'a mis le pied à l'étrier. Nous avions à la maison un synthétiseur Yamaha et une petite guitare avec lesquels il composait des morceaux qu'il me faisait chanter... Et puis nous reprenions aussi des titres de Lou Reed ou des poèmes de Rimbaud ! Le plus laborieux était l'enregistrement sur des cassettes audio d'un autre temps (rires). Ce n'est qu'un peu plus tard que je suis venu à l'écriture, au début de l'adolescence.

 

 

PdA : Quels sont les artistes que tu aimes, ceux qui t'inspirent ?

 

A.J. : Vers l'âge de 12 ans, en découvrant Jean Ferrat puis Julos Beaucarne, Anne Sylvestre ou Henri Tachan, j'ai compris à quel point les mots pouvaient avoir du sens. J'aime cette chanson à texte, parfois rugueuse mais tellement puissante ! J'ai aussi de la tendresse pour la variété de qualité : Souchon, Le Forestier, Julien Clerc, Stephan Eicher et plus récemment Biolay, Clarika ou Florent Marchet... Ils arrivent à allier musique populaire et textes solides. Cet équilibre fragile est un bon baromètre pour moi, car je ne veux tomber ni dans l'élitisme ni dans la variet' bas de gamme.

 

 

PdA : Tu as sollicité les contributeurs du site Ulule pour le financement d'une partie de ton premier album, "La Ballade du garçon brouillon". As-tu connu, de l'idée de base à sa concrétisation, des moments de doute, de découragement ?

 

A.J. : Bien sûr qu'il y a eu des moments difficiles mais j'ai toujours su qu'il fallait que j'aille au bout, c'était une conviction profonde. L'étape Ulule m'a permis de prendre encore plus confiance, et puis j'ai décroché un contrat avec un distributeur, l'aboutissement de ces nombreux mois de travail.

 

 

PdA : "La Ballade du garçon brouillon", c'est le titre de ce premier album. Tu nous le présentes ?

 

A.J. : Cette ballade, c'est la chronique d'une errance, celle d'un jeune homme moderne, en décalage avec le monde violent dans lequel il évolue, devant faire face aux difficultés des relations humaines et pétrifié par le temps qui passe... Musicalement, j'ai volontairement choisi de naviguer d'un style à l'autre, je crois que ça me ressemble pas mal !

 

 

PdA : L'une de tes chansons s'appelle "Western moderne". Tu y portes un regard assez sombre, pessimiste sur notre monde, sur la violence de nos sociétés. Quelle est l'histoire de ce titre, du clip coup de poing qui l'accompagne ?

 

A.J. : Année après année, des études très sérieuses affirment que les pauvres sont de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches... C'est à se taper la tête contre les murs, tu ne trouves pas ? On a connu de beaux progrès sociaux, c'est vrai, mais au fond du fond, l'être humain reste assoiffé d'argent, de pouvoir, de domination et peu lui importent les dommages collatéraux. Résultat : des cowboys aux traders, les plus forts sont toujours les mêmes et la violence s'infiltre partout, perpétuellement. C'est pourquoi il ne faut pas baisser la garde.

 

 

PdA : Quelles sont, parmi tes chansons, celles qui te tiennent particulièrement à cœur ? Pourquoi ?

 

A.J. : C'est très difficile ce que tu me demandes là ! Elles ont toutes leur histoire et leur place mais, en premier lieu, je retiendrai "Western moderne". C'est une chanson importante pour les raisons évoquées et si elle peut rassembler quelques-uns d'entre nous, j'en serai heureux... Je suis aussi très attaché à "J'envoie des ballons", "Poser ses fesses par terre" ou "Les noyés". Mais celle qui me touche particulièrement - j'ai toujours du mal à la chanter - c'est "Qu'est-ce qu'on oublie ?". En filigrane, elle effleure la question du temps qui passe et des souvenirs, ces fragments de la mémoire fascinants mais à double tranchant, entre larmes et sourire...

 

 

PdA : Quelques mots à propos des membres de ton équipe, de celles et ceux qui te suivent dans cette belle aventure ?

