Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Paroles d'Actu
9 février 2014

Pascal Légitimus : "Entre nous et le public, c'est affectif"

Un p'tit message à ton endroit, ami lecteur, avant d'aller plus loin. Si tu n'as pas aimé Les trois frères, pour toi, je n'peux rien. L'humour des Inconnus t'est étranger ? Je n'te traite pas d'Martien, mais j'te l'dis cash, tu peux passer ton chemin. Rien d'perso, mais cet article ne t'apport'ra rien. C'est en fan assumé de ce film depuis des années, en amateur inconditionnel de toutes ses répliques incontournables que j'ai la joie, la fierté de vous proposer ce document, une interview exclusive de Monsieur Pascal Légitimus.

 

Je l'avais contacté pour la première fois à l'occasion de notre date d'anniversaire commune, le 13 mars 2013. On savait déjà qu'il y aurait une suite, à l'époque, mais on n'en parlait pas - encore - beaucoup. Je lui avais demandé s'il accepterait de répondre à quelques unes de mes questions, pour Paroles d'Actu. « Ok », m'avait-il répondu, mais pas avant l'automne. Finalement, pas avant janvier. J'ai regardé le calendrier défiler. La grosse montée en puissance de la promo. Très heureux de les revoir, un peu dépité, aussi. « Ça ne se fera plus... ». « Dimanche, dernier carat. ». Hum... trois jours avant la sortie du film ? C'est gentil de me donner un peu d'espoir, mais je n'y crois plus trop... Enfin, on verra...

 

C'est tout vu. Ses réponses me sont parvenues aujourd'hui, vous pouvez imaginer ce qu'a été ma joie en les découvrant. Merci, cher Pascal Légitimus, d'avoir tenu votre promesse. Et pour vos réponses, généreuses, enthousiastes... « Entre nous et le public, c'est affectif. » Le public sera au rendez-vous, dès mercredi, pour Les trois frères, le retour... Je ne l'ai pas encore vu, mais je sais à quel point j'apprécierai, comme des millions de spectateurs, de vous retrouver, tous les trois... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

PASCAL LÉGITIMUS

 

« Entre nous et le public,

c'est affectif »

 

Pascal Légitimus

(Photos proposées par Pascal Légitimus.)

 

Q. : 04/01/13 ; R. : 09/02/14

  

Paroles d'Actu : Bonjour Pascal Légitimus. Ce mercredi, ce sera la sortie en salles des Trois frères, le retour. Retour, justement, sur le premier film, totalement culte... On vous en a certainement beaucoup parlé depuis sa sortie en 1995 et jusqu'à aujourd'hui. Quels ont été les interpellations, les témoignages qui vous ont le plus amusé, touché à propos des Trois frères ?

 

Pascal Légitimus : Je ne cesse d'être surpris par ce côté « culte », justement. Des dialogues entiers du film sont cités par cœur, et cela touche tout le monde : toutes les couches sociales, toutes les catégories socioprofessionnelles...

 

PdA : Est-ce que, comme nous, vous vous marrez toujours autant en le revisionnant ?

 

P.L. : En général, je regarde souvent mes « oeuvres » en compagnie d'autres personnes, cela me permet de découvrir le film avec un oeil neuf, comme un spectateur lambda. C'est toujours difficile de regarder son travail : on y trouve des erreurs, on regrette certaines choses, on aurait aimé mieux faire, etc... L'oeil du critique se met à analyser. C'est pour cela qu'entendre des gens rire de mes bêtises autour de moi me plonge dans une écoute différente.

 

PdA : Une scène qui, parmi tant d'autres, me fait mourir de rire à chaque fois : celle de ce dîner d'affaires entre gens très spirituels, bientôt perturbé par de talentueux « artistes-peintres »... Voulez-vous nous parler de cette séquence ? Peut-être nous offrir quelques anecdotes à son sujet ?

 

P.L. : C'est une belle situation, pour un acteur. Être dans l'embarras, au point de paniquer, parce que les événements ne se déroulent pas comme prévu, avec surtout l'impératif de ne rien montrer... c'est du velours. Il faut jouer la scène avec sincérité, sinon, cela devient « gugusse » et burlesque, et on y croit moins. Il y a eu, ce jour-là, de vrais fous rires entre Élie et moi. D'autre part, Bernard et Didier s'en donnaient a cœur joie pour trouver des mimiques de drogués parmi les plus éthérées qui soient. Bernard étant celui qui a vraiment fait l'expérience de la drogue, il était le spécialiste-conseil sur le tournage ! (Rires)

 

PdA : Les Trois frères dressait avec humour et une bonne dose de tendresse un tableau assez représentatif, dans une certaine mesure, de ce qu'ont été les années 90. Pas mal de galères, déjà. Le Monochrome de WhiteMan et le Koendelietzsche (merci Google !) ont été saisis depuis longtemps. Eux n'ont « pas changé », on veut bien vous croire, et on l'espère, d'ailleurs. En quoi la société dans laquelle évoluent Bernard, Didier et Pascal Latour a-t-elle changé depuis 20 ans ?

 

P.L. : On nous a souvent reproché, en leur temps, le « manque d'agressivité » ou de « causticité » de certains de nos sketchs ou films. C'est ce que disaient certains journaleux, en tout cas. Alors qu'aujourd'hui, quand on les revisionne, on nous taxe du contraire. On dit que la chanson des vampires (Rap tout, ndlr) est - malheureusement - encore d'actualité. En fait, nous avons toujours été des témoins de notre temps, des chroniqueurs, des imitateurs sociaux qui retracent, à l'aide de petites saynètes, l'humeur, la vibration du présent. D'où l'aspect indémodable de nos sketchs, qui ont été vus par des millions d'internautes. La transmission s'est faite par les parents, et par internet.

 

Les Inconnus 2

 

PdA : Que pouvez-vous - et voulez-vous ! - nous révéler, à ce stade, quant à l'intrigue de cette suite et au film en lui-même ?

 

P.L. : Le pitch : « La société a changé, pas eux ». Les trois frères Latour sont toujours aussi mythos, minables, menteurs, mal dans leur peau, en carence affective... et la crise n'arrange pas les choses !

 

PdA : Le film vous plaît, c'est ce que vous avez déclaré lors d'une interview accordée au Figaro. Avez-vous la conviction qu'il sera à la hauteur de ce qu'en espère votre public ?

 

P.L. : Depuis quelques semaines, nous faisons la tournée des villes de province pour présenter le film, et je dois dire que l'accueil est au-delà de nos espérances. Non seulement les exploitants ouvrent plusieurs salles - jusqu'à sept, parfois - dans la même ville, ce qui est rare, mais, à la sortie, le bouche à oreille est exceptionnel. Cela nous rassure quant au démarrage...

 

PdA : Les Inconnus, c'est l'histoire d'une collaboration artistique géniale. C'est aussi celle d'une amitié authentique, de trente ans, je crois. Quelques mots sur vos compères, Bernard Campan et Didier Bourdon ?

 

P.L. : Ce sont avant tout des amis, avec lesquels j'ai débuté ma carrière. Nous avons à la fois des points communs et des différences, c'est ce qui fait la richesse créative du groupe, que je considère comme une famille artistique. Bernard, c'est le plus rationnel, réflexif et concret de l'équipe. Didier a le sens de la mise en scène, il aime mener, contrôler, il a de l'énergie à revendre. Et moi, je navigue entre les deux. Je suis l'aîné, non pas en âge, mais en responsabilité. Quand on voyage, par exemple, c'est moi qui ai les billets de train. J'ai aussi une imagination débordante, et le sens du risque.

 

Affiche Les trois frères le retour

 

PdA : Quels sont vos projets, vos rêves pour la suite ?

 

P.L. : Aucun. Nous sommes monotâches. Le film est une priorité. Cela faisait onze ans que nous n'avions pas tourné ensemble, on n'est pas pressés. On goûte le plaisir de l'instant présent...

 

PdA : La réunion de votre bande s'est vue accélérée par les innombrables signes d'attachement, d'affection et de désir qui vous ont été témoignés par toutes celles et tous ceux qui vous aiment depuis tant d'années. Je pense au triomphe qui vous avait été réservé lors d'une représentation fameuse de la pièce Plus si affinités et, depuis, aux très beaux chiffres qui ont accompagné chacune de vos apparitions : vos vidéos, celle avec Norman, votre émission sur France 2... Quel message souhaiteriez-vous adresser à votre public en ce début d'année ?

 

P.L. : Nous avons reçu beaucoup de témoignages d'amour de la part du public, des spectateurs, des téléspectateurs, des fans, des aficionados, des fidèles... Ce film est une réponse à tout cela. Entre eux et nous, c'est affectif. Pas de divorce, on est liés pour le meilleur et le meilleur, c'est pour cela que nous prenons notre temps pour bien faire les choses, par respect, vis-à-vis de nous, et vis-à-vis d'eux. On ne veut pas être obligatoirement reconnus. Mais appréciés, en tout cas.

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter pour 2014, cher Pascal Légitimus ?

 

P.L. : Que ça dure... Que ce film soit un franc succès. Et que les prochains projets, seul ou à trois, soient aussi qualitatifs...

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci infiniment...

 

P.L. : À bientôt peut-être...

 

PdA : Merci infiniment...

 

Les Inconnus 1

 

Et toi, cher lecteur, quel message aimerais-tu adresser à Pascal Légitimus, aux Inconnus ? Les commentaires sont là pour ça ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Vous pouvez retrouver Les Inconnus...

  

Publicité
Publicité
4 février 2014

Jean-Claude Dreyfus : "Il y a beaucoup de respect mutuel avec Francis Huster"

Lors de notre premier entretien, qui s'était tenu au mois de février de l'année dernière, nous avions évoqué pas mal de sujets, avec Jean-Claude Dreyfus : son actualité du moment, quelques éléments de sa bio, etc. J'ai voulu remettre cela, il y a quelques jours, à l'occasion du démarrage d'une nouvelle pièce dont il partage la vedette avec Francis Huster : La Trahison d'Einstein, écrite par Éric-Emmanuel Schmitt et réalisée par Steve Suissa. Il m'a immédiatement donné son accord, avec la gentillesse que je connais à ce grand homme de scène et de cœur. Je lui ai fait parvenir mes questions quelques jours avant la première. En dépit du rythme effrené avec lequel les représentations s'enchaînent depuis le 30 janvier au Théâtre Rive Gauche, malgré les plannings tendus liés à la préparation, aux répétitions du spectacle, il a pris un peu de son temps pour me répondre. Je l'en remercie et lui transmets mon amitieuse gratitude. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

JEAN-CLAUDE DREYFUS

 

« Il y a beaucoup de respect mutuel

avec Francis Huster »

 

Dreyfus 1

(Photos n.b. : Olivier Denis. Affiche : production.)

 

Q. : 14/01/13 ; R. : 04/02/14

  

Paroles d'Actu : Bonjour Jean-Claude Dreyfus. Lors de notre première interview, datée de février 2013, nous nous étions livrés, pour mon plus grand plaisir - partagé, j'espère ! -, à une longue évocation de votre vie et de votre parcours, à l'occasion de la sortie du premier tome de votre autobiographie, Ma bio dégradable : J'acte I. Votre actu du moment, c'était également Dreyfus-Devos, d'Hommages sans interdit(s)votre spectacle que les spectateurs et la critique ont largement salué... Quel bilan tirez-vous de cette belle expérience de scène et de cœur ?

 

Jean-Claude Dreyfus : Ç'a été un bonheur de jouer des textes de Devos... Savoureux. Et le public a suivi !

 

PdA : Vous serez bientôt à l'affiche de La Trahison d'Einstein, aux côtés de Francis Huster et de Dan Herzberg. La pièce a été écrite par Éric-Emmanuel Schmitt, sa mise mise en scène est de Steve Suissa. Quelle a été l'histoire de ce projet dont le public découvrira bientôt la concrétisation ?

 

J.-C.D. : Une belle aventure, là aussi... Après avoir joué deux spectacles seul, revenir au dialogue, à l'écoute de l'autre, en l'occurrence Francis Huster, c'est super !

 

PdA : « Sur les rives d'un lac du New Jersey, deux excentriques se rencontrent et sympathisent. L'un est Albert Einstein, le physicien de génie ; l'autre est un vagabond en rupture avec la société... » L'action se déroule sur une quinzaine d'années avec, en toile de fond : le développement du projet Manhattan, les interrogations torturées du père "malgré lui" de la bombe, les soupçons nés de ces états d'âme, aux premières heures de la Guerre froide...

 

J.-C.D. : Dix-neuf ans, exactement. Il serait venu converser avec ce vagabond, miroir de lui-même...

 

PdA : Qu'est-ce qui, sur le papier puis, par la suite, vous a séduit dans cette aventure ? Chez votre personnage ?

 

J.-C.D. : Avant tout, l'écriture d'Éric-Emmanuel Schmitt. C'est le plus important, d'autant qu'il a pas mal réécrit après la première lecture, en pensant plus à nous, et à nos personnages.

 

PdA : Parlez-nous de la pièce, de sa mise en scène ? De votre équipe ? Que souhaiteriez-vous dire à nos lecteurs pour tenter de leur donner envie de venir la découvrir au Théâtre Rive Gauche, ce à partir du 30 janvier ?

 

J.-C.D. : Je suis tombé au sein d'une équipe déjà soudée et qui, grâce a Steve Suissa, le papa de l'entreprise avec Éric-Emmanuel Schmitt, avait l'habitude de travailler ensemble. L'harmonie est totale, tant sur le plan des décors - signés Stéfanie Jarre - que sur les vidéos et la musique. Sans oublier, bien sûr, mon partenaire, Francis Huster, qui collabore depuis plusieurs années avec Steve... Je me suis facilement fondu dans leurs moules, le rapport avec Francis étant par ailleurs très simple et clair, plein de respect mutuel et d'amour du théâtre...

 

PdA : Dans quel état d'esprit vous trouvez-vous, à quelques jours de la première représentation de La Trahison d'Einstein ? Comment appréhendez-vous ces instants, le trac, d'une manière générale ?

 

J.-C.D. : Il y a le trac, l'angoisse de perdre un texte encore trop frais. La peur de commencer... et surtout d'aller au bout... et de finir !

 

Einstein

 

PdA : On ne compte plus les pièces, les films et téléfilms auxquels vous avez participé... Est-ce qu'il y a, à ce jour, des rôles ou des types de personnages que vous aimeriez, a priori, comme ça, interpréter ?

 

J.-C.D. : Oui... J'aime aller à la découverte de personnages complexes. Les décortiquer, pour les rendre simples. Et rendre toute leur panoplie, sans en avoir l'air...

 

PdA : La mise en scène, la réalisation, c'est quelque chose qui pourrait vous attirer pour la suite, ou pas du tout ?

 

J.-C.D. : J'ai déjà fait quelques mises en scène. Ça me plaît bien de travailler avec des comédiens pour tirer des émotions rares que, peut-être, je n'arriverais pas à donner moi-même ?

 

PdA : Je compléterai votre actu de ce début d'année en rappelant que vous serez bientôt à l'affiche du court métrage Sauliac, signé Édouard Giraudo, avec Sheila O'Connor. Et que l'on peut d'ores et déjà retrouver chez tous les bons libraires votre belle voix lisant César Birotteau de Balzac. Quels sont, à côté de tout cela, vos projets, vos rêves ?

 

J.-C.D. : Ce serait, après La Trahison d'Einstein, de reprendre mon spectacle sur Devos et mon tour de chant, En toute sobriété, à Paris et en tournée. 

 

PdA : Janvier, c'est le temps d'une jolie tradition, celle des échanges de voeux... Que peut-on vous souhaiter pour 2014, cher Jean-Claude Dreyfus ?

 

J.-C.D. : De continuer sur cette longue route déjà parcourue. De la poursuivre en pleine santé, surtout...

 

PdA : Un message pour nos lecteurs ?

 

J.-C.D. : Non à la morosité. Même si le temps paraît morose, derrière, toujours, un nuage rose en prose se posera...

 

PdA : Pour quelqu'un en particulier ?

 

J.-C.D. : Pour Albert et Francis : c'est une joie de vous retrouver chaque soir !

 

PdA : Quelque chose à ajouter ?

 

J.-C.D. : Amitieusement. À tous.

 

PdA : Merci infiniment !

 

Dreyfus 2

 

Si vous avez vu la pièce, qu'en avez-vous pensé ? (Sinon, allez-y ! Allez au théâtre, d'une manière générale !) Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Vous pouvez retrouver Jean-Claude Dreyfus...

  

23 mai 2014

Hélène Conway-Mouret : "J'ai toujours été en phase avec le président"

      Hélène Conway-Mouret vient de retrouver son siège au Sénat. Il y a deux mois, elle faisait encore partie du gouvernement, celui de Jean-Marc Ayrault. Rattachée au Quai d'Orsay, à Laurent Fabius, elle était jusqu'alors en charge des questions touchant aux Français établis à l'étranger. Pas exactement un rôle de composition pour cette femme politique au profil atypique : l'ouverture aux autres cultures, c'est, pour elle, une histoire de cœur autant que de convictions. L'amour qu'elle porte à l'Irlande, à l'idée européenne est ancien.

      Elle n'a pas - c'est le moins qu'on puisse dire - été, parmi les ministres, la plus médiatisée. Son parcours, ses idées, son message mériteraient pourtant d'être entendus. Elle a accepté, quelques jours après la libération des journalistes français retenus en Syrie, de répondre à mes questions pour Paroles d'Actu. Et de revenir, un peu plus tard, sur des propos polémiques qui lui ont été prêtés par le Nouvel Obs' au sujet de François Hollande. Je l'en remercie... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

HÉLÈNE CONWAY-MOURET

Sénatrice représentant les Français établis hors de France (2011-12, puis depuis le 3 mai 2014)

Ex-ministre déléguée chargée des Français de l'étranger (21 juin 2012 - 31 mars 2014)

 

« J'ai toujours été en phase

avec le président »

 

Hélène Conway-Mouret

(Source des photos : H. Conway-Mouret)

 

Q. : 21/04/14 ; R. : 21/05/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Hélène Conway-Mouret. Enfin... Ils sont enfin libres. Édouard Élias, Didier François, Nicolas Hénin et Pierre Torres sont rentrés sains et saufs de l'enfer de leur détention par des membres du groupe islamiste radical E.I.I.L., en Syrie. (Quelques heures après la rédaction et l'envoi de ces questions, nous apprenions, malheureusement, la disparition de Gilberto Rodrigues Leal, otage français retenu au Mali, ndlr). Entre juin 2012 et la fin mars 2014, vous avez été ministre déléguée, chargée des Français de l'étranger et, notamment, des questions relatives à leur sécurité. Plusieurs crises liées à des prises d'otages, à des menaces sur nos compatriotes de installés à l'étranger ont émaillé cette période, période au cours de laquelle nos troupes sont intervenues au Mali, en Centrafrique... Comment avez-vous vécu ces deux années, sous le prisme de ces questions en particulier ?

 

Hélène Conway-Mouret : Je suis restée constamment mobilisée sur ces questions avec mon équipe, notamment en apportant notre soutien aux proches des otages français.

 

La sécurité des communautés françaises à l’étranger est une question sensible à laquelle j’ai essayé d’apporter des réponses concrètes. Je me suis attachée, pendant ces deux années à la tête du ministère des Français de l’étranger, à la fois, à moderniser et professionnaliser nos équipes en nous inscrivant autant dans la prévention que dans la réaction aux menaces. Nous avons obtenu des crédits supplémentaires pour permettre au Centre de crise du ministère des Affaires étrangères d’engager des missions ponctuelles de soutien - mission de renfort, équipement. Vingt millions d’euros ont aussi été alloués pour la sécurisation de nos installations à l’étranger.

 

Avec le Centre de crise, nous avons également modernisé nos fiches Conseils aux voyageurs et le portail Ariane, qui permet aux Français de signaler leurs déplacements à l’étranger. Nous avons établi des fiches réflexes pour les postes en matière de sécurité, accessibles par tous les agents consulaires. Nous avons également organisé avec le Centre de crise une simulation de gestion de crise en Indonésie pour mettre nos équipes en situation.

 

J’ai rassemblé au ministère les directeurs de la sécurité de nos grands groupes à l’étranger, dans le cadre des Rencontres sur la sécurité des entreprises françaises à l’étranger, ainsi que les différentes agences de l’État qui envoient en missions leurs agents. Nous avons offert de traiter de façon conjointe la sécurité et de les faire bénéficier de l’expertise du ministère.

 

J’ai aussi instauré, dans le cadre de la Conférence des Ambassadeurs, une première réunion sur le thème de la sécurité, en août 2012, pour mutualiser l’ensemble de l’expertise des diplomates sur ce thème, thème qui maintenant a trouvé sa place dans ce rassemblement annuel de tous les chefs de postes.

 

PdA : Vous vous êtes exprimée à plusieurs reprises - je pense au site web lepetitjournal.com notamment - sur votre action en faveur des Français de l'étranger et de leur représentation, je n'y reviendrai pas outre mesure. J'aimerais vous inviter, plus généralement, à nous livrer vos sentiments quant à l'état de la francophonie aujourd'hui ?

 

H.C.-M. : La francophonie est bien vivante ! Je l’ai rencontrée partout dans des communautés françaises qui sont de plus en plus importantes à l’étranger, puisque la mobilité est aujourd’hui l’affaire de tous. Dans tous les pays que j’ai visités, j’ai ressenti un capital de sympathie très fort pour la France. La francophonie, ce n’est pas seulement une langue partagée, c’est un ensemble de valeurs basé sur les droits de l’Homme, la défense de l’État de droit.

 

PdA : Avez-vous été confrontée, ici ou là, à des initiatives tendant à la promouvoir et jugées, de votre point de vue, particulièrement intéressantes ?

 

H.C.-M. : Les initiatives sont multiples : elles passent par l’organisation d’événements culturels, généralement organisés par les services culturels des ambassades, avec notamment la Semaine du cinéma français, qui fonctionne très bien partout, et par des initiatives individuelles, que j’ai d’ailleurs mises en valeur par le biais du Tumblr Femmes françaises du monde (voir : le lien du Tumblr, ndlr).

 

PdA : De la même manière, quelles leçons avez-vous tirées, de par votre expérience, y compris en tant que conseillère du commerce extérieur, s'agissant des leviers sur lesquels jouer pour aider nos entrepreneurs à exporter et à se développer à l'étranger, d'une part, et d'autre part à inciter les investisseurs extérieurs à s'implanter sur le territoire national ?

 

H.C.-M. : À tous les niveaux, là aussi, les initiatives sont prises.

  

Au niveau national, le président de la République a lancé le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Le concours mondial Innovation 2030, visant à faire émerger les talents et à les accompagner dans leur croissance, en France. Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi favorise aussi l’investissement.

 

Et puis, localement, à l’étranger, dans le cadre de la diplomatie économique, nous avons mis en place les conseils économiques autour du chef de poste qui ont maintenant des lettres de missions avec des objectifs économiques spécifiques. J’ai travaillé à l’établissement de réseaux, notamment d’anciens élèves de nos lycées français, avec le FOMA (Forum mondial des anciens des lycées français du monde, ndlr), et d’anciens étudiants des universités ou grandes écoles françaises, qui sont de véritables leviers d’influence, et donc des relais incontournables.

 

Enfin, notre politique, aujourd’hui, est axée sur l’accompagnement des PME à l’international. Elle se traduit concrètement par une présence administrative modernisée et de proximité, soutenue, d’une part, par le réseau scolaire et culturel qui est le pilier de notre diplomatie d’influence et, d’autre part, par les acteurs du monde économique, tels que les chambres de commerce franco-…, les conseillers du commerce extérieur, les missions économiques.

 

PdA : Quelle interprétation faites-vous de la forte démobilisation des électeurs de gauche lors des élections municipales, de ces sondages qui indiquent, l'un après l'autre, à quel point la défiance de certains des électeurs de François Hollande envers leur candidat d'alors est devenue forte, implacable ? Est-ce une situation qui vous inquiète ?

 

H.C.-M. : Ce qui m’inquiète le plus, c’est la montée du populisme et du nationalisme, et je vois dans la démobilisation des électeurs de gauche, qui se traduit notamment par une forte abstention, l’expression d’une déception par rapport à ce qu’ils attendaient avec l’arrivée de la gauche au pouvoir. Les Français sont réalistes et comprennent parfaitement les économies qui doivent être faites, mais ils attendent qu’elles soient réalisées dans l’équité et la justice sociale. C'est ce que fait le gouvernement, avec une marge de manœuvre réduite par l'ampleur de la dette et du déficit.

 

Il est nécessaire de réinstaurer la confiance entre les élus et la population. Cela passe, à mon sens, par la mise en œuvre de réformes structurelles dont l’application impacte directement la vie quotidienne des citoyens.

 

PdA : Vous comptez, Hélène Conway-Mouret, parmi les partisans les plus enthousiastes de la construction européenne. Il ne fait guère de doute qu'en ces temps de crises économiques, sociales et, parfois, identitaires, les eurosceptiques gagneront des points lors des élections du mois de mai, sur l'ensemble du continent. Il y aura également, c'est fort probable, une abstention record en France, comme à chaque fois - et de plus en plus - lors des scrutins communautaires, alors même que l'Union pèse d'un poids toujours plus important dans nos législations et notre vie de tous les jours. Franchement, les politiques nationaux, les gouvernements qui se sont succédé aux affaires depuis des années ne partagent-ils pas, en la matière, une lourde responsabilité, en ceci qu'ils n'ont que rarement fait preuve de pédagogie, préférant parfois s'en tenir à des postures à la limite de la démagogie ?

 

H.C.-M. : En effet, les gouvernements qui se sont succédé ont souvent blâmé l’Europe pour la mise en place de politiques impopulaires, mais cependant nécessaires. Les acquis tels la paix, qui n’a pas de prix, et la prospérité, la mobilité aujourd’hui possible grâce à Schengen, la monnaie unique, toutes les avancées en matière environnementale, sont des acquis qui sont aujourd’hui oubliés.

 

Il est utile de rappeler tous les acquis positifs et de se projeter dans l’Europe de demain et le rôle qu’elle peut jouer dans le monde. L’Europe a besoin à nouveau de grands projets qui entraînent avec eux à la fois l’enthousiasme et l’implication des citoyens.

 

PdA : Comment voyez-vous l'Europe à l'horizon d'une génération ?

 

H.C.-M. : Il s’agit d’une génération qui aura parfaitement intégré cette liberté de choisir où vivre, où travailler, où fonder sa famille. Une Europe où l'humain sera revenu au centre des préoccupations et qui continuera de vivre en paix.

 

La question en +...

 

PdA : Le Nouvel Obs' vous a récemment prêté des propos franchement amers envers le président Hollande, sa supposée froideur et son manque de reconnaissance. Le 15 mai, vous avez fustigé le déficit de « rigueur » de l'hebdomadaire, affirmé que vous ne vous reconnaissiez pas dans les termes de l'article et que alliez « demander un droit de réponse ». Comment expliquez-vous ce décalage ? Quels sont votre perception, vos sentiments s'agissant de François Hollande aujourd'hui ? (22/05/14)

 

H.C.-M. : Je peux comprendre qu'un journaliste choisisse les propos qui illustrent ce qu'il veut démontrer et oublie ce qui présente l'opposé. Cependant, me prêter des mots pour exprimer un sentiment général est incorrect. J'ai d'ailleurs écrit au directeur de la rédaction de l'hebdomadaire. Pendant vingt-deux mois, j'ai mis toute mon énergie à la mise en place de réformes structurelles nécessaires dans l'esprit de la feuille de route donnée par le président, avec lequel j'ai toujours été en phase.

 

Mon engagement a toujours été total auprès du candidat, que j'ai accompagné dans tous ses meetings de campagne, et comme après en tant que Président dont les objectifs sont clairs et dans lesquels j'ai inscrit mon action. Notre relation a toujours été une relation de travail, qui ne me qualifie pas pour entrer dans l'intimité de sa personnalité, et encore moins pour la commenter. (23/05/14)

 

 

Une réaction, un commentaire ?

 

 

Vous pouvez retrouver Hélène Conway-Mouret...

 

16 avril 2021

Jean-Eric Perrin : « Angèle est, dans sa musique, une photographie exacte de la génération qu'elle représente »

Aux origines de cet article, il y eut un coup de coeur. Tardif, mais un gros coup de coeur. Je crois qu’il est venu de la découverte par un ami que je salue ici, de Ta reine, puis de ce clip :

 

C’est faux peut-être mais au plus je ris
Au plus j’te donne tort
De pas vouloir m’aimer

 

Bref, j’ai découvert Angèle. Talent d’interprétation (timbre et intonations très caractéristiques), à l’écriture (légère mais profonde) et à la compo (des années de piano derrière elle), charme énorme (pourquoi le nier) et une bonne dose d’humour (la touche belge ?). Autant le dire, il y aura peut-être un léger manque d’objectivité dans cet article, et un nombre de vidéos un peu élevé mais tant pis, j’assume (je voulais inclure chacune d’elles, et j’ai eu la flemme de choisir, et encore j’ai dû sacrifier La Thune et Je veux tes yeux).

Jean-Éric Perrin, écrivain et journaliste qui a écrit énormément de choses sur la musique (mais pas que) vient de signer une bio de Miss Van Laeken, aux éditions L’Archipel. Un ouvrage intéressant qui raconte le parcours de vie de la chanteuse, décortique son premier album Brol et explore les thèmes qui lui sont chers, et tous les à-côtés (l’image, le côté business) qu’elle partage avec les artistes de sa génération, amplement ancrés dans les réseaux et l’auto-production.

Merci à l’auteur d’avoir accepté de répondre à mes questions. Et à l’éditeur, une fois de plus. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Jean-Éric Perrin: « Angèle est,

dans sa langue et ses thèmes, une photographie

exacte de la génération quelle représente. »

Angèle

Angèle, Pop féminisme (LArchipel, avril 2021).

Entretien daté du 15 avril.

 

Jean-Éric Perrin bonjour. Comment avez-vous découvert Angèle, et pourquoi avoir choisi de lui consacrer un livre ?

Je l’ai découverte comme tout le monde, à travers ses premières chansons et ses clips malins. Son succès phénoménal et le fait qu’elle soit devenue « phénomène de société » justifiait de lui consacrer un livre, même si sa carrière est « jeune ».

 

 

En plus d’être jolie, drôle dans ses clips et douée dans ses interprétations, Angèle est loin d’être sotte et, on l’oublie souvent, elle est auteure de ses textes, et compositrice, avec pas mal d’années de piano derrière elle. Étudier Angèle, c’est aussi une histoire de « codes à casser » ?

Si ces « codes » subsistent encore, il serait temps de la pulvériser une fois pour toutes. Nous avons une génération brillante de jeunes artistes qui sont auteures, compositrices, interprètes, parfois productrices (comme Angèle) : avec Clara Luciani, Suzane, Pomme, et quantité d’autres. La pop est féminine en 2021.

 

Il est pas mal question d’autres artistes belges dans votre ouvrage, et notamment l’exemple brillant de Stromae. Est-ce qu’il y a une touche belge particulière, et comment la définir par rapport à la France ?

Peut-être en raison de leur proximité avec l’Angleterre, mais les Belges ont toujours été à la pointe du rock et de la pop. En tout cas depuis les années 80. Le pays est petit, mais riche, la preuve, avec Stromae et Angèle, nous avons les deux plus gros vendeurs francophones depuis des années.

 

 

Le sous-titre de votre livre, « Pop féminisme », fait écho aux messages portés par Angèle, féministe donc - et féminine -, notamment bien sûr dans Balance ton quoi. À l’heure des suites de #MeToo, elle compte parmi les figures médiatiques (Adèle Haenel côté ciné, Clara Luciani pour le rock, Pomme pour la folk) qui incarnent ces combats. Qu’est-ce que tout cela vous inspire ? Cette génération-là va-t-elle pouvoir les faire bouger, les lignes ?

Les mouvements #MeToo, #TimesUp et autres ont eu un impact considérable, et fédéré à travers le monde un mouvement salvateur, légitime, et attendu depuis si longtemps... Angèle se défend d’en être une porte-drapeau, mais le message de ses chansons est de toute évidence important parce qu’elle le porte vers un public dont une bonne partie est très jeune, et donc en pleine élaboration de ses futurs choix et attitudes envers ces sujets. Elle ne fera pas bouger le lignes de façon frontale, mais le fera certainement de façon durable, la génération qui a grandi avec Balance ton quoi ou Ta Reine va forcément assimiler cette façon de voir et de se comporter, que l’on soit une fille, un garçon, ou tout autre définition.

 

 

Vous le rappelez bien dans votre livre, Angèle, c’est un role model, la grande sœur idéale pour les jeunes filles, les préados et les adolescentes. Ses thèmes sont plus larges, comme son public : histoires de cœur, d’acceptation de la différence, railleries sur la prééminence des réseaux sociaux, du poids de l’image dans nos sociétés... En quoi est-ce qu’elle vous « parle » à vous Jean-Éric Perrin ?

Il est vrai que ça peut paraître étrange de la part d’un sexagénaire de trouver un écho personnel dans les mots d’une chanteuse de 24 ans, mais d’abord je suis un sexagénaire qui n’a jamais dépassé les 17 ans. Ensuite en tant qu’analyste de la société à travers la musique populaire, je trouve dans sa langue et dans ses thèmes une photographie exacte de la génération qu’elle représente, et à ce titre je trouve son travail passionnant. Et puis j’adore ses chansons.

 

Vous pratiquez et côtoyez des artistes depuis pas mal d’années. Est-ce qu’à votre avis, ceux d’aujourd’hui, et notamment Angèle, très protégée dans un cocon et control freak assumée, calculent trop leur image, et verrouillent trop leur communication ?

Nous sommes à une époque où les artistes-marionnettes, ça a assez duré. Il y a eu des chefs d’oeuvre, certes, mais en 2021, pour exister, et pour durer, les artistes sont obligés d’en passer par ce contrôle total.

 

On connaît tous la pression
Tu t’sens comme la reine du monde
Mais c’est qu’une impression
Les gens t’aiment pas pour de vrai
Tout le monde te trouve génial alors que t’as rien fait
Tout est devenu flou
Un peu trop fou, pour moi
Tout est devenu flou
Et j’en ai peur, la suite on verra

 

Dans ses interviews, que vous reproduisez à bon escient, Angèle fait montre d’une humilité qui trahit, parfois, un manque de confiance en elle, et peut-être une vraie maturité. Elle est consciente de l’anormalité de ce qui lui arrive, d’une forme d’illégitimité par rapport à d’autres artistes qui n’auront jamais des publics larges comme les siens après une vie complète de scène. Est-ce qu’il y a chez elle, et peut-être chez les artistes de sa génération (lien avec la question précédente), un excès de sérieux, un manque de candeur ?

Angèle a vécu en deux ans ce que la plupart des artistes ne vivront jamais dans toute leur carrière. Ca peut perturber, interroger, susciter des questions, des doutes. Je pense qu’avec le temps, cette question d’illégitimité s’amenuisera. Le deuxième album sera crucial dans cette démarche.

 

 

Justement, pour avoir étudié et vu grandir pas mal de groupes et artistes, c’est quoi les écueils à éviter et les exigences à avoir pour un deuxième album réussi quand on est à ce point attendue au tournant ?

Il n’y a pas de règle. Après un tel succès, il est évident qu’un deuxième album se vend toujours moins. L’important est de garder une ligne en proposant de nouvelles choses, pas de reprendre les recettes du premier. Si l’album garde une vraie valeur artistique, les critiques seront bonnes, et la fan base rassurée.

 

Vous évoquez dans votre ouvrage le risque de voir disparaître, à terme, les maisons de disque traditionnelles, pointant la grande professionnalisation des jeunes artistes, et ces réseaux dont ils savent très bien se servir pour se lancer, s’auto-produire, communiquer et se vendre. Qu’est-ce que ça donnerait, demain, un monde sans majors ?

Cette disparition progressive des majors me semble inéluctable. Même si elle n’est pas pour demain. Mais une future réorganisation du système des maisons de disques va forcément se produire. Les gros artistes internationaux ont un pouvoir de les court-circuiter, ce qu’ont fait Drake ou Taylor Swift. L’indépendance d’Angèle, à cet égard, est un exemple à suivre.

 

 

Angèle, en trois adjectifs ?

Créative, maligne, puissante.

 

Si vous pouviez lui adresser un message, là ?

J’espère juste qu’elle aimera le livre que je lui consacre.

 

Quels sont vos gros coups de cœur musicaux du moment à partager avec nous, parmi les artistes déjà connus mais surtout, ceux qui ne le sont pas encore ?

Pas de grosses découvertes récentes, mais plutôt des confirmations. En rock, j’écoute en boucle les nouveaux albums de Western Machine et de Mustang. En pop, L’Impératrice et La Femme confirment leur talent. Comme la pop, le rap du moment est féminin, avec Lala & Ce et, encore une Belge, Lous & The Yakusas qui est géniale.

 

Vos projets, vos envies pour la suite ?

Je ne les dévoile jamais à l’avance, mais j’ai un autre livre terminé, pour septembre, et des projets en route.

 

Un dernier mot ?

Le « Pop féminisme » est en marche, et c’est la meilleure nouvelle d’une période par ailleurs épuisante.

 

Jean-Eric Perrin

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

 

Et une dernière pour la route.

Le spleen n'est plus à la mode, c'est pas compliqué d'être heureux...

29 décembre 2021

Eric Teyssier : « L'odyssée des chars de De Gaulle dans la jungle, une histoire incroyable ! »

Qui connaît encore, dans son détail et dans ses subtilités, l’histoire des combattants français durant la Seconde Guerre mondiale, tant pendant qu’après la première campagne de France du printemps 1940 ? Plus grand monde, en tout cas parmi le grand public. C’est en partant de ce constat que l’historien et romancier Éric Teyssier s’est attelé depuis deux ans à l’écriture d’une grande saga historique : après le tome 1 de L’An 40, ici chroniqué en juillet 2020, la deuxième partie du récit, sous-titrée "De Mers-el-Kébir à Damas" (et c’est tout un programme croyez-moi) vient de paraître chez Michalon. Le roman, très documenté, n’est pas complaisant avec grand monde : c’est la complexité de l’histoire qui y est une fois de plus démontrée. Puisse sa lecture, aussi agréable qu’instructive, inciter chacun à approfondir curiosité et esprit critique. Douces fêtes de fin d’année pour toutes et tous ! Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Éric Teyssier: « L’odyssée

des chars de De Gaulle dans la jungle,

une histoire incroyable ! »

L'An 40 tome 2

L’An 40, de Mers-el-Kébir à Damas, par Éric Teyssier (Michalon, novembre 2021)

 

Éric Teyssier bonjour. Il y a un peu moins d’un an et demi, nous échangions pour un article autour du premier tome de ta saga L’An 40, dont le deuxième volet, De Mers-el-Kébir à Damas, vient de paraître chez Michalon. Ce nouvel opus a-t-il été plus ou moins compliqué à composer que le précédent (documentation, aisance dans l’écriture, "sensibilité du matériel"...) ?

écrire un tome 2

Bonjour Nicolas. L’écriture est venue très vite après la publication du tome 1. La difficulté est venue ensuite d’une écriture en deux temps car j’ai dû m’interrompre. À cause du premier confinement d’abord, puis par les incertitudes de la situation de l’édition après celui-ci. J’ai donc dû intercaler l’écriture d’un autre roman sur l’époque romaine (La Prophétie des aigles, Alcide) avant de reprendre et d’achever le tome 2 de L’An 40. Au final, cette interruption a été plutôt bénéfique. L’écriture de La Prophétie... (ouvrage chroniqué ici en août, ndlr) m’a apporté encore plus d’aisance et j’ai pu maturer un peu plus cette histoire.

C’est toujours complique de faire un tome 2. Il ne faut pas décevoir. Pour la documentation, je n’en manquais pas. Il y a pas mal de choses sur la bataille de Dakar et sur la campagne de Syrie. Pour les témoignages, je me suis notamment plongé dans les souvenirs et les mémoires des premiers Français Libres, comme ceux très vivants de la 1ère compagnie de chars de combat que rejoint René Vermotte.


L’intrigue démarre dans le fracas, le sang et la colère, avec le drame de Mers-el-Kébir, évènement considérable que le grand public a me semble-t-il, largement oublié...

épisodes oubliés

Oui, c’est le but de cette série, faire connaître des épisodes oubliés de notre propre histoire. Mers-el-Kébir ou Montoire, évoquent vaguement quelque chose de douloureux mais le détail nous échappe. Plus encore, la bataille de Dakar, le ralliement de l’Afrique équatoriale, le retour des cendres de l’Aiglon ou la terrible campagne de Syrie sont totalement sortis de la mémoire collective et avec ces événements, c’est toute une année dramatique où Hitler semble avoir gagné la guerre qui est tombée dans l’oubli.... Comme si la guerre avait commencé avec Pearl Harbor à la fin de 1941...

 

 

Mers-el-Kébir a contribué à affermir la position de Churchill, parce que tout le monde a compris à ce moment-là qu’il était d’une détermination sans faille. Peut-on dire aussi que cet acte a entretenu pour longtemps une forme de haine anti-Anglais ancestrale, notamment mais pas seulement, chez Darlan et dans la marine ?

après Mers-el-Kébir, l’anglophobie

Oui, de ce point de vue, comme le disait Boulay de la Meurthe (et non pas Talleyrand) on pourrait dire que Churchill a commis plus qu’un crime, une faute. En effet, les ralliements à de Gaulle auraient été bien plus nombreux sans Mers-el-Kébir. De plus, la position de Vichy et singulièrement de Laval se trouvent renforcées par cette attaque inattendue. Elle conforte ceux qui pensent que la France ne doit rien attendre de l’Angleterre et qu’il vaut mieux se jeter dans les bras d’Hitler. Si Mers-el-Kébir réveille la haine contre la "perfide Albion", on ne peut pas évacuer dans cette affaire un vieux fond de francophobie chez les Anglais. L’accueil de cette nouvelle à la chambre des Communes où Churchill est chaleureusement applaudi pour ce succès en est la preuve. Mais on ne peut pas refaire l’Histoire.

 

Est-ce qu’il y a des regrets à avoir sur cette affaire ? Était-il envisageable que la flotte française, peuplée de patriotes légitimistes, se livre en des ports de l’Empire britannique ? À la place de Churchill, aurais-tu, sans doute comme l’aurait fait de Gaulle, ordonné la destruction des vaisseaux français pour préserver la Grande-Bretagne ?

rejouer le film

Oui, on peut avoir des regrets - déjà, le regret de voir cette belle flotte française, le deuxième d’Europe, condamnée à l’inaction avant de se replier sur Toulon où elle devra se saborder en 1942. De toute façon, en 1940, il était impossible pour la flotte de se livrer aux Anglais. Cette décision hautement politique dépasse complètement les pouvoirs de l’amiral Gensoul. S’il s’était incliné devant l’ultimatum britannique, les Allemands auraient aussitôt envahi la zone sud entrainant, peut être, l’invasion de l’Afrique du nord... Ce qui a terme aurait été dramatique pour les Anglais.

« Il aurait mieux valu que la Royal Navy attaque

la flotte italienne : cela aurait rétabli l’équilibre naval

en Méditerranée tout en démontrant aux Français

que l’empire britannique voulait continuer la lutte. »

En fait, l’attaque de la flotte française constitue une terrible erreur d’appréciation. Incontestablement, il aurait mieux valu que la Royal Navy attaque la flotte italienne, comme elle le fera avec un grand succès en novembre 1940 à Tarente. Cela aurait rétabli l’équilibre naval en Méditerranée tout en démontrant, aux yeux des Français, que l’empire britannique voulait continuer la lutte. Les ralliements aurait alors été nombreux. En fait, je pense que Churchill avait peur de la marine française mais au-delà de son improbable ralliement à l’Axe, je pense qu’il a surtout agi pour obtenir un succès facile face à une flotte désarmée. Quant à De Gaulle, il a justifié cette attaque à postériori. Il ne pouvait guère faire autrement, mais il a aussi une part de responsabilité car il a agité le risque d’une capture de la flotte française par les forces de l’Axe dans les jours qui ont précédé l’attaque. Personnellement, étant petit-fils d’un officier marinier de 1940, je me vois mal prendre cette décision de tirer sur des vaisseaux français.

 

GP Eric Teyssier

Le grand-père d’Éric Teyssier, qui fut officier marinier sur le croiseur Gloire.

 

Après Mers-el-Kébir, l’amiral en chef Darlan, furieux, a plaidé pour une déclaration de guerre de l’État français à l’Empire britannique, ce qu’à Vichy on s’est bien gardé de faire : "Une défaite suffit". Si, par pure hypothèse, il avait été suivi, qu’est-ce qu’à ton avis ça aurait changé dans le déroulé de la guerre, et jusque dans ses suites ?

la guerre à l’Angleterre ?

Si Darlan avait été entendu... les conséquences sont difficiles à évaluer. À court terme, on peut penser que l’entrée en guerre de la flotte française aurait pu déséquilibrer le rapport de force en Méditerranée. Au début, la situation des Anglais aurait été difficile mais sans porte-avions, la Marine nationale n’aurait pas pu changer profondément le cours de la guerre. En tout cas, Mussolini aurait vu d’un très mauvais œil cette intervention qui lui volerait la vedette sur le front méridional. Les Italiens n’auraient sans doute pas coordonné leurs efforts avec les Français et ils auraient subi le même échec en Libye.

Hitler aurait été gêné par ce retournement qui complique les choses sans changer la situation sur le front de la bataille d’Angleterre. Il aurait dû arbitrer entre le mécontentement du Duce et les exigences de Darlan. Au final Hitler aurait sûrement donné raison à son vieux complice sans rien lâcher au profit de la France qui se serait fourvoyée pour rien dans ce guêpier. Au final, la conclusion de la guerre aurait été la même mais la France se serait retrouvé dans la même situation que l’Italie d’après guerre, avec un statut de vaincu. Elle aurait de ce fait perdu son empire colonial, faisant ainsi l’économie de ses guerres de décolonisation... Mais comme toujours... on ne peut pas refaire l’Histoire.

 

On aborde ensuite un épisode encore plus méconnu, le drame de Dakar, rendez-vous manqué du ralliement de l’AOF aux forces gaullistes. Là encore, y a-t-il matière à avoir, après coup, des regrets quant au déroulé des évènements ? On a laissé passer des renforts vichystes, on a beaucoup tergiversé... Le souvenir tout frais de Mers-el-Kébir justement n’a-t-il compté pour beaucoup dans la combativité des défenseurs, et le plan gaulliste initial, celui d’une approche par la terre, par des Français, aurait-il pu fonctionner ?

Dakar

Dans cette affaire, les Anglais ont été très négligents. Ils ont laissé passer le détroit de Gibraltar à une importante force navale française. Partie de Toulon, ces navires ont renforcé Dakar. Pour l’anecdote, un de mes grands-pères était à bord d’un de ces croiseurs. Deux mois après Mers-el-Kébir, il fallait être bien naïf pour penser que les marins allaient se rallier à une escadre anglaise. Paradoxalement, cette bataille constitue la dernière victoire de la "Royale" face à la "Royal Navy" du fait de l’exploit du Béveziers. Pourtant, Dakar aurait pu être pris par la terre. Il s’en est fallu d’un obus tiré par un canon obsolète. Je raconte cette épisode qui a failli faire renoncer de Gaulle. L’enjeu été immense : Dakar, c’est toute l’Afrique de l’Ouest, le plus grand cuirassé du monde (le Richelieu), des troupes. C’est surtout des moyens financiers illimités avec l’essentiel des réserves d’or de la Banque de France, mais aussi celles de la Belgique et de la Pologne. Un pactole énorme qui aurait permis à la France Libre de se réarmer rapidement de manière totalement indépendante. À quoi tient l’Histoire...

