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Paroles d'Actu

15 septembre 2014

Edwige Camp-Pietrain : "Le Royaume-Uni n'a jamais constitué un État-nation"

   La semaine qui s'ouvre sera, plus personne n'en doute, l'une des plus cruciales qu'aura connues le Royaume-Uni dans son histoire contemporaine. "L'Écosse doit-elle devenir indépendante ?" : bien aventureux, celui qui, à cette heure, serait prêt à parier lourd sur l'issue de cette consultation locale, dont on sait d'ores et déjà qu'elle sera acceptée et validée par le parlement et le gouvernement britanniques. Trois jours avant le vote, les sondages sont capables de nous dire deux choses : la question passionne et est prise très au sérieux ; le résultat sera très serré.

   Edwige Camp-Pietrain a accepté de répondre aux trois questions que je lui ai adressées, je l'en remercie. Professeur de civilisation britannique à l'Université de Valenciennes, elle est une spécialiste éminente de la thématique de l'autonomie/indépendance écossaise et des rapports qu'entretiennent Londres et les communautés identifiées qui composent le Royaume. Son dernier ouvrage, L'Écosse et la tentation de l'indépendance : Le référendum d'autodétermination de 2014, est paru au mois d'avril aux Presses universitaires du Septentrion. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

EDWIGE CAMP-PIETRAIN

Professeur à l'Université de Valenciennes

 

« Le Royaume-Uni n'a jamais

constitué un État-nation »

 

Parliament's 1707 Act of Union

The Parliamentary Union of England and Scotland, 1707

(Walter Thomas Monnington)

 

Q. : 13/09/14 ; R. : 14/09/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Edwige Camp-Pietrain. Lors du référendum qui se tiendra le 18 septembre prochain, le peuple écossais se prononcera sur cette question cruciale : préservation de l'Union britannique ou indépendance ? En tout état de cause, le résultat sera serré, très serré...

Voulez-vous nous rappeler ce que furent, au moment de son entrée en vigueur, en 1707, les arguments qui présidèrent à la ratification par les parlements anglais et écossais de l'Acte d'Union, acte fondateur du royaume de Grande-Bretagne ?

 

Edwige Camp-Pietrain : Le traité d'Union de 1707 a été signé pour des raisons religieuses (conserver une succession protestante) et économiques (assurer à l'Écosse l'accès au marché et aux colonies de l'Angleterre). Il a été encouragé par la reine Anne. Il reposait sur une fusion des Parlements anglais et écossais pour former le Parlement britannique.

 

Les Écossais ont pu négocier avec les Anglais et obtenir des avantages substantiels : la protection du statut de leur Église établie (l'Église d'Écosse), le maintien de leurs propres systèmes éducatif et judiciaire), la soumission aux mêmes règles économiques et fiscales que les Anglais. En échange, les Anglais se sont assurés de l'exclusion des catholiques de la Succession.

 

PdA : On s'est beaucoup interrogé, ces derniers jours, sur les conséquences qu'un "oui" pourrait avoir pour l'Écosse, notamment sur les plans économique et financier. J'aimerais vous demander de me dire ce que sont celles que vous entrevoyez pour Londres dans cette hypothèse-là ?

À quoi ressemblerait, demain, ce pays dont j'imagine qu'il devrait changer de nom (« Royaume-Uni d'Angleterre, du Pays de Galles et d'Irlande du Nord » ?) et de drapeau, composer avec un prestige amplement diminué et l'exacerbation de ses autres particularismes intérieurs ?

 

E.C.-P. : Les conséquences pour le reste du Royaume-Uni seraient multiples :

- pertes de revenus, notamment parce que le pétrole et le gaz de la mer du Nord se trouveraient dans des eaux écossaises. Le Royaume-Uni ne percevraient plus les taxes des sociétés pétrolières. Il se priverait aussi de recettes à l'exportation.

- risques d'instabilité financière autour de la question de la monnaie et des garanties pour les établissements financiers, car Edimbourg est un grand centre financier qui compte deux des plus grandes banques britanniques et diverses sociétés dont la plupart des clients sont anglais. Il faudrait maintenir la confiance dans la période de transition. Le gouvernement britannique ne veut pas négocier une union monétaire avec l'Écosse indépendante, car il craint de devoir soutenir un État fragile. Mais au quotidien, les économies sont étroitement imbriquées et tout changement de monnaie en Écosse perturberait l'activité dans le reste du Royaume-Uni.

- affaiblissement sur la scène internationale : risque de remise en cause du siège britannique au Conseil de Sécurité de l'ONU, de suppression des dérogations au sein de l'UE (comme le rabais sur sa contribution au budget).

- coût du déplacement des armes nucléaires qui se trouvent stationnées en Ecosse, car les indépendantistes refusent de les conserver sur leur sol.

 

PdA : Vous avez beaucoup travaillé sur les questions touchant au réveil des particularismes identitaires, aux moyens entrepris par les parlements nationaux pour tenter d'y répondre. Ce phénomène ne concerne pas uniquement le Royaume-Uni, loin s'en faut : je pourrais citer, en Europe, la Catalogne et le Pays basque, en Espagne ; la Flandre, en Belgique, etc.

Est-ce que la recrudescence du fait identitaire régional nous dit quelque chose de l'état, précisément, de ces États-nations tels que constitués à partir de l'époque moderne ?

 

E.C.-P. : Le Royaume-Uni n'a jamais constitué un État-nation ; c'est un État d'Union, créé par des associations successives de territoires : le pays de Galles a été incorporé en 1536, l'Écosse a signé un traité d'Union en 1707 et l'Irlande a fait de même en 1801, après avoir été une colonie. Puis l'Irlande est devenue indépendante en 1921, tandis que l'Irlande du Nord bénéficiait d'une dévolution du pouvoir jusqu'en 1973. De nouvelles formes de dévolution ont été accordées à l'Écosse, au pays de Galles et à l'Irlande du Nord en 1999. De plus, il n'y a jamais eu d'uniformité dans le statut de chacune de ses composantes, qu'il s'agisse des unions de 1707/1801 ou des dévolutions en vigueur depuis 1999.

 

 

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Vous pouvez retrouver Edwige Camp-Pietrain...

 

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9 septembre 2014

Thierry Lentz : "L'inconstance diplomatique de Napoléon l'a perdu"

J'ai la joie et le privilège d'accueillir pour la troisième fois Monsieur Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, dans les colonnes de Paroles d'Actu. Notre premier entretien, daté d'août 2013, eut pour objet principal un événement marquant du 20e siècle : l'assassinat de John Kennedy. Le second, publié quatre mois plus tard, fut une occasion passionnante d'évoquer cette figure dont l'étude lui est si chère : celle de Bonaparte. Il a accepté - et je l'en remercie ! - de répondre à nouveau à quelques questions touchant à la carrière et à l'époque de celui qui fut le premier « empereur des Français ». Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

THIERRY LENTZ

Directeur de la Fondation Napoléon

 

« L'inconstance diplomatique

de Napoléon l'a perdu »

 

Waterloo

La Bataille de Waterloo, 18 juin 1815

(Clément-Auguste Andrieux)

 

Q. : 08/09/14 ; R. : 09/09/14

  

Paroles d'Actu : Bonjour, Thierry Lentz. Lorsqu'il revient aux affaires, en 1815, Napoléon paraît enclin à s'adapter aux nouvelles dispositions du pays : il affirme qu'il veut la paix, qu'il ne rejettera pas la Charte en bloc.

Que sait-on de ce qu'étaient, alors, ses projets ?

 

Thierry Lentz : Lorsque Napoléon revient de l’île d’Elbe, il est confronté à d’immenses difficultés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. En France même, contrairement à ce qu’on croit généralement, la première restauration n’a pas été un échec sur le plan politique et institutionnel, pas plus d’ailleurs qu’en politique étrangère, où Talleyrand, puis Louis XVIII, ont su redonner à leur pays une place de choix dans le concert européen en reconstruction.

 

Le premier problème qui se pose à l’empereur est la Charte. Même « octroyée » par le roi, elle constituait une avancée non négligeable vers une sorte de régime libéral, « à l’anglaise », comme on disait alors. Napoléon sent bien qu’il ne peut faire comme si cette constitution n’avait pas existé. Il est donc contraint à son tour de concéder le fameux « Acte additionnel » aux constitutions de l’Empire, dont une partie est rédigée par un de ses adversaires de toujours, Benjamin Constant.

 

Même si les bonapartistes feront grand cas de cet amendement aux constitutions de l’an VIII et de l’an XII, Napoléon n’est pas à l’aise avec celui-ci. Cet homme n’est pas celui de la négociation parlementaire, ni même de la moindre opposition aux projets de l’exécutif. Se débarrasser des aspects les plus contraignants de l’Acte additionnel était sans doute un de ses projets, s’il avait réussi à obtenir la paix de l’Europe.

 

Et c’est là son second problème majeur. Son retour a surpris ses anciens vainqueurs, alors réunis à Vienne. Sous l’impulsion de Talleyrand, ils se sont vite repris et ont signé plusieurs traités visant à la fois à mettre fin à ce qu’ils appellent « l’aventure » et à ne jamais accepter de paix séparée avec Napoléon. Et de fait, pendant toute la durée des Cent-Jours, ils n’auront pas le moindre contact avec lui.

 

Partant de ces deux constats, l’épisode de la campagne de Belgique, qui se termine par le désastre de Waterloo (18 juin 1815), se comprend mieux. Si Napoléon prend l’offensive alors qu’il n’est pas prêt, ça n’est pas pour vaincre avec ses maigres moyens le million d’hommes que les Alliés ont mis en marche, mais c’est pour frapper les esprits par une grande victoire, afin de négocier à l’extérieur et de reprendre les chambres en main à l’intérieur.

 

PdA : Lors de notre interview du mois de décembre, vous aviez notamment évoqué l'échec de Napoléon à bâtir et viabiliser une tierce Allemagne (la Confédération du Rhin) qui eût été résolument indépendante de Vienne et de Berlin - sinon de Paris. « Le retour à l'incertaine bascule entre l'Autriche et la Prusse », affirmiez-vous, « allait s'avérer, à long terme, une calamité pour le continent. » J'aimerais vous inviter à expliciter ce point, à aller plus loin dans la réflexion. Le premier des Napoléon, en molestant les patriotismes, a excité les nationalismes ; le troisième, en cherchant à accompagner leur émergence, a mis à mal l'équilibre européen tel qu'issu du Congrès de Vienne.

Quelle responsabilité prêtez-vous aux deux Napoléon s'agissant de l'unification allemande autour de la Prusse, le plus acharné de nos adversaires de l'Histoire contemporaine et, sans doute, celui qui a fait connaître ses plus grands périls au continent européen durant cette époque ?

 

T.L. : Il est vrai que j'avais déjà développé ce point, la dernière fois, à propos du premier Napoléon.

 

Napoléon manqua avec les États allemands une alliance stratégique, en raison d’une sorte de préjugé qui voulait que la France soit plus forte contre l’Autriche ou la Prusse si l’Allemagne restait divisée. Mais ce qui était vrai en un temps où aucune force n’était en mesure de fédérer la « tierce Allemagne », l’était moins lorsque la France dominait à ce point l’Europe. Napoléon aurait pu créer puis soutenir une entité politique solide dans la partie sud de l’espace germanique, avec les États les plus ouverts à l’influence française : Bavière, Bade, Wurtemberg, les deux Hesse, voire la Saxe. Il eût fallu pour cela assigner des buts finis au système napoléonien et avoir une vision de l’Europe future. Napoléon n’avait pas clairement cette vision et c’est pourquoi il ne s’éloigna pas des traditions diplomatiques, alors même que les États qui auraient pu constituer le socle d’un accord de grande ampleur ne demandaient qu’à se rapprocher de lui.

Leur premier objectif était de se débarrasser du Saint-Empire, ressenti comme un obstacle à leur indépendance. Mais l’empereur ne sut pas approfondir les rapprochements franco-allemands. Il voulut seulement les mettre au service de ses propres desseins. Le renoncement à la couronne impériale par François d’Autriche (1806) permit pourtant une redistribution des cartes : Vienne était exclue de l’Allemagne, avec la complicité des États moyens. C’est alors que Napoléon tenta d’organiser la coopération au sein de la Confédération du Rhin créée par le traité du 12 juillet 1806. Elle compta une quarantaine d’adhérents autour de la France. L’empereur en était le « protecteur ». Les premiers fruits de l’accord furent récoltés sur le terrain de la guerre franco-prussienne (1806) et de la paix de Tilsit (1807) : après avoir confiné l’Autriche au sud, l’empereur des Français rejeta la Prusse vers le nord. 

Un espace politique et géographique s’ouvrait. Il aurait fallu l’occuper et en renforcer les composantes. On put le croire avec cette Confédération, dont le texte fondateur prévoyait des institutions politiques communes : l’archevêque de Mayence, Dalberg, fut désigné prince-primat et président d’un « collège des rois », d’une diète confédérale qui aurait dû s’assembler à Mayence… mais ne fut jamais réunie. La Confédération du Rhin ne fut qu’un outil militaire, permettant certes aux alliés de se protéger les uns les autres mais servant surtout à appuyer les projets napoléoniens : il y eut environ 125 000 Allemands dans la Grande Armée de 1812. L’historien Michel Kerautret a pertinemment comparé ce montage à l’Otan. Les autres domaines de coopération restèrent du ressort des relations bilatérales, ce qui avec l’empereur des Français était synonyme de dialogue entre fort et faible.

Finalement, Napoléon se servit surtout de la Confédération du Rhin pour maintenir la division de l’Allemagne, désormais sous autorité française, et non tenter une « union » politique autour de la France. La dureté des règles du Blocus continental, le favoritisme commercial, les tentatives d’imposer des solutions juridiques et administratives auxquelles toutes les élites allemandes n’étaient pas favorables, le mépris manifesté aux princes confédérés n’étaient sans doute pas de bonne politique pour souder la tierce Allemagne à la France. L’effondrement de l’Allemagne « napoléonienne » en 1813, le retour à l’incertaine bascule entre l’Autriche et la Prusse allaient s’avérer à long terme une calamité pour le continent. En ayant sanctionné aussi durement la Prusse après 1806 et en ayant manqué l’Allemagne, Napoléon en porte une part de responsabilité.

Source : http://parolesdactu.canalblog.com/archives/2013/12/28/28736160.html, décembre 2013.

 

Ce qui suivit est une histoire qui ne concerne qu’indirectement la France. Son tort fut de rester seulement observatrice – mais pouvait-elle faire autrement ? - de la montée en puissance de la Prusse. Elle ne réagit que lorsqu’il fut trop tard, après la défaite autrichienne de Sadowa (1866).

 

Quoi qu’on puisse penser des qualités personnelles de Napoléon III, sa politique allemande fut inepte. Il se laissa entraîner sur la pente de ce qu’il croyait être une diplomatie « savante », avec le fameux épisode des « pourboires », et ne réussit qu’à se couper de l’Angleterre (qui faisait alors la pluie et le beau temps dans le monde) pour finalement se retrouver seul face à la Prusse et aux États allemands. Il était l’empereur et est donc le premier responsable de la catastrophe.

 

PdA : L'historien n'a évidemment pas vocation à être un moraliste, et il est toujours plus aisé, forcément, de jauger les arguments, de juger les décisions après coup. Cela dit, quelles ont été, à votre sens, les erreurs les plus graves et lourdes de conséquences qu'a commises Napoléon ?

 

T.L. : La question est trop vaste pour qu’on puisse y répondre brièvement. Pour résumer, l’échec de Napoléon vient de sa politique étrangère, qui était une politique de rapports de force, presque jamais de collaboration. On vient d’en donner l’exemple avec l’Allemagne, mais on pourrait les multiplier. Vainqueur, il n’a jamais su négocier des paix qui n’étaient pas des punitions, alliant l’abaissement du vaincu et les avantages léonins pour l’Empire.

 

Certes, sa politique est plus complexe qu’on ne le croit généralement. Dire qu’il était seulement un conquérant est insuffisant, de même que tout ramener à une continuation de la lutte entre l’Ancien Régime et la Révolution. Il faut ajouter à l’analyse l’incontestable persistance des données permanentes des relations internationales en Europe : nécessité pour la Russie de se positionner dans le concert européen, pour la Prusse d’asseoir sa place dans l’ensemble germanique, pour l’Autriche de l’en empêcher, pour l’Empire ottoman de survivre, etc...

 

On rappellera aussi que l’épisode napoléonien s’inscrivit dans le cadre d’une seconde « guerre de Cent Ans » entre la France et l’Angleterre, commencée sous Louis XIV et achevée à Waterloo, affrontement entre « l’équilibre », cher aux Britanniques (l’Europe est constituée de puissances moyennes qui se neutralisent), et le « système » (l’Europe s’organise autour d’une ou deux puissances majeures).

 

On peut le démontrer par l’absurde : la grande coalition anti-napoléonienne de 1814 mit quatorze ans à se constituer, ce qui montre qu’avant cela, la prépondérance française convenait à nombre d’acteurs, qui comptaient en profiter pour asseoir leur propre position. Ceci n’empêche pas de considérer que les choix stratégiques de Napoléon furent discutables et, au final, fautifs… puisqu’il chuta et, avec lui, la domination française sur le continent.

 

À sa décharge, on dira que l’empereur des Français tenta l’unification continentale avec les méthodes de son temps. Il installa la prépondérance française, parfois certes avec le soutien de la frange « éclairée » des pays bouleversés, mais toujours par le jeu de la force militaire et la contrainte. « La France avant tout », écrivait-il. Autour de cette maxime, il avança en opportuniste, n’ayant pas, au fond, de projet défini.

 

Il parlait de son « système » sans jamais dire ce qu’il était et où il s’arrêterait. Il n’y a rien de moins compatible avec la vie internationale que de laisser ses rivaux et ses alliés dans une telle incertitude. Pour dire les choses trivialement, il voulut courir tous les lièvres à la fois, changeant souvent d’ambition et modifiant ses alliances-pivôt au gré de ses besoins : l’Espagne jusqu’en 1808, la Russie à partir de 1807, l’Autriche après 1810.

 

PdA : Après lui, de nombreuses autres années et expériences ont été nécessaires à la France pour se façonner un régime qui sache marier valeurs de la Révolution et maintien de l'ordre, libertés publiques avancées et État fort. La République elle-même a, dans l'histoire de son développement, dans le détail de son organisation, connu pas mal de zones de turbulences avant de s'établir.

Est-ce que, pour vous, la République telle que voulue et dessinée par De Gaulle à partir de 1958 constitue, sur le papier en tout cas (j'insiste sur ce point, surtout en ce moment), une bonne synthèse ; le régime qui, tout bien pesé, sied à la France ? Quels amendements lui apporteriez-vous ?

 

T.L. : Je ne suis pas légitime à donner un avis sur la situation actuelle autrement qu’au titre d’observateur et de citoyen. Sur le plan institutionnel, je considère que les institutions de la Ve République sont excellentes, à ceci près que le quinquennat les a affaiblies. Le président n’est plus un arbitre fort, dans ce schéma, il est le véritable chef du gouvernement et celui de la majorité parlementaire.

 

Nous subirons encore longtemps les inconvénients de la réforme voulue par Jacques Chirac pour son confort personnel et en vue d’obtenir un second mandat. Pour le reste, le citoyen que je suis ne peut être que désappointé par ce que les circonstances et les hommes, je veux parler des deux derniers présidents, ont fait de la fonction présidentielle. Aucun des deux n’a compris que le président de la République est, si j’ose dire, le « roi de France ».

 

Puisque vous me posez la question, l’amendement que je ferais à l’actuelle constitution serait de rétablir le septennat. Mais vous avez compris que c’est impossible, parce que ça n’est plus à la « mode ». Partant, je ne serais pas étonné que nous allions droit à la crise de régime, et que les apprentis-sorciers qui parlent de « VIe République » - sans jamais nous dire ce qu’ils y mettent - ne soient dominants au moment où il faudra trancher. Mais je ne veux pas aller plus loin dans le commentaire.

 

PdA : Voyez-vous dans l'histoire napoléonienne quelques leçons qu'il conviendrait de tirer et qui, à votre avis, mériteraient d'être énoncées aujourd'hui, au regard de telle ou telle question de politique intérieure, de telle ou telle affaire touchant aux relations internationales ?

 

T.L. : Là aussi, vaste sujet. Napoléon a régné il y a deux cents ans… Il n’a certes pas été le champion des libertés individuelles et là, il ne nous aide guère. Mais il n’en a pas moins donné un « style » qui pourrait inspirer : volonté, travail, courage. Il a légué des principes : unité nationale, respect de l’État, ordre et application de la loi, qui est rare et claire. Vous le voyez, c’était vraiment il y a deux cents ans !

 

PdA : Quels sont vos projets pour la suite, Thierry Lentz ?