 

A.J. : J'ai voulu que cet album soit le plus personnel possible alors j'ai d'abord enregistré tous les titres dans mon coin avant de faire appel à quelques musiciens de talent pour étoffer l'ensemble. Johan Dohl à l'harmonica, Olivier Pelfigues à la batterie et Vincent Gestermann au violon sont parmi ceux qui ont le plus enrichi l'album. Timothée Leroy m'a conseillé à chaque étape et Anne Lour m'a donné la réplique sur "Les noyés" et prêté sa voix sur plusieurs titres... De belles rencontres. Voilà, je suis prêt pour les Victoires de la musique (rires) !

 

 

PdA : Ton univers, si tu devais le définir ?

 

A.J. : Contemplatif et mélancolique, suspendu en équilibre sur le fil fragile des sentiments...

 

 

PdA : Quels sont tes projets pour la suite ?

 

A.J. : Ah ! Je compte bien sillonner la France pour faire vivre cette « ballade » sur scène ! Je travaille aussi sur une série d'albums pour enfants qui me tient particulièrement à cœur.

 

 

PdA : Tes rêves ?

 

A.J. : « Oui, je suis le rêveur ; je suis le camarade des petites fleurs d'or du mur qui se dégrade, et l'interlocuteur des arbres et du vent... » écrivait Victor Hugo.

 

 

PdA : Que peut-on te souhaiter, Arthur ?

 

A.J. : Que cet album trouve son public... âmes sensibles ne pas s'abstenir !

 

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci infiniment !

 

A.J. : Oui, je tiens à te remercier pour cette interview et te féliciter pour la qualité et l'éclectisme des entretiens publiés. Ici, la parole est bel et bien au rendez-vous, libre et foisonnante. Longue vie à Paroles d'Actu !

 

 

 

Merci encore, cher Arthur. Que ton parcours soit beau, ta rencontre avec le public couronnée du succès que tu mérites... Et vous, que vous inspire l'univers d'Arthur Jamin ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

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11 mars 2013

Faby : "L'envie, la rage de vivre"

En avril 2008, Fabienne Perier apprenait qu'elle était atteinte d'un cancer du sein. Difficile de garder le sourire, lorsqu'une telle nouvelle vous est annoncée. Mais Fabienne est une battante, elle l'est depuis toujours. Elle sait qu'il n'est rien de tel que le découragement pour permettre à cet insidieux ennemi de progresser, d'accomplir son funeste dessein. Elle ne baissera pas les bras. Jamais. Un an plus tard, elle apprend qu'elle est en rémission. L'espoir ne l'a jamais quittée, désormais, cette artiste va le partager, le transmettre... "Ce matin-là", c'est l'histoire d'un choc. C'est surtout l'histoire d'une renaissance. Un regard différent, plus intense sur la vie, sur sa valeur, ses merveilles. "Ce matin-là" est devenue un hymne, hymne à l'envie, hymne à "la rage de vivre". Une formidable aventure humaine... Merci infiniment, chère Faby, d'avoir accepté de répondre à mes questions. Votre parcours, votre combat, votre enthousiasme forcent le respect et l'admiration. Sur bien des points, notre interview me rappelle celle que nous avions eue avec une femme que vous admirez, Madame Stéphanie Fugain. Votre combat est le même : "celui de la vie"... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

FABY

Auteure-interprète "engagée"

 

"L'envie, la rage de vivre"

 

Faby

(Photos fournies par Faby)

 

 

Q : 10/03/13

R : 11/03/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Faby. Que diriez-vous, avant d'aller plus loin, de nous parler un peu de votre vie, de votre parcours... ?

 

Faby : Je suis auteur-interprète depuis une quinzaine d’années, et chanteuse depuis un peu plus longtemps. J’ai un parcours dans l’enfance particulier, puisque ma mère m’a abandonnée à quelques mois. Vers l’âge de 4 ans, j’ai été adoptée par une famille mélomane, et l’amour de la musique ne m’a plus jamais quittée. Depuis toujours, j’aime la scène et le public, celui que j’ai rencontré dans les pianos-bars ou sur des scènes de France. J’aime et j’espère chacun de nos rendez-vous.

