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Paroles d'Actu
21 janvier 2017

Bruno Birolli : « Ce roman évoque d'abord la permanence des défis qui se posent à un être humain... »

Il y a un an, le grand reporter Bruno Birolli, qui fut pendant vingt-trois ans correspondant Asie du Nouvel Obs., répondait à mes questions pour un long entretien autour de deux de ses ouvrages sur l’histoire du Japon, Ishiwara, l’homme qui déclencha la guerre (Armand Colin-Arte Éditions, 2012) et Port-Arthur (Economica, 2015). J’ai le plaisir de l’accueillir à nouveau dans les colonnes de ce blog, en tant cette fois qu’auteur de roman : Le music-hall des espions, sa première oeuvre de fiction (éd. TohuBohu, 2017) est le premier d’une série de livres à venir, intitulée La suite de Shanghai. On est plongé dans le Shanghai (mais pas que !) des concessions internationales, celui des guerres intestines et des espions, à l’aube de la déflagration mondiale dont les premiers feux s’allumèrent dans l’Asie des années 30. Un récit riche, captivant et touchant, aux personnages attachants... On attend la suite. Moi, je vous le recommande, et celui là je le relirai ! Merci Bruno Birolli... Bonne lecture, agrémentée ici de quelques images et sons d’époque qu’il a sélectionnés à ma demande (partie 2) ! Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche...

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Bruno Birolli: « Ce roman évoque

d’abord la permanence des défis

qui se posent à un être humain... »

LA SUITE DE SHANGHAI - LE MUSIC-HALL DES ESPIONS

Le music-hall des espions

Le music-hall des espions, éd. TohuBohu, 2017.

 

Partie I: l’interview

Qu’est-ce que ça implique, d’écrire de la fiction  quand on est journaliste ? Cette envie (fantasme ?), vous l’aviez depuis longtemps ?

J’ai toujours eu envie d’écrire de la fiction. Le journalisme a été pour moi le moyen de voir le monde, d’accumuler des expériences et ensuite de les utiliser. C’est un programme que j’ai établi vers l’âge de 25 ans. J’avais essayé d’écrire un roman et, au bout d’une centaine de pages, j’ai compris que je n’avais rien à raconter et me suis dit : « Vivons d’abord ! »

Racontez-nous la genèse (l’idée, son mûrissement) et les premiers pas (construction, écriture, édition...) de cet ouvrage ?

En 2004 ou 2005, j’ai lu le papier d’un universitaire américain sur l’affaire Gu Shunzhang, un agent secret du Parti communiste chinois, dont la couverture était magicien de music-hall et dont le Parti communiste chinois avait ordonné l’exécution de tous les proches parce qu’il était accusé d’avoir trahi. L’histoire m’a frappé, notamment à cause de ce métier de magicien qui suggère une part d’illusions : où est le vrai du faux ?… Ça collait très bien avec Shanghai, cette ville divisée en trois municipalités et où, quand on traversait une rue, on entrait dans un monde où la police, les lois… étaient différentes. En plus il y avait l’extraterritorialité qui faisait que les ressortissants de certains pays - 14 en tout je crois - étaient jugés par des tribunaux indépendants selon les lois de leur pays d’origine. À quoi s’ajoutent de multiples communautés séparées par la langue, les moeurs… Comment discerner le bien du mal dans un tel dédale ? Shanghai devient alors une représentation de la vie où on est obligé de prendre à l’aveuglette des décisions, sans savoir vraiment si on a raison ou tort, et quelles en seront les conséquences. Dans le cas de ce roman, les décisions se révèlent catastrophiques, évidemment.

« Les personnages de mon roman doivent se définir

dans le vide moral du monde du renseignement »

Il faut préciser aussi que l’espionnage, et le contre-espionnage dans une certaine mesure, ne connaissent pas le bien et le mal, ils ne sont régis que par des intérets politiques. Un roman policier tourne toujours autour de l’idée de justice, pas une histoire d’espion. Les personnages de ce roman doivent se définir dans ce vide moral qu’est le renseignement. Chacun a sa recette. N’est-ce pas encore une fois un peu ce qui se passe dans la vie réelle, où on est tiraillé entre ses intérêts et ses sentiments ?

Mais le drame du magicien, injustement accusé, n’aurait pas suffit. Il fallait un « subplot », et j’ai eu la chance - si on peut dire - d’être plaqué extrêmement brutalement par une femme. C’est elle qui m’a inspiré le personnage de Natalia et m’a permis d’aborder le thème de la perte de l’être aimé, cette  « brûlure » dont parle George Steiner…

Je suis parti en août 2012 de quatre scènes : la découverte des cadavres - rapportée en détail dans la presse de l’époque -, l’arrestation du magicien à Hankou alors qu’il projetait d’assassiner Chiang Kai-shek, une embuscade sur une route de digue - à la fois un clin d’œil à Un américain bien tranquille de Graham Greene et pour soulager la hantise que j’ai toujours éprouvée dans une voiture qui roule sur ce genre de route -, et un enterrement - le sentiment de la perte irrémédiable.

Quel est votre rapport aux œuvres de fiction de manière générale ? Vos références dans l’absolu, et pour la composition de votre roman en particulier ?

Je ne lis pas beaucoup de romans, j’ai quelques auteurs fétiches mais c’est plus le cinéma qui m’inspire.

Comment vous y êtes-vous pris pour l’aspect « documentation », pour restituer au plus fidèle et au mieux les lieux et l’époque ?

J’ai lu tout ce qui avait été publié à l’époque à Shanghai. Il y avait une presse anglophone très active, et même un quotidien en français… Plus des mémoires - notamment de policiers -, des guides de voyages, des films d’actualités, des photos, les cartes… La publicité dans la presse est une source étonnamment riche d’informations sur une ville et ses habitants pour qui s’y intéresse.

Je suis allé aussi sur place. Mon premier voyage à Shanghai remonte à 1992. La rue où vit Petit Woo existait il y a deux ans, la bijouterie où a lieu l’arrestation aussi… J’ai quelques regrets : le Venus Café a été rasé, entre autres.

« La réalité a plus d’imagination

que les meilleurs romanciers »

Certains chapitres reproduisent ce qui a été longuement raconté par la presse. L’attentat dans la gare du Nord a été décrit en détail par les journaux, le récit de l’attaque japonaise vient lui aussi de reportages, etc. La réalité a plus d’imagination que les meilleurs romanciers. Pourquoi se priver de ce qu’elle offre ? Il ne restait plus qu’à puiser dans ce matériel et à faire travailler mon imagination en complément.

Les personnages principaux de votre roman sont richement dépeints ; souvent ils ont quelque chose de touchant. On ne s’attache pas forcément à tous (Frell, Swindon...), mais peu d’entre eux laissent indifférents : je citerais Fiorini et Desfossés bien sûr, l’émouvante  Natalia et Yiyi côté féminin, le magicien et le colonel... Parlez-nous un peu d’eux ? Quelle est, pour ce qui les concerne, la part d’invention pure, et la part d’emprunt à des personnes existantes, rencontrées par vous ?

Je trouve votre jugement sévère sur Swindon. C’est le seul véritable espion de la bande. Pourquoi aide-t-il Fiorini et le magicien à la fin ? Je ne sais pas mais j’aime croire qu’il a un mouvement de sympathie qui triomphe de son cynisme.

Desfossés, c’est le lecteur. Imaginez-vous balancé d’un coup au milieu de ces hommes qui ont fait et font la guerre alors que vous n’avez jamais combattu, et dans une ville et un pays dont vous ignorez tout ! Desfossés ne comprend pas tout ce qui se passe autour de lui - et les autres personnages ne maîtrisent pas davantage les évènements. Je me méfie beaucoup des gens qui disent « connaître très bien l’Asie ». C’est aussi absurde que de dire qu’on sait ce que sera l’avenir en France. Je peux dire sans grand risque qu’en mai 2017, si Fillon, Le Pen, ou Macron est élu(e), la situation en France sera radicalement différente, au moins politiquement. Qui oserait assurer qu’il sait celui de ces trois candidats qui sera élu, et ce qui se passera ensuite ?

J’ai passé presque trente ans en Asie ; avec le temps, on décrypte certains mécanismes, on peut anticiper certaines réactions, sentir certains problèmes mais il y a toujours un flou, une sorte de brouillard, que je trouve d’ailleurs très agréable. Et ce livre baigne dans ce flou - du moins c’est une de mes intentions.

« Il n’y a plus beaucoup d’hommes de l’envergure 

de Fiorini, de nos jours... »

Fiorini est un modèle moral d’homme qui prend ses responsabilités et va au bout de lui-même. À mon avis, il n’y a plus beaucoup de types de cette envergure à notre époque. C’est une chance par certains aspects, nos problèmes quotidiens sont des plaisanteries comparés à ceux auxquels ont fait face les gens pendant l’entre-deux-Guerres. Pointer à Pôle-Emploi n’a rien d’agréable certes, mais c’est incomparablement moins dramatique que la guerre dans les tranchées, ou de se définir face au fascisme.

Chu m’a été inspiré par trois personnes. Une de ces personnes est un fonctionnaire de la police chinoise avec qui, par une bizarrerie du métier de journaliste, j’ai été assez longuement en contact. Le second est un Israélien, je vous laisse deviner son métier. Enfin, j’emprunte certains traits du caractère de Chiang Kai-shek, un homme peu commode, frugal, mais habité par la certitude d’incarner la Chine.

Natalia a été facile à décrire, j’ai vécu avec une femme qui lui ressemblait beaucoup. Même chose pour Yiyi...

Si vous deviez, l’espace d’un instant, mettre un « focus » sur un de ces personnages ?

Evidemment, c’est Fiorini. C’est un type intelligent, pas un intellectuel ; il n’a probablement pas beaucoup lu mais c’est un homme d’un bloc qui essaye d’être en accord avec lui-même - ce qui n’est pas facile. Il incarne une valeur un peu trop négligée de nos jours : la seule réponse à l’imbécillité humaine est la solidarité. Et c’est ce qui le distingue et le fait agir. Il m’a été inspiré par certains combattants de 1914 qui n’ont jamais haï l’ennemi, le traitant en camarade parce qu’ils partageaient les mêmes souffrances et avaient plus d’affinités avec le type d’en face qu’avec les planqués de l’arrière. Fiorini est ce genre d’homme.

Qu’est-ce qu’il y a de « vous » dans ces personnages ? Est-ce que certains des traits des uns et des autres sont les vôtres ?

« Desfossés, c’est moi à trente ans ! »

Desfossés, c’est moi à trente ans ; en arrivant en Asie, j’avais sa désinvolture, son goût des boîtes de nuit… Et je ne comprenais pas grand-chose à cet environnement étranger à tout ce que je connaissais. C’est assez amusant d’avoir un personnage qui vous incarne : on peut le maltraiter, lui faire commettre des maladresses… et Desfossés en commet pas mal. Je me garde bien de me prendre pour Fiorini.

Si vous pouviez intervenir à un endroit, un seul, de votre histoire, sur quoi auriez-vous agi ? Qu’est-ce que vous auriez essayé de « changer » dans le déroulé de ces évènements ?

On ne peut plus rien changer. J’ai réfléchi pas mal à cette question, mais la façon dont le livre est construit, on ne peut rien changer, sinon il s’effondrerait. Pour parler franchement, le premier tiers m’a posé beaucoup de problèmes, la traque du magicien est trop réaliste, trop rigide et trop proche d’une véritable enquête de police basée sur des interrogatoires. C’est difficile à rendre vivant, car les interrogatoires ne laissent pas vraiment voir la psychologie des personnages, ce sont des énumérations de faits. L’autre difficulté a été de faire de Shanghai à la fois un personnage à part entière et le miroir dans lequel se reflètent ces personnages pris dans un piège sans issue.

Ce récit, c’est aussi, dans un monde de flics, de diplomates et d’agents secrets, un patchwork de sentiments et comportements humains très contrastés : ici un cynisme froid et sans pitié sous couvert de réalisme ; là une lueur d’humanité, quelques moments de bravoure généreuse. Est-ce que, dans votre parcours de journaliste notamment, vous avez rencontré dans ces milieux cet éventail de profils ?

Quand on est correspondant à l’étranger, comme les communautés étrangères en Asie ne sont pas tellement nombreuses, on fréquente des gens qu’on ne rencontrerait pas dans son pays d’origine et on finit par nouer des sympathies inattendues du type de celles qui unissent Fiorini, Desfossés, Chu, Swindon, le magicien… Et, à défaut de connaître les secrets professionnels de ces gens, qu’ils se gardent bien de confier, on arrive à percevoir leurs personnalités au fil du temps.

Le Shanghai que vous nous racontez n’a pas grand chose d’exotique, c’est celui des concessions occidentales, d’une « modernisation » un peu crasseuse et à marche forcée, avec en fond des luttes féroces entre factions rivales et d’inquiétants  bruits de bottes (japonaises). Qu’est-ce qu’elle vous inspire, cette époque, en tant que journaliste féru d’histoire ?

J’ai répondu un peu plus haut en partie, à savoir pourquoi Shanghai sert de cadre à ce roman. Je dois ajouter que Shanghai était dans les années 1920 et jusqu’à 1937 (année de l’invasion japonaise) une ville extrêmement moderne, la troisième place financière du monde, une sorte de laboratoire de la modernité avec tout ce qu’elle comporte de progrès technique, d’ouverture sur le monde, de révolution intellectuelle et artistique et de violence sociale. Le Parti communiste chinois en a fait une sorte de bordel gigantesque, ce n’était pas le cas. En vérité, jusqu’en 1937, la ville ne cesse de se développer très vite et était plutôt en ordre.

