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Paroles d'Actu
21 mai 2015

"Programmes d'histoire : Le choc des mots, le poids de l'erreur", par Pierre Branda

La réforme annoncée du collège n’en finit pas de susciter des débats, souvent passionnés ; de soulever des inquiétudes, parfois vives. Plusieurs questions sont en cause : l’avenir des classes bilangues, le devenir de l’enseignement du latin et du grec, le nouveau cadrage des programmes d’histoire, notamment... Dans ce contexte, et sur ce dernier point en particulier, j’ai souhaité donner une tribune à M. Pierre Branda, historien et chef du service « patrimoine » de la Fondation Napoléon (M. Branda a déjà participé au blog : il y a deux mois, il avait accepté de répondre à mes questions portant sur quelques aspects économiques et financiers de la gestion par Bonaparte des affaires de l’État). Je le remercie vivement pour la qualité de son texte, qui m’est parvenu le 21 mai ; et dont je ne doute pas qu’il constituera une pièce de grand intérêt pour alimenter les débats, les réflexions de chacun. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche.

 

 

« Programmes d’histoire : Le choc des mots, le poids de l’erreur »

par Pierre Branda, historien et chef du pôle « patrimoine » de la Fondation Napoléon

 

La sémantique peut parfois se révéler amusante. On a beaucoup glosé sur les perles de ce que certains ont appelé la « novlangue » dans les projets de programmes pour le collège récemment rendus publics par le Conseil supérieur des programmes. Dans leur jargon, la piscine est devenue un « milieu aquatique standardisé » et le terrain de football, un « milieu » lui aussi « standardisé ». On aime aussi cette définition de l’art plastique : « Explorer différentes modalités de représentation par des mediums et techniques variés pour jouer des écarts et des effets produits à des fins expressives ». On n’ose envisager cette recherche linguistique comme une simple illustration d’une forme aboutie de pédanterie moderne. Elle est à plusieurs égards fortement signifiante. Elle prouve le soin voire l’obstination qu’ont mis les rédacteurs de ces textes à vouloir redéfinir des concepts que l’on croyait pourtant bien connaître. On ne s’étonnera pas du reste du mauvais traitement réservé par ailleurs au latin et au grec, matrices essentielles de notre langue, quand celle-ci est à ce point malmenée. En histoire, on pouvait s’attendre au pire. Et le pire est survenu. Si le langage est moins abscons pour ce qui concerne l’histoire, la sémantique est revanche pernicieuse.

 

Rappelons d’abord que l’enseignement de cette discipline s’articule entre sous-thèmes obligatoires, imprimés en caractère gras dans les textes du Conseil, et optionnels, publiés eux en caractère neutre. Evidemment, l’œil se focalise sur les premiers, ce qui est du reste l’effet recherché. Le premier thème proposé pour la classe de cinquième s’intitule « La Méditerranée, un monde d’échanges et de cultures » avec pour sujet d’étude obligatoire « L’Islam, débuts, expansion, sociétés et cultures ». Les mots choisis sont plutôt neutres et l’approche imposée semble essentiellement culturelle et sociétale. C’est un point de vue, au fond pas plus critiquable qu’un autre. Il devient cependant suspect quand on lit la suite. Comme second thème, l’élève est amené à étudier « Société, Église et pouvoir politique dans l’Occident chrétien XIe – XVe siècle », comprendre le Moyen-âge, avec pour point d’orgue « La construction du Royaume de France et l’affirmation du pouvoir royal ». Sans la moindre nuance, religion et politique sont donc liés par l’association des mots Église, pouvoir politique, chrétienté, royaume et à nouveau pouvoir. L’Occident apparaît ici comme une civilisation soumise à une chrétienté complice du pouvoir royal. L’approche peut se défendre mais reconnaissons qu’elle est plus engagée que la précédente. Comme si la religion de Mahomet n’avait pas été elle aussi une alliée déclarée des potentats locaux. Continuons avec la Renaissance et les périodes qui suivent, du moins ce qui en tient lieu. Le thème suivant paraît d’emblée plus séduisant : « XVème – XVIIème siècles : nouveaux mondes, nouvelles idées ». L’Occident serait-il sur le chemin du progrès ? L’enthousiasme retombe immédiatement quand nos yeux sont attirés pas le sous-thème en gras : « L’émergence du roi absolu ». On comprend l’idée, la France commence le XVIIIème siècle corseté par un roi tout puissant. Drôle de « nouveau monde ».

 

En principe, devrait suivre le siècle des Lumières. Voltaire et Rousseau vont-ils enfin faire briller la civilisation ? La réponse est donnée à l’intérieur du thème « L’Europe et le Monde XVIIe – XIXe siècle ». Voici le premier passage obligé : « Un monde dominé par l’Europe : empires coloniaux, échanges commerciaux et traites négrières ». Doit-on désormais désigner le XVIIIème siècle comme le siècle des Ténèbres ? Un élève pourrait à priori le penser. Le second sous-thème obligatoire « La Révolution française et l’Empire » rappelle néanmoins, une fois n’est pas coutume, nos anciens manuels d’histoire. Ne nous réjouissons pas trop vite. L’enseignant n’aura guère de temps pour le traiter, à peine deux ou trois heures à la fin du premier trimestre. Ajoutons qu’en primaire, Napoléon Ier comme Napoléon III sont totalement occultés. Le risque d’un « Napoléon ? Connais pas ! » est donc bien réel parmi les jeunes générations. Ensuite, pour le XIXe, deux sujets uniques doivent être traités : « L’industrialisation : économie, société et culture » et « Conquêtes et sociétés coloniales ». Privilégier le colonialisme et l’industrialisation au siècle de Victor Hugo n’est sans doute pas innocent. À la lecture du premier thème, on songe déjà aux gueules noires de Germinal si chères à Zola. Quand au second, il reprend l’idée de domination européenne déjà soulignée plus haut. Ainsi, aux dominations religieuses et absolutistes succèdent ainsi d’autres formes d’exploitations, celles-ci capitalistiques et universalistes. Toujours aucun progrès décidément sous le ciel européen. Le troisième trimestre de la classe de quatrième débute par la consolidation de la République. Comment pourrait-on l’oublier ? Puis l’année se termine par l’exposé de « La Première Guerre mondiale et les violences de guerre (inclus le génocide des Arméniens) ». La Première Guerre mondiale connut certes des horreurs sans nom mais pourquoi n’envisager que ce seul lien ? Le premier conflit mondial est ainsi réduit à sa seule dimension sanglante. En outre, la précision entre parenthèses concernant le génocide des Arméniens sonne faux. Cet « inclus » est même presque blessant tant il fait penser à un devoir de mémoire hâtivement placé.

 

L’élève de troisième débute son année par les années 30 et la Seconde Guerre mondiale. Deux nouveaux sous-thèmes sont abordés : « L’Europe entre démocratie et régimes totalitaires » puis « La Seconde Guerre mondiale ; génocides des Juifs et des Tziganes ; déportations et univers concentrationnaires ». Un premier trimestre chargé donc et nécessairement démonstratif à propos des abominables crimes contre l’humanité qui furent commis. S’il faut combattre l’obsession malsaine du « détail » que certains répètent en boucle et les révisionnistes de tous poils, doit-on pour autant reléguer au second plan ceux qui se sont dressés contre la barbarie ? Quid de la Résistance ? Quid de l’appel du 18 juin ? Le chant des partisans est-il condamné à retourner à la clandestinité ? Dira-t-on seulement que grâce à de nombreux Français, comme l’a rappelé récemment Serge Klarsfeld, deux tiers des Juifs ont été sauvés dans l’hexagone ? Relisons à nouveau les mots mis et évidence dans ces propositions de programme et relatifs à l’histoire européenne : domination, traites, roi absolu, pouvoir, industrialisation, conquêtes, guerres, violences et enfin génocides. Cette lecture est à la fois fausse et injuste. À force de n’insister que sur les abominations de nos ancêtres, quel avenir construit-on ? Si la jeunesse est amenée à mieux connaître Hitler que Napoléon, que peut-elle en penser ? À l’heure où il nous faut intégrer de plus en plus de jeunes esprits venus d’ailleurs dans la communauté nationale, comment les intégrer sur de telles bases ? Ce serait peut être faire injure aux travaux des historiens contemporains que de revenir sans changer une virgule au roman national d’autrefois. Non, le vase de Soissons ne fut jamais brisé et oui, nos ancêtres étaient si peu gaulois. Mais pour autant, faut-il déconstruire jusqu’à l’écœurement ce qui fut un ferment d’unité nationale ? Ce serait une grave erreur. Une erreur de civilisation même.

 

Pierre Branda

 

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Vous pouvez retrouver Pierre Branda...

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5 décembre 2017

« Au revoir et merci », Jean d'Ormesson vu par François-Henri Désérable

Parmi les impondérables inévitables de la vie, il y a la mort. Il fallait bien que celle de Jean d’Ormesson, tout immortel qu’il fût, survienne un jour. Il vient tout juste de s’éclipser, sans doute avec flegme et mots tombés à pic, lui qui n’était que Lettres et élégance. Il aimait écrire et lire, les échanges et les débats, les femmes et la bonne chère ; bref, il aimait la vie. Il était une source d’inspiration, y compris pour des gens qui ne lisent pas, ou trop peu ; ses écrits resteront et lui aussi, parce qu’on n’oublie pas un Immortel quand il est charmant.

Lorsque j’ai appris, ce matin, la triste nouvelle, j’ai immédiatement proposé à François-Henri Désérable, jeune auteur de grand talent qui lui aussi signe chez Gallimard (ce qui, reconnaissez-le, n’est pas la plus honteuse des cartes de visite pour un écrivain), de coucher sur papier quelques mots au sujet de son illustre aîné, qu’il avait rencontré. Je suis heureux, et disons-le flatté qu’il ait accepté. Bel hommage qu’il lui rend ici. Quant à moi jai aussi, en cette heure, une pensée émue pour l’ami Maxime Scherrer, parti beaucoup trop tôt et qui, lui aussi, l’aimait... Une exclu Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Jean d'O FHD

 

« Au revoir et merci »

Par François-Henri Désérable, le 5 décembre 2017.

 

La première fois que j’ai rencontré Jean d’Ormesson, c’était à Lyon, fin 2011 ou début 2012. Il nous avait parlé tout au long du dîner – d’Aragon, de Pessoa, de Bonaparte, etc. –, avec mille digressions, «  à sauts et à gambades  », mais toujours en retombant sur ses pieds, et je me souviens m’être dit : «  le voilà, le fameux esprit français  ». J’étais avec une jeune fille qui deviendrait ma femme. L’ayant vue, il avait laissé, en guise de dédicace, sur mon exemplaire d’Histoire du Juif errant : «  Vous avez bien de la chance  ».

La dernière fois que j’ai vu Jean d’Ormesson, c’était il y a un peu plus d’un mois, un vendredi après-midi d’octobre, dans le hall des éditions Gallimard. Ce jour-là, il faisait beau. Il m’avait dit : «  À votre âge, j’avais un cabriolet décapotable. Le vendredi après-midi, s’il y avait du soleil, il m’arrivait de partir cheveux au vent avec une amie, et de rouler toute la nuit. Il y a quatorze heures de route entre Paris et Rome. Nous prenions le petit-déjeuner sur la Piazza Navona.  »

J’avais rétorqué : «  J’ai un scooter, Jean. Un 50 cm3. Il roule à 50 km/h, 53 si la route est en pente. Il me faudrait quatre jours pour rallier Rome.  »

À quoi il avait répondu : «  Partez maintenant, et mardi matin, caffè ristretto sur la Piazza Navona.  »

Une petite chose, enfin : il avait le génie du titre  – des vers, souvent, qu’il empruntait à des poètes : Odeur du temps, Et toi mon cœur pourquoi bats-tu, Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit… Nous pouvons le dire aujourd’hui : c’est une chose étrange à la fin que le monde sans Jean d’Ormesson.

 

Jean d'O

 

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5 janvier 2019

« Sport… encore et encore ! », par Christine Taieb

J’ai la joie, pour ce premier document de l’année 2019, de vous proposer un témoignage inspirant et lumineux, là où l’actualité, et le ciel, ne le sont pas toujours. J’ai rencontré Christine Taieb, qui nous raconte aujourd’hui son parcours sportif et sa conception du sport, dans la foulée de mon article de l’an dernier, autour de Véronique de Villèle. Élève assidue de la coach et ancienne co-animatrice, avec son amie Davina, de l’émission culte Gym Tonic, Mme Taieb avait accepté d’évoquer ces cours par un petit clin d’oeil. Nous sommes restés en contact, et elle a accepté donc, de répondre à ma proposition d’écrire le présent texte, qui m’est parvenu dans les tout derniers jours de 2018. Puisse-t-il vous inspirer, et vous donner envie de vous remettre au sport, de vous fixer à nouveau des objectifs à atteindre. Je vous souhaite, à toutes et à tous, ainsi qu’à celles et ceux qui vous sont chers, une heureuse année 2019. Avec pour maîtres mots la santé bien sûr. Et le sport ? Exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Sport… encore et encore ! », par Christine Taieb.