 

T.L. : Mon prochain ouvrage, sur la campagne et la bataille de Waterloo, devrait être en librairie fin janvier 2015.

 

PdA : Merci infiniment !

 

Thierry Lentz

 

 

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Vous pouvez retrouver Thierry Lentz...

 

26 août 2014

Micheline Dax : "Profitez de la vie, sans remords... et sans vergogne !"

   « Micheline est décédée tout à l'heure. C'est très étrange, car j'étais en train de récupérer des images de sa première apparition dans un film en 1948. On m'a appelé pour m'annoncer sa disparition alors que j'étais plongé dans mes "fouilles archéologiques", comme elle disait pour se moquer gentiment de moi. Je n'arrive pas à réaliser... » C'est par ces mots, par ce message qu'il m'a envoyé le 28 avril à 00h53 que l'ami Jean-Paul Delvor m'a appris la triste nouvelle. On la savait diminuée - elle venait de fêter ses 90 ans - mais on espérait qu'elle reprendrait le dessus, une fois de plus... Ce qu'elle laisse derrière elle est inestimable : des œuvres qui ont touché plusieurs générations d'un public qui lui est resté fidèle - en témoigne la déferlante d'hommages qui lui ont été rendus après l'annonce de son décès ; le respect et la reconnaissance que ses pairs du métiers réservent à l'une des leurs, une grande pro ; une belle famille, resserrée, élargie, une famille qu'elle aimait et qui n'a pas fini de l'aimer... Au revoir, Madame... et merci pour tout...

   Le document qui suit nous laissera, forcément, un goût d'inachevé. Au début de l'année, j'avais proposé à Jean-Paul Delvor, qui gère avec amour et dévotion sa page officielle, de réaliser ensemble une seconde interview de Micheline Dax, un an après la première, qui fut publiée le jour de son 89ème anniversaire. Elle n'était plus au mieux, son moral était fluctuant : cette interview-là serait solaire... ou ne serait pas. J'ai demandé à Jean-Paul, qui a eu avec elle d'innombrables conversations, de me faire une liste de ces points de son parcours d'artiste dont elle parlait avec plaisir. Une fois la liste reçue, j'ai rédigé les questions, les ai envoyées à celui qui fut son partenaire dans Arsenic et vieilles dentelles. Il a pu lui en poser quelques unes au téléphone, pas forcément dans l'ordre. Ses dernières réponses, tantôt drôles, tantôt émouvantes, forcément précieuses, elle les a livrées autour du 3 mars, de son 90ème anniversaire. Pour le reste, Jean-Paul a pris le relais. Il a complété une bonne partie des "blancs" par l'évocation de ce que Micheline lui avait raconté, avant. Et invité quelques amis à participer, eux aussi, à cet article, à cet hommage à une dame de cœur. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

MICHELINE DAX

 

« Profitez de la vie, sans remords...

et sans vergogne ! »

 

Micheline Dax

(Source des photos avec M. Dax : J.-P. Delvor)

 

Q. : 15/02/14 ; R. : jusqu'au 03/03/14 (?)

 

Paroles d'Actu : Bonjour, chère Micheline Dax... Je suis très heureux de vous retrouver, un an après la première, pour cette nouvelle interview réalisée pour Paroles d'Actu. Comment allez-vous ?

 

Micheline Dax :

 

Paroles d'Actu : Je tiens à remercier, à nouveau, et de tout cœur, notre ami Jean-Paul Delvor. Sans lui, aucun de nos entretiens n'aurait pu avoir lieu. Il est, grâce à la belle page qu'il gère avec passion sur Facebook, comme un trait d'union entre vous et vos nombreux admirateurs. Il était votre neveu dans la version d'Arsenic et vieilles dentelles que Thierry Harcourt avait mise en scène il y a quelques années. Comment votre relation, professionnelle, au départ, s'est-elle transformée en une amitié aussi fidèle ?

 

Jean-Paul Delvor : Le texte qui suit est la retranscription d'un extrait de conversation datant d'il y a plusieurs années. Ce soir-là, je l'avais accompagnée au théâtre. Un peu plus tard, au resto, elle s'est mise à parler de Facebook, de ses "fans". Peu après, j'ai pris quelques notes...

 

« Il fait partie de ma cour ! (rires) Je suis une personne assistée, tu comprends ? (rires) J'ai du bol, ce garçon me trimballait partout. J'ai de la chance, tu sais. C'est lui qui m'a fait mon site ! Sur Facebook (!?) J'ai jamais vu, moi... ! Je n'ai pas d'ordinateur, ni d'internet, j'm'en fous... Mais les messages que je reçois ! ... Il m'en lit de temps en temps. C'est irrésistible ! Et des gens jeunes ! "Madame, je vous aime depuis que je suis tout petit", "Vous êtes un monument"... non mais, tu comprends, c'est irrésistible ! ... Parce qu'avant ce... cette... chose... moi, j'savais pas qu'il y avait des jeunes qui me connaissaient encore ! ... Tu vois c'que j'veux dire ? ... »

 

Dax_Delvor

(Photo : J.-P. Delvor, Arsenic et vieilles dentelles, 2006)

 

Paroles d'Actu : J'aimerais, à l'occasion de cette interview, vous inviter à évoquer ensemble quelques dates-clés, quelques moments qui ont jalonné votre incroyable parcours... Quelques uns, évidemment, pas tous, il y en a tellement... Tout à l'heure, il y aura non pas une, mais deux surprises...

 

Micheline Dax : Ah, chic alors ! (Rires)

 

Paroles d'Actu : Nous sommes en 1954. Vous êtes sur les planches du théâtre Édouard VII pour Souviens-toi mon amour, une pièce écrite par André Birabeau et mise en scène par Pierre Dux...

 

Jean-Paul Delvor : Micheline m'avait demandé d'en rechercher le texte, elle souhaitait le relire, car elle avait gardé un excellent souvenir de la pièce - une très bonne pièce, selon elle - et de sa distribution - elle était très amie avec l'une de ses co-actrices. Je ne l'ai jamais trouvé...

 

Paroles d'Actu : En 1957, vous êtes à l'affiche de Ce joli monde, film réalisé par Carlos Rim. Darry Cowl est également de la partie...

 

Jean-Paul Delvor : Elle aimait me parler de Darry Cowl. Elle disait qu'il était complètement fou, délirant, insolite... Une fois, après une journée de tournage de ce film, il l'a raccompagnée chez elle. Il a fait dix fois le tour du rond-point des Champs-Élysées en lui parlant et en lui faisant la cour. Il lui racontait des blagues, des choses absurdes... Elle était écroulée de rire... Il était très adroit, au billard et au lancer de fléchettes. Micheline l'imitait très bien, la cigarette aux lèvres et, remettant ses lunettes, en train de viser une cible avec une fléchette.

 

Paroles d'Actu : Deux ans plus tard, en 1959, vous jouez dans Messieurs les ronds-de-cuir, d'Henri Diamant-Berger. À vos côtés, on trouve Noël-Noël, Michel Serrault, Pierre Brasseur et Jean Poiret. Je crois que vous avez une anecdote à nous raconter à propos de ce film...

 

Jean-Paul Delvor : Il faut savoir que Pierre Brasseur, disons... n'était pas insensible aux charmes féminins (si j'arrêtais de mettre des gants, je dirais : un "chaud lapin"). Clairement, Micheline ne le laissait pas indifférent... Un jour, Jean Poiret lui a fait une blague. Micheline était en train de se changer dans sa loge. Poiret a conduit Brasseur jusqu'à sa porte. Il la lui a ouverte. Brasseur a poussé un "Oh ! Micheline !" de surprise et de concupiscence... Et il l'a poursuivie sur le plateau pendant de longues minutes. Elle riait beaucoup quand elle me racontait ça... même si elle en a voulu à Poiret pour cette "vacherie".

 

M

 

Paroles d'Actu : Un peu de temps s'écoule... On est en 1967. La Vie parisienne, d'Offenbach est interprété par la compagnie Renaud-Barrault. Jean-Louis Barrault est aux commandes...

 

Jean-Paul Delvor : Je n'ai pu lui poser cette question, mais ce que je sais, c'est que Micheline était très fière d'avoir fait ça. Elle adorait les costumes, elle disait que c'était somptueux (elle prononçait "sompetueux", en accentuant le "p")... Elle était très admirative du couple que formaient Simone Valère et Jean Desailly, et de leur jeu...

 

Paroles d'Actu : La même année, vous êtes la voix du personnage éponyme de Titus, le petit lion, une série télévisée d'animation pour laquelle vous avez gardé une grande tendresse...

 

Micheline Dax : Ah oui alors ! J'ai fait ça avec Bodoin, qui faisait le Grand Yaka au pays de Jaimadire... (rires) C'était drôle, naïf et poétique. Je faisais la voix de Titus, et aussi de Bérénice, qui était une petite souris... et y'avait Carel, qui faisait un pingouin et un pélican ! (rires)

 

Paroles d'Actu : Le Francophonissime, jeu télévisé créé par Jacques Antoine et Jacques Solness, apparaît sur les écrans à la fin des années 60...

 

Jean-Paul Delvor : Elle en a déjà parlé dans quelques interviews. Elle aimait beaucoup cette émission, surtout la première version, avec Georges de Caunes. Et elle avait beaucoup d'admiration et d'amitié pour Jean Valton et Michel Deneriaz, dont elle parlait toujours avec tendresse.

 

Paroles d'Actu : Entre 1978 et 1983, vous participez aux Bubblies et jouez des rôles, disons... assez improbables. Y compris, si je ne me trompe pas... un hachis parmentier ?

 

Micheline Dax : C'était un truc anglais d'une connerie ! Je faisais Madame Poubelle (rires) et Gwendoline, une jeune blonde qui changeait d'apparence. Et un jour, je dois dire : "Eh bien mes amis, aujourd'hui, je serai un hachis parmentier" ! (avec la voix de Gwendoline, ndlr) Va faire le bruitage d'un hachis parmentier, toi ! (rires) Alors, j'ai fait prrrrrrr... (bruit d'une chose molle, qui s'écrase, comme une bouse, ndlr)

 

Paroles d'Actu : Au milieu des années 80, vous êtes de l'aventure N'écoutez pas, mesdames !, de Guitry, mise en scène par Pierre Mondy. Une expérience qui vous a laissé, je crois, un très bon souvenir...

 

Micheline Dax : Ah, ça, mon p'tit garçon, Guitry, c'est un tel bonheur à jouer... Qu'est-ce que tu veux, c'est tellement drôle ! et intelligent ! et c'est d'une cruauté... Et ce rôle (Valentine, ndlr), c'était pile le genre de personnage que j'avais envie de jouer à ce moment-là... Et jouer avec Pierre Dux, c'était divin ! Et je me suis beaucoup amusée, ensuite, en tournée, avec Paturel !

 

N'écoutez pas mesdames

 

Paroles d'Actu : En 2004, Stephan Meldegg reprend pour le théâtre Saint-Georges Miss Daisy et son chauffeur, d'Alfred Uhry...

 

Ndlr : Pour évoquer cette pièce, Jean-Paul Delvor a eu l'excellente idée d'inviter M. Jean-Loup Horwitz, qui en partagea l'affiche avec Micheline Dax, à évoquer pour Paroles d'Actu cette aventure commune... (03/05/14)

 

Jean-Loup Horwitz : Miss Daisy et son chauffeur... Que de souvenirs. Que de rires avec Micheline, Jean-Michel Martial, le chauffeur, et moi dans le rôle du fils, Boolie ! Quel bonheur aussi de travailler avec Stephan Meldegg... C'était la première fois que Micheline et Stephan travaillaient ensemble. Il faut dire que c'étaient deux mondes différents. Quand nous avons commencé à répéter, Micheline connaissait toute la pièce par cœur, comme à son habitude. Jean-Michel et moi, pas un mot. Petit à petit le texte entrait, encore incertain. Et quand l'un de nous se trompait, Micheline tapait du pied... Ça énervait tout le monde, et surtout, cela déconcentrait Jean-Michel... Alors, ce qui devait arriver arriva : Jean-Michel s'arrête et demande à Micheline de cesser, soutenu par le metteur en scène. Micheline, renfrognée, se fait violence, et pendant quelques temps, le travail reprend... Au fil des jours, avec le travail sensible et exceptionnel de Meldegg, nous avions et le texte et l'émotion des personnages. Et là, à notre grand étonnement, c'est Micheline qui se trompait ! Il a fallu qu'elle reconstruise son personnage selon les consignes de Stéphan pour devenir l'exceptionnelle Miss Daisy quelle fut. C'était l'affrontement de deux techniques... Micheline jouait en musicienne qu'elle était. Meldegg travaillait sur l'âme des personnages. Miss Daisy, c'est aussi le début d'un changement radical : Stephan Meldegg s'est battu pour que Micheline porte une perruque blanche... Elle a trouvé que ça lui allait bien et a abandonné sa couleur noire.

 

Je parlerai aussi des 80 ans de Micheline. Micheline m'avait fait promettre de ne rien faire... Mais sa fille Véronique, avait convoqué au Théâtre Saint-Georges les vieux complices de sa mère... Et au dernier rappel, ce fut une avalanche de personnalités ! Micheline troublée, avait quand même trouvé le mot - « Revenez dans vingt ans ! » - pour faire rire la salle. Pour ses 81 ans, nous étions en tournée à Metz. Au dernier rideau, l'immense salle, prévenue par les ouvreuses avant le début du spectacle, s'est mise à chanter Joyeux anniversaire ! tandis que du fond de scène roulait un immense gâteau lumineux fabriqué par les machinistes du théâtre ! Quelle émotion !

 

Je finirai par un petit secret... Nous avions un rituel, Micheline et moi. Avant le lever de rideau, Micheline avait toujours les mains gelées par le trac. Et comme j'ai toujours les mains chaudes, Micheline tendait vers moi ses deux mains et nous restions là, tous les deux, écoutant le merveilleux bruit de la salle avant l'ouverture du rideau... En jouant Boolie, je suis devenu le presque fils de Micheline... et quand elle m'envoyait un mot, Micheline signait : "Ta presque mère" ! C'est dire le lien qui nous unissait et la tristesse qui est la mienne aujourd'hui... (05/05/14)

 

Jean_Loup_Horwitz

(Photo : agent)

 

Paroles d'Actu : Dans la deuxième moitié des années 2000, vous interprétez, avec d'autres femmes, les fameux Monologues du vagin. Il y en a une qui a accepté, à ma demande, de me parler de vous... Et, au travers de ce témoignage, de vous transmettre toute son affection... Voici ce que m'a dit Marie-Paule Belle...
 
« Dites-lui que j'ai sur mon bureau la photo de Sara Giraudeau, elle et moi prises devant le miroir de sa loge quand nous jouions Les Monologues du vagin au Théâtre de Paris !
 
Le 3 mars, c'est son anniversaire, et je me souviens que nous l'avions fêté au Bistro des deux théâtres, où elle avait sa table ! Nous avons souvent dîné ensemble : elle me racontait sa vie, des anecdotes sur Piaf, et d'autres... Nous avons partagé beaucoup d'émotions... et de fous rires ! Et de trac, aussi. Par exemple, à l'Olympia, pour le concert de William Sheller : elle sifflait magnifiquement un Aria écrit pour elle par William et je chantais seule au piano une très belle chanson que William m'avait écrite, L'Homme que je n'aime plus... Elle voulait s'en aller avant d'entrer en scène, tellement elle avait peur ! On se tenait la main, on s'encourageait...
 
Je vis maintenant dans le sud , au soleil. Elle me manque et je l'embrasse bien fort, comme ces souvenirs... »

 

Ndlr : Message lu par Jean-Paul Delvor à Micheline Dax le 3 mars 2014, jour de son anniversaire...

 

Micheline Dax : Oh que c'est gentil ! Elle m'a appelée tout à l'heure ! C'est vrai, je suis partie... On m'a rattrapée ! (rires) Elle est tellement gentille avec moi... Dis-lui que je l'embrasse fort fort fort !

 

Belle_Dax_Giraudeau

(Photo : collection personnelle M.-P. Belle)

 

Paroles d'Actu : La seconde surprise, c'est un autre message qu'un grand nom du théâtre, qui a pour vous une grande tendresse, a tenu à vous adresser... C'est Monsieur Jean-Claude Dreyfus.

« Pour la divine Micheline : Nous qui avons partagé durant des années le même quartier, celui des Batignolles, ainsi que le même parking de l'Europe, où nous nous sommes retrouvés soudain en fourrière - celles du beauf de Tonton, face au Paris Rome. Je pense à son patron, retrouvé découpé en morceaux dans une valise au bois de Boulogne et qui, de son vivant, me harcelait pour que j'écoute des musiques militaires sorties du juke-box... Oh... comme j'aurais aimé prendre une boisson à vos côtés, et que vous me siffliez « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle... » en sirotant un Fernet-Branca... Bref, je vous adore et vous embrasse tendrement... et amitieusement ! JcD » (02/03/14)

 

Micheline Dax : (Rires) C'est très gentil... Merci beaucoup...

 

Paroles d'Actu : Je crois savoir que vous n'avez rien perdu de votre amour du cinéma... Quels sont vos films préférés ?

 

Micheline Dax : Ah... J'ai une passion pour L'Aventure de Mme Muir, (J. Mankiewicz, 1947, ndlr) avec Rex Harrison et Gene Tierney - elle est d'une beauté... J'en pleure à chaque fois. Je l'ai vu un nombre incalculable de fois, tout comme Le Plaisir d'Ophüls (1952, ndlr), qui est un chef d'oeuvre... Gabin et Darrieux, magnifiques ! La scène où Gabin fait la cour à Darrieux... (rires) c'est un régal, une merveille ! ça repasse de temps en temps sur le câble, je n'en rate jamais une miette !

 

(...) Madame Bovary (V. Minnelli, 1949, ndlr), avec Jennifer Jones, qui était d'une beauté insolente ! Ah, la garce ! (rires) le moment où elle se voit dans le grand miroir... et la scène du bal, avec Jourdan ! (...) Le Père tranquille (R. Clément, 1946, ndlr), avec Noël-Noël ! (...) et tous les Guitry ! tous sans exception...

 

Jean-Paul Delvor : Micheline m'a aussi fait découvrir un film qu'elle adorait et que je lui avais retrouvé en VHS. Elle en connaissait les dialogues absolument par cœur. Elle gloussait de rire et de plaisir quand on évoquait certaines scènes. Elle connaissait aussi le nom de tous les interprètes : Elvire Popesco, Victor Boucher, - qu'elle adorait comme acteur et dont elle me parlait souvent - André Lefaur, Blier dans un tout petit rôle ! Ça s'appelle L'habit vert (R. Richebé, 1937, ndlr), une pépite...

 

Paroles d'Actu : Vous êtes devenue Commandeur des Arts et des Lettres en 2006, Chevalier de la Légion d'Honneur en 2012. Que vous inspirent-elles, ces distinctions ?

 

Jean-Paul Delvor : Un matin, Micheline, très remontée, me laisse un message sur mon répondeur :

« Bonjour mon p'tit coco, c'est Micheline... On vient de me laisser un message pour me dire que j'ai été "nommée" Chevalier de la Légion d'Honneur... mais c'est pas possible, il faut la demander ! et moi, j'ai rien demandé ! on me l'aurait proposé, je l'aurais refusé... oh, tu sais alors ! qu'est-ce que c'est que cette histoire ?! Si tu pouvais faire une enquête, ça m'arrangerait. Tu me tiens au courant, tu seras gentil... C'était aujourd'hui, ou hier soir, je ne sais pas, enfin, je suis nommée aujourd'hui... non mais quelle connerie... ! (rires) Je t'embrasse, mon garçon... »

 

Paroles d'Actu : Quel message souhaiteriez-vous adresser à nos lecteurs, notamment celles et ceux qui comptent parmi vos fidèles et seront heureux d'avoir de vos nouvelles, de lire vos mots ?

 

Micheline Dax : Je suis bienheureuse de savoir que l'on ne m'oublie pas, et je vous embrasse tous très fort...

 

Paroles d'Actu : Que peut-on vous souhaiter, chère Micheline ?

 

Micheline Dax :

 

Paroles d'Actu : Aimeriez-vous ajouter quelque chose avant de conclure cet entretien ?

 

Micheline Dax : Profitez de la vie, sans remords... et sans vergogne !

 

 

Quelques lignes...