« C’est dans la concession de Shanghai

qu’on trouve le plus de policiers par habitant

de tout l’empire français » 

Cependant, c’était une ville hautement militarisée. En 1927 par exemple, 27 000 soldats étrangers étaient casernés dans les deux concessions. Et on m’a dit que la Concession française avait le ratio le plus élevé de policiers par nombre d’habitants de tout l’empire français. Et ce, parce que la ville était le théâtre d’enlèvements, de meurtres, d’attaque à main armée presque tous les jours. On a donc beaucoup de cinémas, du jazz à foison, une liberté de la presse inconnue ailleurs, des universités performantes, et aussi des policiers, des gangsters, des mendiants, des agents secrets…

Est-ce que l’époque dont on parle, celle où la Chine était à peine indépendante, et en tout cas sous influence étrangère, a joué pour beaucoup dans l’activisme nationaliste qu’on lui connaît aujourd’hui - et est-ce qu’on n’a pas tendance à négliger grossièrement cet aspect de sa psychologie ?

Oui, en fait Chiang Kai-shek était un nationaliste fervent. Et beaucoup de thèmes de propagande repris par le Parti communiste après 1949 viennent de Chiang Kai-shek. Par exemple, dire que l’attentat de Moukden commis en 1931 par les Japonais en Mandchourie marque une « journée d’humiliation nationale » est un slogan immédiatement propagé par le Kuomintang - le parti de Chiang Kai-shek. Les mouvements de boycott et de résistance à l’agression japonaise qui servent d’arrière-plan à l’intrigue sont initiés par Chiang Kai-shek. Il y a continuité d’une certaine façon sur ce point entre le régime nationaliste et le régime communiste.

Une question d’actu liée, alors que Donald Trump prend ses fonctions de président des États-Unis : le nouveau locataire de la Maison blanche semble menacer de remettre en cause la position de reconnaissance d’une « Chine unique » (c’est l’affaire taïwanaise). Qu’est-ce que ça vous inspire ?

Ça m’inspire que Donald Trump ne sait pas de quoi il parle. Je reviens de Taiwan, et le gouvernement taiwanais évite de verser de l’huile sur le feu. En fait tout le monde a intérêt que le statu quo qui prévaut depuis près de quarante ans continue. Les Américains, en premier, qui n’ont aucune envie de voir tester leur soutien militaire à Taiwan.  
  
L’évolution prévisible des relations entre la Chine et le Japon vous inquiète-t-elle, à court et moyen terme ?

« La montée des réflexes nationalistes, en Chine 

comme au Japon, est des plus inquiétantes »

C’est sans doute le facteur le plus déstabilisant en Asie. Objectivement personne n’a intérêt à un conflit et le statu quo est préférable, même s’il ne règle rien et ne fait que repousser la solution de problèmes qui traînent depuis des années. Mais il y a le facteur émotionnel. Le gouvernement chinois n’a plus grand chose à offrir pour unir l’opinion derrière lui sauf une dérive nationaliste. Et le gouvernement japonais actuel fait de même. Or, le nationalisme quand il dégénère en hystérie de masse devient incontrôlable et entraîne le pire.

On en revient à votre roman, à cette expérience nouvelle : que vous a-t-elle appris ? Est-ce qu’il y a, après coup, des choses que vous feriez différemment ? Qu’est-ce qui vous rend satisfait, fier ?

Il y a certains points qui ne me satisfont pas entièrement - notamment le premier tiers comme je l’ai mentionné. Disons que c’est un point de départ, j’ai pas mal appris. Cette expérience devrait m’assurer de ne pas répéter les mêmes erreurs, mais je peux en commettre de nouvelles.

Est-ce que vous diriez que la fiction, quand elle s’inscrit dans sa trame dans des faits historiques et qu’elle est bien faite, est le meilleur des moyens d’appréhender, et d’intégrer des événements d’histoire ?

Peut-être mais ce roman pose surtout des problèmes humains. Ce n’est pas le passé qui a la priorité mais la permanence des défis qui se posent à un être humain, même si la ville et l’époque ont été recrées le plus fidèlement possible.

La suite de Shanghai, en BD, voire en série ou films, moi je pense que ce serait bien... et vous, vous y avez pensé ?

« Je crois que ce livre est facilement adaptable 

en images ; c’est mon intention première... »

J’ai pensé plus ce premier livre en référence au cinéma, à la BD ou au jeu vidéo qu’à la littérature. Je crois qu’il est facilement adaptable en images, c’était mon intention première.

Un scoop, sur la suite des évènements ?

D’abord écrire les prochains romans de La suite de Shanghai. Le deuxième volume, déjà bien avancé, et qui devrait paraître en janvier 2018, se déroulera en partie dans les studios de cinéma de Shanghai, avec encore une fois, des éléments véridiques et des personnages ayant réellement existé. J’ai une piste pour le troisième volume mais elle reste à affiner.

Parlez-nous de vos autres projets ?

Recréer Shanghai m’a donné le goût des paysages urbains. Je suis en train de travailler sur un projet de livre très graphique concernant une ville asiatique qui associera photos, textes, dessins… L’idée est de construire un livre purement subjectif, une vision fragmentée comme celle d’un passant dans une rue et cette fragmentation constitue une continuité, continuité entre la mémoire, le passé, le présent, l’avenir… Ce n’est pas facile à expliquer mais cette idée, qui me tient à cœur, sera, si elle se réalise, une bouffée d’air frais pendant l’écriture du second volume, puisque ce sera un travail collectif et non solitaire comme la rédaction d’un roman.

Que peut-on vous souhaiter ?

D’être en bonne santé pendant les vingt années à venir pour mener à bien tous mes projets.

Un message pour quelqu’un, n’importe qui ?

« Les retours des lecteurs me seront précieux 

pour appréhender la suite... »

Je suis curieux de connaître la vision des lecteurs. Quand on lit un livre, on fait le même travail d’adaptation qu’un cinéaste qui adapte un roman à l’écran. Je suis curieux de savoir quels points intéressent, comment l’histoire est interprétée, etc. Par pure curiosité et aussi par intérêt : écouter les lecteurs permet de recadrer le récit du prochain livre.

Un dernier mot ?

Enjoy ! bien sûr, parce que lire, c’est d’abord un plaisir.

 

Bruno Birolli 2017

 

 

Partie II: Images et sons choisis, par Bruno Birolli

Pour accompagner le livre et se plonger dans l’ambiance noir-jazzy

du Shanghai des concessions, fin des années 1920-années ’30...

Yiyi 1930s-shanghai-ballroom

« Thé dansant à Shanghai »

 

Policiers

« Policiers chinois, indiens et européens de la police

du Settlement (Concession internationale) »

 

Coolies Fokien rd _ Marché de rue No-1

« Marché de Fookien Road (Concession internationale) »

 

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« Vue aérienne du Bund »

 

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« Nanking Road »

 

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« Vue du Hangpu (Whangpoo, la rivière qui baigne le Bund) »

 

 

 

 

 

 

 

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6 décembre 2016

François Durpaire : « Si Fillon n'élargit pas son électorat, Marine Le Pen a ses chances... »

Un an après la sortie de La Présidente, BD d’anticipation politique qui imaginait les premiers pas d’une Marine Le Pen propulsée à la présidence de la République par les électeurs de 2017, le tome 2 de cette aventure (éd. Les Arènes BD - Demopolis), toujours orchestré par le duo François Durpaire (textes) et Farid Boudjellal (dessins), s’attache à mettre en scène la présidente sortante à l’aube de la campagne pour sa réélection. Sous-titre de ce deuxième opus (en attendant le 3, attendu pour avril) : « Totalitaire ». Les passionnés de politique, comme ceux qui s’y intéressent d’un peu plus loin, suivront avec curiosité, avec angoisse parfois, ce récit joliment illustré.

Le parti pris est clair et les postulats retenus peuvent être contestés, mais l’ouvrage est à lire, en ce qu’il nous interroge, au-delà du simple cas du FN, sur pas mal de questions qui ne manqueront pas de se poser à l’avenir (la postérité de lois restrictives de libertés, notre dépendance aux nouvelles technologies et aux grandes compagnies qui les portent, les utilisations qui pourraient être faites des unes et des autres par un régime autoritaire, etc.) À découvrir, donc. Je remercie François Durpaire, qui a accepté de répondre à mes questions. Avec, comme dans le livre, quelques pointes d’optimisme. Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Si François Fillon ne parvient pas

à élargir son électorat aux classes populaires,

Marine Le Pen a ses chances pour 2017... »

Interview de François Durpaire

Q. : 03.12 ; R. : 06.12

La Présidente Tome 2

La Présidente, tome 2 : « Totalitaire », aux éd. Les Arènes BD - Demopolis.

 

Bonjour François Durpaire. Le deuxième tome de votre BD La Présidente, sous-titré « Totalitaire » (éditions Les Arènes)met en scène Marine Le Pen en situation de réélection et se veut une fiction citoyenne, engagée, pour alerter les consciences. Quels ont été vos premiers retours, quel impact en espérez-vous, et ne craignez-vous pas que l’initiative puisse desservir votre cause en apportant du grain à moudre à ceux qui veulent voir un  « système politico-médiatico-culturel » vent debout contre leur championne et leurs idées (y compris ceux qui hésitent) ?

Oui, l’objectif de ce que nous appelons une « science-fiction civique » est de prendre de la distance, d’échapper à l’imposition du flux d’informations immédiates qui empêche le recul de la réflexion. Se poser les bonnes questions - notamment sur la montée du nationalisme et ses raisons, sur le basculement possible vers une société de la surveillance - nous paraît nécessaire. Nous ne nous sentons pas plus appartenir au « système » que Marine Le Pen. Nous pouvons comparer avec elle notre temps de parole à la télévision, notre train de vie, notre accès aux lieux de pouvoir, et nous jugerons qui de elle ou de nous fait partie des élites et de ce qu’elle appelle le « système ».

Jusqu’à quel point croyez-vous ces scénarios que vous avez échafaudés plausibles ? Les derniers événements en date (poussée plus forte que prévu de Trump dans les régions périphériques, défaite de Nicolas Sarkozy et d’Alain Juppé aux primaires de la droite au profit de François Fillon, renonciation de François Hollande, scrutins en Autriche et en Italie...) vous paraissent-ils de nature à les rendre moins improbables encore ? À l’instant de votre réponse, à quel pourcentage estimeriez-vous la probabilité d’une élection de Marine Le Pen à la présidence de la République au printemps prochain ?

Je pense que la question actuelle est celle de la capacité pour le programme de François Fillon de susciter un rassemblement, notamment entre les deux tours. Comment un bloc républicain populaire pourrait se constituer derrière un programme aussi radicalement libéral ? Le pourcentage de chances pour Marine Le Pen d’arriver à l’Elysée en mai ne dépend pas de notre boule de cristal, mais de la capacité de François Fillon à élargir son électorat, notamment aux classes populaires.

Dans votre histoire, Marine Le Pen, qui n’est pas dans son camp parmi les plus radicaux, essaie de contenir l’influence de son aile droite (qui d’après les mots que vous lui prêtez la précipiterait, avec sa politique, « dans le mur »), avant d’être dépassée par une ambitieuse et revancharde Marion Maréchal-Le Pen après sa réélection. Est-ce que pour vous, clairement, il y a deux FN, ou bien tout n’est-il pas finalement affaire de stratégies, de degré plutôt que de nature ?

Il y a une différence de stratégie profonde, et une différence idéologique sur le plan économique. Étatisme du côté de Philippot, libéralisme du côté de Marion Maréchal. Mais l’on se retrouve sur la question migratoire et sur la question identitaire. Le refus d’une société française qui s’éloignerait de ses fondamentaux chrétiens blancs.

Votre récit nous présente un régime FN qui n’a finalement qu’à appliquer, pour faire avancer ses desseins, les lois votées par des majorités antérieures à lui, modérées, et notamment l’actuelle de gauche. Est-ce à dire que dans la lutte contre le terrorisme, on met un peu trop rapidement entre parenthèses des libertés au profit de réflexes sécuritaires dans la France de 2016 ? On est sur une pente dont l’inclinaison vous inquiète ?

Oui, car elle est presque indépendante de l’arrivée ou non de Marine Le Pen au pouvoir. C’est l’objet de notre BD : mettre dans les mains d’un chef d’État les lois sécuritaires actuelles et voir ce que cela donne concrètement en termes de remise en cause de nos libertés quotidiennes.

À la fin de la BD, la présidente Marion Maréchal-Le Pen prononce ces mots : « Il ne suffit pas de réprimer l’esprit critique, il faut éduquer le citoyen nouveau ». Un aspect de cette tentation du totalitarisme, plus puissant ici que jamais puisqu’il utilise à plein les possibilités énormes des nouvelles technologies. Est-ce que vous croyez que tout ou partie du FN a réellement cette tentation totalitaire ? Et ne diriez-vous pas qu’on travaille tous, accro que nous sommes à nos smartphones et autres appareils, au stockage et traçage accrus de nos moindres données, faits et gestes, à la réalisation finalement d’une société orwellienne à peu près consentie ?

Vous avez tout à fait raison. La question est de savoir ce que cela donnerait si un jour un régime politique avait la tentation de se servir des moyens technologiques à sa disposition. Et que se passerait-il si un jour les entreprises du numérique et les pouvoirs politiques s’entendaient sur le dos des citoyens ? C’est le totalitarisme 2.0 que nous décrivons pour essayer de conjurer cette évolution. Soyons des citoyens vigilants !