 

Marathon Berlin Sept 2017 C TAIEB

Au marathon de Berlin, en septembre 2017.

 

C’est l’histoire sans doute banale, d’une petite dame normale de bientôt 68 ans qui souhaite partager son expérience, pour aider d’autres femmes tout aussi banales, à accéder à un bon équilibre de vie, par le sport sans records.

C’est mon histoire courte illustrée : une vie parcourue d’aléas et d’obstacles comme nombreuses, apaisée et devenue forte grâce à une activité physique régulière. J’entends par «  normale  »  : ne pas disposer d’aptitudes particulières, et mener une vie très complète par ailleurs  : famille, boulot puis retraite avec engagement associatif très actif, enfants et petits-enfants.

J’ai débuté le sport dès 4 ans sur des parquets flottants, puis délaissé mes chaussons de danse à 44 ans. La petite fille que j’étais ne réfléchissait pas sur le bien-fondé de ses années de conservatoire  : un tutu rose, une pianiste pour rythmer mes entrechats et le travail de souplesse guidaient mes premiers pas … vers le sport.

 

« Parlons franc : il s’agit bien d’"efforts" avec son lot

de sueur, de courbatures et de régularité contraignante

dans l’entraînement : on n’a rien sans rien ! »

 

Quarante années d’une activité qui forge le goût de l’effort, de la rigueur et l’esthétique, le sens de l’équipe et construit une solide détermination, tout en acceptant ses limites. Comment n’ai-je jamais perdu le courage de poursuivre les entrainements malgré un travail exigeant ainsi qu’une vie familiale et associative toujours riche  ? Sans doute dans le plaisir renouvelé d’un corps en harmonie avec l’esprit … et réciproquement  ! Comme une nécessité, un capital en ADN, sans mesurer qu’au fil-de-l’eau tous mes efforts m’ont portée vers bien d’autres satisfactions. Parlons franc  : il s’agit bien d’ «  efforts  » avec son lot de sueur, de courbatures et de régularité contraignante dans l’entraînement  : on n’a rien sans rien  !

J’ai aussi fait partie des adeptes des années aérobic, leur folie et parfois leurs excès. Mon mérite est de n’avoir jamais décroché de la salle de gym, malgré les grossesses, les dossiers à rendre et toutes les bobologies. Les pratiques fitness sans cesse renouvelées ont su nourrir mon besoin de curiosité: monotonie ne rime pas avec envie  !

À l’âge où le grand écart se fait plus ingrat, et le hasard d’un coaching inspirant, m’ont offert la découverte des épreuves pédestres  : une salade composée de course, trek, marche ou trail, sur un principe simple  : «  tu mets un pied devant l’autre …  et tu recommences». Après des premiers pas prudents et progressifs  - 10, 20, 42,195 km, … jusqu’aux 100 km récemment -, voici près de 30 ans que j’accumule les kilomètres sur piste, route, avec ou sans dénivelé, dans les campagnes françaises, le désert, ou l’autre bout du monde, sans jamais délaisser le travail équilibrant de «  barre au sol  », la danse sans les déplacements.

 

Barre au sol - Nov 2018 - CTAIEB

Ingrat, ingrat... tout de même ! ;-)

 

Pour pimenter le menu, quelques détours sur des courses à obstacles comme Mudday, Frappadingue ou Muddy Angel, viennent agrémenter la saveur du challenge sportif et ludique en équipe.

À l’approche des 70 ans, dame santé reste ma fidèle amie à qui je concède une vie et une nourriture saines et des choix de vie éclairés. Ma recette-équilibre est faite d’un sage 50/50 : écoute bienveillante de mes sensations et exigence mesurée. Le prix d’un entraînement régulier ne doit jamais me priver d’une vie sociale aussi riche que nécessaire.

Rester connectée avec mon organisme, apprécier le sport outdoor qu’il pleuve, neige ou vente  : les baskets ne sont jamais bien loin  ! Apprendre à comprendre mon corps, respecter ses limites et ses talents, c’est aussi apprendre à comprendre les autres en restant en éveil, solidaire des différences et s’offrir d’être en paix avec ses rêves.

Le sport témoigne que l’impossible est possible, même sans capacités particulières ni goût de la performance, en gardant motivation et en développant la confiance en soi. Lui adjoindre une dimension solidaire au départ de certaines épreuves, le plus souvent au profit d’une association aidant à lutter contre la maladie, c’est aussi mettre du sens à un projet et traduire cette complicité. Se dépasser, c’est construire des objectifs, être inspirée par des talents et des conseils avisés, donc savoir écouter.

Oser se confronter à un nouveau challenge est une transgression jouissive. J’ai pleuré au départ de mon premier marathon à 60 ans. J’ai été très émue de réaliser mon premier triathlon (format XS) et mon premier 100 km cette année à 68 ans. Je reste émue aux larmes à chaque passage de ligne d’arrivée, comme une enfant qui rêve éveillée. Il est bon de se surprendre, même si bien entendu mon niveau n’impressionne aucun champion.

 

« Mon exploit reste au fond de mon cœur : arriver souriante,

sans blessure tout en gardant l’envie de recommencer. »

 

Mes temps sont très lents et les pros, addicts ou plus jeunes peuvent en témoigner. Mon exploit reste au fond de mon cœur  : arriver souriante, sans blessure tout en gardant l’envie de recommencer. Souvent voisine de la voiture balai, je vis de purs moments de solidarité autour des courageux derniers de la vague, souvent en difficulté. S’échanger un mot d’encouragement ou une barre de céréales devient un geste d’amour et procure d’émouvants souvenirs.

Le sport c’est aussi accepter, autant que s’accepter : l’embonpoint post-ménopause, les épreuves par grand froid, la régularité de l’entrainement programmé, le brushing jamais parfait, mais aussi le respect des règles, des barrières horaires, des temps de récupération, des alertes blessures aux sensations. Bref, être dans la vraie vie, celle qui impose de ne jamais se prendre au sérieux et de garder de la hauteur sur les êtres et les événements qui entourent.

Le sport c’est aussi une grande liberté de choix devant la palette d’épreuves pédestres chaque jour plus nombreuses. M’être confrontée cette année à de nouvelles disciplines comme un relais vélo sur route, le «  Triathlon des Roses  » et le «  100 km de Millau  », ont nourri avec bonheur mon goût de la diversité. Préparations, déplacements, challenges et contextes  : chaque fois différents, chaque fois très enrichissants, dès le partage sur le spot de départ jusqu’à la grande arche de la ligne d’arrivée.

Dans cette troisième tranche de vie, je réalise que le sport aura toujours été un fidèle ami. Il m’a aidée à être plus forte devant les épreuves et plus sensible aux autres, me permet de rester connectée à la nature, m’impose sa règle d’or «  ne jamais se prendre au sérieux  » et penser à tous ceux qui n’ont pas la chance d’une santé solide.

Finalement, le sport reflète un art de vivre, conscient que les efforts sont récompensés, que la nature humaine est complexe et riche et que chaque challenge, même modeste, est un nouveau graal. Je privilégie l’endurance à la vitesse pour savourer chaque sortie, solitaire ou collective, comme un partage d’émotions.

 

« Le sport aide à accepter les déceptions : l’échec devient

une expérience, la colère s’estompe devant la réflexion

et la rancœur s’efface pour de la confiance. »

 

Le sport n’est pas une recette miracle. Triste, serait une vie toute tracée comme une voie parfaitement lisse. Le sport aide à accepter les déceptions : l’échec devient une expérience, la colère s’estompe devant la réflexion et la rancœur s’efface pour de la confiance.

Le père Noël vient de m’adresser le calendrier des courses 2019  : 6.000 épreuves et 2.700 trails en couverture. Résultat  : un agenda sportif déjà bien rempli jusqu’en 2020 et l’envie intacte de me mesurer à des défis, même modestes. Que me réservera l’année 2021, celle de mes 70 ans  ?

Enfin, pour ma future mais inévitable et joyeuse reconversion, le terrain est lui aussi déjà balisé. Bénévole depuis déjà plusieurs années sur certaines épreuves, je sais que mes émotions y sont presque plus fortes qu’en tant que participante. Les échanges sont authentiques et la bienveillance réelle, tant au sein des fidèles équipes de bénévoles qu’avec les sportifs. Le sport n’a donc pas fini de continuer de me faire vibrer.

Puisse mon témoignage, aider des femmes, quand bien même une seule, à oser pratiquer un sport, ne pas lâcher devant la difficulté pour en mesurer tous les bienfaits, prendre du plaisir et intégrer la grande famille du sport-réconfort … sans plus jamais utiliser les escalators  !
Alors, le sport ça va fort  ! … d’accord  ?

Christine Taieb, le 29 décembre 2018.

 

Trianthlon des Roses Sept 2018 C TAIEB

Lors du Triathlon des Roses, en faveur de la recherche sur le cancer du sein, en septembre 2018.

 

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14 octobre 2019

« Jacques Chirac aimait les Français et voulait qu'on respecte la France... », par Marie-Jo Zimmermann

La disparition de Jacques Chirac, qui présida aux destinées de la France de 1995 à 2007, a provoqué des vagues de réactions, souvent émues, de la part de personnalités, politiques ou non, et d’anonymes qui avaient grandi, mûri, ou même étaient « nés sous Chirac ». L’homme n’était pas parfait, et son bilan à bien des égards, contestable, mais il était humain, pétri d’humanisme et porté en son action par les valeurs qu’il avait fait siennes, au prix parfois de complications politiques ou diplomatiques. Fin connaisseur de l’histoire et de l’art de vivre de peuples aujourd’hui oubliés, quand ils ne sont pas regardés de haut, il avait eu à coeur de partager ce savoir, et le musée du quai Branly, qui porte aujourd’hui son nom, constitue peut-être son plus bel héritage. Procédant d’un même esprit, il s’est agi, lors de son refus de soutenir à défaut dargument convaincant la volonté d’offensive étatsunienne contre l’Irak en 2003, du message d’un « vieux pays » qui avait un passé, et la conscience de l’infinie complexité de la situation moyen-orientale : la suite des événements lui a malheureusement donné raison, entre chaos perpétuel, sang versé, et rancoeurs accumulées - avec peu de signes d’espoir sur ces fronts-là. Cette décision, qui fut sans doute l’acte majeur de sa présidence, était dans la ligne de sa pensée : privilégier toujours, sur les grandes questions, le temps long, et refuser d’aller trop rapidement vers des réponses simplistes ; rejeter enfin ce qui pourrait humilier l’autre et nourrir des ressentiments.

Je laisse la parole, pour évoquer Jacques Chirac, à Marie-Jo Zimmermann, Messine qui fut députée pour la Moselle dix-neuf années durant, et fidèle à titres personnel et politique du président défunt. Je la remercie d’avoir accepté de nous livrer un texte, et de répondre à mes questions, et salue Pierre-Yves Le Borgn’ qui a facilité cette prise de contact. J’ai enfin une pensée particulière, ce soir, pour Claude Chirac et Frédéric Salat-Baroux. En souvenir d’un moment, en juillet de cette année, à Paris, ville que « Chirac » aimait tant... Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

  

partie 1: le texte de Marie-Jo Zimmermann

« Le président Jacques Chirac aimait les Français

et voulait qu’on respecte la France... »


Le 26 septembre 2019, le président Jacques Chirac rentre dans l’histoire. Après l’hommage des Français, l’hommage des Grands de ce monde, la journée de deuil national, son oeuvre appartient désormais aux historiens.

Le président Jacques Chirac, en trois dates :

1995, la fracture sociale. C’est l’équipe qu’il a constituée avec Philippe Seguin qui donne à la fracture sociale tout son poids. C’est sa connaissance du terrain, de la vie des Français qui donne à ce thème toute sa réalité. Les Français comprennent à ce moment‐là que c’est le président qui saura le mieux gérer leur pays. Il est élu.

2002, le discours de Johannesburg. « Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs ». Cette phrase montre à quel point le président Jacques Chirac était conscient, avant beaucoup d’hommes politiques, de l’asphyxie de notre planète. Ce message qu’il délivre au monde entier aboutit en France à l’entrée de la Charte de l’environnement dans la Constitution. J’ai vécu comme parlementaire ce débat, qui a suscité à la fois au sein du Parlement mais également dans l’opinion, un début de prise de conscience de la question environnementale. À de nombreuses reprises, certains parlementaires ont essayé d’abroger cette Charte et aujourd’hui, nous sommes tous conscients que cette entrée dans la Constitution a été elle aussi un acte visionnaire.

2003, le « non » de la France à la guerre en Irak. C’est chez le président Jacques Chirac, une vision, mais aussi une capacité liée à son goût de l’histoire, d’anticiper ce qui pourrait bouleverser les règles du jeu dans cette partie du monde. Il a parcouru la planète, écouté les dirigeants du monde entier et surtout cherché à comprendre les peuples. Il se pose en médiateur pour développer des inspections sur place mais surtout, il prend une décision, non pas contre les États‐Unis mais simplement, ayant lui‐même connu la tragédie de la guerre, il sait qu’elle fera naître des fractures et des blessures dans une partie du monde déjà très fragilisée. C’est le discours de Dominique de Villepin du 20 janvier 2003 qui pose le véto de la France.