 

 

PdA : Le clip de votre chanson "Ce matin-là" a rencontré - et ce n'est pas fini ! - un succès considérable sur le web. Plus de 600 000 vues pour le simple cumul Dailymotion + YouTube... L'histoire de ce titre et de son clip est très particulière... Vous nous la racontez ?

 

F. : Ce succès, c’est l’histoire, encore une fois, d’une rencontre avec le public et les internautes. Il y a 4 ans, il y a eu la découverte d’une épreuve :  j’ai appris que je souffrais d’un cancer du sein. Quelques mois après, mon médecin m’a annoncé, un petit matin d’octobre, que j’étais en rémission. Je suis rentrée chez moi, et j’ai écrit cette chanson, « Ce matin-là », que j’ai partagée très vite via les réseaux sociaux. Et la magie du net a fait le reste. Les internautes l’ont partagée, de plus en plus…

 

Je recevais des témoignages touchants de personnes qui me disaient « Cette chanson, c’est mon histoire ». Alors, j’ai décidé de leur donner la parole. Je me suis inscrite sur un site participatif qui permet aux artistes de réaliser un projet. Mon projet, c’était un clip participatif, produit et réalisé par et avec les internautes. En quelques semaines, la somme fut réunie et nous avons pu réaliser un clip dans lequel, des hommes, des femmes et des enfants sont venus de France et d’ailleurs pour chanter « Ce matin-là, je me souviens... » Un cri du cœur, un chant en chœur pour dire « Nous sommes tous ensemble mobilisés pour la lutte contre le cancer et lever le tabou de la maladie ».

 

 

PdA : "Ce matin-là", nous l'évoquions à l'instant, c'est une chanson que vous avez voulu écrire pour coucher sur papier et partager votre ressenti de femme se découvrant atteinte d'un cancer du sein. Quels sont, parmi les retours que vous en avez eus, ceux qui vous ont le plus touchée ?

 

F. : C’est une chanson que j’ai voulu écrire pour témoigner pour tous ceux qui ne le peuvent pas… Pour tous ceux qui cachent la maladie parce que le cancer est encore trop souvent la maladie de la honte. Plus nous en parlerons, plus les tabous seront levés. Je crois que c’est le rôle d’un artiste de mettre à la lumière les épreuves de la vie, et surtout le ressenti de chacun d’entre nous.

 

 

PdA : Une autre question, évidemment essentielle... Comment allez-vous, aujourd'hui ?

 

F. : Je vais bien aujourd’hui. Je vais bientôt fêter les 5 ans de rémission. Mais le chemin est long encore, parce qu’être en rémission ne veut pas dire « guérie ». Alors, ma vie est rythmée par des contrôles médicaux et la peur de la récidive. Vivre avec cette épée de Damoclès est un parcours de vie difficile pour beaucoup d’entre nous, et c’est important d’en parler aussi.

 

 

PdA : "Ce matin-là" décrit très bien l'abattement des premiers jours, lorsque la terre se met "à trembler", l'enfance "à défiler". Mais c'est aussi une merveilleuse chanson d'espoir, à l'image du combat que vous menez contre le cancer. Parmi les images que l'on y retrouve, la "rage de vivre" perçue sur le "visage d'un enfant". Le "regard de cette petite fille", votre "chance", votre "renaissance"... Et cette envie d'être à demain, jamais "oubliée"... La chanson est superbe, le message est lumineux, solaire... Mais j'aimerais vous demander d'aller un peu plus loin aujourd'hui... Il y a peut-être, parmi les lecteurs de nos lignes, une personne - ou quelqu'un qui l'aime - qui est en proie à la peur, au désespoir... du fait d'une mauvaise "sentence", d'un corps venant de la "trahir". Qu'avez-vous envie de lui dire ?