Un point concernant, mais pas seulement, la politique américaine, que vous maîtrisez fort bien : est-ce que la victoire de Donald Trump en novembre dernier, dans des États clés notamment, ça n’est pas aussi le signe d’une exaspération de larges franges de la population par rapport au discours des démocrates - remarque transposable à de nombreux partis progressistes d’Europe - qui, de moins en moins, donnent l’impression de parler au « peuple » dans son ensemble, mais de plus en plus à telle ou telle catégorie d’une population fragmentée (et plus du tout à des « classes sociales ») ?

Oui, sauf que n’oubliez pas que le système américain, avec un vote par État, doit également être prise en compte dans votre analyse. Clinton a bien eu 2 millions de voix de plus que Trump, alors qu’est-ce que le peuple, si ce n’est la majorité des citoyens ? Et la défaite du candidat d’extrême droite en Autriche montre que le peuple n’est pas nécessairement acquis aux idées des nationalistes populistes. L’histoire n’est pas faite, même s’il est temps de se réveiller.

Dernière question, mention comme un clin d’œil mérité aux beaux dessins en noir et blanc de votre complice Farid Boudjellal. Si vous deviez sélectionner des couleurs pour peindre des visions d’avenir de la France, de l’Europe et des États-Unis telles que vous les anticipez pour les cinq prochaines années, quelles seraient-elles ?

On passerait peut-être du noir et blanc à la couleur à la fin du tome 3 de la BD, qui sortira en avril. L’avenir en rose ou en bleu azur, ce serait, pour moi, celle d’une démocratie éducative. Une démocratie toute entière tournée vers l’éducation des citoyens. De l’école du désir d’apprendre à la formation tout au long de la vie. Cette démocratie éducative est seule à même de répondre au défi de notre temps : comment accompagner chacun dans cette transition de civilisation imprimée par la globalisation ?

 

François Durpaire

Crédits photo : Seb Jawo.

 

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11 juillet 2016

Violaine Sanson-Tricard : « Véronique, ma merveilleuse petite soeur, fragile et forte... »

Dans une chanson de son album Longue Distance (2004), 5ème Étage, tendre évocation de son enfance parisienne, Véronique Sanson consacre à sa sœur aînée Violaine, ces quelques lignes : « Vio vio t’es la plus belle que j’aie aiméeMes malheurs tu les prends comme des trésorsPetite soeur je n’sais vraiment plus où allerJ’ai trop peur de t’emmener dans mes dangers ». Près de quarante ans plus tôt, les deux sœurs formaient, avec François Bernheim, l’éphémère trio musical des Roche Martin. Elles ne se sont jamais vraiment quittées, loin des yeux parfois - folle Amérique ! - mais jamais bien loin du cœur. Sur l’album Plusieurs Lunes, dernier opus studio en date (2010) de Sanson en attendant le prochain, prévu pour cet automne, Violaine Sanson-Tricard a signé un titre emblématique, Qu’on Me pardonne. On la voit encore apparaître à la fin du tout récent Live des Années américaines, sur scène. Y’a pas de doute... elle fait partie de la Team... (pardonnez-moi Véronique, de l’équipe).

Je vous engage vivement à l’écouter, à le regarder, ce film des Années américaines. Sans grand doute un de ses meilleurs enregistrements publics (voix et énergie de Sanson, instru et musicos au top et setlist de rêve). Après avoir visionné l’ensemble, vous comprendrez mieux pourquoi sa place est si particulière et privilégiée dans l’univers de la chanson française - et, singulièrement, dans le panthéon perso de votre serviteur. Un long article lui a déjà été consacré ici, l’entretien avec Yann Morvan réalisé à l’occasion de la sortie du beau livre qu’il a coécrit avec Laurent Calut, Les Années américaines. Quel dommage qu’on n’ait pu la faire cette interview Véronique, ma plus grosse frustration pour ce blog... Un jour peut-être. Je suis en tout cas ravi de pouvoir vous proposer, ce soir, les fruits de cet échange avec Violaine Sanson-Tricard, tendre évocation de sa « très grande petite sœur ». Votre parole est rare, merci à vous Violaine pour ce témoignage... Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

« Véronique, ma merveilleuse petite sœur,

fragile et forte... »

Interview de Violaine Sanson-Tricard

EXCLU PdA - 02-05/07/16

Véronique et Violaine Sanson

Photo fournie par Violaine Sanson-Tricard. Par Ken Otter (tous droits réservés).

Véronique, Violaine. En 1976, quelque part à la fin du printemps...

 

Les Années américaines : votre ressenti (tournée 2015-16, Live)

La tournée fut un incroyable succès. La thématique des “Années américaines” reprenait le moment où la musique de Véronique avait pris sa pleine ampleur. Enregistré aux États-Unis avec les plus grands musiciens de la pop musique de l’époque, l’album Le Maudit proposait un son étrange et nouveau, né de l’alchimie entre une voix inattendue, des paroles presque exclusivement en français sur une couleur de production totalement américaine. Cet album fut rapidement suivi de Vancouver, puis de Hollywood, et les trois albums sont devenus des albums cultes, chacun dans son genre.

Témoin d’une époque en phase totale avec l’air du temps, cette musique a attiré un public qui d’emblée, a dépassé le cercle des fans de Véronique.

L’extrême qualité du spectacle, l’énergie inouïe qui s’en dégageait a fait le reste. Il a fallu booker une semaine, puis une autre semaine supplémentaire à l’Olympia, les Zéniths de province étaient pleins, et la tournée, qui devait se terminer mi-Juillet, a dû être prolongée de 6 mois avec un Palais des Sports plein à craquer et debout dès la première partie, et une dernière performance le 9 Janvier à l’Olympia, date de la captation du Live.

Le Live est un magnifique rendu de ce spectacle : François Goetghebeur, le réalisateur, a compris - il est peut-être le premier à l’avoir compris à ce point - que Véronique était bien sûr une merveilleuse interprète et une sacrée bête de scène, mais aussi et surtout un auteur compositeur dont le spectacle est avant tout construit autour de la musique et des musiciens qui la jouent.

Son montage porte cela avec brio et maestria, et Véronique n’est que louanges pour François, dont elle dit : “Il est un des seuls à avoir tout compris de ma musique”.

 

DVD Les Années américaines

Le DVD+2CD des Années américaines sur le site officiel de Véronique Sanson.

 

“Ses” années américaines (1973-81) comme vous les avez vécues...

Cette époque a été pour Véronique une vie erratique entre star système, mal du pays, isolement et sentiment de culpabilité après sa rupture avec Michel Berger. Sous les paillettes, beaucoup de solitude et de souffrances. Un lien qui ne s’est jamais distendu entre Véronique et sa famille (et surtout avec notre mère, avec qui elle parlait tous les jours au téléphone malgré la distance et le décalage, et, à l’époque, le coût exorbitant des communications. C’était son luxe, disait-elle).

 

Regard sur sa place, son empreinte dans le paysage musical français

L’arrivée de Véronique dans le paysage musical français a fait l’effet d’une petite bombe. À l’époque, il y avait les anglo-saxons et les petits français qui en adaptaient les tubes, ou bien se cantonnaient dans le yéyé. Peu d’artistes avaient apporté une musicalité et une singularité comparable.

 

Quelques moments choisis... (vos 3 ou 5 chansons préférées d'elle)

On M’attend Là-bas, Bernard’s Song, Ma Révérence, Étrange Comédie, Full Tilt Frog.

 

Regard sur le lien qui l’unit au public

Le lien qui unit Véronique à son public est fusionnel. Écoutez ce qu’elle dit (en substance) au tout début du Live : “Avant de monter sur scène, je suis pétrifiée, je pense que je n’aurai jamais la force de mettre un pied devant l’autre. Puis j’entre sur la scène et là, pftttt !!! Tout s’éclaire.” Sa générosité sur scène est absolue, on sent qu’elle se donne à tous et à chacun.

 

Dans la vie comme sur la scène ?

Véronique est ma merveilleuse petite soeur, fragile et forte, éclairée autant qu’écrasée par un gigantesque talent dont elle doute sans cesse.

 

Les Années américaines

Les Années américaines, livre de Laurent Calut et Yann Morvan (Grasset, 2015).

 

Travailler avec elle...

Travailler avec Véronique, c’est comme de jouer avec un bébé chat. C’est ingérable et magique.

 

Quelques scoops sur l’album à venir ?

Le single, qui sort en septembre, est un texte déchirant sur notre mère, porté par une musique qu’on n’arrive pas à se sortir de la tête. On le fait parfois écouter en salle de réunion comme ils se doit dans le métier. Je n’ai jamais levé les yeux sur l’assistance sans voir une quasi totalité d’yeux rouges, quand ce ne sont pas quelques larmes qui coulent.

Et puis comme toujours, le reste de l’album (qui sort en novembre) est un mélange incroyablement éclectique de titres qui dénoncent les abus des forts et les puissants, la bêtise des habitudes, ou parlent tout simplement d’amour avec des mots chaque fois nouveaux.

 

Édit. du 10 septembre 2016 : le clip du premier single de lalbum Dignes, Dingues, Donc...,

le nom du morceau est Et je l’appelle encore, et la promesse est tenue...

 

Véronique par Violaine, en trois mots

Ma très grande petite sœur.

 

Un message à lui adresser à l’occasion de cet article ?

Bonjour, mon Futifu.

 

Un dernier mot ?

Merci d’avoir lu tout ça jusqu’au bout !

 

Les Roche Martin

Photo fournie par Violaine Sanson-Tricard. « Un soir à la Maroquinerie, il y a probablement quatre ou cinq ans, nous avons reconstitué, le temps de deux ou trois chansons, les Roche Martin, un groupe fondé avec François Bernheim lorsque Véronique avait 16 ans. La photo est bien postérieure aux années américaines, et le groupe était bien antérieur à ces années-là. »

 

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10 juillet 2016

Pupazzaro, l'homme qui a grimé Griezmann en général 19è : « Le foot, c'est de l'art... »

L’image fait le tour du web social et média français depuis quelques jours : un portrait de fort belle facture dAntoine Griezmann apprêté à la manière d’un officier supérieur du dix-neuvième siècle. Il faut dire que « Grizou » a, en quelques matchs décisifs de l’Euro, gagné sous le maillot bleu ses galons de héros national. De lui transparaissent, en plus d’un talent dont plus personne ne doute, des impressions de simplicité, dhumilité que pas grand chose ne remet en cause. Combien de « Griezmann président ! » déjà... De fait, défiance généralisée aidant, on se verrait assez volontiers lui remettre les clés de l’Élysée, par acclamation populaire. Votre serviteur a en tout cas la conviction qu’il sera propulsé directement dans le Top 3 des personnalités préférées des Français dans le sondage JDD de la fin de l’année. Et, à quelques heures de la grande finale contre le Portugal, on peut dire qu’à l’occasion de cet Euro qui se joue chez nous, l’Équipe de France de foot a pour longtemps regagné le cœur du public français - et peut-être contribué à lever un peu de la sinistrose ambiante.

J’ai souhaité, après l’avoir contacté, inviter l’artiste qui a réalisé cette oeuvre à répondre sous forme d’un texte inédit à plusieurs questions : qui est-il et comment en est-il venu à réaliser ces portraits ? quel regard porte-t-il sur Griezmann, son Euro ? quel message lui adresserait-il s’il en avait l’opportunité ? quel pronostic pour la finale de ce soir ? en quoi le football est-il, comme il l’affirme sur sa page Facebook, un « art » ? quels sont ses projets et rêves d’artiste ? Voici Fabrizio Birimbelli alias Pupazzaro. Quoi qu’il en dise, un vrai artiste, qui mérite d’être largement découvert et soutenuL’entretien, réalisé en anglais, date du 9 juillet. Je vous le propose ici, traduit par mes soins. Bonne lecture... et allez les Bleus ! Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Antoine Griezmann

Par Fabrizio Birimbelli alias Pupazzaro.

Lien/link : www.redbubble.com/people/pupazzaro/shop...

 

« Le foot, c’est aussi de l’art... »

Je m’appelle Fabrizio Birimbelli. Pupazzaro est le pseudo que j’utilisais sur DeviantArt.com (une plateforme massive d’art en ligne), je l’ai gardé depuis. Dans les temps anciens, à Rome, le pupazzaro était celui qui fabriquait des marionnettes (pupazzi).

Je ne travaille pas dans l’art et l’art n’est pas pour moi un « hobby ». C’est une vraie passion, je ne saurais même pas dire depuis quand elle est en moi. Je suis actuellement programmeur informatique (un autre job créatif, si vous voulez mon avis). Je me suis mis au dessin, à la peinture numérique il y a quelques années. Partant de la peinture physique ou du dessin à l’encre sur papier, le numérique ouvre des possibilités infinies... et c’est amorti bien plus rapidement !

À propos de ces tableaux de sportifs : j’ai d’abord commencé, sans trop réfléchir, à réaliser des portraits de joueurs de l’AS Roma (ma ville et mon équipe favorite !) en généraux du 19ème siècle. La Roma en a publié quelques uns sur son site, puis j’ai été contacté par Antonio Rüdiger, qui voulait son propre portrait, et m’a invité à Trigoria (le camp d’entraînement de l’AS Roma). Sur place, j’ai pu apporter le sien à une légende, Monsieur Francesco Totti...