Ces trois actes majeurs du président Jacques Chirac font de lui un visionnaire, un homme d’État.

Le président Jacques Chirac avait une personnalité incroyablement pudique et secrète. Il a, en politique intérieure comme en politique extérieure, toujours privilégié le temps long et c’est en cela qu’il est un homme d’État. Les Français, en lui rendant hommage avec ferveur, ont reconnu en lui, non seulement le chef d’État mais également l’homme qui les a aimés, qui a aimé la France en voulant que le monde entier la respecte.

M.-J. Zimmermann, le 1er octobre 2019.

 

Marie-Jo Zimmermann

 

partie 2: l’interview avec M.-Jo Zimmermann

Quand avez-vous rencontré Jacques Chirac et quel souvenir fort retiendrez-vous de lui à titre personnel ?

Ma première rencontre avec Jacques Chirac a été en tant que militante lors de meetings de sa campagne présidentielle, dès 1981. Mon souvenir le plus fort : le 3 février 1998, lors de mon arrivée à l’Assemblée nationale, mais surtout lors du déjeuner à l’Elysée le même jour. J’ai eu l’infime honneur de déjeuner à sa droite et d’avoir avec lui une conversation sur le rôle du député. Certes c’est celui qui vote les lois à l’Assemblée nationale, mais selon le président Chirac c’est celui qui doit avoir le souci permanent des femmes et des hommes de sa circonscription. C’est un élu de terrain qui fait remonter à Paris les préoccupations des Français. À partir de là, mission m’était donc donnée d’être une élue de terrain, très proche de ses habitants. Régulièrement lors de mes rencontres avec le président Chirac à l’Elysée, et même après 2007, sa seule préoccupation concernait l’état d’esprit des Français.

Étiez-vous une chiraquienne et si oui c’était quoi : une doctrine ou un attachement à l’homme ?

Oui j’étais et je reste une chiraquienne. Oui il m’a convaincue qu’être proche de sa circonscription, c’est le fait majeur pour un député. Le thème qui m’a le plus marquée, c’est celui de la fracture sociale. En cela, il avait fait sienne la doctrine de Philippe Séguin qui a été pour moi, comme Jacques Chirac, un modèle en politique.

Quel est à votre sens l’héritage politique de Jacques Chirac ?

Le président Chirac a été l’homme de la fracture sociale. En cela, un homme comme Xavier Bertrand peut être un de ses héritiers. C’est l’homme également du « non » à la guerre en Irak. En cela, Dominique de Villepin peut être un héritier. Le président Chirac, c’est avant tout une vision de la France sans sectarisme et une vision de monde réfléchi afin d’éviter des conflits meurtriers. C’est l’homme politique qui, tout en étant le représentant d’un parti sur lequel il s’est appuyé et qui lui a permis d’être élu, est capable de s’en détacher pour répondre avec intelligence et pragmatisme aux attentes d’un pays. C’est aussi pour lui aller à l’encontre de certains de ses compagnons pour imposer sa vision du monde : le « non » à la guerre en Irak en est l’exemple type.

Interview du 14 octobre 2019.

 

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16 décembre 2014

Florian Bunoust-Becques : "La culture, un art made in France"

À la suite de conversations que nous avons eues autour de sujets divers et variés, politiques ou non, j'ai eu envie d'inviter Florian Bunoust-Becques, étudiant, jeune citoyen engagé dans la "vie de la cité", à écrire pour Paroles d'Actu un texte, une sorte de tribune portant sur une thématique dont je savais qu'elle lui importait et qu'elle était fortement susceptible de l'inspirer : la culture. Sa réponse m'est parvenue le 15 décembre. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

PAROLES D'ACTU - LA PAROLE À...

Florian BUNOUST-BECQUES: « La culture,

un art 'made in France' »

 

Florian Bunoust-Becques

Crédits photo : Xavier Santagata.

 

   Elle est le reflet de nos songes, ceux de nos jours opaques et de nos soleils quotidiens. Si la musique « adoucit les mœurs », la culture est le reflet de nos pensées obscures et de nos joies. L'art canalise les sens, il concentre l'instant d'émotion en une matérialisation abstraite. Décoder l'art, c'est vouloir pénétrer dans l'intimité de l'artiste. Se faire le psychiatre de Picasso, Lamartine, ou Mozart... Vaste ambition. Art et culture sont indissociables et complémentaires. C'est un monde parallèle qui sommeille. Des vieilles pierres aux collages plastiques, la démarche solitaire vers la culture ne doit pas être considérée comme une fatalité. Au contraire.

   À l'heure où notre quotidien est tourné vers l'individualisme des modes d'expression et de communication, chacun détient ses propres sources d'accès au savoir. Une société qui tend vers un matérialisme exacerbé. Soit. Acceptons-le ou refusons-le, mais ne combattons pas la démarche personnelle qui consiste, un jour ou l'autre, à franchir la porte de l'un de nos 1 200 musées, à vouloir visiter une bibliothèque ou une exposition. Chercher à pousser, par des moyens maladroits, le citoyen vers des lieux concentriques est une erreur. Encourager l'accès à des lieux de rencontres et d'échanges est, je crois, préférable. C'est d'ailleurs, à mes yeux, la solution qui permettra de développer davantage l'éveil culturel, et notamment chez les plus jeunes.

   En France, contrairement aux idées reçues, et malgré un contexte économique difficile, le nombre de visiteurs des lieux touristiques et culturels a augmenté de manière significative (il sétablissait à 62 millions en 2013). Si les étrangers sont friands de la culture et du patrimoine hexagonaux, les Français eux-mêmes tendent à s'intéresser davantage à leur propre richesse culturelle. Ils sont même de plus en plus nombreux, depuis quelques années, à privilégier les séjours français par rapport aux destinations européennes. Un repli sur soi, diront certains, un choix économique et aussi... patriotique pour d'autres. Le succès du « Puy du Fou », en Vendée, classé meilleur parc au monde par le Thea Classic Award 2012, a récompensé un projet qui a su mettre en scène l’histoire par une approche ludique et familiale ; rien de mieux pour séduire petits et grands. Quoi qu'il en soit, la France attire. la France rapporte : la valeur ajoutée directement liée au tourisme était estimée, en janvier 2014, à 57,8 milliards d'euros - soit 3,2% du PIB.

   Pour favoriser cette démarche, plusieurs moyens s'offrent à nous, ou plutôt à ceux qui ont les pouvoirs d'engager ces grandes dynamiques : les pouvoirs publics. N’en déplaise à Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, la politique culturelle engagée depuis de nombreuses années consiste à promouvoir les artistes modernes, au détriment de notre patrimoine historique. Dans ce domaine, c'est la part belle faite aux contemporains face aux érudits du classicisme, relégués au second rang, non faute de public, mais, ai-je envie de dire, par idéologie. Un constat que partage Ben Lewis, critique d'art et réalisateur britannique : « Je ne dis pas que l'art contemporain n'est pas de l’art. Je dis que c'est du mauvais art. Britannique et témoin direct de l'émergence de la scène anglaise, je connais nombre des artistes qui ont fait de l'art contemporain ce phénomène financier, émotionnel et envahissant. » On est saisi par ce contraste aisément perceptible entre, d'un côté, le financement d'expositions mettant à l'honneur un artiste, parfois pour plusieurs millions d'euros - bien souvent, des caprices de riches mécènes -, alors qu'au même moment, nombreuses sont les fondations, associations, galeries d'art, théâtres et compagnies artistiques qui crient famine et errent à la recherche de la moindre subvention, de quelques milliers d'euros. Oui, la politique culturelle entretient aujourd'hui un fossé extraordinaire d'inégalités des dotations et des financements de l’État et des donateurs privés. Un État qui, au même moment, tente de passer en force sur le régime des intermittents du spectacle. Un non-sens loin d'être profitable à l'image des artistes et des acteurs culturels en France. Un secteur qui, pour information, génère près de 670 000 emplois directs et contribue sept fois plus au PIB que l’industrie automobile.

   Si la dynamique ne vient pas d'en haut, elle doit venir de la base. L'échelle locale est actuellement la plus active et généreuse dans la promotion culturelle. Communes et collectivités locales ont pris depuis plusieurs années le relais de l’État sur ce sujet, notamment par la promotion et le financement de nombreux festivals, salons et fêtes thématiques associant patrimoine et terroir - du "Made in France" local apprécié à la fois par les autochtones et par les nombreux touristes de passage chez nous. Les milieux associatifs sont aujourd'hui de puissants relais, mais aussi développeurs de culture. Ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes qui participent à la vie des 25 000 associations culturelles qui se créent chaque année. Une tendance en sursis, compte tenu des coupes budgétaires et de la baisse des dotations envers les collectivités. De l'argent en moins qu'il va falloir économiser ailleurs. La culture en première ligne, dans l’ombre de la précarité.

   La culture n'est pas uniquement - et ce depuis longtemps - le monopole des toiles, sculptures, concerts... Elle est un mode de vie, une trace du passé et la figure de l'avenir. Elle est cette sève qui coule dans les veines d’un pays. La culture, c'est le rapprochement de la terre aux racines, à l'attachement spirituel et philosophique de l'homme avec un grand « h ». Ce qui est visible et imperceptible. Ce que, parfois, seul l'imaginaire peut transcrire… La culture vient nourrir l'art, celui du quotidien comme des grandes manifestations populaires. L'un se faisant le reflet de l’autre. Miroir chronophage de ces artistes, les « beaux-arts » ont tendance à devenir la transgression du vrai et du réel. Irriguée par des empreintes fortes, la culture française nourrit une passion dévorante pour certains, un regard dubitatif pour d’autres. Cette culture séculaire où sont brocardés, à coups de jugements tutélaires ou prohibitifs, tel ou tel témoignage de l'histoire et du temps. Une idée partagée avant l'heure par André Malraux dans La Métamorphose de Dieu : « L'œuvre surgit dans son temps et de son temps, mais elle devient œuvre d’art par ce qui lui échappe. » Autant dire que les occasions de promotion de la culture sont multiples, même si le contexte actuel n'est malheureusement pas toujours enclin à tirer celle-ci vers les sommets auxquels elle pourrait prétendre. Là où l'art s'exprime, la communauté bat son plein, les idées naissent, foisonnent et fusionnent, les projets se concrétisent, et la France s'épanouit.

 

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6 juin 2020

« L'artiste endormi », par Silvère Jarrosson

Le peintre Silvère Jarrosson, auteur en 2015 d’un autoportrait touchant et inspirant pour Paroles d’Actu, propose ici une tribune libre, un texte poétique dans lequel il livre un regard original sur la démarche de création : « L’artiste endormi ». Je l’en remercie et vous invite, que vous soyez amateurs d’art ou simples curieux, à venir découvrir son oeuvre. Exclu, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

« L’artiste endormi »

par Silvère Jarrosson, juin 2020

Dans les derniers chapitres du Roi des Aulnes, Michel Tournier décrit trois positions dans lesquelles dorment les enfants d’un internat : sur le dos, sur le ventre ou sur le côté. Les postures de ces enfants endormis sont décrites comme trois façons d’embrasser le sommeil. Elles apparaissent comme différentes conduites que l’on peut choisir d’adopter face à la vie. Les enfants s’endorment comme certains partent en voyage ou se mettent à peindre : comme une simple façon d’exister.

J’aime à penser que l’on peut être artiste comme un enfant endormi, dont les rêves mystérieux sont les œuvres. Beau dans l’existence, émerveillé et inconscient.

Première posture, latérale. En dormant sur le côté, l’enfant-artiste rejoint le foetus, se referme et rêve pour lui-même. Son art s’apparente alors à une recherche timide et personnelle. Il s’agit d’un art centripète, dont le nombril est le centre. Deuxième posture, sur le dos. Probablement plus confiant, l’enfant-artiste regarde le ciel, sans pudeur. Il rêve peut-être d’ascension. Un artiste mondain somme toute, et un art centrifuge, destiné aux autres. Troisième posture, sur le ventre. Dans cette position, l’enfant-artiste n’est ni vraiment en communion avec lui-même, ni tourné vers les autres. C’est à la terre qu’il se donne, vers elle qu’il se tourne. Face aux profondeurs, on devine que son œuvre pourrait en être le miroir. On a alors affaire à un artiste tellurique, tourné vers les entrailles du monde, avec lequel ses rêves résonnent.

Le ballet Les Sept danses grecques de Maurice Béjart s’ouvre d’ailleurs sur une séquence durant laquelle, avant de danser, les danseurs remercient eux aussi le sol qui les soutient, en l’effleurant. Dorment-ils également sur le ventre pour embrasser la terre ? Nul doute que la danse de Béjart est ancrée dans le sol, et tournée vers lui.