 

Quand j’ai lu ton récit de Dakar je me suis dit : "Ici, la ligne Maginot a tenu". De fait, les Vichystes ont défendu la terre nationale pour ce qu’ils croyaient être une cause juste, bien loin de tractations diplomatiques qu’ils ne maîtrisaient pas. Est-ce là aussi, un hommage rendu au courage des combattants français, qu’ils se soient trouvés derrière l’emblème maréchaliste, ou évidemment derrière la croix de Lorraine ?

des Français contre des Français

Ces soldats qui tirent sur les bâtiments anglais qui viennent les attaquer ne sont "Vichystes" que pour les Gaullistes. Ils sont encore moins Pétainistes. Ce sont des notions qui n’existent pas en septembre 1940, à une époque où le mot de "collaboration" n’a pas encore été prononcé. En fait, à Dakar, ces soldats, ces aviateurs et ces marins se battent pour le gouvernement légal de la France. Un régime adoubé en juillet par la Chambre des Députés élue en 1936 (je le raconte) et reconnu par tous, y compris l’URSS et les USA. Quant aux Gaullistes, ils ont eu l’immense mérite d’avoir eu raison avant tout le monde, mais ils étaient si peu en 1940... Donc oui, c’est en quelque sorte un hommage à tous les combattants français qui en sont venus à s’entretuer pour le même drapeau, sous les yeux des Anglais. L’histoire est tragique, on ne le dira jamais assez. Le propre d’une tragédie, c’est lorsque tout le monde se bat, ou croit se battre pour de bonnes raisons.

 

Le titre du premier tome était La bataille de France. Celui-ci n’aurait-il pas pu s’appeler aussi, La bataille de/pour l’empire, tant celui-ci, de Dakar jusqu’à Damas en passant par l’Algérie, est essentiel dans cette histoire ?

le poids de l’empire

Oui, l’empire est au cœur de cette histoire, mais je parle aussi de ce qui se trame à Londres et au Caire. Je traite aussi de Vichy, de Montoire, de Paris occupé et de la vie des Français en zone non occupée. L’empire sera encore au centre de l’histoire dans le tome 3 avec le débarquement allié en Algérie en 1942.

 

Un élément m’a intrigué : la discussion de Hitler avec un conseiller, dans laquelle le Führer fait part de son désir d’abaisser la France pour qu’elle ne se relève plus, et de lui ôter un nombre considérable de provinces. Que sait-on finalement de ce qu’il voulait faire de la France une fois la paix retrouvée, et cette question était-elle vraiment fonction de la suite de la partie avec l’Angleterre ?

Hitler, ses plans pour la France

Oui, il avait bien une volonté d’Hitler d’amputer la France de toutes ses provinces du nord et de l’est, bien au delà de l’Alsace Lorraine qu’il a réannexé de fait. Il avait même le projet de coloniser ces régions françaises par des colons allemands. Il faut dire qu’il s’en cachait à peine. Vichy faisait semblant de ne pas voir ce qui se tramait en croyant naïvement que sa volonté de collaborer adoucirait les conditions imposées par le vainqueur au moment de la paix. Dans les faits, une paix blanche avec l’Angleterre ou une défaite de celle-ci aurait été terrible pour la France.

 

Notre époque ne s’encombre que peu des subtilités de pensée : souvent, on condamne sans réserve ce qu’on ne connaît pas, et on déboulonne des statues en omettant de visualiser le tout et son contexte. Je laisse de côté les purs salauds, ces collaborationnistes qui par idéologie et se fichant pas mal de la France, auraient vendu père et mère pour devenir pleinement des sujets dévoués à leurs maîtres nazis au sein d’une Europe allemande. J’aimerais t’inviter en revanche à qualifier par un ou plusieurs adjectifs, pour mieux comprendre les positions de chacun, ces hommes forts de Vichy : Pétain, Laval, Darlan, Baudoin, Weygand.

les hommes de Vichy

Pétain, un maréchal qui est une "star" mondialement connue en 1940. Très imbu de lui même, il est foncièrement pessimiste mais appartient déjà à un autre temps. Il est né sous Napoléon III...

Laval, un pacifiste de gauche devenu le pire des collabos par horreur de la guerre. Une personnalité complexe...

Darlan, "une pipe branchée sur le néant", (l’expression est de l’époque). Une baderne bouffie d’orgueil qui ne comprend rien à rien et va se vautrer aux pieds d’Hitler.

Baudoin, un technocrate ambitieux qui comprend assez vite l’impasse de Vichy.

Weygand, un général lucide. Il est le principal partisan de l’armistice de juin 40 car il est convaincu que l’Angleterre ne continuera pas la guerre plus de trois semaines. Trois mois plus tard il admet son erreur, ce qui est rare pour un homme de 73 ans. Fermement opposé à "ceux qui se roulent dans la défaite comme un chien dans sa merde" (comme Laval), il prépare activement le retour de la France dans la guerre en Afrique du Nord. Par certains côtés, c’est une sorte d’anti-Pétain a qui il restera pourtant toujours fidèle. L’époque est plus compliquée qu’on ne le croit...

 

Maxime Weygand

Maxime Weygand.

 

Parmi les situations inventées, j’ai été touché par la souffrance post-traumatique du lieutenant Dumas : ceux qui ont lu le premier tome savent ce qui le mine. A-t-on relevé, dans les archives, beaucoup de cas de graves blessures psychologiques ?

blessures psychologiques

Il y a eu énormément de cas de ce type après la Grande-Guerre. Les archives regorgent d’histoires de Poilus incapables de retrouver leur place dans la société et qui tombent dans l’alcool, la violence ou la délinquance, sans parler de ceux qui sont devenus complétement fous. Mon autre grand-père, qui a fini la guerre de 14 dans les chars, a connu ces difficultés après la victoire de 1918. Pour les anciens combattants de juin 1940 la guerre a été bien plus brève et ils portent en plus le poids de la défaite. Même s’il n’y a pas d’étude sur ce sujet, on peut imaginer qu’ils se sont repliés sur eux-mêmes en taisant leurs souffrances. Ces syndromes ont été vraiment étudiés plus tard, notamment après la guerre du Vietnam. Cette question du traumatisme de Dumas constitue l’un des éléments clef de la saga.

 

Avec Claudine, tu nous fais découvrir, et c’est dans l’air du temps, une femme bafouée, blessée mais forte, qui devient maîtresse de son destin et même actrice de l’Histoire. Est-ce qu’on ne sous-estime pas encore trop le rôle qu’ont pu avoir les femmes en ce temps-là ?

femmes à la une

Sans vouloir être "dans l’air du temps", il est évident que les femmes ont eu un rôle particulièrement important dans cette guerre. Il est clair également que leur rôle n’est pas assez souligné. Il faut dire que là aussi l’exemple familial m’a inspiré. Pour certaines, comme Claudine, la guerre est sources de traumatismes mais aussi une façon d’avoir un autre destin en sortant de leur condition de mère au foyer. Pour ces femmes-là, à la fois mères et combattantes, certains choix étaient particulièrement difficiles.

 

Sans dévoiler trop d’éléments de l’intrigue, je signale qu’à un moment du récit se retrouvent, face à face, deux frères d’armes : l’un du côté des Français Libres, l’autre du côté des fidèles de Vichy. Y a-t-il eu des exemples réels de pareille situation, au Levant ou ailleurs ?

des frères d’armes devenus adversaires 

Oui, on connaît notamment le cas de deux frères qui se sont retrouvés face à face en Syrie. L’un était avec de Gaulle et l’autre dans l’armée du général Dentz. Généralement, tout ce qui fait partie de la fiction dans mon roman s’appuie sur des cas attestés. En fait, je n’invente pas grand chose, la réalité dépasse toujours la fiction. Je me contente souvent de faire vivre à mes héros et héroïnes des aventures vécus par différents personnages réels.

 

Plusieurs aspects géopolitiques que je ne connaissais pas m’ont passionné : la peur panique des Anglais à l’idée que les Allemands utilisent Dakar comme base pour leurs sous-marins, puis que les Irakiens révoltés (et soutenus par Berlin) coupent leur approvisionnement en pétrole et leur fassent perdre le contrôle du canal de Suez. Finalement, les vraies sueurs froides du gouvernement britannique se sont-elles jouées loin de son centre, et s’agissant de son centre peut-on considérer que le Blitz sur ses villes a, si l’on peut dire, "sauvé" la Grande-Bretagne en mettant fin à la campagne d’Angleterre, ce qui a préservé la R.A.F. ?

les sueurs froides de Londres

Le Blitz a été un moment important de la guerre, mais Hitler ne pouvait pas envahir la Grande-Bretagne. D’ailleurs, l’État major d’Hitler n’avait rien préparé à ce sujet avant l’effondrement inattendu de la France. Si Hitler avait mis la main sur l’empire colonial français, s’il avait attaqué certains points stratégiques britanniques comme Malte, l’Égypte, Suez ou réellement soutenu la rébellion irakienne, la Grande-Bretagne, dépourvue d’alliés, aurait pu s’effondrer. Mais, heureusement, Hitler est né en Autriche, dans un pays dépourvu d’histoire maritime. Sa perspective stratégique est strictement continentale. Pour lui la guerre contre l’Angleterre est une perte de temps au regard de son principal objectif qui est la guerre contre l’URSS. Quant à la Méditerranée, le Führer n’en voit pas l’intérêt. C’est un front très secondaire qui est abandonné à l’allié italien. C’est pourtant sur ce front que la guerre aurait pu basculer en 1941.

 

« Heureusement, Hitler est né en Autriche,

dans un pays dépourvu d’histoire maritime. Sa perspective

stratégique est strictement continentale. »

 

On sait que Londres n’a pas toujours accordé sa pleine confiance à De Gaulle et à ses équipes. On sait aussi, tu le rappelles, que l’Angleterre souhaitait à terme chasser la France de certaines de ses possessions coloniales (je pense en particulier au Liban et à la Syrie). Y a-t-il eu, comme dans ton récit, des cas avérés de pratiques mafieuses pour s’assurer, par l’intimidation ou le chantage, de la concordance des vues des Français Libres avec celles de l’Empire britannique ?

les ambiguïtés de l’allié anglais

Il est certain que derrière la communauté de vue de De Gaulle et de Churchill vis à vis de leurs ennemis communs, la rivalité coloniale entre les deux puissances ne disparait pas. C’est particulièrement vrai en Syrie et au Liban. Lawrence d’Arabie et beaucoup d’Anglais n’ont pas digéré que la France soit présente dans cet Orient compliqué qu’ils considèrent comme leur zone d’influence... et Churchill était un ami personnel de Lawrence. Après une série de défaites souvent due a ses propres erreurs, Churchill trouve le moyen de rebondir en Syrie, tout en chassant les Français de la région. Une sorte de coup double qui entraînera une guerre fratricide entre Français.

 

Cette année a été commémoré, avec peu d’écho par rapport à l’immensité de la chose, le 80ème anniversaire du déclenchement de Barbarossa, qui clôture ton ouvrage. Est-ce qu’à cet instant, l’espoir change de camp ?

alors survint Barbarossa

Oui, l’invasion de l’URSS constitue le point d’orgue de la guerre. On n’en parle pas assez car notre vision est trop "américano-centrée". Avec le front de l’Est, la guerre change d’échelle à ce moment-là. Si l’empire britannique n’est plus seule, la victoire de l’Armée rouge est loin d’être assurée. Au contraire, les succès de l’armée allemande maintiennent encore le mythe de l’invincibilité de la Wehrmacht. Malgré tout, l’invasion de l’URSS donne un sursit à Churchill en détournant l’Allemagne de l’Angleterre. Churchill redouble alors d’efforts pour entraîner l’Amérique dans la guerre tout en soutenant Staline. Dans ce contexte, la position de De Gaulle devient de plus en plus fragile avec ses maigres forces... nous le découvrirons dans le tome 3.

 

Dans ce deuxième tome, les Français Libres équipés parfois de leur propre matériel (y compris des chars) prennent le Gabon, puis plus tard ils prennent Damas. Clairement : est-ce qu’on sous-estime encore, dans la conscience nationale, le poids des forces combattantes françaises dans les avancées des Alliés ?

héros oubliés

L’odyssée des chars de De Gaulle dans la jungle est en effet une histoire incroyable. Les forces gaullistes sont maigres mais elles constituent un appoint appréciable à un moment ou les forces britanniques n’ont jamais été aussi faibles. Ce qui compte surtout, et qui a été oublié dans la conscience nationale, c’est la force morale de ces hommes qui se sont battus dans un contexte où tout semblait s’effondrer. Ils constituent encore aujourd’hui une leçon de courage, d’énergie et de patriotisme, à une époque où l’on parle plus souvent des collabos que de cette cohorte de héros qui luttaient pour la libération de la France.

 

Tu me confiais l’an dernier avoir décidé d’écrire ces romans après avoir visionné deux films qui présentaient la bataille de France d’un point de vue largement anglo-saxon. Si tu devais prendre en main le casting pour une adaptation de L’An 40, à quels acteurs du moment pourrais-tu confier les rôles principaux ?

Ce qu’il faudrait surtout trouver c’est un producteur courageux qui accepterait de se lancer dans l’aventure d’un film d’histoire à une époque où, par nombrilisme et facilité, on préfère réaliser des films sur notre époque malgré son absence de relief. Du coup, je ne vois pas trop quels acteurs actuels pourraient incarner des rôles de combattants. Il faudrait aller chercher de jeunes talents... Je suis sûr qu’il en existe beaucoup qui pourraient se révéler dans cette saga. Netflix pourrait très bien produire ce genre d’histoire qui ne peut pas rentrer dans un seul long métrage. Aussi, je lance... un appel.

 

« Netflix pourrait très bien produire ce genre d’histoire

qui ne peut pas rentrer dans un seul long métrage.

Aussi, je lance... un appel. »

 

Tes projets et surtout, tes envies pour la suite ?

J’ai plein de projets. Je suis dans l’écriture et la mise en scène de deux nouveaux spectacles historiques prévus en 2022 dans les arènes de Nîmes. Je travaille aussi sur des documentaires courts avec l’université de Nîmes. Pour l’écriture, j’ai l’embarras du choix, entre le tome 2 de la Prophétie des aigles et le tome 3 de L’An 40. Je réfléchis aussi à plusieurs livres d’histoire comme une biographie de Marius, et d’autres choses encore.

 

Quelque chose à ajouter ?

J’espère que nous sortirons bientôt de ces heures sombres où dominent la peur et le contrôle permanent. L’exemple des combattants de l’An 40 doit nous servir d’exemple. Ils ont su affronter l’adversité et ne pas subir.

 

E

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

Publicité
Publicité
25 juillet 2021

Noël Simsolo : « Aujourd'hui, le retour à l'ordre moral est général, totalitaire et hystérique... »

Alors qu’est commémorée, pour son bicentenaire, la disparition de Napoléon Bonaparte, force est de constater que le personnage déchaîne toujours autant les passions. Et que sur son nom se noircissent toujours des milliers et des milliers de pages. Parmi les parutions récentes, je souhaite aujourd’hui vous parler d’une BD, tout simplement intitulée Napoléon (Glénat/Fayard, 2021) et qui rassemble trois albums parus entre 2014 et 2016. Un vrai challenge, que de retracer en 150 pages, de manière rigoureuse et intelligible, une époque et une épopée aussi complexes et riches que celles de Bonaparte devenu Napoléon. Le pari, relevé par Noël Simsolo, scénariste et historien du cinéma, par le dessinateur italien Fabrizio Fiorentino, sur le conseil du grand historien spécialiste de Napoléon Ier Jean Tulard, est réussi et le résultat, une expérience épique qui pose bien les faits et les enjeux - même si, pour bien appréhender le tout, il faut sans doute plus d’une lecture. Je remercie M. Simsolo d’avoir accepté de répondre à ma proposition d’interview, et notamment pour sa liste de 50 films à voir, à laquelle j’entends bien me référer. Exclu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Noël Simsolo: « Aujourd’hui, le retour à l’ordre moral

est général, totalitaire et hystérique... »

Napoléon

Napoléon (Glénat/Fayard, 2021).

 

Scénariser, pour une BD en trois volumes, une vie aussi riche et chargée que celle de Bonaparte/Napoléon, ça n’a pas été trop casse-tête? Quelles furent vos difficultés principales?

La principale difficulté a été d’établir un structure spécifique pour chaque album en fonction de la vie de Napoléon Bonaparte, mais la décision du choix de 3 volumes en la matière a été prise en accord avec l’historien Jean Tulard et l’éditeur Cedric Illand.

Ça n’a pas été casse-pieds puisque j’ai choisi d’écrire cette "bio" en triangulant le destin de Bonaparte avec ceux de Bernadotte et Murat, et de ne pas escamoter la part sombre de cet homme.

 

Dans quelle mesure cet exercice de scénariste BD est-il proche de l’activité du scénariste ciné, ou même du cinéaste qui parfois va visualiser son intrigue via des storyboards?

J’ai toujours préparé mes films de fiction, le long et les courts, en dessinant un story board ; par ailleurs, pour les documentaires, j’ai opté pour un montage selon des dynamiques formelles plutôt que de souligner les textes dits à l’image de manière prioritaire, le sens contre les (5) sens.

Pour les BD que je scénarise, je propose toujours un découpage, planche par planche et case par case au dessinateur. La plupart le respecte…

 

Les Napoléons

 

Le bicentenaire, cette année, de la mort de Napoléon, a été l’occasion de publications intéressantes mais surtout de polémiques plus ou moins légitimes quant à son bilan. Vous connaissez bien son parcours, bien davantage sans doute que la plupart des gens qui ont donné leur avis sur lui récemment. Alors, tout bien pesé, que vous inspire-t-il, à vous? Si vous deviez utiliser trois mots pour le qualifier?

Admiration. Effroi. Doute.

 

Extrait du Napoléon de Sacha Guitry, 1955.

 

Napoléon est le personnage parfait à propulser sur grand écran, et bien des fois il l’a été. Quels Napoléon et quels films sur lui trouvent grâce à vos yeux?

Comme film, je préfère le Napoléon de Guitry à celui de Gance. Par ailleurs, les comédiens jouant Napoléon dans l’oeuvre de Guitry sont tous intéressants et chez Gance je préférerais presque Pierre Mondy dans Austerlitz à Dieudonné dans sa fresque muette.

Pour le reste, ça repose sur la vision (ou le manque de vision) du cinéaste et l’intelligence de l’interprète...

 

Austerlitz

Extrait du film Austerlitz , réalisé par Abel Gance, 1960.

 

Imaginons que vous franchissiez le cap, et qu’on vous demande d’adapter votre BD sur grand écran : quel casting d’acteurs et actrices actuels souhaiteriez-vous employer pour incarner vos personnages principaux?


Je ne réalise plus de films et je connais maintenant trop mal le réservoir d’acteurs contemporains (surtout les jeunes) pour répondre au mieux à cette question reposant sur une situation des plus utopiques car à mon âge, réaliser un film selon mon souhait est impossible.

 

Quel regard portez-vous sur le cinéma d’aujourd’hui? Sait-il globalement se renouveler, tracer de nouveaux chemins par rapport aux grands cinéastes d’hier ou d’avant-hier ?

De nos jours, les cinéastes illustrent des sujets plutôt que d’inventer ou sublimer une écriture cinématographique, confondant aussi la virtuosité donnée par les nouvelles techniques avec le choix du cadrage rigoureux de l’image. Nous en arrivons à un conformisme de l’expérimental lorgnant vers l’exhibitionnisme de Kubrick.

Quant au « sujet » dans le cinéma français, il se répète et s’empêtre inlassablement dans des thèmes sociaux et actuels.

Comme toujours, c’est du côté de l’Amérique que ça se passe de façon plus passionnante: Quentin Tarentino, Jeff Nichols… Mais le cinéma renaît toujours de ses cendres… Même si les cinéastes les plus forts et modernes du moment ont de 70 à 91 ans (Eastwood, Vecchiali, Godard), à l’exception de mon ami Mathieu Amalric (qui n’est plus si jeune)… Enfin, d’abord: classique = moderne, car comme me le disait Monsieur Jacques Rivette: « Les classiques, ce sont les modernes qui ont résisté au temps ».


Est-ce que ces dernières années, le cinéma, je pense en particulier au cinéma U.S., n’est pas allé un peu trop loin dans une forme de docilité par rapport à une bienpensance? Trop conformiste sur le fond, voire parfois un peu moralisateur?

Ce n’est pas que le cinéma d’ici et d’ailleurs… Aujourd’hui, le retour à l’ordre moral est général, totalitaire et hystérique mais conforte le communautarisme religieux ou sexuel en empoisonnant toutes les communications, à commencer par les réseaux sociaux...

 

Petit exercice un peu cruel pour l’amateur de cinéma que vous êtes : quel serait le top 5 ou 10 de vos films préférés, tout confondu, ceux que vous aimeriez inciter nos lecteurs et notamment les plus jeunes à découvrir?

Pas de Top 5 ou 10. En voici 50, indispensables pour comprendre le cinéma. Ils sont sans ordre de préférence, et un film par auteur.


1: Freaks (Tod Browning)

2: Les Contrebandiers de Moonfleet (Fritz Lang)

3: La Rue de la honte (Mizoguchi)

4: Alphaville (Godard)

5: Frontière chinoise (John Ford)

6: L’Amour fou (Jacques Rivette)

7: Le Testament du Dr Cordelier (Renoir)

8: Allemagne Année zéro (Rossellini)

9: Le cri (Antonioni)

10: Il était une fois la révolution (Leone)

 

Il était une fois la révolution, de Sergio Leone (1971).

 

11: Sueurs froides (Hitchcock)

12: La Soif du mal (Welles)

13: Comme un torrent (Minnelli)

14: La Ronde de l’aube (Sirk)

15: Le Violent (Nicholas Ray)

16: Seuls les anges ont des ailes (Hawks)

17: Pépé le moko (Duvivier)

18: La Malibran (Guitry)

19: Orphée (Cocteau)

20: Arsenal (Dovzhenko)

21: Mystic River (Eastwood)

22: Muriel (Alain Resnais)

23: La Jetée (Chris Marker)

24: Verboten! (Samuel Fuller)

25: Méditerranée (J.-D. Pollet)

26 : L’Atalante (Vigo)

27 : Bob le flambeur (Melville)

28: Le Droit du plus fort (RW Fassbinder)

29: Le Règne de Naples (W Schroeter)

30: Le petit garçon (Nagisa Oshima)

31: Monsieur Klein (Joseph Losey)

 

Monsieur Klein de Joseph Losey (1976).

 

32: Judex (Georges Franju)

33: Mark Dixon, detective (Otto Preminger)

34: Outsiders (F.F. Coppola)

35: Jerry souffre-douleur (Jerry Lewis)

36: Sherlock Junior (Buster Keaton)

37: Les Feux de la rampe (Chaplin)

38: Juste avant la nuit (Chabrol)

39: La Chambre verte (Truffaut)

40: Lola Montès (Max Ophüls)

41: Embrasse moi, idiot (Billy Wilder)

42: Les aventures du capitaine Wyatt (Raoul Walsh)

43: Partner (Bertolucci)

44: La vie criminelle d’Archibald de la Cruz (Bunuel)

45: Nightfall (Jacques Tourneur)

46: L’aurore (Murnau)

47: Solo (Mocky)

48: Chinatown (Polanski)

 

Chinatown de Roman Polanski (1973).

 

49: La Barrière (Skolimowski)

50: Vera Cruz (Aldrich)

 

Vous avez eu jusqu’à présent un parcours riche et d’une grande diversité, Noël Simsolo. Des regrets dans tout cela ?

Pas encore...

 

De quoi êtes-vous le plus fier, quand vous regardez derrière ?

Que mon sale caractère m’évite les compromissions.

 

Vos projets, et surtout vos envies pour la suite ?

Plusieurs BD à paraître chez Glénat : Hitchcock 2, Gabin, Fassbinder, Welles, Saint-Just...

Envie de continuer à avoir envie, et c’est pas facile.

 

Un dernier mot ?

Oui : À suivre

Interview : mi-juillet 2021.

 

Noël Simsolo

Noël Simsolo, par le cinéaste Rida Behi.

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

11 septembre 2022

Gabriel Martinez-Gros: « Le récit "woke" tiers-mondiste est le nouveau discours religieux de l'Occident »

Gabriel Martinez Gros est professeur d’histoire médiévale du monde musulman à l'université de Paris-X. De fait, un de nos meilleurs experts de l’espace islamique. Parmi ses spécialités d’étude également, la vie et l’œuvre d’Ibn Khaldûn, grand penseur du 14ème siècle. Son dernier ouvrage en date, paru il y a quelques jours aux éditions Passés/Composés, est une relecture et une réflexion nouvelle autour des théories du philosophe arabe, faites à l’aune des évolutions de notre temps. La traîne des empires : Impuissance et religions, n’est pas un livre facile à appréhender, je le dis d’entrée, mais pour peu qu’on s’y plonge et qu’on s’y accroche, ce que j’ai fait, il constitue une précieuse grille de lecture pourrant nourrir discussions et débats quant à la disparition ou à la survivance des empires, au développement des religions appelées à devenir mondiales, et à la psychologie de nos nations. Rien que ça. Je vous conseille de vous en emparer, ça ne sera jamais du temps perdu, et je remercie M. Martinez-Gros d’avoir accepté, avec bienveillance et sympathie, de se livrer au jeu de l’interview. Exclu. Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Gabriel Martinez-Gros : « Le récit "woke"

tiers-mondiste est le nouveau discours universel,

religieux, de l’Occident... »

La traîne des empires

La traîne des empires: Impuissance et religions (Passés/Composés, août 2022).

 

Parlez-nous de la figure d’Ibn Khaldûn, penseur central dans vos travaux : pourquoi est-il remarquable, et quelles leçons tirer de son existence ?

La vie d’Ibn Khaldûn (1332-1406) traverse l’une des épreuves les plus tragiques de l’histoire humaine, à savoir la peste. Elle frappe Tunis – comme Paris – en 1348, quand il a 16 ans, et elle ne le quitte plus jusqu’à sa mort, en Egypte, en 1406, au cours d’une des pires décennies de l’épidémie dans la vallée du Nil. Descendant d’intellectuels et de hauts fonctionnaires andalous, Ibn Khaldûn est lui-même administrateur et ministre jusqu’à l’âge de 43 ans. Il a pu mesurer l’impact de la peste, la contraction des villes, l’effondrement des populations et par conséquent de l’impôt, la raréfaction des échanges et donc des taxes. La peste a mis les États en faillite. C’est de cette constatation que vient probablement la nouveauté absolue de sa théorie. Il y avait eu avant lui et il y aura après lui des théoriciens de l’État d’une subtilité, d’une qualité d’analyse comparable à la sienne, comme Machiavel. Mais jusqu’au XIXe siècle, personne ne lie comme lui le fonctionnement de l’État avec celui de l’économie, avec la démographie, la taille des villes, la diversité des métiers qu’on y trouve, les gains de productivité, l’accumulation de la richesse… sur lesquels l’État repose. Pour Ibn Khaldûn, l’État, c’est l’impôt, et l’impôt est le produit d’une situation économique qu’il analyse avec un luxe de détails inconnu jusqu’aux théoriciens modernes du XIXe siècle.

 

Après avoir étudié l’Islam, puis l’histoire des empires, le présent récit, qui cible et analyse la passation entre empires finissants et religions mondiales en devenir, était-il comme une suite logique à apporter à vos ouvrages précédents ?

J’avais déjà travaillé sur la notion d’empire. Mais ce que je précise dans ce livre, c’est justement la séquence Royaumes Combattants/Empires/Religions. Le mot ‘Royaumes Combattants’ est tiré de l’historiographie chinoise, mais je l’emploie pour désigner en général les phases de conquête et de constitution des empires. C’est au total très simple  : la constitution des empires exige une phase de guerres de conquête, au cours de laquelle le peuple conquérant est largement mobilisé – et cette mobilisation lui donne son mot à dire  : les périodes de ‘Royaumes Combattants’ impliquent des formes diverses, mais toujours actives, de participation populaire à la décision politique. Le peuple se bat (pour conquérir), donc il est en position d’imposer sa volonté. C’est le cas dans les cités grecques avant Alexandre (vers 490-323 avant notre ère), de la République romaine (à partir des guerres contre Carthage, 264 avant notre ère jusqu’à la victoire de César, 48 avant notre ère), ou de l’âge tribal des conquêtes arabes (VIIe-IXe siècles), ou des Royaumes Combattants chinois (480-220 avant notre ère).

 

« Au temps de l’empire, l’impôt et les préoccupations

financières se substituent à la guerre. »

 

Puis vient l’empire, dont l’institution repose sur une rupture fondamentale  : le désarmement, progressif en général, du peuple en armes et son remplacement au fil des générations ou des siècles, par des mercenaires barbares. Le peuple conquérant désarmé est soumis à l’impôt comme les populations conquises. En un mot l’impôt et les préoccupations financières se substituent à la guerre. C’est ce que je nomme d’après Ibn Khaldûn, la sédentarisation. Cet âge impérial de la sédentarisation est celui de la prospérité, par exemple dans le monde hellénistique d’après les conquêtes d’Alexandre (Egypte, Syrie, Asie Mineure), dans l’empire romain après les conquêtes de l’époque républicaine, dans l’empire chinois unifié, dans l’empire islamique à son apogée démographique et économique entre IXe et XIe-XIIe siècles.

Puis la sédentarisation, le désarmement de l’empire enraye son mécanisme en limitant ses capacités de violence et donc d’action politique et militaire. Ses seules ressources demeurent financières, mais l’impôt, pour cette raison même, pèse de plus en plus sur l’économie, qu’il ruine au lieu de favoriser, comme il le fait au début des temps impériaux, l’accumulation du capital, la diversification des activités et les gains de productivité.

L’impuissance de l’empire ouvre la voie à la religion, qui proclame les mêmes valeurs que l’empire, en particulier la paix et l’universalisme, mais prétend les atteindre par d’autres voies que politiques et militaires.

Ce ne sont donc pas les religions qui amollissent l’empire, comme le disent Machiavel et Nietzsche pour le christianisme, mais l’amollissement des empires, le fait que leur mécanisme s’enraye, qui ouvre la voie aux religions.

 

Le schéma retenu par Ibn Khaldoun, que vous venez de rappeler et que vous enrichissez par votre propre réflexion et l’expérience de notre temps, peut donc se résumer comme suit : des royaumes combattants fondent par la conquête des empires dont les populations vont se sédentariser et se pacifier en même temps que va s’enrichir l’empire ; aux marges de l’empire, des "bédouins" en embuscade vont, de plus en plus, après invitation ou par la force (les "invasions barbares"), y assumer les fonctions de violence institutionnelle (armée, police), puis le pouvoir politique. Ce schéma-là s’applique de manière satisfaisante aux différents exemples que vous avez pu étudier, en tout cas avant l’ère contemporaine ?

Il y a évidemment peu d’exemples où ce mécanisme se manifeste dans sa totalité  : l’empire hellénistique et l’empire romain, étroitement associés dans le temps et dans l’espace méditerranéen  ; l’empire chinois  ; l’empire islamique. Mais ces trois empires ont donné naissance à trois religions – christianisme, bouddhisme, islam – qui représentent, avec l’hindouisme, plus de 80% de l’humanité d’aujourd’hui. Ce sont en vérité les trois seuls empires qui répondent entièrement à la séquence Royaumes Combattants/Empires/Religions. – et les seuls dont mon livre se préoccupe. Comme je le notais déjà dans un livre précédent, depuis l’émergence presque simultanée de l’empire chinois (fin IIIe siècle avant notre ère) et de l’empire romain (Ier siècle avant notre ère), il n’y a jamais eu en même temps plus de deux ou trois empires dans le monde qui répondent à la définition, mais ces deux ou trois empires ont représenté une forte minorité, voire une majorité de la population mondiale. Rome et la Chine mises ensemble représentent sans doute la moitié de la population mondiale aux alentours de notre ère. De même l’Islam et la Chine des Tang vers 800.

 

Vous notez une parenthèse (en est-ce une ?), un accroc au schéma entre, disons, les révolutions américaine et française, et les guerres de décolonisation : on était alors, s’agissant de l’Occident, au temps des États-nations triomphants, des peuples armés, de la conscription massive. Avec en parallèle, un développement technologique et industriel permettant la création de richesses jamais vues jusque là. Quel regard portez-vous sur cette époque-là, et qu’aurait-elle inspiré à votre avis à Ibn Khaldûn ?

L’âge impérial commence quelques siècles avant notre ère. Il y faut d’abord une masse de populations denses, pour que l’impôt puisse prélever un surplus sur leur travail, fonder une capitale où les métiers et les techniques se diversifient et les gains de productivité se réalisent. L’empire perse (VIe-IVe siècles avant notre ère), appuyé sur la Mésopotamie, la Syrie, l’Asie Mineure et l’Égypte, avec ses 20 ou 25 millions de sujets sur les 150 millions d’humains sur terre de son temps, est peut-être le premier empire. Le système impérial – impôt lourd, désarmement des peuples, métropoles qui concentrent la richesse – se prolonge jusqu’au XVIIIe siècle en Chine, en Inde, en Islam. En revanche l’Europe l’ignore après la chute de l’empire romain. Au Moyen-Âge, les prélèvements fiscaux, seigneuriaux, y sont faibles et dispersés. Les villes y sont plus réduites qu’en Islam ou en Chine.

 

« Avec la Révolution industrielle, ce n’est plus l’impôt

qui crée la richesse, mais l’amélioration des rendements

agricoles, le recul de la mortalité, la multiplication

des hommes dans des proportions inouïes,

le progrès technique et la production

industrielle, les échanges… »

 

Mais c’est en Europe que se produit la Révolution industrielle, qui renverse la priorité des empires  : ce n’est plus l’impôt qui crée la richesse par la concentration de capital qu’il permet, mais l’amélioration des rendements agricoles, le recul de la mortalité grâce à l’hygiène et à la médecine, la multiplication des hommes dans des proportions inouïes, le progrès technique et la production industrielle, les échanges… Du coup, le désarmement des populations, nécessaire à la levée de l’impôt et à l’enrichissement dans le système impérial, n’est plus requis. Après 1780, les nouvelles ‘nations’ – les USA, la France… - arment leurs peuples et retrouvent la voie des Royaumes Combattants, des peuples armés, qui dictent donc leur volonté politique. La démocratie revient avec la guerre. Presque toute l’Europe sera ‘démocratique’, acquise au suffrage universel, après 1870.

Qu’en aurait dit Ibn Khaldûn  ? Il en serait resté muet. Ce système où la prospérité va avec la guerre et avec l’hégémonie du peuple dément absolument sa théorie, qui reste caduque tant que la révolution industrielle dure. Elle retrouve sa pertinence dès que la révolution industrielle s’enraye, ce qui pourrait bien être le cas dans les décennies qui viennent, en particulier avec le vieillissement de la population mondiale.

 

Par quel processus complexe, entre attirance et répulsion, les différentes assimilations entre conquérants et conquis se font-elles au cours de l’Histoire ? Et pourquoi ce point-là est-il moins unilatéral qu’on pourrait le penser ?

La structure impériale distingue une population nombreuse, productive, désarmée, soumise – les sédentaires – et une population infiniment minoritaire – 1 à 3% de la proportion des sédentaires – issue des marges barbares, qui assument les fonctions de violence et la souveraineté. L’exemple le mieux connu chez nous, dans les derniers siècles de l’empire romain, ce sont les ‘Barbares’, germaniques, arabes, illyriens, qui protègent et dominent l’empire romain. Mais déjà auparavant, les Romains avaient joué le rôle de ‘barbares’ au détriment des population du bassin oriental de la Méditerranée – Égypte, Syrie, Asie Mineure, Grèce – beaucoup plus nombreuses et riches que celles du bassin occidental de la mer.

La règle la plus commune, c’est que les Barbares, fascinés par la civilisation de l’empire, l’adoptent (langue, religion, coutumes). C’est le cas des Mongols ou des Mandchous en Chine, des Turcs en Islam… Mais les figures sont multiples  : après l’An Mil, la Chine tient les barbares à distance de sa civilisation, même ceux qui la gouvernent. Les Arabes, envahisseurs barbares du Moyen-Orient, y ont imposé au moins en partie leur langue et leur religion, contre la règle. En Occident, les Barbares germaniques adoptent la forme romaine du christianisme et le latin, mais à l’inverse, les populations de l’ancien empire romain adoptent souvent le nom et l’histoire des nouveaux maîtres  : les habitants latinisés de la Gaule romaine se nomment ainsi ‘Francs’, du nom du peuple germanique qui occupe la Gaule, et plus tard ‘Français’.

 

À propos du rapport entre ex-empires coloniaux d’Europe et ex-pays colonisés, vous produisez une réflexion intéressante (qui serait valable pour certains d’entre eux en tout cas) : il y aurait si je vous comprends bien entre ces deux types d’acteur, de manière plus ou moins consciente, une espèce de jeu entre contrition chez les premiers, victimisation chez les seconds, comme une manière de raviver le souvenir du temps de l’empire... Quelle est la rationalité des uns et des autres, dans pareil cas ?

 

« Incapable de faire face militairement et politiquement,

comme les empires dans leur déclin, à ses rivaux

qui émergent, l’Occident se transforme

en discours religieux, qui tente de retenir

par la parole et par le moralisme ce qu’il est incapable

de retenir par la force ou l’autorité politique. »

 

Il s’agit de fait de mon analyse du tiers-mondisme. Grâce à leur avance technique, industrielle, militaire et politique, nos États-nations occidentaux – il faut y inclure la Russie – ont imposé leur hégémonie au monde à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle en particulier. Cette époque de la colonisation et de l’impérialisme occidental est largement révolue, non pas depuis les décolonisations des années 1947-1965, mais depuis l’essor économique prodigieux de la Chine après 1978, de l’Inde aujourd’hui, ou depuis l’expansion de l’islamisme dans le monde musulman après 1980 surtout. Incapable de faire face militairement et politiquement, comme les empires dans leur déclin, l’Occident se transforme en discours religieux, qui tente de retenir par la parole et par le moralisme ce qu’il est incapable de retenir par la force ou l’autorité politique. C’est cela la nouvelle religion post-impériale que nous vivons, sous forme de repentance et d’auto-flagellations. La majorité de l’humanité (Chine, Inde, Islam) qui se libère ou s’est libérée de notre emprise, n’a rien à faire de notre repentance. En revanche, elle est utile et reçue dans les régions du monde si profondément colonisées, par les langues européennes en particulier, qu’elles sont incapables de concevoir leur histoire hors de celle de l’Occident – c’est le cas de l’Amérique latine et surtout de l’Afrique subsaharienne non-musulmane. Entre ces régions et les centres occidentaux du nouveau discours religieux (États-Unis, Europe) s’établit un dialogue vicié fait d’accusations d’un côté, de repentance de l’autre, mais qui maintient une forme d’empire occidental sur plus d’un tiers de la population mondiale.

 

On remarque qu’il n’est pas rare que la religion appelée à dominer l’ancien espace impérial (par exemple, le christianisme avec Rome) provienne des marges de l’empire (dans notre exemple, la Palestine). Trouve-t-on des traits communs dans la manière dont ces dogmes vont se propager jusque dans la métropole, et peut-on dire, schématiquement, qu’ils correspondent à une quête de sens allant de pair avec l’émiettement de l’idéal impérial ?

Vous avez raison, et je n’ai pas d’explication simple. Cette origine de la religion, étrangère au cœur de l’empire, est un aspect du succès de la religion, qui se montre plus universaliste que l’empire, qui prouve qu’elle accomplit mieux le programme impérial que l’empire lui-même. Mais pourquoi la réflexion sédentarisante, pacifiante, de l’empire, par exemple le stoïcisme des élites romaines, ne réussit-elle pas là où le christianisme va réussir  ? Pourquoi pas le confucianisme plutôt que le bouddhisme  ? Probablement parce que ce sont les valeurs des élites, qu’elles ne correspondant pas à la grande fusion des populations qui se produit dans l’empire au bout de quelques générations, et qui réclame autre chose. Nous sommes nous aussi à ce point de fusion ‘mondialisée’. C’est pourquoi il est probable que la nouvelle religion ne sortira pas d’Oxford ou de Cambridge, même si Oxford et Cambridge l’adoptent pour maintenir leur position…

 

Vous venez de l’évoquer, justement : comment expliquer que le bouddhisme, né en Inde, se soit largement diffusé dans toute l’Asie mais qu’il ait été supplanté, dans sa terre natale, par l’hindouisme ? Question similaire pour la Chine : le bouddhisme y était très fort jusqu’à la montée en puissance du confucianisme... La religion d’un peuple, c’est beaucoup fonction de la religion du prince ?

Bien qu’il soit l’une des trois plus grandes religions de ce monde, le bouddhisme a en effet totalement échoué en Inde, où il a pratiquement disparu, et relativement en Chine, mais pour des raisons presque totalement opposées, je crois. En Inde, c’est l’échec de la construction d’un empire, dès le IIe siècle avant notre ère, qui explique le recul du bouddhisme, qu’avait favorisé aux IVe-IIe siècles avant notre ère la dynastie des Maurya. Il faudra attendre la conquête islamique, entre XIIe et XVIe siècles, pour trouver en Inde une véritable forme impériale, que l’Angleterre s’approprie après 1760.

 

« La religion suit l’empire quand il s’étiole,

mais elle le gêne quand il est en pleine vigueur. »

 

En Chine au contraire, le bouddhisme triomphe entre 300 et 900, mais il est ensuite expulsé de la gestion de l’État, confiée au confucianisme. Le bouddhisme est rejeté aux marges de l’empire (Mongols, Tibétains, Japonais, Coréens, Vietnamiens). C’est le signe du plein rétablissement de l’empire sous les Song (960-1276), la preuve que la religion cohabite difficilement avec l’empire quand il est restauré dans la plénitude de son autorité. La religion suit l’empire quand il s’étiole, mais elle le gêne quand il est en pleine vigueur.

 

Les dogmes très ancrés dans l’Occident d’aujourd’hui (plutôt chez les élites dites intellectuelles que chez les autres d’ailleurs) et portant, pour le dire vite, sur une idéologie progressiste et humaniste à savoir : défense de la planète et des écosystèmes, rejet des discriminations, souhait d’une gouvernance mondiale renforcée... ces valeurs ne se retrouvent-elles que chez les mieux lotis du monde occidental, et sentez-vous de manière générale chez nos contemporains, une quête de sens aigüe qui serait largement partagée ? Et d’ailleurs, vous consacrez une réflexion intéressante aux jeunes, dont les idéaux d’aujourd’hui formeront sans doute le monde de demain. Quels idéaux croyez-vous percevoir chez les jeunes d’aujourd’hui, et sont-ils tout à fait les mêmes dans nos contrées et ailleurs ?

 

« La vraie différence qui s’affirme peu à peu entre

la Chine, l’Inde... et l’Occident, c’est qu’une large part

de nos élites et des jeunes générations éduquées

qui les écoutent et les suivent, ont abandonné le discours

national pour celui d’une religion post-impériale. »

 

Il est clair que les convictions de la jeunesse occidentale ne sont pas totalement partagées par ses homologues ailleurs. Les modes de vie, le nombre des enfants par famille, ce qui est capital, sont de plus en plus partout les mêmes. Mais en Inde ou en Chine, l’orgueil ‘national’ est beaucoup plus présent qu’en Occident, où il est politiquement suspect. ‘Make China Great Again’ serait approuvé sans état d’âme dans la jeunesse chinoise  ; aux États-Unis, ‘Make America Great Again’, c’est le slogan de Donald Trump, qui ne convainc qu’une partie de la jeunesse, et qu’une autre partie, sans doute majoritaire, rejette avec violence. En fait nos jeunes générations – et aussi beaucoup parmi les plus anciennes – ont adopté les valeurs religieuses nouvelles, et rejettent celles des États-nations, c’est-à-dire leur histoire faite de guerres, d’usage de la force en même temps que d’exaltation nationale. Nos sociétés, contrairement à une opinion commune, sont aujourd’hui à peine plus âgées que celles de la Chine ou de l’Inde  ; la vraie différence qui s’affirme peu à peu, c’est qu’une large part de nos élites et des jeunes générations éduquées qui les écoutent et les suivent, ont abandonné le discours national pour celui d’une religion post-impériale.

 

Question liée, logique inversée : des dogmes portant sur de hautes valeurs morales au détriment de l’action, ceux-là peuvent-ils constituer pour qui les porte un "soft power" efficace ? Et quelque part, la religion comme "traîne" des empires, cela veut-il dire en substance, que non contente de remplacer l’empire mourant, elle le prolonge en le réinventant ?

Tout à fait. La religion nouvelle assure aux centres du discours moralisateur et éthique que nous sommes en train de devenir une position de force et de domination pour ces 35 à 40% de l’humanité qui parlent nos langues européennes (anglais, espagnol, français et portugais pour l’essentiel, on peut y ajouter le russe) et partagent notre histoire, coloniale ou impériale, supposée criminelle, mais dont le discours religieux de la contrition a l’avantage de prolonger l’existence. La différence avec la Chine et l’Inde, comme on l’a dit, c’est qu’elles ont réellement regagné leur indépendance  ; l’Algérie ou le Cameroun, non. C’est à les maintenir dans une forme nouvelle de dépendance que sert l’enthousiasme auto-flagellateur de la nouvelle religion  : les maintenir avec nous, les dominer au moins par le discours ‘woke’ à défaut d’une autre domination désormais révolue. Oui, à mon sens, la religion nouvelle est une arme qui se substitue aux anciennes, un soft-power qui remplace le hard-power évanoui. L’espérance ‘woke’ de l’Occident, c’est que le général Massu ait définitivement perdu la guerre d’Algérie, mais que Sartre l’ait gagnée, ou que la pensée tiers-mondiste d’un Frantz Fanon s’impose de part et d’autre de la Méditerranée et refasse, dans une certaine mesure, l’unité de la France et de l’Algérie.

 

« L’espérance ‘woke’ de l’Occident, c’est que

le général Massu ait définitivement perdu la guerre

d’Algérie, mais que Sartre l’ait gagnée. »

 

Dans votre livre, il est écrit que les États-nations sont des empires avec un récit. Il y a une crise de récit, plutôt en Occident qu’ailleurs ? Et quand il y a crise de récit, cela rend les sociétés plus perméables aux récits vigoureux, de l’islam jusqu’au wokisme ?

Le récit ‘woke’ tiers-mondiste est le nouveau discours universel, religieux, de l’Occident. Il ne mord pratiquement pas en Asie et se heurte dans l’Islam à la reconquête culturelle des valeurs supposées de la religion musulmane – ce qu’on appelle l’islamisme. En Afrique en particulier, les deux discours, le ‘woke’ et l’islamisme, sont en conflit ouvert partout où il y a des musulmans, soit environ un tiers de l’Afrique subsaharienne. D’un côté le woke est porté par l’adoption des langues européennes -anglais, français, voire portugais au Mozambique ou en Guinée -Bissau-, de l’autre, une part croissante des populations musulmanes refuse ces langues et par conséquent ce récit de la repentance coloniale, au profit des valeurs et des langues supposées authentiques de l’Islam. On peut placer l’Algérie – mais pas vraiment le Maroc ni la Tunisie – dans ce même ensemble.