 

Claire Nadeau

Claire_Nadeau

(Photo : agent)

 

(...) Bien que j'aie rencontré Micheline très tard, à l'occasion des Monologues du Vagin que nous avons joués ensemble plusieurs mois, elle a tout de suite pris une grande place , et je l'ai tout de suite aimée. Micheline et ses indignations légendaires ! Quand je la retrouvais en arrivant au théâtre, elle m'accueillait souvent par un : "Non mais, tu as vu ça, ce pauvre gosse, ce que les gens peuvent être salauds !" en référence à un quelconque fait divers (et il y en avait beaucoup). Pour la taquiner, je lui répondais : "Ah bon, tu connaissais le gamin ?", ce qui avait le don de la faire redoubler de fureur, contre les "salauds", contre moi qui ne compatissais pas autant qu'elle aurait voulu, et puis, très vite on se racontait des histoires joyeuses, et sa bonne humeur revenait, et elle descendait sur le plateau comme une jeune fille, pleine d'entrain et jubilant de jouer ces Monologues. Et, bien souvent, la soirée se poursuivait au restaurant, avec toujours une petite coupe de champagne : "Ça fait un bien fou, tu ne trouves pas ?".

 

Micheline qui n'aimait pas aller se coucher, qui aimait tant la vie tout en râlant contre les uns, les autres, les cons et les salauds, Micheline que je chérissais tendrement, et qui me manque... Merci à vous de perpétuer son souvenir.

 

Bien amicalement,

 

Claire Nadeau. (12/07/14)

 

 

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Et vous, quels souvenirs garderez-vous de Micheline Dax ?

 

 

Quelques liens...

 

 

13/07/14

23 août 2014

UMP : Paroles de jeunes militants

« Si l'on en croit un sondage récent (Le Parisien-CQFD-iTélé ; 10-11/07/14), un tiers des sympathisants UMP seraient désormais favorables à une dissolution du parti, une proportion qui aurait doublé en deux semaines. En cause : les révélations touchant au train de vie de certains des cadres de l'UMP et qui suivent de peu le scandale Bygmalion. Ce sur fond de difficultés financières majeures : la dette du parti s’élèverait à 74,6 millions d'euros... Les militants, eux, sont souvent déboussolés : le nombre de ceux à jour de cotisation est en forte baisse... Pour le député-maire de Nice, Christian Estrosi, 'le parti est déjà mort'. J'aimerais vous demander ce que vous inspire la situation de votre formation politique, savoir comment vous envisagez son avenir ? » Voici, sur la base de cette question que j'ai rédigée le 14 juillet dernier, quelques réflexions signées par de jeunes militants de l'UMP, ici disposées par ordre de réception. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

UNE EXCLUSIVITÉ PAROLES D'ACTU

UMP : Paroles de jeunes militants

 

 

Pierre-Henri Bovis

Pierre-Henri BOVIS

P.-H. Bovis est adjoint au maire d'Achères (78) et délégué national des Jeunes populaires.

 

« Tout est à reconstruire »

 

Après la défaite aux présidentielles et la débâcle que nous avons vécue, il existe quelque chose de merveilleux : il y a tout à reconstruire. C’est un message d’espérance à adresser à nos militants et à tous ceux qui n’ont jamais franchi le pas. C’est le moment d’apporter sa pierre pour construire un nouvel édifice avec de nouvelles fondations, de nouvelles idées et une nouvelle dynamique.

 

À ceux qui ont profité de l’étiquette UMP pour être élus et qui aujourd’hui pilonnent le parti et ses responsables : il faut savoir se regarder dans une glace. Fuir l’orage sans l’affronter, c’est lâche, irresponsable et irrespectueux envers les militants et les électeurs qui vous ont accordé leur confiance. Les élus qui ne paient pas leur cotisation n’ont, quant à eux, plus rien à faire au sein du parti, selon moi.

 

Mon expérience de campagne me fait dire aussi qu’il faut laisser la place à la jeune génération, propre de tout soupçon. Elle a des idées, de l’ambition pour son pays. Que ce soit Nicolas Sarkozy ou un autre, le chef de l’UMP devra se rapprocher et s’entourer inéluctablement de la jeunesse, qui n’a pas été assez écoutée. Elle en a assez que l’on parle en son nom avec des idées qui ne sont pas les siennes.

 

Les Français veulent voir de nouvelles têtes prendre les commandes. Toutefois, c’est bien l’expérience qui fait la différence, et c’est pourquoi un Nicolas Sarkozy aujourd’hui me paraît tout à fait légitime pour reprendre les rennes.

 

C’est bien le politique qui doit ciseler l’opinion générale et non l’inverse ; je vois là l’une des difficultés de notre société, où l’inquiétude du passage devant les urnes force certains à adopter des positions parfois contraires à leurs convictions… La force des idées doit suivre la force des convictions pour mener une politique forte, sans peur ni crainte, sans tabou. La nouvelle génération saura y faire face.

 

Et s’il doit y avoir un nouveau parti, il faudra rebattre les cartes des dirigeants politiques avec un nouveau système qui inclue plus de transparence sur la gestion du parti et l’attribution de ses comptes. Une erreur, pas deux. Les jeunes du parti doivent être mieux considérés et avoir plus la parole. C’est à eux d’aller devant les urnes désormais, y compris sur les terres de reconquête.

 

La jeunesse n’est pas le monopole du Front National !

 

Propos recueillis le 24/07/14

Retrouvez Pierre-Henri Bovis sur Twitter, sur Paroles d'Actu...

 

 

Jonas_Haddad

Jonas HADDAD

J. Haddad est adjoint au maire de Bernay (27) et délégué national des Jeunes populaires.

 

« Nous devons nous réinventer »

 

Comme dans toute organisation, il peut exister des déceptions, des désillusions même. Pourtant depuis cet été, il me semble que l'UMP a retrouvé de l'attrait, peut-être tellement d'attrait que les candidatures se multiplient...

 

Au-delà de ces questions de personnes et d'ambitions, la vacuité tient lieu de programme au Gouvernement et l'incantation est le seul levier du FN.

 

En réalité, je sens à Bernay, comme ailleurs en France, que nos concitoyens seront extrêmement exigeants à l'égard de l'UMP et ils ont raison : nous devons nous réinventer.

 

Comme Refonder la Droite, de nombreux groupes de réflexion se créent à l'initiative de la nouvelle génération. Tous ces projets me rassurent pleinement sur notre capacité à recréer un projet 2.0 pour la France : modernisé et mieux connecté aux réalités du pays !

 

Propos recueillis le 21/08/14

Retrouvez Jonas Haddad sur Twitter, sur son site, sur Paroles d'Actu...

 

 

Pierre_Gentillet

Pierre GENTILLET

P. Gentillet est président des Jeunes de la Droite populaire.

 

« L'UMP devra clarifier sa ligne »

 

Clairement la situation n'est pas au beau fixe. Notre parti traverse une crise très grave, sur le fond comme sur la forme.

 

Sur le fond, le parti est entaché de scandales financiers, mais aussi d'une dette colossale, de plus de 70 millions. D'après moi, la vraie crise n'est pas là. On a voulu nous faire croire que les problèmes liés à la gestion du parti étaient la raison du score décevant de l'UMP aux européennes. En réalité, on a exigé la tête de Copé pour éviter de regarder la vérité en face. La raison essentielle pour laquelle nous avons fait un score si décevant, il faut bien le dire, c'est la ligne idéologique adoptée au moment des élections. Notre électorat attend depuis plus de dix ans une véritable politique de droite, c'est à dire gaulliste, souverainiste et réformiste. C'est cette politique-là que nous aurions dû mener au moment des européennes pour arriver en tête. Au lieu de cela, nous avons préférer mener la campagne sur une ligne centriste, libérale et euro béate. Au final, la droite a fait 20% et le Front national a atteint 25%.

 

J'aurais beaucoup aimé que nous puissions avoir à l'UMP un débat sur les raisons de cet échec, il faut bien le dire, aux dernières élections européennes. Au lieu de cela, on s'est contenté de remercier Jean-François Copé.

 

L'avenir de l'UMP ne doit pas passer par des règlements de comptes et de l'étalage d'ambitions personnelles. Les Français s'en moquent complètement. Ce qui les intéresse, c'est de savoir comment on va pouvoir changer leur quotidien, rétablir l'autorité et la souveraineté de l'État, résoudre les problèmes de chômage, d'insécurité dans des quartiers désormais assimilables à des territoires non-français, redonner à la France la place qui devrait être la sienne dans le concert des grandes nations, rendre les Français fiers de leur appartenance à la communauté nationale.

 

Hélas, on risque de se retrouver dans la même situation que la gauche en 2012. Les Français qui voteront UMP ne le feront pas pour les idées mais uniquement pour évacuer le pouvoir en place. À terme ce désamour croissant de la politique peut s’avérer fatal. L'UMP doit donc se repenser, clarifier sa ligne et choisir pour de bon entre une vraie politique de droite et une politique du centre. C'est à cette seule condition que nous récupérerons un véritable vote d'adhésion des Français.

 

Dans le cas contraire, notre parti, et la droite française, courront un grave et réel risque de disparition.

 

Propos recueillis le 22/08/14

Retrouvez Pierre Gentillet sur Twitter...

 

 

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Rémi TELL

R. Tell est conseiller délégué à la Jeunesse de Conflans-Sainte-Honorine (78).

 

« Les militants doivent

reprendre la main »

 

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'à première vue, la situation de l'UMP n'est guère reluisante. Affecté par les scandales financiers, par la guerre des chefs, et par l'absence d'une ligne politique claire, notre parti semble être complètement exsangue. Nous avons beaucoup promis, mais très peu fait. Nous en payons aujourd'hui le prix. Ne nous voilons pas la face, notre famille politique est discréditée de ne pas avoir su répondre aux attentes de nos compatriotes, quand nous étions encore aux responsabilités. Mais la crise que nous traversons est une crise qui, j'en suis convaincu, sera une crise salutaire. Et plus que jamais, il y a toutes les raisons de croire en l'UMP. C'est un parti d'avenir. Parce ce que c'est le parti de la jeunesse.

 

En mars dernier, ce sont des dizaines de jeunes maires, certains d'à peine 30 ans, qui ont été élus sous nos couleurs pour agir dans nos villes. Ils ont mis en place des équipes renouvelées qui apportent un grand vent d'air frais dans les localités de notre pays. Si nous avons perdu notre crédibilité au niveau national, nous déjà sommes en passe de la regagner au niveau local. L'UMP est un parti d'avenir, parce que c'est aussi une force militante considérable, Malgré les scandales, malgré leur écœurement légitime, les militants sont restés fidèles à leur engagement. Chaque soir, ce sont des centaines, des milliers d'entre eux qui vont à la rencontre des Français, qui vont frapper à leurs portes, distribuer des tracts dans leurs boites au lettres pour défendre leurs convictions. Ce week-end encore, ils étaient nombreux au campus du Touquet. Leur enthousiasme et leur détermination forcent le respect et l'admiration.

 

La crise, c'est donc celle de l'UMP d'en haut, pas celle de l'UMP d'en bas. Celle des cadres, pas celle des militants. Nous avons un grand rendez-vous à ne pas manquer pour cette année 2014, celui de la désignation de notre président lors du congrès de l'automne. Bruno Le Maire me paraît être le mieux à même de porter ce renouveau dont nous avons tant besoin. C'est un homme droit, sincère, et qui a démontré qu'il était capable de donner la parole aux jeunes, de leur donner une chance. Il est sans conteste l'homme de la situation, et a donc tout mon soutien dans cette campagne qui commence. Après viendra le temps du projet pour la présidentielle de 2017. Quelle France voulons-nous dans dix ans ? Voilà la question à laquelle il va falloir répondre. Les militants devront incontestablement y être associés, car si ils sont déjà le cœur et le poumon de notre mouvement, il est désormais temps d'en devenir la tête.

 

Propos recueillis le 30/08/14

Retrouvez Rémi Tell sur Twitter, en lisant son livre publié chez EdiLivre...

 

 

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21 août 2014

Daniel Pantchenko : "Aznavour a su conjuguer qualité et chanson populaire"

   Je caressais depuis longtemps l'idée de consacrer à Charles Aznavour, qui a eu quatre-vingt-dix ans le 22 mai dernier, un article qui me permette d'évoquer celles de ses chansons que j'aime, de donner à nos lecteurs une occasion de les (re)découvrir. Avec, à l'appui, du son et de l'image : l'inclusion au document de liens audiovisuels mis en ligne par des passionnés, bien loin de décourager l'éventuelle consommation tarifée d'un produit artistique aurait, au contraire, pour effet d'enrichir l'expérience de l'écrit, d'aiguiser la connaissance, l'appétit du public pour une œuvre remarquable. Ô combien...

   Daniel Pantchenko, qui a signé il y a quelques années Charles Aznavour ou le destin apprivoisé, une biographie de référence sur cet auteur-compositeur-interprète de génie, m'a fait l'honneur d'accepter l'invitation que je lui ai proposée. Il nous ouvre à des titres fort peu connus et revient pour Paroles d'Actu sur le parcours exceptionnel - mais non dénué d'embûches - de celui qu'un sondage CNN/Time avait consacré « artiste du siècle » en 1998 et qui, aujourd'hui encore, après si longtemps, demeure présent, en bonne position, dans le cœur des Français.

   Un hommage à quatre mains, donc, à un artiste dont l'empreinte dans la légende et la grande histoire de la belle chanson française est assurée depuis longtemps. Chapeau bas, Monsieur Aznavour. Merci, Monsieur Pantchenko, pour vos réponses, passionnantes et qui nous donnent envie d'aller plus loin. Pour votre gentillesse. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

DANIEL PANTCHENKO

Auteur de Charles Aznavour ou le destin apprivoisé

 

« Aznavour a su conjuguer

qualité et chanson populaire »

 

Charles Aznavour ou le destin apprivoisé

(Source des photos : D. Pantchenko.

Dont : trois photos provenant de documents de présentation édités par l'Alhambra, 1956.)

 

Q. : 09/06/14 ; R. : 20/08/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Daniel Pantchenko. Vous êtes journaliste et l'auteur de plusieurs ouvrages, dont celui qui nous intéresse plus particulièrement aujourd'hui, Charles Aznavour ou le destin apprivoisé (Fayard), publié en 2006. Ce projet, c'est aussi une histoire d'amitié : vous avez souhaité terminer ce qu'avait entrepris votre ami Marc Robine, décédé en 2003...

 

Daniel Pantchenko : Effectivement. Marc et moi, nous étions journalistes à la revue Chorus, les cahiers de la chanson et nous nous retrouvions surtout à chaque réunion trimestrielle. Aussi passionné l’un que l’autre mais extrêmement différents, nous avions donc des discussions animées au sein de l’équipe dirigée par Fred et Mauricette Hidalgo. Marc m’avait parlé à plusieurs reprises du livre qu’il avait commencé sur Aznavour et il savait que j’avais beaucoup aimé certaines de ses chansons. Pas toujours des plus connues, d’ailleurs, que j’avais apprises par cœur (Sa jeunesse, Plus heureux que moi, Le Carillonneur…). Nous n’étions pas amis intimes avec Marc, mais nous avions une estime professionnelle réciproque. À son décès (l’été 2003), j’ai vu les documents précieux qu’il avait réunis et j’ai lu les quelque 150 feuillets qu’il avait écrits. C’était un travail non finalisé mais remarquable.

 

Dans un premier temps, j’ai pensé qu’il aurait été symbolique de poursuivre son travail avec plusieurs membres de l’équipe, mais cela ne s’est pas produit et j’ai donc décidé de m’atteler seul à la tâche. Je n’avais encore jamais écrit de livre et cela m’a mis en quelque sorte le pied à l’étrier. Comme je souhaitais pouvoir interroger Charles, j’ai fait parvenir le manuscrit de Marc Robine à Gérard Davoust (l’associé d’Aznavour aux éditions Raoul Breton), que j’avais déjà croisé au plan professionnel. Quelques mois plus tard, il m’a téléphoné, enthousiaste, pour me dire que Charles était d’accord pour me rencontrer. Je l’avais déjà interviewé en 1987, lorsque j’étais pigiste au quotidien L’Humanité, mais Charles n’avait plus accepté de participer à une biographie de ce type depuis quarante ans. J’ai alors signé le contrat en septembre 2004 avec les éditions Fayard, avec lesquelles la revue Chorus était partenaire. Et le livre est sorti en mai 2006.

 

PdA : Charles Aznavour naît d'une famille d'artistes le 22 mai 1924, à Paris, presque par hasard... Est-ce au hasard que l'on doit l'installation des Aznavourian en France et, par voie de conséquence, l'émergence d'un des futurs grands ambassadeurs de notre langue ?

 

D.P. : Les parents de Charles Aznavour ont été ballottés par l’Histoire, entre la Révolution russe côté paternel et le génocide arménien en Turquie côté maternel. S’ils se sont installés à Paris, c’est qu’après avoir été l’un des cuisiniers du Tsar, Missak Aznavourian (le grand-père de Charles) y avait émigré et ouvert un restaurant, Le Caucase, où se retrouvaient de nombreux Russes blancs. Mischa (le père de Charles) y travaillera et y jouera du Târ (un instrument à cordes pincées) en chantant pour distraire les clients. En 1980, Aznavour a enregistré une magnifique chanson où tout est dit, Autobiographie, et il avait créé en 1975 Ils sont tombés, sur le génocide arménien.

 

PdA : Le jeune Charles rêve d'abord de devenir acteur, il s'orientera un peu plus tard, plus clairement, vers le monde de la chanson, des cabarets... En 1941, il rencontre le jeune auteur-compositeur Pierre Roche. En 1946, leur chemin croise celui de Piaf. Le duo va bientôt découvrir l'Amérique...

 

D.P. : Beaucoup de chanteurs, tels Reggiani ou Bruel, ont débuté ainsi avant de conjuguer les différentes disciplines ou d’en choisir une. Charles a fréquenté dès l’âge de neuf ans une école du spectacle et débuté tout de suite au théâtre. Avec sa sœur aînée Aïda, ils ont été des « enfants de la balle » (ils ont grandi dans le milieu du spectacle) avant d’être ces Enfants de la guerre que Charles a enregistrés en 1966. Aïda a commencé à chanter avant lui, il a débuté au cinéma à quatorze ans dans Les Disparus de Saint-Agil, de Christian-Jaque, aux côtés de Mouloudji et Michel Simon. Et il va gagner de nombreux radio-crochets avant d’intégrer une troupe où officie déjà sa sœur.

 

De fait, c’est sa rencontre au Club de la Chanson avec le pianiste-compositeur Pierre Roche en 1941 qui se révèlera déterminante. Lors d’une soirée où ils doivent se succéder, la présentatrice se trompe et les annonce ensemble. Du coup, ils décident de monter un duo qui va durer huit ans, orientant définitivement Aznavour vers la chanson. Curieusement, il passera d’ailleurs aussi huit ans auprès de Piaf… qui interprètera huit de ses chansons. Mais si le duo Roche-Aznavour découvre l’Amérique en passant par le Québec, Piaf va pousser Aznavour à chanter en solo et à bâtir sa carrière en France, ce qu’il va faire. En se libérant ensuite de la tutelle de Piaf, dont il dira toujours deux choses essentielles : qu’elle a été très importante pour lui et pour sa carrière ; qu’il n’y a jamais eu d’histoire d’amour entre eux.

 

PdA : Au début des années 50, il écrit pour Bécaud, compose pour Patachou, Gréco... En solo, il peine à décoller...

 

D.P. : Aznavour rencontre Bécaud en 1952 et ils se mettent à écrire ensemble des chansons que l’un et l’autre enregistreront : Viens, Mé qué, mé quéGréco avait remporté un prix avec Je hais les dimanches (qu’avait d’abord refusé Piaf !) ; avant d’auditionner Aznavour dans son cabaret sur la Butte Montmartre, Patachou était secrétaire chez Raoul Breton, l’éditeur obstiné et décisif d’Aznavour (j’ai tenu à lui consacrer tout un chapitre). Bientôt l’auteur Aznavour est chanté par de nombreux interprètes tels Georges Ulmer, Philippe Clay, Les Compagnons de la chanson (on dit que la France est « Aznavourée »), mais le chanteur Aznavour va être l’objet de critiques violentes à la limite du racisme pour ses origines ou sa petite taille, et de façon soi-disant spirituelle pour sa voix au timbre singulier : « l’enroué vers l’or », « l’aphonie des grandeurs », « la petite Callas mitée »… Il lui aura fallu une détermination et un courage hors-norme (sans oublier le soutien sans faille de l’éditeur Raoul Breton) pour venir à bout de tous ces obstacles. D’où le titre du livre (Charles Aznavour ou le destin apprivoisé) qu’avait trouvé Marc Robine, et que j’ai bien entendu conservé.

 

PdA : La consécration vient autour des années 1956-57. Il crée Sur ma vie (1956), son premier grand succès populaire. Le public le fête à l'Alhambra, à l'Olympia; il va, dès lors, enchaîner les contrats. Une vedette est née...