Tout cela m’a apporté un peu de notoriété. J’ai été publié sur certains sites de sport, reçu en peu de temps des centaines d’abonnés nouveaux sur Twitter, Instagram et Facebook... Pas mal de gens m’ont incité à en faire davantage encore. Chacun voulait voir ses propres joueurs de ce point de vue disons épique. Et j’ai pensé que les grandes compétitions européennes pouvaient être une bonne source d’inspiration... J’ai commencé avec les capitaines (mon Lloris aussi est un tableau dont je suis fier), etc...

L’idée de faire de même avec Griezmann mest venue naturellement. Il est un bon joueur, qui a la classe mais sait être un combattant sur le terrain. Il a aussi une « bonne figure », des expressions inspirées et un regard rêveur... je savais que ça allait coller parfaitement à mon projet.

Avant le début de l’Euro, je pensais que cette année serait celle de Pogba, lui aussi une grande vedette... mais Griezmann a démontré qu’au-delà de la classe, il savait faire preuve de noblesse dans ses attitudes et, en même temps, de vraies qualités de leader : le mix parfait.

S’il lit cet article ? Peut-être aimerait-il avoir son propre portrait accroché au-dessus de sa cheminée (s’il en a une à Madrid) ? Appelle-moi, Tony ! ;-)

Je ne saurais dire comment cet Euro va se terminer. La France est puissante mais, de l’autre côté, il y a un gars appelé Cristiano Ronaldo... Tout peut arriver.

Tout peut arriver... parce que le football, c’est aussi de l’art. Imprévisible. Injuste. Le foot est le sport le plus apprécié sur la planète. Pas seulement pour le jeu en lui-même mais aussi pour ces « héros » qui le font. Pas de vrais héros, non, on sait qu’il sont des professionnels, on sait qu’ils vous quitteront la saison suivante pour une nouvelle équipe, mais en ce que, durant 90 minutes, ils te représentent, toi et ta ville, tu cries, chantes pour essayer de les aider à mettre ce ballon dans le filet. Si ça, ce n’est pas « épique » ?

Si vous regardez des gens comme Maradona, Falcao, Sócrates, permettez-moi d’y ajouter Totti... Ce n’est pas uniquement un jeu ou du sport. Pas simplement de la technique. Des pieds, pas des coups de pinceau... mais le résultat est dune beauté pure. ;-)

Pour ce qui me concerne, moi, je ne me considère pas comme un artiste. La suite, je ne sais pas de quoi elle sera faite. Continuer à dessiner, c’est ce que j’aime... Que ça devienne un métier ? Un rêve...

Merci à vous de partager ce que je fais !

Fabrizio Birimbelli, le 9 juillet 2016

 

My name is Fabrizio Birimbelli. Pupazzaro was a surname I used on DeviantArt.com (art-related forum) and so remained. In the past days in Rome, pupazzaro was someone making puppets (pupazzi).

Art is not my job, neither a hobby, it’s a great passion that I’ve followed since I can remember. Now I work as a computer programmer (another creative job in my opinion) and since a few years I have started painting and drawing in digital. Coming from the real paint or drawing ink paper, the digital media gives you endless possibilities and is damped quicker !

About this sportsmen portraits : I have started without thinking too much making some portraits in this 1800-generals style of AS Roma players (my city and my favourite team). Roma published some of them on their site, then I was contacted by Antonio Rüdiger who wanted his portrait and invited me in Trigoria (the training camp of Roma). There I was able to bring the portrait to a legend named Francesco Totti.

This gave me some popularity. I was published on sports sites, got tons of followers on TwitterInstagram and Facebook and many people asked me to do more. Everyone wanted to see their own players from this epic point of view. And I thought the European Championship could be a good source of inspiration. I started with captains (my Lloris too is one portrait I am proud of) and so on.

The idea of Griezmann came naturally. I think he is a good player, with class, but a fighter inside the pitch. He also has the « right face », inspired expression and dreaming look that I think works well with my stuff.

Before this Euro champ., I thought this could be the year of Pogba (I think that he is also a great star), but Griezmann showed more than class : a great attitude and leadership, the perfect mix.

If he reads this article maybe he would like to have his own portrait hung on his fireplace (if he has one in Madrid). Well... « contact me Tony ! »

I don’t know how it will end. France is strong but on the other side there’s a guy called Cristiano Ronaldo and anything can happen... cos football is art.

Unpredictable, unfair. Football is the most loved game on earth. And not only for the game itself but for the « heroes » that are part of it. I mean they are not really heroes, you know that they are professionals, you know that they will leave you next summer for another team, but during those 90 minutes they represent you and your city, you scream and sing trying to help put that ball in the net. Epic, isn’t it ?

And if you look at people like MaradonaFalcaoSócrates, and let me add my Totti, you could say that’s not a simple game or sport. It’s not mere techique, it is art. Feet and not brushes, but the result is pure beauty ;-)

I don’t consider myself an artist, so I don’t really know what it will come. Keep drawing is just great, doing as a real job... that’s a dream.

Thanks a lot for sharing my stuff.

Fabrizio Birimbelli, July 9, 2016

 

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3 avril 2016

Mathieu Rosaz : « Je revendique mon goût pour la variété »

J’ai découvert sur la toile il y a trois ans, presque par hasard, l’artiste Mathieu Rosaz, auteur-compositeur-interprète de grand talent. Une interview fut réalisée dans la foulée puis publiée sur Paroles d’ActuUn vrai coup de cœur : rares sont ceux qui savent aussi bien que lui chanter, « transmettre » Barbara. Ses compositions propres valent elles aussi, clairement, le détour. Son actualité du moment, c’est justement la sortie de son dernier opus perso en date, l’EP Oh les beaux rêves. Une voix sensuelle, des textes et mélodies fins et sensibles, à son image. Et une belle occasion de l’inviter à se confier, la quarantaine passée depuis peu, sur sa carrière, ses projets et envies... Comme une sorte de bilan d’étape. Cet exercice-là, il l’a de nouveau accepté, et il y a mis beaucoup de sincérité, je l’en remercie. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Je revendique mon goût pour la variété »

Interview de Mathieu Rosaz

Q. : 31/03 ; R. : 03/04

 

Oh les beaux rêves

Oh les beaux rêves, nouvel EP disponible sur iTunes, Amazon, Spotify et Deezer.

 

Paroles d’Actu : Merci Mathieu de m’accorder ce nouvel entretien, trois ans après notre première interview. La première question que j’aimerais te poser n’est pas des plus joyeuses, elle touche à l’actualité, une actualité décidément bien sombre... Paris, cette ville que tu aimes tant, est naturellement le théâtre de nombre de tes chansons ; les hommages que tu lui rends en rappellent d’autres dont ils sont bien dignes. Comment as-tu vécu à titre personnel les événements tragiques du 13 novembre dernier ? Est-ce qu’il y aura clairement, pour ce qui te concerne, un « avant » et un « après » cette date ?

 

Mathieu Rosaz : Il est finalement difficile de ne pas dire de banalités à ce sujet… Comme tout le monde j’ai été terriblement choqué, bouleversé. J’étais pas loin des Halles ce soir-là quand j’ai reçu l’information. Il a fallu rentrer en rasant les murs. J’habite à 10 minutes à pied du Bataclan. L’idée de l’avant et de l’après ne se situe pas pour moi autour du 13 novembre 2015. Cela fait bien plus longtemps qu’une guerre plus ou moins sournoise est déclarée. Cela date du 11 septembre 2001.

 

PdA : Lors de notre échange de février 2013, nous avons largement évoqué ton travail autour de l’œuvre de Barbara, dont tu t’es fait - c’est un ressenti personnel - l’un des plus beaux interprètes. On entend beaucoup tourner depuis quelques semaines l’album Très souvent, je pense à vous que Patrick Bruel a consacré à la « Dame brune ». C’est fait avec sincérité et respect, comme toujours avec Bruel... mais il y a chez toi, dans ton interprétation d’elle, un vrai supplément d’âme par rapport à ce que lui fait (j’invite simplement nos lecteurs à comparer vos deux versions de Madame (liens : la version Rosaz et la version Bruel). Comment as-tu reçu son album ? N’est-ce pas frustrant sincèrement de voir la promo monstre qu’il y a autour par rapport à tes créations à toi, qui en mériteraient sans doute au moins autant ?

 

M.R. : J’ai été ravi du projet de Patrick Bruel. Cela faisait un bon moment que j’étais persuadé que l’œuvre de Barbara avait besoin pour continuer à vivre d’être portée par un nom, par une figure populaire. Forcément, avec le temps, le public de Barbara s’étiolait un peu, vieillissait, même si certains continuaient à la découvrir. Il fallait un coup de projecteur médiatique et Patrick Bruel l’a donné en allant en parler partout. Et il en parle bien. Son disque est très bien produit, avec des arrangements raffinés, des harmonies renversées et des directions musicales audacieuses, risquées aussi. Son chant est sobre. Je n’ai absolument rien à lui reprocher. On a le droit de ne pas aimer une voix mais on n’a toujours pas réussi malgré les progrès de la science à greffer de nouvelles cordes vocales sur quelqu’un. J’ai vu proliférer à l’égard de Bruel des insultes inacceptables, avec des relents d’antisémitisme parfois. C’est une honte. Qu’est-ce que ces gens qui insultent en prétendant défendre l’oeuvre de Barbara ont compris à Barbara ? Le public qui vient voir Bruel chantant Barbara sur scène n’est pas le public de Barbara mais son public à lui. Après plus de trente ans de carrière, il s’offre un rêve et son public l’aime assez pour le suivre. Depuis cette mise en lumière de Barbara, des projets se débloquent : films, émissions. C’est formidable. Le but de tout cela est que des gens qui ne connaissaient pas Barbara la découvrent. Et le but est atteint. Tout va bien !

 

PdA : Ton actualité, c’est la sortie au début de l’année d’un nouvel EP que tu as choisi d’intituler Oh les beaux rêves. Quelle a été l’histoire de cette création-là ? En quoi porte-t-elle à ton avis la marque d’une évolution depuis l’album La tête haute quitte à me la faire couper ! sorti en 2009 et que tu disais être dans notre interview ton « disque le plus abouti » ?

 

M.R. : Je n’avais pas sorti de chansons inédites depuis 2009, à l’exception de quelques unes postées directement sur YouTube de temps en temps. J’ai fait ce petit disque à la base pour les quelques personnes qui ont la bonté de me suivre, et d’attendre… Il n’y a que sept chansons. Quatre d’entre elles ont été écrites aux alentours de l’été dernier. Rapidement, facilement et spontanément. Je n’avais pas envie d’attendre encore d’avoir de quoi faire un album entier, d’autant que le format bref du EP me convient et me semble en totale adéquation avec une époque où même si on a du temps, on est moins disponible car submergés d’informations et de tentations. J’ai eu quarante ans et sans que cela soit une véritable révolution intérieure, je l’ai senti passer. Je n’en reviens pas de ne plus faire partie des « jeunes » ! Même si je n’ai jamais eu l’impression d’être particulièrement jeune… Mais bien qu’étant une vieille âme de naissance, je pouvais encore faire illusion… Les chansons traduisent donc les humeurs traversées ces derniers temps. Les illusions et les désillusions dans Oh les beaux rêves, la quête de sérénité et un certain détachement dans Vivre au bord de la mer, une de mes préférées, et les souvenirs d’enfance, toujours très présents dans N’ai-je jamais grandi ?.

 

PdA : Dans un des titres du dernier opus, L’éphémère, on retrouve des thèmes qui te sont chers et que tu viens en partie d’évoquer : la jeunesse qui s’enfuit, les angoisses liées au temps qui passe inexorablement, le désir ardent de plaire toujours et la hantise de la solitude... Est-ce que ce sont là des questions qui sont prégnantes dans ton esprit, et notamment depuis que tu as passé, l’an dernier, ce fameux cap de la quarantaine ?

 

M.R. : Attention, je ne parle pas vraiment de moi dans L’éphémère. Cette chanson est née de l’observation de quelqu’un qui dansait, qui était beau, jeune, qui formait un tout très cohérent. Et je me suis demandé comment allait vieillir cette créature ? Comment allait-elle négocier le virage ? Je ne sors plus beaucoup en boite mais à l’époque où je sortais, j’observais. On voyait parfois des gens d’un âge certain, dirons-nous, qui s’accrochaient. Mais elles seules étaient dupes. Si toutefois elles l’étaient. Il pouvait y avoir quelque chose de pathétique. C’est l’éternelle question : comment être et avoir été ?

 

PdA : La chanson Oh les beaux rêves m’a elle aussi beaucoup touché. On y oscille entre désillusions et espoirs. Où se situe ton curseur à ce niveau-là ?

 

M.R. : Le bilan est fait et cette chanson le résume. Maintenant il faut avancer !

 

PdA : Sur cet EP comme dans d’autres chansons, je pense à tes reprises de Madame, de Le bel âge de Barbara, à ton emblématique Banquette arrière pour ne citer qu’elles, tu abordes souvent, avec beaucoup de finesse et de sensibilité, le thème des amours au masculin. Est-ce que ça a été évident, facile à faire pour toi au départ ? Est-ce qu’à ton avis il est plus simple de chanter cela aujourd’hui qu’il y a vingt, dix ans ?