 

L’actuelle guerre que mène la Russie de Poutine contre son voisin ukrainien nous indique-t-elle que la Russie, comme bon nombre d’anciens espaces impériaux, conservent de l’Histoire et de son sens tragique une lecture et une conscience plus fines que notre Occident pacifié ?

Il ne fait pas de doute que la majorité des Russes et des Ukrainiens ne partagent pas l’universalisme néo-religieux de l’Occident. Ukraine comme Russie se ressentent comme des nations. Le but de la guerre d’Ukraine, pour Vladimir Poutine, c’est de récupérer autant de Russes qu’il le peut sur le territoire de l’Ukraine à l’est du Dniepr – où les russophones comptent pour 15 à 18 millions d’âmes, plus du tiers de la population de l’Ukraine. Ce sont des buts étroitement nationaux et territoriaux, contrairement aux analyses échevelées qu’on en fait en Occident. L’empire, avec l’universalisme de ses valeurs, c’est nous, l’Occident, bien sûr. L’empire, ou plutôt l’Église, car nous anathémisons et condamnons très fort, mais nous avons des moyens d’action beaucoup plus limités.

 

Les citoyens devraient-ils à votre sens, se saisir un peu plus d’une part de violence institutionnelle, en l’occurrence la violence défensive ?

C’est à peu près inévitable si le but est la préservation de la démocratie. En fait, la démocratie est historiquement inséparable du peuple en armes, à Athènes aux Ve-IVe s. avant notre ère, aux États-Unis ou en France à la fin du XVIIIe s. La démocratie est en fait, comme je l’écris, une conséquence de la situation de ‘Royaume Combattant’. Le combat implique la mobilisation populaire et la mobilisation populaire aboutit d’une manière ou d’une autre à la participation populaire à la décision politique – même parmi les tribus arabes du temps des conquêtes arabes aux VIIe-IXe siècles.

 

« La plupart de nos concitoyens ont perdu

jusqu’au sens du mot démocratie. Ils n’y voient

que les libertés individuelles et la

prospérité, et jamais le combat… »

 

Le problème pour nous et nos contemporains est  : voulons-nous vraiment la préservation de la démocratie  ? Préférons-nous vraiment ce qu’elle implique de responsabilités collectives et d’affrontements belliqueux le cas échéant à la paix de l’empire, à la vaticination de la paix des religions, qui nous offre en échange un peu de prospérité (l’empire) ou la satisfaction d’être du côté du bien (‘vous n’aurez pas ma haine’). Ce n’est pas évident. La plupart de nos concitoyens ont perdu jusqu’au sens du mot démocratie. Ils n’y voient que les libertés individuelles et la prospérité, et jamais le combat…

 

La religion a-t-elle toujours pour effet de ramollir les populations sédentarisées, en ce qu’elle serait porteuse d’un moralisme condamnant l’action, voire d’autoflagellations ? Ou bien est-ce encore une spécificité chrétienne, qui n’est pas valable notamment s’agissant de l’islam dont vous suggérez qu’il réconcilierait le dogme et l’action ?

La religion ne ‘ramollit’ pas les peuples. C’est parce que l’empire les a au contraire ‘ramollis’ que la religion émerge. C’est vrai au total des trois grandes religions, et l’islam ne fait pas exception. L’islam qui a vraiment triomphé, le sunnisme (aujourd’hui 85% des musulmans du monde) naît au IXe siècle avec la fin des ‘Royaumes Combattants’ de l’Islam, c’est-à-dire la fin des conquêtes arabes et le désarmement des Arabes, remplacés à la tête de l’État qu’ils ont fondé par des ‘Barbares’ venus d’Asie Centrale ou des steppes turques. Le sunnisme naît dans les masses urbaines, désarmées, et s’oppose aussitôt à l’autorité impériale. Il n’a jamais cessé de le faire. Il y a entre l’empire et la religion en Islam une querelle d’autant plus vive que la forme impériale a survécu jusqu’au XIXe siècle – contrairement à l’Occident – et que les domaines respectifs de l’État et de la religion, qui ne sont nullement confondus comme on l’a dit absurdement, n’ont cependant pas été délimités avec autant de rigueur qu’en Chine.

 

Les empires islamiques se sont déployés parmi les derniers, ils ont pu tirer des conclusions du destin des empires qui les ont précédés. Ce qui caractérise les espaces impériaux islamiques, n’est-ce pas au fond, la prédominance de l’islam dès leur création, en tant que religion mais aussi, en tant que code de lois ?

Il est vrai que l’empire islamique comme la religion musulmane vient tard dans l’histoire, presque un millénaire après la constitution des empires chinois et romain. Empire islamique et religion musulmane ont tiré exemple et bénéfice de l’expérience des empires qui avaient précédé sur les terres occupées par les invasions arabes – l’expérience de l’empire romain surtout. Bagdad atteint son apogée moins d’un siècle après sa fondation (762-vers 850) – il a fallu 5 à 6 siècles à la ville de Rome pour atteindre son propre apogée dans l’Antiquité. L’empire islamique se donne d’emblée pour tâche de traduire le patrimoine des vaincus, en particulier la science grecque. La religion musulmane sunnite hérite des moines byzantins la tradition d’affrontement avec le pouvoir impérial. L’islam est un code de Loi rigide d’abord pour empêcher le pouvoir politique de s’ingérer dans l’administration de la justice. Inversement, l’État impérial islamique, abbasside au Moyen-Age, ottoman et surtout moghol en Inde entre XVe et XVIIIe siècles, a pu compter sur d’imposantes minorités, ou de très larges majorités de sujets non-musulmans, qui lui ont permis de limiter l’influence politique des hommes de religion musulmans.

 

« L’islam est un code de Loi rigide d’abord

pour empêcher le pouvoir politique de s’ingérer

dans l’administration de la justice. »

 

Une question en aparté, que je ne peux pas ne pas vous poser parce que l’actualité de ces derniers jours (l’agression de Salman Rushdie sur la tête duquel une fatwa avait été émise par R. Khomeini) et de ces dernières années (les attentats commis au nom du Prophète) le commandent. Vous êtes de ceux qui connaissent le mieux l’histoire du monde islamique : peut-on dire de manière certaine qu’il a eu son temps des lumières ? Tandis qu’aujourd’hui, ceux de ses adeptes qu’on entend le plus sont souvent les plus violents, quelques bédouins fanatisés bousculant une masse de sédentaires pacifiques ? Et finalement, les textes étant flous, on se dit souvent de bonne foi qu’une interprétation en vaut une autre. Le problème de l’islam ne réside-il pas dans ce qu’il n’y a pas en son sein de hiérarchie claire, où une espèce de "pape" reconnu de tous pourrait dire : cet acte-là est contraire à la religion ?

Le temps des Lumières de l’Islam est récurrent, mais il correspond à des époques de pouvoir impérial fort, qui contient et limite la fermeture idéologique des oulémas et leur refus de toute expérience étrangère à la supposée tradition du Prophète. L’empire abbasside aux IXe-XIe siècles, l’empire moghol en Inde aux XVIe-XVIIIe siècles, en furent des exemples. Aujourd’hui, plus qu’un renouveau religieux, l’Islam vit un renouveau culturel qui passe par l’expulsion des langues et des valeurs occidentales. Les courants jihadistes en revanche reprennent le schéma des Royaumes Combattants. Ce sont des tentatives de conquêtes impériales menées, comme il se doit dans le schéma théorique d’Ibn Khaldûn, par des minorités ‘barbares’, marginales et fortement ethnicisées, comme les Pachtouns en Afghanistan et au Pakistan, ou les Peuls en Afrique subsaharienne. Les deux mouvements ne coïncident pas sociologiquement et démographiquement. La reconquête ‘culturelle’ vise les grandes majorités et se traduit par une assistance accrue à la prière ou le port le plus général possible du voile pour les femmes. Le jihadisme est le fait au contraire de minorités agissantes. Sa victoire, comme celle des Taliban en Afghanistan, ouvre aussitôt le conflit avec les majorités ‘civiles’, même acquises à l’islamisme antimoderne et antioccidental. Plutôt que l’absence d’Église et de Pape, la tradition islamique plaiderait plutôt pour la restauration d’un État fort pour s’opposer à ces mouvements ou les contrôler.

 

Vous avez étudié, dans un précédent ouvrage, l’affaissement et la chute des grands empires. Quels traits communs trouvez-vous à ces histoires particulières, et percevez-vous auprès de grands États pouvant actuellement prétendre à l’empire, ou agissant de manière impériale, ces mêmes signes de faiblesse ?

La manifestation extérieure la plus évidente de la chute des empires, c’est la crise financière. Et pour cause. Le mécanisme même de l’empire, la sédentarisation, tend à désarmer le peuple en armes du temps des Royaumes Combattants – les Macédoniens désarment les cités grecques, l’Empire désarme le peuple romain. La compensation de la liberté perdue, c’est la prospérité économique promise, et la libéralité de l’État à l’égard des anciens citoyens devenus sujets. Au-delà même, de génération en génération, la sédentarisation de l’empire lui fait préférer de plus en plus les solutions financières aux solutions militaires. L’empire vieillissant achète ses ennemis ou ses Barbares plutôt qu’il ne les combat. L’empire est pusillanime. Il achète sa paix parce qu’il ne sait plus l’imposer. Sans avoir connu à proprement parler l’étape impériale, nos États-nations répondent aujourd’hui à ce schéma. Ce sont des traits qu’on retrouve dans l’extrême prudence politique et militaire de l’Occident autrefois conquérant, aujourd’hui désarmé, pour l’essentiel depuis la fin des guerres d’Algérie (1962) et du Vietnam (1975). Comme les empires, l’Occident ne se bat plus que par supplétifs interposés (les Kurdes, les Ukrainiens, même si chacun de ces ‘supplétifs’ tient son combat pour national et sacré). Nos crises financières disent en fait la perte de l’esprit démocratique. En 1958, Albert Camus proposait une hausse des impôts et une politique d’austérité en France pour pouvoir investir en Algérie et y gagner la guerre. Quel dirigeant politique occidental oserait aujourd’hui combiner l’appel à la guerre et à l’austérité pour accomplir le destin national  ?

 

« En 1958, Albert Camus proposait une hausse

des impôts et une politique d’austérité en France

pour pouvoir investir en Algérie et y gagner la guerre.

Quel dirigeant politique occidental oserait aujourd’hui

combiner l’appel à la guerre et à l’austérité

pour accomplir le destin national ? »

 

Si l’on devait associer un adage aux bédouins que vous décrivez à la suite d’Ibn Khaldûn, ne serait-ce pas "l’avenir appartient aux audacieux" ? Qui sont les bédouins de 2022, les aventuriers, les gens aux idées tranchées ?

La caractéristique principale des mondes nouveaux qui créent des religions universelles après les empires, c’est la pérennisation de la division entre bédouins et sédentaires. Les religions rassemblent les sédentaires et imposent les valeurs des sédentaires  : la paix, l’universalisme, l’absence totale de violence, d’autant plus fortement proclamées que la religion et les sédentaires ne gouvernent pas. À l’inverse, les bédouins sont en charge de l’inéluctable violence, se battent pour le pouvoir, vivent et meurent pour des valeurs qui semblent vides de sens ou profondément archaïques aux sédentaires. Il y a donc deux systèmes de valeurs parallèles, l’un clairement affirmé par la religion, l’autre plus confusément vécu par les hommes de violence et de pouvoir.

 

« L’immense majorité communie dans les valeurs

de la paix, de l’écologie – il faut y ajouter l’antiracisme

en Occident. Des minorités – les banlieues, pas seulement -,

vivent d’autres valeurs, de conflit, de combat, d’ethnie

ou de race, de virilité. Cette dichotomie peut durer

des siècles, elle est faite pour durer. »

 

C’est cette dichotomie qui s’affirme aujourd’hui dans nos pays. L’immense majorité – sans doute de plus en plus partout dans le monde – communie dans les valeurs de la paix, de l’écologie – il faut y ajouter l’antiracisme en Occident. Des minorités – les banlieues, mais sans doute pas seulement -, vivent d’autres valeurs, de conflit, de combat, d’ethnie ou de race, de virilité. Cette dichotomie peut durer des siècles, elle est faite pour durer.

 

Que vous inspire-t-il, le monde de demain, comme historien et comme citoyen ?

Question intéressante parce qu’il y a une sorte de dichotomie entre les deux. L’historien voit la progression des pratiques impériales et surtout du discours religieux de l’impuissance politique, et donc le retrait des grandes majorités de l’arène politique. En gros notre démocratie est très malade, ou déjà condamnée, comme probablement les nations, en tous cas aux yeux de nos élites. Toute manifestation populaire est populisme. Le citoyen que je suis a du mal à s’y résigner. Il se sent du parti de Démosthène face à Philippe de Macédoine, même s’il ne se fait pas d’illusion sur la capacité de la nation et de la démocratie à résister au rouleau compresseur que nous appelons ‘mondialiste’, et qui est en fait le credo du désir d’empire de nos élites, mais au-delà, de l’impuissance assumée, consacrée, de la nouvelle religion.

 

Qu’est-ce qui finalement, dans votre parcours d’études et de vie, vous a incité à vous spécialiser dans l’histoire de l’Islam ?  Vos projets et surtout, vos envies pour la suite, Gabriel Martinez-Gros ?

Soyons honnêtes. Ma naissance en Algérie a sans doute joué un rôle décisif dans mes choix de recherche, même si j’ai longtemps refusé d’aborder de front ce sujet douloureux, même si je me suis d’abord dirigé vers la Grèce antique, c’est-à-dire la quintessence supposée de l’Occident. Aujourd’hui, après ce livre, je crois que j’aimerais revenir vers l’Algérie, parce que je suis personnellement attaché à cette histoire, mais aussi parce qu’il s’y est noué une part décisive de notre histoire encore actuelle, c’est-à-dire le tiers-mondisme, cette relation ambigüe et délétère entre colonisateur et colonisé qui ne veulent pas se quitter  ; où l’ancien colonisé trouve son identité dans la guerre qu’il continue contre son ancien colonisateur. C’est ce schéma du tiers-mondisme qui inspire encore aujourd’hui la culture woke.

 

Justement, sur quelles bases devrait-on construire, de part et d’autre, une relation nouvelle, apaisée et plus saine, entre la France et l'Algérie pour, en quelque sorte, mettre fin pour de bon à la guerre d'Algérie ?

Rien en vue de ce côté-là. Comme je l’explique à propos du tiers-mondisme, dont la culture woke est le dernier avatar, dans le vaste espace de l’Occident - Europe, Amériques, Afrique non-musulmane – la relation tiers-mondiste est le lien indispensable. Elle passe par l’insulte d’un côté, la repentance de l’autre. C’est ce qui permet de rester ensemble, de continuer à faire partie d’un même monde, auquel la Chine, l’Inde, l’Islam participent de moins en moins. Macron va se faire insulter à Alger, et il salue. C’est dans l’ordre – n’y voyez aucune ironie. Le seul problème est qu’en principe l’Algérie est un pays musulman, mais elle s’accroche au tiers-mondisme, et en particulier à la relation frelatée avec la France, là où le reste du monde musulman s’engage dans la reconquête de valeurs islamiques, voire islamistes. On pourrait dire froidement, presque cyniquement, que la seule manière de sortir avec l’Algérie de cette relation frelatée, ce serait une victoire islamiste en Algérie. Mais ce n’est guère souhaitable pour la majorité des Algériens… 

 

Gabriel Martinez-Gros

Gabriel Martinez-Gros. Crédit photo : Hannah Assouline.

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

31 octobre 2023

Benoît Cachin : « On reconnaîtra les talents d'autrice de Mylène Farmer quand elle ne sera plus là »

Comment ça, consacrer un article à Mylène Farmer un jour d’Halloween c’est grossièrement cliché ? Pour votre gouverne, sachez, puisqu’on l’a écrit dans des médias bien informés, qu’elle dort dans un cercueil, que les chauves-souris sont ses amies, et toc !

Mylène Farmer, je l’ai redécouverte un peu par hasard, en avril dernier. J’avais reçu, comme parfois cela arrive, une bio d’elle signée par Alain Wodrascka. Parfois je reçois des livres qui me tentent moyen, souvent parce que l’artiste en question m’inspire moyen. Elle c’était entre deux. Le phénomène m’intriguait, et ma soeur l’aimait beaucoup plus jeune. J’ai lu le livre, qui m’a intéressé, beaucoup. Pour illustrer j’ai visualisé un concert que j’avais trouvé à bas prix, Avant que l’ombre, daté de 2006. Et là, ça a été la claque. Le professionnalisme, la qualité des shows, des musiques, mais aussi cette ferveur qui s’en dégageait. Et aussi les textes, finement écrits, riches et aux références fouillées. J’avais sans doute en tête, avant de lire ça, que Laurent Boutonnat en avait écrit la plupart. En fait, elle est de très loin la première auteure (l’interviewé du jour dit "autrice", je préfère "auteure") de son œuvre - avec certes Boutonnat à la musique. Il y a donc eu cette première interview sur Mylène Farmer le 1er mai dernier, avec Alain Wodrascka donc. Le mois suivant, un long échange avec Jean-Claude Dequéant, le compositeur de Libertine, ce tube qui a tant fait parler et qui continue.

Quand j’ai vu passer, dans les parutions à venir, l’édition augmentée du livre de l’auteur et journaliste Benoît Cachin - Mylène Farmer : 1984-2024, ses plus grands succès (Gründ, octobre 2023) - sur les singles de Mylène Farmer, je l’ai lu et ai sollicité une interview avec l’auteur. L’ouvrage est somptueusement illustré et fourmille de détails et d’analyses qui éclairent sur la disco de Mylène Farmer, sur chacun de ses albums et chacun de ses succès : il comblera à coup sûr tous les fans, et tous les curieux de celle qui l’an prochain, fêtera ses 40 ans non pas de carrière, mais de succès. L’interview, plus d’une heure d’échange au téléphone, retranscrite ici au plus près de ce qui a été dit, s’est faite le 26 octobre, je remercie Benoît Cachin pour sa confiance.

Trois articles, une trilogie qui, en six mois bouclerait une boucle ? Pour ce qui me concerne, j’ai encore beaucoup à apprendre de la carrière de Mylène Farmer (l’après 2006 je connais bien peu), carrière qui ne cesse je dois le confesser d’exercer chez moi, depuis peu donc, une forme de fascination. Et une trilogie c’est souvent fait pour avoir des suites. M. Boutonnat, vous savez comment me contacter. Quant à vous Mylène, une interview c’est où et quand vous voulez !

Pour conclure avant de laisser place à l’entrevue, et puisqu’il est question de succès de Mylène Farmer, j’ai envie, avant de laisser la part belle à ceux que cite Benoît Cachin et que j’ai choisi d’illustrer largement au fil de l’article, de vous en présenter trois, pas ultra connus du grand public, mais qui comptent parmi mes préférés, histoire de... la faire mieux découvrir, ou redécouvrir autrement : Je t’aime mélancolie, plus haut, Beyond my control, et Avant que l’ombre... version 2006, un truc incroyable. Enjoy ! Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Benoît Cachin : « On reconnaîtra

les talents d’autrice de Mylène Farmer

quand elle ne sera plus là »

Mylène Farmer B

Mylène Farmer : 1984-2024, ses plus grands succès (Gründ, octobre 2023)

 

 

Benoît Cachin bonjour. Dans les remerciements de votre livre vous dites aimer et suivre Mylène Farmer depuis 1984, ses tout débuts donc. Vous souvenez-vous de cette découverte, et sincèrement vous êtes-vous dit à l’époque, dès Maman a tort, avant Libertine, cette artiste-là a quelque chose de particulier, elle durera ?

Je l’ai découverte à son Champs-Élysées, sur Antenne 2 à l’époque, en 1984. Ça devait être une de ses premières télés, peut-être sa première en prime time. Maman a tort venait tout juste de sortir. Effectivement, quand je l’ai vu chanter ce truc-là chez Drucker, j’ai été intrigué. Évidemment je ne savais pas à ce moment-là si elle allait devenir une grande star, ou être un feu de paille comme il y en a eu énormément dans les années 80. Mais j’ai tout de suite été séduit par son personnage chantant une petite comptine qui avait l’air innocente, mais ça l’était beaucoup moins qu’il n’y paraissait. Je suis allé chez le disquaire et je l’ai acheté, très tôt d’ailleurs puisque j’ai acquis la première pochette, celle en noir et blanc - il y en a une deuxième. J’ai tout de suite aimé, après, est-ce que j’ai perçu ce qu’elle allait devenir, sûrement pas - en plus, j’étais très jeune. Mais séduit certainement, et je n’ai jamais été déçu par la suite...

 

Au passage je vous souhaite d’avoir gardé ce 45 tours !

Je l’ai ! La face B était l’instrumentale. À l’époque, comme j’étais très jeune, j’ai dû la mettre pour chanter. Me connaissant j’ai certainement chanté sur Maman a tort.

 

Et ensuite ?

Après, je ne l’ai plus écoutée. Je suis passé totalement à côté de On est tous des imbéciles, que j’ai vue un peu à la télé mais qui ne me plaisait pas du tout. Même Plus grandir, j’avais dû trouver le clip sympa mais comme ça n’avait pas été un tube, sans plus. Beaucoup de gens sont passés à côté de ces deux titres. Je me suis remis à écouter Mylène à partir de Libertine. Et à partir de ce moment je n’ai plus arrêté de l’écouter !

 

  

Comment qualifieriez-vous sa relation artistique avec Laurent Boutonnat ? Une complémentarité certaine, voire mieux une forme de gémellité ?

On peut parler je crois d’une alchime parfaite entre paroles et musique, entre musique et paroles. Ils se répondent. Les musiques de Boutonnat habillent merveilleusement bien les paroles de Mylène, qui elle sait mettre sur la musique de Boutonnat des paroles qui claquent. Je ne sais pas si c’est de la gémellité, mais ils sont en tout cas parfaitement complémentaires. Il y a quelques exemples dans la chanson, de couples parfaitement complémentaires, mais eux sont je pense le meilleur exemple d’une harmonie artistique entre deux personnes. Disons tout de suite que ça n’a pas toujours été le cas, et qu’ils ont à mon avis bien fait d’arrêter de travailler ensemble. À la fin, c’était trop une redite de ce qu’ils avaient fait dans les années 1980, 90, et c’est très bien que Mylène soit allée voir de jeunes producteurs et compositeurs. Mais on parle clairement là d’un couple qui survole ces années 80-90, c’est assez fou le nombre de tubes qu’ils ont créés à deux...

 

 

L’imagerie gothique, présente de ses débuts jusqu’à sa dernière tournée, la valse sans fin d’Éros et de Thanatos, et toutes les thématiques récurrentes de son oeuvre, ce sont des choix artistiques calculés ou vraiment le reflet de ses préoccupations profondes ?

Comme c’est elle qui écrit, je pense vraiment que ce sont ses préoccupations profondes. Mais songez qu’au début elle n’est pas du tout gothique. C’est plutôt Jeanne Mas qui, au début des années 80, était vraiment taxée de gothique, aux côtés de The Cure, d’Indochine, etc... Mylène pas du tout, elle était très flamboyante, avec son personnage de Libertine. Sans contrefaçon non plus n’est pas gothique. C’est vraiment son premier spectacle en 1989 (je l’ai vu au Palais des Sports à Paris) qui va installer cette image, avec évidemment Ainsi soit-je, Allan... À partir de ce moment on a commencé à dire qu’elle était gothique, avec l’image du cimetière, on la dit sortant d’une tombe, suçant le sang, mangeant des chauve-souris ou je ne sais quoi... (Rires) Avant 89 elle n’est pas gothique. Et ensuite elle va s’en détacher très vite.  Mais ça lui a beaucoup collé à la peau. Dans ses concerts, ça n’est pas tellement gothique, hormis donc 89, et le dernier, Nevermore, où sont faits de gros clins d’oeil à Edgar Allan Poe, à cette imagerie qu’elle aime...

Pour vous répondre, je ne pense pas du tout que ce soit fabriqué. C’est vraiment elle, avec ses références littéraires : Baudelaire, Poe, beaucoup d’autres. On ne peut pas se forcer pendant des années, c’est impossible. Sur un titre, deux titres, un album peut-être, certainement pas sur 40 ans de carrière. Il faut avoir en tête que dès les années 90, Mylène, même si elle avait décidé d’arrêter de chanter, aurait été beaucoup plus riche que vous et moi. Elle n’avait pas besoin de continuer pour être riche. Donc je pense que ça lui correspond parfaitement. Elle l’a encore prouvé avec le dernier album. C’est bien sa nature profonde et c’est tant mieux.

 

Pas de doute là-dessus. Je précise que lorsque je faisais référence à ses débuts je songeais plutôt à l’album de 1988, le premier dont elle a largement écrit les textes...

Vous avez raison. Mais je pense que même sur les premiers textes, notamment des chansons ultra-rares comme L’Annonciation, de Boutonnat, ou Vieux Bouc, pas écrites par elle donc, elle a été en totale adéquation avec les paroles. Vu le tempérament de Mylène... Songez qu’en plus ils ont commencé ensemble avec Boutonnat, aucun des deux n’était connu. Ce n’est pas comme si elle avait été mise dans le giron d’un Serge Gainsbourg, bref de quelqu’un de très connu qui l’aurait casée dans le registre du gothique. Rien de tout cela : si elle a chanté de tels titres c’est bien que ça lui correspondait. Il faut avoir en tête aussi que le premier spectacle, c’est elle qui l’a conçu entièrement. Cet aspect gothique, quand je l’avais interviewée pour Têtu, elle m’avait dit : "C’est une de mes facettes". Encore une fois, les gens ont beaucoup cette image en tête, mais quand on voit ses spectacles, ils ne sont pas du tout tristes. Je lui avais demandé si ça ne l’embêtait pas qu’on retienne souvent cela, elle m’avait dit que non, que ça faisait aussi partie d’elle. Le moment gothique ne durera peut-être que 10 minutes sur un show, contre 45 d’uptempo dansant, mais peu importe que certains ne retiennent que ça, parce que ça lui correspond aussi. Elle assume complètement.

 

Et comme vous dites, cette imagerie est très présente dans le dernier spectacle, un peu comme un retour aux sources...

Exactement.

 

Le succès de Mylène Farmer est-il indissociable de l’impact considérable de ses clips ultra ambitieux signés Laurent Boutonnat ? Aurait-elle "marché" aussi bien sans ces grands spectacles aux visuels morbides et érotiques ?

Ah... C’est une bonne question. On ne peut pas savoir, c’est impossible. Je crois qu’un artiste quel qu’il soit, pas simplement Mylène, se crée un univers, et c’est cet univers qu’on aime. Si on n’aime qu’une chanson de lui, alors il ne fait qu’un succès et ensuite disparaît. Dès lors qu’un artiste dure dix, vingt, trente ou quarante ans, c’est bien parce qu’il a réussi à créer quelque chose. Alors oui, on parle souvent de Libertine, c’est ce titre qui lui aurait permis d’exploser auprès du grand public, c’est vrai. Mais on ne peut pas dire que toute sa carrière a tenu grâce au clip de Libertine, sinon ça se serait arrêté dès 87. C’était étonnant forcément. Comme je vous l’ai dit, c’est avec Libertine que j’ai raccroché les wagons, j’avais trouvé ça génial. C’était très nouveau pour l’époque. Seul Michael Jackson était capable de faire des clips aussi élaborés. Les clips ont fait partie de sa notoriété, tout comme ses spectacles. Elle n’est pas la première à avoir fait des shows spectaculaires en France, il y en a eu d’autres et notamment Sylvie Vartan qui, dès 1970, bien avant Mylène donc, remplissait d’aussi grandes salles. Ce côté grandiose de ses spectacles a forcément participé de son succès. Tout comme son côté sulfureux, Éros et Thanatos... un mélange qui a séduit, un tout. Mylène s’est créé un vrai univers au sein duquel elle navigue, parfois plus lumineuse, parfois plus dark, parfois du sexe, parfois pas du tout, etc. Cet univers est à son image. C’est la raison non pas de son succès, mais certainement de sa longévité : elle a un univers à elle et elle le garde.

 

Donc Libertine a un peu "rallumé son étoile", mais elle n’a plus eu besoin de cela ensuite.

Oui. Même si elle était encore une artiste en devenir. Libertine était un peu vue comme une dernière chance, ça a été un succès, mais elle n’avait que deux ans de carrière derrière elle, ça ne faisait pas vingt ans qu’elle ramait, et elle avait toujours une maison de disque. Je pense que maintenant ça ne serait plus possible, je suis même quasiment sûr qu’elle n’aurait plus eu de maison de disque après les échecs qui ont précédé Libertine. Il y a certes d’autres façons aujourd’hui de percer que dans les années 80, via les réseaux sociaux en particulier. Bon, il faut quand même avoir en tête qu’elle a été virée de RCA, signe que la maison de disque n’y croyait pas tellement. Je pense d’ailleurs que celui qui l’a virée de RCA a dû se retrouver au chômage après 86 (rire), et celui qui l’a embauchée chez Universal a lui dû en revanche prendre du galon. Libertine ça a vraiment été son premier tube, Maman a tort n’en a pas vraiment été un. Je me souviens de l’époque, ce qui marchait c’était Jeanne Mas, elle était numéro 1 bien devant Mylène Farmer. En termes de ventes, de radios, de passages télé, d’hystérie des fans... Mylène à côté...

 

Intéressante perspective, quand on voit la suite.

Jeanne Mas s’est enfermée dans un truc, elle s’est crue "arrivée", alors que quand on est artiste, on n’est jamais arrivé.

 

La coloration de son oeuvre a pris au fil des années une coloration de plus en plus optimiste, ou en tout cas de moins en moins pessimiste, moins de noirceur, davantage de lumière. Peut-on associer cela à des changements dans sa vie, et notamment à une plus grande ouverture aux autres, notamment après toutes ces années d’un duo sans doute étouffant avec Laurent Boutonnat ?

Je trouve que son univers reste vraiment le même. Son dernier album, L’Emprise, notamment dans les textes, est quand même bien dark. Et ça a toujours été ainsi. Alors dans le détail, peut-être que Désobéissance, c’est un peu moins triste. Interstellaires aussi. Mais elle a toujours eu dans ses albums des chansons uptempo pour danser et des ballades très farmériennes. L’album Bleu noir n’est pas très gai non plus, la chanson titre au premier chef...

 

La question porte peut-être davantage sur son état d’esprit général, sur comment elle voit la vie...

Là je ne sais pas, ce serait peut-être intéressant de lui poser la question à elle ! Si au fil de sa carrière elle a eu l’impression, elle, de s’ouvrir de plus en plus. Appelez-la, Nicolas ! (Rires)

 

J’aimerais bien avoir son numéro ! (Rire)

Vous n’êtes pas le seul. Mais effectivement on touche là à une question trop personnelle. Je ne suis ni son psychanalyste ni son porte-parole. Si je me base simplement sur ses albums, je peux dire qu’ils sont tous dans la même veine, à part peut-être Point de suture, et encore, Point de suture, ça n’est pas très gai comme chanson.

 

 

J’ai le sentiment, mais je me trompe peut-être, qu’après l’ère Boutonnat, à partir des années 2000, sa musique a gagné en diversité (électro, etc...), peut-être en simplicité (clips moins ambitieux) mais qu’elle a perdu en popularité. Pas sûr que le grand public puisse citer un grand succès d’elle depuis C’est une belle journée ? Quel regard portez-vous sur l’après Boutonnat ?

Fuck them all a quand même bien marché. Slipping away avec Moby aussi. Mais vous avez raison effectivement, peut-être qu’à partir de Point de suture, de Dégénération... Hormis Oui mais... non qui a bien marché... Après, c’est aussi l’époque qui veut ça. À partir du milieu des années 2000, il y a de moins en moins de singles qui sortent, et c’est assez proportionnel à l’ampleur que va prendre le MP3, et aujourd’hui le streaming. Est-ce que les gens écoutent encore des singles, je n’en suis pas tellement sûr ? Auparavant on achetait des CD 2 titres, et moi qui suis encore plus vieux, j’ai connu les 45 tours ! Il n’y avait pas tellement d’autres façons d’écouter une chanson. Maintenant, les jeunes ne sont plus du tout singles, ils ne réfléchissent plus du tout comme ça, ils écoutent les chansons qu’ils aiment, point. Les clips font maintenant un peu office de single, mais c’est dur aujourd’hui d’avoir un single qui fonctionne. Et il faut avoir à l’esprit que Mylène n’a plus 20 ans, même si les fans détestent qu’on le rappelle : elle a 62 ans aujourd’hui, et les jeunes écoutent autre chose que Mylène Farmer. Et comme ce sont eux qui font le marché de la musique, et non pas les vieux, ils ne se ruent pas sur elle. Alors, il y a des jeunes qui l’adorent, sinon elle ne remplirait pas le Stade de France, mais faites un sondage sur des gens de 15 ans, vous verrez que beaucoup vous demanderont de qui on parle...

 

 

Pour compléter ce que je disais, je dirais que justement, les jeunes de 15 ans connaissent peut-être davantage d’elle Libertine ou Désenchantée que les succès plus récents ?

C’est un autre problème, celui des jeunes qui sont plus nostalgiques que les gens qui ont connu l’époque. Moi qui ai connu les années 80, je déteste quand, dans une soirée, on passe des chansons de ces années. Je les ai vécues et je n’ai pas envie de les revivre, je préfère vivre 2023. Les jeunes sont beaucoup dans le passé de leurs parents, ça m’épate assez quand je les vois écouter du Michel Sardou, ou Libertine, d’ailleurs j’étais à une soirée récemment, justement ils l’ont passée. J’aurais préféré qu’ils mettent Rayon vertRallumer les étoiles, ou à Tout jamais. Vous avez parfaitement raison sur le point que vous soulevez, mais ce n’est pas un phénomène propre à Mylène Farmer : c’est le problème d’une génération, entre ceux qui n’écoutent que du rap, et ceux qui sont plus pop, mais qui souvent se tournent vers la pop de leurs parents, typiquement les années 80. Moi quand j’étais jeune, il était hors de question que j’écoute ce qu’écoutaient mes parents ! Moi j’écoutais les années 80, mais au bon moment. J’ai horreur de la nostalgie : le côté "c’était mieux avant", "tout fout le camp", je trouve que c’est une connerie sans nom mais c’est un autre sujet. Donc ça n’est pas propre à Mylène Farmer. Beaucoup de jeunes sont tournés vers le passé. Ajoutez à cela une industrie du disque qui est compliquée, donc il y a moins de tubes. Et Mylène vieillissante, il ne faut pas se voiler la face. Les jeunes vont plus écouter Angèle, Zaho de Sagazan dernièrement, ou Aya Nakamura que Mylène Farmer... C’est normal : quand on est jeune on a envie d’écouter des jeunes. Moi à 15 ans, je n’écoutais pas Édith Piaf. C’est un peu la même chose.

 

 

Effectivement ça se défend. De manière générale, est-ce qu’il y a à votre avis dans la carrière de Mylène Farmer des périodes plus creuses que d’autres qualitativement parlant ? Elle a toujours su se renouveler ?

Des creux, franchement je ne trouve pas. Mais réellement, il était tant que ça s’arrête, avec Boutonnat. Pour moi, l’album le plus faible, c’est Monkey Me. Même si on y trouve des chansons que j’aime bien, entre autre, Monkey me que j’adore. Mais franchement, Nuit d’hiver comme clin d’oeil à Chloé, c’était raté. Autant qu’elle réenregistre Chloé à la limité, ça aurait été plus intéressant. Après, Interstellaires, Désobéissance, et L’Emprise, moi je trouve que ce sont de bons albums, et c’est bien encore une fois d’être allée chercher d’autres producteurs et compositeurs. Bleu noir aussi, c’était bien, moi j’adore Archive avec qui elle l’a fait, alors j’étais content. Mais quand on écoute Monkey me, il n’y a pas de quoi rougir non plus, certains fans exagèrent parfois un peu : ça n’est pas nul. C’était leur dernier album, comme un vieux couple qui se séparait et qui allait arrêter une belle histoire. Au bon moment. Là c’est bien. Après on n’est pas à l’abri d’une surprise ? Mais a priori je ne pense pas, je crois que lui travaille sur un long-métrage, et vu ce qu’il a balancé au Parisien récemment, lors d’une rare longue interview, je pense que ça n’a pas contribué à les rapprocher. Je les crois en froid, je ne sais même pas s’il est allé voir le dernier spectacle, Boutonnat. S’il y avait été, les fans, qui sont à l’affût de tout, l’auraient signalé. Le Stade de France a été reporté, mais il aurait pu aller à Nice, je l’ai bien fait ! (Rire)

 

Justement, en parlant de ses fans, quel regard portez-vous sur son rapport si particulier avec son public, notamment lors de ces shows qui ressemblent moins au sage récital qu’à une forme de messe ? Entre elle et eux c’est quoi, une communion, une forme de lien sacré ?

Avec les fans vous voulez dire ? Parce qu’il y a plusieurs publics. Avec son public de fans bien sûr, ils attendent, c’est une communion. Ils s’investissent beaucoup, ils s’effondrent en larmes dès qu’elle entre sur scène... Moi je pense que quand on n’est pas bien à un moment dans sa vie, quand on est triste, quand on a des problèmes, on se raccroche, j’avais envie de dire "à une étoile" mais c’est un peu ça. Là, c’est ce raccrocher à quelqu’un. Pour certains ça va être à un footballeur, pour d’autres un acteur, pour d’autres encore c’est Mylène Farmer. De nombreux fans la voient comme si elle chantait à leur oreille, c’est beau comme relation, tant que ça ne devient pas malsain. Tant que ça n’empêche pas de vivre. Là ce serait un peu triste, de ne pas vivre sa vie ou de la vivre par procuration, en s’imaginant être l’ami de Mylène Farmer. Mais avoir une relation quasi mystique, un peu comme dans une messe, ça ne me choque pas, si les vies des uns et des autres sont équilibrées par ailleurs. Moi je suis un fan depuis tout petit, pas de Mylène bien évidemment, c’est venu plus tard, mais je sais que ça m’a aidé durant des périodes compliquées de ma vie d’avoir des artistes auxquels me raccrocher, de me passer une chanson en imaginant qu’elle a été écrite pour moi. Parfois ça aide à tenir, et je trouve ça beau. Là encore ça n’est pas propre à Mylène Farmer. Mais on voit lors de chacun de ses concerts à quel point le lien est fort avec ses fans. Ce qui est étonnant avec elle par rapport à d’autres, c’est vraiment la ferveur de ses fans. À part Johnny, pas grand monde n’a connu ça en France...

 

Effectivement c’est quelque chose qui peut être réconfortant. Juste, quand on est un peu déprimé, mieux vaut éviter d’écouter Jardin de Vienne dans le noir...

(Rire) Ou Je voudrais tant que tu comprennes. Oui il y a des chansons qu’il vaut mieux... Quoique, quand on est déprimé, on aime écouter des chansons tristes en général. Ça fait du bien, on pleure, et après ça va mieux. Quand ça en reste là... ça va. Parfois ça fait du bien de pleurer...

 

 

Je reviens un peu plus sur le sujet de votre livre, à savoir son répertoire. C’est compliqué sincèrement de chercher à décortiquer le sens des textes de Mylène Farmer ? Vous le dites à plusieurs reprises dans l’ouvrage, ils sont souvent difficiles à saisir, abscons, et elle, en tant qu’auteure, ne veut pas les expliquer. D’ailleurs faut-il toujours chercher à expliquer des paroles de chanson ?

Pas du tout. D’ailleurs je n’essaie pas de les expliquer mais plutôt de donner des clés, je préfère largement ça. Vous savez, dans une chanson, c’est souvent une émotion. Vous avez raison, c’est comme pour un poème, surréaliste par exemple, est-ce qu’on a besoin de comprendre absolument ce que voulaient dire Appollinaire, André Breton ou Paul Éluard ? Non, ça vous crée une émotion. Moi ce que j’essaie de faire avec ce livre, c’est encore une fois d’essayer de donner des clés aux gens : "ici elle s’est inspirée de Pierre Reverdy..." Le but c’est que les gens aillent voir, prolonger. Quelqu’un qui aime Rêver va comprendre qu’il y a beaucoup de Reverdy là-dedans, ça pourra l’inciter à se renseigner sur lui, sur ce qu’il a fait, aller voir ses poèmes et prendre le risque de trouver ça beau...

Même quand je donne des clés, je prends beaucoup de pincettes, je me borne à dire qu’elle semble vouloir dire ou évoquer telle ou telle chose, j’essaie de prendre des verbes qui ne soient pas trop tranchés. D’ailleurs les fans de Mylène Farmer ne sont pas débiles, ils n’ont pas besoin de moi pour comprendre les paroles. Cela dit, comme j’ai fait des études littéraires, c’est peut-être plus facile pour moi d’aller chercher des références, j’ai plus de temps et c’est mon métier... Regardez, ici ça peut faire penser au Petit Prince, là à Boris Vian... Mais les gens n’ont pas besoin de moi pour expliquer, il ne faut pas prendre les lecteurs pour des imbéciles. On a souvent pris les fans de Mylène Farmer pour des imbéciles, j’ai horreur de ça. J’ai souvent eu l’occasion, à la télévision, où on est souvent coupé, ou à la radio, où là je l’ai fait en direct plusieurs fois, d’expliquer que les fans de Mylène Farmer ne sont pas du tout des hystériques sans cervelle qui achèteraient tout les yeux fermés sans rien comprendre. C’est faux. Il y a de tout parmi son public. Dans un Stade de France il n’y a pas que des fans. J’y suis allé moi-même avec des gens qui ne sont pas des fans de Mylène Farmer, mais qui adorent ses spectacles : ils vont la voir sur scène tous les quatre, cinq ans, sans jamais acheter aucun disque. Ils viennent voir un show. Donc oui, le public de Mylène est complexe, et pour certain d’entre eux tout cela est très important, il y a un vrai lien avec elle.

 

 

D’ailleurs parmi ses textes, est-ce qu’il y en a qui restent impénétrables pour vous ?

(Il réfléchit) Oui... Pour moi, L’Âme-stram-gram, c’est dur. J’ai cru, sans le mettre dans le livre d’ailleurs, pour n’avoir rien trouvé de concluant, qu’il y avait une référence au marquis de Sade. C’est très sexuel, et c’est un bon exemple cette chanson, parce qu’on perçoit tous que c’est très sexuel, quand on l’écoute, quand on lit les paroles. Il est question de dard, de pénétration... mais ça n’est jamais vraiment clair. J’avais cru trouver une référence qui pourrait la raccrocher au marquis de Sade, je ne désespère pas... Je pense aussi, à propos des textes plus compliqués, à ceux de Avant que l’ombre... Mais en général c’est assez clair. Pas mal de gens disent qu’ils ne comprennent rien à ce qu’elle dit, c’est souvent parce qu’ils n’écoutent pas, et en plus Mylène a une particularité c’est que dans ses uptempos elle emploie beaucoup d’onomatopées, elle fait des "oh !", des "ah !", pour faire un petit clin d’oeil à une chanson. Notamment dans Dégénération. C’est bien d’ailleurs, c’est très efficace sur les uptempos, un peu à l’anglo-saxonne.

Je pense encore à une autre chanson qui fait appel à une formule magique et que j’ai essayé de décoder... (Il cherche le titre en question). Je sais que c’est dans Innamoramento... peut-être l’album dans lequel il y a les titres les plus compliqués d’ailleurs... Méfie-toi ! Un texte abscons, que j’aurais bien du mal à décrypter de façon certaine. Il y est fait référence au bouddhisme, et plus précisément au livre tibétain de la vie et de la mort. Mais c’est très compliqué, elle y parle des lames du Tarot alchimique... C’est très mystique. Méfie-toi oui, j’aimerais bien qu’elle me l’explique un jour. Et L’Âme-stram-gram donc. Ses deux plus compliquées pour moi. Sinon, pour le reste, quand on lit les paroles on comprend...

 

 

Avez-vous le sentiment justement qu’on néglige Mylène Farmer en tant qu’auteure : elle a quand même écrit la grande majorité de ses textes depuis plus de 35 ans, et nombre d’entre eux sont à la fois efficaces et assez remarquables pour leurs qualités littéraires. Est-elle à votre avis une espèce de poète, elle qui les aime tant (nous évoquions Pierre Reverdy, parmi d’autres) ?

Elle n’a clairement pas la reconnaissance d’une Barbara par exemple, qui elle est très reconnue pour ses textes. Je pense que ça viendra. Sûrement quand elle sera morte. On dira : "en fait, c’était une putain d’autrice, pour écrire comme ça des tubes à la pelle, avec des textes qui tiennent la route". Vous avez raison, on met toujours en avant les musiques qui sont efficaces, mais il n’y a pas que les musiques. "Tout est chaos... à côté", il fallait trouver cette formule, une belle allitération. Une bonne chanson, c’est l’alchimie des paroles et de la musique.

 

 

Oui... Pourvu qu’elles soient douces aussi, c’est un super texte...

Tout à fait. Et il fallait le faire, une chanson sur la sodomie sans que ce soit vulgaire...

 

C’est une belle journée...

Oui, sur le suicide... Voilà. Elle a vraiment un talent d’autrice certain. Elle sera reconnue plus tard. Elle n’a jamais voulu publier ses textes non plus. Il a été question, un moment, que ses textes soient publiés chez Flammarion, elle a refusé. Là ça aurait été une façon, justement, de lire comme des poèmes ses chansons.

 

 

Mais effectivement, quand on se prend à la lire vraiment, on se dit que c’est quand même assez remarquable. Quel regard portez-vous justement sur l’évolution dans son écriture entre disons, les albums Ainsi soit-je (1988) et L’Emprise (2022) ?

Je dirais qu’il y a parfois des textes qui sont un peu plus faibles, maintenant... Elle a donné beaucoup au début. C’est plutôt normal cette évolution, ce n’est pas méchant ce que je dis, mais je pense que tous les artistes connaissent un peu ça, au début ils sont très inspirés, et puis la source se tarit. Pas complètement, je ne suis pas en train de dire que c’est nul, ses paroles ! Mais je pense que ses plus beaux textes, on les trouve au début de sa carrière. Ainsi soit-je c’est magnifiquement écrit. Il fallait la trouver, la formule ! Redonne-moi c’est très beau aussi. Globalement je dirais que c’est durant les dix dernières années qu’on a pu trouver, pas tout le temps mais parfois, des choses plus faibles... Mais encore une fois, c’est normal. Et moi j’aimerais bien écrire comme elle, il n’y a pas de souci, même la version 2023 ! Forcément, on compare, c’est logique aussi. Même une chanson comme Agnus Dei... elle ne l’a jamais chanté sur scène, je l’ai toujours regretté parce que je l’adore.

 

 

On peut penser d’ailleurs, et je crois que vous le dites dans le livre, que ses albums Ainsi soit-je (1988) et L’Autre (1991) sont ses deux meilleurs.