 

D.P. : Aznavour connaît ses premiers vrais succès publics fin 1954 après une tournée en Afrique du Nord, où il a enthousiasmé le propriétaire du Casino de Marrakech, qui est alors également celui du Moulin-Rouge. Il y passe donc ensuite en tête d’affiche, et pendant trois mois. L’année suivante, il sera en « vedette anglaise » de l’Olympia où il créera Sur ma vie, son premier grand succès populaire… que reprendra Hallyday beaucoup plus tard (un article de la revue Music-Hall le qualifie alors de « Monsieur-Force-la-Chance »). Ce n’est pas encore la « consécration » et même si son succès est de plus en plus grand, ladite consécration viendra véritablement avec son arrivée chez Barclay et le choc scénique et médiatique lié à Je m’voyais déjà (entre-temps, le 31 août 1956, un autre choc s’est produit, terrible celui-là, où Charles a failli perdre la vie dans un accident de voiture).

 

Alhambra 1

 

PdA : J'aimerais, à ce stade de notre entretien, vous inviter à évoquer quelques chansons d'Aznavour, à nous livrer les anecdotes dont vous auriez connaissance, votre ressenti face à tel ou tel titre. La liste est totalement subjective, presque égoïste : une sélection, parmi mes préférées. De superbes mélodies. Des textes très riches et, à la fois, désarmants de simplicité, la mise en scène quasi-cinématographique de situations, de sentiments qui peuvent toucher tout le monde... Il y en a qui sont archi-connues, d'autres moins. Une belle occasion, à mon sens, de faire découvrir ou redécouvrir quelques perles de son répertoire...

 

D.P. : En 1954, certains titres, déjà, ont marqué comme Viens au creux de mon épaule et Je t’aime comme ça (cousine annonciatrice de Tu t’laisses aller) et il les a réunis dans un 25 cm. Côté un rien mélodramatique, il y a eu ensuite Le Palais de nos chimères et Une enfant ; côté swing, On ne sait jamais, J’aime Paris au mois de mai, Pour faire une Jam… et toujours lié à la musique, Ce sacré piano ; côté sensualité voire provocation, il y a eu Après l’amourQuand nos corps se détendent …/… Quand nos souffles sont courts »), et des titres que parfois Piaf et Bécaud ont un peu édulcorés. Le mieux, c’est quand même d’écouter tous ces titres qu’on trouve aisément sur le web.

 

PdA : Sa jeunesse (Année : 1956. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Bien sûr, Sa jeunesse est une pure merveille, dans l’œuvre d’un auteur-compositeur où la thématique du « temps » est omniprésente (« C’est normal pour quelqu’un qui a peur de la mort », me confiera-t-il). Il l’associera plus tard à Hier encore, autre merveille (la chanson préférée, je crois, de Marc Robine), et il ne faut jamais oublier chez Aznavour la dimension mélodique extraordinaire. La sienne propre d’abord, mais aussi, celle de son grand complice (et beau-frère) Georges Garvarentz, qui a signé – en outre - de nombreuses musiques de films. Pour revenir à Sa jeunesse, Charles a écrit le texte fin 1949 à l’époque de son passage québécois au Faisan Doré avec Pierre Roche, et il n’a composé la musique que sept ou huit ans plus tard…

 

PdA : Les deux guitares (Année : 1960. Paroles : C. Aznavour. Musique : Tzigane russe.)

 

D.P. : C’est l’une des toutes premières chansons d’Aznavour chez Barclay (après Tu t’laisses aller), adaptée d’un air traditionnel russe, et qui prend valeur de symbole en évoquant les racines et les années d’enfance à travers la musique et l’ambiance des restaurants ouverts par son père. L’arrangement est de Paul Mauriat et on retrouvera cette ambiance et cet esprit musical en 1980, dans Autobiographie, cette longue et incontournable chanson déjà évoquée.

 

PdA : Je m'voyais déjà (Année : 1960. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Le 12 décembre 1960, pour la première de presse du passage d’Aznavour à l’Alhambra, Barclay a fait tirer pour les VIP un 45 tours / 2 titres spécial avec Je m’voyais déjà et L’Enfant prodigue. Pour la première chanson, Charles a imaginé toute une mise en scène, de dos au public, qui va se révéler très efficace. Et susciter un triomphe et l’avènement d’une vedette, bientôt internationale (d’où le chapitre que j’ai intitulé « L’effet 'Je m’voyais déjà' »). Bien qu’elle paraisse très autobiographique, Charles a maintes fois répété que cette chanson lui a été inspirée par un artiste croisé dans un cabaret belge.

 

PdA : Bon anniversaire (Année : 1963. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : C’est dans l’album qui s’ouvre sur For me… formidable (paroles de Jacques Plante, l’auteur de La Bohême). Ce titre doux-amer sur un anniversaire de mariage calamiteux, mais où l’amour reste le plus fort, s’inscrit dans l’esprit de Tu t’laisses aller, qu’on retrouve encore dans l’album à travers Dors et Tu exagères. L’homme y a quand même un peu trop le beau rôle, extrêmement compréhensif et patient à l’égard de cette femme qu’il aime « malgré tout ». Cette « abnégation » gentiment auto-célébrée aurait eu un peu de mal à passer dix ans plus tard avec l’essor du mouvement féministe.

 

PdA : La mamma (Année : 1963. Paroles : R. Gall. Musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Énorme tube sur un texte du père de France Gall, et encore sur une mélodie efficace de Charles. Il y a un côté cinématographique à l’Italienne, un récitatif, un refrain-cantique et une montée finale typiquement aznavourienne… Mais comme toujours, pour les chansons de Charles qui ont eu un tel succès et qu’on a – à mon goût – un peu trop entendues (c’était un peu le cas dans le même album avec Et pourtant), j’ai préféré ici Je t’attends (musique de Bécaud) ou Les Aventuriers (encore un texte de Jacques Plante).

 

PdA : À ma fille (Année : 1964. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Là, j’ai beaucoup aimé l’ensemble de l’album (à part son tube, Que c’est triste Venise) même si je trouve À ma fille un peu convenu. Cela étant, Charles (40 ans) sait les « dangers » qui guettent sa fille Patricia qui a alors 17 ans… l’âge de plusieurs de celles qu’il courtise dans ses chansons (Viens, Donne tes seize ans, Trousse-Chemise…). Et comme je l’ai dit plus haut, ici, c’est Hier encore que je préfère, l’une des plus belles de Charles à mon sens.

 

Alhambra 2

 

PdA : La Bohème (Année : 1965. Paroles : J. Plante. Musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Celle-ci aussi est évidemment superbe. Elle a permis à l’opérette Monsieur Carnaval (sur un livret de Frédéric Dard, alias San-Antonio) d’obtenir un grand succès. La chanson n’y était pas prévue au départ. Sentant immédiatement l’impact qu’elle pouvait avoir, Charles l’a enregistrée avant la vedette du spectacle, Georges Guétary, ce qui a provoqué un sérieux accrochage entre les deux artistes et leurs maisons de disques respectives. Tous ayant vendu beaucoup, la réconciliation eut lieu assez vite.

 

PdA : Et moi dans mon coin (Année : 1966. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Chantre inlassable du sentiment amoureux, Aznavour parle rupture d’une manière cinématographique et promène son œil-caméra sur la femme aimée et son rival, dont il saisit clairement et avec accablement le « manège ». Il y a souvent des saynètes de ce genre chez Charles, qui n’oublie jamais qu’il est comédien (il a enregistré Les Comédiens quelques années plus tôt). Il y a, dans ce même disque, Les Enfants de la guerre dont j’ai déjà parlé, et un exercice de style assez rare qui vaut le détour, éclairant d’intéressante façon la façon d’écrire du chanteur : Pour essayer de faire une chanson.

 

PdA : Emmenez-moi (Année : 1967. Paroles : C. Aznavour. Musique : G. Garvarentz.)

 

D.P. : Encore un titre-culte, et dont près d’un demi-siècle après, les deux dernières lignes du refrain gardent toute leur actualité : « Il me semble que la misère / Serait moins pénible au soleil ». Avec, une fois de plus cette touche cinéma, qui invite particulièrement bien au voyage.

 

PdA : Non, je n'ai rien oublié (Année : 1971. Paroles : C. Aznavour. Musique : G. Garvarentz.)

 

D.P. : Rebelote, et de façon magistrale, dans ce flash-back de plus de six minutes, avec la patte de Garvarentz, roi de la musique de film. Excellent en scène, of course, ce que plusieurs critiques ont souligné.

 

PdA : Comme ils disent (Année : 1972. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : Inspirée à Charles par certains de ses amis (et déconseillée alors prudemment par des proches), cette chanson reste encore aujourd’hui la plus connue au plan symbolique sur le thème de l’homosexualité. Aucun chanteur de sa notoriété n’avait alors osé l’aborder ainsi et en finesse. Comme je l’ai noté dans le livre, des militants et autres artistes « engagés » ont déploré alors qu’Aznavour n’ait pas écrit cette chanson dix ans plus tôt. Quand on voit les débats pour le moins houleux qu’a provoqué « le mariage pour tous », on se dit qu’il y a encore du travail… À noter que cette chanson d’Aznavour sera la dernière à obtenir autant de succès (avec, à un degré moindre, Les Plaisirs démodés, sur ce même album).

 

PdA : Je t'aime A.I.M.E. (Année : 1994. Paroles et musique : C. Aznavour.)

 

D.P. : J’avoue que cette chanson en forme d’exercice de style ne m’a pas vraiment passionné, même si elle illustre parfaitement une des manières d’écrire de son auteur.

 

PdA : Une autre, de votre choix ?

 

D.P. : Là, c’est le genre de question à laquelle je ne répond jamais, parce que la chanson que je choisirai aujourd’hui sera différente demain, et encore différente après-demain. Mais la question suivante me permettra de résoudre plus ou moins ce dilemme.

 

PdA : Justement... Quelles sont, notamment parmi celles qui sont un peu moins connues, vos chansons préférées d'Aznavour, celles qui, de votre point de vue, mériteraient d'être connues davantage ?

 

D.P. : Il y en a beaucoup, et le bonheur que m’apporte chacune de mes biographies, où je mets en avant l’artiste et son œuvre, c’est lorsqu’une personne me dit que sa lecture lui a donné envie de découvrir d’autres chansons de l’artiste en question. J’ai découvert Aznavour lorsque j’étais adolescent, au début des années 60, et j’ai adoré sa voix et son premier disque Barclay, avec Les deux guitares, bien sûr (peut-être à cause de mes origines paternelles ukrainiennes : à Bordeaux, on allait sur des bateaux soviétiques de passage, on trinquait et des marins chantaient des variantes - façon corps de garde - de cette chanson d’origine traditionnelle qui les faisaient beaucoup rigoler, mais pas nous, malgré la traduction).

 

Dans ce même disque, j’adorais Fraternité, Rendez-vous à Brasilia et surtout J’ai perdu la tête et Plus heureux que moi, que j’avais apprises par cœur et que je me chantais souvent. Et plus encore même, Le Carillonneur, dans le disque suivant, avec Il faut savoir. Le Carillonneur, c’est sur un texte de Bernard Dimey, auquel j’ai consacré un chapitre (38), car c’est le seul auteur auquel Aznavour a lui-même consacré tout un album (en 1983).

 

Ensuite, j’ai découvert des chansons antérieures qui m’ont aussi beaucoup plu comme On ne sait jamais, J’aime Paris au mois de mai, Sa jeunesse, Il y avait, Sur la table, C’est merveilleux l’amour, Ce sacré piano… Et puis encore, dans les années 60, L’Amour c’est comme un jour, Les petits matins, Avec, Le Toréador

 

Alhambra 3

 

PdA : Quelle image vous êtes-vous forgée, pour l'avoir étudié, rencontré plusieurs fois, de l'homme Charles Aznavour ?

 

D.P. : D’abord, « forger », c’est vraiment un verbe qu’utilise beaucoup Aznavour et qui lui correspond très bien, en homme – j’y reviens - qui a su apprivoiser son destin. Je l’ai effectivement rencontré plusieurs fois, mais vous savez, c’était dans un contexte privilégié où le rapport était évidemment facilité, simple, préparé par Gérard Davoust et empreint de confiance réciproque. Pour autant, j’ai constaté son professionnalisme, son souci du détail, son souci primordial pour sa famille, et aussi son humour, jeux de mots à l’appui…

 

PdA : Avez-vous été étonné, surpris par certaines découvertes, certaines révélations lors de la préparation de votre ouvrage ?

 

D.P. : Pas vraiment. Marc Robine avait déjà réuni de nombreux documents et, comme j’avais déjà écrit sur Aznavour (interview comprise), je le connaissais pas mal. J’ai appris des choses, comme j’en apprends chaque fois sur les artistes, des choses importantes mais pas véritablement surprenantes.

 

PdA : En 1998, CNN et les internautes de Time le consacrent « artiste du siècle » devant Elvis Presley et Bob Dylan. C'est un choix que vous comprenez, que vous auriez pu faire vous-même ?

 

D.P. : Pour moi, ce type de classement n’a pas vraiment de sens en matière artistique et donc, ne m’intéresse pas (même si cela a été indiqué en quatrième de couverture de mon livre).

 

PdA : Quel est, au fond, l'apport de Charles Aznavour à la chanson française ? Que lui doit-elle ?

 

D.P. : Charles rappelle toujours que son nom n’est jamais cité parmi les « grands » de la chanson française. Sans doute son immense succès populaire est-il en partie responsable de cela, et sans doute y a-t-il contribué lui même en se prêtant à certaines opérations plus médiatiques qu’artistiques. Il reste qu’il a su conjuguer qualité et chanson populaire, un certain nombre de ses compositions n’ayant rien à envier à personne, personne n’ayant par ailleurs porté comme lui cette expression culturelle française à travers le monde, au fil d’une carrière d’une exceptionnelle longévité.

 

Daniel_Pantchenko

(Photo de Claudie Pantchenko.)

 

PdA : Nous ne conclurons pas cet entretien avant d'avoir évoqué, l'espace d'un instant, votre dernier ouvrage : Serge Reggiani, l'acteur de la chanson. Reggiani, grand interprète qui, c'est heureux, revient dans l'actualité et sur les ondes, dix ans après sa disparition... Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire cette nouvelle biographie ?

 

D.P. : Exceptée la biographie d’Aznavour, écrite après le décès de Marc Robine qui l’avait amorcée, les trois suivantes (Jean Ferrat, Anne Sylvestre et aujourd’hui Serge Reggiani) répondent toujours de ma part à un souci fondamental : combler un manque éditorial à propos d’une chanteuse ou d’un chanteur importants à mes yeux, dont j’ai suivi professionnellement la carrière. Il n’existait pas de biographie vraiment pointue de Reggiani, que j’ai interviewé cinq fois entre 1981 et 2003.

 

Tout en abordant l’ensemble de sa carrière et de sa vie, j’ai centré naturellement mon travail sur la chanson, sur son répertoire remarquable et sur sa dimension d’acteur, avec cette voix émouvante reconnaissable entre mille. Et je me suis rendu compte que, toutes générations confondues, la plupart des gens auxquels j’ai parlé de mon projet d’écrire sur Reggiani ont réagi spontanément en disant : « J’adore ! »

 

PdA : Quels sont vos projets pour la suite, cher Daniel Pantchenko ?

 

D.P. : J’ai quelques idées de nouvelles biographies, mais pour l’instant, rien n’est arrêté. Je réfléchis également à des choses plus personnelles et je commence à réunir du matériel divers sans savoir encore ce que cela donnera et à quelle échéance…

 

PdA : Quelque chose à ajouter ?

 

D.P. : Sans doute, mais j’ai déjà beaucoup répondu et le mieux et de chercher directement dans le livre la réponse à d’autres éventuelles questions…

 

PdA : Merci infiniment...

 

Ndlr : Il m'a fallu opérer quelques choix s'agissant des chansons évoquées lors de l'interview et qui ont été commentées par M. Pantchenko. J'aurais pu en citer d'autres, que j'apprécie beaucoup, dont Être, Je voyage ou encore Un Mort vivant. N.R.

 

Aznavour Pantchenko

(Photo de Francis Vernhet, datée de janvier 2006.)

 

Et vous, que vous inspire l'œuvre de Charles Aznavour ? Quelles sont, parmi ses chansons, celles que vous préférez ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Pour aller plus loin...

  

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9 août 2014

Antoine Coppolani : "Nixon était capable du meilleur... comme du pire"

   Le 9 août 1974, à midi - heure locale -, la démission de Richard Nixon devint effective. Cette décision, le 37e président des États-Unis l'avait annoncée au peuple américain et au monde la veille, par une allocution restée célèbre. « D'après les discussions que j'ai eues avec des membres du Congrès et d'autres leaders, j'ai conclu qu'à cause de l'affaire du Watergate, je n'aurais sans doute plus l'appui du Congrès, appui que je considère comme indispensable pour prendre des décisions très difficiles et pour m'aider à accomplir les devoirs de ma charge dans le sens des intérêts de la nation. Quand je commence quelque chose, je le termine. Abandonner mes fonctions avant que mon mandat ne soit terminé est contraire à tous mes instincts. Mais comme Président, je dois faire passer en premier les intérêts des États-Unis. » (source : Larousse) 

   L'ampleur des événements, de leurs déflagrations, la teneur des révélations du scandale dit du « Watergate » - appellation générique par laquelle on a pris l'habitude de désigner toute une série de (mé)faits allant bien au-delà du cambriolage de 1972 - ne laissaient plus d'alternative : chacun en convenait, Nixon allait devoir partir, de gré ou de force. Son départ volontaire, s'il fut loin de la fin de carrière dont il aurait rêvé, lui évita au moins la disgrâce suprême : l'impeachment par le Congrès. Le gouvernement allait pouvoir recommencer à travailler, le pays commencer à panser ses plaies. Dans les deux cas, la tâche sera longue et difficile. La grâce octroyée par Gerald Ford à son prédécesseur, en septembre 1974, lui coûtera - on peut sérieusement le penser en tout cas - l'élection de 1976. Pour le reste, le bilan, le bottom line, les historiens jugeront.

   Que reste-t-il, quarante ans après, du scandale du « Watergate », de la présidence de Richard Nixon ? Réduire la seconde au premier serait, à l'évidence, simpliste à l'excès. Le sénateur Bob Dole n'avait-il pas promis, à l'heure des obsèques de l'ancien président, en 1994, que l'on parlerait bientôt de la dernière moitié du XXe siècle comme de l'« ère Nixon »; ce même Nixon qu'on avait recommencé, les dernières années, à consulter, à louer pour son expertise en matière de politique étrangère ? Voici, en marge de l'anniversaire de cette démission, une interview de M. Antoine Coppolani, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paul-Valéry Montpellier III et auteur d'un ouvrage remarquable, sobrement intitulé Richard Nixon (Éd. Fayard, 2013). Merci, Monsieur ! Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

ANTOINE COPPOLANI

Auteur de Richard Nixon

 

« Nixon était capable du meilleur...

comme du pire »

 

Richard_Nixon

(Source des photos : A. Coppolani)

 

Q. : 07/08/14 ; R. : 09/08/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Antoine Coppolani. Le 9 août 1974, Richard Nixon mettait prématurément fin à son mandat. Celui qui, vingt et un mois plus tôt, avait été réélu triomphalement allait quitter la présidence des États-Unis par la (toute) petite porte, frappé de disgrâce. S'il n'avait démissionné, il aurait très probablement été destitué par le Congrès...

Cette affaire dite du « Watergate » aura empoisonné la vie politique américaine pendant deux longues années. Obstructions à la justice, abus de pouvoirs, de la confiance que les citoyens avaient placée en lui, en leur président : le traumatisme est réel auprès du public américain. Quel regard portez-vous, quarante ans après le départ de Nixon, sur cette affaire incroyable ?

 

Antoine Coppolani : Oui, une affaire « incroyable », et en tout cas inédite, qui a conduit à la seule et unique démission d’un président américain. À maints égards, l’ombre du Watergate plane depuis sur la vie politique américaine. C’est devenu l’archétype du scandale politique, celui à l’aune duquel tous les autres sont mesurés. Il n’est que de voir la pléthore de suffixes « gate » accolés, aux États-Unis, en France, et de par le monde, à toute une série d’affaires. À ce jour, bien sûr, aucune d’entre elles n’est capable de rivaliser avec le scandale suprême, le Watergate.

 

Or, le Watergate, c’est tout à la fois peu de choses, mais aussi, de façon indéniable, un scandale d’exception. « Peu de choses », je conviens que cette expression puisse choquer le lecteur. Elle reprend en somme la ligne de défense de Nixon. Le Watergate ? Pas même un « cambriolage de troisième ordre », comme l’avait appelé son attaché de presse : une « tentative de cambriolage de troisième ordre » avait corrigé Nixon en 1972. Pas de quoi fouetter un chat; une sordide et banale affaire d’espionnage politique. C’est d’ailleurs cette perception des faits, et sans doute le cynisme de l’opinion publique, habituée à pire, qui explique que de nos jours les sondages révèlent que, pour les jeunes adultes américains, le Watergate n’est pas vraiment un scandale politique d’exception...