 

F. : En effet, c’est un témoignage sur l’annonce de la maladie, mais aussi une chanson d’espoir. Je crois à la force du témoignage pour mobiliser, parce que raconter, c’est mobiliser, raconter, c’est dire que ça n’arrive pas qu’aux autres. Les autres, c’est nous, ou ceux que nous aimons… alors battons-nous ensemble.

 

Je reçois tous les jours des témoignages, et chacun d’entre eux me touche profondément. Chaque histoire est différente et chaque combat est tellement personnel, qu’il est difficile de dire…

 

Je crois qu’on ne peut qu’être là chaque jour, et chaque fois que l’autre a besoin. Accompagner, c’est important, et c’est aussi un chemin difficile. Mais être là, c’est déjà le début du chemin vers l’autre, et c’est accompagner à la guérison, j’en suis certaine. Il y a un mot que nous les malades, nous detestons, c’est le mot COURAGE ! Il est pourtant dans le langage courant lorsque l’on rencontre des épreuves de la vie. Nous n’avons pas de courage et surtout, nous ne voulons pas qu’on nous en souhaite… Nous avons juste l’envie de vivre et la rage de vivre, et nous nous y accrochons très fort.

 

 

Au fil de nos vies

 

 

PdA : Nous avons beaucoup parlé de "Ce matin-là", car c'est évidemment votre chanson la plus emblématique. Elle est devenue une sorte d'étendard pour les malades, pas uniquement malades du cancer, d'ailleurs. Mais il ne faudrait pas oublier pour autant que vous avez écrit bien d'autres chansons. "Ce matin-là" est l'un des titres de votre troisième album, "Au fil de nos vies". Vos chansons sont souvent engagées. "Au nom de celles" est résolument féministe. "Lisa" aborde le thème de l'homoparentalité, "L'Européen" celui de l'immigration. Qu'est-ce qui, dans notre société, dans notre monde, vous révolte, vous donne l'envie de vous engager, d'agir ?

 

F. : Ce qui me révole dans notre société, ce sont les injustices et les discriminations, quelles qu’elles soient. C’est tellement humain d’être envieux, de juger ou de critiquer les autres… Pourtant, les autres, c’est nous... C’est ce que j’essaie de me dire quand je sens que je me positionne, parfois, dans le jugement.

 

 

PdA : D'où vous vient votre amour de la musique, de l'écriture ? Quelles sont, parmi vos chansons, celles pour lesquelles vous avez une tendresse toute particulière, et que vous aimeriez inciter nos lecteurs à découvrir ?

 

F. : L’amour de la musique, c’est ce qui a accompagné mon enfance et a guidé mes pas vers l’âge adulte. J’ai eu une enfance particulière, et je me réfugiais dans la pratique des instruments (piano, violoncelle, guitare). Je m’imaginais concertiste…

 

Depuis toujours, je rêve de la scène et ce rêve m’a portée et me portera encore longtemps. Les artistes que j’aime sont Véronique Sanson, Michel Berger, Alain Bashung, Gainsbourg, et tellement d’autres... Je n’ai pas de chanson préférée, chaque chanson à son histoire et nous raconte souvent la nôtre. C’est ce que j’aime faire en écrivant des chansons, raconter notre histoire.

 

 

PdA : À qui souhaiteriez-vous dédier la très belle "J'entends" ?

 

F. : La chanson « J’entends », qui figurera sur le prochain album, est dédiée tout particulièrement à une amie, combattante elle aussi, qui a lutté longtemps contre le cancer du sein et qui s’est envolée… trop vite. C’était une combattante et une militante, une femme tout simplement, comme j’en rencontre souvent. À travers elle, il y a le combat qui continue, sa colère aussi contre l’injustice de cette maladie. Et ses mots, qui me guident encore…

 

 

PdA : Est-il difficile pour une artiste partie de rien telle que vous de réellement exister médiatiquement ?

 

F. : C’est extrêmement difficile pour une artiste venue de nulle part d’exister. Dans ce métier, il n’y a que deux façons d’y arriver : avoir de l’argent ou des relations. Je n’ai ni l’un, ni l’autre, mais j’ai la foi, la rage de vaincre, et surtout le public, qui est de plus en plus nombreux à me soutenir.