L’enfant-artiste et ses trois postures ensommeillées est une image qui m’intéresse, car elle peut nous permettre de comprendre et d’apprécier la peinture (et la danse). Elle m’a moi-même guidé dans mon cheminement artistique. Chacune de ces postures est une attitude que l'on peut adopter face au monde, et donc, par extension, face à une œuvre d’art. Elles m’ont appris à regarder mon travail, et à le juger. J’ai débuté mes premières années de peinture comme un enfant endormi sur le côté, pour moi-même et sans me soucier du regard extérieur. Replié en foetus et sûr de ma démarche picturale, je ne jugeais mes œuvres que d’un point de vue strictement personnel. « Cette œuvre est bonne car je la trouve bonne. » Point de vue auto-centré, toujours très tentant pour qui ne souhaite pas se soumettre aux aléas de la critique. Point de vue facile aussi, qui se cache derrière une certaine vision de la création artistique pour éviter d’avoir à se remettre en question.

Cette posture d’évitement m’est apparue insuffisante, et je me suis tourné vers le public, au gré de certaines expositions notamment. J’étais alors un enfant endormi sur le dos, tourné vers les gens et acceptant que mon travail soit jugé et accrédité par les autres. Reconnaissance sociale. « Cette œuvre est bonne car elle est considérée comme telle par les autres. » Posture plaisante puisqu’elle permet de se faire apprécier. Posture mercantile aussi, puisqu’elle revient à peindre ce que demande le public. Et donc posture insuffisante, puisque le public ne demandera jamais autre chose que ce qui existe déjà.

Il reste alors à adopter la troisième posture, celle de l’enfant dormant sur le ventre. Contact intime et réconfortant avec la réalité, stabilité apaisante de la joue plaquée contre le drap. Lorsqu’il dort sur le ventre, l’enfant-artiste prend appui sur la terre, comme un danseur au moment de s’élancer. L’œuvre n’a alors plus besoin de validation extérieure, car elle devient sa propre démonstration. Elle est juste dans ses fondements telluriques, donc elle est juste.

Le foetus cherche sa force en lui-même, le mondain croit la trouver chez les autres. L’enfant de la terre la puise dans le sol, comme un danseur de Béjart. Pour lui, peindre revient à prendre appui sur le monde, pour nouer avec lui une relation qui engendrera l’œuvre. Est-il encore besoin de valider son travail a posteriori ? L’enjeu artistique n’est plus là. On pensera ici à Vendredi se glissant entre les racines d’un arbre pour que la nature puisse enfanter de leur symbiose (dans Vendredi ou la vie sauvage, un autre texte de Tournier).

Je voudrais peindre comme un enfant endormi sur le ventre, être cet esprit guidé par ses rêves, dans un état second. La nature humaine parle à travers ces enfants artistes. Ils en sont la voix.

 

S

« Hommage à Antonin Artaud, performance de Silvère Jarrosson

à la Villa Medicis, juin 2019. Curateur : Cristiano Leone. »

 

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27 août 2020

Bob Sloan, un hommage personnel

Cet article ne ressemble à aucun autre publié ici et, disons-le tout net, j’aurais préféré ne jamais l’écrire.

Il y a deux mois disparaissait Bob Sloan. Ce nom ne dira sans doute pas grand chose à grand monde parmi vous. Il me tient pourtant à cœur de vous parler un peu de lui, et de vous le présenter, quitte à aller pour une fois sur quelque chose de plus personnel sur ce blog.

Au commencement de cette rencontre, qui vaut bien à mon sens le présent hommage, il y eut un article, basé sur une interview à distance qui m’avait été accordée en avril 2016 par Grégor Trumel, alors consul général de France à La Nouvelle-Orléans. Un échange enrichissant avec un passionné connaissant très bien la Louisiane, l’histoire commune entre la France et les États-Unis, et les enjeux liés à la francophonie.

Le contact avec M. Trumel fut des plus agréables, et après publication de l’article, la discussion s’est prolongée. Curieux de découvrir, pour une idée de reportage futur, des parcours de francophones basés en Louisiane, je lui ai demandé s’il accepterait de me proposer un ou deux noms de personnes avec qui entrer en relation. Il m’en a proposé un : « Bob Sloan, universitaire de haut niveau et ancien directeur juridique de la compagnie Entergy. Très brillant et francophone. »

Bon, autant dire que, vu le profil du monsieur, et mes restes de timidité, je ne savais pas trop comment m’y prendre pour un premier abord, qui forcément serait un mail. Dans ce courrier, je me suis présenté un peu, 31 ans à l’époque, créateur de blog et grand curieux d’une Amérique jamais encore découverte (toujours pas à ce jour, mais j’espère le faire bientôt). Sa réponse, qui ne tarda pas, fut courtoise et d’emblée bienveillante : avant de l’écrire, il avait lu les deux articles que je lui avais proposés en lien et m’invita à un échange plus direct via Skype.

Le support de nos discussions, ce fut WhatsApp. D’abord du chat, pour se connaître un peu mieux, et affiner les formes de l’échange. Au départ, j’écrivais « Mr Sloan », normal. Très vite il m’a mis à l’aise : « Nicolas, je m’appelle "Bob", ou "Robert" si vous préférez, mais certainement pas Mr Sloan... ». Beaucoup de sujets abordés, au cours des discussions : les États-Unis, et la France, volets politique, diplomatie, économie et culture, les rapports et comparaisons entre nos deux pays, le nucléaire dont il était un expert reconnu, les débats d’idées qui le passionnaient, le sport et la religion... La famille. La vie, la vie tout court. Et l’Histoire, passion commune, même si évidemment sur ce sujet et sur les autres, il en savait beaucoup plus que moi. Mais il avait la bonté de ne jamais me le faire sentir.

 

Guy de Montlaur

Autoportrait sans indulgence, par Guy de Montlaur, 1969.

 

Sans grande surprise il y avait, dans notre panthéon commun, Churchill et de Gaulle, objets de pas mal de nos dialogues - qui de chats écrits, sont rapidement devenus téléphoniques, en général les jeudis après-midi. Cette histoire qu’il connaissait très bien, était aussi intimement liée à celle de sa famille, et notamment de sa belle-famille : son beau-père Guy de Montlaur, disparu en 1977, fit partie des fameux commandos Kieffer, ces Français Libres qui débarquèrent en Normandie en juin 1944, puis en Hollande. Il me parlait beaucoup de cet homme, peintre reconnu que lui n’avait pas connu mais qu’il admirait, et il me parlait souvent, avec admiration autant que tendresse, de la fille de celui-ci, son épouse Dauphine, enseignante comme lui à l’université de Tulane (La Nouvelle-Orléans), et chanteuse lyrique.

Après plusieurs mois de dialogue constamment agréable, une opportunité de rencontre fut trouvée lorsqu’il se rendit à Paris en juin 2018. L’occasion pour moi de retourner voir Paris, six ans après ma dernière visite de la capitale. Le rendez-vous fut pris pour le 17 juin, du côté de l’École militaire. De menus cafouillages et problèmes de communication ont retardé le moment tant attendu, mais ce fut résolu bien vite, et je l’ai retrouvé au café « La Terrasse », pour le petit-déjeuner. Moment souriant et de curiosité mutuelle, deux ans ou presque après nos toutes premières discussions par mail. La journée s’est poursuivie par une bonne balade qui nous a conduits jusqu’au Trocadéro, via le Champ-de-Mars et ses inévitables bataillons de vendeurs de Tour Eiffel. J’en ai tiré une belle photo que je garderai précieusement.

 

Bob

 

Une fois séparés, nous convînmes assez vite de nous revoir durant mon séjour. Le 19, soit deux jours plus tard, nos retrouvailles se firent côté Saint-Germain, aux pieds de Danton. Nous déjeûnames dans un restaurant, je n’ai pas retenu son nom, mais la déco était marine. Mille autres discussions alors, le monde refait en quelques minutes, sur fond sonore de match de foot, en pleine coupe du Monde qui, un mois après, allait voir la consécration de l’équipe de France. L’après-midi se poursuivit par une déambulation qui devait nous conduire jusqu’au jardin du Luxembourg. C’était en tout cas notre objectif, mais Paris étant vaste et ses rues parfois sinueuses, nous nous y sommes pris à plusieurs reprises avant d’atteindre le Sénat et son joli cadre. Nous avons certes un peu perdu notre chemin, mais ce fut souriant et ces écarts nous ont même permis, au hasard d’un détour, de passer devant un établissement qu’il avait fréquenté lors de ses études en France.

Je ne saurais dire, et cela importe peu, si Bob était un démocrate d’après la classification politique américaine. Ce que je sais, c’est qu’il était triste, et même malheureux, d’assister jour après jour, et tweet après tweet, aux démonstrations de vulgarité revendiquée du président des États-Unis, Donald Trump. Lui était un humaniste, ça se sentait quand on l’écoutait parler, ou même simplement, quand son regard et son sourire croisaient les vôtres. Je lui ai dit à une ou deux reprises que je le croyais apte à assumer le job, et je le pensais sincèrement : son expérience des affaires, de la politique et de la diplomatie, son intellect, sa curiosité des dossiers et des gens l’auraient qualifié pour devenir, je crois, un homme politique américain de haut niveau, qui eût été intègre et efficace. Je le lui avais promis : j’aurais été parmi ses premiers soutiens pour la campagne, « Sloan for America 2020 », si et seulement si il avait eu envie de cette vie de fou, évidemment.

Bob est mort, et Trump garde encore des chances d’être réélu en novembre. Le monde est parfois mal fait. La nouvelle de sa maladie et de la gravité de celle-ci, qui m’est parvenue deux semaines avant son décès, m’avait beaucoup peiné. C’était un homme bon, aimé d’un grand nombre de personnes qu’il avait côtoyées dans sa vie, et d’abord évidemment des siens. Il y avait un projet, vague et un peu lointain mais dont la perspective m’enchantait : visiter avec lui La Nouvelle-Orléans, cité fascinante si l’en est, ou encore son petit coin de paradis breton, près de Saint-Malo, terre en laquelle il repose désormais. Un symbole touchant, pour cet Américain qui aimait tant notre pays, sa culture, son terroir et son histoire.

Lors des obsèques de sa fille Marie, Jean-Louis Trintignant avait cité cette phrase que jai toujours retenue : « Ne pleure pas celle que tu as perdue. Au contraire, réjouis-toi de l'avoir connue. » Je suis heureux d’avoir eu la chance et le privilège de connaître Bob Sloan. Je reprendrai un de ses mots à lui, toujours curieux et toujours enthousiaste : il était quelqu’un de très « chouette ». Je remercie Grégor Trumel, Dominique Wolton, et George de Montlaur pour avoir considéré, chacun avec gentillesse, ma proposition première d’hommage à plusieurs voix, pour Paroles d’Actu. Je salue chaleureusement sa veuve Dauphine et leurs enfants, que j’espère rencontrer un jour. Et j’envoie mes bonnes pensées à chacun des lecteurs et interviewés du blog : j’en ai rencontré quelques uns, avec bonheur, mais j’aimerais en croiser bien d’autres, pour d’autres belles expériences humaines. Quant à toi Bob, mon ami, de là où tu es sois sûr de cela : I’ll always remember Paris, your smile and your kindness to me.

 

Bob and I 2018

 

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19 mai 2015

Regards sur l'état du monde... et de la société française : printemps 2015

Fin mars, fidèle à mon habitude d’inviter de jeunes citoyens engagés en politique à s’exprimer sur des questions d’actualité, j’ai proposé à cinq d’entre eux, de familles de pensée différentes, de coucher sur papier numérique un texte imprégné de leur sensibilité propre autour de la thématique suivante : « Regards sur létat du monde (et de la société française) ». À la date de cette publication, le 19 mai, quatre textes m’étaient parvenus. J’entends renouveler cet exercice régulièrement, avec des panels de contributeurs à chaque fois différents. Le prochain sera un peu moins masculin. Merci à vous, Benoit, Arthur, Vincent, Arnaud, pour vos textes qui, tous, méritent lecture. Pour ce premier numéro de Regards sur l’état du monde... et de la société française, jai pris pour illustration une image d’actualité : une photo du site antique de Palmyre, menacé d’extinction par les tristes sires qui portent l’étendard du soi-disant État islamique. 19 mai 2015. Ainsi va le monde... Une exclusivité Paroles d’ActuPar Nicolas Roche.

 

Regards sur l’état du monde...

et de la société française

Palmyre

Illustration : Joseph Eid/AFP

 

 

Parler de la situation de la France et du monde aujourd’hui, c’est bien souvent dépeindre des souffrances, des renoncements, notre déclin. Et pourtant !

Mon statut de jeune entrepreneur me fait rencontrer chaque jour des hommes et des femmes qui créent ou développent leurs entreprises et essaient dans chaque situation qui pourrait survenir de retirer un maximum de positif. Agir pour ne pas subir. C’est cet optimisme qui m’entoure dans l’entrepreneuriat que j’ai décidé d’adopter aussi dans mon combat politique et de transmettre.

Si, fin février 2015, le nombre de chômeurs s’élevait à 5 561 000, toutes catégories confondues, la France est, après les États-Unis, le pays où se créent le plus de start-ups dans le monde, le pays où le taux de start-ups ayant atteint le seuil de rentabilité sur cinq ans avoisine les 80%, le pays où sera réalisé, bientôt, le plus grand incubateur au monde !