 

M.R. : Le problème est que si j’écris une simple chanson d’amour en disant « il » et non « elle », la chanson deviendra une chanson « gay » et plus une chanson d’amour, tout simplement. Cela fausse la donne. Mieux vaut employer le « tu » dans ce cas, si possible. Il n’est pas plus simple de chanter ce type de choses aujourd’hui qu’il y a vingt ans car finalement et malheureusement, malgré tout, les mentalités ont très peu évolué en vingt ans. Elles ont presque régressé d’ailleurs. Même si globalement, si on se base sur ces cinquante dernières années, il y a eu du progrès. Un nouveau type de blocage a débarqué : celui des gays eux-mêmes. Beaucoup sont à la tête d’importants médias et j’ai clairement l’impression qu’ils ne veulent pas trop entendre parler de ce qui pourrait avoir un rapport avec l’homosexualité, leur homosexualité… Il y a aussi un facteur économique. Les homosexuels restent une minorité et le graal reste pour beaucoup la timbale à décrocher auprès de ce qu’on appelle le grand public.

 

PdA : « La » chanson signée Barbara que tu aurais aimé écrire ?

 

M.R. : Perlimpinpin, bien sûr, entre autres.

 

PdA : La même, tous artistes confondus.

 

M.R. : Il y en a trop. Mais suite au 13 novembre, j’ai repensé avec beaucoup d’émotion à la chanson Ils s’aiment de Daniel Lavoie. Sortie en France en 1984. Magnifique chanson.

 

PdA : Quel regard portes-tu sur ton parcours d’artiste jusqu’à présent ? Que crois-tu avoir appris de ce milieu ?

 

M.R. : Je n’ai pas fait le quart du dixième de ce que j’aurais voulu faire. J’ai passé plus de temps à cogiter qu’à agir. Aurais-je pu faire autrement ? Quant au « milieu », de quel milieu parles-tu ? Celui de la chanson, du showbiz ? Je n’ai pas le sentiment d’avoir fait vraiment partie plus de deux secondes d’affilée de l’un de ces « milieux ». Mais j’ai observé des systèmes, des trajectoires, des comportements. Je connais les chapelles, les réseaux. Si « milieu » il y a, il est à l’image me semble-t-il de tous les autres. Et au bout du compte de l’Homme, avec ses grandeurs et ses bassesses… 

 

PdA : Une question qui sonne comme l’expression d’un désir perso, j’assume... à quand une collaboration avec Marie-Paule Belle ? ;-)

 

M.R. : Quand elle veut ! J’adore son répertoire. C’est une formidable compositrice. Avec ses auteurs, elle a créé des chansons qui sont des sommets du genre. Elle a à cause de La Parisienne une image de rigolote mais c’est très réducteur de la limiter à ce registre. Il faut écouter Sur un volcan, Assez, L’enfant et la mouche, Comme les princes travestis, Celui… Bien qu’issue des derniers cabarets et du classique, elle a totalement sa place aux côtés des artistes qui firent partie de ce qu’on a appelé la nouvelle chanson française dans les années 70 : les Souchon, Sheller, Sanson etc… C’est une grande.

 

PdA : Est-ce que tu te sens « bien dans tes baskets » dans cette époque qui est la nôtre ? Si tu avais la possibilité de la quitter pour partir ailleurs, dans un autre temps, ce serait quoi, le Paris de l’âge des cabarets ?

 

M.R. : Il y a quinze ans j’aurais pu répondre la période des cabarets, Saint-Germain-des-Prés etc… mais je ne suis plus tellement dans ce trip-là. Sur le plan musical en tout cas. Je revendique mon goût pour la bonne (et même moins bonne) variété. La chanson fait partie de la culture populaire et il ne faut pas trop l’intellectualiser. La chanson n’est pas la poésie bien qu’elle puisse être poétique. Les chansons sont des parfums et du divertissement. Elles sont mon île aux trésors et mon refuge. Plus généralement, la période rêvée pourrait être celle des « Trente Glorieuses » où on trouvait du travail au coin de chaque rue, où il n’y avait pas de chômage ou si peu. Je suis né juste après. Pas de bol ! 

 

PdA : Comment définirais-tu le bonheur ? Et, si la question n’est pas trop indiscrète, que manquerait-il pour faire le tien ?

 

M.R. : « Bonheur » est un mot qui, à force d’avoir été mis à toutes les sauces, ne veut plus dire grand chose. C’est un mot pour les publicités. Rien de plus insignifiant que l’expression « rien que du bonheur ». Le mot « bonheur » a aussi des allures de dictature culpabilisante pour qui ne l’atteint pas. C’est pourtant un bien joli mot. Être heureux, de temps en temps, c’est tout ce que je demande. Ces moments-là surgissent grâce au rire, à la complicité, au partage… Ce sont des petites « victoires sur l’ironie du sort », comme chantait quelqu’un.

 

PdA : Un dernier mot ?

 

M.R. : Tout d’abord merci à toi, Nicolas, de me permettre de m’exprimer via ton blog.

 

J’aimerais signaler que j’ai participé à une formation passionnante l’année dernière sur le chant, la voix et le coaching avec Richard Cross, véritable savant dans le domaine. J’ai commencé à donner quelques cours et j’aime ça. Elèves de tous niveaux bienvenus ! Suffit de me contacter via mon site ou ma page Facebook.

 

Et puis je vais réaliser sur scène à la fin de l’année un projet auquel je pense depuis plus de douze ans : chanter les chansons que j’ai adorées quand j’étais enfant. J’ai choisi des chansons créées uniquement par des voix féminines entre 1983 et 1988. Cela s’appellera « Ex-Fan des Eighties ». Libéré temporairement du piano, je serai juste accompagné à l’accordéon par le talentueux Michel Glasko, très calé lui aussi dans les titres de cette époque. On a commencé à répéter et on se régale. Je vais chanter des tubes ou des succès qui furent créés par des filles qui répondent aux doux prénoms de Jeanne, Muriel, Mylène, Jakie, Viktor etc… Là oui, je peux peut-être parler de bonheur… Ce sera drôle, léger, décalé et plus profond aussi qu’on peut l’imaginer car derrière le côté kitsch des arrangements d’époque, se cachent de très belles chansons. Et leurs maladresses ont un charme fou. J’aborde ces chansons comme de grands classiques. Le respect étant de les bousculer un peu. J’ai hâte !

 

Mathieu Rosaz

 

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9 mars 2016

Julien Benhamou : « Avec le nu, mon travail est plus abouti, le résultat plus radical »

Il y a neuf mois, le photographe de grand talent Julien Benhamou acceptait de se confier sur son métier, sa passion, dans les colonnes de Paroles d'Actu. Voici aujourd’hui, partant d’une conversation récente, un nouvel exercice auquel il a bien voulu se livrer : une réflexion autour du « nu » auquel il s’est converti après quelques réticences comme « metteur en scène » sur papier glacé. Il partage pour nous cette expérience, avec quelques uns de ses clichés, qui sont tous sublimes... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche.

 

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Autoportrait, juin 2015. Signé Noémie Graciani.

 

En tant que portraitiste, je me suis refusé au nu pendant très longtemps, ayant peur de tomber simplement dans de l’érotisme ou l’esthétisation des corps. Je ne me sentais aucune légitimité à demander à mes modèles de se déshabiller.

Mais c’est tout naturellement, au cours de mes recherches personnelles sur la danse, que le nu s’est imposé ; les images l’exigeaient.

Ma première expérience fut avec Aurélien Dougé pour notre projet Blessed Unrest. Le corps étant le sujet principal, le visage toujours occulté. La pose était en slip noir, et je travaillais ma lumière pour « sculpter » le corps et les muscles...

 

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Blessed Unrest #1 (Aurélien Dougé)

« Les recherches réalisées avec Inkörper Company pour la série Blessed Unrest m’ont incité

à m’interesser au corps sans vêtement. »

 

Ensuite, au cours d’une séance photo avec Valentin Regnault, un ami et model qui participe à la plupart de mes projets. Je le photographiais de dos en pantalon noir et le travail des muscles du dos me faisais penser aux dessins de nus de Léonard de Vinci. Je lui ai proposé de faire un nu intégral, de dos par pudeur, et il a accepté. C’était notre première expérience de nus à tous les deux ! Notre complicité a fait que cela s’est merveilleusement passé.

 

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Valentin Regnault

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Depuis je suis très décomplexé par rapport au nu et je sais que mes modèles sont prêts à poser nus si la photo l’impose. Je pense qu’il y a une confiance mutuelle qui fait que l’on ose.

Aujourd’hui, je considère que mon travail personnel s’en trouve plus abouti, le résultat est plus radical.

L’ambiance lorsqu’on fait du nu n’est pas du tout tendue mais, au contraire, très amusante de par la situation. Tout cela est pris au deuxième degré et il n’y a, du coup, pas de place pour la gène.

Mon dernier projet a été une séance photo avec Inkörper Company ; nous avions une vingtaine de personnes qui posaient nues, pour la plupart des amateurs et donc des « premières fois ». Ils ont répondu à un casting que l’on a posté sur Facebook et étaient tous d’accord pour poser ainsi. Au bout de cinq minutes, tout le monde oubliait qu’il était nu.

Le nu apporte plus d’authenticité aux photos. Que ce soit avec des hommes ou des femmes, il s’agit, réellement, de se mettre « à nu » et de faire confiance. De plus, le corps, la beauté et la sensualité sont des notions très importantes pour moi...

Julien Benhamou, le 8 mars 2016

 

Peut-on occulter totalement les aspects d’attirance, de fantasmes quand on prend des corps nus en photo ou quand on pose nu ? Comment, si tu me passes l’expression, « garder la tête froide »... ?

Lors d’une séance photo de nu, l’attirance peut exister pendant les premières secondes... mais elle est très vite oubliée au profit de la création artistique.

 

Serais-tu prêt à poser nu toi-même ?

Mais... qui prendrait la photo alors ? ;-)

 

Tes projets pour la suite ?

Du 24 mars au 2 mai, une expo présentée par la No Mad Galerie autour de Blessed Unrest.

Je m’occupe également, à l’Opéra, de la production Roméo et Juliette, jusqu’à la fin avril.

 

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Mickael Lafon
« Au cours de mes séances de portraits, le nu s’imposait de plus en plus
car les poses qu’on imaginait avec les danseurs devenaient plus lisibles et plus pures. »

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« Photo réalisée pour une exposition de mon travail sur le nu masculin à la librairie Les Mots à la Bouche. »

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Mathilde Froustey
« Mathilde Froustey est principal dancer au San Francisco Ballet. Je la connais et la photographie depuis plusieurs années. » 

 

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Pierre-Antoine Brunet

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Mathilde Froustey et Pierre-Antoine Brunet

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Utku Bal et Elena

« Recherches sur le graphisme... »

 

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Mickael Lafon

 

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Antonin Rioche

  

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Valentin Regnaut et Rafaëlle Cohen

 

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Juliette Gernez

 

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Germain Louvet

 

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Vous pouvez retrouver Julien Benhamou...

6 mars 2016

Frédéric Quinonero : « Jane Birkin a été, pour Gainsbourg, plus que sa muse, son double féminin »

Le 2 mars, jour marquant le vingt-cinquième anniversaire de sa disparition (déjà !), on était peut-être plus nombreux qu’à l’accoutumée à se rappeler Serge Gainsbourg. Les médias en ont pas mal parlé à cette occasion, et c’est heureux tant son œuvre mérite d’être redécouverte et découverte par les nouvelles générations. Le mois dernier, les éditions L’Archipel faisaient paraître la dernière biographie en date du fidèle Frédéric Quinonero, Jane Birkin, « La vie ne vaut d’être vécue sans amour ».  Un récit fluide, vivant, sensible et touchant à l’image de son objet, Jane Birkin, qui fut probablement « la » femme de la vie de Gainsbourg et, très certainement, hier comme aujourd’hui, une des personnalités les plus émouvantes et les plus « vraies » du monde du show-biz. Frédéric Quinonero a accepté de répondre à mes questions et de nous « prêter » pour reproduction, à ma demande, lextrait de son ouvrage qui raconte la rencontre Gainsbourg-Birkin. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche.

 

Partie I : l’extrait du livre

Le cadre : le tournage de Slogan, un film de Pierre Grimblat. On est en 1968. Les premiers contacts - difficiles -, « la » rencontre entre Serge Gainsbourg et Jane Birkin ; l’un et l’autre, une sensibilité à fleur de peau et l’âme blessée (chacun sort alors d’une séparation douloureuse, le premier avec Brigitte Bardot, la seconde avec le compositeur britannique John Barry, père de sa fille Kate).

Lors de l’audition, elle est déstabilisée par la présence désagréable de Serge Gainsbourg, fortement déçu de ne pas avoir Marisa Berenson pour partenaire et déterminé à témoigner de sa méchante humeur. Elle ne sait pas prononcer son nom, elle comprend « bourguignon » - il existe un Serge Bourguignon acteur et cinéaste, il a obtenu un Oscar à Hollywood en 1963 pour son film Les Dimanches de Ville-d’Avray et fait tourner Bardot l’année précédente dans À cœur-joie. « Mais comment pouvez-vous accepter de tourner un rôle en France alors que vous ne parlez pas un mot de français ? », lui lance-t-il avec mépris. Elle fond en larmes. Et continue de jouer sa scène, comme si sa vie en dépendait, ce qui convainc Grimblat de l’engager. « Jane pleurait sur son sort. Elle confondait tout : la fiction et la réalité, la vie et le scénario. [...] J’en ai conclu qu’elle était fabuleuse » dira Gainsbourg. Pourtant, alors que le tournage commence à la mi-juin, retardé par les événements, il persiste à ne faire aucun effort de civilité.