 

Et pourtant ! Le Watergate fut un scandale politique d’exception, pour au moins deux raisons. La première, l’inouïe entreprise de dissimulation, entrave à la justice et abus de pouvoirs caractérisés; le fameux cover-up, qui conduisit Nixon à demander à la CIA d’intervenir pour que le FBI suspende son enquête sauf à nuire aux intérêts de la sécurité nationale des États-Unis. La seconde, c’est que le cambriolage des locaux du Comité national démocrate, sis dans l’immeuble du Watergate, à Washington, D.C., ne fut que la partie émergée de l’iceberg. Rapidement, le terme Watergate devint un terme générique, embrassant tout ce que l’Attorney General John Mitchell appela les « horreurs de la Maison-Blanche » (Mitchell lui-même finit en prison pour avoir trempé dans ces basses oeuvres). La somme de ces indélicatesses ou délits flagrants en vint à constituer une nébuleuse épaisse d’actes illégaux et répréhensibles. C’est aussi cela, le « vrai » Watergate.

 

PdA : Le personnage de Nixon a quelque chose de fascinant et dont l'étude relèverait sans doute, pour partie, de la psychanalyse : il a été, au cours de sa longue carrière, capable d'authentiques moments de grandeur (je pense à la manière avec laquelle il a choisi de gérer sa défaite contestable face à Kennedy en 1960, notamment) et, à d'autres moments, coupable des bassesses les plus inexcusables. Comment percevez-vous l'homme Richard Nixon ?

 

A.C. : S’il y a un mot qui caractérise Nixon, c’est bien celui de « paradoxe ». Je crois juste la définition que donnait de lui H.R. Haldeman - son plus proche collaborateur avec Kissinger -, l’homme qui fut le secrétaire général de la Maison-Blanche avant d’être envoyé, lui aussi, en prison par le Watergate. Il comparait la personnalité de Nixon aux multiples facettes d’un cristal de quartz : « Certaines brillantes et étincelantes, d’autres sombres et mystérieuses. […] Certaines fort profondes et  impénétrables, d’autres superficielles. Certaines douces et polies, d’autres brutes, rugueuses et coupantes. ».

 

Nixon était capable du meilleur, comme du pire. Paradoxe ultime, il savait faire preuve de beaucoup de grâce et de qualités d’homme d’État dans les crises et la défaite. Mais il était en revanche beaucoup moins noble dans la victoire et le succès. Vous citez à juste titre son attitude irréprochable en 1960 lors de sa défaite, d’un cheveu, contre Kennedy. Or, en 1972, alors qu’il avait écrasé McGovern, le candidat démocrate et que tous les sondages le donnaient, depuis des mois, gagnant, il eut une attitude beaucoup moins noble, et même quasiment pathologique. Ses proches, en particulier Charles Colson, un autre des protagonistes centraux du Watergate, ont décrit un Nixon renfermé et paranoïaque à l’heure de son triomphe. Et, à peiné réélu, il accumula d’ailleurs des erreurs qui allaient contribuer à sa chute, comme celle d’exiger une démission collective immédiate de ses collaborateurs à la Maison-Blanche ! Comme si on changeait une équipe qui gagne...

 

PdA : « Le jugement de l'histoire », disait Nixon, « repose sur ceux qui l'écrivent ». À quoi un bilan honnête, juste de sa présidence devrait-il ressembler, à votre avis ?

 

A.C. : Il allait même plus loin que cela. « L’histoire me traitera bien. Les historiens probablement pas, car ils sont pour la plupart de gauche », affirmait en 1988 Richard Nixon durant l’émission Meet the Press. Bref, Nixon a cherché à politiser une domaine qui ne devrait pas l’être, celui de la recherche historique. Et, lui-même, comme Kissinger, tous deux auteurs prolixes, se sont personnellement chargés d’écrire « leur » histoire, ou en tout cas leur « part de vérité ». Aussi, tenir la balance égale, parvenir à un bilan équilibré sont-ils des tâches ardues.

 

C’est ce que je me suis efforcé de faire, dans ma biographie, en ayant pour fil conducteur une masse considérable et précieuse d’archives inédites ou nouvellement déclassifiées. La tâche, une fois encore, était ardue : j’y ai donc consacré plus de huit années et j’ai jugé nécessaire de dépasser les mille pages de texte, car les débats et polémiques abondent dans la longue carrière de Nixon : anticommunisme; Chasse aux sorcières, Guerre froide; Vietnam/Cambodge; Chili; Realpolitik; crimes de guerres, voire crimes contre l’humanité; droits civiques/discrimination positive; Watergate, etc.

 

PdA : Reste-t-il encore quelque chose de l'affaire du « Watergate », de Nixon aujourd'hui ?

 

A.C. : De l’affaire du Watergate, sans nul doute, comme évoqué en réponse à votre première question. De Nixon, sans nul doute aussi, ne fût-ce que par ses succès éblouissants en politique étrangère. « L’ouverture » de la République populaire de Chine, un des éléments les plus fondamentaux de l’histoire du XXe siècle, en est le témoin. Et c’est sur cet héritage que nous vivons encore aujourd’hui, avec la place de plus en plus grande prise par la Chine sur échiquier mondial. « Nixon goes to China » : cette expression est le pendant du Watergate. Les deux côtés du bilan de Nixon. Sa face obscure, le Watergate, et sa face brillante, un succès diplomatique extraordinaire, devenu un modèle que cherchent à imiter les chefs d’État. Imaginez un Obama qui se rendrait à Téhéran avant de conclure la paix au Proche-Orient...

 

Nixon avait pris conscience de l’affaiblissement relatif des États-Unis à la fin de la décennie soixante et au début de la décennie soixante-dix (Vietnam, parité stratégique avec l’Union soviétique, concurrences économiques nouvelles de la CEE et du Japon, divisions et fractures profondes de la société américaine…). La moindre de ses qualités n’est pas d’être parvenu, dans ce contexte très défavorable, à avoir redonné toute leur place et leur poids aux États-Unis dans le concert des nations.

 

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Vous pouvez retrouver Antoine Coppolani...

 

31 juillet 2014

Bernard Saint-Paul : "J'ai confiance en Véronique... et je l'aime"

   Il est de ces articles dont la publication procure, au-delà de la satisfaction née de l'achèvement d'un projet et de la gratitude ressentie envers l'interviewé, une fierté véritable. Je pourrais citer quelques-uns des entretiens parus sur Paroles d'Actu - celui avec le regretté Gilles Verlant; celui avec la "maman" des Guignols Alain Duverne; celui avec la directrice des jeux et divertissements de France 2 Nathalie André; celui avec Marie-Paule Belle, par exemple -, ils ont tous au moins un trait commun : la sincérité qui émane de l'invité, le goût manifesté à l'idée de se raconter, sans fioriture ni tabou, simplement et, souvent, avec de vraies bonnes doses d'humilité.

   L'article qui suit sera, à l'évidence, à classer parmi ceux-là - et tous les autres que je n'ai pas cités. Bernard Saint-Paul a un CV long comme un bras (plus la moitié d'un autre). Je n'y reviendrai pas outre-mesure dans cette intro : sa carrière et sa vie, sa "drôle de vie", comme dirait Sanson, cette immense artiste qu'il a si souvent accompagnée, seront largement déroulées au cours du document. De ses mots, je retiendrai la puissance d'une tendresse qu'il ne cherche pas à dissimuler envers sa « petite sœur ». Et toutes ces anecdotes, passionnantes, formidables. Un mot, banal en apparence, dont chaque lettre est pesée, pensée ici : MERCI, Monsieur... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

N.B. : Votre serviteur a eu à coeur, lors de la composition de cette page, d'insérer une multitude de liens dénichés un par un pour permettre au lecteur de bénéficier, en plus du texte, d'illustrations visuelles et - surtout - musicales. Il y a, sans préjugé sur les questions de droits qui leur sont attachés, des liens YouTube, Dailymotion, etc... qui n'ont d'autre but que la (re)découverte de telle ou telle chanson. Celui ou celle qui partage un lien de ce genre le fait avant tout parce qu'il aime un artiste. Celui ou celle qui découvrira un titre qui lui plaira sera tenté, par la suite, de le "consommer" de manière plus traditionnelle, forcément. (Tenez, au passage, un investissement que je vous recommande vivement, avec le Lucien de Bernard Saint-Paul : Petits moments choisis)

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

BERNARD SAINT-PAUL

 

« J'ai confiance en Véronique...

et je l'aime »

 

Bernard Saint-Paul

(Photos : collection personnelle B. Saint-Paul)

 

Q. : 08/07/14 ; R. : 27-31/07/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Bernard Saint-Paul. "Fils d'un haut fonctionnaire nommé par le général de Gaulle et d'une mère institutrice", votre destin semblait tout tracé : vous seriez diplomate ou occuperiez, en tout cas, un emploi sérieux. C'était, comme il est raconté sur votre site, sans compter "les tentations diverses". C'était sans compter le Rock 'n' Roll et l'irrésistible pouvoir d'attraction de son "parfum d'interdit sauvage"...

 

Bernard Saint-Paul : C'est une belle formulation, cet "interdit sauvage". J'aime beaucoup ça, c'était vrai dans les années 70, ça l'est, hélas, beaucoup moins. J'avais une envie furieuse de quitter Bordeaux, de ne pas être professeur de Lettres.

 

Je ne me voyais pas moisir en province, la capitale me faisait les yeux doux, montrait le haut de ses jambes, insistant pour que je l'empale, et moi, pauvre idiot, j'y croyais ! J'étais loin de savoir qu'elle faisait ce même "coup du charme" à tous les puceaux de mon genre, aux rêveurs de grands espaces, à ceux qui voulaient toucher les paillettes, acheter la Tour Eiffel et s'encanailler avec le succès.

 

PdA : Parlez-nous de vos premiers coups de cœur - voire, carrément, de foudre - musicaux ?

 

B.S.-P. : Mon premier coup de foudre musical fut Be Bop a Lula par les Chaussettes noires. J'adorais le son de leurs guitares Ohio, le timbre de voix d'Eddy, son déhanché particulier et la manière dont il glissait les pieds pour jongler avec son micro. Puis ce fut Jumpin Jack Flash et Satisfaction, des Stones, et Ronnie Bird. Tels furent mes premiers émois musicaux en dehors de Maurice Ravel et de Gustave Mahler.

 

PdA : 1969... Suite à une rencontre "inattendue" d'avec Salvatore Adamo, vous quittez le sud-ouest pour Paris et devenez directeur artistique chez EMI (Pathé-Marconi)...

 

B.S.-P. : Exact. J'ai rencontré Salvatore quand je m'occupais de la page spectacle du quotidien local Sud-Ouest. Puis je suis venu à Paris où il m'a fait rentrer chez EMI en tant que directeur artistique. J'y ai exercé pendant deux ans en même temps que Gérard Manset, Claude Michel Schönberg et Michel Berger. On avait de tout petits bureaux au tout dernier étage et une foi inébranlable en nos capacités. C'était passionnant mais je n'y ai pas appris grand chose. J'y ai rencontré mon ami de toujours, Alain Chamfort et la belle Véronique qui me saluait de loin. Moi, j'étais fan des Stones, de Pink Floyd et des Who.

 

PdA : 1971... C'est, pour ce qui vous concerne, la fin de l'aventure EMI. Vous devenez producteur. Un flair de maître, pour l'une de vos premières prises : The Fool, de Gilbert Montagné, fera le tour du monde et se classera n°1 dans une douzaine de pays...

 

B.S.-P. : C'est un peu vrai... J'ai un gros nez, il justifie sa taille par les services qu'il me rend. J'ai, de fait, entendu, par pur hasard, une maquette d'un certain Lord Thomas, chantée dans un anglais approximatif. J'ai contacté le garçon en question, qui jouait dans un bar à Miami, je l'ai convaincu de rentrer en France. J'ai emprunté de quoi produire à Salvatore, j'ai choisi les musiciens et le studio Trident à Londres, à cause du piano sur lequel Elton John avait enregistré son premier album. J'ai pris les mêmes musiciens, et ça a fait The Fool.

 

Exceptionnel, d'autant que les premiers distributeurs auxquels j'ai présenté le bébé, à l'époque, m'ont pris pour un illuminé parce que j'osais leur faire écouter un titre en anglais ! « Ça ne marchera jamais, ici on est en France, la radio ne passera jamais ça. » Je tairai ici leur nom, par respect pour leur mémoire... on a tous le droit à l'erreur, tant qu'elle n’entraîne pas la mort.

 

Bernard Saint-Paul Musique

 

PdA : Dans quelques années, vous serez devenu le manager de Véronique Sanson, le producteur exécutif de bon nombre de ses disques à venir... Vous l'avez rencontrée durant votre période Pathé-Marconi, si je ne m'abuse...

 

B.S.-P. : Exactement... bien documenté ! J'ai retrouvé Véronique après cinq ans sans la croiser, sans avoir eu de ses nouvelles depuis qu'elle s'était mariée (avec Stephen Stills, ndlr).

 

PdA : Qu'est-ce qui vous a séduits l'un chez l'autre ; décidés, l'un comme l'autre, à travailler ensemble ?

 

B.S.-P. : Moi, j'étais fan de sa voix, de ce vibrato magique, de sa sensibilité contrôlée, de sa douceur, de son intelligence et de sa douceur avec moi. Nous étions comme frère et soeur, confiant l'un à l'autre nos secrets et nos désespoirs amoureux, riant de nos bévues, de nos mensonges opportuns, ignorant les conventions et les heures sur les horloges. Un soir, dans un restaurant japonais, rue Sainte-Anne, elle m'a dit que McCartney devait produire son prochain album, qu'elle attendait son accord. Je me suis proposé sur le champ, au cas où il se désisterait, croyant assez peu à mes chances... et puis elle m'a choisi.

 

Ce fut le début d'une aventure passionnante qui nous a enrichis l'un et l'autre par les rencontres et les voyages que nous avons faits ensemble, par toutes ces longues nuits que nous passions tous les deux à nous inventer un monde, à montrer qu'on s'aimait sans se dire qu'on s'aimait... Deux frère et soeur dans la tourmente, deux âmes sans attaches qui rêvaient d'aventures, de liberté profonde et d'amour infini, mais qui se lassaient vite de toutes leurs conquêtes.

 

PdA : 1976... Le fruit de votre première collaboration voit le jour : Vancouver, que l'on classera bientôt parmi les albums les plus emblématiques de Sanson, connaît un succès considérable... (Vancouver; When we're together; Redoutable; Donne-toi; Étrange comédie; Sad limousine; Full tilt frog...)

 

B.S.-P. : Je ne sais pas s'il s'agit, comme vous l'affirmez, d'un album emblématique, mais c'est en tout cas le premier titre de Véronique qui sera classé premier de tous les hit-parades (si jamais cela veut dire quelque chose). Cet album fut un plaisir à réaliser. Le piano sonnait comme je voulais, les musiciens rayonnaient. Nous avons passé beaucoup de temps à Londres après les péripéties liées à l'écriture. De fait, Véronique n'avait pas fini d'écrire, elle renâclait. On dirait aujourd'hui qu'elle faisait de la procrastination.

 

On vivait à cette époque au château d'Hérouville, où je la laissais le matin pour vaquer à mes occupations parisiennes (pas de téléphone portable ni d'internet dans ces temps-là). Je me suis vite aperçu qu'elle ne travaillait pas assez et que, par voie de conséquence, on ne pourrait pas enregistrer, faute de matériel. Je l'ai donc enfermée dans une pièce du château dont je ne la délivrais qu'en rentrant, en fin d'après-midi. Elle m'en a voulu sur le moment, mais dans cette geôle improvisée, elle a écrit Vancouver.

 

PdA : 1976, bis... Sanson la timide apprivoise la scène, le public, de plus en plus... Live at the Olympia sera son premier album live, le premier d'une longue liste...

 

B.S.-P. : C'était marrant, cette captation : de grands musiciens, une artiste qui découvrait les moyens techniques hors normes que j'avais mis à disposition. Aujourd'hui, ce déploiement de son et de lumière est banal. À l'époque, il ne l'était pas, au point que j'ai le souvenir de Bruno Coquatrix me faisant la guerre pendant les répétitions de l'Olympia et me hurlant dans l'oreille devant les baffles qui dégueulaient : « Jeune homme, vous la tuez, il lui faut, comme à Édith Piaf, une poursuite et deux projecteurs ». Il pensait ce qu'il disait, le pauvre ! On est tous victimes de nos limites...

 

PdA : 1977... "Il est jamais bien rasé, Il est toujours fatigué, Il dit toujours oui à un bon verre de vin... Il cache souvent sa tendresse, Par pudeur ou par paresse, Il est sûr de n'avoir jamais peur de rien..." Sur la tracklist de l'album Hollywood, il y a Les Délices d'Hollywood; Y'a pas de doute il faut que je m'en aille; Harmonies; How many lies; Les Délires d'Hollywood... et cette chanson, Bernard's Song (Il est de nulle part), qu'elle a écrite pour vous...

 

B.S.-P. : Je ne l'en remercierai jamais assez, mais je n'y suis pour rien ! Le plus navrant de cette histoire (et je ne sais pas si c'est bon signe ou non), c'est que trente-sept ans plus tard, le texte soit encore d'actualité. Elle m'avait bien cerné, la bougresse !

 

Un mot sur l'enregistrement de ce titre : nous étions dans le studio où Stevie Wonder travaillait et, par une chaude après-midi du sud californien, dès que nous avons pénétré dans le parking, elle m'a demandé de la laisser toute seule. Elle avait, disait-elle, une surprise pour moi, mais ne voulait pas que j'assiste à sa séance de voix. Quand je suis revenu, quelques heures plus tard, elle a mis le son à fond et m'a fait écouter la chanson, puis m'a dit dans le creux de l'oreille, « Tu es content ? ». Je ne comprenais pas le sens de sa question ! Je n'ai réalisé l'ampleur de son cadeau que quand elle m'a avoué, « Je l'ai écrite pour toi ! ». Je n'en croyais pas mes oreilles. J'ai caché mon émotion et mon orgueil qui naissait... Aujourd'hui, je ne cache plus rien, je suis fier, un point c'est tout.

 

Journal Saint-Paul Sanson

 

PdA : 1978... Vous retrouvez Alain Chamfort, pour lequel vous aviez déjà travaillé chez EMI. Gainsbourg vient de lui écrire ce qui demeurera son plus grand succès : Manureva...

 

B.S.-P. : Je suis à l'origine de cette rencontre. J'avais invité Alain à venir à Los Angeles pour y faire des choeurs sur l'album Hollywood. Son timbre de voix et son vibrato s'accordaient parfaitement avec ceux de Véronique. Puis, un soir, sur la terrasse de la maison que Véronique louait sur les collines de Hollywood, un de ces soirs fatigués où nous regardions décoller les Boeing, où nous refusions le sommeil, exacerbés par des substances encore aujourd'hui encore interdites, Alain m'a confié son désir de changer de parolier, d'équipe de production et de maison de disque. J'ai pensé aussitôt à Gainsbourg qui me semblait être le meilleur complément à la musique qu'il écrivait. Alain prétendait alors que ce n'était pas possible, qu'il n'accepterait jamais, que ce qu'il écrivait était trop typé "variété"... Et, croyez-le ou non, je suis rentré en France, j'ai fait écouter à Serge les maquettes que nous avions faites à Los Angeles avec Alain, et Gainsbourg a accepté.

 

Je me rappelle encore ce premier rendez-vous avec Serge, dans sa maison de la rue de Verneuil. J'y allais tremblant avec mes cassettes. Serge avait bu un coup, j'en ai bu quelques autres avec lui, puis il m'a dit, « P'tit gars, ton histoire m'intéresse » et j'ai appelé Alain aussitôt. J'ai donc réalisé les deux premiers albums d'Alain dont Serge avait écrit les textes. Le premier est intitulé : Rock'n rose ( je vous le recommande), le second (Poses, ndlr) contient Manureva. Je suis très fier d'avoir eu cette idée. Je m'en délecte encore aujourd'hui quand j'écoute ces albums.

 

PdA : 1979... Sept ans après Amoureuse, déjà le septième album de Véronique Sanson : 7ème, tout simplement... Il est plus sombre, plus mélancolique que les précédents. Plusieurs perles : Toute une vie sans te voir; Lerida (dans la ville de); Celui qui n'essaie pas (ne se trompe qu'une seule fois); Mi-maître, mi-esclave; Pour celle que j'aime (Maman). Sans oublier, évidemment, Ma révérence...