Si l’économie française souffre et subit des turbulences, elle est surtout en train de se métamorphoser : la « destruction créatrice » chère à Schumpeter est en marche ! Le rôle du politique ne doit pas être alors de freiner cette entrée de notre pays dans une nouvelle ère technologique, industrielle et sociétale mais de l’encourager. La reconversion, si elle est douloureuse, est nécessaire et plutôt que de maintenir sous perfusion des activités, que l’État investisse massivement dans la recherche et le développement ou la formation professionnelle serait plus bénéfique à mes yeux. Comme le disait le Général de Gaulle dans un discours du 14 juin 1960 : « On peut regretter la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages. Mais quoi ? Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. »

Il n’y a pas que l’économie qui évolue, la société française elle-même change aussi. Et s’il faut accompagner ce changement, il faut cependant prendre garde à ne pas faire disparaître toutes les structures. L’Homme a besoin de cadres pour se construire et se développer et il en existe deux pour moi : le cadre familial et le cadre national.

Si tous deux sont menacés en France, ils seraient pourtant simples à remettre en place par quiconque aurait un peu de courage politique : réaffirmer que chaque être humain doit savoir d’où il vient pour savoir où il va et en tenir compte lorsque l’on légifère, redonner la fierté d’être français par les programmes scolaires mais aussi par la mise en œuvre d’un grand projet national.

Pour mener à bien tous ces changements et combats, j’ai remarqué, dans mes rencontres de terrain chaque jour, que je pouvais compter sur les jeunes. Les jeunes, loin de se désintéresser de la politique, ont leur mot à dire. En 2007, 67 % des 18-30 ans se disaient intéressés par la campagne présidentielle et, en 2014, ils étaient tout de même 83% à déclarer suivre régulièrement l'actualité politique. Si les jeunes s’abstiennent, ils sont donc loin d’être dépolitisés.

Si je n’ai pas peur pour la démocratie française, il est temps pourtant pour les partis politiques de se remettre en cause s’ils ne veulent pas disparaître et être remplacés par de nouvelles structures. La mise en place et la multiplication des primaires au sein des partis, que ce soit pour le candidat aux élections présidentielles ou pour les candidats aux élections communales, est un exemple. Il faut plus de transparence, de démocratie, d’écoute et, ne vous inquiétez pas, les partis l’ont bien compris. Les jeunes d’ailleurs engagés au sein de ces partis commencent à faire bouger les lignes.

Parler de la France amène naturellement à parler aussi de la situation mondiale. Le monde doit relever aujourd’hui trois enjeux : le problème du terrorisme, la question environnementale et la gestion des flux migratoires. Et là encore je suis optimiste ! 

La communauté internationale, si je regrette son inaction et sa lenteur face à la barbarie terroriste, ne pourra pas se permettre de ne pas intervenir si elle ne veut pas que l’ensemble des pays du globe et notamment les pays occidentaux soient touchés à leur tour massivement. Il en est de même pour la question environnementale. Quant à la gestion des flux migratoires, il est temps d’aider les pays du Sud à se développer, cela est dans notre intérêt comme dans le leur. Le monde ne peut pas être stable si 50% de la population mondiale regarde les 50% autre profiter des richesses et ne pas les redistribuer. Nous avons su inventer la redistribution au sein d’un État, pourquoi ne pas le faire à l’échelle planétaire.

J’ai d’ailleurs de grands espoirs pour un continent comme l’Afrique ! L’Afrique dispose d’une jeunesse éduquée, de ressources importantes; elle est un marché en pleine expansion. Tout le monde en prend conscience et en particulier aujourd’hui les entreprises asiatiques. Elle ne sera pas laissée sur le banc de touche de la prospérité économique au 21ème siècle si elle s’affirme et sait tirer profit de l’attrait qu’elle représente.

Il ne s’agit pas de nier les souffrances et les difficultés qu’il peut y avoir aujourd’hui mais les solutions pour sortir de ce marasme existent. Alors plutôt que de commenter, agissons, ayons du courage et surtout, soyons optimistes, on a toujours raison d’avoir foi en la France !

 

Benoit Vergeot

 « Restons positifs ! »

par Benoit Vergeot, le 8 avril 2015

 

 

 

Parce qu’il faut bien un mot pour commencer un article, j'en prendrai un : terrorisme. Relativement à la mode depuis un certain temps. Seulement, qu'est ce que le terrorisme ? En voila un concept large, sans définition précise mais pourtant omniprésent dans le discours médiatico-politique. Le terrorisme serait aujourd'hui compris avant tout comme l'usage de la force, de manière illégale et non conventionnelle, afin de générer un sentiment de peur sur une population ciblée et porter ainsi certaines revendications, peu importent ces revendications ou la personne qui emploie ces méthodes (cela peut être une organisation, un État, etc.)

Dès lors, comment entendre ce discours bien pensant et politiquement correct de la “nécessaire” et “inévitable” “guerre contre le terrorisme” ?

Comment peut on penser faire la guerre à un concept, qui plus est aussi large et peu précisément définissable ? Le terrorisme est un mode d'action. Il nest pas porteur en soi d'une identité, si ce n'est la lâcheté de ceux qui s'attaquent à des populations ou des personnes sans défense dans le but d'atteindre un objectif qui leur est supérieur. Il nest pas non plus en soi porteur de revendications, si ce nest celles de refuser de sinscrire dans la légalité pour porter ses revendications.

Alors que l’on parle depuis plusieurs mois et années d'un terrorisme “islamiste”, il faudrait rappeler qu'en France, depuis les années 2000, l’immense majorité des attentats a été perpétrée par des nationalistes, corses et basques, qui représentent près de 78% des attentats perpétrés sur le territoire national depuis lan 2000. Est-ce à ce nationalisme que lon prétend faire la « guerre » ?

Les incantations répétées à mener une guerre contre le terrorisme ont un but politique très clair, pour ne pas dire politicien. Si certains pensent sincèrement, et naïvement, que cest une « guerre » dont nous avons besoin, la majorité du personnel politique qui sinscrit dans ce flot dincantations perpétuelles ont conscience de la portée belliciste de leurs propos. Ainsi, pour faire un parallèle avec lactualité, quand Christian Estrosi se prend dune envolée contre lislamo-fascisme et la guerre quil faudrait lui mener, il ne fait rien d'autre que crier avec les loups, prêts s’il le faut à déclencher une guerre civile dans le pays. Car, quest-ce dautre quune proposition ouverte de guerre civile ?

Dans lHistoire, les grandes tirades sur la guerre contre le terrorisme ont souvent ajouté de la confusion et de la destruction plutôt que constitué de véritables solutions à des problèmes bien réels. Pour ne pas évoquer un exemple qui est largement connu de tous (la stupidité de Bush, des néo-conservateurs états-uniens et de leurs quelques caniches européens dans les interventions en Afghanistan et en Irak), je parlerai de la situation qua traversée un pays que je connais bien : le Pérou.

Dans les années 80, puis dans les années 90, le pays a connu une vague de violence interne, initiée dans les Andes péruviennes par un groupe, le Sentier lumineux, rapidement classé sur la liste des organisations terroristes. À maints égards, ce mouvement, qui nest absolument pas assimilable aux guérillas qui se sont développées en Amérique latine à la même époque, utilisait largement des méthodes terroristes. En réponse à cette violence, les gouvernements péruviens qui se sont succédé ont déployé des solutions de répression aveugle, facilitées par un état de racisme ambiant qui imprégnait la classe politique à lencontre des populations andines. Lapogée de cette violence d'État fut atteinte sous le gouvernement Fujimori, qui utilisa la répression systématique comme mode de légitimation de son gouvernement.

Seulement, alors que le président en question roulait des mécaniques et que larmée employait des techniques anti-subversives extrêmement violentes à l'encontre des populations « suspectes », un groupe de renseignement créé bien avant l'arrivée au pouvoir de Alberto Fujimori infiltrait et démantelait les principaux réseaux dirigeants du Sentier lumineux. La dénommée « Opération victoire » procédait ainsi à l'arrestation du chef du mouvement, Abimael Guzmán, le 12 septembre 1992 alors que le-dit « sauveur de la nation », Alberto Fujimori, sen était allé à la pêche, preuve sil en fallait de son absence totale dimplication dans ce qui fut lun des événements les plus décisifs dans l'élimination de la violence du Sentier lumineux. Plus tard, la Commission de la Vérité de la Réconciliation admettra, après plusieurs années d’enquête, après avoir recueilli plusieurs milliers de témoignages, que lattitude des gouvernements successifs avait aggravé de manière considérable le conflit.

Quest ce que j’entends démontrer par cet exemple ?

Simplement que lefficacité des politiques destinées à éliminer la violence exercée par des « groupes terroristes » est souvent inversement proportionnelle aux grandes incantations politiciennes et aux déclarations de guerre. Déclarer faire la « guerre » au terrorisme est aussi inefficace quirresponsable. Inefficace parce que ce n’est pas avec les techniques de guerre que lon met un terme aux actions terroristes. Irresponsable parce que ces déclarations nont comme seule et unique conséquence quune aggravation du problème qui est posé.

Ainsi, les véritables laxistes en terme de politique de sécurité sont ces marabouts de la solution sécuritaire. Rouler des mécaniques, appeler à faire la guerre, renforcer des mesures de répression sans aucune compréhension des phénomènes que lon a en face de soi est autant une preuve de stupidité intellectuelle que de lâcheté face à ceux que lon prétend « combattre ».

Dans le contexte actuel, le pays ne peut se passer d'un véritable débat sur les méthodes à adopter pour relever ensemble la situation. Une chose est certaine : cela ne passera pas par lutilisation dune procédure accélérée dans l'examen au Parlement de la prochaine loi de renseignement, ni par l'utilisation de vocables bellicistes qui sont le comble de lirresponsabilité et sacrifient la sécurité des Français sur lautel de la compétition politique.

 

A

 « “Guerre” contre le terrorisme ? »

par Arthur Morenas, le 29 avril 2015

 

 

 

Notre génération a peu de repères. Elle nen voit pas la nécessité. La paix, la mondialisation, la crise et, paradoxalement, un certain individualisme fractionnent la société en petits égoïsmes préoccupés par leur futur proche, mais pas vraiment concerné par leur devenir commun. 

Les troubles contemporains, aux causes complexes et aux conséquences imprévisibles, entretiennent en effet un climat absurde dans lequel la survie individuelle prime. 

Le mal-être est flou, persistant, usant. Des forces sopposent à chaque être humain sans que celui-ci soit capable de les comprendre, donc de les affronter. Le terrorisme international, la finance dérégulée, la crise écologique sont autant de menaces auxquels lHumanité nencore jamais eu à lutter. Comment, dailleurs, faire face à un ennemi invisible ? À la fois sourds, aveugles mais paniqués, nous attendons que le salut vienne à nouveau dun Grand Homme qui montrera la voie.

Par le passé, les combats que livraient les Hommes étaient primaires : un adversaire clairement identifié, des impacts directs, un duel manichéen. La victoire ne nécessitait quun courage particulier, ce qui était à la fois terriblement exigeant et diaboliquement simple.

Ces conditions ont favorisé pendant des siècles lémergence de Grands Hommes. Les guerres, les discriminations raciales, les colonisations ont fait naître des De Gaulle, des Mandela ou des Gandhi. 

Pour deux raisons, ce nest plus d'actualité.

D'abord, parce que ces personnages ont été statufiés, figés dans un au-delà a priori inatteignable pour le commun des mortels. La déification des Grands Hommes empêche leurs semblables de comprendre que leurs actes étaient à la portée du moindre individu, quils étaient des exemples avant d'être exemplaires (ce quils n'étaient jamais totalement).

Ensuite, parce que la globalisation des problèmes auxquels les Hommes font face aujourdhui n'exige quune réponse collective. Toute initiative individuelle est désormais imperceptible, quand elle nest pas tuée dans l’œuf. Les mouvements de foule, de soutien ou dindignation nont plus de leaders – Je suis Charlie et les Anonymous en témoignent. Au lieu de venir den haut, les changements doivent donc émerger de la base. Lopinion publique remplace désormais lHomme providentiel. La contestation est devenue anarchique.

Cette reconnaissance de l'intelligence collective découle, on le comprend aisément, du pouvoir attribué au citoyen par ses rôles délecteur et de consommateur. Chaque individu étant un faiseur de rois politiques et commerciaux, les responsables des deux branches ne reconnaissent alors comme légitimes que les critiques portées par un certain nombre de leurs clients.

Il devient donc de plus en plus difficile de protester dans un système qui pousse à la survie individualiste mais ne reconnaît que la contestation collective. 

On peut comprendre que notre génération vive ainsi avec une perception inutile de la révolte dont découle un complexe dinfériorité vis à vis des Grands Hommes du passé, capables de prouesses aujourdhui irréalisables.

Mais, au contraire, il me semble essentiel de rappeler que nous détenons tous une part de Grand Homme. Il y a, même dans la personne isolée, la plus misérable – ou qui s'imagine l'être – de quoi améliorer le monde. Au lieu d'attendre la personnification de notre salut, nous devons chacun et chacune dentre nous faire appel à ce que nous avons de meilleur et mettre collectivement à profit ces forces individuelles.

En cela, jappelle tous les lecteurs de ce billet à donner un peu de leur temps et de leur énergie à une activité publique. Les possibilités ne manquent pas : parti politique, association, service civique, volontariat, etc.