[...] L’ambiance sur Slogan est donc au vinaigre. Une semaine passe. Le vendredi soir, inquiet pour le bon déroulement de son film, Grimblat organise un dîner chez Maxim’s où il omet sciemment de se rendre, laissant ses héros seuls, en tête à tête. Tous deux ont ce point commun d’avoir été quittés par la personne aimée, ils sont tristes. « Qu’est-ce que vous n’avez jamais fait ? Tout ce que vous désirez, je vous promets de l’exaucer », lance un Gainsbourg grand seigneur à la fin du dîner. Jane a besoin de se changer les idées, elle est prompte à accepter toutes les invitations à s’amuser. Et la soirée se poursuit dans toutes les boîtes à la mode. Jane découvre un homme séduisant : « Il était adolescent, ambigu, contradictoire, romantique, sensible. » Chez Régine, elle l’entraîne sur la piste de danse pour un slow. Piètre danseur, il lui marche sur les pieds. Sa maladresse l’attendrit. À son tour, Serge se laisse séduire par cette fille drôle et émouvante, sexy et décontractée, qui déambule dans les lieux les plus chic de Paris avec son blue-jean, ses baskets et son cabas en osier rempli de livres et de cahiers noircis de notes. Au petit matin, comme elle refuse qu’il la ramène à son hôtel, il commande au chauffeur de taxi de poursuivre jusqu’au Hilton où il a ses habitudes. Elle fait mine d’ignorer la gaffe du réceptionniste : « La même chambre que d’habitude, monsieur Gainsbourg ? » Et le trouve à nouveau touchant quand il tire les rideaux et tamise la lumière, avant de s’allonger tout habillé sur le lit où il s’endort comme une masse, copieusement imbibé. Elle file au Drugstore voisin et revient avec le single d’un hit qu’elle avait dansé devant lui chez Régine, Yummy Yummy Yummy des Ohio Express, et le lui glisse discrètement entre les orteils, en guise de remerciement.

Issu de Jane Birkin, « La vie ne vaut d’être vécue sans amour » (L’Archipel, février 2016). P. 48 à 50 (extraits).

 

Jane Birkin Serge Gainsbourg 1968

Jane Birkin, Serge Gainsbourg, 1968. Photo : Giancarlo Botti - Agence Gamma-Rapho. Src. : Photos de légende. 

 

Partie II : l’interview

Frédéric Quinonero: « Jane Birkin a été, pour Gainsbourg,

plus que sa muse, son double féminin »

 

Jane Birkin

Jane Birkin, « La vie ne vaut d’être vécue sans amour » (L’Archipel, février 2016)

 

Pourquoi avoir choisi d’écrire cette biographie de Jane Birkin ?

Jane Birkin est quelqu’un de très inspirant. J’aime à la fois l’artiste et la femme. C’est un être qui me touche par sa spontanéité, sa poésie, son humour. Je me reconnais dans certains traits de sa personnalité, la nostalgie de l’enfance, la mélancolie, l’amour des autres. Écrire sur elle a été un vrai plaisir.

 

Trois mots pour la définir ?

Nostalgique, généreuse, émouvante.

 

Quel regard portes-tu sur le couple/duo qu’elle a formé avec Serge Gainsbourg ?

C’est un couple mythique, rattaché à une époque de liberté et d’insouciance. Ils se sont connus en 1968, grande année, même si les événements leur sont passés au-dessus du brushing. Jane a été le grand amour de la vie de Serge, et réciproquement. Elle a été sa muse, son double féminin. Et ce n’est pas donné à tout le monde de sublimer à ce point le talent d’un artiste. Il l’a imposée en tant qu’actrice dans son film Je t’aime moi non plus, puis il a écrit pour elle ses textes de chansons les plus intimes et les plus raffinés, exprimant une sensibilité à fleur de peau qu’il ne pouvait exprimer lui-même sans paraître indécent. Les trois albums Baby alone in Babylone, Lost Song et Amour des feintes sont de vrais bijoux. Jane a été l’interprète de Serge dans le vrai sens du terme, elle a été sa voix, elle a porté ses mots (ses maux). Pendant qu’il se plaisait à jouer à Gainsbarre, il lui donnait ses blessures et ses fragilités à chanter. C’était sa plus belle façon de lui déclarer son amour éternel. Et le plus beau cadeau qu’elle lui ait fait en retour, et sa plus belle victoire, est d’avoir fait connaître son œuvre dans le monde entier. Ce fut sa mission après la mort de Serge. Sa façon à elle de lui dire merci.

 

Jane Birkin et Serge Gainsbourg

Source de l'illustration : http://rockimages.centerblog.net.

 

Cinq chansons chantées par Jane Birkin à écouter ?

Ballade de Johnny-Jane (1976),

Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve (1983),

Quoi (1985),

Lost song (1987),

Physique et sans issue (1987).

 

Un message à lui adresser ?

Le message est dans le livre, je pense. Je l’ai écrit avec toute l’affection que je lui porte.

 

Frédéric Quinonero

Photo : Emmanuelle Grimaud

 

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20 novembre 2015

Frédéric Quinonero : « Oui, Sophie Marceau est une de nos grandes actrices »

Le 6 novembre dernier - une éternité, par les temps qui courent... -, une version actualisée de la biographie de Sophie Marceau qu’a signée Frédéric Quinonero, La belle échappée, sortait chez Carpentier. Un ouvrage qui fait référence pour qui souhaiterait tout connaître du parcours de l’actrice, qui vient d’avoir quarante-neuf ans : empreint de bienveillance envers son objet mais pas exempt de réflexions critiques, le livre fera le bonheur des fans de Sophie Marceau et de ceux qui, curieux, ont grandi avec elle. Je remercie Frédéric Quinonero et les éditions Carpentier pour cette lecture qui m’a fait découvrir - et apprécier au plan humain - une vedette à laquelle je ne m’étais jamais vraiment intéressé jusque là. Les réponses de Frédéric Quinonero me sont parvenues le 20 novembre, six jours après que je lui ai envoyé mes questions. Bonnes lectures ! Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Frédéric Quinonero: « Oui, Sophie Marceau

est une de nos grandes actrices »

 

La belle échappée

Éd. Carpentier

 

Paroles d'Actu : Bonjour Frédéric Quinonero, et merci de m’accorder ce nouvel entretien. Une réédition « enrichie et mise à jour » de ton ouvrage intitulé Sophie Marceau : La belle échappée vient de sortir (éd. Carpentier). Je précise à ce stade qu’étant né dans le milieu des années 80, je n’ai pas forcément le même rapport que d’autres générations à Sophie Marceau - ce qui peut rendre l’échange d’autant plus intéressant. Je reviens au livre. Dans la section des remerciements, vers les dernières pages, tu salues l’actrice, confessant qu’elle a été ton « premier coup de cœur de cinéma ». L’envie d’écrire sa bio vient de là ?

 

Frédéric Quinonero : Oui, il y a à la base un élan affectif de ma part à l’égard de Sophie Marceau. Et comme il est important d’être en empathie avec son sujet quand on est biographe, c’est d’autant plus commode quand on le connaît bien, qu’on a grandi avec lui et suivi sa carrière pas à pas.   

 

PdA : La jeune Sophie Maupu, qu’on n’appelle pas encore « Marceau », est issue d’un milieu populaire, fort éloigné du monde du cinéma. Sa première audition, ce sera pour La Boum, en 1980. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’à ce moment-là, la jeune ado de 13 ans a déjà un caractère bien affirmé...

 

F.Q. : C’est en effet ce que révèlent ceux qui l’ont connue à ce moment-là. Issue d’un milieu social défavorisé, Sophie a tôt compris que pour s’en émanciper il fallait faire preuve d’audace et de volonté. Surtout ne pas être timide, inhibée. Elle a vite intégré cette idée qu’elle n’avait rien à perdre. Ajouté à cela, elle avait un charme naturel qui l’élevait au dessus des autres.

 

PdA : La suite, chacun la connaît : elle obtient le rôle de Vic, l’héroïne du film La Boum, de Claude Pinoteau, qui fera un carton monumental ; le film deviendra rien de moins qu’un phénomène de société. Comment reçois-tu tout cela en tant que spectateur qui, du haut de ses dix-sept ans, s’apprête lui à quitter progressivement l’adolescence ?

 

« Avec un ami, nous sommes tombés amoureux

de Sophie Marceau après avoir vu La Boum »

 

F.Q. : J’étais très cinéphile à cette époque et, avec un copain qui l’était tout autant, j’allais voir deux ou trois films par semaine. Je me souviens que nous avions vu tous les films à l’affiche du Gaumont-Comédie à Montpellier, sauf La Boum qui ne nous disait rien. Nous trouvions le titre et l’affiche ringards. Nous étions allés revoir Je vous aime, qui n’en méritait pas tant, puis nous nous sommes finalement décidés. Et nous sommes tombés amoureux de Sophie Marceau. 

 

PdA : Sophie Marceau, devenue hyper populaire en très peu de temps, retrouvera rapidement Claude Pinoteau, son père de cinéma, pour La Boum 2, film qui lui vaudra, en 1983, le César du meilleur espoir féminin. Mais elle est bien décidée à suivre un parcours d’actrice audacieux. Libre, elle le sera résolument dans ses choix de rôles, quitte à déboussoler (un peu) son public...

 

F.Q. : À un moment donné, elle a eu l’instinct de se démarquer de l’image dans laquelle on l’avait enfermée. Elle a compris qu’il fallait cesser de se laisser dorloter par Pinoteau et la Gaumont et prendre sa carrière en main. L’occasion s’est présentée très vite, en 1984. Elle avait le choix entre un petit rôle dans La Septième Cible de Pinoteau et le premier rôle de L’Amour braque de Zulawski. Elle n’a pas hésité longtemps. Sa liberté elle l’a payée un million de francs, en rachetant le contrat qui la liait à Gaumont.

 

PdA : Andrzej Zulawski justement, réalisateur polonais et, accessoirement, son futur compagnon, la prendra bientôt sous son aile. Il lui ouvre de nouveaux horizons, la conforte dans son désir d’aller vers des rôles différents, de casser son image... Quel regard portes-tu sur leur relation ? Que lui a-t-il apporté ?

 

F.Q. : Sa rencontre avec Zulawski a été cruciale, tant d’un point de vue professionnel que personnel. Sophie est tombée sous le charme de cet homme érudit qui se pose en Pygmalion et va contribuer à faire son éducation artistique et culturelle. Il lui recommande des lectures, lui apprend à apprécier des films d’auteur, des œuvres d’art… Et bien sûr elle devient son égérie. Sans doute lui a-t-il permis de gagner un temps précieux. Même si, avec le recul, on peut penser que l’influence prégnante de Zulawski a pu avoir quelque incidence sur la carrière de Sophie, en empêchant sa rencontre avec d’autres metteurs en scène de renom.   

 

PdA : Un passage du livre qui m’a particulièrement intéressé, c’est celui qui concerne Police de Maurice Pialat (1985). La complicité du réalisateur avec sa vedette Gérard Depardieu, le climat un peu malsain qui régnait sur le plateau, envers les actrices féminines (Sophie Marceau et Sandrine Bonnaire) en particulier... avec une Marceau qui n’hésite pas à se rebiffer, à « l’ouvrir ». On comprend qu’elle a acquis assez rapidement l’estime de Pialat. Quelques années plus tard, l’un et l’autre peaufineront leur image rebelle en dérangeant, par des voies certes un peu différentes, le petit monde si bien huilé de l’establishment cinématographique tel qu’on l’entend à Cannes. Est-ce qu’ils ont des traits communs ; est-ce qu’ils se ressemblent, ces deux-là ?

 

« Maurice Pialat avait un certain respect pour elle »

 

F.Q. : Il me plaît de penser, en effet, qu’ils ne sont pas si différents l’un de l’autre. Sur Police, Sophie Marceau a acquis sinon l’estime de Pialat, tout au moins une certaine forme de respect. Il a avoué lui-même avoir été très impressionné par l’actrice, et par sa force de caractère. Dès le deuxième jour de tournage, ne pouvant tolérer l’ambiance malsaine qui régnait sur le plateau, Sophie Marceau eut l’audace de convoquer carrément le réalisateur dans sa loge. Plus tard, Pialat sera l’un de ses rares soutiens à distance après le discours cafouilleux de Cannes : il y verra une forme de rébellion contre le protocole et, naturellement, ça lui plaira. Nul doute qu’il aurait fort apprécié également les récents « accidents vestimentaires » de la star au même festival. Oui, je crois qu’ils ont ce point commun de se démarquer de l’establishment cinématographique.

 

PdA : On avance un peu dans le temps... 1994 : c’est la sortie de La Fille de d’Artagnan, de Bertrand Tavernier ; Marceau y partage l’affiche avec Philippe Noiret et Claude Rich. On le sait peu, mais en coulisses, il y a eu quelques remaniements quant à la réalisation. Et Marceau a pesé dans la balance...

 

F.Q. : À l’origine, La Fille de d’Artagnan ne devait pas être réalisé par Bertrand Tavernier, mais par un vieux cinéaste nommé Riccardo Freda. Tavernier n’intervenait qu’en qualité d’ami et de parrain. Mais il s’est très vite avéré que Freda ne pouvait diriger seul un tel tournage, prévu en hiver, avec plusieurs scènes nocturnes, des cascades, etc. Il fut alors question que Tavernier intervienne comme second réalisateur, une sorte de superviseur en quelque sorte. La proposition n’emballait personne, et c’est Sophie Marceau qui a pris l’initiative d’en parler. Elle a demandé à Bertrand Tavernier de reprendre seul les rênes du film, faute de quoi elle ne signait pas son contrat. Sans elle, il n’y avait plus de « fille de d’Artagnan ». Donc ce fut fait comme elle l’avait dit.