 

B.S.-P. : J'ai une nette préférence pour Ma révérence. Je me rappelle m'être caché pour pleurer dans le studio de mixage à Londres, tellement j'étais touché par la charge émotionnelle. Je ne voulais pas que Véronique sache qu'elle m'avait frappé au bon endroit. L'aider à propager ses émotions, ses détresses, ses chagrins et ses fêlures, confectionner un piedestal d'où elle pourrait être admirée, ça c'était mon travail quotidien, mais je n'étais pas là pour craquer. Mes sentiments étaient pour moi, pas de vautrerie pathétique. On peut pleurer quand on est grand, quand on est petit on se cache.

 

PdA : "Puis c'est la séparation... deux ego incompatibles"...

 

B.S.-P. : Oui, si vous voulez... Je reste persuadé que nos "ego" n'avaient rien d'incompatible, bien au contraire. Mais je suis très exigeant, et maladroit de surcroît. je peux blesser très fort sans jamais m'en rendre compte, ou alors des années plus tard... Dans le feu de ma passion, je me convulse, je rétrécis, je manque souvent de distance, et ce uniquement pour faire mieux. Et puis je gène énormément !

 

Rien de nouveau sous le soleil, les artistes aiment leur entourage et prêtent volontiers l'oreille à Radio Chiottes et ses consoeurs qui inventent pour nettoyer, pour ne pas perdre les privilèges acquis au fil des temps par l'habitude et le mensonge, l'habileté à brosser le manque de capacité à juger, parmi lesquels, et non des moindres, celui d'avoir l'écoute de leur idole qui a besoin d'être rassurée, ce que je trouve par ailleurs parfaitement justifié. Reste à choisir les rassureurs... qui ne sont pas les payeurs...

 

PdA : Dans les années 80, vous collaborez avec Jean-Patrick Capdevielle sur Quand t'es dans le désert; partez pour les États-Unis...

 

B.S.-P. : (...) Véronique m'a fait remarquer Jean Patrick Capdevielle, auteur de grand talent, avec lequel j'ai collaboré avec un plaisir indicible. Cet homme est un géant qui refusait d'écouter et persiste dans ses contradictions ravageuses, entre le désir insatiable de faire du fric et celui d'être sincère. Facile à dire comme ça de loin... mais je l'aime et il le sait.

 

PdA : Bientôt, vous deviendrez attaché parlementaire et conseiller d'un ministre de la Mer...

 

B.S.-P. : Cet épisode du ministère de la Mer est inénarrable. J'ai fait une grande école qui aurait dû me conduire, comme mes parents le souhaitaient, à faire une carrière de diplomate. Tel ne fut pas le cas, j'ai préféré le Rock 'n' Roll. Me restait de cette grande école et de ce que l'on m'y avait enseigné une capacité hors-norme à inventer des situations et à valoriser les politiques. On a donc fait appel à moi (un parti politique tout à fait respectable, si cela a jamais existé) pour mettre en valeur un ministre qui n'était même pas député. Ce fut épique et très marrant.

 

On quittait le ministère tous les vendredis en fin d'après-midi pour attraper le dernier vol en direction de Brest et rejoindre le canton dans lequel il voulait se faire élire. Je préparais toutes ses fiches pour les rencontres du week-end. Je les lui faisais répéter dans la voiture à gyrophare qui nous conduisait à Orly en empruntant les bandes d'arrêt d'urgence, dans un vacarme de sirènes. Ça éclatait mon ministre. J'en ai conçu un syndrome, celui de la lumière bleue, qui afflige les puissants, les abuseurs de privilèges, qui savent très secrètement qu'ils ne fréquenteront pas longtemps les dorures de la République.

 

PdA : 1990... Vos talents, vous venez, cette fois-là, de les mettre au service de Polnareff, pour Goodbye Marylou...

 

B.S.-P. : En effet, Michel m'a fait contacter. Je l'avais rencontré dans un restaurant à Los Angeles. Il vivait à cette époque dans une chambre minuscule au-dessus d'un bar pourrave dans la banlieue parisienne. Il n'avait plus de contrat phonographique. Je lui en ai négocié un, puis j'ai fait ce que je savais faire : réaliser un album (Kâmâ Sutrâ, sorti en 1990, ndlr). Et ce fut un numéro un ! Il n'en avait pas eu depuis des années... Peut-être un coup de chance ?

 

PdA : 1992... Le tandem que vous formiez avec Sanson se reconstitue. L'album Sans regrets comprend de jolies reprises d'anciens titres (Mon voisin; Jusqu'à la tombée du jour; Odeur de neige; Le Feu du ciel; Panne de cœur...), de belles chansons originales (Sans regrets; Louise; Les Hommes; Visiteur et voyageur) et un futur gros tube : Rien que de l'eau...

 

B.S.-P. : Le tandem se reforme par un besoin réciproque. J'avais réalisé son plus gros tube (Vancouver) et j'avais une idée très précise de ce que je pouvais encore faire avec elle. Je me sentais peu remplaçable, j'avais la foi et aucun doute sur la finalité de notre travail commun. Nous passions nos vacances ensemble avec nos enfants respectifs (le plus souvent en bateau dans les Caraïbes) et un soir, au mouillage, face au soleil couchant happé par l'Océan, Véronique a exhumé de sa cabine une cassette stéréo et l'a passée sur la sono pour avoir mon sentiment. C'était la maquette de ce qui allait devenir Rien que de l'eau. Nous sirotions un "ti-punch" sur la plage arrière apaisée. La vie me semblait belle. Elle l'est toujours, heureusement.

 

PdA : 1993, 1994... Vous produisez deux captations de ses spectacles live : le Zénith 93 et Comme ils l'imaginent, concert de duos (avec M. Lavoine; A. Chamfort; M. Fugain; I Muvrini; Les Innocents; M. Le Forestier; Y. Duteil; P. Personne) enregistré en 94 pendant les Francofolies de la Rochelle...

 

B.S.-P. : Splendide, ce Zénith 93. À mon goût, son meilleur album live, avec celui consacré à Michel Berger. Une énergie hors du commun, un band qui décoiffait, de l'enthousiasme à revendre. C'était pur et dur, sans sophistications ni effets spéciaux. J'adore cet album et l'écoute encore de temps en temps. Puis ce fut La Rochelle. Jean-Louis Foulquier (paix à son âme) m'avait appelé pour voir si Véronique serait d'accord pour participer aux Francofolies. Dans le cas de Véronique, ça voulait dire faire venir les musiciens de Los Angeles pour un seul concert... un coût pas supportable. J'ai donc imaginé l'enregistrement de ces duos, convaincants à mes oreilles.

 

Le plus étrange dans cette histoire c'est la présence de I Muvrini (groupe corse totalement inconnu, à l'époque). Hervé Leduc, le directeur musical de Véro, m'avait fait écouter un projet sur lequel il travaillait et j'ai craqué pour la voix du chanteur lead. Je me rappelle le premier rendez-vous avec lui dans mon bureau. Il était halluciné et ne comprenais pas du tout comment leurs voix pouvaient s'intégrer à une chanson de Véronique, eux qui chantaient en langue corse et dans un tout autre registre. On a réussi ce challenge, je n'en suis pas peu fier. Et ce fut, à mon avis, le début de la notoriété de ce groupe.

 

PdA : 1994-96... Votre goût pour la belle chanson vous conduit à collaborer avec Serge Lama...

 

B.S.-P. : J'ai été recommandé à Serge (qui ne faisait pas, loin s'en faut, partie de mon panorama musical). J'ai fini par le rencontrer. Je n'ai pas ri à son humour mais j'ai apprécié chez l'homme son franc-parler gascon et sa verve inaliénable. Lui aussi était ignoré depuis une génération. J'ai pris en mains son album et il a fait disque d'or. On n'en revenait pas, ni l'un ni l'autre. (Voir : L'ami à l'Olympia en 1996, ndlr)

 

Bernard Saint-Paul soleil

 

PdA : 1996-98... Dans un autre cadre, avec les Éditions Atlas, vous contribuez à créer la collection Chansons françaises...

 

B.S.-P. : On m'a appelé un jour (son président, Bernard Canetti, qui n'est autre que le fils de Jacques Canetti, le plus grand découvreur de talents du 20ème siècle). Ils avaient dans l'idée de vendre un best-of de la chanson française en le classant année par année, commençant par les années 50. Ils n'arrivaient pas à boucler leur projet, faute des autorisations des major companies qui, prises au dépourvu, considéraient d'un mauvais œil l'éventuelle dilapidation de leur catalogue.

 

J'ai donc imaginé, pour by-passer ce mur de Chine, de faire réinterpréter toutes ces chansons par d'autres chanteurs que les originaux. J'y ai mis du temps (1 000 titres, 80 albums) mais ça a fonctionné. On a vendu 13 millions de CD, mais l'industrie traditionnelle s'est bien gardée d'en faire état. C'était un camouflet de taille, et un gigantesque manque à gagner.

 

PdA : 1998, 1999, 2000... Trois albums de Sanson, dont un live. De l'album Indestructible (1998), on retient trois ou quatre beaux morceaux (Indestructible; Un amour qui m'irait bien; Un être idéal; J'ai l'honneur d'être une fille...) et un chef d’œuvre, déchiré et déchirant : Je me suis tellement manquée... Un an et demi plus tard, c'est la sortie de son album hommage à Michel Berger, D'un papillon à une étoile (Pour me comprendre; Le Paradis blanc; Si tu t'en vas; Je reviens de loin...), interprété sur scène et enregistré en 2000 sous le titre Véronique Sanson chante Michel Berger; Avec vous. Elle bouleverse, plus que jamais. Ces années-là, c'est aussi l'amorce d'une période, disons... compliquée, pour elle...

 

B.S.-P. : Si vous voulez... En fait, c'était compliqué depuis longtemps, mais j'étais impuissant devant sa maladie. Je m'en voulais en silence d'être incapable de la soigner. Ça aurait été tellement plus simple. Mais cette saloperie s'accroche et vous tire par les pieds vers les abîmes qu'elle habite. Ce furent des années complexes, faites de tiraillements successifs, de mésententes, d'incompréhensions répétées entre Véronique et moi. De plus, évidemment, son entourage s'acharnait à vouloir me dégager. Je les gênais, c'était leur vérité ou la mienne ! J'ai très mal réagi aux médisances dont j'ai été la cible pendant ces années-là. C'est donc dans cette atmosphère lourde, Véronique étant malade, que nous avons enregistré l'album Indestructible au Palais des Sports de Paris.

 

Puis, ce fut l'hommage à Michel Berger, dont la rythmique fut enregistrée à Paris et les cordes à Rome, puis mixé dans un studio à Capri, qui a été fermé depuis. Pourquoi tous ces voyages ? Les musiciens de Véronique, qui habitaient tous aux USA, sont venus une semaine en France et ont enregistré les bases rythmiques. J'avais contacté, au tout début du projet, le splendide Paul Buckmaster (celui-là même qui avait fait les arrangements de cordes pour les premiers albums d'Elton John). Je suis allé le rencontrer à Los Angeles, il nous a fait des propositions, et pour que cela coûte moins cher, nous avons enregistré les cordes à Rome, dans le studio d'Ennio Morricone.

 

Quand tout cela fut terminé, nous avons fini à Capri. Je me rappelle m'être retiré pour pleurer quand j'ai eu fini le mixage de L'un sans l'autre. Réécoutez ce titre, c'est exceptionnel (voir : la version live de la chanson, sur l'album Avec vous, ndlr). J'adore le son de cet album, la délicatesse de l'écriture de cordes de Buckmaster, la finesse du mixage et surtout la touchante interprétation de Véronique. C'est, avec Olympia 1993, l'album de Véronique que je préfère, et de loin.

 

PdA : 2004, 2005... Elle revient, après un gros passage à vide. On la sent apaisée. Mieux. Son album Longue distance (J'aime un homme; Annecy; L'Homme de farandole; Vue sur la mer; La Douceur du danger; La vie se fuit de moi; Longue distance; 5e étage...) est suivi d'une tournée, immortalisée sur les enregistrements estampillés Olympia 2005. Le public, son public est là, présent. Le lien qui les unit n'a jamais été aussi fort...

 

B.S.-P. : Je n'ai pas remarqué qu'on la sentait apaisée. De près, je n'avais pas cette sensation. Mais elle se battait ! Je ne suis pas fan de cet album, qui s'est fait dans la douleur et l'approximation. Je n'en garde rien qui soit transcendant. C'est bien, mais on peut mieux faire.

 

PdA : Voyez-vous, dans votre parcours, quelque chose dont nous n'aurions pas encore parlé et que vous souhaiteriez évoquer ici ?

 

B.S.-P. : Qu'aurait-on oublié d'évoquer ? Mon âge ? Ma fortune ? Ma collection de voitures ? Ma sexualité trépidante ? Elle est atrocement banale, même quand j'ai bu, c'est dire !

 

PdA : De quoi êtes-vous fier, Bernard Saint-Paul ?

 

B.S.-P. : Je suis fier d'avoir su mettre ma culture et la petite intelligence dont mes parents m'ont fait cadeau au service d'une cause dont je rêvais depuis ma banlieue provinciale. J'habitais au dessus de l'école que ma mère dirigeait et écoutais Europe n°1 en rêvant d'habiter Paris, d'aller à l'Olympia, de réaliser des disques, de faire partie du monde de la musique, mais à ma manière uniquement. Quelque chose de très fort me disait que j'y avais ma place, que je saurais apporter une très belle pierre à l'édifice de la chanson. Cette intuition était la bonne.

 

PdA : Avez-vous, a contrario, des regrets ?

 

B.S.-P. : J'en ai encore quelques uns, dont celui, et non des moindres, d'avoir été trop rigide, intransigeant, froid, communiquant très peu, et très probablement à la limite du supportable. Je suis un solitaire, je ne me sens bien qu'avec des livres et/ou de la musique. J'ai du mal à échanger des banalités de café du commerce. Ce n'est pas de la prétention, c'est juste le constat que le temps passe très vite, que mon chat me comprend sans parler, que j'ai encore beaucoup à apprendre et que les minutes défilent.

 

PdA : Véronique Sanson fera son retour sur scène - et sans doute dans les bacs - l'an prochain...

 

B.S.-P. : J'ai appris cela très récemment.

 

PdA : Y a-t-il un message que vous souhaiteriez lui adresser, au détour de cet entretien ?

 

B.S.-P. : C'est une artiste incomparable, douée au-delà du possible, mais ce n'est pas la plus grande travailleuse que j'aie connue. En même temps, est-ce indispensable ? Si elle a LE titre, elle est imparable. La loi est la même pour tout le monde, tant en littérature qu'au cinéma et en musique. Je lui souhaite le meilleur, et j'ai hâte d'entendre. Je lui fais confiance et je l'aime. C'est ma petite sœur, vous ne saviez pas ?

 

PdA : Que vous inspire le paysage musical actuel ? Avez-vous, à ce jour, des coups de cœur pour tel ou tel artiste ?

 

B.S.-P. : À vrai dire, je suis quasi ignorant du paysage musical actuel en France, où je vis assez peu. J'aime beaucoup l'attitude de Christine and the Queens, quelques aspects de Julien Doré, London Grammar et Fauve. Je suis fan de Kiddo et de Michael McDonald.

 

Le rap a eu raison de ma patience, non pas tant par le manque flagrant de mélodies (voire l'appropriation outrancière de samples), mais bien plus par la pauvreté des textes et des messages que leurs auteurs essayaient d'y faire passer. Et ça, c'est dans le meilleur des cas, quand il s'expriment en français, quand ils respectent la syntaxe et la grammaire d'une langue qu'ils n'ont pas jugé nécessaire d'apprendre sur les bancs de l'école. Je n'ai aucun respect pour ces usurpateurs qui se prennent pour des poètes. Non seulement ils m'ennuient mais ils m'énervent profondément.

 

PdA : Question subsidiaire : seriez-vous prêt à rempiler dans le domaine de la production, de la réalisation musicale ?

 

B.S.-P. : Pourquoi pas ? Tout cela dépend du projet, mais ce serait à mes conditions et uniquement pour me prouver que j'ai encore un peu de goût.

 

Lucien

 

PdA : Changeons de domaine, avant de conclure... Votre premier roman, Lucien, a été publié il y a deux ans aux Éditions du Panthéon. Voulez-vous nous en parler ?

 

B.S.-P. : C'est le premier d'une série de personnages qui habitaient mon imagination. Lucien est un désespéré cynique dans son discours, mais cynique par faiblesse, par tendresse, le prototype du mec qui fait semblant et qui s'en veut au point de se haïr et de tout faire pour qu'on le déteste, ce qui justifierait l'opinion qu'il a de lui. On a dit de mon style qu'il était gainsbourien?  Est-ce que la détresse humaine serait l'apanage de Serge ? On est tous malheureux, on a tous des limites. Peu d'entre nous les acceptent, ils se battent contre des rochers. C'est ça, la grande loterie !

 

PdA : Quels sont vos projets, vos rêves pour la suite ?

 

B.S.-P. : Mes projets sont assez simples. Mon second roman, intitulé L'Enterrement de Monsieur Lapin, est parti chez l'éditeur il y a un mois maintenant. Sortie prévue : en janvier prochain. J'en ai aussitôt attaqué un autre, qui me prendra environ deux ans. Je voyage beaucoup en Asie, je vais voir une de mes filles qui fait ses études à Houston, je parle beaucoup à mon chat, j'aime qui veut m'aimer, je lis, j'écris et je rêve...

 

PdA : Un message pour nos lecteurs ?

 

B.S.-P. : Pour ceux qui n'ont pas encore lu Lucien, foncez sur amazon, sur Chapitre ou sur fnac.com, ou bien commandez-le à votre libraire... Vous ne vous ennuierez pas. C'est assez facile à lire, ça parle d'amour et de mal de vivre, de passions, de séparations, d'alcool, de drogues et de nouveaux-nés.

 

PdA : Un dernier mot ?

 

B.S.-P. : Merci de m'avoir accordé cet espace pour m'y livrer sans parapet, sans censure et sans garde-fou. Je n'ai rien su cacher que je n'aie encore en mémoire.

 

Ma conclusion à ce stade, et si elle peut être d'une quelconque utilité : protégez-vous des cons, ils osent tout, c'est même à cela qu'on les reconnaît (Audiard).

 

PdA : Merci infiniment...

 

Bernard Saint-Paul chien

 

 

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Pour aller plus loin...

  

14 juillet 2014

François-Henri Désérable : "J'ai voulu raconter la vie d'Évariste Galois"

Un an après la publication de notre première interview, François-Henri Désérable, l'auteur brillant de Tu montreras ma tête au peuple (que je ne cesserai de vous recommander) m'a fait l'honneur, une nouvelle fois, d'accepter de répondre à mes questions pour Paroles d'Actu. L'occasion d'évoquer, pêle-mêle, l'accueil réservé à son premier ouvrage, la journée du 14 juillet 1789, ses goûts et conseils littéraires. Et de nous offrir, en exclusivité, quelques infos sur son prochain livre... Je l'en remercie et espère qu'il aura, à l'heure de la rédaction de ce texte - le 14 juillet, autour de 18h05 - dégusté la crêpe au sucre qui lui faisait tant envie. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

FRANÇOIS-HENRI

DÉSÉRABLE

Auteur de Tu montreras ma tête au peuple

 

« J'ai voulu raconter

la vie d'Évariste Galois »

 

François-Henri Désérable

(Photo proposée par François-Henri Désérable)

 

Q : 12/07/14 ; R : 14/07/14

 

Paroles d'Actu : François-Henri Désérable, bonjour. L'an dernier, à peu près à cette époque, nous évoquions, lors de notre première interview, ton ouvrage édité chez Gallimard, Tu montreras ma tête au peuple. Quinze mois ont passé depuis sa sortie. L'occasion, peut-être, d'un bilan d'étape ?

 

François-Henri Désérable : Oui, quinze mois. Déjà. Mais les bilans, en littérature, se font sur plusieurs années. Quand Alcools paraît en 1913, il ne trouve qu’une centaine de lecteurs. Un siècle plus tard, deux millions d’exemplaires se sont écoulés. Qu’aurait dit Apollinaire un an après la parution de son recueil ? Que ses poèmes n’ont pas trouvé leur public, mais que la vie continue, d’ailleurs l’année 1914 s’annonce radieuse… Faisons un premier bilan dans dix ans.

 

PdA : As-tu été touché d'une manière toute particulière par certaines critiques, certains retours - qu'ils soient positifs ou négatifs, d'ailleurs ?

 

F.-H.D. : Bien sûr. Surtout par les retours de quelques écrivains que je tiens en très haute estime. Et par les lettres de lecteurs. À l’heure d’internet et du mail, les lettres ont un charme un peu suranné.