Si nous ne sommes pas à la hauteur des Grands Hommes du passé que nous admirons tant, prenons au moins notre part dans laction collective. Alors, ensemble, nous serons les Grands Peuples de demain.

 

V

 « Des Grands Hommes aux Grands Peuples »

par Vincent Fleury, le 9 mai 2015

 

 

 

Qui ose prétendre que l’idee de nation est ringarde ? Tant de personnes se sont battues, tant d’êtres humains sont morts pour que survive la leur.

On a souvent, dans nos sociétés modernes, une impression culpabilisatrice lorsque l’on défend l'idée du patriotisme, en dehors de toute notion politique. On discute avec des amis, des connaissances, des membres de notre famille : un certain nombre nie la nécessité de la nation.

Alors certes, la nation ne fait plus rêver : il est devenu loin, le temps où, de la Révolution jusqu’à De Gaulle, on se sentait appartenir à une grande nation, une et indivisible. La notion de fraternité, notamment, a disparu : en même temps qu’au sommet on prône un universalisme inavoué, on détruit des liens forts, millénaires presque - ceux-là même qui faisaient notre unité.

Presque étrangers les uns des autres, les nationaux d’un même pays sont parfois devenus étrangers à eux-même : on doit renier notre appartenance nationale, puisque l’on doit se fondre dans une masse mondialisée, sous la coupe de l'universalisme, dénuée de toutes les valeurs que l’on a mis tant de temps à mettre en place : la liberté, l’égalité et la fraternité en font partie.

Les acquis révolutionnaires, et les acquis sociaux de ces dernières décennies se voient fondre au sein d'un régime juridique de plus en plus large, qui nie les particularismes nationaux : pourquoi, par exemple, la France devrait-elle payer de lourdes amendes lorsqu’une de ses lois n’est pas la même que celle voulue par l'Union européenne ? Quel serait, également, le SMIC européen que tous nous promettent, sans - évidemment - nous en donner le montant ?

Plus que jamais, ces acquis sociaux sont en danger; plus que jamais, nous devons avoir foi en notre nation, nous devons faire en sorte qu’elle (re)devienne protectrice pour nos concitoyens : aucun de nos dirigeants ne devrait pouvoir rompre avec cet objectif.

Il y a là la condition sine qua non d’une société internationale qui fonctionne correctement. Nous devons respecter notre nation, mais également celle des autres. Jaurès disait que c'est le bien de ceux qui ont tout perdu. En d’autres termes, nous devons reconnaître à ceux qui nous entourent le droit d’être fiers de leur patrie.

Mais certains liens, il est vrai, dépassent l'idée de nation ou de patrie. C'est le cas de la langue, par exemple. Si les Anglais l’ont déjà compris, la France doit également sauter le pas et recréer du liens avec les autres pays francophones. Nous pouvons trouver, en Asie, en Afrique, aux Amériques, des amis solides qui parlent notre langue mais que le gouvernement traite actuellement comme des États lambda. C’est vraiment dommage.

Il est donc possible de repenser notre monde, d'apporter un nouveau souffle patriote et pacifique. Nous devons dire haut et fort qu’on peut être fier de son pays sans faire la guerre ! L'avenir de notre monde sera, je l’espère, le patriotisme.

 

A

« La nation comme avenir de notre monde »

par Arnaud de Rigné, le 17 mai 2015

 

 

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17 novembre 2015

« Paris, vendredi », par Germain Louvet

Qu’il est difficile et vain, parfois, d’essayer de trouver des mots pour exprimer l’horreur, qualifier l’inqualifiable. Atroces, les attentats qui ont ensanglanté la capitale ce vendredi en soirée furent atroces. Sans aller beaucoup plus loin pour ce qui me concerne, je ne puis que me joindre, bien humblement, à toutes celles et tous ceux dont le gros des pensées est orienté, depuis quelques jours, vers les victimes des carnages, leurs familles et leurs proches, vers les forces qui, au-dedans comme au-dehors luttent pour la sécurité et la défense collectives, vers la ville de Paris et, ne l’oublions pas, de Saint-Denis.

J’ai eu envie de réfléchir à un article. Dans ma pensée, il ne pouvait, en dépit de l’état d’esprit du moment, qu’être solaire - quoi de plus naturel après tout, le monde entier dit de Paris qu’elle est la « Ville lumière ». Mon choix s’est rapidement arrêté sur Germain Louvet, jeune danseur à l’Opéra de Paris. En juillet dernier, il nous gratifiait d’un autoportrait sensible, touchant et inspirant. Autant de qualités qui l’ont qualifié à mes yeux pour nous raconter un peu ce qu’est « son » Paris. Le jour même de ma proposition, le 16 novembre, je recevais son texte. Un hymne à Paris. À la vie, qui continue et qui continuera. Merci, Germain... Une exclusivité Paroles dActu, par Nicolas Roche.

 

Je ferme la petite porte de mon appartement, range les clés dans mon sac ; j’allume la minuterie de la cage d’escalier délabrée puis descends les quatre étages. Le bois craque sous mes semelles de crêpe, l’odeur d’un filet mignon se mêle au tabac froid. Au troisième étage, des éclats de rire ; au deuxième, des notes de Chopin accompagnant distraitement la voix nasillarde du présentateur télé. J’appuie sur l’interrupteur « porte ». Un déclic, puis la rumeur de la rue s’impose.

Le froid vif me surprend par un frisson de plaisir, je ne remarque même pas l’odeur âcre des pots d’échappement et du goudron battu par les voitures insatiables. Une prostituée me fait un clin d’œil, sourire ; j’attends que le bonhomme passe au vert, puis je quitte la rue Saint-Denis.

Un Vélib’ ralentit pour me laisser passer, cliquetis du dérailleur trop sec, crissement des patins de frein trop usés. Je passe devant un café, relents de café justement, souffle rauque des poêles d’extérieur, lumières de braise sur la terrasse fumeur enfumées, où une discussion animée s’interpose entre un baiser d’adolescents rougissants et une famille de touristes danois. Quelques mètres plus loin, une vitrine m’attire par son éclairage acidulé ; deux mannequins sans visages prennent lascivement la pose, nonchalants mais sensuels. Je m’arrête, scrute les prix. J’attendrai les soldes. En contrebas, un sans-abri à la peau tannée par le froid, la pluie et l’oubli : « Une petite pièce s’il vous plaît ». Gêne. « Désolé, je n’ai pas de monnaie sur moi ». Honte, culpabilité, je donnerai la prochaine fois. Un fox-terrier surexcité aboie, son propriétaire aboie plus fort, en serrant la laisse. J’évite un arbre gris, marche sur ses feuilles déchues mais encore croustillantes, j’agrippe une barre de fer pour mieux prendre le virage, lampadaires tamisés, enseignes fluo, tiens il fait nuit tôt maintenant... 

Je dépasse une librairie branchée. Le dernier roman d’Amélie Nothomb, un livre de photos sur Pina Bausch, un ouvrage de peinture sur Velasquez. Ça sent le fromage de chèvre. Une fromagerie de quartier attire les papilles gourmandes et les estomacs vides de ses effluves entêtantes, comté affiné vingt-quatre mois, 27,60€ le kilo. Un hurlement survient, non c’est un rire particulièrement aigu provenant du Café Charlot. Conversation en allemand d’un groupe d’étudiants marchant derrière moi, décidément j’ai tout perdu depuis le bac.

La clameur de la place de la République me parvient, comme le gargouillis sourd d’un estomac de géant digérant inlassablement le flot de véhicules et de personnes qui y transitent. Un mélange hétéroclite d’individus se masse devant l’entrée d’un théâtre, à l’affiche Catherine Frot et Michel Fau.

Je continue de marcher. Je croise des hommes et des femmes, une poussette, un attaché-case, un manteau en alpaga, un pull en cachemire, un blouson vintage, une paire d’escarpins vernis - des Stan Smith évidemment -, des enfants qui pleurent, des parents qui aiment. Un béret, un piercing, des jupes plissées, des jupes fendues, un fauteuil roulant, des faux sourcils, des jeans moulants. Des regards affairés, une démarche chaloupée, deux hommes se tenant par la main, un sac de course se balançant au bout d’un bras, et le bal cadencé des sorties de métro aux heures de pointe. Je fonce maladroitement sur une poubelle verte et jaune oubliée par le ramassage, laisse échapper un soupir.

J’aperçois les ombres dansantes d’un lustre finement ouvragé sur les arabesques élégantes des moulures fastes d’un appartement au premier. Une pétarade explose derrière moi, une Harley noire et son coursier de cuir et de bottes déboule sur la voie de bus. Les vibrations font presque frissonner la surface lisse du canal Saint-Martin ; seuls quelques mégots viennent habituellement en troubler l’onde calme. Mon regard se perd dans le miroitement sombre dans lequel se reflète l’étreinte langoureuse d’un couple quinquagénaire accoudé à la rambarde du ponton.

Un battement régulier me ramène à la réalité, sonorités de basses, rap à fond la caisse dans la 205 tunée qui laisse les paroles agressives s’égrainer le long de la chaussée. Un verre de vin rouge s’offre un instant de grâce lorsque l’éclat du rubis qui le traverse me tape dans l’œil. Concurrence rude avec l’or irisé d’une pinte de blonde lui tenant compagnie. Les chaises en rotin interrompent la commande par le raclement inopportun de leurs pieds contre le bitume. Un skateboard se fraie un chemin, équilibriste moderne dans ce cirque urbain.

Quelques notes de guitare retentissent agréablement, guidant la voix suave et douce d’un apprenti mélomane en quête d’oreilles compatissantes. Badauds amusés et curieux, attroupements, quelques déhanchés ; l’artiste satisfait redouble de passion.

J’interromps un moment ma pérégrination à travers cette jungle que je chéris, je regarde le ciel hâlé, mélasse épaisse de mauve et d’encre. Je prends une bouffée d’air frais, je suis entouré de vie et de bruit, je me sens bien.

Une vibration dans la poche de mon pantalon me sort de ma torpeur. Alerte Le Monde sur mon iPhone 4 ; au loin le gémissement des sirènes, l’incompréhension, le silence, puis les larmes.

Mes larmes coulent, rejoignent le pavé, se fraient un chemin parmi les souvenirs d’une ville de liberté, de culture et de joie, pour se confondre dans les eaux impassibles du canal, qui jamais ne cessent leur pèlerinage dans la cité des Lumières et des droits de l’Homme, où s’abreuve notre histoire, notre inspiration et nos idéaux. Malgré la colère, la peine de la perte d’êtres innocents, l’horreur et l’absurdité engendrées par la folie meurtrière, il suffit d’un reflet de lune sur la basilique de Montmartre, de quelques accords d’accordéon près du pont des Arts, du tintement d’une cuiller sur la soucoupe d’une tasse de café ou de la senteur veloutée du pain tout juste sorti du four de la boulangerie au petit matin, pour se rappeler l’espoir et la vie.

Car Paris est là, immortel dans sa beauté comme dans sa laideur. Et dans sa diversité il bat par un seul cœur, celui des Parisiens, des Français, et ceux du monde entier.

 

« Paris, vendredi »

par Germain Louvet, le 16 novembre 2015

 

Robert Doisneau 3 

 

Robert Doisneau 2

 

Robert Doisneau 1

Clichés signés Robert Doisneau, sélectionnés par Germain Louvet pour illustrer son texte.

 

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Et vous, racontez-nous « votre » Paris ?

 

Germain Louvet

L’autoportrait de Germain Louvet a été publié sur Paroles d’Actu en juillet dernier.

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21 avril 2015

"Éloge de la flânerie", par Rémi Tell

J’inaugure avec cet article une nouvelle rubrique informelle du blog qui, je l’espère, sera amenée à croître. Appelons-la : « Paroles de passionnés ». L’actualité est souvent brutale; quant à la vie, elle sait parfois se montrer cruelle et terriblement déprimante. Bref. J’entends, par cette initiative, mettre l’accent sur du positif en donnant la parole à des passionnés. Notamment à des intervenants du blog qui, déjà, se sont exprimés sur des sujets totalement différents. Plus sérieux et, de temps en temps, franchement clivants. Je pense en particulier aux jeunes engagés en politique, que j’aime à faire s’exprimer sur Paroles d’Actu. Je suis ravi, pour ce premier texte (daté du 11 avril), d’accueillir le jeune Rémi Tell, un fidèle du blog. Ce jeune étudiant et conseiller municipal des Yvelines a choisi de nous gratifier d’un bel « éloge de la flânerie ». Je l’en remercie. Une exclusivité Paroles dActu. Par Nicolas Roche.

 

« Éloge de la flânerie »

par Rémi Tell

 

Mes vingt ans sont autant dannées de flâneries. Petit, déjà, je remplissais la triste fin des dimanches de tours, de détours, dans notre modeste jardin. Pour échapper aux aiguilles de l'horloge, seul dans la chambre, et trouver le réconfort dans le vent tiède qui chatouille le visage, caresse la peau et ébouriffe les cheveux.