Oh, oui... Il y a tout là-dedans... Rien n’est à jeter. Je sais qu’énormément de gens adorent aussi Anamorphosée (1995) et Innamoramento (1999), deux très bons albums largement plébiscités par son public. California il fallait l’écrire celle-là aussi, elle est vraiment magnifique. Même chose pour Innamoramento, pas facile d’écrire ça... Ou Souviens-toi du jour, elle y parle quand même de la Shoah... On va mettre ces quatre albums, là c’est vraiment le top du top.

 

 

Je pousserais jusqu’à C’est une belle journée (2001).

Jusqu’aux Mots, oui. C’est une belle journée, j’adore c’est vrai. Pardonne-moi aussi, parmi les inédites de cette compilation. Je n’aime pas la chanson Les Mots en revanche. Mais je n’aime pas les duos. J’aime encore moins N’oublie pas... qu’on peut oublier (rire).

 

 

Pourquoi Désenchantée, parmi toutes ? Est-ce son statut d’hymne tombé à pic qui lui a conféré ce statut si particulier de chanson magique, "sa" chanson magique ?

Clairement oui, elle est tombée au bon moment. Comme elle l’a dit elle-même, ça n’était pas prémédité, elle n’a jamais voulu en faire un hymne. Elle l’a écrite vraiment sans penser à ce qui allait se passer, mais c’est tombé au meilleur moment (en plein pendant la guerre du Golfe et dans un contexte de forte contestation, ndlr). C’est la magie d’un timing... Mais c’est surtout une excellente chanson, avec un refrain qui est absolument dingue, des paroles sublimes, et ce tempo sur des paroles aussi tristes... Toutes les planètes se sont alignées pour ce titre : elle était au top de son écriture, Boutonnat au top de sa composition, le clip est génial. Et pour couronner le tout, ce qu’elle décrit dans la chanson se passe dans la rue. Alors là... Et en effet c’est devenu "sa" chanson. Tous les artistes ont "leur" chanson, Mylène, c’est Désenchantée, et ça le sera toujours. Donc pour résumer, la chanson est très bien tombée, mais ça n’a pas tout fait : il fallait aussi que la chanson soit top et elle l’a été. C’est comme pour Libertine, il y a eu le clip, c’est bien tombé, mais la chanson aussi est top en soi.

 

Quelles sont les chansons dans laquelle elle se dévoile le plus à votre sens, elle qui se dévoile si peu ?

À peu près dans toutes les chansons. Ce qu’elle écrit c’est aussi sa vie. Elle a d’ailleurs dit que toutes ses chansons tournaient autour d’elle. Je trouve qu’il y a un album où elle se dévoile beaucoup, c’est Avant que l’ombre... On sent là qu’elle est amoureuse, et que c’est une femme follement amoureuse qui écrit cet album, daté des débuts de sa relation avec Benoît Di Sabatino. Elle se raconte aussi beaucoup dans Anamorphosée, au moment où elle part s’installer aux États-Unis. Parmi les chansons je pourrais citer Si j’avais au moins..., évidemment Laisse le vent emporter tout, pour son père...

 

 

Celle consacrée à son frère aussi...

Oui bien sûr, Pas le temps de vivre. Là c’est biographique, forcément. Mais elles le sont toutes un peu.

 

 

Quelles sont, parmi ses chansons, connues et peut-être surtout, moins connues, celles qui vous touchent le plus et que peut-être vous voudriez inviter nos lecteurs à redécouvrir plus précisément ?

Moi sans hésiter, c’est Laisse le vent emporter tout. Ma chanson fétiche de Mylène. Parmi les moins connues, j’aime des chansons étonnantes comme Effets secondaires, dans laquelle est évoqué... Freddy Krueger ! Comme quoi elle peut faire Ainsi soit-je et aussi quelque chose sur Les Griffes de la nuit ! J’aime aussi Redonne-moi. Des larmes. J’adore L’Âme dans l’eau, qui est passée un peu à l’as, c’est dommage... On le disait tout à l’heure, il y a moins de tubes, pour toutes les raisons déjà citées, mais il y a aussi une raison majeure, c’est que Madame ne fait pas de promo ! Donc elle ne passe plus vraiment à la radio, par choix elle ne passe plus à la télévision, ses clips sont de moins en moins élaborés, même s’il y en a encore de beaux. Donc tout cela fait que certaines chansons passent inaperçues... Diabolique mon ange par exemple, j’adore. Mais quand ils l’ont sortie en single pour le Timeless 2013, il n’y a pas eu de promo, et le clip, c’est juste le live... Quand on a été capable de faire, je parle des clips, Libertine, Tristana, Sans contrefaçon, Pourvu qu’elles soient douces, Désenchantée, XXLL’Âme-stram-gram, même C’est une belle journée en animé, on se dit que c’est dommage.

 

Donc ça plaide pour un Boutonnat quand même ?

Oui... En tout cas derrière la caméra, peut-être. Mais d’autres choses ont été faites. Rayon Vert j’aime beaucoup, réalisé par François Hanss. J’aime ce clip, mais ça ne peut pas rivaliser avec les clips de Boutonnat...

 

Vous avez également travaillé, avant Mylène Farmer, sur Sylvie Vartan, d’ailleurs citée dans le livre à propos de Sans contrefaçon : une amie de Mylène lui aurait suggéré l’idée à force d’écouter Vartan et son Comme un garçon. Petit jeu, petite gymnastique : en-dehors de ces deux chansons, laquelle de Vartan irait bien à Farmer, et laquelle de Farmer pour Vartan ?

Ah. Alors, je vais vous donner un scoop. Sylvie Vartan avait fait une émission de télévision en 2011, je crois, réalisée par François Hanss, justement, et produite par Benoît Di Sabatino. Et il a été fortement question que Sylvie et Mylène chantent Comment un garçon et Sans contrefaçon en mashup. Au dernier moment, Mylène a refusé. Ça aurait été marrant qu’elles s’échangent leurs chansons. Pour le reste, leurs univers sont assez différents. Cette histoire, vous êtes le premier à la connaître !

 

Si vous pouviez lui poser une question, ou bien lui dire quelque chose, seul à seule, les yeux dans les yeux, ce serait quoi ?

Dur ça... Quand est-ce qu’on fait un livre ensemble ?

 

Mylène Farmer est peut-être la plus grande star française, les deux sexes confondus. Quelle est à votre avis sa place particulière au sein du paysage musical français ? Elle a des aînés, des successeurs évidents ?

Des aînés oui. Nous citions Sylvie Vartan. Encore une fois son univers est différent, mais leur façon d’aborder le métier, de faire du spectacle est à peu près pareille. Et d’ailleurs le fait que Bertrand Le Page, le premier manager de Mylène Farmer, soit un grand fan de Sylvie Vartan, dit quelque chose. Il voulait d’ailleurs en faire "la nouvelle Sylvie Vartan". Par contre, je dois dire que je ne lui vois pas de remplaçants... Peut-être que l’histoire me contredira, que dans trois mois va émerger une chanteuse qui me fera mentir, mais là je ne vois pas qui franchement... Je ne connais pas tout le monde, mais aussi populaire, révolutionnant la musique, avec son propre style, son propre univers... Et je dis ça en aimant beaucoup de jeunes chanteuses. Zaho de Sagazan par exemple, je l’adore. Mais la succession de Mylène Farmer, je vois pas !

 

De toute façon la succession n’est pas ouverte pour l’heure alors la question ne se pose pas trop...

En plus !

 

La reine n’a pas l’air de vouloir déposer sa couronne...

Non elle va continuer, enfin j’espère. Je pense qu’on ne le saura pas, ce n’est pas le genre à faire des tournées d’adieux.

 

Justement à votre avis, après 2024, "plus jamais", vraiment ?

Moi je pense que si. Mais à mon avis, les grands shows tels qu’elle les fait là, comme le dernier, Nevermore, elle ne pourra plus les refaire. Et encore... Madonna, qui a trois ans de plus qu’elle, continue d’en faire (je vais la voir en novembre). Donc c’est possible.

 

Peut-être revenir à quelque chose de plus intimiste, à la tournée de 89 justement ?

J’en avais parlé à Thierry Suc, il m’avait dit qu’elle ne voulait pas ça. Ce qui aurait été très beau, ça aurait été de faire un concert symphonique. S’il y en a une qui a un répertoire qui s’y prête, c’est Mylène Farmer ! Ils font tous des spectacles symphoniques alors que souvent ça ne s’y prête pas. Imaginez trente violons sur Ainsi soit-je ou sur Redonne-moi... Elle a de très belles mélodies. Mais pas sûr qu’elle ait envie de ça ! En tout cas je pense qu’elle n’arrêtera pas de chanter. Je serais très étonné. Pas mal d’artistes l’ont annoncé avant de revenir. "Encore un dernier..." "Un dernier dernier pour la route..." Mais des concerts aussi massifs je ne sais pas. Rien ne l’empêche d’annoncer une nouvelle tournée des stades.

 

Peut-être est-elle suffisamment perfectionniste pour avoir conscience elle-même, quand il le faudra, de ses limites ?

Je ne suis pas du tout d’accord avec ça. L’envie des lumières, des bravos, de cette adrénaline qu’ils ressentent est plus forte que tout, à mon avis. C’est un truc que je ne connais pas, mais pour avoir parlé avec beaucoup d’artistes, je sens bien qu’il est compliqué de renoncer à ça. 80 000 personnes qui hurlent votre nom quand on a connu ça pendant des décennies c’est dur... Le concert de trop, beaucoup l’ont fait. La question c’est l’envie, celle de monter encore sur scène, de se mettre toujours en danger. Souvent cette envie ils l’ont. Mais je pense que Mylène peut nous surprendre. Elle peut sortir un roman pourquoi pas ? Ou refaire plus de cinéma, ce que j’espère. J’ai trouvé qu’elle était très bonne, qu’elle jouait très juste dans Ghostland. Alors que je me suis beaucoup ennuyé devant Giorgino (film de Laurent Boutonnat, ndlr), que je n’ai jamais vu d’un seul bloc d’ailleurs... 

 

 

Trois mots pour qualifier Mylène Farmer ?

Je dirais... Émouvante. Surprenante. (Il réfléchit) Envoûtante.

 

Vos projets et envies pour la suite, Benoît Cachin ?

J’ai des projets, mais je n’ai encore rien signé alors je ne peux pas en parler pour le moment... Mais des choses sont prévues pour 2024. Et moi, vous savez, je travaille à côté, je n’écris pas que des livres, je suis journaliste.

Entretien daté du 26 octobre 2023.

 

Benoît Cachin

Photo : Thierry Laporte.

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

2 novembre 2023

Nicolas Ruffini-Ronzani : « Ken Follett a bien retranscrit le caractère profondément inégalitaire de la société médiévale »

Il y a un mois, tout pile ou presque, je publiai dans Paroles d’Actu un article consacré à la parution à venir (l’album est sorti le 11 octobre) de l’adaptation en BD des Piliers de la Terre, fameux roman médiéval de Ken Follett. Dans l’article, trois interviews : avec Quentin Swysen, spécialiste de la 3D, avec Steven Dupré, le dessinateur, et avec Alcante, le scénariste. Après avoir découvert l’article, Alcante m’a fait part d’une suggestion, connaissant mon goût pour l’histoire : pourquoi ne pas interroger aussi leur consultant historique sur le projet, Nicolas Ruffini-Ronzani de l’Université de Namur ?

Lors de notre interview, Alcante l’évoquait en ces termes : L’historien, Nicolas Ruffini-Ronzani, m’a été chaudement recommandé par une amie qui est pour ainsi dire devenue ma fournisseuse officielle de consultants historiques. Nicolas est un puits de savoir sur le Moyen Âge et ses conseils et réponses à nos questions sont toujours d’une grande aide. Je lui en suis très reconnaissant  ! D’autant que le genre de questions que je lui pose sont loin d’être évidentes. Je m’adresse à lui par exemple pour lui demander "Que pourraient bien chanter des moines bénédictins lors d’une messe de minuit au XIIe siècle  ?", "Y avait-il déjà des vitraux  ?" ou encore "Comment faisait-on pour connaître l’heure au Moyen Âge  ?", "Est-ce que les gens assistaient debout ou assis aux messes  ?", et Nicolas répond à chaque fois  !

Je n’ai pas réfléchi longtemps. Son mail en poche (vous m’avez compris), je l’ai contacté, et il a répondu avec enthousiasme et gentillesse à ma sollicitation. Ses réponses datent du 1er novembre 2023, qu’il en soit remercié. Bon vent aux Piliers de la Terre version Glénat, l’ouvrage le mérite, ceux qui l’ont fait aussi ! Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Nicolas Ruffini-Ronzani : « Ken Follett

a bien retranscrit dans son roman

le caractère profondément inégalitaire

de la société médiévale »

Les Piliers de la Terre BD

Les Piliers de la Terre - Tome 1 : Le rêveur de cathédrales (Glénat, octobre 2023).

 

Nicolas Ruffini-Ronzani bonjour. Pourquoi, dans votre parcours d’historien, vous êtes-vous spécialisé dans l’étude du Moyen Âge ?

Bonjour. La question est moins facile qu’elle n’en a l’air  ! Quand je suis entré à l’université, je n’étais pas spécialement attiré par la période médiévale. Comme beaucoup d’étudiants, je souhaitais travailler sur la période contemporaine, et plus spécifiquement sur le 19e  siècle.

Le Moyen Âge est venu au fil des cours. La période m’est rapidement apparue comme fascinante. L’imbrication des sphères ecclésiastiques et laïques, la définition de formes particulières d’exercice du pouvoir, la christianisation progressive des comportements, etc… tout cela a rapidement exercé un attrait sur moi.

Néanmoins, plus que la matière en elle-même, ce sont sans doute les sources et les méthodes de travail qu’elles imposent qui me plaisent dans le Moyen Âge. Écrire l’histoire de la période médiévale, cela s’assimile souvent à mener une "enquête policière". La documentation est rare et lacunaire pour le Moyen Âge, surtout pour les périodes les plus hautes. Il faut utiliser toutes les méthodes possibles pour la faire parler  !

 
Parmi vos spécialités justement, les "pratiques médiévales de l’écrit". De quelles sources écrites dispose-t-on sur le Moyen Âge ? Essentiellement des documents écrits par des hommes d’Église ? Si oui, cela crée-t-il un biais problématique pour le travail de l’historien ?

On dispose, en fait, d’une très large variété de documents écrits, avec des types documentaires qui se diversifient au fil du Moyen Âge. Pour la période et le sujet qui nous occupent, c’est-à-dire la première moitié du 12e siècle, les sources que l’on va rencontrer le plus régulièrement et qui nous seront le plus utiles sont les chartes et les sources narratives (chroniques ou récits hagiographiques, c’est-à-dire relatifs aux saints). Nous disposons ainsi d’un certain nombre de récits relativement détaillés des événements qui affectent l’Angleterre durant l’Anarchie (un temps de guerre civile qui est la toile de fond très présente du récit des Piliers de la Terre, ndlr).

Ces sources émanent quasi exclusivement des élites, laïques comme ecclésiastiques. En conséquence, elles nous renseignent avant tout sur des réalités qui concernent les strates les plus privilégiées de la société, ce qui est évidemment un biais très important. En s’en tenant aux seuls textes, sans recourir à des sources matérielles issues de l’archéologie, le monde paysan est donc difficile à saisir, et n’est vu qu’à travers les yeux des dominants.

On comprend tout de suite l’une des difficultés de l’adaptation des Piliers de la Terre  ! Tom, Alfred, Ellen, Jack et tant d’autres personnages importants appartiennent à des milieux que l’on connaît mal. Leur réalité est plus difficile à appréhender que celle de la châtelaine Aliéna, du prieur Philip ou du chevalier William.

 

Perso LPDLT

 
Comment vous êtes-vous retrouvé dans cette aventure des Piliers de la Terre ? Vous aviez lu, aimé le roman de Ken Follett ?

Pour être honnête, je n’avais jamais lu le roman de Ken Follett avant de monter dans l’aventure. Une amie médiéviste me l’avait offert un an avant que je ne sois contacté par Didier. Le volume était dans ma pile de livres à lire, mais je ne l’avais jamais commencé… J’ai lu Les Piliers de la Terre au moment où je suis entré dans le projet.

J’ai été contacté par Didier Alcante grâce à une connaissance en commun, ma collègue de l’UNamur Isabelle Parmentier. Isabelle travaille avec moi au département d’Histoire et, en même temps, connaît Didier depuis leur adolescence (si je me souviens bien, ils ont été à l’école ensemble…). Quand Didier s’est lancé dans le projet d’adaptation, il a recherché un historien médiéviste capable de l’épauler. Il s’est alors tourné vers Isabelle, avec qui il était encore en contact, pour lui demander conseil. Elle l’a aiguillé vers moi.

 
Racontez-nous un peu comment s’est passée cette collaboration, avec Alcante notamment ?

Plutôt bien, et ce dès le départ, me semble-t-il. Les premiers échanges m’ont permis de mieux comprendre les attentes de Didier. Au départ, j’allais parfois "trop loin", en donnant des indications utiles, mais non essentielles. L’objectif est de représenter un Moyen Âge vraisemblable et d’éviter les aberrations, pas de faire du dessin archéologique, dans lequel chaque élément représenté correspondrait parfaitement à un objet réel. En se lançant dans un tel projet, on doit savoir que l’on laissera passer des erreurs… tout simplement parce que l’on ne peut pas être spécialiste en tout.

Avec Didier, les phases les plus intenses de travail ont eu lieu au cours des premiers mois, lorsqu’il a fallu "planter le décor", en imaginant la cathédrale de Kingsbridge, le village qui l’entoure ou le château de la famille d’Aliéna. Nous avons eu énormément d’échanges à ce moment-là, notamment pour aider Quentin, le fils de Didier, à concevoir le modèle 3D qui a servi à Steven.

 

NRR-Alcante

Capture d’un élément de la discussion entre Alcante et Nicolas Ruffini-Ronzani,

envoyé à ma demande pour illustrer leurs échanges.

 

Dans quelle mesure peut-on dire du roman de Follett qu’il correspond à la réalité historique ?

Plutôt très bien  ! Bien sûr, Kingsbridge, la châtelaine Aliéna ou le prieur Philip n’ont jamais existé. Néanmoins, le cadre dans lequel ils se déploient présente un caractère vraisemblable. J’ai été très impressionné par la qualité du travail de documentation de Ken Follett. Sa restitution du contexte de l’Anarchie  –  c’est-à-dire la grave crise politique qui suit la mort du roi Henri  Ier Beauclerc en 1135  – est excellente. À la lecture du roman, on sent que Ken Follett n’a rien laissé au hasard, même s’il est évident que la recherche historique a progressé depuis les années  1980 et que certains points de détail mériteraient peut-être d’être mis à jour.

Une nuance, néanmoins  : si Ken Follett a très bien écrit les réalités médiévales, il était nécessaire que le lecteur puisse s’identifier à ses personnages, et donc que ces derniers aient des comportements et des émotions similaires à celles des hommes et des femmes d’aujourd’hui. C’est peut-être sur les questions de religiosité ou d’expression des émotions que le roman correspond le moins au Moyen Âge…. mais c’était un choix délibéré et indispensable pour que les Piliers de la Terre "parlent" au lecteur.

 

Ce monde dans lequel les personnages des "Piliers" évoluent, est assez sinistre, que vous inspire-t-il ? Vous pourriez vous y voir ?

S’il est clair que je payerais cher pour visiter l’Europe occidentale du 12e  siècle avec mes yeux et mes connaissances d’historien du 21e  siècle, il est certain aussi que je ne voudrais en aucun cas vivre à cette époque  !

Les temps sont durs, surtout pour ceux qui font partie du groupe des "dominés". Sans vouloir donner une image excessivement noire d’une période que j’aime, je dois reconnaître que la société médiévale est fondamentalement inégalitaire, que les structures de domination imposées par les puissants et par l’Église ne laissent que très peu de marge de manœuvre, et que la violence et la menace physiques y sont des réalités. Tout cela est assez bien rendu dans le roman, et donc dans la bande dessinée. La vie des paysans médiévaux est compliquée, comme pour Tom et sa famille.

 

L’Angleterre de cette époque, de par son insularité, a-t-elle d’une manière ou d’une autre connu une trajectoire de développement différente de celle de l’Europe continentale ?
 
Oui et non. Oui, pour le haut Moyen Âge. Une culture assez originale, différente de celle du continent, se développe dans l’Angleterre "anglo-saxonne" antérieure à la conquête normande de 1066. La langue vernaculaire, par exemple, y occupe une place beaucoup plus importante dans la culture écrite que sur le continent, où le latin est hyper dominant.

Néanmoins, l’arrivée de Guillaume le Conquérant en 1066 marque une rupture fondamentale. Les Normands, aidés de nombreux Flamands, prennent complètement le contrôle de l’île  : les anciennes élites anglo-saxonnes sont complètement éclipsées par ces nouveaux maîtres, qui font main basse sur des possessions très importantes et qui, en outre, imposent leur culture en Angleterre. Après la Conquête, les élites laïques parlent français en Angleterre, pas l’anglais.

 

L’art associant l’histoire est une bonne chose s’agissant de la démocratisation de la chose historique, sans doute ne me donnerez-vous pas tort. Mais pensez-vous qu’on associe suffisamment des historiens aux productions (audiovisuelles notamment) traitant d’époques anciennes ?

Je ne vous donne pas tort, bien sûr  ! J’ai l’impression que, dans le cadre de projets culturels à destination du grand public (films, bandes dessinées, etc.) et qui portent sur des réalités anciennes (disons antérieures à 1945), les historiens sont régulièrement convoqués. En bande dessinée, les collections Ils ont fait l’Histoire (Glénat) et Histoire dessinée de la France (La Découverte) associent systématiquement un historien "de métier" à un scénariste et un dessinateur dans la conception du volume.

Je n’ai pas mené d’enquête sur le sujet, mais j’ai l’impression que ces collaborations ne datent pas d’hier. Dans les années 1980, deux des médiévistes français les plus importants, Jacques Le Goff (EHESS) et Georges Duby (Collège de France), sont associés à la production de films à gros budget, l’adaptation du Nom de la rose d’Umberto Eco (Jean-Jacques Annaud) et un film qui ne verra jamais le jour autour de la bataille de Bouvines, en 1215 (Miklós Jancsó).

Bref, je n’ai pas l’impression que les historiens doivent "ronchonner". Leur expertise est régulièrement sollicitée lorsque cela a du sens.

 

Un conseil pour un jeune qui serait passionné d’histoire et qui voudrait en faire son métier ?

Faire preuve de curiosité et ne pas hésiter à se confronter à l’inconnu. Travailler ses cours, préparer soigneusement ses travaux est important, bien sûr, mais tout ne peut pas s’apprendre en classe. Participer à un stage d’archéologie ou en Archives, lire un livre d’histoire ou de sciences sociales qui n’est pas imposé dans le cadre d’un cours, consulter une traduction de source "pour le plaisir", lire la presse, n’est jamais du temps perdu. On devient un historien plus complet en s’ouvrant à de nouveaux horizons.

 

Vos projets et surtout, vos envies pour la suite, Nicolas Ruffini-Ronzani ?

Il reste cinq tomes à produire, le projet n’est donc pas terminé  !

Sur un plan plus professionnel, le travail ne manque pas. Pour l’instant, j’ai surtout envie d’avancer dans deux directions assez différentes.

D’une part, poursuivre des collaborations que nous avons tissées avec les sciences exactes dans l’analyse des matériaux de l’écrit médiéval (parchemin, encre, etc.). C’est une voie de recherche très originale, assez peu exploirée et, je pense, très prometteuse.

D’autre part, avancer dans des travaux d’érudition plus "traditionnels", qui impliquent d’inventorier, d’éditer et de traduire des sources médiévales. En fait, je ne travaille pas seulement à l’université, mais aussi aux Archives de l’État, en vue de valoriser et d’ouvrir à la recherche des fonds mal connus. J’aimerais que certains travaux entrepris en ce sens aboutissent prochainement.

 

Un dernier mot ?

Pas spécialement. Je vous remercie simplement pour votre intérêt.

 

Nicolas Ruffini-Ronzani

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

13 juin 2023

Jean-Claude Dequéant : « Je dirais à Mylène que je l'aime, qu'il n'y a aucune rancoeur... »

Il y a deux mois était publiée aux éditions de L’Archipel Mylène Farmer, ange ou démon ?, une bio fouillée sur celle qui est probablement la plus grande star musicale française (mon interview avec son auteur Alain Wodrascka est à retrouver ici). Un angle intéressant (son rapport au religieux, au mystique), pas mal d’infos, des entretiens riches avec des gens qui ont travaillé avec la chanteuse (qui est aussi, le dit-on assez, une sacrée auteure ou -trice pour ne fâcher personne). Parmi eux, Jean-Claude Dequéant, arrangeur prolifique qui a composé un des titres les plus emblématiques de Mylène Farmer, Libertine.

 

 

En marge de la parution du livre, certains articles ont repris, en les assaisonnant un peu à la sauce polémique, des passages concernant notamment M. Dequéant : celui-ci aurait fait montre d’amertume envers Mylène Farmer parce qu’elle aurait, presque volontairement, pour lui nuire pourquoi pas, retiré Libertine de ses tours de chant. Version formellement contestée par mon invité du jour, donc, que j’ai souhaité inviter pour évoquer tous ces points et aussi, pour lui tirer le portrait. Rencontre avec un personnage sympathique, et un musicien de talent (à propos de musicien, relisez aussi mon interview récente avec Pierre Porte). Il faut noter que cet entretien s’est fait juste après la première date du Nevermore Tour de Farmer, et que dans son setlist il y a Libertine. Alors entre eux deux, je l’espère et c’est tout le mal que je leur souhaite, j’espère bien qu’il se passera encore quelque chose, que ça ne sera pas du never more. Exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Jean-Claude Dequéant :

« Je dirais à Mylène que je l’aime,

qu'il n’y a aucune rancoeur... »

JC Dequéant MF

 

D’où venez-vous, Jean-Claude Dequéant ?

Je suis né à Paris dans le 15ème arrondissement, de père né également à Paris - mais qui passa son enfance en Sologne - et de mère franc-comtoise. Mes parents étaient des artisans-commerçants.

 

Quels ont été vos premiers vrais rapports avec la musique, vos premiers coups de cœur musicaux ?

Ils ont commencé tôt. Mes parents n’avaient pas le temps de s’occuper de moi à l’âge de 5, 6 ans, et ils m’ont placé dans une petite pension familiale où une professeure de piano et solfège venait donner ses cours une fois par semaine. En voyant les autres enfants, j’ai voulu moi aussi apprendre le piano et la musique grâce au solfège. C’était ma première approche. Plus tard j’ai appris la guitare, et les premiers coups de cœur je les ai eus vers 15, 16 ans : Bécaud, Brel, Béart... et bouleversement avec Elvis Presley, un raz de marée !

 

Vous jouiez un peu leurs morceaux ? Les premières compo aussi ?

J’ai joué un peu de Brassens mais j’ai commencé à composer assez tôt et très vite j’ai plutôt "fait" qu’écouter.

 

Seul ? Avec un groupe ?

Non, seul ! Je n’ai jamais fait partie d’un groupe.

 

Et à partir de quand vous êtes-vous dit que vous feriez de la musique, votre métier ?

Dès 16 ans. Je ne voyais pas d’autre possibilité. C’était une véritable obsession...

 

Vous vouliez être à leur place, faire comme eux ?

Pas du tout, être "avec eux".

 

  

Il nous faut évoquer ici Yves Simon, qu’on a sans doute à tort un peu oublié. Mais c’est quelque avec qui vous avez souvent collaboré. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Il y a eu quoi, une sorte de coup de cœur musical ?

Il s’était passé dix années comme chanteur et je ne me sentais pas à l’aise, je n’assumais pas ce rôle de chanteur. J’ai eu la chance que mon producteur me permette d’écrire mes arrangements. C’est pourquoi j’employais dans mes séances une choriste qui était en même temps la girlfriend d’Yves Simon, et donc elle me l’a fait rencontrer. Nous avons commencé à tourner ensemble. Il a commencé à enregistrer un album chez RCA avec l’arrangeur de ses précédents enregistrements mais là ça ne marchait pas. Il m’a demandé d’essayer et nous avons enregistré "Au pays des merveilles de Juliet", et ensuite neuf autres albums ont suivi.

 

 

Vous trouvez injuste qu’on parle aussi peu de lui ? Il y a des titres que vous voudriez tout particulièrement nous faire écouter ?

En effet, c’est injuste. Je pense que pour la chanson française des années 70, c’était "le plus important" Il a profondément imprégné les artistes de l’époque. Qui plus est c’est un écrivain remarquable qui a obtenu le prix Médicis ! On peut évidemment écouter Au pays des merveilles de Juliet, J’ai rêvé New York, Amazoniaque, etc… On peut aussi écouter Les brumes de la Seine, pour la particularité de mon arrangement.

 

 

C’est noté. Et en tant qu’arrangeur, vous avez pas mal travaillé avec Renaud aussi. Quels souvenirs gardez-vous de cette collaboration ?

Renaud, ça a été au moment de son premier album Polydor "Ma Gonzesse" (1979). Il est venu chez moi un soir pour me présenter les chansons qu’il allait enregistrer. Il était sympa et aimable. Les artistes sont toujours sympa, avant, c’est après que ça se gâte ! Les séances se sont passées dans la bonne humeur. On enregistrait au studio des Dames, qui n’existe plus, avec un équipe de musiciens formidables : Slim Pezin à la guitare (vous remarquerez que c’est également Slim que j’avais repris pour les séances de Libertine, Pierre-Alain Dahan (RIP) à la batterie, Jannick Top à la basse, Marcel Azzola (RIP) à l’accordéon et moi-même au clavier Rhodes. Renaud était très content de mon travail. Cependant, pour deux ou trois titres, il a fait refaire les arrangements car mon travail lui semblait trop intellectuel 2ème degré, et lui voulait du franchement populaire. Néanmoins dans cet album, il y a deux joyaux que je revendique : Chanson pour Pierrot et J’ai la vie qui m’pique les yeux.

 

 

Vous avez eu d’autres contacts avec lui ensuite ? Vous suivez toujours son parcours ?

Non, plus de contacts ! Il y a des artistes qui sont fidèles à un arrangeur tout au long de la vie, ce n’est pas le cas de ceux que j’ai connus. D’un autre côté, je comprends qu’un artiste ait envie d’essayer autre chose. Oui, j’ai suivi sa carrière comme j’ai suivi celle de Mylène, mais quel dommage (artistiquement) de ne pas poursuivre un travail commencé avec succès. L’album "Ma Gonzesse" a formidablement marché.

 

Justement, comment votre chemin a-t-il croisé celui du duo Mylène Farmer - Laurent Boutonnat ?

J’ai déjà raconté cet épisode pas mal de fois mais je vais essayer d’être original ! Après la crise de la musique en 1979, les arrangeurs ont été "virés" en masse par les artistes qui ont voulu faire leurs disques eux-mêmes en s’entourant de musiciens instrumentistes. J’ai fait partie de la charrette. Chacun s’en est sorti d’une façon ou d’une autre, mais je connais au moins un suicide indirect. Pour ma part, j’ai ouvert un petit studio que j’ai appelé "Le Matin calme", en référence à mes deux filles d’origine coréenne. J’ai enregistré beaucoup de maquettes pour commencer.

Un jour, un jeune éditeur qui appréciait mon travail m’a rencontré avec deux jeunes inconnus qui avaient une chanson à enregistrer pour trouver une interprète. Il s’agissait de Jérôme Dahan et Laurent Boutonnat. La chanson s’appelait Maman a tort ! Ils étaient sympathiques et enthousiastes et la chanson était drôlement intéressante. Elle n’avait rien à voir avec la production habituelle. À l’époque, je commençais à enregistrer avec l’aide informatique du système Midi et d’un synthétiseur ARP Odyssée dont j’étais un des premiers à me servir en France, ainsi qu’avec un Oberheim et une boîte à rythme. On a mis en boîte Maman à tort et la première chanteuse sous la main était la petite soeur de l’éditeur, qui devait avoir 16 ou 17 ans. Elle chantait très bien mais la solution n’a pas été retenue, je ne sais pas très bien pourquoi ! Ensuite, et contrairement à ce qui a été raconté par moult "biographes", il n’y a pas eu de casting avec une dizaine de candidates se pressant à la porte du studio ! Les légendes ont la vie dure. Jérôme avait rencontré une apprentie comédienne, Mylène Gauthier, dans un cours de théâtre, et un jour j’ai vu arriver au studio, Jérôme, Laurent et Mylène. Celle-ci s’est mise derrière le micro (un mythique U87 Neumann) et ça marché immédiatement. Voix juste, ton chaleureux, un bijou direct. Nous avions notre voix et notre équipe. Nous avons travaillé ensemble pendant deux ans.

 

 

Forcément on a tendance à relire le passé avec nos yeux d’aujourd’hui, mais dès Maman a tort, vous avez eu le sentiment de construire quelque chose de particulier ? Le potentiel Mylène Farmer, vous l’avez senti tôt ? Et, ça a été écrit, vous-même l’avez rappelé en interview : Mylène Gautier voulait d’abord être comédienne, et Laurent Boutonnat cinéaste. Le phénomène Mylène Farmer, ça a presque été un accident, miraculeux mais accident quand même ?

Mon sentiment était qu’on était heureux ensemble quand on travaillait à nos projets. On était dans le présent et notre but était de faire fonctionner Maman à tort. Le futur ? Nous n’en étions pas encore là, tant les choses de ce métier sont hypothétiques et fluctuantes. On a fait un beau produit, nous étions contents. Restait à le faire vivre ! Le potentiel n’a été dévoilé qu’à partir de Libertine. C’est pourquoi sans Libertine, le futur n’était pas acquis ! Je ne parlerais pas d’accident car, dès les premières notes sur mon piano, j’ai su que je tenais quelque chose de grand. Mais l’expérience m’a appris que ce que l’on sent ne se réalise que très peu souvent.

 

Vous avez composé la musique de Libertine, mais pas pour elle au départ : une chanson bien différente était déjà écrite par un auteur. Est-ce que vous vous êtes dit, quand le texte de Laurent Boutonnat a été posé dessus, que votre mélodie prenait toute sa force, et qu’elle se mariait bien à ce qui allait être la marque de fabrique de Mylène Farmer, Éros et Thanatos dans le même lit ?

La première version, c’est un auteur, Georges Sibold avec qui je travaillais pour un album, qui était enthousiaste sur cette musique et a écrit un texte extrêmement coquin, léger, divertissant et intelligent (L’amour tutti frutti, ndlr). Le thème musical était instrumental (l’actuel refrain de Libertine) et revenait après chaque couplet. Les couplets n’étaient pas chantés mais rapés ! Ce que l’on appelait en ce temps-là du "parlé/chanté". En fait, c’était une chanson pour une comédienne. Déjà ! Et puis il y avait un pont qui a été gardé pour Libertine. Laurent m’a demandé d’enlever le parlé/chanté, qui était pourtant sacrément original et de créer un nouveau couplet, ce que j’ai fait. Vous voyez, c’était déjà Éros mais pas du tout Thanatos. Laurent et Mylène connaissaient et adoraient cette chanson, c’est pourquoi après les refus des labels, j’ai été très satisfait de leur demande de l’enregistrer et d’en faire la tête d’affiche de ce premier album. Evidemment, Laurent a voulu y mettre son propre texte - Mylène n’écrivait pas encore - et en repenser la forme et le rythme. Mais je ne rougirais pas de ressortir L’amour tutti frutti aujourd’hui. Hélas, avec Georges Sibold nous avons retravaillé une nouvelle version avec une jeune artiste, et nous n’avons pas pu la sortir car autorisation refusée de la part de Laurent.

 

Vous n’avez pas en tant que compositeur le droit de découpler si je puis dire la musique du texte pour redonner sa chance à L’amour tutti frutti ? Même en modifiant un peu le morceau ? Il faut forcément l’accord de l’auteur de la chanson déposée à la SACEM ?

Oui, une oeuvre est indissociable et L’amour tutti frutti n’était pas déclaré. Je ne déclarais pas mes musiques avant qu’elles ne soient commercialisées. Ce que je fais maintenant. Si je l’avais déclarée, Georges aurait, lui, donné son autorisation à Laurent. Hélas, les égos ne sont pas les mêmes !

 

 

Dommage en effet. J’en viens à une polémique récente. Il a été écrit, en interprétation plus ou moins fidèle de vos propos, que vous aviez une forme de rancœur envers Mylène Farmer parce qu’elle n’incluait plus vraiment Libertine, pourtant un de ses titré les plus emblématiques, à ses tours de chant - point que vous avez publiquement contesté je le précise. Entre-temps on a su que Libertine était dans le setlist du Nevermore Tour. Voulez-vous clarifier tout cela ? Et peut-on dire en tout cas qu’il était difficile d’exister autour d’un duo-couple aussi fusionnel que Farmer-Boutonnat, pour vous, pour Jérôme Dahan et d’autres sans doute, avec un Laurent Boutonnat qui prétendait à une forme d’exclusivité ?

Je n’ai jamais dit que j’avais de la rancoeur. Je suis heureusement dépourvu de ce sentiment assez rance qui ne me ressemble pas. Tout en ayant une grande admiration pour le talent de Mylène et Laurent, j’ai regretté effectivement cette volonté d’effacement de mon apport. Je me sentais bien avec eux, on a vraiment passé de bons moments. Quand à Jérôme, ce n’est pas le lien Laurent/Mylène qui l’a éloigné, mais l’appréciation différente sur le répertoire de Mylène. D’ailleurs, j’ai encore travaillé avec Jérôme par la suite. C’était (RIP) un talent tourmenté mais audacieux. Mylène n’arrivait pas à chanter les dernières compositions de Jérôme. Laurent à tout fait pour m’effacer du paysage. Maintenant qu’elle chante Libertine dans son spectacle Nevermore, je suis plutôt rassuré sur ses intentions à mon égard. Mon plus grand regret est bien de ne pas avoir pu donner une suite à Libertine. Bien sûr, il y a l’argent, qui pourrait dire le contraire, mais surtout l’artistique. Je me sentais légitime et je pense que j’aurais pu lui apporter une touche d’optimisme grâce à mes compositions, en majeur pour l’essentiel. Peut-être ses fans n’auraient pas aimé ! Qui sait ?

 

C’était compliqué d’échanger avec l’une sans passer par l’autre ? Est-ce que vous avez senti, en suivant sa carrière, qu’elle-même a ressenti le besoin de se "détacher" un peu de lui ?

Je n’ai jamais eu la sensation de ne pas pouvoir communiquer avec l’une sans l’autre. Il y avait une complicité certes, mais l’une et l’autre étaient des êtres indépendants. Après, je n’étais plus dans le cercle mais je pense que Mylène, à un certain moment, a voulu travailler avec des gens à la mode et plus jeunes. À part Woodkid que j’aime particulièrement, je ne crois pas que d’autres aient pu apporter à Mylène un supplément de talent et de changement. Que restera-t-il des chansons de Mylène ? Désenchantée (la plus grande), et Libertine (la naissance !) Les dernières ? On verra !

 

 

Mais justement, par rapport à ce que vous disiez juste avant, le fait que peut-être si vous aviez continué un bout de chemin avec elle, ça aurait pu lui apporter une "touche d’optimisme" : vous trouvez, sensibilité personnelle en tout cas, qu’elle est trop restée dans quelque chose de sombre ? Et à votre avis c’est un choix artistique, encore une fois Éros et Thanatos, l’imagerie gothique, etc, ou bien a-t-elle réellement, personnellement, du mal à mettre un petit plus d’optimisme dans sa couleur musicale ?

Elle est très sombre, et c’est Laurent qui le lui a transmis. Un petit côté plus optimiste ne l’aurait pas gênée, à petite dose. C’est très bien la sombritude (!) à condition d’y mettre une distance. Les grandes dames de la chanson avaient des palettes plus larges. Éros oui, mais on a tout le temps pour Thanatos !

 

Libertine, ça restera votre plus grande fierté artistique, le titre que vos filles fredonnaient et qui j’imagine vous rapporte le plus d’argent ? Son succès a changé votre vie, donné à votre carrière une autre trajectoire ? L’après-Farmer/Boutonnat, vous le décrivez comme un peu abrupt : a-t-il été difficile à vivre ?

Ce titre a juste changé ma vie au sens où je l’attendais depuis longtemps. Une étape qu’on ne croyait plus atteindre et qui, oh surprise, se concrétise. Pour l’argent, ce n’est pas non plus le délire ! Mais ça dure jusqu’à aujourd’hui et effectivement c’est le principal de mes droits d’auteur. Après Libertine, ça a été plus facile pour obtenir des entrées chez des décideurs, mais je n’étais pas préparé à ce métier de relations. J’ai obtenu un disque d’or avec la chanteuse Disney, Anne, et un très bel album avec une grande chanteuse japonaise, Tokiko, divers travaux encore et je me suis effiloché. Un grand passage à vide, et j’ai fait une pause musicale de quinze ans ou je n’ai plus touché un piano ni émis une note de musique. Et au bout, le réveil et l’envie. Depuis je n’arrête plus.

 

Avez-vous prévu d’aller applaudir Mylène Farmer, d’écouter des milliers de fans chanter Libertine lors de ce Nevermore Tour, peut-être son dernier ?

Non, je n’irai pas. Je ne peux plus supporter d’être à l’intérieur de ces foules denses. L’essentiel est que ce titre vive toujours et que mes filles puissent dire que leur père n’était pas trop "has been".

 

Cette année marquera aussi les quarante ans du premier titre de Mylène Farmer, auquel donc vous avez participé : Maman a tort. quarante ans de carrière pour celle, devenue mythique, que vous avez parmi les tout premiers à découvrir. Tros adjectifs pour qualifier cette Mylène Gautier/Farmer telle que vous croyez l’avoir comprise ?

Ambitieuse, dissimulatrice, courageuse.

 

À défaut d’un tête-à-tête, les yeux dans les yeux avec elle, dont je vous souhaite quand même qu’il se produise bientôt, s’il y avait un message, une question à lui poser à l’occasion de cette interview ?

Je lui dirais que malgré l’âge, je n’ai pas perdu une once de créativité. Je suis au top pour la technique et je ne suis plus seulement instinctif mais j’ai ajouté de l’analyse et de la richesse pour les mélodies et harmonies qui comptent particulièrement pour moi. Et surtout, que c’est une artiste que j’aime et qu’il n’y a jamais eu de rancœur, je le répète, envers la séparation brutale de notre équipe.

 

Même question, pour Laurent Boutonnat ?

Je ne lui reproche rien. Je le laisse dans son égotitude (ces néologismes nés de Ségolène Royal me ravissent) ! Il a toujours refusé les demandes de synchro (participation de Libertine à des films, séries, pubs...) dès l’instant où ça me touchait. C’est lui qui est rancunier, et non moi. Il n’a jamais supporté la séance d’explication au soir du mixage de la version anglaise. Il a eu une brillante réussite avec Mylène, et un énorme échec avec le cinéma. Ça fait mal, il a souffert, j’ai souffert. Nous sommes quittes !

 

 

Nous avons beaucoup évoqué vos rapports avec le duo Farmer-Boutonnat durant cet entretien et c’est normal. Maintenant j’ai envie, avant d’arriver à la fin, de vous demander de me citer pour nous les faire découvrir, parmi tous les titres auxquels vous avez participé, comme compositeur et comme arrangeur, ceux pour lesquels vous avez une affection particulière ?

Joan Pau Verdier : Faits divers. Tous les albums d’Yves Simon. Sapho : Le balayeur du Rex. Renaud : Chanson pour Pierrot. Nicole Croisille : Tout le monde peut chanter sa chanson. Les Étoiles : Jeanne la Française. Michel Corringe : Ecce Homo. Mannick : Je suis Ève. Jean-Roger Caussimon : Il fait soleil. Marie-José Casanova : Poupée, poupée. (texte de M.-J. Casanova, composition d’Alain Bashung, arrangements de J.-C. Dequéant). Très flou, vent fou, chantée par moi-même (Polydor 77). Tihyad : La nature humaine. Etc, etc… Il y a plein d’autres artistes et titres que j’aime, mais il faut se reporter à la bible de Serge Elaïk : Les arrangeurs de la chanson française.

 

Quand vous regardez derrière, le chemin parcouru, vous vous dites quoi ?

Je n’aime pas trop regarder derrière, car j’aurai pu faire beaucoup mieux. Il me manque par exemple des musiques de films, et c’est un grand regret (comme Boutonnat avec le cinéma !) Je n’ai jamais travaillé avec des artistes très populaires (mis à part Mylène) Les directeurs artistiques me qualifiaient de trop intellectuel. Quelle erreur ! Je pense que cela vient de mon travail avec Yves Simon. J’ai toujours été trop réservé dans un milieu où il faut beaucoup de relationnel. Laurent a peut-être raison d’avoir un égo si développé, si j’avais eu le même, j’aurai sans doute été plus loin ! Mais bon, avec des si… Donc, mon regard est mitigé !

 

 

Vos projets et surtout, vos envies pour la suite ? Pourquoi est-ce que le cinéma, ce serait forcément perdu pour de bon ?

Le cinéma ! Je ne pense pas avoir la force et justement, le relationnel pour démarcher, c’est trop tard. C’est de ma faute ! J’ai eu des opportunités. Je suis incapable de les saisir... Pour la chanson, je suis toujours passionné. L’artiste Tihyad a sorti sur sa demande une version de Libertine où nous partageons le chant (retour au chanteur de mes débuts !) J’ai écrit un arrangement très différent de l’original. Il tourne actuellement sur les réseaux et semble intéresser. Cet artiste a enregistré également une de mes compositions, parmi celles dont je suis le plus fier Je l’appelle Paradis, qu’il sortira plus tard. C’est une grande chanson d’amour au départ gay friendly mais s’appliquant finalement à tous les couples. C’est une mélodie très ample avec des harmonies riches. C’est un exemple de ma création actuelle et j’y crois beaucoup.

 

Bon, j’ai la faiblesse de croire en tout cas que rien n’est perdu. Un appel que vous voudriez lancer à quelqu’un qui lirait notre entretien ?

Un(e) grand(e) artiste, un réalisateur(trice), j’ai encore des réserves d’énergie à consommer, des trésors créatifs, alors ? À bientôt !

 

 

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

De toucher encore des personnes avec mon travail de compositeur, d’auteur et d’arrangeur. C’est comme un sacerdoce, ça ne peut pas finir.

 

Vous êtes un homme heureux aujourd’hui ?

Ah oui, très. Je pars aux États-Unis voir ma fille qui fait une carrière incroyable dans la recherche, mon autre fille est à Paris et je suis fier d’elle, j’ai un superbe jardin et j’ai toujours l’envie de la musique, tout est pour le mieux malgré les réserves que le monde futur nous promet !

 

Vous avez un dernier mot ?

Merci Nicolas pour ce bel entretien qui m’a obligé à sortir de ma réserve. Presque une analyse ? Portez-vous bien.

 

JC Dequéant

Avec l’artiste Jacqueline Taïeb.

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

16 février 2023

Nicole Bacharan : « Je dois tout à ma mère... »

Nicole Bacharan est bien connue des téléspectateurs : lorsqu’il est question des États-Unis dans l’actualité, on invite souvent cette experte de la politique et de l’histoire américaines, thématiques à propos desquelles elle a signé ou cosigné (avec Dominique Simonnet notamment) de nombreux ouvrages. À deux reprises jusqu’ici, elle avait d’ailleurs accepté de répondre à mes questions, une première fois à l’occasion de la présidentielle U.S. de 2016, une deuxième fois pour celle de 2020.