 

 

PdA : Financièrement, vous réussissez à faire vivre votre art, à en vivre ?

 

F. : Financièrement, je ne vis pas du tout de mon art, et il me coûte même plutôt cher. C’est un pari sur la vie, sur l’avenir, mais je crois fermement que si je suis encore là aujourd’hui, c’est que j’ai quelque chose à y faire… Alors… je crois à mon rêve... et le public aussi, de plus en plus fort.

 

 

PdA : Le 4 avril prochain aura lieu au Théâtre de la Reine blanche (Paris) un grand concert solidaire au profit notamment de la lutte contre le cancer. "Faby et ses amis" est organisé par les associations "2 Mains Rouges" et "Au nom de celles", dont vous êtes la marraine. Voulez-vous nous présenter ce spectacle ? Pourquoi l’évènement sera-t-il à ne manquer sous aucun prétexte ?

 

F. : Ce spectacle est organisé par les associations Au nom de celles et 2 Mains Rouges. Il a pour but de récolter des fonds pour la lutte contre le cancer, et surtout de permettre à des personnes qui ont rencontré l’épreuve du cancer de pouvoir bénéficier des places que nous offrons via nos partenaires (Rose Magazine et Mademoiselle).

 

C’est un spectacle dans lequel des humoristes et des chanteurs seront nombreux pour faire la fête avec nous. Nous allons chanter et rire, et surtout partager avec le public des instants qui, je le crois, seront magiques, parce que tous les artistes sont bénévoles et donc très mobilisés.

 

 

Faby et ses amis

 

 

PdA : Quels sont vos projets ?

 

F. : Mes projets sont l’écriture d’un quatrième album qui, je l’espère, sortira en octobre 2013. Je souhaite être sur scène et à la rencontre du public de plus en plus souvent.

 

 

PdA : Vos rêves ?

 

F. : Mes rêves sont les mêmes depuis toujours. Chanter. Et partager...

 

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, chère Faby ?

 

F. : J’espère que mon souhait de rencontrer un producteur se réalisera un jour, parce qu’être un artiste indépendant n’est pas viable sur le long terme. J’espère aussi que je pourrai soutenir et me mobiliser encore longtemps dans la lutte contre le cancer, pour que le mot « guérison » existe.

 

 

PdA : Faby par elle-même, en trois mots... ?

 

F. : Authentique. Espérance. Femme...

 

 

PdA : Aimeriez-vous adresser un message à nos lecteurs ?

 

F. : Je suis très heureuse d’aller à votre rencontre via Paroles d’Actu, et j’espère que ce n’est que le début d’une belle histoire… :)

 

 

PdA : Un autre, pour quelqu'un en particulier ?

 

F. : Merci à tous ceux qui me soutiennent. Je ne vous connais pas tous, mais chacun d’entre vous est important pour moi.

 

 

PdA : Un mot pour conclure ? Une tribune totalement libre... Merci infiniment... et bravo pour ce que vous faites !

 

F. : Merci à la vie de m’offrir toutes ces rencontres, ces pépites de l’existence qui font que la vie vaut de l’or.

 

Merci à vous... et le combat continue !

 

 

 

Faby nouvelle

 

 

 

Merci Faby... Pour votre talent, pour votre enthousiasme, pour votre joie de vivre... Tous mes voeux de succès, de bonne santé, surtout... de bonheur... Et vous, que vous inspirent la musique, le combat de Faby... ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Merci. Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

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Vous pouvez retrouver Faby...

 

En concert... le 4 avril, sur la scène du Théâtre de la Reine blanche, à Paris. "Faby et ses amis". Avec Grégoire Collard, Grégory Bakian, Rayan Djellal, Karine Lima, Chris V, Claudio Lemmi, David Bacci, Djamboy, Eric Blanc, Gaëlle Buswel...

 

Sur ses comptes Dailymotion et YouTube  ;

 

Sur son site web (dont quelques chansons et l'achat du CD dédicacé) ;

 

Sur les sites Amazon et Fnac ;

 

Sur Facebook ;

 

Sur Twitter.

 

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