Cette habitude ne ma plus quitté dès lors, et aussitôt que le moment sy prête, je me plais à la retrouver. Je sors dans les rues. Pour observer le mystère des vies qui défilent sur le trottoir, des singularités qui passent, et qui sans le savoir animent une scène dont elles sont le plus curieux des décors.

Ne sous-estimons pas les vertus de la flânerie pour le repos de l'âme. Et cest sur les sentiers des Landes que cette vérité m’apparaît à chaque fois le mieux. Peu importe la saison, été ou hiver : cest dans la forêt, au milieu des pins et de leur odeur que jai été le plus heureux. Dans ces moments de plénitude où lon en vient à se dire que, ça y est, on pourrait presque mourir sans trop ressentir la honte de ne pas avoir assez vécu.

Et de mes promenades solitaires, je tire mon inspiration. Mes projets les plus fous, mes rêves les moins raisonnables sont tous nés au bord dun chemin.

Je nai pas fini d'arpenter le bitume, comme les allées de terre. Et un jour, quand le temps aura passé, jespère pouvoir leur rendre de plus beaux hommages.

 

Rémi Tell 

 

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14 juin 2021

Paroles d'Actu : les dix premières années

Paroles d’Actu aura dix ans le 15 juin. Dix ans d’une aventure sur laquelle j’aimerais revenir, aujourd’hui, dans le cadre d’un texte plus personnel qu’à l’accoutumée. Ces textes-là ne sont pas forcément ceux que je préfère écrire, ce sont plutôt les invités que j’aime à mettre en avant, mais allons-y, j’espère que ça ne sera pas trop laborieux.

L’idée de départ en 2011, ce fut, partant de pas grand chose, d’utiliser les possibilités inouïes d’Internet, et d’exploiter ma curiosité pour créer un média. Contacter des gens, en n’étant pas d’un milieu « à réseau », s’imprégner d’une thématique et en extraire des questions, si possible pertinentes. Apprendre quelque chose, à chaque fois, et peut-être, faire un peu avancer le schmilblick de la démarche d’intelligence, en apportant une connaissance, ou une pierre à un débat.

Dix ans après, quel bilan est-ce que j’en tire ? 380 articles, 618 000 visiteurs pour plus de 11 000 pages vues chaque mois depuis le début de l’année, un référencement comme source Google News ? Tout cela, oui. Mais surtout, la rencontre, « virtuelle » pour la plupart, physique parfois, avec des dizaines de personnes passionnées, passionnantes, souvent les deux, et d’univers très différents. Je salue ici, un à un par la pensée, l’ensemble des invités qui ont accepté de m’accorder un peu de leur temps pour répondre à mes questions, plusieurs fois pour certains. Je ne citerai, vous le comprendrez, qu’une poignée de noms, ceux qui hélas ne sont plus parmi nous : Gilles Verlant, Michel Dinet, Micheline Dax, Alain De Greef, Charles Aznavour, Georges Sarre, Faby. Je pense à eux, et je pense à Fariba Adelkhah, chercheuse emprisonnée de longs mois durant par le régime iranien. J’adresse aussi mes salutations chaleureuses à celles et ceux qui, face à ce travail, m’ont témoigné leur intérêt, leur bienveillance, ou qui simplement ont lu sans faire de bruit. Et là, j’ai une pensée pour mon père, qui m’encouragea dans cette démarche qui lui était étrangère, pour Maxime Scherrer parti bien trop tôt, pour l’ami Bob Sloan, et peut-être pour d’autres que je ne connais pas.

Il y a dix ans, je ne lisais pas beaucoup de livres. Je peux même dire que j’en lisais très peu. Depuis les débuts du site, j’ai découvert les services presse : parfois on m’a proposé des ouvrages, parfois je les ai sollicités. Ces lectures fort variées, et tous mes achats à côté, m’ont beaucoup appris, et d’abord à aimer lire. Je me suis amusé, dans la perspective de cet article, à réunir pour une photo, une grande partie (la table n’était pas extensible à l’infini) de mes livres reçus en SP, et qui ont donné lieu pour la plupart (pas tous) à un article, à une interview. Une belle occasion de remercier ces éditeurs, tous les attaché(e)s de presse qui font un beau travail, et d’inciter encore qui me lira ici à lire des livres, et à encourager ce secteur véritablement essentiel.

 

Paroles d'Actu 10 ans

  

Le bilan que je tire de cette aventure est largement positif : j’ai reçu des marques d’estime qui m’ont fait chaud au coeur, et niveau estime de soi je partais de loin ; j’ai grandi, pris (un peu) confiance en moi depuis dix ans, et cette activité y a contribué. J’ai fait de très belles et parfois inattendues rencontres grâce à Paroles d’Actu. Et, forcément, quelques vraies déceptions humaines, mais moins, et rien de surprenant : ainsi va la vie.

Et là, à ce moment de la rédaction, je me dis : mais eux, que j’ai interrogés, qui m’ont fait des confidences, ou bien qui m’ont lu, que savent-ils de moi ? Il est légitime que j’y réponde, quitte à me confier un peu moi aussi. Nicolas donc, 36 ans au compteur, issu de et vivant toujours dans le sud-lyonnais. J’ai fait des études en éco et en droit (avec un goût particulier pour l’anglais, langue et civilisations) et suis diplômé (Master 2) de l’université Lumière-Lyon-II (2008). Mon parcours pro n’a jusqu’à présent pas été très synchro avec mes études ou même mes centres d’intérêt (anglais donc, histoire et civilisations, économie et politique), et j’ai passé l’essentiel de ces années comme petit poisson dans un entrepôt logistique frais, pour un gros distributeur. De ces jobs formateurs, mais dans lesquels il ne faut pas trop espérer se distinguer parce qu’on n’y est souvent qu’un matricule. À ce jour j’y travaille toujours. Pas grand chose à voir avec Paroles d’Actu, me direz-vous. Un passe-temps très prenant, une bouffée d’air frais. Un hobby, sur lequel je ne gagne évidemment pas d’argent. Mais... Je souhaite me rapprocher, pour un emploi, de tout ce que je fais avec le site (rédaction, prises de contact, communication, recherche ou associatif), ou de thématiques qui me tiennent à coeur (la mémoire, la cause francophone...) mais je suis plus doué pour vanter les mérites des autres que pour me « vendre » moi-même, et on touche ici, encore, à la question de la confiance en soi qui chez moi, dans mon processus particulier de développement, n’est pas réglée. Je reconnais que, dans l’idéal, mon idéal, j’aurais aimé que quelqu’un, lisant ce que je fais, un article parmi tant, se dise : « Il fait des choses pas mal ce Nicolas, si je lui proposais quelque chose ? » Mais je suis redescendu sur Terre, et ai bien compris que c’était à moi de me faire violence, d’aller de l’avant et au-devant des autres, non pas pour leur parler d’eux, mais un peu de moi. Je veux être optimiste mais si ce que je fais intéresse quelqu’un, ça peut m’intéresser aussi, genre vraiment. ;-)

Quelle que soit la suite, j’aurai toujours ce goût du contact et de la rencontre, que j’exploite avec plaisir pour Paroles d’Actu. Et sur cette activité-ci, j’entends ne pas renoncer à ma liberté.

À toutes et tous, merci pour votre fidélité, et pour votre bonté envers moi. N’hésitez pas à poster vos petits commentaires en bas de cet article, à exprimer ce qui vous fait apprécier le blog !

Nicolas, le 14 juin 2021

 

Paroles d'Actu

26 novembre 2014

André La Rocque : "Le Suicide français de Zemmour, un livre d'espérance"

Sur le site du Bréviaire des Patriotes, auquel il collabore régulièrement, André La Rocque, 20 ans, se présente comme un « jeune patriote français, étudiant républicain réactionnaire amoureux de notre patrimoine culturel ». Je lui ai demandé d'écrire pour Paroles d'Actu un texte non contraint exprimant le ressenti, les réflexions que lui ont inspirés ses lectures attentives du Suicide français d'Éric Zemmour (Éd. Albin Michel). Je le remercie d'avoir accepté de se prêter au jeu. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

PAROLES D'ACTU - LA PAROLE À...

André LA ROCQUE « Le Suicide français

de Zemmour, un livre d'espérance »

 

   À coup sûr, les historiens du futur feront un cas d'école de l'épisode abracadabrantesque qui a touché la France en ces jours d'automne. Injures, réquisitoires malhonnêtes et bande de ridicules se sont courus après. Que s'est-il passé ? Un penseur réac' a rédigé de sa main un recueil s'opposant, non sans talent, à la pensée tout autant bienséante que mortifère qui gouverne une époque gangrenée, profondément malade.

   Chacun en France s'attendait évidemment à ces cuistreries de rebellocrates, s'attendait à ce que l'on cisaille un tel livre façon Petit Journal. Naturellement, il fallait faire croire que le poil à gratter qui s'était glissé dans leur chemise repassée ne tracassait pas plus que ça. Le pire, c'est que, plus on en faisait, plus Le Suicide français se vendait. Comme des petits pains. Le serpent se mordait la queue. Il se la mord encore.

   Si Monsieur Zemmour a fait peur à tant de monde, si on l'a tant invité - en vue de le démolir -, c'est certainement parce que sa critique du capitalisme contemporain est, à ce jour, la plus adéquate. N'en déplaise aux plus puristes des marxistes, il y'a bien « des » capitalismes, selon les ans. On parle d'un système qui ne cesse de digérer les oppositions qu'on lui soumet. Rappelons qu'il tire un immense profit des ventes de papiers anticapitalistes. Mais l'essentiel réside ailleurs.

   Le capital a le pouvoir ravageur de se remodeler, de s'adapter pour semer ses contradicteurs les plus féroces. À la fin du XIXème siècle, les prolétaires, pétris de culture marxiste, avaient pris conscience de leur intérêt de classe; les capitalistes ont finement confondu les intérêts ouvriers avec les leurs. De sorte qu'en cas d'effondrement du système, tout le monde a des acquis à perdre. En mai 68, c'est une critique "artistique" qui a pris le pas dans la confrontation au système : « Vais-je perdre ma vie à la gagner ? », « Dois-je me résoudre à pourrir au sein de ma civilisation ? ». Comme toujours, la critique de la société de consommation est passée à la trappe. On se demande si, en ce cas, là n'était pas son destin congénital. Le capitalisme moderne a parfaitement su monnayer les idéaux de liberté, a offert Paris-Plage à ceux qui en demandaient une sous les pavés. Il a joyeusement piétiné les frontières nationales, dont il devait s'extraire, pour son grand bonheur, imposer l'insécurité de l'emploi, et tant d'autres maux... C'est cela aussi, la liberté, cruelle et oppressante. [1]

   Ils ont gagné, ils gagnent, les richards : ils réduisent le monde entier à un simple magasin mondial dans lequel les hommes, apatrides et asexués, finissent parfaitement corvéables et consommateurs débridés, démunis de tout complexe civilisationnel. On ne disposerait plus, en leur projet nihiliste, de la moindre attache traditionnelle, serions des êtres remplaçables, simples individus nés on ne sait trop où pour on ne sait trop quoi. Une atomisation générale. Le merveilleux portrait zemmourien de l'ancien patron de Renault, Louis Schweitzer, fortuné sans morale, mondialiste convaincu en faits et en pensées, engagé à SOS Racisme, transcrit un idéal-type du monde dans lequel nous vivons.

   L'illustre philosophe Jean-Jacques Rousseau a si justement écrit, « Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d'aimer ses voisins. » [2] On admire les flux lorsque l'on vit dans les aéroports; la race sédentaire les maudit car elle vit sur des racines. Seuls les naïfs seront étonnés que la caste médiatico-politique ait préféré passer du temps d'antenne sur la prétendue réhabilitation de Vichy - sur laquelle on ne s’appesantira pas -, plutôt que pour cette critique, mère de toutes les autres.

   Il s'agit de comprendre que le système se rit des internationalistes de tout poil, de l'esprit de Woodstock. La pensée forte de Marx s'arrête ici devant toute application positive : elle constitue la négation même du politique. Toute interprétation de Marx est, de fait, hautement contestable. Dans sa vision le capitalisme prépare son lit de mort, et l'Homme, être tranquille, patiente à son chevet. Il apparaît que changer la réalité que nous connaissons contraint à l'action. C'est de raison que la réaction s'impose comme le seul recours : il ne saurait y avoir de justice sociale en l'absence d'un État providence, autonome et stratège. Et il n'y a, de nos jours, de patriotisme véritable que dans la réaction.

   L'Histoire, la tradition, la nation... Tant d'êtres que les amis du grand marché veulent voir s'éteindre, au profit d'une fantasmagorique citoyenneté du monde. C'est à ces êtres martyrs qu'il convient de se raccrocher, pour que jamais la culture de l'oubli ne puisse nous rogner, ce jusqu'au cœur de ce que nous portons. C'est aux négateurs de la mémoire et de l'âme que nous devons répondre, à ceux qui jouissent d'une conception bien insultante de l'humanité. Il faut le clamer : en vitupérant contre les racistes, les ennemis de la cause du peuple, les barons de la peur, ils ne font que renvoyer leur propre visage sur leurs contradicteurs.