 

PdA : En mai 2013, un journaliste de France 3 Languedoc t'interrogeait quant à ta position sur la peine de mort; ta réponse fut sans ambiguïté : « Je suis résolument contre la peine de mort. C'est un assassinat grimé sous les oripeaux du droit. On pourrait ériger une statue à Robert Badinter pour l'avoir abolie. » Il est une question que j'aimerais te poser, un peu dans le même ordre d'idées. Bon, ça plombera l'ambiance deux minutes, mais je crois qu'elle peut être intéressante, surtout pour qui a lu Tu montreras ma tête au peuple : quel est ton rapport à la mort ?

 

F.-H.D. : Paradoxalement, un monde sans la mort serait invivable. Et ce n’est pas tant la mort qui me fascine et m’angoisse, mais le temps qui s’enfuit. Je pense avoir pris conscience très tôt de la préciosité du temps.

 

PdA : « J’ai envie de répondre le 14 juillet, à la Bastille, pour revenir en 2013 et dire : 'J’y étais' ». Ce fut là la première de tes idées lorsque j'entrepris, lors de notre entretien, de te convier à un hypothétique voyage dans le temps, à l'époque de la Révolution. Deux fois cent ans, plus le quart de siècle, tout juste... Ta requête est accordée : tu y es, à la date, au lieu dits...

 

F.-H.D. : Eh bien je regarde. La foule en liesse, la tête du gouverneur de la Bastille au bout d’une pique, oui, je regarde tous ces gens et je me dis qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’ils font : ils sont en train d’écrire l’une des pages les plus importantes, les plus belles de l’Histoire de France, et ils ne le savent pas. À ce moment-là, ça n’est qu’une petite révolte. Pas une révolution. Mais peut-être que je me trompe, peut-être pressentent-ils déjà que l’ordre immuable des choses n’est plus si immuable que ça…

 

PdA : On retrouve souvent chez nos compatriotes - et bien au-delà - la confusion qui touche à la fête nationale, au 14 juillet. De la prise de la Bastille en 1789 ou de la fête de la Fédération en 1790, quel est celui qui, un peu plus que l'autre, tendrait à recueillir tes suffrages ?

 

F.-H.D. : La prise de la Bastille : il y a du sang, de la sueur et des larmes. La fête de la Fédération, il y a de la sueur, quelques larmes de joie, mais pas de sang. Il me faut du sang.

 

PdA : On déconnecte un peu... juste le temps, parce qu'il faudra bien le faire à un moment ou à un autre, d'aborder une question un peu pénible. On sera débarrassé, comme ça. Promis, après, on n'en parle plus. Où en est ta thèse ? Tu nous en dis deux mots ?

 

F.-H.D. : Elle en est exactement au même point que lors de notre dernière interview il y a un an.

 

PdA : L'année dernière, tu évoquais ce projet d'un nouveau roman débuté six mois auparavant et dont l'histoire allait se passer en partie durant la révolution de 1830 - les Trois glorieuses. L'attente est interminable, le peuple le réclame, il veut... plus d'infos !

 

F.-H.D. : Le livre paraîtra début 2015, toujours chez Gallimard. Je raconte la vie d’Évariste Galois, qui était le Rimbaud des mathématiques : à quinze ans, il les découvre ; à dix-huit, il les révolutionne ; à vingt, il meurt en duel. (Et le tout se passe entre 1811 et 1832). C’est cette vie fulgurante, qui fut un crescendo tourmenté, au rythme marqué par le tambour des mathématiques, que j’ai voulu raconter. 

 

PdA : Tu nous en offres quelques lignes, en exclu ?

 

F.-H.D. : Tout est écrit et, de fait, sur Évariste on a beaucoup écrit. On ne compte plus les essais, les biographies, les témoignages de contemporains. On ne compte plus les colloques, les mémoires, les thèses, les articles. On a dit tout et son contraire : on s’est souvent trompé. On a dit à tort qu’il fut victime d’un complot ; à raison qu’il fut aux mathématiques ce qu’à la poésie fut Arthur Rimbaud : un Rimbaud qui n’aurait pas eu le temps de nous envoyer la Saison à la gueule ; qui aurait cassé sa pipe après Le bateau ivre, les vingt-cinq quatrains depuis le fin fond des Ardennes envoyés à la gueule de Verlaine en même temps qu’à celle de Paris ; un Rimbaud qui n’aurait connu ni Harar ni Aden ni les dents d’éléphant ni la scie sur la jambe à Marseille : parce qu’en vérité c’est la fin du dormeur que ce Rimbaud a connue, c’est le trou de verdure, la nuque baignant dans le frais cresson bleu, le soleil, la main sur la poitrine. Le trou rouge au côté droit.

 

PdA : Merci... Il serait bon que je souligne, à ce stade de notre échange, que tu es un vrai globe-trotter. Tu as beaucoup voyagé ces derniers mois. Tu étais à Istanbul au moment de notre première interview ; tu souhaites t'installer un jour à Venise. On inaugure une toute nouvelle séquence sur Paroles d'Actu avec cette question : Les conseils de François-Henri. La question, donc : quels seraient tes conseils touristiques ? Ta liste d'endroits-à-voir-absolument-avant-de-mourir-si-si-il-le-faut ?

 

F.-H.D. : Je vais essayer d’être très précis : il faut voir Venise depuis les marches de la basilique Santa Maria della Salute. Le plus bel endroit du monde.

 

PdA : As-tu été séduit par quelques livres, ces derniers temps ?

 

F.-H.D. : Parmi les livres sortis depuis le début d’année, il y en a trois que j’ai beaucoup aimés : Histoire de ma sexualité d’Arthur Dreyfus, La vie privée d’Olivier Steiner et Réparer les vivants de Maylis de Kerangal. J’ai aussi apprécié, dans mes lectures récentes, la biographie de Flaubert par Bernard Fauconnier, 14 de Jean Echenoz, Histoire d’un Allemand de l’Est de Maxim Leo (lu sur les conseils avisés de Clément Bénech) et un fabuleux recueil des critiques de Renaud Matignon, qui a sévi pendant trente ans au Figaro : La liberté de blâmer.

 

PdA : S'il te fallait n'en sélectionner que dix, tous genres, toutes périodes confondues... ?

 

F.-H.D. : Sans ordre particulier, si ce n’est alphabétique :

Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne

Albert Cohen, Belle du Seigneur

Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo

Victor Hugo, Quatrevingt-treize

Primo Levi, Si c’est un homme

Pierre Michon, Les Onze

Pierre Michon, Rimbaud le fils

Jean d’Ormesson, Histoire du Juif errant

Jean-Paul Sartre, Les mots

Stefan Zweig, Le monde d’hier

 

PdA : Quels sont tes projets, François-Henri ?

 

F.-H.D. : Dans l’immédiat, manger une crêpe au sucre.

 

PdA : De quoi as-tu envie, aujourd'hui ?

 

F.-H.D. : D’une crêpe. Et de sucre.

 

PdA : Comment te vois-tu, comment vois-tu ta vie dans... disons... dix ans ?

 

F.-H.D. : Vivant, ce sera déjà bien assez.

 

PdA : Que peut-on te souhaiter ?

 

F.-H.D. : Un bon appétit.

 

PdA : Un dernier mot ?

 

F.-H.D. : Merci.

 

PdA : C'est moi... Un bon appétit, donc !

 

 

Tu montreras ma tête au peuple

 

 

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Vous pouvez retrouver François-Henri Désérable...

 

  • Sur le site des éditions Gallimard pour Tu montreras ma tête au peuple... en attendant son prochain ouvrage;
     
  • Sur le site de TV5 Monde pour sa nouvelle, Clic ! Clac ! Boum !;
     
  • Sur le site Hockey Hebdo pour tout savoir de ses stats de hockeyeur professionnel...

  • Suivez Paroles d'Actu via Facebook et Twitter... MERCI !
29 juin 2014

Frédéric Quinonéro : "Sardou a traduit en chansons l'âme d'un peuple"

   L'histoire commence il y a une bonne douzaine d'années. L'auteur de cette intro - entamée un 27 juin, jour de la St-Fernand - devait avoir dix-sept ans. Il, ou, pour plus de facilité, je, venais, alors, de créer mon forum d'actu sur la plate-forme Aceboard, le Forum 21 - disparu depuis, en même temps que la plate-forme. J'ai invité quelques contacts à m'y rejoindre, démarché quelques admin inscrits sur le forum support d'Aceboard. Parmi eux : un certain Giros, webmaster d'un site dédié à Michel Sardou. Sardou, je connais, pas mal, sans plus. De lui, j'aime quelques chansons, dont Le France. Avec Gianni - alias Giros -, nous sympathisons. Il a rejoint F21, je rejoins sa communauté, dédiée au chanteur. J'y rencontre des gens très sympa - dont Dominique, alias Lanatole, je la salue ici, ainsi que Gianni, et ceux qui me reconnaîtront -, y trouve une belle ambiance conviviale. J'y ai découvert, ai aimé de nombreux titres - dont L'An Mil, qui donne son nom au site, à la communauté bâtis par Gianni. Une œuvre parfois controversée. Une œuvre, une carrière riches, incontestablement.

   Automne 2012 : Paroles d'Actu existe depuis une quinzaine de mois. Pouvoir poser quelques questions à Sardou ? J'adorerais, évidemment. Je cherche les coordonnées de son agent sur internet, je lui présente mon blog, lui soumets ma proposition. Je réessaierai à la toute fin de l'année, puis au début de 2013. Une réponse de l'agent m'encourage à accélérer un peu, à rédiger mes questions - chose que je ne fais pas sans un "OK" préalable en général. Je n'ai pas le "OK" de principe, mais j'ai les questions en tête : perte de temps ou pas, on verra... Elles sont un peu différentes de celles qui lui sont posées habituellement dans les médias, lors des interviews de promo, parce que, je le crois en tout cas, je connais bien son répertoire. La rédaction et l'envoi se font le 26 janvier 2013 - jour de son anniversaire, je le sais et ne manque pas de le lui souhaiter, au passage. Le 28, je reçois un mail. Je le découvrirai rapidement : il ne connaîtra pas de suite... mais constitue déjà, en soi, une belle victoire.

   « Je serais ravi de répondre à vos questions (...) mais, de grâce, n'en posez pas trop à la fois. Cela ressemblerait à un livre écrit à deux. De plus, je n'aime pas parler de moi. À la question des regrets, je n'en ai aucun. Ceux qui n'ont pas compris à l'époque ne comprendront pas plus demain. Pour le reste, j'ai suivi une route; celle qu'il y avait devant moi. J'ai commencé à écrire très jeune, ce qui pourrait expliquer quelques maladresses, mais je ne m'excuse jamais. Sauf quand je suis impoli. L'avenir ? Je verrai bien. Ou mieux, je ne le verrai pas. Il est désormais derrière moi. Bien à vous, Michel. » Sa tournée-marathon de 2012-2013 - qui sera interrompue par ses problème de santé - vient de démarrer. Il a pris le temps de m'écrire ces quelques mots. Il n'y aura pas - en dépit des quelques amendements apportés au texte - de suite... mais je suis content. Et je l'en remercie.

   Sardou, Vox populi, écrit par le biographe Frédéric Quinonéro, est sorti il y a tout juste un an, à la fin juin 2013. Je saisis l'occasion, lui propose une interview autour de son livre, autour de Sardou. Cet entretien, je le veux construit autour de chansons souvent méconnues, que j'aime et que j'aimerais inviter nos lecteurs à découvrir ou redécouvrir. J'ai pris le temps de parsemer ce document de liens vidéo qui sont, de la part de celles et ceux qui les ont publiées sur YouTube ou Dailymotion, autant de témoignages d'affection, d'admiration pour lui. S'il exige un procès, je le perdrais, tant pis... Et le blog s'en irait, j'ai pas payé l'crédit... Que ces vidéos soient prises comme telles : elles ne détourneront pas celui qui les aimera d'une consommation tarifée de l'artiste, elle l'inciteront au contraire à l'achat de titres en téléchargement légal, d'album physiques.

   Merci, un grand merci à Frédéric Quinonéro : il a joué le jeu, il l'a fait rapidement, avec beaucoup de générosité. Ses réponses sont éclairantes, passionnantes, empreintes de sympathie, de respect pour un chanteur qu'il a appris, au fil des années, à aimer. Sardou, Vox populi est à découvrir chez tous les bons libraires. Il mérite d'être découvert, de la même manière que son sujet qui, lui, gagnerait à être redécouvert. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

FRÉDÉRIC QUINONÉRO

Auteur de Sardou, Vox populi

 

« Sardou a traduit en chansons

l'âme d'un peuple »

 

Sardou Vox Populi

(Source des photos : F. Quinonéro)

 

Q. : 26/06/14 ; R. : 26/06/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Frédéric Quinonéro. Quel était votre rapport à Michel Sardou, à son œuvre, au personnage, avant de vous lancer dans le projet Vox populi ?

 

Frédéric Quinonéro : J’ai des souvenirs de disques de lui, achetés quand j’étais enfant : J’habite en France, Je t’aime, je t’aime, La Maladie d’amour. Adolescent, quelques chansons m’ont marqué, mais le personnage me rebutait. Élevé dans les valeurs humanistes de gauche, je ne pouvais tolérer qu’on use de son statut d’artiste pour se prononcer publiquement en faveur de la peine de mort, à un moment crucial où l’opinion publique réclamait à cor et à cri la tête d’un homme – finalement, cet homme fut emprisonné, puis un innocent, inculpé dans une autre affaire, fut guillotiné. Je ne pouvais tolérer davantage que soit évoqué sur le mode nostalgique « le temps béni des colonies » (j’avoue que je ne percevais pas le second degré).

 

Avec le recul, je me rends compte que je ne le détestais pas tant que ça, Sardou. Je me souviens de fêtes de village où j’aimais entendre l’orchestre entonner Je vais t’aimer, La Vieille ou Le France, alors que je m’interdisais d’acheter les disques. Même J’accuse, j’aimais bien ! Notamment son intro très pompière… C’était beaucoup pour le principe : dans une famille de gauche, il ne faisait pas bon être fan de Sardou. D’autant qu’il avait construit son image et sa notoriété sur l’art de la provocation, un art qu’il partageait avec son parolier Pierre Delanoë, qui était tout de même un vieux réac ! Le temps aidant, les esprits s’apaiseront de façon bilatérale.

 

PdA : Quelle est l’histoire de cet ouvrage, publié l’année dernière aux éditions Didier Carpentier ?

 

F.Q. : Deux déclarations du chanteur : l’une contre l’exil fiscal, l’autre en faveur du mariage pour tous – avec sa façon très personnelle de l’exprimer, se déclarant « pour le mariage des tantes » -, ont eu raison de mes réticences. J’ai même pris beaucoup de plaisir à la rédaction de ce livre et au travail de recherche qu’il a demandé. J’en profite pour remercier les fans, très sympathiques, qui m’ont aidé à l’iconographie, en particulier Fabien Chaise, webmaster d’un site dédié au chanteur. Le titre s’est tout de suite imposé à moi : Vox populi. Mon éditeur n’était pas très emballé, il voulait que j’en change. Mais j’ai insisté.

 

PdA : Commençons... par le commencement. Michel Sardou, né le 26 janvier 1947, est un authentique enfant de la balle : Fernand et Jackie, ses parents, sont comédiens. Le théâtre le tente; il suit des cours, se lie d’amitié avec un camarade, un certain Michel Fugain... avec lequel, bientôt, il s’essaiera à la chanson (1965). C’est le début de l’épisode Barclay. Le prologue...

 

F.Q. : Chez les Sardou, la tradition du spectacle se transmet en effet de génération en génération. Michel a fondé son éducation dans les salles de théâtre et de cabarets, ou sur les tournages de films de cinéma, où il suivait ses parents. Le déclic s’est opéré un dimanche après-midi sur la scène du Châtelet où sa mère, qui jouait dans une opérette, l’a attiré en fin de représentation sous les applaudissements du public. Pour lui, cependant, la chanson prendra le pas sur la comédie. Presque par accident. Apprenti comédien qui court le cachet, il s’associe avec Michel Fugain, copain de galère, pour écrire des chansons. Un jour de 1965, ils présentent l’une d’entre elles, Les Arlequins, devant Régis Talar, chez Barclay. Sardou chante, Fugain l’accompagne à la guitare. Un contrat est bientôt signé. Et le disque sort le 10 novembre, dans l’indifférence.

 

PdA : 1967 : il agace, déjà... Face à l’escalade vietnamienne, la France de De Gaulle prend ses distances avec Washington. Sardou, lui, chante Les Ricains. S’ils n’étaient pas là, affirme-t-il, « vous seriez tous en Germanie ». C’est sans doute vrai. Mais loin, dans le contexte, d’être du goût de tout le monde...

 

F.Q. : Et pour cause. Sardou réagit surtout contre la vague prosoviétique qui rejette l’Amérique, impliquée dans la guerre du Vietnam. Il rappelle au passage que la France était bien contente d’accueillir les Américains en 1944. La chanson sort en janvier 1967, au moment où De Gaulle, au nom de la souveraineté nationale, a sorti la France de l’OTAN et demandé aux Américains d’évacuer les bases implantées dans le pays. Le Général va donc « déconseiller » (comme on dit alors) la chanson polémique de Sardou à l’ORTF. Elle passe alors inaperçue et sera réhabilitée à l’orée des années 70. Dans l’intervalle, Sardou aura enfoncé le clou avec Monsieur le Président de France !

 

PdA : On avance un peu dans le temps... Eddie Barclay, estimant - il a du nez ! - que Sardou n’est pas fait pour ce métier, rompt leur contrat. Le chanteur saisit la balle au bond : il crée, avec le compositeur Jacques Revaux et le producteur Régis Talar - deux futurs fidèles parmi les fidèles - le label Tréma. Les premiers gros succès publics émergent au tout début des années 70... En 1973, ce sera, l’air de rien, la chanson-miracle : La Maladie d’amour...

 

F.Q. : La carrière de Sardou explose au début de 1970, avec Les Bals populaires. S’ensuivent, dans la même cuvée, J’habite en France, Bonsoir Clara et Le Rire du sergent. Il hésite entre ce répertoire pompier et la chanson sentimentale, représentée par Je t’aime, je t’aime ou Un Enfant. Fort de ces succès, le chanteur s’offre son premier récital à l’Olympia, en janvier 1973. Puis, La Maladie d’amour devient le tube incontournable de l’été et lui permet de gagner la fidélité d’un très large public populaire.

 

PdA : Son meilleur album est sans doute celui de 1976. Parmi les chansons moins connues, deux pépites : La Vieille, Je vous ai bien eus... Sur ce 33T, on retrouve la torride Je vais t’aimer. Et cette supplique d’une ancienne gloire nationale, Le France, qui fait mouche dans un pays qui, depuis quelques années, s’interroge, doute de lui et de son avenir...

 

F.Q. : C’est aussi son album le plus controversé, avec des titres revendicateurs comme J’accuse et l’insupportable Je suis pour. On y trouve aussi Le Temps des colonies, qui aborde sur un ton humoristique un sujet tabou. Sa tournée 1976 est émaillée de manifestations. On veut l’interdire de chanter, et on finit par y parvenir. Un journal titre « Heil Sardou ! » C’est dire la violence dont il fait l’objet.

 

On en oublie que, sur le même album, Sardou est capable de tendresse avec La Vieille et aborde le sujet délicat du suicide dans Je vous ai bien eus, une chanson mal comprise à sa sortie. Personnellement, j’adore l’emphase de Je vais t’aimer et le lyrisme du France, que je prends toujours plaisir à entendre et dont la puissance de l’interprétation m’émeut aux larmes.

 

PdA : Les tubes s'enchaînent sans discontinuer... les polémiques aussi. L’album de 76, (vous en parliez à l'instant) c’est aussi celui de Je suis pour, de J'accuse, du Temps des colonies. Quelques années plus tôt, il y avait eu Les Villes de solitude. Sardou est un artiste engagé, il se fait, dans le texte, volontiers provocateur. Chacun de ces titres va, pour des raisons différentes, en faire la cible de nombreuses attaques - parfois excessives ou à côté de la plaque, quelquefois violentes... En 1977-78, le climat est tendu, très tendu : des « comités Anti-Sardou » voient le jour, on retrouvera même une bombe au Forest National de Bruxelles... Comment vit-il cette époque ?

 

F.Q. : Il la vit très mal, forcément. En mars 1977, lassé d’être escorté par un commando de CRS et sans doute affolé de la tournure prise par les événements – on a tout de même attenté à sa vie ! -, il met un terme à sa tournée et s’offre des vacances en attendant que le calme revienne. Heureusement, il trouve des soutiens dans le métier, y compris parmi des personnalités de gauche, comme Yves Montand ou Jean Ferrat, qui réprouvent cette façon radicale de condamner un artiste et de porter atteinte à la liberté d’expression. Cependant, Sardou met la pédale douce et aborde pour son retour un répertoire qui ne prête pas à conséquence. Pour un temps, du moins. Ainsi, il triomphe à nouveau avec En chantant et La Java de Broadway.