L’interview que vous allez ici découvrir (daté du 8 février) est basée sur tout autre chose, un ouvrage beaucoup plus personnel, "un récit qui se lit comme un roman" ; ce roman, ce récit, c’est l’histoire de sa mère, Ginette Guy, jeune femme d’à peine vingt ans qui, aux heures sombres des années 40, s’est engagée dans la Résistance.

Je remercie Nicole Bacharan pour cet échange, pour sa constante bienveillance à mon égard. Et je ne peux que vous encourager, chaleureusement, à lire ce livre, qui est empreint de tendresse, même lorsque ce qui y est raconté est glaçant. Un document finement documenté, pour mieux comprendre une époque. L’histoire d’un engagement pour la liberté, partagé par l’actrice principale et par l’auteure. Et la déclaration d’amour d’une femme redevenue fille pour sa mère, cette mère qu’elle s’était promis de protéger. Promesse tenue, Nicole! Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Nicole Bacharan :

« Je dois tout à ma mère... »

La plus résistante de toutes

La plus résistante de toutes (Stock, janvier 2023)

 

Nicole Bacharan bonjour. Comment qualifier cet ouvrage, La plus résistante de toutes (Stock, janvier 2023) ? Est-ce un roman, un récit historique, un témoignage biographique, ou quelque chose d’hybride qui mélange un peu tout ça ?

Je dirais que c’est un récit, parce que tout y est vrai, mais un récit écrit comme un roman. La matière est, à mon avis, vraiment romanesque, et j’ai eu très peu de blancs à remplir, avec suffisamment d’éléments en main pour être sûre que les petits raccords qu’il me faudrait faire soient cohérents par rapport à la réalité. Disons donc, un récit qui se lit comme un roman.

 

Est-ce que justement, en-dehors du côté émotionnel qu’on peut aisément comprendre, ce livre a été difficile à écrire ? Je pense à l’enquête, à ces recherches à mener...

Ça a été une longue enquête. Ça n’a pas été difficile dans le sens où c’est vraiment ce que j’aime faire, je l’ai donc fait avec beaucoup de plaisir, mais difficile en ce sens qu’il n’était pas évident de retrouver certains éléments. Au départ, j’avais une trame, avec ce que m’avait raconté ma mère, et pour chacune des étapes, j’ai recherché les lieux, les derniers témoins ou les descendants des témoins, les événements d'alors, le quotidien à Toulouse et Marseille au moment où ces événements concernant directement ma mère se produisaient... Et j’ai eu cette surprise de retrouver des choses sur elle et sur Jean Oberman, l’homme dont elle était amoureuse, dans des archives tout à fait officielles. À vrai dire, je ne pensais pas qu’on pouvait retrouver, dans des fonds d'archives des choses aussi spécifiques sur des personnes qui n’avaient pas marqué l’histoire, qui n’étaient pas devenues célèbres...

 

Notamment, pour ce qui concerne votre mère, ce rapport d’interrogatoire signé par le tristement célèbre officier S.S. Ernst Dunker, alias Delage...

Exactement. Là, c’est un professeur d’histoire spécialiste de l’Occupation et de l’épuration à Marseille, Robert Mencherini, qui m’a mis sur cette piste. Vous l’avez sans doute lu : au moment où la Gestapo a pris la fuite, ils ont brûlé énormément de documents, mais pas tout. Il restait notamment ce fameux rapport dans lequel ma mère est mentionnée. De manière plus attendue, il reste aussi les archives des interrogatoires du procès de Delage, qui sont déposées aux archives des Bouches-du-Rhône.

 

S’agissant de cette recherche de traces de ce passé, je trouve très émouvante aussi l’évocation que vous faites de votre rencontre avec les descendants de Jean Oberman...

Incroyable en effet... Je ne sais pas quel est votre état d’esprit par rapport à la religion : je ne suis pas très croyante, mais je ne ferme pas tout à fait la porte non plus (rires). Mais c’est vrai qu’il y a eu des coïncidences troublantes. Je raconte à la fin du livre comment, après des années de recherche, j’avais finalement renoncé à les retrouver, et comment je me suis pourtant donné une dernière chance, à lançant, comme des bouteilles à la mer, des messages sur les réseaux sociaux pendant toute une soirée et une partie de la nuit. Quand je suis allée me coucher, je me suis aperçue que c’était l’anniversaire de ma mère... Ça m’a troublée. Le lendemain, j’avais une réponse du neveu de Jean Oberman. Mais ce qui a été le plus extraordinaire, c’est la manière dont cette famille m’a accueillie. Ils auraient très bien pu, sa fille en particulier, demander que les noms soient modifiés, etc. Ce fut le contraire, vraiment. Nous sommes devenues très amies, avec Odile Oberman, on se parle souvent. Chaque fois que je fais quelque chose dans les médias par rapport à ce livre, je la préviens. Lorsque j’ai terminé mon livre, après avoir intégré pas mal des choses qu’elle m’avait dites, je lui ai donné à relire les pages concernant son père pour honorer la confiance qu’elle m’avait faite. Globalement, un cadeau fabuleux oui...

 

Et au passage, un sacré personnage, ce Jean Oberman !

Insensé, je vous l’assure ! J’ai retrouvé dans les fonds de l’INA une émission de 1992 sur les dons Juans à laquelle il avait participé, vraiment un personnage inimaginable. Je comprends qu’il ait fasciné ma mère à 20 ans, et je comprends aussi qu’ils n’aient pas pu faire leur vie ensemble (rires).

 

Vous parliez de religion tout à l’heure. On sent dans votre récit à quel point des gens, même parmi ceux qui ne sont pas religieux, ont recours à la religion en ces périodes sombres, ou simplement de grand doute...

Absolument. J’ai pu voir il y a quelques jours le prochain film de Bernard Henri-Lévy sur l’Ukraine. À un moment est interviewé un pauvre homme qui a été arrêté, torturé, etc... Il disait en substance : "J’étais seul, seul, seul, il n’y avait que Jésus-Christ pour m’aider...". Je pense que lors des moments tragiques, avoir recours à une forme de prière est assez universel...

 

On sent à vous lire une vraie aisance dans l’écriture, cela n’étonne guère, mais j’ai envie de dire, y compris en tant que romancière. Quelle lectrice de romans êtes-vous ?

J’adore lire, depuis toujours. Je lis passionnément. Ce livre, je voulais l’écrire bien, avec simplicité. Je voulais réussir à bien dire ce que j’avais à dire. Un modèle pour moi, quelque chose dont j’avais envie de m’approcher, c’est Alain-Fournier et son Grand Meaulnes. Je ne pense pas du tout l’avoir égalé, mais j’ai cherché cette simplicité : le mot juste sans effet ni volonté d’en mettre plein la vue. Une écriture, je crois, assez humble.

 

Le Grand-Meaulnes

 

Je pense que c’est plutôt réussi du point de vue du lecteur aussi. À un moment de sa vie, votre mère vous a confié, considérant son entrée dans la Résistance active, cette phrase qui m’a marqué : "Je voulais être utile. Je voulais faire quelque chose. Mais c’était un peu comme on se suicide". Comment avez-vous perçu cette phrase, et que vous inspire-t-elle ?

Je l’ai comprise comme venant d’une jeune fille qui avait le cœur brisé. Elle venait d’être frappée d’un grand chagrin d’amour, au fond de soi elle avait envie de mourir, mais elle a pensé : tant qu’à faire autant être utile. Je ne pense pas du tout qu’elle ait envisagé de se suicider au fond de son lit. Elle s’est dit qu’à ce moment-là, elle pouvait risquer, "y aller".

 

Sans trop dévoiler l’intrigue, je précise que ce moment intervient au moment de l’arrestation de Jean, et alors que Ginette vient de recevoir de sérieux motifs de douter de la réciprocité de leur amour...

Exactement. Je pense que Jean a beaucoup aimé ma mère. Il n’a simplement jamais été fidèle à personne (rires).

 

Pas d’offense à prendre à titre personnel donc...

Elle était très entière. Mais de ce grand chagrin elle a fait quelque chose de positif, en s’engageant.

 

Le retour à la maison familiale est décrit d’une façon émouvante, avec Louis, son père, partagé entre joie intense et tristesse infinie à l’idée que comme lui qui avait connu les tranchées de la guerre de 14, sa petite fille, légère et innocente quelques années auparavant, avait perdu cette insouciance, qu’elle porterait dès lors "un fardeau invisible dont elle ne pourrait plus jamais se décharger". Vous l’avez ressentie, cette pesanteur, au contact de votre mère ?

(Émue) À dire vrai, je ne l’ai comprise qu’en écrivant ce livre. Je l’avais perçue, mais sans être forcément remontée jusqu’où il fallait remonter... J’ai très bien connu mes grands-parents : j’allais passer tous mes étés d’enfant dans cette maison à Lézignan. J’étais heureuse aussi d’écrire sur eux, de les inscrire dans une forme de durée. Mais c’est vrai que la blessure très profonde que ma mère portait, j’en ai vu les traces, mais je ne l’ai comprise vraiment que très récemment. Je suis née 10 ans après la guerre, mais quand on est enfant, c’est vers l’âge de 10 ans qu’on commence à comprendre les choses, ça nous amène à 20 ans après la guerre. Et 20 ans quand on est enfant, ça paraît tellement loin... Mais pour les adultes autour de moi, c’était tout proche.

 

Et j’ai le sentiment d’ailleurs qu’un peu tout votre parcours a tendu vers ce livre, non ? Vous avez déclaré avoir eu dès l’enfance une envie viscérale de protéger votre mère, vous avez le sentiment d’une forme de promesse tenue ?

Ça va dans ce sens-là... J’ai le sentiment d’avoir fait ce que je voulais faire. De lui avoir rendu justice...

 

Jolie réponse. Est-ce qu’écrire un tel livre sur sa mère, ça ne suppose pas aussi de se faire violence, de lever un voile de pudeur ?

Si. Vraiment. D’aller au bout de ce que je découvrais, au fond. De ce que j’acceptais de voir enfin. Ça a été dur. Même dans ma volonté de la protéger, ça a été dur.

 

Vous l’avez dit d’ailleurs, il y a des choses que vous ne vouliez pas voir, y compris pour vous protéger vous aussi...

Absolument. Il y a même quelques petits détails qu’elle m’avait confiés mais que j’ai préféré garder pour moi. De toute façon, ils ne changeaient rien de fondamental à l’histoire... J’ai essayé d’être digne, en fait...

 

Ce que je trouve joli là-dedans, c’est que vous vous dessaisissez un peu de cette forme de secret pour le partager, pour partager avec le monde l’histoire de votre mère.

C’est vrai. Vous l’avez très bien compris. Ça me procure un sentiment très étrange que je ne saurais pas qualifier. J’ai commencé à faire des rencontres avec les lecteurs, vraiment les retours sont formidables. Beaucoup de gens d’un certain âge me parlent de ce qu’il s’est passé dans leur famille, on remonte aux parents, aux grands-parents... Je reçois aussi des messages de jeunes femmes, de jeunes filles qui me disent que Ginette est devenue pour elles une source d’inspiration. Qu’elle va dorénavant les accompagner. Je trouve ça formidable.

 

Oui... Cette question-là est un peu difficile, j’imagine que vous vous l’êtes posée comme nous tous en lisant ce livre : qu’aurais-je fait à sa place ? Plus dur encore : aurais-je parlé ?

Évidemment, la question sans réponse. On ne peut pas savoir, mais on se la pose. En essayant d’extrapoler, je me dis sans garantie aucune de ne pas me tromper, que si quelqu’un m’avait demandé de l’abriter pour la nuit, je l’aurais fait. Mais m’engager dans la Résistance... Ne pas parler à la Gestapo... Franchement, je doute vraiment que j’en aurais eu le courage.

 

Comme tous, je pense. Il est émouvant, le personnage de votre grand-père qui ressent cette peine de voir qu’elle a vécu ce qu’il avait vécu, alors que comme toute une génération il avait cru les horreurs derrière eux, que c’était la "Der des der"...

Oui... 25 ans après. Quand on a 25 ans, c’est une durée qui paraît colossale. Mais dans une vie d’homme ça n’est pas très long...

 

Est-ce qu’on ne se dit pas, face à un tel parcours, qu’il faut être à la hauteur, quitte à se mettre une pression irrationnelle ? Dans quelle mesure son exemple a-t-il contribué à faire de vous la femme que vous êtes ?

(Émue) Je dois tout à ma mère. Tout. Mon père a joué un rôle. Il y a des choses dont je lui suis reconnaissante. Il a notamment accepté que je fasse des études, il a travaillé pour me payer mes études... Mais c’était un homme qui n’était pas facile. Et je dois dire que toutes les options morales auxquelles j’ai souscrit me viennent de ma mère. Tout cela crée pour moi des obligations, une forme de responsabilité. Je ne suis pas sûre d’être à la hauteur... Mais disons que j’essaie d’aller vers ce qu’elle aurait souhaité.

 

En quelle année votre maman est-elle partie ? Ce n’est indiqué à aucun endroit du livre je crois.

En 1991. Elle n’a pas vécu âgée, en fait...

 

Je vais faire allusion pour cette question à une série populaire de films américains : si vous pouviez voyager dans ce passé-là, à n’importe quel moment du récit, rencontrer cette jeune Ginette, 19, 20 ans à l’époque, savez-vous ce que vous aimeriez lui dire ?

Fais attention à toi, petite... Elle est redevenue très jeune pour moi, avec l’écriture de ce livre. Je me suis fondue dans la jeune fille qu’elle a été, et mon mari qui ne l’a pas connu ne parle plus d’elle qu’en disant "la petite Ginette". Il la connaît très bien en "petite Ginette" maintenant (rires).

 

Mais c’est vrai que l’exercice doit aussi être joyeux, parce que finalement, vous décrivez votre maman jeune, belle, pleine de vie. La faire revivre.

Voilà. La faire revivre pour toujours.

 

Y compris auprès de tous ces lecteurs.

Oui. Et de ses petites-filles aussi. D’abord pour ses petites-filles, je dois dire. Et ensuite, pour tout le monde (rires).

 

Qu’est-ce qui réveille votre fibre de résistante ? La situation des Iraniens et des Iraniennes combattant la théocratie implacable des mollahs par exemple ?

Oui, je pense. Tout ce qui concerne le combat pour la liberté, la justice, l’intimité... Il m’est arrivé autre chose de très sympathique et d’un peu magique autour de ce livre. J’ai eu un très bon papier dans Elle, au départ prévu pour la semaine précédente et finalement paru avec une semaine de retard. Dans un numéro dédié aux femmes iraniennes, avec Golshifteh Farahani en couverture. Y était présent tout un portrait de femmes iraniennes, un peu plus loin le papier sur mon livre, et en fin de volume un long interview avec Ginette Kolinka... Je me suis dit : "Voilà, Ginette Guy, ma mère, est à la bonne place..." Évidemment, l’Iran, l’Afghanistan, l’Ukraine, la Syrie... autant de situations où des hommes et des femmes combattent pour la liberté...

 

Elle Femmes iraniennes

 

Combat qui malheureusement reste en effet plus que jamais d’actualité...

Jamais fini... C’est vrai que le retour de la sauvagerie de la guerre en Europe constitue vraiment un choc...

 

Oui... On a célébré il y a quelques jours les 60 ans du traité de l’Élysée qui consacrait la réconciliation franco-allemande. Votre mère avait-elle su, pu pardonner aux Allemands ? Ou bien avait-elle rapidement, lucidement fait la distinction entre les purs salauds et ceux, comme Willy, personnage attachant du récit, résolument capables d’humanité ?

Elle n’en voulait pas du tout aux Allemands... C’était très individuel en fait, ce qu’elle ressentait. À la Gestapo, elle avait d’ailleurs surtout eu affaire à des Français. Et c’est vrai qu’à la prison elle avait rencontré ces deux personnages, un vieux soldat de la Wehrmacht, et Willy, jeune homme de 18 en charge de la garder elle et ses camarades et qui avait fait preuve d’humanité, à ses risques et périls. Ce n’était pas une question de nationalité donc. Par contre, je dois dire qu’elle avait quand même assez peur de l’Allemagne (rires)... La première fois que je suis allée en Allemagne, à 20 ans, pour un échange linguistique, ça lui faisait peur. Mais je me suis fait des amis en Allemagne, et elle les recevait à la maison sans la moindre réticence. Elle n’en voulait pas "aux Allemands", mais elle avait toujours un peu peur de ce que l’Allemagne pouvait faire ou devenir.

 

Au passage, l’évasion est assez sympathique à lire. À ce moment-là, on ressent bien la joie qu’on peut avoir à se retrouver dans la nature après avoir été enfermé entre quatre murs. Vous retranscrivez bien ce sentiment...

C’est vraiment quelque chose qu’elle m’a raconté en détail. La chose certaine pour elle, c’était qu’il ne fallait pas franchir la frontière, elle devait se sauver avant...

 

Après la guerre votre mère a travaillé dans les assurances. Je me dis qu’elle aurait pu travailler à la résolution de conflits : on constate lors des interrogatoires de Delage qu’elle avait des atouts fabuleux de diplomate sous pression ?

C’est vrai. Mais elle a quand même fait partie d’une génération de femmes, et particulièrement parmi les femmes résistantes, auxquelles on a plus ou moins fait comprendre après la guerre qu’il était temps de rentrer à la maison (rires). Je crois en effet qu’elle aurait tout à fait eu sa place dans une telle carrière. Même en écrivant, et en relisant ce livre, je m’étonne de cette force. Quand elle dit à Delage ou d’autres, "Mais vous savez bien que l’Allemagne a perdu la guerre...", je trouve ça fou...

 

Ginette Guy

 

Et on dirait qu’elle réussissait à les ébranler un peu dans leurs convictions. En tout cas à les faire douter.

En tout cas elle a essayé ! (Rires)

 

Tout n’est pas comparable, et on en a déjà un peu parlé mais je reviens là-dessus : Louis, le père de Ginette, sentait monter les périls dans les années 30. Est-on aujourd’hui dans une ère de montée de tels périls ?

Oui je le pense. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas les arrêter. On est dans la période où on peut encore les arrêter. Pour moi, les dangers sont très grands : la montée de puissances autoritaires voire dictatoriales comme la Russie, la Chine, constitue une menace réelle. Mais on est "avant". Pas pour les Ukrainiens, mais pour les Européens. Espérons qu’on saura faire ce qu’il faut pour les arrêter.

 

Vous expliquez aussi, dans un autre passage touchant du livre, que votre tropisme pour les États-Unis est né d’elle : ils étaient l’incarnation de la libération, de la liberté tout court. 20 ans quasiment se sont écoulés depuis l’invasion de l’Irak. On pense aussi au Vietnam, et pas que... Le rêve américain tel qu’on le concevait a-t-il été dévoyé ? Malgré tout, ils restent les champions de la liberté, le "dernier espoir de l’homme" ?

C’est affreux à dire, mais je pense que oui. Quoique... Vous citez le Vietnam, l’Irak, et bien d’autres situations au cours desquelles les idéaux américains ont été complètement dévoyés, beaucoup de crimes commis. Que dire aussi de l’esclavage, du génocide des Indiens... l’histoire américaine est essaimée de tragédies. À plusieurs reprises on a pu penser que c’était fini, qu’il ne restait plus rien. Et en même temps, jusqu’à présent, et même en gardant tout cela en tête, on constate que les ressorts démocratiques sont toujours là. C’est vrai que l’élection et le mandat de Trump ont été épouvantables, une destruction de tout ce que l’Amérique devrait être. Puis Biden a été élu, même si ça n’a rien résolu sur le fond. Et, en 2022, alors qu’il y avait beaucoup d’anxiété, les gens sont allés voter en grand nombre aux midterms, croyant encore au bulletin de vote. Des résultats se sont fait attendre, eh bien on a attendu pacifiquement. Et les résultats ont été acceptés. Et il me semble que les États-Unis ont réussi à solidifier une coalition derrière l’Ukraine qui pour l’instant tient toujours. Donc au fond, quand il s’agit de défendre la liberté, il nous reste encore les États-Unis. En étant lucide sur le fait qu’un pays mêlé à tant de trahisons, à tant de tragédies ne peut être idéalisé. D’ailleurs on évoque le rêve américain, il y a aussi un rêve européen, mais je pense que les Européens ont bien du mal à assumer la responsabilité de défendre ce rêve.

 

Même si on a le sentiment que s’agissant de l’Europe les choses bougent désormais un peu...

Oui c’est vrai. Mais c’est difficile.

 

J’avais une autre question à propos des États-Unis, même si on s’éloigne un tout petit peu du sujet principal. Êtes-vous de ceux qui souscrivent à l’idée d’une "guerre civile froide" aux États-Unis actuellement ? Et si oui, Joe Biden a-t-il un peu réussi à guérir le pays ?

Pas vraiment... Les ferments antidémocratiques instillés par Trump ont prospéré : la plaie du complotisme, des fake news, la radicalisation d’une partie du camp républicain... tout cela est encore bien vivant. Mais je crois que le président actuel est un homme raisonnable, calme, il ne tweete pas d’injures au quotidien - il ne tweete d’ailleurs jamais. Il contribue à abaisser le niveau des tensions dans le débat public. Mais c’est très fragile...

 

Vos projets et surtout vos envies pour la suite ?

J’hésite. Je n’ai pas encore arrêté mon prochain projet. Je veux continuer à écrire bien sûr, c’est tout ce que je sais faire, pour dire les choses simplement (rires). Ce livre m’a tellement prise, et le soutenir maintenant dans sa nouvelle vie me prend tellement de mon énergie, mais de manière heureuse, que je veux faire ensuite quelque chose qui m’importe vraiment. On m’a proposé des choses, mais je ne suis pas encore convaincue.

 

Et on se dit qu’une telle histoire, tellement bien racontée, pourrait faire l’objet d’une adaptation à l’écran. Est-ce que vous en auriez envie ?

J’aimerais beaucoup. Quelques personnes m’ont déjà dit la même chose, et c’est vrai que ça pourrait être un scénario. Mais on verra, pour l’instant on en est au début de la nouvelle vie de ce livre...

 

Aimeriez-vous que ce livre soit traduit ?

Bien sûr. Je crois que cette histoire est au fond universelle. Et il y a aussi toujours beaucoup d’intérêt pour la période très trouble de la Seconde Guerre mondiale, on n’a jamais fini de l’explorer.

 

Écrire d’autres romans, vous pourriez en avoir envie aussi ?

Cela fait partie des choses auxquelles je réfléchis…

 

 

N

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

27 septembre 2013

Stéphane Deschamps : "Gilles était scandaleusement humain"

Gilles Verlant est mort. Un accident à la con. Non, ça n'était pas une blague. Malheureusement... Putain d'escalier... J'ai appris la nouvelle via un post sur un célèbre réseau social. "Je suis très très triste j'aimais tant Gilles Verlant ♥ RIP Gilles". Un petit mot signé Chantal Lauby, le 20 septembre, à 13h48. Quelques heures... "après". Internet est capable du pire comme du meilleur, chacun le sait. Dans ces cas-là, ces cas dont on se passerait bien, c'est souvent le meilleur qui ressort. Les messages exprimant la tristesse, parfois même la détresse de celles et ceux qui appréciaient, qui aimaient le défunt. Il y en a eu, de ces messages, ce jour-là, et ceux qui ont suivi... Des messages de personnalités de la musique, de la radio, de la télé. Des messages d'anonymes, surtout. Sur Facebook, sur Twitter, sur les forums... Certains ont été repris dans les articles d'actu. J'en ai lu pas mal, de ces messages. Tous venaient du coeur, tous étaient touchants. Ceux de CharlElie Couture, de Éric Laforge, d'Antoine de Caunes, pour n'en citer que trois. J'ai contacté tel ou tel commentateur pour lui dire que j'avais été touché par son hommage. Quelques uns m'ont remercié en retour, explicitant leurs sentiments du moment. Jean Passanger m'a dit qu'il ne réalisait "pas encore", qu'il le connaissait "depuis des années" et qu'ils avaient toujours "échangé et partagé la musique". Dominique Douay qu'il trouvait "réconfortant de se dire qu'il peut exister des personnages comme Gilles dans les médias". Renaud Bernal gardera l'image d'un "grand pro accessible", avec "les bons mots pour vous encourager"Frédéric DuBus estime que c'est "une partie de [son] adolescence qui est tombée dans les escaliers". Jean-Pierre Morales lui avait demandé s'il était envisageable qu'il vienne à Bruxelles pour donner une conférence sur Gainsbourg : Gilles Verlant le lui avait promis, à condition que son interlocuteur s'occupe de trouver une salle... Amaury De Laporte, quant à lui, émet ce joli souhait : "Comme l'on dit, la mort n'est que la suite de la vie. Espérons que cette suite soit belle pour lui...". Espérons...

 

Gilles Verlant, je ne le connaissais pas personnellement. Je ne l'ai jamais rencontré physiquement. Nos échanges furent écrits. Il avait rapidement accepté, sur le principe, ma proposition d'interview. C'était à l'automne 2012. "Les 500 émissions mythiques de la télévision française", l'ouvrage qu'il avait réalisé avec Michel Drucker, venait de paraître. Il en était fier, très fier, de ce livre dont l'évocation constitua l'ossature de notre entretien. J'ai été frappé par la bonté qui émanait de cet homme. Par sa modestie, et ce besoin de reconnaissance qu'il exprima clairement, lui qui avait déjà, pourtant, tant accompli. "J'aimerais que quelqu'un se réveille un jour et se dise, 'oh putain, ce Verlant, finalement, il a fait des choses valab' !" La dernière phrase de l'interview. Une phrase qui m'avait touché, déjà à l'époque... Gilles Verlant connaissait bien la télé, il a contribué à en écrire quelques belles pages : "Rapido", "Nulle part ailleurs", "Taratata", "Nous nous sommes tant aimés"... Il avait beaucoup côtoyé Gainsbourg, à la fin de la vie de l'"homme à tête de chou". Sa bio demeure à ce jour une référence. Il avait la passion du rock et de la bonne musique. Une passion communicative, qu'il aimait à partager, avec enthousiasme, bienveillance, avec ses lecteurs, ses auditeurs (Ouï FM, France Bleu...). Il aimait la vie. Les gens aussi, ça se voyait, ça se sentait...

 

Au départ, j'ai voulu lui rendre "hommage". Et puis je me suis dit que le terme n'était pas forcément approprié. Un peu trop guindé, pas assez rock pour une personnalité aussi solaire que Gilles Verlant. Voici donc un "clin d'oeil", au pluriel. Stéphane Deschamps est le directeur de l'atelier de création qui réalisait ses productions, dont "La scandaleuse histoire du rock". Ils avaient travaillé ensemble à l'écriture de la bio définitive de Gainsbourg et étaient des amis de longue date. Serge Poezevara, directeur de l'antenne nationale de France Bleu, celle des dernières amours de Gilles, chérissait son amitié, qui était "un bonheur". Ensemble, ils ont animé l'émission spéciale que France Bleu lui a consacré, le soir de sa mort. Ils ont tous deux accepté de répondre à mes questions. Je les en remercie. Merci, Gilles... Pour nos quelques échanges. Pour votre humanité. Ma culture musicale reste à parfaire, pour ne pas dire à faire : j'aurai plaisir à vous écouter, à vous lire, encore et encore. Comme d'autres, beaucoup d'autres personnes, aujourd'hui, demain, et même après-demain. Votre oeuvre, votre esprit ne s'éteindront pas de sitôt... ;-) Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  CLINS D'YEUX

 

 

ENTRETIENS EXCLUSIFS - PAROLES D'ACTU

CLINS D'YEUX À GILLES VERLANT

 

STÉPHANE DESCHAMPS

Producteur-réalisateur radio, amoureux de la musique, ami de Gilles Verlant...

 

"Gilles était scandaleusement humain"

 

Stéphane Deschamps GV 1

(De g. à d. : Stéphane Deschamps, Gilles Verlant et Arnaud Bourg,

l'équipe de "La scandaleuse histoire du rock")

 

Q : 23/09/13

R : 25/09/13

 

Paroles d'Actu : Bonjour Stéphane Deschamps. Les messages de sympathie, les témoignages ne cessent d'affluer depuis que la nouvelle, la triste nouvelle, est tombée : Gilles Verlant est mort... Pas mal de personnalités évoluant dans les mondes de la musique, des médias. Énormément d'anonymes, surtout... Que retiendrez-vous de tous ces messages, de l'émission spéciale que vous avez co-dirigée le soir de sa disparition ?

 

Stéphane Deschamps : Gilles accordait beaucoup d'importance aux relations humaines, aux autres. Il prenait du temps avec les gens. Il était disponible et généreux. Qu'il recoive une telle tempête d'amitiés ne me surprend absolument pas. Les témoignages de Thomas Dutronc, Charlélie Couture, Philippe Manoeuvre, Dave à l'occasion de cette émission furent particulièrement touchants.

 

PdA : Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec Gilles Verlant ?

 

S.D. : C'était il y a 20 ans, dans son bureau à Canal+.  À cette époque, j'écrivais une série d'émissions pour la radio sur Gainsbourg. Mon livre de chevet était la première biographie de Gilles consacrée à Serge.  Je devais donc rencontrer le biographe officiel pour qu'il me raconte l'histoire de l'homme à tête de chou ! Quelques mois après cette belle rencontre, Gilles me rappelait pour me proposer d'écrire à ses côtés la biographie définitive. J'étais comme un gosse qui vivait un rêve éveillé. Nous avons travaillé près de cinq années sur cet ouvrage.

 

PdA : Comment vous y étiez-vous pris pour ce travail devenu ouvrage de référence ?

 

S.D. : Comme je l'ai dit à l'instant, nous avons travaillé près de cinq ans sur cette biographie. Gilles s'est entretenu avec Serge à de nombreuses reprises. Nous avons accumulé énormément de témoignages, retrouvé des documents inédits, exceptionnels, comme par exemple le journal intime de Serge lorsqu'il avait 16 ans et qu'il était caché au sein d'un lycée dans le Limousin pour échapper aux rafles des nazis. Nous nous sommes donc retrouvés avec un "matériel" énorme et c'est Gilles qui a tout mis en musique et rédigé cet ouvrage.

 

PdA : Abordons maintenant un autre chapitre de votre collaboration féconde, je pense évidemment à la radio. Les auditeurs retrouvaient avec bonheur les chroniques passionnées qu'il livrait sur les antennes du réseau France Bleu : "La scandaleuse histoire du rock", bien sûr, aventure dont vous étiez, et, depuis la rentrée, "Pop Machine". Deux émissions très appréciées par les amateurs de musiques, celles d'hier et d'aujourd'hui... 

 

S.D. : La culture musicale de Gilles est pharaonique. Il avait cette facilité et ce don de la partager très simplement, sans se prendre au sérieux. Une approche d'auteur de bande dessinée. Gilles était d'ailleurs un personnage de bande dessinée. Ces émissions sonnaient comme une récréation pour nous comme pour nos auditeurs. On racontait l'histoire du rock et de nos héros de la manière la plus ludique et souriante. Et sous la plume de Gilles, c'était juste du caviar.

 

PdA : Sa culture, son enthousiasme sont salués par tous... Il donnait aussi une impression de bienveillance en toute circonstance, l'impression d'une authentique bonté. Il était comme cela, lors de vos collaborations ? Dans la vie ?

 

S.D. : Affirmatif. Gilles est issu de cette génération de critiques rock qui prenait le temps de rencontrer les artistes pour mieux comprendre leur vie, leur univers... Dans les années 70 et 80, c'était plus facile car la communication était moins immédiate, moins speed qu'aujourd'hui. Et Gilles n'a pas changé sa démarche vis-à-vis des autres. Toujours disponible. Je ne l'ai jamais vu refuser une interview.

 

PdA : Avez-vous à l'esprit quelques anecdotes, quelques "moments" le concernant et dont vous souhaiteriez nous faire part ?

 

S.D. : Je me souviens de son émotion suite à la publication de sa biographie définitive sur Gainsbourg à New York et Los Angeles. C'était l'année dernière, en juillet 2012. Biographie traduite en anglais par le traducteur des oeuvres de Boris Vian (Paul Knobloch, ndlr). Gilles était fier de son bébé franco-américain !

 

PdA : Le parcours de ce touche-à-tout aura véritablement été exceptionnel. Quelles sont les séquences qui vous viennent en tête, lorsque vous considérez ce joli petit bout de chemin, malheureusement bien trop vite interrompu ? 

 

S.D. : Gilles aura contribué à populariser la cuture rock au sens large du terme et à la rendre accessible aux oreilles du grand public. Il a été un guide, un modèle pour bon nombre d'auteurs qui ont écrit sur la musique.

 

PdA : Quelle image garderez-vous de Gilles Verlant ?

 

S.D. : Un garnement érudit, drôle, punk, et scandaleusement humain... 

 

PdA : Souhaiteriez-vous ajouter quelque chose ?

 

S.D. : Un de ses aphorismes gainsbouriens préférés : "Etre ou ne pas être... Question, réponse" (le message du répondeur téléphonique de Serge Gainsbourg)

 

PdA : Merci infiniment...

 

 

Stéphane Deschamps GV 2

(Avec Yves Lecoq pour l'enregistrement de la série "Gainsbourg dans les nuages")

 

 

 

SERGE POEZEVARA

Directeur de l'antenne nationale de France Bleu,

animateur de l'émission "On repeint la Musique".

 
"Un grand pro qui avait su garder

l'appétit d'un débutant"

 

Q : 22/09/13

R : 22/09/13

 

Extraits...

 

PdA : Comment le réseau France Bleu compte-t-il continuer à rendre hommage à Gilles Verlant, dans les prochains jours, les prochains mois ?

 

S.P. : Le plus bel hommage qu'on puisse rendre à un homme de radio est de permettre aux auditeurs de l'écouter encore. Les chroniques de Gilles sont nombreuses et ne manqueront pas d'être rediffusées au gré de l'actualité musicale. Nous avons choisi de continuer à diffuser la série "Pop Machine" tout au long de cette semaine (celle suivant sa disparition, ndlr), puisque Gilles en avait enregistré les épisodes. "La scandaleuse histoire du rock" dont il avait enregistré 660 épisodes est le plus gros succès de podcast de France Bleu. Elle est toujours disponible.

 

PdA : Quelle image garderez-vous de Gilles Verlant ?

 

S.P. : Je garde l'image d'un vrai passionné. Toujours prêt à parler de la musique qu'il aimait, avec le désir de convaincre son auditoire, à partager son savoir encyclopédique et le rendre accessible. Avec cet amour de la langue française qui le poussait à choisir le terme le plus juste, la formule la plus imagée, pour susciter l'intérêt et le sourire. Celle d'un boulimique du travail, un grand pro qui avait su garder l'appétit d'un débutant.

 

 

 

Merci encore. Pour tout... Et vous, quelle image garderez-vous de Gilles Verlant ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

Un commentaire, qu'il soit positif ou négatif, est toujours apprécié...

 

Pour en rédiger un, cliquez ici... Merci !

 

 

 

Vous appréciez le blog ?

"Aimez"-le sur Facebook !

 

Merci

 

 

 

Vous pouvez retrouver l'oeuvre, l'esprit de Gilles Verlant...

 

Sur son site ;

 

Sur Facebook : sa page , celles de "La scandaleuse histoire du rock" et de "Pop Machine" ;

 

Sur Paroles d'Actu : notre entretien publié le 14 novembre 2012 ;

 

Dans toutes les bonnes librairies ;

 

Sur le réseau France Bleu, pour ne citer que lui...

 

Si vous appréciez Paroles d'Actu, "aimez"-le sur Facebook

4 novembre 2015

« Décentralisation : regard sur nos Régions », par Nicolas Mayer-Rossignol

Nicolas Mayer-Rossignol est, à 38 ans, le plus jeune de nos présidents de Région. Il dirige depuis 2013 le Conseil régional de Haute-Normandie (dont Rouen est la capitale) et conduira en décembre prochain les listes des socialistes et de leurs alliés pour la conquête d’une majorité politique nouvelle dans le cadre d’une Région Normandie reconstituée. Le président de la Région Basse-Normandie Laurent Beauvais, PS lui aussi, a concédé la tête de listes à son cadet, qu’il soutient sans réserve dans cette bataille qui, au-delà des bilans locaux, s’annonce difficile pour les socialistes du fait notamment d’un contexte politique national défavorable. En Normandie, outre celles menées par M. Mayer-Rossignol (qui ne rassemblent pas pour l’instant, loin s’en faut, la totalité des forces de gauche), les principales listes en lice lors de ces Régionales seront celles de l’union de la droite et des centres, menées par l’ex-ministre de la Défense Hervé Morin, et du FN, conduites par le secrétaire général du parti Nicolas Bay.

Dès le mois de juin, j’ai souhaité inviter M. Mayer-Rossignol à évoquer pour Paroles d’Actu l’état de ses réflexions quant à la décentralisation au point où elle se trouve, avec évidemment un accent particulier mis sur les Régions, leur rôle dans le dispositif et leurs perspectives éventuelles d’évolution : « Quelle devrait-être, de votre point de vue (dont on accepte volontiers ici quil puisse être iconoclaste et, par exemple, sappuyer sur des expériences étrangères), la place dévolue à la Région dans l'organisation politico-administrative de la nation (quelle représentation au sein du Parlement ? quels champs d'action et allocation de moyens ?) et des territoires français ? (quels rapports à éventuellement repenser entre la Région et les collectivités déchelons inférieurs dune part ; entre les Régions elles-mêmes dautre part ?) » Sa composition, très instructive et fort intéressante, m’est parvenue ce jour. Une exclusivité Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

« Décentralisation : regard sur nos Régions »

par Nicolas Mayer-Rossignol, le 4 novembre 2015

UNE EXCLUSIVITÉ PAROLES D’ACTU

 

Nicolas Mayer-Rossignol

 

« La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a, aujourd’hui, besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire ». Par cette phrase, François Mitterrand annonçait lors du Conseil des ministres du 15 juillet 1981 le point de départ d’une révolution majeure pour notre République : la décentralisation ! Si notre Constitution prévoit que la République française est décentralisée et que ce processus apparaît comme faisant partie du patrimoine commun des républicains, il ne faut pas oublier que c’est principalement la gauche – je dis principalement car je n’ignore pas les réformes de 2003-2004 du Gouvernement Raffarin - qui a fait avancer cette idée et qui a procédé aux réformes nécessaires pour qu’elle advienne.

 

Si, au début des années 1980, la commune et le département, créations révolutionnaires, existaient déjà en France, ce sont bien les lois Defferre qui, en supprimant la tutelle administrative, vont constituer l’acte de naissance des collectivités territoriales que nous connaissons aujourd’hui, et en particulier de la Région, dont l’assemblée sera dorénavant élue au suffrage universel direct.

 

Plus de trente ans après, force est de constater que la Région est l’échelon territorial qui a le plus profité de la décentralisation. Alors que, depuis plusieurs années, la réforme communale - avec la montée en puissance de l’intercommunalité - est engagée et que la suppression du département est régulièrement évoquée, la Région n’a cessé de prendre de l’ampleur et de la consistance dans le paysage politique et administratif territorial de notre pays. Ce succès des Régions, dont il nous faut expliquer les raisons (II), avant de réfléchir à leur rôle et à leur place dans l’avenir (III), ne doit pas laisser penser à nos lecteurs que cette évolution était acquise d’avance (I).

 

I) Le développement régional longtemps à l’épreuve du modèle français hérité de la Révolution française.

 

La régionalisation en France est tardive et elle ne s’est pas imposée naturellement. Elle a très souvent été appréhendée comme une menace pour l’unité nationale, pâtissant de son parfum « d’Ancien Régime » évoquant ces « anciennes » Provinces ou circonscriptions régionales (baillages, sénéchaussées, généralités) abolies au moment de la Révolution française. Chacun se souvient de la formule de Thouret, (non pas Alain Tourret député et conseiller régional radical figurant sur ma liste, mais le révolutionnaire député de Rouen), qui déclarait à la Constituante : « Craignons d’établir des corps administratifs assez forts pour entreprendre de résister au chef du pouvoir exécutif, et qui puissent se croire assez puissants pour manquer impunément de soumission à la législature » !

 

Il faudra attendre la Vème République pour que les Régions reviennent sur le devant de la scène et s’autonomisent peu à peu du Département. Rappelons en effet que l’ancêtre de la Région, l’établissement public régional (EPR), a été fondé en 1972 sur la base de la conception pompidolienne, toujours majoritaire à droite, d’une région conçue comme l’« expression concertée des Départements », et non sur la reconnaissance d’une quelconque identité régionale ou d’une entité autonome. Cette départementalisation de la Région, dont l’héritage se retrouve encore aujourd’hui au niveau du scrutin régional, bâti sur des listes départementales, faisait suite à la tentative avortée du général De Gaulle (échec du référendum d’avril 1969) de faire de la Région une collectivité territoriale pleine et entière avec des compétences relatives à l’activité économique, sociale et culturelle. Car si François Mitterrand a indéniablement permis l’émergence de la Région telle qu’on la connaît aujourd’hui, il faut également rappeler et rendre hommage à l’intuition du général De Gaulle qui avait perçu, avant beaucoup d’autres, que « les activités régionales seraient les ressorts de la puissance économique de demain ».

 

À partir des lois Defferre et jusqu’aux réformes constitutionnelles et organiques de 2003 et 2004 conduites par le Gouvernement Raffarin, la Région va voir ses compétences renforcées et va peu à peu asseoir sa légitimité dans l’organisation territoriale du pays. À rebours de la cohérence de ces deux premiers actes de la décentralisation, la loi du 16 mars 2010 portant création du conseiller territorial de M. Sarkozy va menacer un temps l’édifice bâti. Cette contre-réforme aurait, en effet, renforcé la départementalisation de la Région et signé à terme leur disparition. Elle a fort heureusement été rejetée par les élus et par la Nation, son volet sur le conseiller territorial étant abrogé par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

 

II) Des Régions qui réussissent !

 

Si la Région est aujourd’hui une collectivité reconnue, c’est parce qu’elle a su prouver son efficacité dans la mise en œuvre des missions confiées par l’État. Le bilan des Régions de ces vingt dernières années est exemplaire. Dès que l’Etat a confié un bloc de compétences à la Région avec des moyens, des progrès ont été enregistrés, le service rendu au public amplifié, amélioré et modernisé. Nous pouvons, entres autres, citer l’exemple des TER, des lycées ou de la formation professionnelle. De plus au regard des actions menées, la part des Régions dans le déficit public est extrêmement faible. Pour ne prendre que l’exemple de la Haute-Normandie et de la Basse-Normandie, nous avons réussi la rénovation de l’ensemble des lycées, modernisé la flotte de nos TER, financé la création de multiples équipements sportifs et culturels, investi dans le numérique et soutenu nos filières d’excellence et des milliers d’entreprises et d’associations tout en réduisant notre endettement. La Région Normandie est aujourd’hui sur le podium des régions les mieux gérées de France. Peu de collectivités peuvent se targuer d’un tel bilan.

 

Les Régions sont même allées au-delà de bon nombre de leurs compétences, usant à bon escient de la clause générale de compétence dans les domaines de la santé, de l’enseignement supérieur et de la recherche. En Normandie, nous avons participé à la création de maisons de santé, à l’installation de médecins en zones déficitaires, à aider les hôpitaux à l’acquisition d’équipements de pointe en matières de chirurgie et de lutte contre le cancer, par exemple. Nous avons investi des millions d’euros dans nos trois universités à Caen, Rouen et au Havre. Dans le domaine des grandes infrastructures, les Régions ont su mobiliser et dynamiser l’État pour accélérer la mise en œuvre des contrats de projets. Nous avons réussi à négocier, en plus du CPER (contrat de plan État-Région, ndlr), un CPIER (contrat de plan interrégional État-Régions, ndlr) pour la vallée de la Seine, qui est l’un des plus importants de France. Les Régions ont également mis en place un grand nombre de politiques innovantes dans le domaine énergétique. En Haute-Normandie nous avons été à l’avant-garde avec le chèque-Énergies, l’appel à projets Énergies, le déploiement de véhicules électriques…

 

Nos Régions, sous des exécutifs de gauche plurielle (socialistes, radicaux, écologistes et communistes), ont su dépasser leur seul rôle de financeur pour impulser de réelles dynamiques et favoriser un aménagement équilibré et durable de nos territoires. Pas un grand projet ne s’est réalisé en Normandie sans l’appui des Régions. En Haute-Normandie, la coopération « 276 » (entre la Région et les Départements de l’Eure et de la Seine-Maritime), unique en son genre et saluée pour son efficacité par de nombreux rapports, a favorisé le regroupement intercommunal, permis des mutualisations innovantes et de financer sur tous les territoires des projets structurants dont les habitants jouissent au quotidien !

 

L’autre force des Régions a été de mettre en place des coopérations interrégionales originales. Les deux Régions normandes ont ainsi développé, ensemble, de nombreuses actions en matières aéroportuaire avec Normandie Deauville, de numérique, de tourisme avec un comité régional commun, d’économie avec les pôles de compétitivité ou la création de fonds d’investissement, ou encore de prévention de l’érosion de notre littoral.

 

Enfin, cette montée en puissance des Régions a été favorisée et encouragée au plan européen. La Région est en effet, plus que d’autres, l’échelon territorial pertinent à l’échelle d’une Europe qui doit résolument se tourner vers l’investissement, la croissance et l’emploi. L’importance prise par les Régions dans notre organisation administrative territoriale ne résulte donc pas seulement de facteurs législatifs ou institutionnels mais aussi très clairement de la réussite des exécutifs régionaux !

 

III) Bâtir et réussir la Normandie, l’avenir se conjugue au présent !

 

L’heure n’est plus à se demander, « Quelles Régions pour demain ? » mais bien de considérer, avec la plus grande attention, les trois réformes majeures voulues par le président de la République, le gouvernement et la majorité qui sont actuellement en cours : loi sur le développement et le renforcement des métropoles avec la loi MAPTAM, loi relative au nouveau découpage régional et loi NOTRe sur la répartition des compétences. Ces trois réformes constituent le tant attendu Acte 3 de la décentralisation. Elles consolideront à terme l’organisation administrative territoriale de notre pays autour du couple Régions et intercommunalités, et notamment des métropoles.

 

Avec la loi NOTRe, la Région voit son rôle de stratège et de planificateur renforcé grâce au Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), document de planification majeur et intégrateur des autres schémas régionaux (obligatoires ou facultatifs) qui revêtira un caractère prescriptif. En matière économique, les compétences régionales sont aussi affermies, la Région étant responsable du développement économique sur son territoire. Sur l’emploi, après l’importante loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale mettant en place le Service Public Régional de l’Orientation, la Région se voit enfin dotée d’un bloc de compétences cohérent en matière d’orientation, de formation et d’emploi. En matière de transport, la Région se verra confier, au 1er janvier 2017, la responsabilité des transports routiers non urbains (notamment des transports scolaires) et des transports maritimes réguliers de personnes et de biens pour la desserte des îles françaises. Il faut également rappeler que la Région est devenue, il y a peu, autorité de gestion des fonds européens.