   Je suis convaincu que ce n'est pas le brillant historien auteur de Mélancolie Française et de ce bel essai qui me contredira. Son rapport passionnel avec le roman national a de quoi nous inspirer. Mais, au-delà de l'historien, Éric Zemmour a le mérite évident de ramener la réalité en termes de classes et de dynamiques, plutôt qu'aux termes de cas singuliers et de relativisme permanent. Il est cet homme au cœur "vieille France" qui, comme tant de Français, ne peux endurer davantage le mépris constant des plateaux télé. Il est de sa génération, témoin de l'installation et de l'enracinement d'une idéologie. Ce droit-de-l'hommisme, qui a conquis et enlaidi les faits sociaux majeurs de notre civilisation : la politique, la chanson, l'art en général, la justice, le football...

   C'est bien l'histoire d'une revanche sur le roman national qui est entre nos mains, d'une revanche sur l'idéal républicain comme sur la France éternelle. Tout y passe : la course folle vers l'Union oligarchique européenne, le féminisme et l'antiracisme forcenés et obligatoires, le « libertarisme » prosélyte, la haine de soi, le triomphe du marché, BHL, Coluche, Lilian Thuram... Il est louable qu'il ait abordé les problèmes ainsi : on retient bien mieux l'emblématique que le pompeux. On en ressent peu à peu la médiocrité qui nous est parvenue aujourd'hui.

   « L'optimiste est un imbécile heureux. Le pessimiste est un imbécile malheureux. » écrivait feu Georges Bernanos. [3] Tous attestent que le journaliste Zemmour souffre de la seconde tare. D'aucuns brocardent le constat pathologique qui coule de ces pages, la névrose qui pousserait les Français au suicide. Mais, comme l'a relevé si justement Jean-Marie Le Méné sur Radio Courtoisie, il « déconstruit les déconstructeurs » [4], et, par conséquent, deux négations ne pouvant former qu'un positif, c'est un livre d'espérance.

   Ce récit est un voyage dans les abysses de la modernité; il n'est sous aucun prétexte en opposition avec le Roman de Jeanne d'Arc de Philippe de Villiers. Il doit soulever le cœur de chaque être français afin que renaisse, brille à nouveau et de mille éclats la France d'antan, la France véritable, la France de Clovis à Rousseau, la France comme phare des nations. Pour qu'elle soit prête à accueillir ce nouveau Bonaparte que ce peuple mérite et appelle de toute son âme. Une idée si épurée peut très bien se passer des corps intermédiaires qui ne cessent de la souiller.

 

1   Pour poursuivre cette critique utopiste du capitalisme moderne, nous conseillons vivement l'ouvrage duquel est inspiré largement cet écrit : BOLTANSKI Luc, CHIAPELLO Ève, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 1999, 843p.

2   L’Émile ou De L’Éducation (Livre premier), Paris, The Hague Chez Jean Néaulme, 1762.

3   Les grands cimetières sous la lune, Paris, Éditions du Seuil (1997), 1938.

4   RADIO COURTOISIE. « Entretien avec Éric Zemmour ». 12 Octobre 2014

 

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15 juin 2011

Paroles d'Actu

Bonjour à toutes et à tous. Je vous souhaite la bienvenue sur ce blog, "Paroles d'Actu".

 

Fondateur et administrateur du Forum 21, j'ai toujours eu à coeur de laisser se développer un débat aussi libre que possible, dans les limites qu'impose le respect dû à chacun.

 

J'ai également, en tant que participant au défunt Webzine F21, puis dans le cadre du forum, eu beaucoup de plaisir à me lancer des challenges : contacter des anonymes ou des personnalités autour de thématiques d'actualité, leur poser des questions, et voir s'ils étaient prêts à me répondre. Sachant que l'audience qu'ils pouvaient en retirer serait forcément limitée, le défi était loin d'être gagné. Malgré tout, nombreux sont celles et ceux qui ont accepté ma proposition. Je les en remercie ici très vivement.

 

Ce blog hébergera les textes d'entretiens réalisés via internet (mais bien réels) passés et à venir. Chacun sera daté. Il n'y a là que des exclusivités. J'espère que vous aurez autant de plaisir à les lire que j'en ai eu à les organiser.

 

Merci

 

Phil Defer ( forumf21@yahoo.fr )

 

Times New Roman > Georgia : 02/10/12

15 juin 2016

Paroles d'Actu a cinq ans...

Texte publié hier, le 14 juin 2016, sur la page Facebook de Paroles d’Actu.

 

Bonjour, toutes et tous.

Demain, donc, Paroles d’Actu aura cinq ans.

Lorsqu’à 26 ans j’ai créé ce site sur la plateforme Canalblog, le 15 juin 2011, c’était avec à l’esprit une idée assez précise, exprimée dans ce slogan que je crois avoir posé lui aussi dès ce premier jour : « La parole à celles et ceux qui l’ont rarement. La parole de celles et ceux qui l’offrent peu à de petites structures. C’est là notre double défi. »

Je souhaitais installer, sans ambition excessive, un petit média indé pour traiter selon ma sensibilité et mes envies propres des questions de politique, d’actu, de société, de culture, etc. Partant de zéro, zéro réseau ; je sais bien que, sans internet, sans les « réseaux sociaux », rien n’aurait été possible.

J’ai pu approcher, au moins par écrit, pas mal de monde... Je ne citerai aucun nom de peur de froisser ceux qui ne le seraient pas. Jeunes engagés ou citoyens impliqués dans la vie de la Cité, artistes de talent, de renom ou en devenir, spécialistes de l’Histoire et de la folle marche du monde, grands témoins des médias... J’éprouve indistinctement, pour chacune et chacun de ceux qui ont pris le temps de répondre à mes sollicitations, une sincère reconnaissance. Je vous salue si, concerné(e), vous lisez ce texte. Parmi ces contributeurs, j’ai une pensée pour ceux qui malheureusement ne sont plus là : Alain de Greef, Gilles Verlant, Micheline Dax. Une grosse pensée, aussi, pour ceux des lecteurs du blog qui eux aussi sont partis trop tôt, dont une personne en particulier, mon père, pour mon plus grand malheur...

Je n’ai jamais eu la prétention de croire que j’avais quoi que ce soit de vraiment original à proposer aux lecteurs. À part mes intro à la première personne, je ne me suis pas mis en avant, je n’en ai ni le goût ni le caractère. La personne qui a des choses intéressantes à dire, c’est l’invité, ça n’est pas moi. Ce qu’on peut peut-être me reconnaître, c’est le choix et la prise d’initiatives, peut-être aussi de poser parfois des questions ou de proposer des sujets intéressants. Sans doute le sont-ils au moins un peu puisqu’à force d’insister, Google News a accepté d’inclure Paroles d’Actu à ses pages « sources ». On pourra me reprocher des maladresses, de ne pas assez « oser », d’être trop « mainstream » et pas assez innovant parfois : celui qui le fera aura raison.

Ces cinq années auront été, pour ce qui concerne le blog, émaillées de moments de grande satisfaction - quand on reçoit le mail si ardemment désiré - mais aussi, trop souvent, de vraies frustrations. Quand on se rend compte que l’interview à laquelle on tenait ne se fera plus. Surtout, quand on découvre que l’article récemment mis en ligne ne suscite que peu de commentaires. C’est une difficulté qui touche beaucoup d’auteurs en ligne, y compris des gens qui fournissent un travail et ont des choses bien plus intéressantes à dire que moi. C’est la loi du genre, il faut faire avec... ou sans.

Je ne sais pas, honnêtement, si j’ai ou non un lectorat fidèle. S’il existe il se manifeste très peu ce qui est frustrant et regrettable.

Je ne sais pas, à ce jour, où des questionnements perso de plus en plus prégnants se font sentir, si je vais continuer l’aventure Paroles d’Actu. Il est de ces moments où l’on se sent à la croisée de chemins. J’en suis là. Ce travail de cinq années présente-t-il un intérêt objectif ? Se peut-il qu’il intéresse quelqu’un pour la perspective, peut-être, d’une aventure en commun qui aurait sans doute pour moi, à ce stade, quelque chose de salutaire ?

Ce que je sais, c’est qu’à ce jour, j’ai encore envie d’y croire. Si vous avez aimé lire quelque chose sur ce blog, si vous avez apprécié d’y participer, alors, c’est le moment de le dire. Ici. Maintenant. Je le dis sans me forcer avec toute l’humilité du monde : j’ai besoin de vous. De vos retours. La suite, si suite il doit y avoir, dépendra en grande partie de vous. De votre présence et du soutien que vous témoignerez à ce blog qui est le vôtre, Paroles d’Actu.

Merci.

Nicolas Roche

3 mars 2024

Petit point info... et autres réflexions

Bonjour à tous et tous, lecteurs fidèles ou occasionnels de Paroles d’Actu.

 

Je souhaite par ce petit post, qui pour une fois n’est pas un "article", partager avec vous un point d’info concernant notre site.

 

Paroles d’Actu est hébergé par Canalblog depuis sa création, il y a 13 ans. Un hébergement gratuit, pour un site que j’ai toujours géré dans un esprit de gratuité, pour le lecteur, sans jamais toucher le moindre centime en retour (le plaisir venant des articles, eux-mêmes fruits d’entretiens souvent enrichissants, parfois même inspirants). Depuis quelques jours, il y a eu un changement d’organisation au sein de Canalblog. Pour vous la faire courte : les serveurs ne seront plus les mêmes, la présentation non plus, et la formule sur la partie gratuite sera moins avantageuse (apparemment, plus de possibilité d’inclure des objets, vidéos YouTube par exemple, dans les articles, limitation du nombre de caractères pour un article, des pubs plus envahissantes, j’en passe sans doute, je découvre).

 

Paroles d’Actu restera gratuit pour le lecteur, et je ne compte pas en tirer d’argent davantage que durant les 13 dernières années. Par conséquent, je me tiendrai à la version gratuite, tenant compte de toutes ses restrictions. A priori, il ne devrait plus y avoir d’inclusion de vidéos dans les articles. Je ferai autrement. Idem pour les longues interviews, je trouverai une solution. Plusieurs points me contrarient : lors du transfert de serveurs, la synchronisation, apparemment toujours en cours, a perturbé l’équilibre des blogs et fait disparaître, je l’espère temporairement, mes deux derniers articles, celui avec Clément Lagrange pour son ouvrage sur Florent Pagny, et celui avec Nicole Bacharan à propos de la présidentielle américaine de cette année. J’espère vivement qu’ils réapparaîtront à terme. Sinon, d’une manière ou d’une autre, je les publierais à nouveau, même si je ne vous cache pas que j’aurais du mal à me motiver pour refaire des intro, n’ayant rien sauvegardé (N.B. : je devrais désormais). Je présente à Clément Lagrange, à Nicole Bacharan, et à tous, mes excuses pour les désagréments occasionnés qui sont, vous l’aurez compris, indépendants de ma volonté.

 

Autre point, qui me contrarie tout autant : la nouvelle présentation imposée a effacé certains formatages, ce qui rend les articles (TOUS les articles) plus ramassés qu’ils n’étaient. Auparavant un retour à la ligne apportait un petit espace qui aérait bien, désormais le tout est plus serré, et peu agréable à l’œil. Je pourrais éditer les articles manuellement pour faire de nouveaux sauts de ligne, mais ce serait fastidieux de le faire pour 450 articles... Je vais voir. Comble du fun, je ne peux plus éditer les très gros articles (celui, récent, avec Anny Duperey par exemple), parce qu’ils dépassent, forcément, parfois de beaucoup, le nouveau nombre de caractères assigné par article (ce que je conçois : Canalblog est fait pour des blogs, par pour les romans que sont parfois mes articles). Il y a peut-être des points positifs, je ne sais pas, je découvre le tout ce matin, et ce post sera ma manière d’essuyer des plâtres. Je ne sais même pas ce qu’il en est de mon référencement Google News, que j’avais arraché de haute lutte, s’il a sauté avec tout le reste, ou pas...

 

Je vais voir à l’usage, avec le temps comme disait le poète, dans quelle mesure tout cela impacte ma motivation pour Paroles d’Actu, déjà mise à mal par des questionnements personnels et par une incertitude quant à mon devenir professionnel, mon job, qui n’a pas grand chose à voir avec Paroles d'Actu, étant amené à disparaître assez rapidement (coucou Casino). D’ailleurs, si quelqu’un qui lit ce post, et qui a lu certains de mes articles, trouve que je fais des choses pas mal, et qu’il a une idée pour moi qui me rapprocherait de ces compétences que j’ai développées, je serais tout ouïe et prêt à me soumettre à mon tour au jeu de l’interview, ou en tout cas de l’entretien. 39 ans dans quelques jours, et ça ne sera pas pour moi nécessairement l’âge de la sérénité, à moins que ?

 

Voilà, j’ai essayé de vous présenter les choses aussi franchement que possible. L’occasion de vous remercier encore, toutes et tous, pour votre fidélité, même si j’ai rarement beaucoup de retours, et que les retours font plaisir. La suite reste à écrire, ici et ailleurs.

 
Bon dimanche à toutes et tous. À toutes les grands mères, s’il y en a parmi vous : bonne fête ! ;-)

 

Nicolas

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