 

PdA : Le temps s’écoule... il semble avoir un peu perdu de son goût pour la provocation. La décennie 80 s’ouvre, elle sera difficile pour pas mal d’artistes de sa génération. Lui va s’offrir une nouvelle jeunesse, conquérir de nouveaux publics. Sur son album de 1981, il y a cette chanson obscure qui raconte un banal mariage irlandais, chanson à laquelle – c’est ce qu’il affirmera plus tard, en tout cas - il ne croyait pas. Le morceau s’appelle Les Lacs du Connemara...

 

F.Q. : Elle fait partie de ces chansons tellement rebattues – il n’y a pas de mariage ou de fête familiale sans Les Lacs du Connemara - qu’elle en devient insupportable. En 1981, une autre chanson à succès suscitait tout de même un tollé chez les féministes : Être une femme, qui ravivait avec un humour douteux le caractère macho et misogyne du chanteur.

 

PdA : Milieu-fin des années 80 : les « comités anti-Sardou » ont vécu. L’époque est moins passionnée politiquement parlant. Lui s’est assagi, il divise moins. Ces années-là, il y aura, tout de même, deux chansons coup-de-poing, parmi ses plus emblématiques, ses plus belles aussi : il s’insurge des dérives, des trahisons du régime communiste soviétique dans Vladimir Ilitch (1983), s’interroge sur la condition féminine en terre d’Islam dans Musulmanes (1986)...

 

F.Q. : Même si Sardou se défend de les avoir écrites en réaction à une actualité, ces deux thèmes empruntent à l’air du temps. Vladimir Ilitch s’inscrit à une période de « guerre fraîche » entre l’Est et l’Ouest, juste avant la chute du régime soviétique et la fin d’une ère qui opposait deux systèmes. La chanson, qui semble glorifier Lénine et une certaine idéologie égalitaire, s’avère en fait un pamphlet anticommuniste, selon le parti pris du co-auteur Pierre Delanoë. Plus enclin aux envolées romanesques, Michel Sardou privilégie le souffle épique de l’Histoire.

 

C’est dans cet esprit qu’un soir, au milieu du désert saharien, alors qu’il court en pleine aventure du Paris-Dakar, il écrit Musulmanes, l’une de mes chansons préférées. L’album sort en 1986, après une vague d’attentats islamistes. Sardou s’élève contre l’amalgame fait entre musulmans et islamistes et se réjouit que son public entonne avec lui un hymne à la gloire des femmes arabes. Le métier semble réhabiliter Sardou : la chanson est récompensée aux Victoires de la Musique.

 

Sardou Vox Populi 2

 

PdA : Sardou a souvent chanté l’Amérique, ses mythes éternels et, plus souvent qu’à son tour, les désillusions qu’elle lui a inspirées : La Vallée des poupées (une très belle chanson de 1976), Huit jours à El Paso (1978), Happy birthday (1986)... La fascination est toujours là (Préservation en 1981, Chanteur de jazz en 85, Mam'selle LouisianeLe Blues black brothers et Au nom du père en 90...) mais le rêve a du plomb dans l’aile...

 

F.Q. : Dans mon livre, je consacre un chapitre à cette fascination de Sardou pour l’Amérique. Son répertoire est en effet riche de références au pays de l’oncle Sam, à commencer par Les Ricains, bien sûr, et affirme un proaméricanisme nourri dès l’adolescence par le cinéma et l’image d’un pays sublimé par ses grands espaces, ses voitures rutilantes et la possibilité fantasmée d’y faire fortune. C’est aussi la mère patrie du blues et du jazz. Longtemps, Sardou sera habité par cet attrait pour l’Amérique.

 

PdA : Dans son répertoire, on trouve également de nombreuses chansons épiques, des chansons sur lesquelles souffle un vent d’histoire... Il y a Danton en 1972, La Marche en avant en 73, Verdun en 79, Qu’est-ce que j’aurais fait moi en 98, La Bataille en 2000, sans oublier, bien sûr, les grandioses L’An mil, datée de 1983, et Un jour la liberté, de 89... Sardou aime l’Histoire, et quand il la chante, il y a toujours un message en filigrane...

 

F.Q. : C’est un autre chapitre du livre, « Notre histoire et la mémoire des vieux », titre emprunté aux Routes de Rome. Outre sa passion pour l’Histoire, qu’il transmettra à son fils Romain, Sardou aimait imposer ce type de chansons dans ses spectacles, afin de leur conférer une composante théâtrale. Ce fut notamment le cas d’Un jour la liberté, qui célébrait en 1989 le bicentenaire de la Révolution française et faisait l’objet d’un final de douze minutes à Bercy, avec le renfort de cent comédiens, mis en scène par Robert Hossein.

 

Dans ce répertoire, j’ai une tendresse particulière pour Verdun - j’aimais beaucoup cet album en 1979, en particulier Je ne suis pas mort, je dors et L’Anatole - et aussi pour Qu’est-ce que j’aurais fait, moi ?, un titre hélas méconnu, sur un thème déjà abordé par Jean-Jacques Goldman dans Né en 17 à Leidenstadt.

 

PdA : « Qu’est-ce qu’ils vont dire à la maison ? Un garçon qui aime un garçon... » Le Privilège sort en 1990. Avec cette très belle chanson, qui nous dit le désarroi d’un jeune garçon s’apprêtant à faire son coming out, il espère surclasser Comme ils disent d’Aznavour. Et amende - en même temps qu’une phrase de J’accuse - un peu plus son image...

 

F.Q. : Il m’a paru évident de consacrer un chapitre au thème de l’homosexualité, tant le sujet semble interpeller le chanteur. Il y fait allusion dans nombre de chansons, par des allusions souvent moqueuses ou méprisantes à ses débuts : Le Rire du sergent, Le Surveillant général et J’accuse qui, en effet, sera revu et corrigé dans les années 90. Sardou s’excusera de ses dérapages de jeunesse, en créant notamment Le Privilège, qui dénonce l’amalgame entre homosexualité et perversion.

 

Sardou a cette qualité d’évoluer de façon intelligente et de reconnaître ses torts. C’est ce qui le rend attachant. Une image m’a marqué lors des manifestations pour le mariage homosexuel : cette pancarte levée où était écrit « Même Sardou est pour ! ». J’avais contacté l’auteur de la photo, afin de la publier en illustration de ce chapitre. Hélas, il n’a pas voulu la céder, même moyennant rétribution.

 

PdA : Sa mère Jackie disparaît en 1998, vingt-deux ans après Fernand (« 1976, c’est la mort de mon père, et cette impression folle que ses dernières paroles n’étaient pas les dernières... » in 1965, datée de 1985). Il leur a consacré, au fil des années, de nombreux hommages (reprenant dans ses tours de chant Aujourd’hui, peut-être, de son père), écrit des textes plus ou moins biographiques mais empreints de tendresse : Une fille aux yeux clairs (1974), Les Noces de mon père (1981), Il était là (Le fauteuil) et le sketch Maman (1982), Les Yeux de mon père (2006)... Quels rapports entretenait-il avec ses parents ?

 

F.Q. : Michel Sardou disait de son père qu’il lui avait tout appris sans jamais lui avoir rien enseigné. Ils n’ont pas eu le temps de beaucoup se parler, tous les deux. Fernand Sardou est mort trop tôt, et Michel a idéalisé ce père un peu bougon et taiseux, mais tendre, comme l’étaient ces hommes du Midi que Pagnol a immortalisés dans ses films.

 

L’image de la mère a naturellement pâti de cette idéalisation du père, d’autant que Jackie était plutôt dirigiste et envahissante. La mère et son fils, qu’elle appelait « Mon minou », étaient très proches. Michel Sardou a mesuré le poids de son absence au lendemain de sa mort. Ce soir-là il chantait à Nancy. Et a failli craquer en interprétant Une fille aux yeux clairs, la chanson que Jackie disait sienne.

 

PdA : À partir de la fin des années 90, celui qui n’est « plus un homme pressé » a desserré les poings. Il s’est trouvé un nouvel équilibre personnel, se soucie moins de politique, - la dispensable Allons danser (2006) ou la trop méconnue Le Monde où tu vas (1994) mises à part. Il entame de nouvelles collaborations; ses créations à venir toucheront, au fond, à l’essentiel : l’amour (Tu te reconnaîtras, en 1997, Je n’oublie pas, Même si, Dis-moi en 2004, Nuit de satin et Je serai là en 2006, Et puis après en 2010...), le temps qui passe, ses bilans... (Putain de temps, en 1994, La Rivière de notre enfance et La vie, la mort, etc. en 2004, Les Jours avec et les jours sans, La dernière danse en 2006...) Que vous inspirent-elles, ses années les plus récentes ?

 

F.Q. : Vous oubliez un succès marquant : Le Bac G, dont j’aime beaucoup la mélodie et le texte, en dépit de ce passage polémique sur les lycées poubelles, qui avait enragé Lionel Jospin, alors ministre de l’Éducation nationale. J’aime aussi Putain de temps, Le monde où tu vas, Rebelle, Je n’oublie pas. Des chansons qui me parlent.

 

Cette période est teintée d’une douce mélancolie et d’une nostalgie parfois amère que je partage. J’aime aussi l’homme qu’il est devenu. Je pense que la présence d’Anne-Marie Périer à ses côtés n’y est pas pour rien.

 

PdA : J’ai eu à cœur, tout au long de cet entretien, d’évoquer des titres peu connus, parmi ceux que j’aime. J’aurais également pu citer - même si l’occasion ne s’est pas présentée - d'autres chansons qui mériteraient d’être découvertes ou redécouvertes, comme Un Enfant (1972), Les vieux mariés (1973), Un Roi barbare (1976), les superbes Je vole (1978) et Je ne suis pas mort, je dors (1979), les émouvantes Victoria et La Pluie de Jules César (1980), Le mauvais homme (1981), Si l’on revient moins riches (1983), L’Acteur (1987), Le Successeur, Dans ma mémoire elle était bleue, Vincent (1988), Espérer (2004), Rebelle (2010)... J’en passe... Quelles sont, dans son répertoire, les chansons que vous préférez, et pourquoi ?

 

F.Q. : Ma préférée d’entre toutes est Je vole. Quand elle est sortie, je n’avais pas compris qu’elle évoquait un suicide, je pensais simplement que le garçon de la chanson faisait une fugue. Et pourtant, cette chanson m’émouvait aux larmes. Parmi celles que vous citez, j’aime surtout L’Acteur - j’étais élève au cours Florent quand elle est sortie, elle parlait donc forcément au cœur d’un apprenti acteur -, Les vieux mariés - j’aime cette idée que la vieillesse puisse être sereine -, Je ne suis pas mort, je dors et Vincent. Je pourrais encore citer Dix ans plus tôt, un tube d’été sur lequel j’ai connu mes premiers flirts, et Je viens du Sud, pour des raisons géographiques évidentes (Frédéric Quinonéro est un enfant du Gard, ndlr). Il y en a plein d’autres…

 

PdA : Qu’avez-vous appris à propos de Sardou à l’occasion du travail, des recherches que vous avez menés pour l’écriture de votre livre ?

 

F.Q. : Je ne crois pas avoir appris beaucoup de choses sur Sardou que je ne savais déjà, car malgré tout j’ai toujours suivi sa carrière et grandi avec ses chansons. J’ai surtout appris à passer outre les idées préconçues. J’ai appris qu’il était très agréable d’écrire un livre sur un artiste dont on n’est pas a priori fan et de se rendre compte qu’au fond on l’apprécie beaucoup plus qu’on ne le pensait. Le répertoire de Sardou se prête en outre à l’analyse, ce qui est pain bénit pour un écrivain.

 

Dans le travail d’écriture d’un livre, il y a toujours un moment difficile où l’on cale, où c’est douloureux et où l’on éprouve le besoin de faire un break. Ça n’a pas été le cas avec ce livre-là. Ce fut un vrai bonheur du début à la fin. J’ai trouvé un rythme dès le départ, et il ne m’a pas quitté.

 

PdA : « Qui êtes-vous, Michel Sardou ? » On ne compte plus les pages qui, années après années, ont été noircies autour de cette question. Il n’a jamais cessé d’être populaire - et cela dure depuis quarante-cinq ans - mais dans pas mal d’esprits subsistent, bien ancrés, quelques résidus de sa mauvaise réputation... Quelle image vous êtes-vous forgée de lui ?

 

F.Q. : L’image d’un homme rebelle, mais ce n’est pas fait pour me déplaire. Il est, selon le mot de François Mitterrand, un « homme à angles aigus », mais qui a tendance à les arrondir avec le temps.

 

PdA : Ses contours sont encore - et c’est heureux - en train d’être dessinés, affinés : il est toujours actif et reviendra probablement à la chanson dans les années à venir. Cela dit, quelle est et quelle sera, à votre sens, l’empreinte Sardou sur le patrimoine musical français ?

 

F.Q. : Pour moi, Sardou est le chanteur populaire par excellence, d’où le titre éloquent de mon livre. C’est un artiste fédérateur, qui a su plaire à toutes les couches sociales et traduire en chansons l’âme d’un peuple. Quand on est populaire un jour, on l’est toujours. Cette image de lui restera. Inévitablement.

 

PdA : Quel message souhaiteriez-vous lui adresser, à l’occasion de cette interview ?

 

F.Q. : Pourquoi ne pas m’avoir répondu quand je vous ai informé de mon projet d’écrire ce livre ? Je suis sûr que nous aurions eu des tas de choses intéressantes à nous dire et que nous aurions passé un agréable moment. Dommage.

 

PdA : Quels sont vos projets pour la suite, cher Frédéric Quinonéro ?

 

F.Q. : Le 14 octobre prochain, je publie une énorme biographie de Johnny Hallyday aux éditions de l’Archipel. J’ai hâte !

 

PdA : Un dernier mot ?

 

F.Q. : Espérer.

 

PdA : Merci... Salut !

 

Frédéric Quinonéro

 

 

Que vous inspirent l'œuvre, le personnage de Michel Sardou ? Quelles sont, parmi ses chansons, celles que vous préférez ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Pour aller plus loin...

  

2 juin 2014

Isabelle Bournier : "Le combat n'est pas terminé..."

      Cette semaine, une bonne partie de la planète portera, au moins l'espace d'un instant, un regard sur la vieille terre de Normandie. Sur ses plages, cette région où, il y a tout juste soixante-dix ans, le sort de l'Europe, le salut du continent s'est joué. Le débarquement allié, porté par la plus formidable armada de tous les temps, allait signaler aux armées de l'ombre, aux populations asservies et au monde l'imminence de la dernière phase de la lutte pour la libération et, à terme, signer l'anéantissement du système nazi. Combien de Britanniques, de Canadiens, d'Australiens... Combien d'Américains... De combattants des "forces libres" de pays opprimés comme la France, la Belgique, la Pologne, etc., etc. ? Peu, très peu d'entre eux seront présents sur les plages de Normandie cette année. Ils furent et resteront, pour l'Histoire, les héros du 6 juin 44.

      Isabelle Bournier, directrice culturelle et pédagogique du Mémorial de Caen et auteure de nombreux ouvrages destinés à la jeunesse a accepté, à ma demande, d'évoquer pour Paroles d'Actu les commémorations de 2014 et, au-delà, sa conception de la notion de transmission. Je l'en remercie... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

ISABELLE BOURNIER

Directrice culturelle et pédagogique du Mémorial de Caen

 

« Le combat n'est pas terminé... »

 

Mémorial

(Source des photos : I. Bournier, Mémorial de Caen)

 

Q. : 31/05/14 ; R. : 02/06/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Isabelle Bournier. Vous êtes directrice du département culturel et pédagogique du Mémorial de Caen et participerez, à ce titre, aux commémorations du 70e anniversaire du débarquement allié en Normandie. Les cérémonies de cette année revêtiront-elles un caractère réellement particulier et, si oui, pourquoi ?

 

Isabelle Bournier : Cette année, les commémorations du 70e anniversaire du débarquement revêtiront pour le Mémorial de Caen un caractère particulier. Plus que jamais, ces journées réaffirmeront les valeurs qui ont été défendues par les Nations représentant le monde libre lors de la libération de l'Europe. Parmi elles, la défense de la démocratie et le respect des libertés. C'est à travers des rencontres, des expositions, un forum économique international (le Freedom and Solidarity Forum) et la tenue d'une session du Parlement européen des jeunes que le Mémorial de Caen entend se tourner vers l'avenir et réfléchir à sa construction à partir des valeurs portées par la Libération.

 

PdA : Quelles émotions, quelles réflexions vous inspire-t-elle, cette fameuse journée du 6 juin 1944 ?

 

I.B. : Le 6 juin est une journée toujours très forte émotionnellement. Même si on sait que la réussite du débarquement n'a finalement été confirmée que quelques jours plus tard, quand les têtes de pont alliées ont été suffisamment étendues, le 6 juin reste LA journée qui symbolise le début de la libération de l'Europe. La présence des vétérans, leur visite sur les plages, leur recueillement dans les différents cimetières et les rencontres qu'ils ne manqueront pas de faire avec les habitants de Normandie resteront inoubliables.

 

PdA : Vous avez écrit nombre d'ouvrages touchant à l'Histoire, destinés à la jeunesse. Parmi vos thèmes de prédilection : le D-Day, bien sûr, la Deuxième guerre et ses conséquences, la reconstruction d'un vivre-ensemble apaisé et plus serein sur le plan international. Vous voyez-vous comme une "passeuse de mémoire" ?

 

I.B. : Je préfèrerais me définir - et cela en toute modestie - comme une "passeuse d'histoire" plutôt que comme une "passeuse de mémoire". Pour bien appréhender la construction mémorielle, il faut connaître l'Histoire. Pas seulement le récit événementiel, mais aussi comprendre l'humain plongé au cœur de la guerre. Et l'humain, ce n'est pas que le civil pris au piège des combats, c'est aussi le combattant, à la fois acteur et victime de la guerre.

 

PdA : Quel est, au fond, le sens du message que vous souhaiteriez adresser aux jeunes d'aujourd'hui, aux citoyens de demain ?

 

I.B. : Pour écrire aussi des documentaires pour la jeunesse sur le thème des droits de l'Homme, je dirais que nous continuons aujourd'hui à être acteurs de l'Histoire. Si l'Histoire est derrière nous, elle nous est utile pour construire l'avenir. Nous aurions tort de croire que le combat est terminé en matière de défense des droits humains, de promotion de la démocratie et de protection des libertés.

 

PdA : Un dernier mot ?

 

I.B. : À travers mes prochains projets, je continuerai ce "travail d'histoire" à destination des plus jeunes, espérant leur apporter un éclairage qui leur donnera quelques clés pour comprendre le monde dans lequel ils vivent et prendre conscience que le monde de demain, c'est eux qui le construiront - si possible, en tenant compte des terribles erreurs du passé.

  

Façade Mémorial 

 

      Les questions en +

 

PdA : Y'a-t-il des chiffres, des faits, des visages que vous aimeriez que nos lecteurs gardent à l'esprit à propos du Débarquement ? (Q. : 02/06/14 ; R. : 14/06/14)

 

I.B. : Je pense que le chiffre de 156 000 qui correspond au nombre d'hommes débarqués le 6 juin est à retenir. Avec les 5 000 navires et les quelque 20 000 véhicules, il témoigne de l'immense effort militaire mis en place par les Alliés pour reprendre pied en Europe de l'Ouest. Il rappelle aussi l'énorme préparation des armées alliées qui, pendant presque 20 mois, ont recruté des hommes, entraîné ceux qui étaient désormais devenus des GIs ou des Tommies, et produit une quantité de matériel absolument exceptionnelle pour se lancer à l'assaut du IIIe Reich.

 

PdA : Quel est votre ressenti, quelques jours après le 6 juin ? Que retiendrez-vous des commémorations de ce 70e anniversaire ? (Q. : 09/06/14 ; R. : 14/06/14)

 

I.B. : J'ai personnellement beaucoup apprécié ce 6 juin 2014 et, au-delà de cette journée, l'ensemble des commémorations qui ont su, plus que d'habitude, rendre hommage aux vétérans tout en parvenant à donner une vraie place à la jeunesse. Lors de ce 70e anniversaire, les projets pédagogiques menés par les enseignants et leurs élèves ont été d'une grande qualité. Plus originaux, plus aboutis... On a bien senti que les rencontres entre les vétérans et les adolescents seraient, pour beaucoup, les dernières, et il flottait dans l'air une impression de profond respect et en même temps d'immense curiosité.

 

Isabelle Bournier

 

 

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Vous pouvez retrouver Isabelle Bournier...

 

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