 

Toutes ces nouvelles compétences, ces nouveaux documents stratégiques à élaborer en concertation avec les autres collectivités positionnent clairement la Région comme une collectivité incontournable chargée de la préparation de l’avenir, du développement et de l’aménagement des territoires. À ces nouvelles compétences s’ajoutent la réforme de leur périmètre géographique et les défis liés à la fusion d’anciennes régions. Avec Laurent Beauvais, nous pilotons et préparons avec nos administrations cette fusion de nos deux collectivités depuis plus d’un an et nous mesurons l’importance, les difficultés mais aussi les opportunités d’un tel projet. La priorité est donc de réaliser et de réussir cette fusion et, dans le cadre de la nouvelle répartition des compétences, d’engager le dialogue nécessaire avec l’ensemble des autres collectivités afin d’optimiser les rôles de chacun. Importance de la Région ne veut pas dire domination de celle-ci. Au contraire, il lui incombe d’instaurer les voies d’une concertation nécessaire. En ce sens, la conférence territoriale de l’action publique sera amenée à jouer un rôle important. Nous devons être à la hauteur et au rendez-vous de ces enjeux majeurs car nos concitoyens attendent un service public local et régional de qualité, efficace et le moins coûteux possible.

 

Bien que le temps ne soit pas, j’y insiste, à penser de nouvelles réformes mais à appliquer et à réussir celles en cours, tant leur portée et les défis posés sont grands, je veux conclure par deux observations :

 

La première sous forme de souhait. Il sera indispensable, à moyen terme, de repenser la fiscalité régionale notamment au regard de l’évolution de leur périmètre géographique et de leurs compétences. Je suis partisan de davantage d’autonomie financière pour les Régions car elles sont aujourd’hui encore beaucoup trop dépendantes des dotations de l’État. Le gouvernement a récemment annoncé une augmentation de la part régionale de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ndlr), c’est un premier pas qui va dans le bon sens. Il ne s’agit pas pour autant de plaider pour un pouvoir fiscal autonome, comme le connaissent d’autres régions en Europe en Allemagne ou en Espagne, par exemple. Nos Régions n’ont pas vocation à devenir des Länders ou des communautés autonomes. La France est et doit demeurer un État unitaire et la décentralisation à la française est un modèle original adapté à notre histoire et à nos traditions. Néanmoins, si on veut encore davantage donner aux Régions les moyens de leurs ambitions, il faudra nécessairement leur offrir de nouvelles marges de manœuvre en termes de recettes.

 

Enfin, la consultation et l’association des présidents de Région aux choix du gouvernement en matière de grands projets structurants pour la Nation est indispensable. À plusieurs reprises, j’ai pu, ainsi que mes homologues, être reçu, consulté et associé aux réformes conduites par l’État impactant nos territoires. C’est un grand progrès par rapport à ce qui se passait sous l’ère Sarkozy. Il me paraît indispensable que cette coopération puisse être identifiée par une instance dédiée à l’image de ce qui se passe en Allemagne. Certains considéreront que c’est le rôle du Sénat, mais je suis trop attaché au non-cumul des mandats parlementaire et de fonctions exécutives locales pour militer pour que notre Sénat, qui représente déjà les collectivités locales, ne se réduise à une seule chambre pour grands élus locaux et régionaux.

 

Vous comprendrez par cette tribune que je suis un authentique « Girondin » ! Le décentralisateur pas le supporter de foot, mes préférences allant au stade Malherbe ou au HAC… Je considère, en effet, que pour être efficace la prise de décision doit se faire au plus près des besoins des populations et des réalités du territoire. Pour moi, la décentralisation n’est pas seulement un mode de réflexion, c’est principalement un mode d’action ! Enfin, mon régionalisme ne sera jamais celui d’un repli identitaire, d’une défiance envers l’État et encore moins d’un hégémonisme à l’égard des autres collectivités. Il découle simplement de mon analyse de notre histoire politico-administrative et de la richesse de mon expérience à la tête de la Haute-Normandie. Malgré tout le chemin parcouru par nos Régions ces 30 dernières années, il reste encore beaucoup à faire ! C’est dans cet état d’esprit, enthousiaste et plein d’ambition pour ma région et ses habitants, que je me présente au suffrage des Normands.

  

Une réaction, un commentaire ?

Et vous, quel avenir entrevoyez-vous pour nos Régions ?

 

Suivez Paroles d’Actu via Facebook et Twitter... MERCI !

19 décembre 2015

Fariba Adelkhah : « L'Islam n'est pas le passé de l'Iran mais bel et bien son avenir »

Fariba Adelkhah a vu le jour dans ce grand pays qu’est l’Iran ; c’était encore, pour ce qui la concerne, l’Iran d’avant la révolution qui entraîna la chute de la monarchie Pahlavi, l’Iran d’avant la République islamique proclamée en 1979. Docteur en anthropologie (EHESS, 1989), elle est membre des comités scientifiques de Iranian Studies et de la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée. Nombre de ses travaux portent sur une conjugaison de ses deux grands pôles d’expertise, l’anthropologie politique et sociale et l’Iran ; on lui doit notamment, pour ne citer que deux de ses écrits récents, Les mille et une frontières de lIran (Karthala, 2012) et Les Paradoxes de lIran (Le Cavalier bleu, 2013). Je la remercie vivement, d’abord pour sa bonté à mon égard, ensuite d’avoir accepté de répondre (17/12) aux questions que je lui avais préparées (01/12). Ses réponses apportent des éclairages précieux sur des points souvent méconnus, des précisions qui peuvent aider à faire tomber quelques idées reçues - et c’est très bien ainsi. Nicolas Roche

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« L’Islam n’est pas le passé de l’Iran

mais bel et bien son avenir »

Interview de Fariba Adelkhah

 

Iran leaders

Le Guide suprême Ali Khamenei et le président Hassan Rohani. En fond, un portrait

de Rouhollah Mousavi Khomeini, père de la République islamique d’Iran. Source de l’illustration : presstv.ir.

 

Paroles d’Actu : Bonjour Fariba Adelkhah, merci de m’accorder cet entretien. On le sait, si Daesh a pu prospérer et se développer sur de larges pans de terres sunnites d’Irak et de Syrie, c’est en partie le résultat de l’affaiblissement dramatique de l’État irakien et, au moins autant, de politiques discriminatoires (ou en tout cas pas suffisamment inclusives) menées par les gouvernements chiites de Bagdad et de Damas à l’encontre des populations sunnites (minoritaires dans le premier cas, majoritaires dans le second).

La première question que j’aimerais vous poser, je me la pose depuis un moment : la fracture sunnite/chiite au sein de l’Islam, élément majeur de la géopolitique moyen-orientale, est-elle cantonnée dans ses concrétisations aux prêches de quelques religieux, aux agissements de certaines de leurs ouailles et, évidemment, aux mouvements que sous-tendent des considérations (géo)politiques ou bien sont-elles prégnantes dans l’esprit de la plupart des croyants ? Posé autrement : cette opposition qu’on voit de l’extérieur est elle ancrée dans la culture des uns et des autres ou bien, in fine, ne vit-elle que par les manipulations politiques qui en sont faites ?

 

Fariba Adelkhah : Je souhaiterais ici, sans sous-estimer la violence et son coût, mettre en avant quelques éléments anthropologiques. C’est aux expert(e)s de la question de savoir comment les intégrer à leurs analyses. La fracture chiites-sunnites est d’abord politique. Elle tient notamment à la compétition entre les États, à la forme de gestion des régions et des populations récalcitrantes tout au long du siècle dernier, ou encore aux politiques discriminatoires et sectaires liées au partage des ressources et au nationalisme.

 

Elle est également religieuse, bien sûr. Par exemple quand les sunnites considèrent les chiites comme « indignes » parce que trop liés aux rituels zoroastriens, et déviants dans certaines de leurs pratiques, telles que le recours au saints (tavassol ou shefa’at). Réciproquement, les chiites qui considèrent un peu rapidement que les sunnites sont irrespectueux à l’égard de la famille du Prophète et, par extension, de ses petits-enfants, au point d’avoir causé leur martyre. La vénération, assez exagérée, pour la famille du Prophète est à l’origine de la fracture religieuse. Mais il y a plus, et cela tient au statut du clergé dans la tradition chiite, qui se fonde entre autres sur le renforcement de la différence avec les autres courants juridiques. Certains courants chiites se sont radicalisés, comme le mahdisme. D’autres formes de pratiques telles que le chant dans les réunions religieuses, des pèlerinages sur des lieux saints dont l’origine est incertaine, ou encore la publication de livres de prières qui ne sont pas directement issus du Coran peuvent faire problème aux yeux d’autres croyants.

 

Enfin, la tension entre chiites et sunnites est historique et ancrée dans certaines régions fertiles, comme à Parachinar, au sud de l’Afghanistan, sur la frontière pakistanaise, où les chiites ont cohabité de tout temps, sur la route menant vers l’Inde, avec les sunnites, non sans conflits. Le fond du problème n’a alors pas grand-chose à voir avec la religion. Il porte plutôt sur le partage du pouvoir, dans une région prospère, entre deux groupes ethniques et confessionnels qui la dominent ou y sont influents. Ce genre de tension ne se cantonne pas à la différence confessionnelle, et on peut le retrouver dans d’autres régions, où s’opposent des familles appartenant pourtant à la même confession, voire des fratries au sein d’une même famille.

 

Toutefois, on ne peut pas parler d’une fracture au quotidien. On ne retrouve pas la fracture dans la vie de tous les jours ! Les familles chiites et sunnites n’ont pas cessé d’échanger au travers des alliances matrimoniales et dans les affaires. Aujourd’hui plus que jamais, car le développement des universités, des zones franches ou encore des modes de communication modernes, le tourisme, y compris religieux, sous forme de pèlerinage, ont facilité autant la mixité confessionnelle que la radicalisation ethnique. Que ce soit en Iran ou en Afghanistan, il n’est pas étrange, ni d’ailleurs rare, de se trouver dans des groupes mixtes confessionnellement, en pleine région sunnite.

 

Et Daesh, après tout, n’assassine pas que des chiites, même si son discours est délibérément violent à l’encontre des non sunnites, notamment à l’encontre du voisin iranien qui monte en puissance. Aussi ne faudrait-il pas oublier que le quarantième jour du deuil de l’Imam Hossein, le troisième Imam chiite, a été l’occasion, pour vingt millions de pèlerins, dont quatre venus de l’étranger, notamment de l’Iran, de se recueillir, le 22 novembre dernier. sur sa tombe pendant trois jours à Karbala, au cœur de la région la plus sous tension, en Irak. Les chiites disent avec une certaine fierté que « le sang n’a coulé du nez de personne », alors que l’entraide et les offrandes prodiguées aux pèlerins par les habitants s’observaient tout au long de la route.

 

« Les rapports entre États de la région ne suivent pas 

strictement les lignes confessionnelles »

 

En outre, si on y regarde bien, la politique des États n’est pas strictement confessionnelle. L’Arabie saoudite ne ferme ses frontières ni aux Ismaélites, ni aux chiites. Il ne faut pas non plus sous-estimer le nombre des sunnites qui font des études religieuses dans la ville sainte chiite de Qom. Si l’Iran ne voulait entretenir des relations qu’avec des pays chiites, il n’aurait guère d’interlocuteurs ! Pendant la guerre contre les Soviétiques, dans les années 1980, l’Iran a servi de terre d’asile non pas au clergé chiite, mais aux djihadistes sunnites afghans les plus radicaux, ceux d’Hekmatyar.

 

La radicalisation religieuse va de pair avec le développement des pratiques touristiques, y compris des pèlerinages, des échanges commerciaux et de l’économie informelle, dans lesquelles les femmes s’impliquent autant que les hommes. Et il faudrait réfléchir à la place des femmes dans les mouvements djihadistes.

 

Évidemment, on peut toujours parler de leur manipulation ou de leur instrumentalisation. Mais ces phénomènes sont trop massifs pour qu’on les réduise à cette logique instrumentale, et il est de toute façon difficile de savoir qui manipule qui. Les arroseurs sont souvent arrosés. Il s’agit plutôt d’un jeu de tactiques disséminées, de stratégies complexes, difficilement réductibles à la guerre factionnelle entre chiites et sunnites.

 

PdA : Il est difficile de sonder l’âme d’un peuple auquel on ne donne pas souvent la parole. Que savons-nous de la manière dont la population iranienne observe les évènements qui ont cours chez les voisins d’Irak, de Syrie, du Yémen ? Que savons-nous de l’état de l’opinion iranienne à l’égard de l’alliance entre la République islamique et le régime Assad ? Plus globalement, qu’est-ce qui, en matière d’affaires extérieures, est un objet de préoccupation dans la population iranienne, hormis la nécessité d’un rétablissement effectif de rapports diplomatiques, commerciaux et financiers normalisés avec le reste du monde ? 

 

F.A. : C’est la peur. On en parle avec beaucoup d’inquiétude. Cela relève de l’imprévisible qui angoisse et qui tourmente au quotidien, dans un pays qui a connu une révolution, en 1979, et huit ans de guerre.

 

Déjà, quand « tout allait bien en Syrie » et que quelques centaines de milliers de pèlerins visitaient ce pays chaque année, on les entendait dire que l’Iran était décidément un pays inégalable. Qu’entendrions-nous aujourd’hui ! « Il y a de la crise partout sauf chez nous, en Iran, que Dieu nous protège », répète-t-on souvent. Ou encore : « Dieu a eu pitié de nous »… L’Iranien, même lambda, a regardé les Printemps arabes, notamment en Egypte, avec beaucoup plus de scepticisme que les analystes en Occident. Et pour cause ! Car la génération qui a fait la révolution de 1979 est toujours au pouvoir : « Ils ne savent pas ce qui les attend ! », disait une femme âgée de 75 ans. Et de continuer : « Nous ne savions pas non plus, quand nous avons fait notre Révolution ». Les Iraniens s’identifient à la population de la région. L’analyse politique voit d’ailleurs dans le repli des Iraniens sur eux-mêmes, ou encore dans leur soutien à l’État, malgré les problèmes politiques, le signe que les événements des Printemps arabes n’avaient rien de rassurant et qu’il fallait à tout prix en éviter de similaires en Iran même, tant l’expérience des troubles au début de la révolution semble ineffaçable, et toujours traumatisante dans la mémoire populaire ou nationale. Leur nationalisme indécrottable fait certes que les Iraniens se sentent différents des autres, mais ils se sentent aussi concernés par les problèmes que vivent les gens de la région, et bon an mal an ils s’identifient à eux, en dépit de leur sentiment de supériorité culturelle. C’est la proximité géographique qui créé le sentiment de vulnérabilité. La pratique massive de la contrebande, du commerce informel, du pèlerinage démontre à elle seule la porosité des frontières nationales, et la contiguïté du danger.

 

« Le discours sécuritaire du régime est porteur auprès d’une

population qui regarde avec angoisse les troubles extérieurs »

 

Néanmoins, dans l’angoisse et la peur qui dominent les esprits, il y a sans doute plus que l’expérience d’un passé dont on ne veut pas la réédition. Il ne faudrait pas oublier que les grands perdants de la guerre Iran-Irak, les Gardiens de la Révolution, qui s’étaient vus obligés de se lancer dans les affaires pour survivre après le cessez-le-feu de 1988, trouvent, dans la crise régionale, une opportunité pour revenir sur scène et pour se refaire une peau neuve. Leur discours sécuritaire entretient ce climat de peur en mettant en avant l’impératif de la Défense nationale et de la protection de la République islamique. Il leur permet d’obtenir de nouveaux moyens financiers et un regain de légitimité, voire de sympathie dans l’opinion, ce à quoi s’emploient les médias. La soudaine popularité du « Sardar » – entendre Sardar Ghasemi, le commandant de l’unité Qods, la branche opérationnelle des Gardiens de la Révolution à létranger, omniprésente en Irak et en Syrie – est de ce point de vue révélatrice.

 

La gestion des conflits régionaux n’a rien de simple. Il est inévitable que le danger qu’ils représentent ait des répercussions sur le climat politique en Iran, et que la thématique de la sécurité monte en puissance. Ces répercussions sont d’autant plus évidentes que jamais l’Iran n’a été autant en symbiose avec le Moyen et le Proche-Orient, par le biais du commerce, du pèlerinage, de l’investissement, de la diplomatie… et de la guerre. Pour autant, la peur n’a pas fait fuir les Iraniens de La Mecque, de Nadjaf, de Kerbela. Et les responsables du waqf – de la fondation religieuse – en charge du pèlerinage en Syrie attendent avec impatience la paix pour pouvoir y emmener à nouveau les pèlerins, sur les lieux saints du chiisme qui sont situés notamment à Damas.

 

PdA : L’accord sur le nucléaire iranien daté de juillet dernier a propulsé le nouveau président de la République islamique Hassan Rohani, apparemment un pragmatique, au cœur du jeu diplomatique. Mais, dans le même temps, les signaux, disons, moins accommodants qui ont été envoyés par Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution et numéro un du régime, n’ont échappé à personne. Pouvez-vous nous rappeler comment s’articule, pour l’heure en tout cas, le partage de l’autorité entre ces deux fonctions s’agissant en particulier de la conduite de la diplomatie et de la défense nationales ?

 

F.A. : Le Guide de la Révolution a joué son rôle, non sans méfiance à l’encontre d’une négociation qui mettait côte à côte la République islamique et le vieil ennemi américain, sans que l’on ait de certitude sur l’issue du processus.

 

Le Guide veille à ce que personne ne soit exclu de sa « nappe », pour reprendre la métaphore habituelle du repas. Autrement dit, il doit y avoir une assiette pour tout le monde. On se le représente, sans doute de façon un peu tribale, comme le pilier central de la tente. Et si la tente est plus que le pilier, elle n’existe pas sans celui-ci.

 

Hassan Rohani, et donc son ministre des Affaires étrangères Zarif, n’auraient pas pu avancer d’un pas sans le soutien du Guide. Ils avaient le feu vert dès le départ, mais les adversaires du président de la République ne se sont pas résignés au silence. Ils continuent à critiquer, encore aujourd’hui. C’est qu’ils ont aussi un appui à l’intérieur du système. Et on ne rompt l’équilibre de celui-ci qu’à ses propres dépens. Nul n’a intérêt à afficher ses gains au détriment des autres.

 

Cela dit, les choses ont un peu changé dans les dix dernières années. L’ampleur de l’économie informelle, et l’opportunité d’enrichissement qu’a fournie à certains groupes d’intérêt la nécessité de contourner les sanctions internationales, ont conféré à des acteurs impliqués dans ces flux économiques une autonomie considérable par rapport au pouvoir politique.

 

« Point méconnu à ne pas négliger : l’exercice du pouvoir au

sein de la République islamique est profondément collégial »

 

Tel est le véritable enjeu aujourd’hui. Même si la rente pétrolière demeure importante, elle ne constitue plus la seule source d’enrichissement. L’économie informelle en représente une autre, plus difficile à contrôler par l’État, bien que ses acteurs soient eux-mêmes parties prenantes à ces échanges. La question est d’autant plus complexe que l’exercice du pouvoir, en République islamique, est profondément collégial et que – hormis quelques purges, ou mises à l’écart, durant la guerre ou après la crise électorale de 2009 – l’ensemble de la classe politique révolutionnaire y demeure associée par le biais de différentes instances d’arbitrage. Tous ces gens se tiennent un peu par la barbichette, si vous me passez l’expression. C’est bien l’extraordinaire longévité et stabilité de la classe politique iranienne depuis 1979 qu’il faut souligner.

 

PdA : Les fondations de l’édifice étatique qu’avait bâti l’ayatollah Khomeini sont-elles solides pour autant ? Quelle évolution vous risqueriez-vous à prédire au régime de Téhéran pour l’après-Khamenei et pour la suite au regard des factions en présence et, bien sûr, de ce que sont les aspirations profondes du peuple iranien ?

 

F.A. : Cela pourrait vous paraître surprenant, mais l’après-Khamenei est aussi pensé, aujourd’hui, en Iran. On reste plus ou moins dans le même débat qui a préoccupé le clergé iranien dans les années 1960. Seulement, à l’époque, le clergé n’était pas au pouvoir. On soulignait déjà l’impossibilité de s’appuyer sur une seule « source d’imitation » théologique, et on réfléchissait à la possibilité de créer un conseil composé de quelques-uns des grands ténors religieux de l’époque, auxquels seraient associés des intellectuels islamiques recrutés dans le cercle du Mouvement de la Libération nationale. La Révolution, l’aura de l’Imam Khomeyni, la difficulté de sa succession dans le contexte troublé de l’après-guerre en ont décidé autrement. Il fut choisi, en 1989, de remplacer l’Imam Khomeyni par le président de la République, Ali Khamenei, alors que celui-ci était lui-même partisan d’une instance collégiale, tout comme Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, le président du Parlement, qui deviendra alors président de la République. Mais ces débats sont toujours d’actualité, même si l’enjeu en est autre aujourd’hui. L’arrivée au pouvoir du clergé a changé la donne. La fondation de la République islamique a métamorphosé le rapport au transcendant et la dimension islamique. Prévaut un véritable pluralisme de l’expression religieuse, qui n’est pas sans répercussions sur les dynamiques sociales, politiques, mais aussi économiques ou médiatiques. C’est dans ce contexte que Rafsandjani vient de soulever, à ses risques et périls, la question de l’intérim du Guide de la Révolution si celui-ci venait à être empêché, et qu’il a ouvert ce débat houleux dans des termes désacralisés et strictement institutionnels.

 

Une page est bien tournée avec ce pluralisme religieux. Ce qui me fait dire que l’islam n’est pas le passé de l’Iran, mais bel et bien son avenir. Le respect de cette expérience historique, laquelle ne se cantonne ni à l’allégeance à la République islamique ni à son autoritarisme, sera le critère d’évaluation et de légitimité de toute alternative au régime, ou de sa recomposition politique.

 

Fariba Adelkhah

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via Facebook et Twitter... MERCI !

24 avril 2016

Martial Passi : « Une ville comme Givors sans cinéma, ça n'était plus possible... »

Il y a dix mois et demi était publiée sur Paroles dActu, sur ma proposition, une tribune écrite pour loccasion par Martial Passi, maire PCF de Givors (Rhône) ; un message musclé d’homme de gauche directement adressé à François Hollande et Manuel Valls. J’ai souhaité aujourd’hui lui donner à nouveau la parole, cette fois pour évoquer, entre autres sujets d’actualité, aux plans national et local, la réouverture de salles de cinéma dans sa commune, une première depuis une quinzaine d’années. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

Martial Passi: « Une ville comme Givors

sans cinéma, ça n’était plus possible... »

Q. : 20/03/16 ; R. : 20/04/16.

Martial Passi 2016

 

Paroles d'Actu : Martial Passi bonjour, merci de m’accorder ce nouvel entretien pour Paroles d’Actu. Vous venez d’annoncer l’ouverture prochaine sur le site des anciennes verreries de Givors d’un grand complexe cinématographique financé et géré par le groupe Mégarama. Givors, ville qui se veut un pôle culturel, n’avait plus de cinéma depuis une quinzaine d’années : le manque était criant, pour vous ? Avez-vous cherché à y remédier durant cette période ?

 

Martial Passi : Bien sûr, nous avons exploré toutes les pistes possibles, y compris la réactivation du cinéma Le Paris, qui a fermé ses portes il y a très longtemps. Nous ne pouvions admettre quune ville de 20 000 habitants ne puisse disposer de salles de cinéma. Nous nous sommes longuement battus pour le retour du grand écran à Givors, et le combat savère enfin payant avec larrivée d'un Mégarama qui ouvrira fin 2018. Je voudrais ajouter que cet équipement ultra-moderne sera doté de sept salles qui proposeront une qualité de son et dimage relevant des toutes dernières technologies.

 

PdA : Quels acteurs sont intervenus pour la prise de décision de cette installation, et quelles en ont été les coulisses ?

 

M.P. : C’est la SAGIM (Société d’Aménagement Givors Métropole), qui a mené de bout en bout ce dossier et, je dois le dire également, le maire de Givors qui ont permis d'accueillir ces projets sur la ZAC VMC. Outre ce complexe cinématographique, un hôtel des entreprises et une pépinière d’entreprise de la Métropole de Lyon, ainsi qu’un projet privé de mise à disposition de bureaux et de locaux commerciaux et artisanaux. Naturellement, la municipalité de Givors a œuvré sans relâche pour que ce beau projet se concrétise au service des Givordins mais aussi des populations du bassin de vie de Givors.

 

PdA : Les réactions n’ont pas été trop mauvaises du côté, par exemple, du Méga CGR de Brignais ?

 

M.P. : Je n’ai pas de retour particulier de la part du Méga CGR.

 

PdA : La médiatisation autour de Fatima, film de Philippe Faucon auréolé de la statuette du meilleur film lors des César de cette année, a propulsé la Givordine Soria Zeroual sous le feu des projecteurs. Racontez-nous cette aventure telle que vous l’avez vécue à titre personnel, depuis ses débuts ? Quel regard portez-vous sur le parcours de Soria Zeroual, et qu’avez-vous pensé du film ?

 

M.P. : J’ai été très fier pour Soria Zéroual lorsque déjà, elle fut acclamée durant dix-sept minutes au Festival de Cannes. Je l’ai été une nouvelle fois lorsqu’elle fut nommée au César et je dois dire que je pense sincèrement qu’elle aurait mérité cette reconnaissance tant elle a illuminé, par son rôle d’acteur, ce film qui, je le rappelle a tout de même reçu trois Césars.

 

J’ai été fier mais aussi bouleversé par sa manière d’habiter ce rôle. Un rôle qu’elle connaît bien parce que, comme l’héroïne du film, dans la vraie vie, Soria est une simple et modeste femme de ménage qui rêve du meilleur pour ses enfants et qui fait tout parvenir à ce but. Soria Zéroual, comme Fatima, c’est l’humilité incarnée, c’est une bonne et belle personne.

 

Fatima

L’affiche du film Fatima, réalisé par Philippe Faucon.

 

Givors ville éminemment sportive (qui compte plusieurs champions du monde, olympique, internationaux dans de nombreuses disciplines) est fière de Soria, comme elle est fière de Stéphane Bullion, un Givordin, danseur étoile à l’Opéra national de Paris…

 

PdA : La question précédente et première thématique abordée m’invitent, tout naturellement, à vous interroger sur vos goûts cinématographiques : quels sont les, disons, dix films, récents ou plus anciens, que vous recommanderiez forcément à qui vous demanderait conseil ?

 

M.P. : Si l’apprécie les films grand public pour leur capacité à me distraire, j’aime surtout le cinéma d’auteur et les films d’après-guerre néoréalistes italiensDans un autre registre, j’ai revu tout à fait récemment Viva La Libertà, un film italien que j’ai beaucoup aimé. J’apprécie également les films de Costa-Gavras, comme Z, L’aveu, Missing ou État de siègeQuant à recommander un film, évidemment je recommande Fatima !

 

PdA : Lors d’une interview que j’avais menée il y a quelques années, Marie-Brigitte Andréi, actrice présidente d’une association de défense d’un cinéma parisien menacé de disparition, Le Grand Écran, avait vanté la programmation originale de ce dernier, en matière de films proposés mais aussi de spectacles vivants. Quels sont sur ces points vos ambitions, vos désirs ? Entendez-vous construire avec Mégarama un partenariat d’exploitation qui vous donnera du jeu sur la programmation des futurs cinémas givordins ?

 

M.P. : Mégarama est une entreprise qui a une logique économique qui lui appartient et il semble compliqué de s’immiscer dans sa programmation. Cela dit, je peux dire que ponctuellement, nous serons amenés à construire ensemble des projets qu’il est prématuré d’évoquer aujourd’hui. 

 

PdA : Sur le site des anciennes verreries de Givors est conservée, comme un vestige du passé industriel et ouvrier de la ville, une cheminée emblématique connue de tous les Givordins. Je ne doute pas qu’elle y sera maintenue ; va-t-elle être restaurée, peut-être accompagnée d’une structure culturelle et pédagogique qui aurait pour objet de perpétuer cette mémoire ?

 

M.P. : Cette cheminée a déjà été restaurée, en lui donnant notamment la possibilité d’être illuminée. Il va sans dire que symboliquement, nous tenions et nous tenons toujours à ce qu’elle demeure sur le site. Elle symbolise la mémoire générale de la ville mais aussi celle des anciens verriers de Givors, des générations entières de travailleurs qui se sont battus pour une entreprise qui constituait un des fleurons de l’industrie française et qui a été sacrifiée sur l’autel du profit.

 

PdA : Qu’aimeriez-vous que vos administrés retiennent de vous au terme de vos mandats sur le plan de la vie culturelle ? De quoi êtes-vous et serez-vous fier sur ce front-là ?

 

M.P. : Les actions culturelles qui ont jalonné la vie de Givors n’ont pas débuté avec mon arrivée à la tête de la ville. Moi-même et mon prédécesseur considérions que la culture, comme le sport, sont essentielles dans la construction des individus et notamment des plus jeunes. C’est pour cette raison qu’une part importante du budget municipal est consacrée à la culture.

 

Nous avons à Givors, un théâtre, un conservatoire, un musée, des salles de conférences, une médiathèque, un pôle culturel « Madiba-Nelson Mandela », une maison des jeunes flambant neuve, une salle d’expositions dédiée aux arts plastiques… De plus, de nombreuses actions sont financées et menés dans les écoles de la ville. Malgré les difficultés financières qui s’accentuent d’années en années, nous continuons à offrir aux givordins les moyens de se cultiver, de s’enrichir, de s’élever intellectuellement. Si je devais être fier de quelque chose, je pense que ce serait aussi de cela.

 

PdA : Vous le rappeliez, une pépinière d’entreprises trouvera également sa place aux côtés du complexe cinématographique. L’occasion pour moi de vous demander ce que sont à votre sens, à tous les niveaux de décision publique (collectivités territoriales, État...), les mesures qu’il conviendrait de prendre pour favoriser d’une part l’entrepreneuriat, d’autre part l’innovation, la croissance de nos entreprises - et donc l’emploi ? 

 

M.P. : Il n’y a pas de recette miracle. Mais ce que je sais, c’est que l’État doit cesser de pressuriser les collectivités mais au contraire les aider à développer l’activité économique et donc l’emploi sur leurs territoires.

 

PdA : Où en est Givors sur la question de la revitalisation économique ? Avez-vous encore des velléités de revitalisation industrielle pour la ville ?

 

M.P. : Le secteur tertiaire prend de plus en plus le pas sur le secteur industriel dans notre pays. Une mutation sociétale dont nous avons pris acte à Givors et que nous accompagnons fortement. Divers dossiers sur cette question sont actuellement en cours, je pense notamment à un grand projet structurant que nous menons autour de la gare de Givors Canal.

 

PdA : Cette question-là, je vous la pose en tant qu’amateur de vélo et notamment de ce parcours suprrbe que constitue la ViaRhôna. La traversée de Givors compte parmi les points les moins agréables du tracé, la circulation y étant quasiment toujours « partagée » : avez-vous des marges et moyens d’action sur cette question ? des projets en cours ?

 

M.P. : Il est vrai que des aménagements restent à réaliser concernant le parcours de la ViaRhôna. La municipalité de Givors est fortement mobilisée sur cette question, correspondant bien à la vision portée par notre ville. Givors est, en effet, engagée depuis plusieurs années pour le développement des transports en communs et des modes doux, et de nombreuses actions sont menées en ce sens à travers l’Agenda 21 notamment. La réalisation du tracé de la ViaRhôna à Givors s’inscrit pleinement dans notre volonté de construire une ville accessible à tous nos concitoyens, et de redonner toute sa place au mode de circulation piétonnier et cycliste.

 

Néanmoins, comme vous le savez, la ViaRhôna est un projet associant de multiples partenaires financeurs, tels que la Région Rhône-Alpes, la Compagnie nationale du Rhône (CNR), la Métropole de Lyon, le Conseil départemental du Rhône etc. Et s’il est vrai que cette nécessaire coopération a permis d’avancer de façon certaine sur des tronçons déjà réalisés, il n’en reste pas moins que des complexités peuvent exister. Restant pleinement mobilisée par cet ambitieux projet valorisant les modes doux au service des territoires et des populations, la ville de Givors va continuer de solliciter ses partenaires afin que soient enfin réalisés les travaux indispensables à l’aménagement de cet itinéraire dans la traversée de la ville.

 

PdA : La présidentielle, mère de toutes les élections en France, et les législatives, c’est dans à peine plus d’un an... Si vous aviez, aujourd’hui, un message à adresser à François Hollande ? À Manuel Valls ? 

 

M.P. : Il suffit de tendre l’oreille et d’écouter les cris de détresse que lancent aujourd’hui les salariés de la fonction publique comme du secteur privé, les étudiants et les lycéens qui ne supportent plus que la voix des actionnaires capitalistes soit plus entendue que la leur. C’est tout simplement insupportable. D’autant plus que toutes les mesures mise en place par le gouvernement le sont par un gouvernement prétendument de gauche, alors même que le gouvernement précédent n’était jamais allé aussi loin sur la voie du néolibéralisme ! Les Français, et je partage totalement leur sentiment, ont l’impression d’avoir été bernés et il est fort probable qu’ils sauront s’en souvenir en 2017. Aujourd’hui j’ai le sentiment d’un énorme gâchis...

 

Une réaction, un commentaire ?

Suivez Paroles dActu via Facebook et Twitter... MERCI !

2 novembre 2016

Thierry Lentz : « Paris n'est pas qu'une fête, c'est aussi une cible... l'a-t-on déjà oublié ? »

Thierry Lentz, grand historien spécialiste des périodes Consulat et Empire et directeur de la Fondation Napoléon, compte parmi les contributeurs fidèles de Paroles d’Actu ; j’en suis fier et lui en suis reconnaissant. Quelques jours avant le premier anniversaire de la soirée terrible du 13 novembre 2015, je lui ai soumis quelques questions davantage ancrées dans une actualité immédiate que d’ordinaire : la parole en somme à un citoyen imprégné d’histoire - et il m’est d’avis qu’on devrait s’intéresser un peu plus à ce qu’ils ont à dire de l’actu, ces citoyens qui connaissent vraiment l’Histoire !

Joseph Bonaparte La fin des empires

Je signale au passage la parution, cette année, de deux ouvrages que je vous engage vivement à découvrir : la bio évènement, hyper-fouillée signée Thierry Lentz de Joseph, frère aîné à la « vie extraordinaire » de Bonaparte (Perrin, août 2016), et un ouvrage collectif passionnant, j’ai envie de dire « essentiel », que M. Lentz a co-dirigé aux côtés de Patrice Gueniffey (Perrin-Le Figaro Histoire, janvier 2016) et qui porte sur la fin des empires - lui-même a rédigé le texte sur la chute de l’empire napoléonien. C’était en aparté. Place à l’actu. Une actu dont on ne sait encore comment elle sera exploitée par ceux qui, demain, écriront l’Histoire. Par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Paris n’est pas qu’une fête, c’est aussi

une cible... l’a-t-on déjà oublié ? »

Interview de Thierry Lentz

Q. : 30.10 ; R. : 02.11

Bataclan

Après l’attaque du Bataclan... Photo : REUTERS.

 

Dans quelques jours, nous commémorerons, à l’occasion de leur premier anniversaire, les « Attentats de Paris », leurs 130 morts et leurs 413 blessés. Pour cette première question, déjà, j’aimerais vous demander comment vous les avez reçus et vécus à titre personnel, ces événements, à chaud puis, peut-être, avec le recul de l’historien ?

« Après la folle nuit du 13 novembre,

le 14 au matin, un silence terrible

dans le métro et les rues de Paris »

J’ai vécu ces attentats comme tous les Parisiens, dans l’angoisse d’abord, la colère ensuite. Il se trouve qu’habitant sur le chemin de l’hôpital de la Pitié, j’ai eu toute la nuit pour y penser : des dizaines d’ambulances, des sirènes… puis le lendemain matin, plus rien. Un terrible silence dans les rues et le métro. Je crois que je n’oublierai jamais ce moment-là. Heureusement, devant participer à un festival d’histoire près de Metz, je suis immédiatement allé « ailleurs », au milieu de personnes qui étaient certes abattues mais pas « témoins directs ». Le temps du recul est venu bien après, comme vous l’imaginez, d’autant qu’il y a eu Nice, ville où habitent beaucoup de mes amis et une partie de la famille. Une cousine de mon ex-épouse a été tuée ce soir-là, de même que deux amies d’une amie. Pour ce qui est du travail « d’historien », je crois qu’il est un peu tôt pour qu’il puisse commencer. Nous sommes encore en pleine crise et si je suis parfois frappé par certaines insouciances…

Est-ce qu’il y a, à votre sens, un « avant » et un « après » 13-Novembre, une rupture marquée dans l’esprit de la population française qui peut-être se serait sentie jusqu’à ce point relativement préservée en tant que telle des convulsions du monde, des soubresauts de l’Histoire ? Est-ce que vous pressentez, à la suite de ces attentats, une sorte de réveil, de sensibilisation nouvelle - durable ? - aux problématiques de sécurité, de renseignement, de défense ; une signification régénérée de la notion de « citoyenneté » ?

Je ne suis pas sûr qu’il y ait déjà un « après ». Il suffit de voir à quel point les pouvoirs publics masquent autant les causes profondes que les causes directes de ce qui nous arrive. Concernant le 13 novembre, j’ai suivi de près les travaux et conclusions de la commission d’enquête parlementaire, j’ai, je crois, lu à peu près tout ce qui a été publié de sérieux et ma conclusion est assez déprimante. Pour fuir certaines responsabilités, on a menti, par omission souvent, sciemment parfois. En ce premier anniversaire, je n’allumerai aucune bougie mais continuerait à poser des questions factuelles qui me taraudent. En voici quelques-unes auxquelles le ministre de l’Intérieur n’a toujours pas répondu. Pourquoi a-t-il attendu le 30 octobre 2015, neuf mois après les premiers attentats, pour annoncer son plan de modernisation des équipements de la police, plan qui n’est toujours pas mis en œuvre, ce que nous savons à travers les mouvements policiers actuels ? Pourquoi le Bataclan, qui était ciblé depuis 2009, n’a-t-il pas fait l’objet de mesures de protection particulières ? Pourquoi les dirigeants de la salle de spectacle n’ont-ils jamais reçu « l’avis à victime » prévu par la législation ? Qui a refusé l’intervention de la patrouille Sentinelle qui était devant le Bataclan pendant la fusillade (le ministère prétend qu’il n’a pas pu retrouver le responsable, ce qui est encore pire : il ne sait même pas qui donnait les ordres ce soir-là) ? Pourquoi les unités d’élite ne sont-elles intervenues que plus de deux heures après le début des faits ? etc, etc, etc.

Sur Nice, nous le savons tous, les questions sont encore plus graves. Il semble bien que les autorités de l’État aient, au départ, essayé de masquer des éléments essentiels. On avait baissé la garde… toujours l’insouciance. L’état d’urgence n’a été utilisé qu’avec parcimonie pour aller au fond des choses. Les territoires perdus sont bien loin d’avoir été reconquis. On ne nous parle que des « valeurs de la République », qui empêcheraient ceci ou cela. Parmi ces valeurs, n’y a-t-il pas le respect, y compris par la contrainte, du pacte social qui implique la protection des citoyens ?

« La fuite des responsabilités est quasi-générale... »

La fuite des responsabiltés est quasi-générale. Tiens : pourquoi, ne serait-ce que pour la forme, le ministre ou le préfet de police n’ont-ils pas présenté leur démission dans les jours qui ont suivi le 13 novembre ? Ça aurait eu « de la gueule », quitte pour le président de la République à leur demander de rester en fonction. C’est ce qui s’est passé en Belgique après les attentats de Bruxelles. Mais voilà, nos responsables ne le sont plus. On a décrété que M. Cazeneuve était l’homme de la situation, je ne le crois pas. Il passe son temps à finasser, à sauter d’une jambe sur l’autre, et ça n’est pas son air sérieux qui changera ma perception. Il n’a pas toujours dit la vérité et il en est une autre : il a été incapable de nous défendre. Quant au préfet de police de Paris, son incapacité, ses incohérences sont manifestes : 13 novembre, incapacité à faire respecter l’état d’urgence, interdiction d’une manifestation le matin et autorisation à midi, camps de migrants partout dans Paris (et pas qu’à Stalingrad), approbation béate des projets les plus absurdes de la mairie de Paris, dont la fermeture des voies sur berge, etc. Autrefois, le préfet de police de Paris était là pour maintenir l’ordre. Il était craint. On le regarde aujourd’hui avec un sourire triste. Je vous donne quelques exemples récents que j’ai constaté de visu de l’insouciance revenue. Récemment, le marais était rendu piéton pour un dimanche. Il y avait des milliers de personnes sur les voies. Au bout des rues, deux policiers municipaux et de frêles barrières Vauban. Ces policiers laissaient passer les taxis et beaucoup d’autres véhicules. Idem quelques heures plus tard à un vide-greniers de la Butte aux Cailles. Là, rues étroites et encore des milliers de personnes dans les rues. Aucun, je dis bien aucun, policier pour empêcher, par exemple, un camion fou de faire un carnage. Comme on nous le serine depuis des mois : Paris est une fête, il ne faut pas la perturber… Mais Paris n’est pas qu’une fête, c’est aussi une cible.

Quel regard et quel jugement portez-vous, globalement et dans le détail, sur les grandes orientations de politique étrangère de la France au cours des deux derniers quinquennats ? Est-ce que de vraies bonnes choses sont à noter ? Des imprudences de portée potentiellement historique ?

(...) Êtes-vous de ceux qui considèrent que la France serait encore trop « dans la roue » des Américains en politique étrangère, ce qui nous empêcherait de mieux dialoguer, comme il en irait peut-être de nos intérêts, avec par exemple des pays comme la Russie ? La question de l’appartenance de notre pays à l’Alliance atlantique devrait-elle être posée, d’après vous ? La France a-t-elle encore une voix originale, singulière à porter sur la scène des nations ?

Là, nous changeons de sujet… Il est frappant de voir que certains pensent que, parce qu’ils changent de politique un beau matin, l’état du monde et les forces profondes de la géopolitique changent en même temps. C’est à la fois présomptueux et dangereux. La politique gaullienne est morte avec Nicolas Sarkozy et l’intégration complète à l’Otan. Dès lors, la France n’a plus qu’une politique suiviste et sans originalité. Nous nous en rendrons compte bientôt.

« On n’arrivera jamais à rien avec la Russie

si on ne s’attache pas d’abord à la comprendre »

Vous parlez de la Russie, essayons de regarder ce dossier plus précisément. Prenons un exemple qui commence avec Napoléon, au hasard. On a coutume de dire qu’à Tilsit, Napoléon et Alexandre se sont « partagé le monde ». On en rajoute même avec l’histoire - jolie - du radeau sur le Niémen et des embrassades entre les deux empereurs. Même si l’on oublie qu’ils décidèrent très vite de poursuivre leurs discussions à terre tant le radeau était inconfortable, la légende du partage et de la séduction mutuelle ne tient pas. Elle tient d’autant moins que le traité de Tilsit était un accord uniquement justifié par les rapports de force entre un vainqueur (Napoléon) et un vaincu (Alexandre). J’ajoute qu’il ne pouvait pas durer pour une simple raison : il était par trop contraire aux réalités du monde et à la tradition séculaire de la diplomatie russe. Que recherchaient les tsars depuis Pierre le Grand ? Essentiellement deux choses : être pris au sérieux et considérés comme des Européens (d’où leurs appétits polonais et finlandais, leurs mariages allemands, etc.) et avoir accès aux mers chaudes (conquête de la Crimée par Catherine II, revendications sur Malte et Corfou de Paul 1er, nombreuses guerres avec l’Empire ottoman pour atteindre la Méditerranée, etc.) Quelle fut la réponse de Napoléon : la création du duché de Varsovie, la mainmise sur l’Allemagne avec la Confédération du Rhin, l’obligation pour Saint-Pétersbourg de rendre la Valachie et la Moldavie à l’Empire ottoman, soit tout le contraire des tropismes internationaux de la Russie. Qui plus est, l’obligation de déclarer la guerre à l’Angleterre (effective mais si peu active à partir de novembre 1807) ruina en un temps record le commerce extérieur du « nouvel allié » de l’Empire français. Qu’on ne s’étonne pas ensuite si Alexandre ne songea qu’à prendre sa revanche, non pour lui, mais parce que c’étaient la politique et l’intérêt de son pays, ce qu’il annonça de Tilsit-même à sa sœur Catherine. On connaît la suite et le résultat : au congrès de Vienne, on donna un gros morceau de Pologne à la Russie, on lui garantit de pouvoir commercer par les Détroits, Naples lui ouvrit ses ports et on accepta l’empire des tsars en tant que nation européenne en l’intégrant au « concert des puissances » qui allait gouverner le monde pendant un siècle. Suivez ces lignes de la politique extérieure russe pour la suite des décennies et, peut-être, vos réflexions sur un présent brûlant gagneront en profondeur. Pour dire les choses trivialement sur le présent : s’« ils » n’ont pas forcément raison (ils ont même probablement tort quelquefois), « ils » sont comme ça. Être européen, avoir accès aux mers chaudes - pourquoi pas avec un port au Moyen-Orient ? -, développer l’économie, montrer qu’on compte dans le concert des nations… Cela nous rappelle évidemment quelque chose d’immédiat.

En histoire, comparaison n’est pas raison, on ne le dira jamais assez. Mais en politique internationale, oublier l’histoire, c’est marcher sur une jambe en se privant de comprendre celui avec qui on discute (ou on ne discute pas).

Comme le dit un excellent spécialiste de politique étrangère de LCI, « ainsi va le monde » et il ne change pas si vite qu’on veut. Mon but n’est évidemment pas de « soutenir » Poutine, cela n’aurait à la fois aucun sens et aucune importance concrète. Je veux simplement souligner qu’avec Poutine ou sans lui, la politique extérieure de la Russie ne change pas comme on le croit sur un claquement de doigts. Notre seule possibilité de manœuvre est de contenir ce qu’il y a d’agressif dans la politique russe en ce moment. Sûrement pas de les forcer à abandonner ce qui fait le sens profond de leur position dans le monde.

Si on laisse de côté, ne serait-ce qu’un instant, le niveau déplorable du gros des discussions autour de l’élection présidentielle américaine à venir pour ne considérer que les orientations de politique étrangère affichées des deux candidats principaux, on remarque qu’il y a bien plus que d’habitude une véritable différence d’appréciation entre Hillary Clinton et Donald Trump : la première s’inscrit sur une ligne qui se veut volontiers interventionniste, le second paraît proche des isolationnistes. Est-ce qu’à votre avis, considérant l’état du monde et les intérêts de la France, l’une ou l’autre de ces alternatives est préférable ?

« Le monde paiera peut-être un jour, en mer

de Chine, le prix de la politique de retrait d’Obama »

Ce qui est frappant avec les grands politiciens américains, c’est qu’ils commencent toujours avec des avis péremptoires sur un monde qu’ils ne connaissent pas ou mal, avant de revenir au réalisme une fois élus. Encore que ça ne marche pas à tous les coups : voyez George W. Bush qui a vraiment tenté de faire ce qu’il avait promis, et avec le résultat que l’on connaît. Ce que l’histoire nous enseigne est ici de toute façon que la puissance prépondérante ne peut se désintéresser des affaires du monde, sauf à se faire prendre sa place ou, pire, à déclencher un cataclysme : voyez l’Angleterre à partir du début du XXe siècle ; elle laisse pourrir la crise des Balkans sous prétexte que ses « intérêts directs » ne sont pas menacés ; au bout du compte, l’Allemagne veut prendre sa place et l’explosion a lieu. Plus près de nous, c’est sans doute la plus grave erreur d’Obama qui a mis un mandat à se rendre compte que le retrait des États-Unis laissait toute grande la place à la Chine. L’Amérique (et le monde) en paieront peut-être le prix un jour en mer de Chine où il se passe des choses dont on ne parle pas en Europe, mais qui sont graves.