 

PdA : 1995 : Mel Gibson la remarque et l’invite à prendre part à son Braveheart ; 1999 : elle est Elektra King dans Le Monde ne suffit pas, le nouveau James Bond que réalise Michael Apted. En quoi va-t-elle changer au contact de ces superproductions américaines ?

 

F.Q. : Les véritables changements à cette époque sont d’ordre personnel. Elle devient maman pour la première fois, puis elle se sépare de Zulawski.  Elle traverse une période assez tourmentée, qui se traduit par des comportements insolites, comme son discours lunaire à Cannes. C’est son nouveau compagnon, un producteur américain, qui la convainc de tourner le « James Bond ». Mais elle n’est pas particulièrement tentée par une carrière américaine, qui implique qu’on s’installe là-bas et se soumette à leur discipline. Sophie se sent trop Française pour quitter son pays. Elle préfère alors se lancer dans la réalisation, avec un premier film où elle exorcise sa rupture conjugale : Parlez-moi d’amour.  

 

PdA : Je passe rapidement sur ses films des années 2000 : elle continue de grandir, de mûrir personnellement et professionnellement sous les yeux des spectateurs qui ont pris de l’âge avec elle. 2009 : LOL, de Lisa Azuelos, sort dans les salles. Elle y joue, trente ans après La Boum, la mère d’une ado ; toutes deux bien ancrées dans leur temps. Et c’est un succès, un gros succès. Est-ce qu’à ce point de sa carrière, une boucle est bouclée - et peut-être un chapitre refermé ? Question complémentaire : Christa Theret, sa fille de cinéma, te paraît-elle promise à un parcours « à la Marceau » ?

 

F.Q. : Oui, on peut dire que la boucle est bouclée. À nouveau, près de trente ans après La Boum, Sophie Marceau se retrouve à l’affiche d’un film générationnel à gros succès. Ceux qui l’ont suivie réalisent que le temps a passé… Et la jeune génération l’adopte en maman moderne et sympa. Le chapitre n’est peut-être pas refermé. Dans quelques années, on peut imaginer une nouvelle comédie générationnelle où elle serait la grand-mère ou l’arrière-grand-mère cool, comme le fut Denise Grey dans La Boum… En ce qui concerne Christa Theret, elle n’a pas eu le même impact populaire que Sophie Marceau. L’époque n’est pas la même non plus…

 

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Sophie Marceau et Christa Theret à l’affiche de LOL ; source : Cineplex.com.

 

PdA : Une anecdote m’a fait sourire à propos d’un jugement tout personnel qu’elle aurait formulé auprès de François Mitterrand : au président de l’époque, très impliqué dans l’érection d’une pyramide au Louvre, elle aurait confié de manière assez cash, disons, qu’elle n’était pas fan de l’idée. Mitterrand n’a que modérément apprécié. Marceau, rebelle et d’une franchise rafraîchissante, souvent...

 

F.Q. : Oui, la réflexion sur la Pyramide du Louvre c’était lors d’un voyage en Corée avec le président Mitterrand. C’est lui-même qui avait choisi Sophie comme ambassadrice, car elle est une énorme star en Asie – l’enjeu économique était de vendre des TGV à la Corée. La franchise de Sophie est souvent décapante, en effet. Elle en agace certains, et en réjouit d’autres. C’est ce qu’on aime aussi chez elle, son esprit frondeur et sa propension à mettre les pieds dans le plat.

 

PdA : Sophie Maupu, issue d’un univers très popu, nous le rappelions tout à l’heure, n’a eu de cesse de vouloir rattraper un peu du temps qu’elle pense avoir perdu, s’agissant de la constitution d’une culture, littéraire en particulier. Cet aspect m’a touché...

 

« Sophie Marceau s’est longtemps sentie

illégitime dans le milieu des acteurs »

 

F.Q. : Oui, elle a toujours eu à cœur de s’affranchir de son milieu d’origine, sans jamais le renier. Son ambition d’enfant était d’être intelligente. Elle a toujours eu conscience de ses carences culturelles, au point de ressentir parfois le complexe de l’imposture. Se sentir illégitime parce qu’on n’a pas eu comme la plupart de ses consœurs la vocation et suivi un parcours classique au Conservatoire ou dans une école de comédie. Ce discours est récurrent dans la bouche de Sophie, comme le complexe d’être embarrassée avec les mots et devoir chercher systématiquement à s’exprimer avec justesse et clarté. S’adapter à son milieu, celui du cinéma, n’a pas été chose aisée de ce point de vue. D’autant que son apprentissage s’est effectué aux yeux de tous. On parlait tout à l’heure de Zulawski qui lui a beaucoup apporté en ce sens, tout en l’accaparant.

 

PdA : On retrouve cette même logique avec le théâtre : cet univers qu’elle voit comme un peu élitiste, inaccessible a priori pour elle, elle s’attache à s’y immiscer, avec succès. Trop peu ?

 

F.Q. : Oui, elle ne s’interdit aucune audace. Et son aplomb, ajouté à son talent, lui permet de s’imposer. Avec succès, en effet, et la reconnaissance des gens du métier puisqu’elle fut couronnée du Molière de la révélation pour ses débuts sur les planches avec Eurydice. On aimerait la voir plus souvent au théâtre car elle s’y montre souvent plus audacieuse qu’au cinéma. Sa dernière performance dans le monologue de Bergman, Une histoire d’âme, était particulièrement courageuse et réussie. Ceux qui ne l’ont pas vue pourront bientôt l’apprécier sur Arte qui en diffusera une version filmée.

 

PdA : Le rendez-vous est pris. La lecture du livre nous donne à découvrir pas mal d’éléments de critiques d’époque au fil des sorties en salles de ses films. Certains sont bons, d’autres moins ; ce qui frappe, c’est que Sophie Marceau passe quasiment tout le temps, y compris pour les films jugés négativement, comme un élément positif dans la balance : on loue son jeu d’actrice autant que son charme, ce qu’elle a de solaire...

 

F.Q. : Oui, et je me suis appliqué à choisir des critiques de sources très diverses, de Première à Télérama, en passant par Les Inrocks. Il en ressort, en effet, qu’elle porte souvent le film à elle toute seule et on loue généralement sa justesse de jeu, son naturel, sa beauté et son implication physique.

 

PdA : À plusieurs époques, Marceau se retrouve mise en concurrence avec Isabelle Adjani. On croise aussi quelques autres grandes actrices dans ce livre : Isabelle Huppert, Juliette Binoche, Sandrine Bonnaire... Quels rapports entretient-elle avec ces femmes ? Comment les perçoit-elle au plan artistique ?

 

F.Q. : Sophie ne se range pas dans une famille d’acteurs ou d’actrices. Elle s’exprime rarement sur ses consœurs. En outre, elle n’aime pas beaucoup les films choraux. On l’a peu vue partager l’affiche avec d’autres comédiennes, sauf dans Les Femmes de l’ombre. On le regrette, car on adorerait un film qui réunirait à l’affiche les trois comédiennes générationnelles que sont Marceau, Bonnaire et Binoche. On pourrait même y ajouter Dalle.

 

PdA : Sophie Marceau est peut-être la plus populaire de nos actrices - ça se défend aisément ; la classerais-tu parmi nos « grandes » actrices ?

 

F.Q. : Mais oui. Sophie Marceau est une grande actrice. Qui ne fait pas toujours les bons choix, ou qui n’est pas toujours servie comme elle le mériterait… Mais puisqu’on la sait capable de porter sur ses épaules de mauvais films, on ne peut en douter.

 

PdA : Si tu devais nous recommander, ici, une liste de cinq films avec Sophie Marceau (les plus connus mis à part peut-être) ?

 

« Taularde marquera un tournant dans sa carrière »

 

F.Q. : Police ; Marquise ; À ce soir ; Firelight ; La Fidélité. Et le prochain : Taularde, où elle apparaît sans fard et qui va assurément marquer un tournant dans sa carrière.

 

PdA : Ce qui ressort d’elle à tout moment, à la lecture de ce livre, c’est ce qu’elle renvoie depuis des années : l’image d’une femme belle, battante et éprise de liberté. Est-ce là l’image que tu t’es forgée d’elle ?

 

F.Q. : Oui, une femme solaire. Pas une star glacée. Sa beauté est lumineuse. C’est une actrice proche des gens, populaire au sens noble du terme.

 

PdA : Tu as rencontré plusieurs témoins pour la composition de cet ouvrage, des amis de jeunesse notamment. Ça a été compliqué, de ce point de vue ?

 

F.Q. : Non, et ça a été plutôt sympathique et instructif. Je trouvais intéressant de s’attarder sur ses années passées à Gentilly, avant que le cinéma ne la kidnappe. Les témoignages de ses amis de collège ont été précieux. Tout le monde a tendance à confondre Sophie avec la jeune ado de La Boum, alors qu’elle arrivait d’un milieu opposé où l’on partage le quotidien des ouvriers, les influences de la rue, les problèmes d’intégration et de racisme.

 

PdA : Quel message aimerais-tu adresser à Sophie Marceau, là, maintenant ?

 

F.Q. : À quelle heure dois-je réserver le resto ?

 

PdA : Tes projets, tes envies pour la suite ?

 

F.Q. : Un livre consacré à Jane Birkin paraîtra en février, aux éditions de l’Archipel. Puis, on espère continuer…

 

PdA : Que peut-on te souhaiter ?

 

F.Q. : Du bonheur.

 

PdA : Un mot sur le nouvel album de Johnny, auquel tu as consacré plusieurs ouvrages, dont la bio monumentale Johnny, la vie en rock ?

 

F.Q. : J’aime beaucoup. Un soin particulier a été apporté aux textes, et je m’en réjouis. J’aime aussi l’interprétation sobre de Johnny.

 

PdA : Un dernier mot... ?

 

F.Q. : Plutôt deux, par les temps qui courent : Peace & Love...

 

Frédéric Quinonero

Photo : Emmanuelle Grimaud

 

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Pour aller plus loin...

22 octobre 2015

Bertrand Tessier : « Sardou n'a pas son pareil pour capter l'air du temps »

Le 14 octobre paraissait, chez Fayard, Sardou : 50 années ensemble, un riche retour en texte et en images sur la carrière et la vie de Michel Sardou. Si le chanteur en a écrit la préface, l’ouvrage, lui, est signé Bertrand Tessier, journaliste et auteur de nombreux livres sur, notamment, les parcours de quelques artistes populaires. Le 18 octobre, il m’envoyait les réponses aux questions que je lui avais écrites et envoyées par mail six jours plus tôt. Merci à lui. Bonne lecture... et bonne écoute ! Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Bertrand Tessier: « Sardou n’a pas son pareil

pour capter lair du temps »

 

50 années ensemble

 

Paroles d’Actu : Bonjour Bertrand Tessier, merci de m’accorder cette interview à l’occasion de la sortie de votre dernier ouvrage en date, Sardou : 50 années ensemble (il y a quatre ans, déjà, vous co-composiez Les images de ma vie chez Flammarion). Comment en êtes-vous arrivé à nous présenter aujourd'hui ce livre édité chez Fayard ? Parlez-nous de ce projet ?

 

Bertrand Tessier : Qui peut se targuer d’avoir cinquante ans de carrière dans la chanson en France ? Qui plus est : cinquante ans de succès. Nous nous connaissons depuis plusieurs années ; il a, je crois, confiance en moi. Il était logique de célébrer ce bel anniversaire avec un livre à la hauteur du personnage. Un livre de grand format, où s’entremêlent textes, photos, documents d’archives…

 

PdA : Quelle était votre perception de l’homme Michel Sardou avant de travailler sur et avec lui ?

 

B.T. : J’avais l’image d’un homme bougon, râleur, difficile d’accès. En fait, c’est une protection. Une manière de mettre de la distance. À partir du moment où il vous a adopté, il se montre tel qu’il est vraiment : charmant, fin, cultivé, délicieux, drôle. En plus, à la différence de toutes les stars que j’ai pu rencontrer au cours de ces dernières années, il a une immense qualité : il n’est pas du tout égomane !

 

PdA : Avez-vous fait de réelles découvertes sur l’artiste et l’homme lors de l’édification de cet ouvrage ?

 

B.T. : Le but de ce livre n’était pas de faire des « révélations » plus ou moins sulfureuses mais de retracer une carrière année par année, à la fois à travers ses disques, mais aussi à travers les reportages photo qu’il a accordé à la presse. Ce qui est fascinant, c’est de voir la quantité de choses qu’il a faites en cinquante ans : disques, concerts, tournées, pièces, films, téléfilms, émissions de télévision. C’est un bourreau de travail ! Et en cinquante ans de carrière, il n’a pas connu le moindre passage à vide : il a toujours eu le public de son côté.

 

PdA : Michel Sardou a souvent été et demeure, de par certaines de ces chansons et ses nombreuses prises de position, un personnage controversé. Comment recevez-vous et analysez-vous ses « engagements » ? Sardou est-il « politique » ?

 

B.T. : Politique, non, car ce n’est pas un homme d’engagement. Il n’est inféodé à aucun parti ni aucune idéologie. En revanche, je dirais que c’est un chanteur de société. Depuis ses débuts, il raconte la société française et ses évolutions. Les villes de solitude, consacrée aux villes nouvelles qu’on n’appelait pas encore les cités, c’est Starmania cinq ans plus tôt ! Il n’a pas son pareil pour capter l’air du temps. On lui a collé une étiquette de droite et de facho après Je suis pour, dont il a reconnu que le titre était une erreur - ce n’était en rien un plaidoyer pour la peine de mort, mais l’illustration de la loi du talion.