Ce n’est pas vous sans doute qui me direz le contraire : dans cette pré-campagne pour la présidentielle française de 2017, il est très peu question de retour d’expériences, de regards en arrière... en un mot d’Histoire. Est-ce que nos élites, nos hommes politiques ont perdu le « sens de l’Histoire » - et si oui est-ce que c’est manifestement néfaste au pays ? Question liée : on a pléthore de personnalités politiques qui vont prétendre à la charge suprême... mais a-t-on encore des hommes d’État, dans le lot ?

« Cessons de chercher à faire "parler les morts"

et écoutons plutôt ce qu’ils ont à nous dire »

Nos hommes politiques connaissent mal l’histoire. Il se contentent de faire « parler les morts » en en appelant à Jaurès, de Gaulle et quelques autres encore. Au lieu de cela, comme le dit si bien Michel de Jaeghere, ils feraient mieux d’écouter ce que les morts ont à leur dire. L’historien a sans doute sur ce point quelques conseils et éclairages à donner. À eux ensuite de bâtir un avenir sur ce passé qui parle. Mais c’est encore un autre sujet…

 

Thierry Lentz

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

30 janvier 2017

Expériences de vie : Lucas Fernandez en Angleterre

Cette publication est particulière, parce que son objet est particulier, parce que le moment est particulier, parce qu’elle porte beaucoup de choses en elle. Elle est le troisième volet d’une espèce de trilogie qui n’était pas prévue au départ mais que je suis heureux d’avoir pu réaliser, ici, parce qu’on y trouve de l’humain dans ce qu’il a de touchant, de réjouissant et parfois de douloureux ; heureux de les avoir faits sachant que ces articles, ces moments ont compté pour quelques personnes. Après « Paroles de passionnés : Lucas Fernandez et le club Full Contact Gym Boxe de Vienne » (août 2016), après « Le FCGB : club de sport et de cœur » (septembre 2016), voici « Expériences de vie : Lucas Fernandez, cours d’anglais et immersion à Brighton, Angleterre ».

L’échange s’est fait le 3 janvier dans un cadre familial harmonieux (petits coucous à Estelle et à Enzo, dont les interventions imprévues augmentent encore le côté attachant de cet article), à quelques jours du vingtième anniversaire de notre protagoniste, de retour en France pour les Fêtes. Un document à écouter et à regarder plutôt qu’à lire, parsemé je le disais de petits moments fun inattendus. Un document précieux, comme les précédents, parce qu’eux au moins resteront au fil des ans. Comme des images toujours vivantes d’un moment passé. Merci à toi, Lucas, de t’être prêté à ça. It’s all about you, it’s all for you, mon poulain... ;-) Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

« Expériences de vie: Lucas Fernandez,

cours d’anglais et immersion à Brighton, Angleterre »

 

Lucas Fernandez

 

Tes premiers pas en Angleterre ?

Bien passé, mais il y a eu de bonnes actions, au départ. Mon école s’est trompée de famille, donc ça a un peu animé la chose... En plus, je savais pas parler anglais. Heureusement, le taxi était bien sympathique et il m’a pas mal aidé. Arrivé chez la bonne famille, j’étais fatigué. Premier jour un peu compliqué donc.

Le contact avec la famille, ça se passe bien.

 

Ton anglais, avant l’EF School ?

On va dire... que j’étais nul. ;-) J’ai eu 4 au Bac, et le niveau était bas. Quand j’étais petit, j’ai pas eu l’accroche directement avec l’anglais, par rapport à mes origines ça a plus été l’espagnol. Je trouve qu’en France les cours sont mal faits. C’est bien pour quelqu’un qui sait parler anglais, ça lui fait une culture qu’il peut développer. Beaucoup de gens comme moi se retrouvent au lycée, en terminale avec un niveau faible. Comme les coefficients ne sont pas gros, on se base pas sur l’anglais. Mais comme moi j’étais en cursus alternance commerce européen, les langues étrangères comptaient quand même. Heureusement j’ai eu 17 en espagnol. Ça a équilibré un peu mon 4 en anglais...

 

L’EF School ?

Déjà, c’est très bien situé, en bord de mer. Le cadre est beau. On a des tablettes dernier cri, des ordinateurs high tech... Les locaux sont modernes, très propres. Ça ne fait pas vraiment école, plutôt campus. Il y a le coin cafétéria, le coin canapé... C’est plus adulte. On est libres tout en étant à l’école.

L’accueil a été bon. (...) Il y a pas mal de mélanges. Beaucoup de francophones. Dès le départ, on a tendance ce qui est normal à se regrouper en fonction de notre langue d’origine. C’est une facilité, mais c’est aussi un moyen de s’intégrer plus vite. (...) Sinon, globalement très bien. Ça ne fait que trois mois, on verra la suite.

J’ai l’impression de bien progresser par rapport à mon niveau. Beaucoup grâce à l’immersion dans la famille - moi je suis en famille, pas en résidence. J’ai un très bon contact avec eux, ils sont très ouverts. On parle de sujets d’adultes, on rigole, etc... Ils sont très bien et je pense qu’ils m’ont un peu adopté comme un des leurs.

(...) La mère de famille adore la France, elle connaît quelques mots.

  

L’extrascolaire ?

Là-bas, je me suis remis au sport, après avoir arrêté pendant presque trois ans : boxe, musculation. J’ai pris du poids et j’ai retrouvé l’envie d’aller à la salle, ça ne m’était pas arrivé depuis un moment. Je suis très régulier à l’entraînement. Ça m’a permis aussi de faire des connaissances. À la salle de boxe, je parle avec des jeunes, j’apprends le langage des jeunes, ils parlent vite, ils coupent des mots, etc... comme ça se passe dans chaque pays.

(...) L’Angleterre me donne l’impression d’être un pays plus ouvert sur pas mal de choses. On ne regarde pas si tu es noir ou autre, on sent plus de mélanges. Il y a des femmes qui travaillent avec le voile. (...) On ne sent pas de pression de la police dans les rues. Peu de policiers mais beaucoup de caméras. Une autre approche.

(...) On ne se sent pas agressé. Mais dans tout ce qui est clubs, etc... ça s’est toujours bien passé.

En ville, les bâtiments, etc... ne sont pas les mêmes. Au niveau de mon club de boxe, celui de Brighton, je n’ai pas été trop dépaysé parce que c’est un peu la même que celle de mon ancien club. Que tu sois noir, blanc, etc... ils s’en foutent. Dans ce club, il y a des professionnels. C’est un autre rythme d’entraînement. Moi, je devais commencer avec les débutants, mais je me suis trompé de salle le premier jour, du coup ils m’ont mis directement avec les grands. Ils ont vu que j’avais du niveau : j’ai fait trois sparring, j’ai gagné les trois. Ils m’ont même proposé de boxer pour eux mais j’ai pas voulu, à cause des cours. En tout cas très bonne mentalité.

Les premiers jours, j’avais pas trop de discussions, après ça s’est décoincé c’est normal. Beaucoup à partir de la deuxième semaine, dès que j’ai boxé. Dès qu’ils m’ont vu boxer, ils ont vu que je me démerdais. Ils m’ont demandé si j’avais déjà boxé, où j’avais boxé... Donc j’ai raconté un peu tout ça. Les entraîneurs ne s’y attendaient pas au départ, le premier mec qu’ils m’ont mis c’était un débutant, dans sa première année de compétition. Ils ont vu direct que j’étais à l’aise et du coup ils m’ont fait rencontrer un plus grand. (...) Ils font aussi des cours de CrossFit (de la musculation cardiaque) en intensif, c’est bien pour le cardio de la boxe.

Je me suis aussi inscrit à une salle de musculation, toujours à Brighton. Les personnes sont très gentilles.

(...) Brighton c’est aussi une ville où il y a beaucoup de gays. Il y a la Gay Pride, etc. Une vraie ouverture d’esprit. À la muscu j’ai été touché par une scène. Un monsieur qui avait certainement eu un accident était paralysé ; il était blanc, c’est un noir qui l’aidait et je crois bien qu’ils étaient gays.

(...) Les gens aiment bien boire aussi. En Angleterre l’alcool est plus taxé que chez nous, et on n’a pas le droit d’en boire dehors. Pas le droit de fumer dans la rue non plus.

(...) Au niveau des achats, je me rends compte qu’en France on se fait bien taxer. Les marques américaines (Nike, Levi’s, Calvin Klein...) ça n’a rien à voir, bien moins cher là-bas.

 

Brighton ? London ?

Londres, très bien. La première fois que j’y suis allé c’était pour Halloween. À une fête. Du coup j’ai pas trop profité de la ville, on est directement allés dans le club. Mais ça m’a permis de voir un peu le monde de la nuit de Londres.

(...) Brighton, y’a de tout niveau sorties. C’est une jolie ville. Moi je suis du côté de la mer. Il y a un endroit qui s’appelle le Brighton Pier, une sorte de fête foraine. Ça fait un grand ponton, et tous les couples y vont le soir, c’est éclairé, c’est joli, ils mangent des crêpes, etc... C’est bien romantique. Il y a la grande roue, etc... c’est joli.

Je suis allé à Oxford aussi. Une jolie ville, mais ça se voit qu’elle est axée sur les études. Beaucoup d’écoles, c’est une ville sérieuse. Bien pour travailler ou, je pense, quand on a besoin de se remettre en question, d’être un peu isolé de toutes les tentations de la ville. Il y a un centre-ville mais il est petit...

 

Battle : the most beautiful girls ?

Sauvé par le petit frère. On reprend. ;-) #lover #WTF #bétisier

Personnellement je préfère les brunes, même s’il y a de très jolies blondes.

C’est un autre style de filles. Déjà en boîte de nuit elles s’habillent très court. En France, on dirait que c’est vulgaire. Là encore une question d’ouverture. (...) On voit aussi des filles bien en chair. En partie je crois parce que les personnes rondes s’assument plus, elles se cachent moins. Parce que, je pense qu’il y a moins de critiques.

 

Un ambassadeur de la France ?

Je pense que j’ai donné, expliqué une autre image de la France à ma famille. Pour un étranger souvent la France c’est magnifique, c’est Paris, il y a de l’argent, tout est beau tout est rose... Je leur ai expliqué que la France, c’est plus ça. Déjà, moi, j’ai jamais vu la France comme ça. Quand tu vis dans un pays, tu regardes les choses autrement que quand tu y vas pour les vacances. En vacances tout est toujours bien, tu y restes peu de temps. C’est comme moi, l’Angleterre j’y suis que depuis trois mois, j’en aurai une autre image à la fin de l’année.

Comme je disais à ma famille, maintenant il y a beaucoup de problèmes en France. Des choses qui ont mal été réglées, pas au bon moment. Un peu trop de liberté dans certains cas. Moi là où je m’entraîne, c’est un peu dans les quartiers, donc ma famille me dit souvent de faire attention, mais en fait les gens sont gentils, si tu les déranges pas ils te dérangent pas. En France, il y a plus de confrontations. Plus de mauvais regards, plus de critiques, de femmes qui se font agresser, etc. De plus en plus de rackets, des vols, etc. Je crois qu’en Angleterre les forces de l’ordre sont aussi plus respectées. Et les gens s’accordent moins de libertés.

 

Qu’est-ce qui te manque ?

Faux départ... #fashionista #hairstyle #bétisier

Ma famille et mes potes, déjà. Beaucoup. Avant, je partais beaucoup à l’étranger, mais là c’est la première fois que je pars aussi longtemps. Jusque là j’avais pas eu de petit coup de mou, envie de rentrer, etc... Là, le deuxième mois (novembre) ça m’est arrivé. Pendant deux week-ends j’ai pas eu trop envie de sortir. En plus, il ne faisait pas beau, et les journées sont courtes. L’hiver, il fait nuit dès 16h30. Donc ça joue sur le moral...

Là, comme je suis rentré pour les fêtes, j’ai passé du temps avec ma famille et avec mes amis, je suis resté un peu plus chez moi... (...) Je pense que la distance et cette expérience m’ont un peu ouvert pour dire les choses, parce qu’avant je m’exprimais un peu moins... Ça m’a aidé un peu à me remettre en question.

Par rapport à la France, les problèmes, les histoires pour rien du tout, ça me manque pas du tout. La mentalité des gens, etc... c’est différent.

 

Ça t’a changé ?

Oui. (...) J’ai toujours été ouvert au monde. Là je découvre encore plus la réalité du terrain. (...) Je suis quelqu’un de sociable, j’ai des amis là-bas et ça m’a aidé. Certaines personnes qui sont dans mon école et ont mon âge sont un peu moins ouvertes et ont donc eu un peu plus de mal. Certains d’entre eux sont rentrés plusieurs fois chez eux. Parfois ils sont en couple, donc il y a un manque. Aussi par rapport à la famille, etc.

Moi j’ai toujours été débrouillard. J’ai jamais eu besoin d’appeler ma mère. Et l’expérience m’a beaucoup aidé aussi à être autonome avec mon argent, à me débrouiller. Ça m’a fait grandir et prendre une maturité sur beaucoup de choses. Même sur tout ce qui est sorties, etc... Avant je sortais beaucoup. Je faisais beaucoup n’importe quoi. On se l’est dit avec mes amis d’ailleurs, qu’on a grandi... Avant on était plus des petits cons... Après, je regrette rien de ce que j’ai fait, mais voilà on s’est calmés. Autant avec les filles qu’avec les conneries.

(...) Dans dix jours j’ai vingt ans, ça me met une pression en plus. C’est là que tu commences à penser un peu à ta carrière. Il va falloir prendre un peu la réalité en face. Il y en a beaucoup qui n’ont pas cette réflexion...

 

Des messages ?

Un message global, pour mes amis qui me verront, et qui vont sûrement me charrier. Pour ma famille. Pour mes nouveaux amis, que je me suis fait à l’étranger. For my friends : thank you for these moments in England. Pour mes amis en France : merci d’être là, d’être présents. Ma famille pareil. Mon grand-père qui est en Thaïlande aussi. Voilà, message global donc, pour ma famille partout dans le monde.

 

20 ans ?

Ça me fait rien et en même temps ça me fait chier. Quand j’étais petit, avec mes potes, on disait, vivement qu’on ait 18 ans. Et là, ces deux ans, je les ai pas vu passer. 18-20, ça a été trop vite. Là, tout se passe trop vite.

 

Les deux dernières, video only...

Messages à toi-même ?

 

Un dernier mot ?

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

13 mai 2016

François Delpla : « Hitler avait tout misé sur une victoire éclair... »

L’historien François Delpla s’est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans dans l’étude de la Seconde Guerre mondiale et du nazisme. Dans son dernier ouvrage en date, Hitler : propos intimes et politiques, paru en deux tomes chez Nouveau Monde éditions (le premier en janvier, le second à la fin de l’année), il s’attache à traduire, analyser et contextualiser une somme impressionnante de propos et mots du Führer. Il a accepté avec enthousiasme - je l’en remercie chaleureusement - de se prêter pour Paroles d’Actu au jeu des questions-réponses que je lui ai soumis pour un grand format autour d’une thématique, « Questions d’histoire : Hitler ». Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

QUESTIONS D’HISTOIRE : HITLER

« Hitler avait tout misé sur une

victoire éclair contre la France »

Interview de François Delpla

Q. : 12/05 ; R. : 13/05.

Propos

Propos intimes et politiques : 1941-1942 (Nouveau Monde éditions, 2016)

 

L’Allemagne aurait-elle regardé Adolf Hitler comme un « grand » homme d’État (à l’image d’un Frédéric ou d’un Bismarck) s’il avait disparu juste après les « accords » de Munich ?

Oui… mais à plusieurs conditions, difficiles à réunir. Il aurait fallu...

- que l’Allemagne consolide et conserve les progrès qu’il lui avait fait faire, quant à son rang international ;

- que la prétendue question juive soit résolue dans le sens d’un retour au statu quo juridique (les juifs déjà partis ne seraient sans doute pas revenus en masse, mais au moins ceux qui restaient, ou arrivaient pour quelque raison que ce soit, auraient retrouvé des droits identiques à ceux des non-juifs, seule situation acceptable au XXème siècle) ;

- que la succession de Hitler débouche, non sur une guerre de revanche, mais sur une stabilisation de la situation internationale.

Dans ces conditions, il pouvait se produire ce que Churchill appelait de ses vœux, notamment dans un article du 17 septembre 1937 :

« En plusieurs occasions j’ai appelé publiquement à ce que le Führer de l’Allemagne devienne maintenant le Hitler de la paix. Quand un homme mène une lutte désespérée, il se peut que ses dents grincent et que ses yeux lancent des éclairs. La colère et la haine soutiennent le courage du lutteur. Mais le succès devrait amener un adoucissement et un apaisement sur le visage et, en corrigeant l’humeur pour l’adapter aux circonstances nouvelles, préserver par la tolérance et la bonne volonté ce qui a été acquis par la lutte. »

On aurait considéré l’idéologie nazie comme un échafaudage temporaire, propre à tendre les forces de la nation derrière un pouvoir autoritaire le temps de rétablir son rang. On aurait pu aussi attribuer les folles imprécations de Mein Kampf à des tâtonnements de jeunesse, et considérer que les réalités avaient peu à peu poli l’auteur en lui inspirant des attitudes raisonnables. La crise des Sudètes n’était qu’une répétition générale avant de frapper les trois coups un an plus tard contre la Pologne, dans des conditions militaires et diplomatiques grandement améliorées : cette réalité aurait risqué de rester inconnue longtemps, et même toujours. Seuls de rares historiens auraient creusé la question, et de l’idéologie nazie, et de la stratégie que le décès de Hitler avait tuée dans l’œuf. Il n’est pas sûr qu’ils aient diagnostiqué que ce décès avait sauvé in extremis l’humanité d’une immense catastrophe, dont le scénario de 1945 n’était que la version la plus douce, grâce à la ténacité de Churchill au moment de la chute de la France.

Dans un exercice d’histoire contre-factuelle, ce scénario aurait été, lui, parfaitement impensable ! Aucun passionné d’uchronie n’aurait eu l’audace d’imaginer que l’histoire aurait produit le même jour, c’est-à-dire le 10 mai 1940, le poison et l’antidote, l’offensive de Hitler contre la France et la venue de Churchill au pouvoir. Mais encore une fois, qui se serait posé la question d’une éventuelle application de Mein Kampf si le Diable avait rappelé l’auteur à lui en octobre 1938 ?

 

Un statu quo diplomatique favorable à une perpétuation (et donc à un renforcement) funeste de l’État et de la société nazis se serait-il imposé si, dans l’hypothèse précédemment citée, le successeur d’Hitler à la tête du Reich avait opté pour une attitude de modération au-dehors ? (je précise ma pensée : si le successeur d’Hitler avait choisi de ne pas envahir la Pologne en 1939 ou s’il avait obtenu une satisfaction relative sur la question de Dantzig, les démocraties auraient-elles bougé contre l’Allemagne nazie ?)

Le nazisme n’est pas une nouvelle conception des rapports sociaux ou politiques à l’intérieur des frontières d’un pays, c’est un mouvement tendu vers la guerre et vers un rééquilibrage des relations entre puissances, obtenu par surprise avant que quiconque ait compris où Berlin voulait en venir. Alors de deux choses l’une : ou bien Hitler avait prévu sa succession et laissé des instructions précises à quelqu’un qui à l’époque ne pouvait être que Göring, ou bien, ce que je crois, il se jugeait indispensable et, parmi ses paris, figurait en bonne place celui de la prolongation de son existence. Göring ne partageait pas son obsession antisémite (ce qui n’excuse pas sa complicité dans la Shoah, tout au contraire) et, livré à lui-même, il n’aurait pas su quoi faire dans ce domaine. De même, il avait peu de liens avec le mouvement SS et n’aurait guère su se servir de cet instrument, mis au point par Hitler et Himmler en une décennie de rencontres fréquentes.

Et que faire encore du culot de Hitler dans le mensonge, avec son cortège de demi-aveux ? C’est l’oeuvre d’un artiste et d’un seul, par exemple quand, cinq mois après que vous l’avez enterré, il prononce le stupéfiant discours du 30 janvier 1939. Il sait alors qu’il va faire la guerre et il accuse les Juifs de s’apprêter à la déclencher, ce qui leur vaudra, dit-il, un châtiment terrible. Cependant, celui-ci est présenté sous une forme édulcorée : ils disparaîtront de l’Europe, ce qui avec un peu de bonne volonté (et les autres gouvernements n’en manquent pas) peut encore à la rigueur passer pour un projet d’expulsion et non de massacre.

Non, vraiment, nul ne pourrait former suffisamment bien un disciple pour obtenir de lui un dosage aussi millimétré de la violence, et verbale et physique. Oui, j’augure très mal de la destinée du navire si on fait disparaître le capitaine au moment que vous dites !

Les événements de 1945 peuvent ici nous guider : tout se dissipe comme un rêve, les SS s’effacent sans retour malgré leurs tentatives minables de devenir des « loups-garous » menant la vie dure aux Alliés. Il reste suffisamment de bourgeois conservateurs pour prendre les rênes en endiguant le peuple, d’ailleurs abasourdi, et, un peu plus tard, réhabiliter la Wehrmacht sous l’égide de l’OTAN. Fin 1938 c’aurait été plutôt l’inverse, l’armée prenant le pouvoir le temps qu’une classe politique se reforme dans les hautes sphères. Certes, en 1945, une catastrophe militaire a quelque peu aidé à la dissipation du rêve, mais la disparition de Hitler juste avant sa guerre aurait joué le même rôle.

C’est d’ailleurs une des clés de son succès : personne ne voyait clair dans son jeu en Allemagne ni ailleurs, tant il voulait de choses à la fois. Il fallait beaucoup de maîtrise pour slalomer au jour le jour en définissant des priorités, lui seul avait cette maîtrise… et l’un de ses plus grands talents était de dissimuler le sien ! Notamment sous un discours violent qui le rendait peu suspect de finesse et de retenue.

 

Que sait-on de la manière dont Hitler considérait les deux personnalités suivantes : Winston Churchill ; Charles de Gaulle ? Portait-il quelque estime à ceux de ses ennemis résolus qui étaient prêts à mourir pour la défense de leur patrie et de leurs valeurs ?

Oui et non. Il admirerait volontiers Churchill dans l’absolu, mais il vit dans le relatif ! Et Churchill est avant tout celui qui le frustre d’un triomphe très bien parti, donc il ne saurait être qu’une « putain des Juifs ». Pour de Gaulle c’est très différent ; il le voit sans doute d’abord comme un aventurier qui joue la carte anglaise, puis progressivement il admire sa capacité de survie et son talent pour rassembler son peuple. Cela débouche sur un texte extraordinaire, une lettre signée Himmler mais portant la griffe hitlérienne, adressée à de Gaulle en avril 1945. Elle affirme que l’ambition du Général de faire pièce à la fois aux Américains et aux Soviétiques a pour condition première de réalisation la réconciliation franco-allemande et que « Himmler » est prêt à négocier la chose. L’artiste n’est pas mort ! Il est très en forme au contraire, à la veille de son suicide, malgré sa déchéance physique. De Gaulle évidemment ne répond pas… mais publie la chose, hélas partiellement (et sa famille n’a pas été en mesure de me dire où était l’original), en 1959 dans le dernier tome de ses mémoires, en prélude à ses rencontres avec Adenauer !

 

Hitler

Hitler (Grasset, 1999)

 

L’Allemagne nazie, comme l’empire napoléonien, a joué et perdu gros contre l’immense Ours russe. Dans quelle mesure l’échec final de l’Opération Barbarossa tient-il à des erreurs d’appréciation et de stratégie imputables à Hitler ?

Tout le monde convient bon gré mal gré que Hitler n’a pas commis beaucoup d’erreurs avant l’été de 1940, mis à part le putsch raté de 1923, dont il a tiré intelligemment les leçons. Quand on veut dénigrer son intelligence, ou ses compétences militaires, on est obligé de se rabattre sur des événements postérieurs à la campagne de France. Il aurait en particulier sous-estimé la puissance russe, ou l’américaine… ou, au diable l’avarice, les deux. Ce sont d’ailleurs ses succès de la première année de guerre, que cette littérature attribue volontiers à la chance, qui l’auraient grisé et lui auraient donné l’audace d’écouter de moins en moins les experts militaires.

Une observation plus attentive montre qu’il avait tout misé, précisément, sur ce mois de mai 40 où la France aurait dû signer la paix peu après la percée de Sedan, alléchée par des conditions « généreuses », et où l’Angleterre elle-même, faisant ses comptes, aurait pris le chemin de la négociation. Churchill trouble ce scénario, tout d’abord en retenant Reynaud sur la pente de l’armistice et en obligeant l’Allemagne à s’enfoncer en France (au risque de fâcher les États-Unis), puis en ne signant pas lui-même la paix et en se maintenant au pouvoir, après l’armistice français. Entre le 22 juin, date de cet armistice, et le 3 juillet, Hitler attend avec confiance que la classe dominante anglaise congédie Churchill quand se produisent les événements de Mers el-Kébir, qui sont pour lui un tocsin ou, déjà, un glas : Churchill a réussi une performance de type nazi - faire couler un sang innocent - et il obtient les félicitations, non seulement des Communes, mais de Roosevelt ! C’est la « Juiverie » qui s’organise, en vue d’une guerre d’usure pour laquelle l’Allemagne n’est absolument pas préparée… non parce que Hitler a fait n’importe quoi, mais parce qu’il a tenté la seule opération qui pouvait permettre la reprise de l’expansion allemande après le coup d’arrêt de 1918 : une victoire éclair sur la France, qu’une planète stupéfaite aurait bien été obligée d’entériner.

Toutes les « erreurs » découlent de l’échec, d’extrême justesse, de cette manœuvre. Après il faut bien l’assumer, la guerre longue, en tentant de provoquer des occasions de la terminer… et l’idée d’un Barbarossa liquidant la Russie en trois mois n’est, vue sous cet angle, pas sotte du tout. Mais là encore Churchill sera à la parade, par son discours du 22 juin 1941 qui sidère Staline avant de le sauver.

 

Question liée, souvent posée : Hitler a-t-il été, pour ce que l’on en sait, manifestement « sain d’esprit » s’agissant de chacune des grandes décisions stratégiques qui lui sont dues ?

Réponse liée : sa manie des paris ne s’explique que par sa folie, dont la croyance en une mission à lui donnée par la Providence est l’un des deux grands fantasmes, l’autre étant la certitude d’un cancer juif en train de tuer l’humanité.

 

Comment recevez-vous ces rumeurs régulièrement resservies selon lesquelles Hitler ne se serait pas suicidé en avril 1945 mais aurait fui en Amérique latine ? De manière plus générale : l’historien sérieux que vous êtes prête-t-il quelque attention critique aux théories des uns et des autres, y compris les plus farfelues, ou bien tendez-vous à les balayer d’un revers de manche ?

Je balaye ! Hitler était un adepte du tout ou rien : triomphe ou suicide, depuis le début. Survivre en s’échappant puis vivre traqué et reclus, très peu pour lui !

 

La situation de crises plurielles, identitaires notamment, que connaît l’Europe actuellement vous paraît-elle de nature à favoriser, si l’on n’y prend garde, la poussée des mouvements de droite extrême au cœur de nos systèmes démocratiques ? Est-ce que de ce point de vue, vous avez le sentiment qu’on se retrouve potentiellement au début des années 30 pour tel ou tel point de l’espace Europe ?

Le nazisme ne pouvait survivre et ne peut revivre. Le procès de Nuremberg, malgré ses défauts, a joué et joue ici un rôle majeur. Cependant, comme ledit nazisme n’a pas été encore vraiment analysé et digéré, il continue de pourrir l’ambiance. Il a notamment beaucoup contribué à faire raisonner les humains en termes binaires et ce, à l’échelle mondiale. Un ennemi sournois, sur le modèle du Juif vu par Hitler, menace les honnêtes gens partout dans le monde. Pour Staline et les siens ce sera le trotskysme puis le titisme maniés par la Gestapo puis la CIA, pour l’Amérique de la guerre froide le communisme tapi derrière la moindre grève et la plus petite révolte coloniale, pour Bush junior l’islamisme et pour Ben Laden Bush junior… je vous laisse prolonger les courbes !

Un bon signe de l’influence hitlérienne est l’ironie avec laquelle on parle de l’ONU, tout comme on dénigrait la SDN dans les années 30 et plus tard. On oublie que c’est Hitler en personne qui a tué celle-ci, en la traitant d’entreprise juive, en la quittant et en méprisant son autorité. Les autres grandes puissances n’étaient que des complices de l’assassin, en acceptant ce verdict et en régressant de l’affirmation d’une discipline collective vers des négociations au cas par cas… comme celle de Munich.

Aujourd’hui, c’est une gendarmerie internationale qui manque le plus, dans le cadre d’une ONU à qui on donne enfin les moyens d’agir, en rendant ses résolutions contraignantes pour les États, petits et grands. Moyennant quoi les accords seraient infiniment mieux suivis d’effet. Et faute de quoi chacun fait sa petite loi, ses petits états d’urgence, ses petites déchéances de nationalité et ses gros cadeaux aux partis xénophobes.

 

Quelles sont, à ce jour, les zones d’ombre qu’il conviendrait encore d’éclaircir s’agissant d’Adolf Hitler ?

Tout ! Le nazisme est un sujet vierge, au sens propre : disons que s’il y a sept voiles, on en a enlevé un ou deux ! Attention, cela ne veut pas dire que les millions de pages écrites aient été inutiles. Mais pour l’instant il s’agit d’une banque de données, et il urge de les ordonner.

 

Où vous situez-vous par rapport au concept de « devoir de mémoire » ?

Si cela reste entre nous, je vous dirais que je trouve lexpression horriblement contre-productive, malgré les intentions sans doute louables de la plupart de ceux qui lemploient. Le devoir que je prêche est le devoir d'histoire. L'historien est tenu davoir mauvais esprit ! Il faut faire connaître et surtout comprendre le passé avec ses lumières et ses ombres, chaque fois que cela peut éclairer les choix daujourd'hui. Non seulement en ce qui concerne les périodes un peu reculées, mais les derniers temps : ainsi par exemple un dossier sérieux sur les origines de la dette publique grecque et ses profiteurs jusquaujourd'hui assainirait immédiatement latmosphère autour de cette question. Dune façon plus générale, la déliquescence des institutions européennes requiert impérieusement des notions précises sur les erreurs et les paresses, anciennes et récentes, de leurs constructeurs. Lamnésie des médias est désolante mais rien ne sert de se lamenter, il faut agir, et faire généreusement don aux journalistes surmenés dune profondeur temporelle.

Tenez, un dernier exemple, qui nous ramènera à la période nazie : un philosophe académicien sémeut de lélection du maire travailliste de Londres en se demandant si Churchill, auquel il voue « une admiration sans bornes », aurait ses chances à Londres aujourd'hui, puisquil nétait pas le fils d'un prolétaire immigré et musulman. Je lui réponds sur un réseau social :

« Churchill aurait-il ses chances dans l'Angleterre daujourdhui ? Pour la mairie de Londres, sans doute pas, mais de son temps non plus ! Mais l'imprécateur semble ignorer que son plus proche équivalent, socialement parlant, est à Downing street. David Cameron est en effet larrière-petit neveu de Duff Cooper, issu de la haute et le seul ministre vraiment churchillien des terribles semaines de mai-juin 40. Le fantasme du "Grand remplacement" entraîne quelques esprits pourtant un peu éduqués à anticiper une forêt là où il n'y a pour l'instant que quelques arbres, même pas un bosquet ! »

 

Parlez-nous de vos projets, François Delpla ?

L’édition des Propos de Hitler, qui va m’occuper jusqu’en septembre, a été décidée brusquement pour accompagner la sortie de Mein Kampf et a interrompu un livre en cours intitulé Hitler et Pétain. Un sujet particulièrement vierge ! Un Paxton, par exemple, l’a à peine effleuré. Barbara Lambauer, dans sa thèse sur Abetz, a livré force matériaux, mais n’y a vu que par intermittence et de façon décousue les impulsions données par le chef, et n’a pas soupçonné qu’il pût manipuler son représentant. Il y a énormément à dire aussi sur le remplacement progressif des militaires par les SS dans toutes sortes de fonctions au sein des forces allemandes d’occupation. Et les SS, c’est Hitler : encore un tabou, ou tout au plus une vérité qu’on veut bien reconnaître sans en tirer les conséquences. En matière de persécution des juifs, j’espère arriver à dépasser la querelle du Vichy protecteur et du Vichy persécuteur en montrant que là aussi l’occupant décide, en fonction d’une masse de paramètres dont le dosage varie souvent.

Ensuite ? Je pense que le prochain sujet viendra, comme d’habitude, chemin faisant, en fonction des nouvelles questions et des nouvelles sources. Depuis peu je participe sur Facebook à des débats qui ont vocation à déboucher sur une structure associative, afin de stimuler les découvertes.

 

François Delpla

Crédit photo : Paolo Verzone

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via FacebookTwitter et Linkedin... MERCI !

16 juin 2016

« Nations constitutives du Royaume-Uni : positions et perspectives en cas de Brexit », par Edwige Camp-Piétrain

Le 23 juin, dans une semaine donc, les Britanniques seront appelés aux urnes pour se prononcer sur une question cruciale dont l’issue, qui fait déjà largement l’objet de spéculations, aura à l’évidence des retombées bien au-delà des frontières du Royaume : faut-il rester membre de l’Union européenne ou bien la quitter ?

J’ai souhaité proposer à Mme Edwige Camp-Piétrain, professeur des Universités (elle est actuellement en poste à Valenciennes) spécialiste des questions de dévolution et d’indépendantismes au sein du Royaume-Uni, de nous livrer son sentiment quant à la manière dont chacune des nations constitutives du pays va aborder ce référendum et réagir à son résultat - trop incertain à cette heure pour qu’un pronostic clair puisse être établi même si, on peut l’imaginer, une certaine peur de l’inconnu entretenue à dessein fera peut-être basculer la majorité dans le camp du maintien, in extremis.

Je remercie Mme Camp-Piétrain, qui avait déjà richement éclairé les lecteurs de Paroles d’Actu sur l’affaire du référendum écossais en septembre 2014, pour son texte très instructif et qui a été élaboré, donc, autour de la thématique suivante, posée le 8 juin : « Angleterre, Écosse, pays de Galles, Irlande du Nord : positions et perspectives en cas de Brexit ». Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

« Angleterre, Écosse, pays de Galles,

Irlande du Nord : positions et perspectives

en cas de Brexit »

par Edwige Camp-Piétrain, professeur des Universités (u. de Valenciennes)

UK EU flags

Source de lillustration : http://www.express.co.uk

 

« Ce sont surtout les Anglais qui veulent quitter l’UE »

Le 23 juin, les Britanniques vont se prononcer par voie référendaire sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Si les critiques à l’égard des institutions européennes sont fréquentes, la volonté de quitter l’UE est nettement plus répandue en Angleterre que dans les trois autres nations, pays de Galles et, surtout, Écosse et Irlande du Nord.

Ainsi, les principaux thèmes de la campagne référendaire ne sont pas perçus de la même manière dans les différentes nations.

S’agissant de l’immigration en provenance de l’UE, ce sont surtout les Anglais qui veulent la limiter, tandis que les Écossais ont tendance à la juger plus favorablement. Les Irlandais du Nord craignent le retour d’une frontière avec la République d’Irlande.

En ce qui concerne l’économie, si nombre d’Anglais pensent pouvoir se libérer des contraintes réglementaires européennes, les habitants des autres nations préfèrent mettre en avant les avantages économiques et sociaux liés à l’adhésion. Quant à la souveraineté, une forte proportion d’Anglais entend la recouvrer en s’affranchissant du joug bruxellois. Les autres nations sont habituées à la partager entre les institutions britanniques historiques, les institutions européennes depuis 1973, et les institutions décentralisées créées à Edimbourg, Cardiff et Belfast en 1999.

« En cas de Brexit, les positions

indépendantistes seraient renforcées »

Ces divergences d’appréciation pourraient se traduire dans les urnes lors du référendum, seuls les Anglais se prononçant en faveur d’une sortie de l’UE. Cependant, étant donné le poids démographique de l’Angleterre, cette décision s’imposerait au reste du Royaume-Uni. Nombre d’indépendantistes écossais ont déjà affirmé qu’une telle situation pourrait justifier un second référendum sur l’indépendance de l’Écosse. Certains nationalistes en Irlande du Nord ont évoqué un référendum visant à réunifier l’Irlande, ce qui pourrait raviver les tensions communautaires en Ulster. Le vote du 23 juin pourrait donc avoir des répercussions sur l’unité du Royaume-Uni.

par Edwige Camp-Piétrain, le 16 juin 2016

 

Un commentaire ? Une réaction ?

Suivez Paroles d’Actu via Facebook et Twitter... MERCI !

16 octobre 2014

Jeunes centristes : Déclarations d'indépendance

   « Lors de son retour - officiel - sur la scène publique, Nicolas Sarkozy a fait part de sa volonté de recréer un grand parti qui puisse rassembler, en son sein, de larges pans de la droite et du centre-droit. Vous comptez parmi les jeunes militants centristes : j'aimerais vous demander ce que devraient être, à vos yeux, les orientations programmatiques et stratégiques ; le positionnement original sur l'échiquier politique de votre famille politique dans les années à venir ? En quatre mot comme en trente : quel centre pour demain ? ».

   Je remercie ceux qui, parmi les jeunes militants MoDem et UDI que j'ai contactés, ont accepté de répondre à cette question ; d'apporter à cet article leur contribution, pour Paroles d'Actu. Ils ne se sont pas concertés avant d'écrire, chacun, la sienne mais, prises collectivement et par-delà les « chapelles », elles sonnent résolument - davantage, sans doute, que les mots de leurs aînés - comme une déclaration commune : une double déclaration d'existence et d'indépendance. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

UNE EXCLUSIVITÉ PAROLES D'ACTU

Jeunes centristes Déclarations

d'indépendance

 

UDI MoDem 16-9

 

 

Antoine Carette

Antoine CARETTE

A. Carette est président des Jeunes Démocrates (branche jeunes du MoDem).

 

« Travaillons ensemble,

pas chacun pour sa chapelle »

 

   Le Centre a sa propre identité. Ce n'est pas le ni-ni comme on l'entend encore trop souvent. Non, le Centre n'est pas mou et doit continuer à porter son message singulier pour continuer à exister. Ce message est assez simple : c'est par le travail en commun de toutes les énergies modérées, des sociaux-démocrates à la droite sociale en passant par les libéraux que nous devons redresser la France. Bref, dialoguer et travailler ensemble plutôt que pour sa chapelle !

   C'est un message difficile à faire entendre dans la Vème République car les règles électorales (scrutins majoritaires) ont créé petit à petit les concepts complètement abstraits de "peuple de gauche" et "peuple de droite" qui s'opposent. J'aimerais savoir combien de Français se reconnaissent dans l'un de ces camps ! Aujourd'hui notre pays meurt de ce manque de pluralisme, des postures qui étouffent le fond, la réflexion, et l'intérêt général. Sarkozy propose de créer l'UMP, car c'est ça, ni plus ni moins, que sa volonté de fondre le centre et la droite dans un même bloc. On a vu le résultat de la création de l'UMP depuis 2002...

   Le Centre, dans les années qui viennent, devra retrouver la confiance des citoyens. Aujourd'hui, les Français se détournent de la politique, la démocratie vascille. Or sans participation des citoyens, sans adhésion des Français à un projet, il ne peut pas y avoir de démocratie, il ne peut pas y avoir de redressement.

   Le Centre devra continuer à porter ce message pourtant tellement évident, que nous avons besoin de toutes les forces vives de ce pays pour le reconstruire. Je pense aux jeunes entrepreneurs, aux créateurs, inventeurs, qui sont aujourd'hui anéantis par la lourdeur administrative. Je pense aux professeurs : l'Éducation est la base de toute société en bonne santé. Il faut créer du travail - plus que de l'emploi - pour que chacun puisse se sentir utile et vivre dignement. Pour cela, il faut libérer les énergies, encourager les initiatives. Bref, il faut sortir des postures de clan, regarder la réalité avec honnêteté pour réparer et changer ce qui ne fonctionne pas !

 

Propos recueillis le 03/10/14

Retrouvez Antoine Carette sur Twitter...

 

 

Romain Cherrier

Romain CHERRIER

R. Cherrier, conseiller municipal à Ennordres (Cher),

est prés. du MoDem Sciences Po et responsable de com. chez les Jeunes Démocrates.

 

« Faisons le choix de la liberté ! »

 

   Nicolas Sarkozy a émis l’idée de rassembler droite et centre sous un même parti. Cette stratégie n’est absolument pas une option envisageable pour nous. La démarche initiée par Nicolas Sarkozy s’apparente plus à celle d’une OPA sur le centre qu’à celle d’un rapprochement cohérent entre deux formations politiques. Or je suis persuadé que pour exister, le centre doit rester à tout prix libre et indépendant. Quelle qu’en soit la difficulté, quels qu’en soient les obstacles, et ils sont nombreux sous la Vème République, le centre doit rester autonome. Dès lors que le centre s’affilie à un grand parti de droite, il perd son identité, sa liberté, sa raison d’être.

   La question qui se pose pour le centre est toute simple : faisons nous le choix de la cohérence et de la liberté ? Choix qui requiert du courage et beaucoup de détermination. Ou faisons nous le choix de la soumission et de la facilité ? Choix qui apporterait un plus grand nombre d’élus et des financements plus importants grâce à des accords qui seraient passés en coulisse. À mes yeux, le choix que nous devons faire est évident : c’est celui de la liberté !

   Le système constitué de deux grands partis qui monopolisent la Vème République nous a déjà conduit à suffisamment de dérives et d’échecs. Les Français ne croient plus en la politique et les deux principaux partis ont une immense part de responsabilité dans cette situation. Dès lors, pourquoi suivrions-nous un modèle qui ne fonctionne pas depuis plus de 30 ans ?

   La vocation même du centre est justement de proposer une offre alternative en dépassant le clivage gauche-droite. Le débat politique français ne peut pas se cantonner à un débat entre l’UMP et le PS. L’existence d’un centre fort et indépendant, c’est le meilleur rempart possible face à une simplification mortifère, populiste et dangereuse des débats qui n’aurait d’autre conséquence que d’assurer la victoire au Front national.

   Concernant nos orientations programmatiques, là encore, elles s’entrechoquent frontalement avec les valeurs qu’incarne Nicolas Sarkozy. La course à l’extrême droite durant la campagne de 2012, l’obsession de l’immigration et des frontières, la conception de l’argent comme seule source de réussite, ce sont des éléments qui ne sont pas compatibles avec les valeurs humanistes du centre. Enfin, la moralisation de la vie politique est l’un des grands combats du Mouvement démocrate. Là encore, il y a une incompatibilité évidente au vu de toutes les « affaires » du moment (accusation de financement libyen de la campagne de Sarkozy en 2007, arbitrage Tapie, affaire Bygmalion…)

   En somme, travailler ensemble avec les modérés de gauche et de droite à la reconstruction du pays, oui ! Se ranger dans l’orbite d’un grand parti tel un satellite pour y perdre notre liberté et pour renouer avec les vieilles habitudes et les vieilles dérives des grands partis sous la Vème République, non !

 

Propos recueillis le 01/10/14

Retrouvez Romain Cherrier sur Twitter...

 

 

François-Xavier Hen

François-Xavier HEN

F.-X. Hen est membre du bureau de l'UDI Jeunes de Paris.

 

« Réhabilitons le collectif »

 

   Comme souvent chez les souverainistes, Nicolas Sarkozy est généreux de décisions appartenant à d'autres. S'il se présente à la tête de l'UMP, pour quelle raison un autre parti, l'UDI, se rangerait-elle derrière lui ? Pourquoi ne lui reviendrait-il pas d'épouser les valeurs du centre-droit s'il souhaite que le centre-droit le suive ? Hors de question d'être dans le même parti qu'un candidat qui, en 2012, a évoqué une sortie de Schengen et a fait un éloge de la frontière. Ceux qui souhaitent le rejoindre n'ont qu'à adhérer à son mouvement directement, l'UDI n'admet pas la double appartenance.

   Cette stratégie du parti unique a non seulement échoué électoralement, mais elle témoigne en plus d'un mépris manifeste pour les idées que nous défendons. Quelle considération pour la dette publique de la France le « grand parti de la droite et du centre » a-t-il eu depuis qu'il existe ? Quel fédéralisme européen a-t-il promu depuis 2002 ? Quelle évolution sociétale a-t-il ne serait-ce qu'accompagnée toutes ces années où il était au pouvoir ?

   L'Union des Démocrates et Indépendants défend une république fédérale d'Europe contre les franco-béats qui orchestrent la sortie de l'Histoire de notre nation. Afin de protéger les intérêts et les droits des citoyens européens dans la mondialisation, mais aussi d'offrir au monde ce modèle, imparfait et cependant fonctionnel, d'un continent apaisé et relativement prospère, entièrement régi par le droit.

   Elle défend une décentralisation du territoire national, par démocratie, par efficacité et par bienveillance, quand la centralisation n'est qu'un mode de gestion par la crise et pour les crises. Elle promeut une république exemplaire, une démocratie réellement représentative, et un État de droit irréprochable ; une transparence puissante pour chaque élu ; et par dessus tout une lutte féroce contre la corruption, dont la moindre manifestation avilit toute notre société. À ce prix seulement pourrons-nous renvoyer les extrêmes dans les poubelles de l'Histoire, et engendrer estime et confiance chez nos compatriotes pour leurs élus.

   Je n'ai pas retrouvé ces propositions ailleurs qu'à l'UDI. À aucun autre endroit on ne m'a proposé un social-libéralisme tempéré à l'européenne, c'est-à-dire dans la compétition qui stimule, mais dans la solidarité qui unit ; promouvant l'idéal coopératif au sein d'entreprises qui rapprochent salariés et dirigeants.

   Dans aucun autre mouvement je n'ai eu le plaisir d'écouter une jeune sénatrice, ne faisant pas de la politique son métier, parler d'écologie de manière responsable et non dogmatique, afin d'engendrer une croissance durable et non-délocalisable.

   Le centre-droit aura son candidat en 2017. Ainsi nous pourrons démontrer aux Français que nous seuls anticipons véritablement l'avenir : parce que nous avons l'ouverture d'esprit suffisante pour précéder les évolutions sociétales sans susciter de peurs infondées ; parce que nous voyons dans l'éducation de nos citoyens un investissement stratégique aux bénéfices matériels comme immatériels ; parce que nous proposons une société collaborative de transparence, d'efficacité et de communication en réseau qui permettra enfin à notre pays, notre société et notre continent de faire face aux défis mondiaux qui se présentent.

   Rien ne se fait sans les individus, rien ne dure sans les institutions, disait Jean Monnet. À nous d'être ces personnes qui créeront les structures durables d'un monde meilleur. Y'a du boulot !

 

Propos recueillis le 09/10/14

Retrouvez François-Xavier Hen sur Twitter...

 

 

Vincent Fleury

Vincent FLEURY

V. Fleury est conseiller municipal de Montrouge (Hauts-de-Seine)

et vice-président des Jeunes Démocrates.