 

En France, on aime ranger les artistes dans des tiroirs. On lui a fait de véritables procès en sorcellerie : qui peut, sincèrement, douter de la dimension parodique, ouvertement humoristique, de Le temps des colonies ? Il a eu toutes les peines du monde à se départir de cette image. Aujourd’hui, les clivages sont différents, on voit bien à quel point il est avant tout un homme libre. Et c’est ce qui plaît. Dans le monde politiquement correct qui est le nôtre, un artiste qui n’hésite pas à ouvrir sa gueule pour dire ce qu’il pense, cela fait du bien !

 

PdA : L’espèce de détachement désabusé et, en même temps, d’autodérision aux traits prononcés dont il fait régulièrement montre depuis quelques années reflètent-ils à votre avis le vrai de sa personnalité ?

 

B.T. : Désabusé, je ne pense pas qu’il le soit. Il a gardé le même enthousiasme. Regardez les photos lors de sa dernière tournée : il y a dans son regard quelque chose qui pétille. La scène est vraiment son domaine. Mais son regard sur le monde a évidemment évolué, notamment sur le personnel politique… il n’est plus dupe de rien, si tant est qu’il l’ait jamais été. En ce qui concerne l’autodérision : le mot est juste. Non seulement il a beaucoup d’humour, mais il en a beaucoup envers lui-même.

 

PdA : Quelles sont, parmi ses chansons, celles qui ont votre préférence - et pourquoi ?

 

B.T. : Ses grands classiques : La maladie d’amour, En chantant, Les lacs du Connemara, etc. J’aime beaucoup ses chansons d’album, comme on dit : des titres qui ne sont pas voués à devenir des tubes, mais où il exprime des choses très personnelles, avec une qualité d’écriture tout à fait exceptionnelle. J’ai aussi une tendresse toute particulière pour Musulmanes. Vous en connaissez beaucoup, des artistes qui sont capables de propulser au sommet des hit-parades le mot « musulmanes » ? En concert, c’est au moment où retentissent les youyous de la chanson que ses fans accourent au pied de la scène… Preuve que cette chanson vaut tous les plaidoyers pour la tolérance…

 

PdA : Comment définiriez-vous la place qu’occupe, la trace que laissera Michel Sardou dans le paysage musical français ?

 

B.T. : On l’a pris pour un fabricant de tubes ; c’est un artiste singulier qui au fil des ans a construit une véritable œuvre. Il est entré dans le patrimoine français. Voir ses détracteurs d’hier l’encenser aujourd’hui en est la meilleure preuve.

 

PdA : Depuis quelques mois, l’objet premier de notre entretien semble privilégier de plus en plus clairement les scènes de théâtre aux salles de concert. Il chantera encore, ça ne fait aucun doute, mais il semble avoir perdu un peu de cette envie, s’agissant au moins de créations nouvelles. Quel est votre ressenti sur cette question ?

 

B.T. : Il a 68 ans et le marché du disque a évolué. Aujourd’hui, on ne cherche plus à construire des carrières, mais à faire des coups. Il ne se reconnaît pas dans cette évolution. Lui a toujours privilégié la durée. Ses derniers albums ont malgré tout été des succès. Il craint le disque de trop. Et puis, le théâtre est son vieux rêve. Comme il le dit souvent, il est devenu chanteur par accident : il se destinait à être comédien. Il ne fait pas du théâtre par défaut mais par passion.

 

PdA : Pourquoi le fan de la première heure / l’amateur occasionnel / le curieux serait-il, de votre point de vue, bien inspiré de s’emparer de votre livre ? Qu’a-t-il de plus que tous les précédents ? Vos meilleurs arguments ?

 

B.T. : Pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? Parce qu’il y a tout Michel Sardou dedans ! Les coulisses de ses disques, de ses tournées, de ses pièces… Quatre cents photos dont de nombreux documents inédits : Anne-Marie, son épouse, m’a notamment confié de nombreuses photos qu’elle a faites de Michel…

 

PdA : Si vous aviez un message à adresser à Michel Sardou, là, maintenant ?

 

B.T. : « Remets-toi à écrire des chansons ! Ta place est unique, le public suivra. »

 

PdA : Quels sont vos projets, vos envies pour la suite, Bertrand Tessier ?

 

B.T. : Continuer à alterner livres et documentaires pour la télévision, continuer à osciller entre l’univers du cinéma et celui de la musique.

 

Bertrand Tessier

Photo : Thomas Dusseau / SudOuest.fr

 

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Et vous, que vous inspire le parcours de Michel Sardou ?

 

Pour aller plus loin...

20 octobre 2015

« Alain Duverne, mon héros devenu mentor », par Rayane Messagier

Durant les quelques jours où, au début de l’été, les discussions sur les réseaux sociaux ont été vives, franchement vives sur le sort réservé aux Guignols par Vincent Bolloré, patron de Canal+, j’ai eu la chance d’échanger, un peu, avec quelques anciens de la chaîne et fidèles de l’émission créée par le regretté Alain de Greef.  Sur le site dont le logo est un « f » minuscule principalement. Parmi eux, Rayane Messagier, un tout jeune amateur de marionnettes, devenu membre attitré du « fan club » informel d’Alain Duverne, « maman » aux doigts d’or des Guignols (lire notamment, pour mieux le connaître, linterview qu’il m’avait accordée en février 2013). Sur mon invitation, Rayane Messagier a accepté de raconter son parcours pour Paroles d’Actu. La naissance d’une belle passion aux lendemains prometteurs et un hommage à un grand bonhomme, l’ami Alain Duverne. Une exclusivité Paroles dActu, par Nicolas Roche.

 

 

« Alain Duverne, mon héros devenu mentor... »

par Rayane Messagier, le 18 octobre 2015

Pour moi, la marionnette est plus qu’une passion. Au début, je pensais que c’était un art, mais je me suis rendu compte que non, car comme le dit Alain Duverne, la maman des Guignols : « Quand je fabrique des marionnettes, je ne fabrique pas une œuvre d’art, mais un instrument de comédie. »

J’ai quatre ans. Mes parents allument la télévision, ils mettent Canal+. Il était 19:55, et je regardais pour la première fois Les Guignols de l’info. Je fus émerveillé par ces marionnettes. À cet âge, je ne savais pas ce qu’était une marionnette, et je pensais que ces personnages de latex étaient réels. Et vous allez rire, mais quand j’étais petit, j’en faisais parfois des cauchemars. J’imaginais que PPD allait débarquer dans ma chambre pour « me manger tout cru », comme je le disais à mes parents à cette époque.

Cette répulsion, ou plutôt cette phobie, a cessé à l’âge de huit ans, quand j’ai découvert, sur internet, un reportage réalisé pour l’INA qui se déroulait dans l’atelier de fabrication des Guignols : Images et Mouvements (qui a été revendu à Canal+ il y a quelques mois). On voyait toute l’équipe en train de tailler des loups, qui devaient être fabriqués pour un sketch, dans de la mousse de polyuréthane. Et puis, je vois, tout d’un coup, un homme âgé avec une moustache grise à la Salvador Dali, expliquant comment manipuler un Guignol. Cet homme, c’est Alain Duverne, le créateur des marionnettes du Bébête Show, des Minikeums, et surtout, de celles des Guignols de l’info. Je ne me rendais pas encore compte, en regardant cette vidéo, de ce que tout cela allait bientôt représenter pour moi. J’étais encore un enfant, mais j’étais impressionné... Hypnotisé, passionné par ce que faisaient ces personnes.

Fin 2012, j’apprends via les réseaux sociaux que Les Guignols seront présents au Palais de Tokyo à l’occasion de la Nuit Blanche. Je supplie mes parents pour y aller. J’ai essayé de les convaincre de me laisser y aller pendant une bonne semaine, jusqu’à ce qu’ils cèdent. Le 6 octobre 2012, je me rends avec ma mère et deux amis au Palais de Tokyo. Arrivé dans le sous-sol du musée, voyant le décor de l’émission avec les marionnettes en vrai, j’ai eu l’impression de rêver. Totalement. Et, pour la première fois, j’aperçois Alain Duverne et toute l’équipe d’Images et Mouvements. Trop timide pour aller parler à Alain, je reste juste derrière lui à admirer la nouvelle « Guignol », sculptée dans l’argile : Laurence Ferrari. À ce moment-là, Alain Duverne se retourne et me dit : « C’est joli hein ? Regarde, c’est comme de la pâte à modeler ! ». J’esquisse un énorme sourire en voyant toute l’équipe de fabrication. Il y avait Annaïc Penon qui sculptait un buste de Guignol dans de la mousse de polyuréthane, Alain qui discutait avec beaucoup de passants, et Franck Demory qui faisait essayer aux visiteurs le mécanisme des yeux. C’est à ce moment précis que je me suis dit que, plus tard, je voudrais être marionnettiste.

 

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« Première rencontre avec Alain Duverne,

lors de la Nuit Blanche au Palais de Tokyo, en 2012. »

 

Fin 2013, mon professeur de technologie voit mes marionnettes et me conseille de prendre contact avec l’atelier des Guignols pour effectuer mon stage de 3ème dans leur entreprise. Coup de bol : je trouve le numéro d’Images et Mouvements sur Pages Jaunes et je les appelle. Et là, c’est Alain Duverne qui décroche ! Je suis hyper-intimidé parce que cet homme est, en quelque sorte, mon héros, mon idole. C’est lui et Jim Henson (The Muppets, Sesame Street) qui m’ont donné envie de devenir marionnettiste. Et là, j’étais tellement intimidé que je me suis mis à parler avec une toute petite voix. Énorme chance : l’entreprise accepte tous les élèves de 3ème. Et j’ai pu obtenir mon stage aux Guignols.

En décembre 2013, j’effectue donc mon stage chez Alain Duverne pendant une semaine. Je me souviens que la marionnette en fabrication était Stromae, et que je n’arrêtais pas de prendre des photos. Pour vous donner une idée, sur une semaine, j’ai pris près de 150 photos à l’atelier ! En fin de semaine, mon stage se termine, et Alain Duverne me dit que je serais toujours le bienvenu dans l’atelier. Et là, je me dis que ça a été vraiment la plus belle semaine de ma vie.

Depuis mon stage, je me suis beaucoup documenté sur l’univers des marionnettes. Ces recherches vont m’en apprendre beaucoup sur un grand monsieur qui sera ma deuxième idole : Jim Henson. L’univers qu’il a créé à travers les Muppets, The Dark Crystal, ou encore Sesame Street, c’est quelque chose qui m’a captivé dès le premier regard. Je me suis, donc, de plus en plus interessé au monde des Muppets. J’ai pu découvrir à travers des reportages, des tutoriels sur internet, ou des livres, les étapes de fabrication d’une marionnette style Muppet Show.

 

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Depuis, j’ai effectué quelques stages en plus dans l’atelier d’Alain Duverne pour tout savoir sur la fabrication et la manipulation des marionnettes les plus célèbres de France. J’ai pu apprendre, grâce à lui et à l’équipe d’Images et Mouvements, tous les secrets de fabrication d’un Guignol. Et, grâce à ces nombreux stages et visites, j’ai pu rencontrer et rester en contact avec d’autres marionnettistes, comme Mehdi Garrigues, le créateur de Jean-Marc, la créature de Jeff Panacloc, qui est devenu au fil des années un très bon ami. Alain Duverne répète sans cesse que Mehdi et moi sommes son fan club ! Ce qui est complètement vrai.

J’ai pu rendre visite à Alain Duverne à plusieurs reprises depuis cette fameuse crise à Canal+. Contrairement à ce qui peut être raconté dans les médias, l’atelier d’Alain se porte plutôt bien. Il a reçu depuis août une bonne dizaine de commandes, ce qui est un record depuis 1988 pour Images et Mouvements. Alain Duverne forme en ce moment quelques sculpteurs pour Les Guignols, avant de se retirer en juin 2016 pour prendre une retraite bien méritée après quarante ans de bons et loyaux services en tant que marionnettiste.

 

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« L’élève et le maître en plein travail. »

 

Malgré mon jeune âge, j’ai plein d’envies, de projets. Je suis en train de réaliser un documentaire sur Les Guignols que j’aimerais proposer au CVL de mon lycée. J’ai un autre projet, un peu plus important, une web-série de marionnettes style Muppet Show, mais aussi style Guignols/Minikeums. Je n’en dévoile pas plus pour le moment, car ceci n’est qu’un projet, et si ce projet voit le jour, j’aimerais garder cet effet de surprise lors de la diffusion du premier épisode.

Étant donné que mon rêve de pouvoir côtoyer Alain Duverne et l’équipe des Guignols est devenu réalité, mon nouvel objectif serait de pouvoir, un jour, travailler pour la Jim Henson Creature Shop. Je sais que c’est un rêve assez dingue, mais je suis prêt à travailler très dur pour pouvoir faire de ce rêve, une réalité...

Pour terminer : je n’aurais jamais pensé que mon héros, mon idole depuis presque dix ans, Alain Duverne, puisse devenir, en quelque sorte, mon mentor. Et ça, c’est la plus belle chose qui me soit arrivée pour l’instant dans la vie. 

 

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« La photo préférée dAlain Duverne. Lui et Franck Demory se moquant de Manuel Valls,

qui quant à lui se méfie de ces deux trublions... »

 

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« Alain Duverne, en chair et en latex ! »

 

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