 

« Changeons et nous gagnerons

notre indépendance »

 

   Nicolas Sarkozy souhaite créer un grand parti de la droite et du centre, mais il échouera. L’UMP avait, à l’origine, la même ambition et s’y est cassée les dents. Le centre n’est pas et ne sera jamais la droite. Le centre a des valeurs propres et vocation à être indépendant. Pourtant, nous ne le sommes pas. Pas encore. Sans aller jusqu’à nous fondre dans un parti unique, nous devons pour le moment nous allier à la droite, et parfois à la gauche, pour exister. Cette contrainte existera tant que nous ne représenterons pas au moins 20% des électeurs, tant que nous ne pourrons pas amener un candidat au second tour de la présidentielle. Pour ce faire, l’alliance avec la droite ne peut pas être une fin en soi. La conquête de ces 20% doit l’être. Ces 20% sont notre indépendance, notre graal.

   Nous pesons aujourd’hui 10% de l’électorat. C’est peu ou prou notre base, et plus peu que prou. Trop peu, évidemment, pour pouvoir peser. Ce déficit de popularité a des causes multiples. Nous pouvons bien sûr accuser les institutions, qui ne nous permettent pas d’avoir une juste représentation à l’Assemblée, créant ainsi le cercle vicieux « absence de poids/déficit d’image/absence de votes ». Mais nous gagnerions à voir la réalité en face. Nous sommes en grande partie responsables de nos échecs. Je suis convaincu que nous ne changerons ni la politique, ni la France, si nous ne sommes pas capable de nous remettre en question. Je crois que nous avons trois caps à suivre pour réformer le centre et lui donner la place qu’il mérite.

   Premièrement, il faut un centre offensif. Nous devons enterrer l’image de centre mou. Nous ne sommes pas des ni-ni, pas plus que des oui-oui. Nous avons nos propres idées, nos propres valeurs. Nous devons les défendre. Quand Montebourg récupère le « produire en France » de la campagne présidentielle de Bayrou, nous devons rappeler avec acharnement que nous sommes à l’origine de ce combat et qu’il ne doit pas se faire sans nous. De la même façon, n’ayons pas peur de nous exprimer sur l’immigration, l’écologie, comme sur l’ensemble des sujets spoliés par d’autres partis. N’ayons aucun tabou et parlons avec force de tout ce qui préoccupe les Français. Car nous avons d’autres ambitions que celle de stagner à 10% de voix. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de nos derniers scores, même s’ils marquent une légère progression. Nous avons vocation à être le parti majoritaire, à regrouper autour de nous les réformistes de droite comme de gauche, et à faire gagner notre candidat à l’élection présidentielle. Nous devrions être la principale force politique français. Considérons nous comme tel et peut-être qu’alors, les citoyens nous considéreront ainsi !

   Deuxièmement, il faut un centre proche des gens, sur le fond et sur la forme. Cette proximité, nous la recherchons, nous la fantasmons, mais nous sommes incapables de l’avoir réellement. Beaucoup d’entre nous font de grandes études, se lancent dans une carrière exclusivement politique, théorisent les problèmes du quotidien mais ne les pratiquent pas. Nos programmes politiques, pertinents et pragmatiques, rivalisent d’intelligence, campagne après campagne. Mais cette intelligence est trop souvent celle des hautes sphères technocratiques, brillantes et lointaines. Comme les étoiles du ciel, leur lumière met des années à parvenir et éclaire bien trop faiblement. Ce n’est pas ainsi que nous réchaufferont les cœurs de nos concitoyens. De plus, pour beaucoup de centristes, simplicité et proximité sont synonymes de démagogie. Ceux-là ont peut-être raison, mais qu’importe ! Acceptons notre part de populisme, vulgarisons-nous. Vulgariser, dans le bon sens du terme, c’est donner envie d’en savoir plus, c’est finalement tendre à la finesse, pousser à la curiosité. C’est toucher le cœur pour atteindre l’esprit. Cet atout cœur, c’est celui qui nous fait cruellement défaut aujourd’hui, alors que nous avons le reste des cartes en main.

   Troisièmement, il faut un centre bienveillant. Nos valeurs le sont, pas nous. Nous prétendons changer la politique, mais nous sommes aussi politiciens que les autres. Nos guéguerres internes sont indignes, nos responsables cumulent tout en défendant le non-cumul, et certains prétendent agir pour l’intérêt général mais souhaitent l’échec des gouvernants - donc l’échec de la France - pour pouvoir prendre le pouvoir à la prochaine élection… Comme les socialistes, nous ne sommes pas à la hauteur de nos idées. Je crois que pour changer le centre, il faut aussi changer cela. Les citoyens attendent d’abord de nous que nous ayons un regard différent mais positif sur les camps adverses. Comment prôner une union nationale si nous leur tapons sans cesse dessus, si nous sommes incapables de reconnaître qu’ils ont parfois raison ? Je suis de ceux qui pensent que dans l’expression « opposition constructive » la notion de construction est plus importante que celle d’opposition.

   Nos électeurs potentiels attendent aussi que nous arrêtions de nous donner en spectacle. Nos guerres d’égos sont irresponsables. Nous réclamons souvent des gouvernants qu’ils fassent de grandes réformes quitte à sacrifier leur popularité, et parfois leur poste, pour le bien commun. Or comment pourrions-nous avoir ce courage une fois au pouvoir si, déjà en interne, nous privilégions notre carrière au détriment de l’union – et donc de la réussite – de notre camp ? L’extrême droite comme l’extrême gauche capitalisent sur l’agressivité et le ressentiment, le PS et l’UMP sur le rejet de l’autre camp, mais personne n’a une démarche bienveillante envers soi et envers les autres. Il y a sans doute là quelque chose à faire, une singularité à marquer, un créneau à prendre.

   Un centre offensif, proche des gens et bienveillant, voilà qui ferait bouger les lignes. Je sais bien que Rome ne s’est pas faite en un jour, et que ce ne serait pas une petite (r)évolution pour notre famille politique, mais je suis convaincu que sa reconnaissance et son indépendance sont à ce prix. Tant que nous ne changerons pas, nous ne pourrons pas demander aux gens de changer leur regard sur nous.

 

Propos recueillis le 05/10/14

Retrouvez Vincent Fleury sur Twitter...

 

 

Vincent Métivier

Vincent MÉTIVIER

V. Métivier est président des Jeunes UDI des Hauts-de-Seine

et délégué national des Jeunes UDI (aux réseaux et relations institutionnelles).

 

« Révolutionnons-nous pour

transformer la société »

 

   La dernière décennie a été pour le Centre en France une période d’expérimentations politiques – si on peut le dire ainsi –, source de nombreuses désillusions. Nous avons tenté la fusion avec la droite républicaine, nous y avons perdu notre identité et notre singularité, devenant inaudibles et incapables d’imposer nos idées. Nous avons également tenté de créer une force centrale, se défiant du clivage droite/gauche, mais constamment contrariée par des alliances tactiques aussi nécessaires que chaotiques. Cela n’a été que des échecs cuisants.

   Ce n’est qu’en 2012, avec la création de l’Union des Démocrates et Indépendants (UDI), que le Centre a retrouvé une voix forte, un positionnement clair et les capacités de peser à nouveau dans le paysage politique français. La meilleure preuve de cela, ce sont les succès électoraux enregistrés depuis lors par l’UDI, à toutes les élections, montrant que nous avons réinvesti un espace politique délaissé et répondu aux attentes d’une part de la population. En deux ans seulement, nous nous sommes rehaussés au rang de troisième parti de France !

   Pourtant, nous ne pouvons pas céder à l’euphorie et à l'autosatisfaction, le contexte actuel ne s’y prête pas. Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon… quel que soit le meneur de la droite en 2017, celui-­ci voudra avoir le Centre sous sa coupe pour s’assurer la victoire. C’est pour nous une menace délétère. Nous ne voulons pas d’une une fusion/absorption, nous avons déjà été échaudés. L'indépendance est la clef de notre existence. Et puis, il y a la vigueur grandissante de l’extrême droite, l’aggravation de la situation socio­-économique du pays, l’affaiblissement inquiétant de l’Union européenne… Plus que jamais, le Centre a un rôle crucial à jouer et nous devons nous y préparer.

   D’abord, en maintenant une ligne politique claire, au centre­-centre droit. Comme le théorise finement Jean­-Louis Bourlanges, nous ne pouvons nous allier ni avec la gauche archaïque française, qui n’est pas encore parvenue à se défaire de ses réflexes socialo-­communistes, ni avec une droite trop conservatrice, complaisante voire compromise avec l’extrême droite. Par ailleurs, la configuration des institutions de la Vème République, poussant au bipolarisme, ne nous permet pas de progresser seuls.

   L’enjeu pour le Centre, dans les mois et les années à venir, est donc d’atteindre une masse critique, de fédérer largement pour devenir l’un des pivots incontournables du paysage politique, de susciter des ralliements plutôt que d’y être nous-­mêmes contraints. Pour y parvenir, nous devons faire notre propre révolution – au double sens étymologique de rupture et de retour à des fondements originels – pour révolutionner ensuite la société française. Cet aggiornamento centriste impose de relever plusieurs défis difficiles.

   En premier lieu, devenir un parti de masse et non plus un parti de cadres. Les centristes n’ont pas vraiment la fibre militante. Il y a un travail conséquent de formation à réaliser pour créer et développer cet état d’esprit militant, qui revient à considérer qu’après l’étape de la réflexion et l’esquisse de grandes idées, il y en a une autre : l’étape déterminante du terrain. Nous devons surmonter l’atavisme centriste de l’« intellectuel immobile ». Il faut convaincre, défendre soi-­même ses idées, se rendre visible et apprendre à communiquer, recruter et multiplier les effectifs, les relais…

   En second lieu, il nous faut impérativement développer et proposer une vision concrète et cohérente du monde et de l’avenir. La France souffre aujourd’hui d’avoir des partis politiques aux idéologies rances, qui ne proposent plus une manière globale d’envisager la société et de la réformer, prostrés sur des visions fragmentaires et généralement fallacieuses. Les Français ont envie de croire en l’avenir, de croire que tout peut et va s’améliorer, mais personne ne suscite plus cet espoir, hormis les extrêmes.

   Le Centre est en capacité de réunir derrière lui une majorité de citoyens, car le pragmatisme qui le caractérise est à la fois ce qui peut créer le plus d’engouement et répondre avec efficacité aux problèmes de notre société. Pragmatisme politique ne signifie pas consensus mou. C’est au contraire affirmer avec vigueur que la solution au bénéfice de l’intérêt général n’est pas un juste milieu entre les exagérations des uns et des autres, qu’elle se situe ailleurs.

   Nous devons par conséquent proposer un nouveau modèle de société, fondé sur un retour aux valeurs premières de notre République. Il est intolérable que l'idéal républicain, la Patrie, la laïcité… soient aujourd’hui des thèmes largement abandonnés. Pire, profitant de ce vide, c’est le Front national qui s’en saisit par opportunisme, allant ainsi à contre­-courant de tout le passif historique de l’extrême droite. Les centristes doivent réinvestir ce domaine politique, être les nouveaux « hussards de la République » et soumettre au vote des Français un programme structuré, ayant pour fondement la revivification de la République et son adaptation au XXIème siècle.

   Jean-­Louis Borloo a tracé des voies innovantes qui méritent d’être prolongées, telles que la rénovation urbaine comme moteur d'intégration et de cohésion sociale, l’écologie source de croissance économique… Tout cela fait partie d’un ensemble plus vaste, à partir duquel il nous faut redonner à chaque citoyen les moyens de sa réussite et à la société les atouts pour sa pérennité. Réformer entièrement l’École, le système de retraites, le système de Sécurité sociale, l’organisation des collectivités, envisager l’industrie à l’ère numérique, la démocratie à l’ère collaborative… Les sujets abondent, le monde a évolué et personne n'en a pris acte.

   La France meurt de se reposer sur des mécanismes et une pensée passéistes, inadaptés au monde actuel. Toutefois, c’est en prenant appui, c’est en réactualisant et en faisant perdurer des principes directeurs pluriséculaires comme ceux de la République, que nous pourrons trouver l’élan nécessaire pour faire cette révolution et transformer la société, à l’image du programme du Conseil national de la Résistance, en 1945.

   Je crois sincèrement que les centristes sont les seuls à pouvoir mener à bien ce travail, enclencher cette mobilisation réformatrice et progressiste au bénéfice de la France et des Français. Nous ne devons pas nous croire investis d’une mission mais ayons conscience du rôle que nous pouvons jouer et, sans doute, du risque pour nous-­mêmes et nos enfants.

   Si nous ne sommes pas ceux qui font l’effort ardu d'impulser ce changement profond, alors acceptons de porter la culpabilité du déclin, de livrer la République aux extrêmes et de nous préparer à des jours plus sombres. Ce n’est pas ce que nous voulons, à nous d’agir et de reprendre le destin de la France en mains.

 

Propos recueillis le 14/10/14

Retrouvez Vincent Métivier sur Twitter...

 

 

Jérémy Coste

Jérémy COSTE

J. Coste est adjoint au maire de Vanves (Hauts-de-Seine)

et porte-parole des Jeunes Démocrates Européens.

 

« Associés, les progressistes

construiront la France de demain »

 

   Vaste question… Tout d’abord, et autant évacuer ce sujet dès le début, je ne crois pas en l’homme providentiel, pas plus en Nicolas Sarkozy comme sauveur du pays. Ce temps-là est révolu ! La France a besoin d’un cap, les Français de retrouver confiance en eux. Cela passe par la construction collective d’un projet ambitieux, innovant et rassembleur, au-delà des clivages anciens. Voilà notre mission.

   Si je ne partage pas l’envie d’une partie des Français de voir Nicolas Sarkozy revenir aux affaires, je suis néanmoins d’accord avec l’ancien président sur le constat selon lequel les vieux schémas ne correspondent plus à nos attentes. Droite, gauche, extrême droite, extrême gauche, économie sociale, communiste, conservatrice et libérale... cela représente à mes yeux le passé, des réponses à la (re)construction de la France d’après-guerre.

   Aujourd’hui, le monde a changé. Nous sommes pleinement entrés dans une société du savoir et du partage. Le rôle de « guide » des partis n’a plus lieu d’être. Au contraire, les nouvelles générations attendent des dirigeants et formations politiques qu’ils réussissent à associer les citoyens dans la construction d’idées et la prise de décision.

   Nous devons désormais faire face à une troisième révolution. Concrètement, la révolution industrielle que nous connaissons à travers les livres d’histoire s’est déplacée dans d’autres régions du monde, économiquement moins avancées que l’Occident. Cela crée une compétition, souvent des tensions. La seconde révolution, numérique cette fois, est également en train de se déplacer dans les pays émergents. Ces pays nous rattrapent. C’est positif, mais cela inquiète !

   En France, Internet est une réalité pour tout le monde, mais elle doit devenir une base de données sur laquelle s’appuyer pour inventer le monde de demain, un monde de l’« intelligence ». C’est selon moi cela qui intéresse les jeunes et les progressistes, et c’est la question que notre sensibilité doit se poser : "Comment faire entrer complètement la France dans cette troisième révolution qui fait du partage des savoirs et idées ainsi que de la coopération la base nouvelle du vivre ensemble ?"

   Pour entrer dans le 21ème siècle, je suis convaincu qu’il faut abandonner nos vieilles recettes et oser penser l’impossible. Il est temps d’opérer un changement radical de nos institutions et de notre modèle économique et social. De faire « avec les citoyens » plutôt que « pour les citoyens » ! Cela nécessite de faire évoluer la 5ème République, pourquoi pas d’en faire émerger une nouvelle.

   Nous devons imaginer une nouvelle façon de gouverner. Dans nos sociétés industrielles et technologiques, chacun ne peut que constater la difficulté de nos dirigeants à s’adapter au monde actuel, car ces derniers appartiennent naturellement à un monde ancien. Cela ne signifie pas pour autant qu’une partie d’entre eux ne peut s’adapter et comprendre ce monde nouveau - certains y parviennent parfaitement -, mais les codes sociaux et les pratiques ont tellement - et rapidement - évolué qu’un fossé naturel se creuse entre les générations, entre ceux qui dirigent et ceux qui subissent les décisions publiques.

   Parallèlement à cette réalité, je vois l’essoufflement des partis politiques classiques et deux sensibilités qui n’ont pas encore gouverné par eux-mêmes : les démocrates/progressistes ainsi que les écologistes. Cela s’explique selon moi par leur analyse prématurée des problèmes du monde et l’inquiétude que leurs réponses suscitent pour une population encore trop tournée vers la jouissance personnelle. Je crois fondamentalement que les progressistes et les écologistes ont souvent eu une longueur d’avance dans la compréhension des problématiques du monde. J’illustrerai ce point en prenant deux exemples.

   Pour les uns, la thématique de l’environnement. Les écologistes – je ne parle pas d’EELV mais initialement des associations écologistes - ont compris avant tout le monde la nécessité de repenser notre modèle économique et social afin de protéger la planète et préserver l’avenir des générations futures. Dans les années 60, l’écrasante majorité des scientifiques et gouvernants prenait ces « alerteurs » pour des illuminés. Aujourd’hui, on les remercie ! Toute action publique moderne se doit de prendre en compte les réglementations en faveur de la protection environnementale.

   Pour les seconds, la thématique de la coopération. Les démocrates/progressistes – je ne parle pas exclusivement des centristes mais des millions de structures coopératives et associatives rejetant l’alternative droite/gauche – ont défendu le principe du dialogue en politique. Cela a commencé avec les pères fondateurs de l’Europe. Ces derniers ont compris que le monde évoluait de façon multipolaire autour de grands ensembles démographiques, culturels, militaires et politiques et qu’il était primordial de mutualiser nos forces par la coopération pour préserver nos intérêts et notre modèle de société basé sur la solidarité. Cette conception de la politique s’est également manifestée à quelques époques par la décentralisation et le rôle donné aux acteurs locaux dans la prise de décision, par la confiance accordée à la jeunesse avec la majorité à 18 ans ou encore l’émancipation des femmes avec l’avortement…

   Nous devons concevoir un nouveau modèle. La défense de l’environnement, les principes de mutualisation des richesses et de dialogue en politique ont ainsi permis l’émergence d’une ère de la coopération. Il n’y a quasi plus une décision publique (dialogue social), une guerre (droit international) ou une stratégie (OMC, OMS…) qui ne soit décidée collectivement. Ces notions sont si fortes que malgré l’incapacité des écologistes et des progressistes à gouverner par eux-mêmes, ces idées sont présentes dans toute la société.

   En France, chacun est conscient de l’importance de la protection de l’environnement et de la pertinence des échanges et du dialogue social. Plus personne ne veut d’une société qui pollue ni d’une société caporaliste où le citoyen suivrait aveuglément un chef. Nous sommes nombreux à vouloir une société « verte », équitable et responsable, où chacun peut s’épanouir dans un environnement sain. Un régime politique qui écoute, respecte et associe chacun d’entre nous aux décisions publiques. Ces phénomènes sont le résultat des combats des écologistes et des démocrates/progressistes.

   Il est fini, le temps où nous n’avions pas tous accès à l’enseignement, où de nombreux citoyens ne savaient pas lire ou comment s’informer. Aujourd’hui, grâce à l’enrichissement de la France pendant les Trente glorieuses, grâce aux nouvelles technologies et à Internet, chacun peut comprendre le monde dans lequel il vit et tenter de contribuer à son amélioration. Il est même fréquent que certains citoyens non-élus soient plus compétents que leurs représentants. Ceci peut provoquer un choc, une confrontation et finalement une crise de confiance entre le citoyen et le système politique.

   Cette série de bouleversements, la troisième révolution, la remise en cause de la gouvernance, et le modèle à réinventer, provoquent une fracture sociale et un besoin de nouvellement. Quel devrait être notre comportement face au changement ? D’un côté, il y a ceux qui voient ce changement arriver et préfèrent conserver le modèle ancien en essayant de le réformer à la marge car il leur apporte encore le confort nécessaire. De l’autre, on trouve ceux qui voient ces bouleversements et comprennent la nécessité de réfléchir à un nouveau modèle.

   Ces derniers, je crois, sont proches d’une grande partie de la population qui ne profite plus des richesses produites et qui constate, impuissante, qu’elle est lésée. Ces Français qui souffrent au quotidien d’un manque de confiance en l’avenir, à cause du chômage notamment, et qui voient l’inégalité se creuser, ont le sentiment de ne pas pouvoir entraîner la société vers un modèle qui réponde à leurs attentes. Cela crée une frustration dangereuse. C’est ce moment précis que nous vivons.

   Ce trouble touche en premier lieu les nouvelles générations, qui souffrent du manque de ressources et d’emplois, les éloignant ainsi de ceux censés leur trouver des solutions. La jeunesse souffre également d’une forme d’impuissance face à l’accroissement de la misère dans le monde que les médias nous renvoient à la figure et qui crée en nous un sentiment de culpabilité et de colère parfois.

   Deux France s’opposent donc : ceux qui, suffisamment puissants, détiennent le pouvoir et souhaitent conserver un système qui les rassure - en entraînant derrière eux les plus effrayés par le changement - et ceux qui, puissants ou pas, désirent vivre dans un pays qui respire, prend des risques et innove pour redonner du sens à leur vie et par conséquent au destin commun.

   Personnellement, je suis persuadé que nous tous, citoyens, détenons chacun une partie de la solution et qu’il est du rôle de notre sensibilité de changer en profondeur nos méthodes. Nous devons avant tout écouter, non pas pour faire plaisir, mais pour entendre les craintes, tenter de les comprendre et transformer en actes politiques concrets et efficaces.

   Évidemment, souhaiter un nouveau modèle demande du courage et nécessite aussi d’être réaliste. Il ne s’agit pas de tomber dans l’utopie. Tout le monde ne peut pas réécrire la Constitution française, ni même écouter avec patience ce que chacun à dire. Cela demande des compétences techniques, des qualités personnelles particulières, de l’organisation et de la pédagogie. Mais chacun, confronté à ses propres difficultés, peut donner son idée pour que celles-ci inspirent ce que doit être la France de demain. C’est ce que j’attends de ma famille politique.

   Évidemment, plus qu’une indépendance politique vis-à-vis des conservateurs de droite et de gauche, cela nécessite une liberté de pensée absolue, le dépassement des clivages, et l’association de tous les progressistes. La première richesse de la France, ce sont ses ressources humaines (nous !).

   Alors, sur tous les territoires, écoutons-nous plus largement qu’au sein des partis, partageons nos idées avec la société civile et ces milliers de coopératives, et imaginons ensemble une France nouvelle. Voici mon vœu.

 

Propos recueillis le 17/10/14

Retrouvez Jérémy Coste sur Twitter...

 

 

Marine Denis

Marine DENIS

M. Denis est présidente de l'UDI Sciences Po.

 

« Ayons du courage et de l'ambition ! »

 

   Oui, le grand retour médiatique de Nicolas Sarkozy est un échec ; un échec qui doit nous redonner confiance en notre liberté et notre indépendance politique. Nous ne pouvons associer l'avenir de l'UDI à celui d'un ancien chef d'État poursuivi pour des affaires de corruption et de trafic d'influence. Il en va de notre crédibilité, mais surtout de notre responsabilité politique, en tant qu'élus et militants centristes.

   Si les Français sont lassés d'un paysage politique majoritaire gauche/droite, où seuls les extrêmes semblent pouvoir se frayer une place pour venir contrebalancer l'équilibre UMP-PS par un discours violent et stérile, c'est à notre tour de replacer le centre au cœur de l'échiquier politique. Il n'y a pas de politique de droite ou de gauche au pouvoir, il n'y a qu'une politique du centre fondée sur une realpolitik ambitieuse et modérée, celle du juste équilibre, celle que nous défendons.

   Nos axes de réflexion et d'engagement politique sont tracés, il faut désormais en faire un véritable plan d'architecte de projet politique pour 2017. Assurons notre indépendance intellectuelle et politique par les idées et les projets de réformes politiques ! Intervenons sur des sujets techniques, car nous avons les experts compétents, et emparons-nous des sujets d'actualité qui défraient la chronique pour nous donner une véritable visibilité médiatique ! Il est de la responsabilité des élus, mais aussi des militants, de produire des idées et de les mettre en valeur. Décentralisation, Union européenne, immigration, politique de santé... : le centre, loin de rejeter systématiquement toutes les propositions portées à gauche et à droite, doit s'appuyer sur les points forts que sont sa modération et son expertise technique pour constituer le projet politique le plus ambitieux, réaliste et proche des grands enjeux locaux, nationaux, européens et internationaux de la France.

   Pour exister sur la scène extérieure, nous devons nous assurer d'un modèle politique viable et démocratique en interne. Le centre compte et s'appuie sur un électorat qui est présent mais qui tend à se conforter dans de vieilles positions. Soyons modernes, appuyons-nous sur les idées des jeunes militants qui nous rejoignent, écoutons-les et donnons leur une voix ! L'organisation de commissions de réflexion rassemblant élus et militants, jeunes et aînés, doit devenir notre force et notre distinction à l'égard des autres partis politiques français, où le lien démocratique interne existe trop peu, dévoré par l'ambition et l'ascension hiérarchique.

   Une famille se doit d'avancer ensemble, le centre doit reconstruire ce maillon qui constitue le lien entre les différents mouvements internes. Nous défendons des idées, nous aimons la chose publique, nous sommes républicains et convaincus que la politique n'est pas uniquement affaire de stratégie et de batailles pour le pouvoir. Quand nos idées sont similaires, ne laissons pas l'ambition personnelle dépasser l'ambition politique. Le climat politique délétère et les affaires, récurrentes, sont à la source du mépris et du désespoir des citoyens français à l'égard de la sphère politique gouvernante. Tâchons de ne pas reproduire les mêmes erreurs en nous perdant dans des errances purement politiques et stratégiques ! Ayons le courage politique de rester indépendants pour 2017 !

 

Propos recueillis le 22/10/14

Retrouvez Marine Denis sur Twitter...

 

 

Olivier Gloaguen

Olivier GLOAGUEN

O. Gloaguen est vice-président des Jeunes Forces Démocrates, en charge du projet.

 

« Le centre se doit de se faire entendre »

 

   Quel centre pour demain ? Eh bien, la réponse tient en un seul mot : « conquérant » ! En effet, le centrisme, c’est-à-dire les forces progressistes, fédéralistes européennes, écologistes, réformatrices, humanistes, décentralisatrices et pro-entrepreneurs de l’échiquier politique français ont devant elles une grande opportunité, mais aussi une grande responsabilité.

   Après plus de trente années d’échecs successifs menés sans fracas ni trompettes par la gauche comme par le droite, la France paye désormais son immobilisme. Tout naturellement, les Français sont dégoûtés et ils ont bien raison : élections après élections, on leur promet monts et merveilles (« travaillons moins pour que tous travaillent » un jour, et « travaillons plus pour gagner plus » le lendemain) et… rien. Alors, ils ne croient plus en la parole des partis politiques et tentent de se réfugier, faute de mieux, dans le vote frontiste, ce parti démagogique qui n’attend que ça car là où il sait le mieux proliférer, c’est sur la misère, la rancœur et le désespoir.

   Le délitement de la classe politique, désormais flagrant, et les divisions surannées gauche-droite s’estompent face à de nouveaux axes de choix de société : replis identitaire ou ouverture ? Europe fédérale ou des nations ? Progrès ou conservatisme ? Réformes ou immobilisme ? Décentralisation ou concentration ? Transition énergétique ou laisser-faire ? Soutien résolu à l’innovation et l’entrepreneuriat ou empilement des contraintes ?

   Alors, oui, dans ce contexte, les centristes peuvent, s’ils s’en donnent les moyens et s’ils en ont véritablement l’ambition, proposer une alternative crédible et attendue par les électeurs. Une alternative crédible car ce ne sont pas des centristes qui sont aux manettes depuis trente ans. Nos idées ont été souvent reprises (car ce sont les plus sensées et les plus logiques), mais aussi malheureusement trop souvent dénaturées (un exemple : la TVA sociale). Attendue, car contrairement aux populistes, nous ne vivons pas prostrés dans le souvenir d’un passé nécessairement meilleur, mais nous regardons résolument vers l’avenir et proposons des réponses sans tabous aux problèmes d’aujourd’hui.

   Sauf que le centre n’est pas assez entendu. Sa chance dans les années qui viennent est justement de disposer d’un espace qui s’ouvre entre une droite profondément divisée et une gauche sans programme et qui se cherche. Un espace dans lequel il sera possible de faire émerger un centre uni et fort, mené par des hommes et des femmes politiques nouveaux. Un centre qui prenne la peine de parler à tous les Français, un centre qui n’a pas peur de conquérir le pouvoir, qui va jusqu’au bout de ses ambitions et surtout qui s’en donne les moyens.

   Pour cela, la recette n’est pas compliquée, mais elle requiert de la volonté : il faut fédérer, regrouper, rassembler au delà des petites ‘chapelles’ et des petits partis, des courants et des ‘écuries’ présidentielles sans lendemains. Il faut structurer, attirer des militants, les former, les écouter, les faire élire à tous les échelons, bâtir une machine de conquête et ne pas s’en cacher, affirmer notre indépendance, changer notre langage et parler celui des Français, de tous les Français, sans tomber dans la démagogie, mais en leur disant nettement ce qu’il en est, où nous comptons aller et comment le faire.

   Nos concitoyens « ne sont pas des veaux », ils ont bien compris la situation actuelle et se doutent de ce qu’il faut faire. Mais ils attendent désormais un leader crédible, c’est-à-dire quelqu’un capable de leur montrer le chemin et le but à atteindre. Quelqu'un qui leur redonne confiance en eux-même. Ils attendent une nouvelle génération de centristes, une génération qui a envie d’un centre conquérant, pour une France conquérante.

 

Propos recueillis le 23/10/14

Retrouvez Olivier Gloaguen sur Twitter...

 

 

Une réaction, un commentaire ?

 

Suivez Paroles d'Actu via Facebook et Twitter... MERCI !

8 décembre 2014

Martial Passi : "Réagissez, M. le Président, la maison France prend feu..."

   « Vous êtes, Martial Passi, de ces élus locaux dont les mandats trouvent leur source, à l'origine, dans des engagements pour des luttes sociales, teintées d'idéaux progressistes. Membre du Parti communiste, vous êtes depuis plus de vingt ans à la tête d'une ville populaire, Givors (Rhône). La gauche de la gauche est très critique vis-à-vis des orientations de l'exécutif national. J'imagine que vous avez pourtant voté pour François Hollande lors du second tour de la présidentielle de 2012 et, donc, contribué à sa victoire. J'aimerais vous demander, M. Passi, de me dire, le plus franchement possible ce que serait, en tant qu'élu local, en tant qu'homme de gauche, le message que vous souhaiteriez adresser au chef de l'État ? ».

   Le document qui suit est la reproduction du texte que M. Martial Passi, maire de Givors depuis 1993, vice-président du Grand Lyon, conseiller général du Rhône et vice-président de l'AMF a bien voulu rédiger, en exclusivité pour Paroles d'Actu. Un message fort et sans concession; son message à l'attention du président de la République. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

PAROLES D'ACTU - LA PAROLE À...

Martial PASSI: « Réagissez, Monsieur le Président,

la maison France prend feu... »

 

Martial Passi

 

   Monsieur le Président de la République,

   Comme une majorité de nos compatriotes, j'ai voté et appelé à voter en 2012 pour battre Nicolas Sarkozy, sa politique et promouvoir une politique de gauche qui réponde aux besoins de la France, de nos territoires et de leurs habitants.

   À la moitié de votre mandat, la situation est malheureusement catastrophique :

- La marée du chômage massif ne cesse de s'aggraver, frappant notamment les territoires et les populations les plus fragiles, et de plus en plus d'acteurs économiques, notamment les plus petits, qui constituent le cœur du dynamisme économique local et multiplient les cris d'alarme devant la baisse de leurs carnets de commandes.

- Les populations font face à une accumulation de difficultés dans tous les domaines, d'abord en termes de pouvoir d'achat et d'emploi, avec une vie minée par la précarité et l'incertitude, mais aussi devant des services publics asphyxiés par l'austérité.

- Les collectivités territoriales et les élus locaux vivent une réforme territoriale décidée sans aucune concertation qui engage l'avenir de notre pays et sont exposés à une baisse sans précédent des finances locales qui génère des situations budgétaires de plus en plus inextricables, impliquant tout à la fois de réduire l'investissement utile et le service rendu, et d'augmenter l'endettement et les impôts locaux.

- La société est minée par une crise politique et morale qui nourrit un rejet profond de la gauche et de l'action politique, menace nos valeurs républicaines, le lien social et le vivre ensemble, et fait le lit d'extrémismes dangereux.

   Ça ne peut plus durer.

   Soldats de la République directement exposés aux conséquences de politiques d'austérité qu'ils n'ont pas décidées et qui les dépouillent des moyens d'y faire face, les élus locaux sont dans leur très grande majorité profondément inquiets et en colère. Exclus des choix, placés en première ligne comme des boucs émissaires, de plus en plus dénigrés et représentants de collectivités menacées dans leur existence même, les élus locaux n'en peuvent plus.

   L'autorité de l’État est en question, la démocratie locale est directement menacée, le pacte républicain vacille sous les coups de boutoir d'une crise qui n'en finit plus et d'une politique d'austérité, érigée en dogme suicidaire, qui aggrave le mal au lieu de le soigner. La conscience collective et nationale est profondément déstabilisée et les forces et les énergies de notre pays sont abîmées, gâchées et dangereusement divisées.

   Ça ne peut plus durer, Monsieur le Président de la République. « Le changement commence maintenant », disiez vous au printemps 2012. À l'automne 2014, le feu est dans la maison France. Il est plus qu'urgent de changer de cap, sinon nous allons au devant d'une terrible catastrophe.

 

Une réaction, un commentaire ?

Suivez Paroles d'Actu via Facebook et Twitter... MERCI !

21 septembre 2014

Éric Anceau : "Napoléon III a été un modernisateur, un visionnaire..."

   On ne compte plus les articles, les études, les ouvrages qui ont été et sont consacrés à Napoléon Ier, peut-être le plus emblématique des grands personnages de l'histoire de France. J'ai eu, pour ce qui le concerne, le bonheur d'interroger M. Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, à deux reprises, en décembre 2013 et en septembre de cette année. Je pourrais presque parler de "trilogie " en évoquant, aux côtés de ces deux interviews, le document qui suit.

   M. Éric Anceau, grand spécialiste du XIXe s. et du Second Empire, a accepté de répondre à mes questions sur Louis-Napoléon Bonaparte/Napoléon III, l'"autre" Napoléon, celui que Victor Hugo qualifia de « petit » dans un pamphlet retentissant (1852), celui auquel notre invité a consacré un ouvrage de référence. Les réponses qu'il m'a apportées sont réellement passionnantes, je le remercie pour cela. Le texte de cet entretien vous permettra, je l'espère, de vous (re)plonger dans cette époque, de prendre quelques instants pour réfléchir à ce que fut la carrière, à ce qu'est l'empreinte véritable de ce personnage finalement assez méconnu, ce "neveu de" devenu chef d'État : le premier de nos présidents, le dernier empereur français. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

ÉRIC ANCEAU

 

« Napoléon III a été un modernisateur,

un visionnaire... »

 

Napol_on_III_tableau_Carnavalet

Napoléon III remettant au baron Haussmann le décret d'annexion des communes limitrophes, le 16 février 1859

(Adolphe Yvon)

 

Q. : 13/08/14 ; R. : 20/09/14

  

Paroles d'Actu : Bonjour, Éric Anceau. Je vous remercie d'avoir accepté d'évoquer pour Paroles d'Actu ce personnage historique finalement assez méconnu, d'abord identifié sous le nom de Louis-Napoléon Bonaparte, avant d'être appelé par son nom de règne impérial, Napoléon III. On a tous appris, à l'école ou dans les manuels, qu'il était le neveu de Napoléon Ier. Je crois qu'il y a, sur cette question, quelques remises en cause. Quels ont été les derniers développements en la matière ?

 

Éric Anceau : Depuis le milieu du XIXe s. court sur son ascendance une rumeur persistante. Son opposant politique, Victor Hugo, écrivait de lui qu’il était « l’enfant du hasard dont le nom est un vol et la naissance un faux ». Partant du fait avéré que sa mère, Hortense de Beauharnais (fille de Joséphine, future impératrice de Napoléon Ier, ndlr) a eu, par la suite, un fils de sa liaison avec Flahaut, le futur duc de Morny, elle aurait eu Louis-Napoléon d’une relation adultérine. Pour essayer de démêler le vrai du faux, Gérard Lucotte, docteur en génétique et spécialiste du chromosome Y, a fait une importante communication le 2 décembre 2013 dont il ressort l’absence de parenté masculine entre les deux empereurs, Napoléon Ier et Napoléon III.

 

Si cette découverte est confirmée par une contre-expertise (qui me semble nécessaire), il n’en ressort pas obligatoirement que Louis-Napoléon (Napoléon III) n’est pas le fils de Louis, roi de Hollande et le neveu de Napoléon. Il se peut aussi que ce soit à la génération antérieure que ce soit produit la naissance adultérine. Napoléon et Louis ne sont peut-être que demi-frères par leur mère Letizia. En tout état de cause, de plus amples investigations sont nécessaires sur l’ADN de Louis.

 

Relativisons également les conséquences de cette découverte à deux niveaux : Hortense était elle-même belle-fille et fille adoptive de Napoléon Ier d’une part, et Napoléon III tirait aussi une grande part de sa légitimité du suffrage universel masculin d’autre part.

 

PdA : En 1848, à la faveur d'une victoire écrasante auprès de l'électorat universel masculin, il devient le premier de nos présidents de la République. Comment le nom de Bonaparte se porte-t-il dans les esprits français de l'époque ?

 

É.A. : Depuis la chute de l’Empire en 1815, une grande partie des Français ont la nostalgie de Napoléon. La politique intérieure et extérieure des monarchies censitaires qui lui succèdent entre 1815 et 1848, l’exil de Sainte-Hélène et la publication du Mémorial, la légende entretenue par les grognards, la propagande bonapartiste, le rôle des colporteurs, les chansons de Béranger entretiennent le « napoléonisme » des campagnes.

 

PdA : Que sait-on, au mois de décembre 1848, de cet homme qui, en un rien de temps, vient d'être propulsé à la tête de l'État ?

 

É.A. : Louis-Napoléon est déjà connu des Français. Il a vainement tenté, par deux fois, de renverser la monarchie de Juillet par des coups d’État à Strasbourg en 1836 et à Boulogne en 1840. Enfermé à la forteresse de Ham, il rédige un ouvrage sur l’extinction du paupérisme qui le rend populaire dans une partie des masses, puis il s’évade spectaculairement. Il profite de sa parenté au cours de la campagne présidentielle de la fin novembre et du début décembre 1848. Ajoutez-y un discours rassembleur et des moyens de propagande très modernes ! Le scrutin du 10 décembre est un raz-de-marée. (Il obtient sur son nom 5,4 millions de voix, soit 74,3% des suffrages exprimés, ndlr)

 

PdA : On avance un peu dans le temps... Après de longs mois de conflits avec une Assemblée nationale dominée par le "Parti de l'Ordre" - des royalistes, pour l'essentiel -, Bonaparte entend par son coup d'État du 2 décembre 1851 s'affranchir des limitations strictes que la Constitution prévoit pour le mandat présidentiel et affirmer, affermir l'exécutif face à une branche législative prépondérante, cela en s'appuyant directement sur le peuple, par la voie des plébiscites. Un an plus tard, l'Empire sera fait...

Peut-on dire de ce Bonaparte-là qu'il a été, au vu de son parcours, un partisan authentique du suffrage universel direct ?

 

É.A. : Louis-Napoléon cherche à établir un lien direct avec le peuple par le biais des plébiscites. Il en organise un en décembre 1851 pour approuver son coup d’État et un autre, en novembre 1852, pour passer à l’Empire. On peut parler de « césarisme démocratique », en ce sens que Louis-Napoléon rétablit dans sa plénitude le suffrage universel amputé par la majorité parlementaire royaliste en mai 1850, mais qu’il encadre strictement ce suffrage lors de ces deux consultations et plus largement dans toutes les élections  qui se déroulent sous le nouveau régime.

 

PdA : Quelle eût été, dans son idéal d'organisation politique, la place dévolue à la représentation nationale ?

 

É.A. : Depuis ses écrits de jeunesse, il évoque la souveraineté populaire. Il dénonce le dessaisissement du peuple au nom de la souveraineté nationale et du gouvernement représentatif au sens où l’entendaient Sieyès et, désormais, son contemporain Guizot. Il n’a que mépris pour les « discussions stériles » des parlementaires, comme il les appelle. L’exercice du pouvoir et les difficultés qu’il rencontre avec l’Assemblée législative de 1849 à 1851 confortent son sentiment. On peut ici parler d’antiparlementarisme.

 

La Constitution du 14 janvier 1852 en porte la trace. Le Corps législatif n’est qu’une assemblée législative parmi d’autres, encadré à l’amont par le Conseil d’État et à l’aval par le Sénat. Il n’a pas l’initiative des lois, qui relèvent uniquement du chef de l’État. Il se contente de voter les projets de lois et l’impôt et ne peut les amender qu’à la marge, au terme de débats réduits et strictement encadrés. Le risque de les lui voir rejeter est limité par le système de la candidature officielle, qui produit d’énormes majorités gouvernementales.

 

PdA : J'aimerais à présent, si vous le voulez bien, vous inviter à évoquer quelques aspects importants de la politique extérieure du Second Empire. L'époque est romantique. Elle est celle des libérations nationales (Pologne, Italie...). L'Empereur des Français lui-même s'y est intéressé, parce qu'il avait la sensibilité de son temps et parce qu'il savait calculer - compétence qu'il ne fut pas le seul, alors, à maîtriser...

Son soutien à la cause italienne l'a conduit à reproduire un schéma presque traditionnel de notre diplomatie : une ligne dure vis-à-vis de l'Autriche, une relative bienveillance à l'égard de la Prusse, la seconde s'affirmant toujours davantage en Allemagne aux dépens de la première, et avec des dispositions autrement plus aventureuses, plus directement hostiles à la France. Quelques fourberies bien placées jetteront la suspicion sur notre pays. Quant à l'affaire d'Espagne, elle provoquera la fureur d'une France à l'orgueil blessé et soudera les États allemands autour de Berlin, l'agressé de la guerre qui démarre...

L'habileté virtuose de Bismarck a compté pour beaucoup dans l'unification allemande autour de la Prusse, ce fait majeur qui bientôt engendrera bien des périls et des malheurs pour la France et pour l'Europe. Quid, à votre avis, considérant ses erreurs tactiques et stratégiques, des responsabilités de Napoléon III sur cette question cruciale ?

 

É.A. : Louis-Napoléon a toujours été sensible aux nationalités et au droit pour elles de disposer d’elles-mêmes. En cela, il a été un adversaire irréductible du Congrès de Vienne de 1814-1815 qui a recomposé la carte de l’Europe après la chute de son oncle. Jeune homme, il s’est enflammé pour la cause des Grecs qui cherchaient à se libérer du joug ottoman, dans les années 1820. Par ses origines, l’histoire de l’Empire et l’exil italien des Bonaparte, l’Italie morcelée alors en une dizaine d’États lui a été particulièrement sympathique. Il a participé à l’insurrection des Romagnes contre les Autrichiens, en 1831, et a failli y laisser la vie, comme son frère aîné. Devenu empereur, il aide Cavour à réaliser l’unité italienne autour du royaume de Piémont-Sardaigne au tournant des années 1850-1860. Il en fait de même, quelques années plus tard, avec Bismarck et la Prusse, sans être aussi dupe qu’on l’a prétendu.

 

Le chef de l’État connaît les intérêts de la France et n’entend pas les brader. La raison prime les sentiments. Ainsi, il n’accorde pas de soutien à l’insurrection polonaise contre la Russie, en dépit du lobbying intense qui s’exerce dans son entourage le plus direct. Il joue les médiateurs et essaie de régler la crise par un congrès international, mais n’insiste pas devant le refus ou les réticences des autres puissances. La victoire écrasante des Prussiens sur les Autrichiens à Sadowa, le 3 juillet 1866, achève de lui ouvrir les yeux sur le danger que représente Berlin. Dès lors, il cherche à renforcer la puissance militaire de la France et à limiter le processus d’unification allemande autour de la Prusse, en soutenant les États périphériques et en essayant de conclure une alliance militaire avec l’Autriche et l’Italie mais celle-ci n’aboutit pas.

 

Napoléon III porte une part de responsabilité dans le déclenchement de la guerre de 1870, en ce sens que c’est à lui que revient le pouvoir ultime de la décider ou de la refuser et qu’il l’accepte, non sans avoir tenté d’en appeler une nouvelle fois à un congrès international. Cependant, sa responsabilité est loin d’être totale, puisqu’en 1870, le régime est devenu semi-parlementaire. Son gouvernement peut démissionner et le Corps législatif peut se montrer plus scrupuleux dans l’examen des pièces qui entraînent l’emballement de la crise de succession d’Espagne (voir : l'affaire de la « dépêche d'Ems », ndlr) et refuser les crédits de guerre. Ni l’un ni l’autre n’agissent en ce sens. Le bellicisme de la presse parisienne et l’emballement ostensible d’une partie de la population, en particulier dans les grandes villes, jouent aussi un grand rôle dans la décision finale du souverain, lui qui a toujours attaché une grande importance à l’opinion.

 

Napol_on_III

 

PdA : Le 19 juillet 1870, la France s'attaque seule à la Prusse - en fait, de facto, à presque toute l'Allemagne. Quels regards les grandes capitales d'Europe portent-elles sur le conflit ?

 

É.A. : Grâce à la manœuvre de Bismarck, la France est d’abord unanimement considérée comme l’agresseur. Le chancelier de la Confédération de l’Allemagne du Nord divulgue habilement à ce moment-là une lettre par laquelle Paris réclamait l’annexion de la Belgique au lendemain de Sadowa, à titre compensatoire. Les Anglais, qui font de la neutralité belge l’une des clés de leur politique continentale, en sont choqués. Italiens et Autrichiens attendent de voir comment la guerre va tourner avant de s’engager aux côtés de la France. La Russie reste neutre. En fait, les grandes puissances ne sont pas mécontentes que Napoléon III, qui domine le jeu diplomatique depuis une quinzaine d’années, doive en rabattre dès les premières semaines de campagne.

 

PdA : La guerre de 1870-71 tournera mal, très mal pour la France. La défaite était inattendue, on peinait même à en concevoir l'idée face à un ennemi que l'on croyait inférieur; elle n'en sera que plus retentissante. Bientôt, l'Alsace et la Lorraine nous seront retirées, le territoire national sera occupé dans l'attente du paiement d'une forte indemnité de guerre. Humiliation suprême, le Reich allemand sera proclamé le 18 janvier 1871 dans la Galerie des Glaces, à Versailles. À cette heure qui voit la naissance d'un nouveau régime impérial outre-Rhin, le Second Empire n'est plus que ruines.

Que sait-on des pensées, des sentiments de Napoléon III à ces moments-là ? Comment analyse-t-il, comment vit-il la déroute militaire, l'effondrement de ce qu'il avait cherché à bâtir ?

 

É.A. : Il vit l’enchaînement des défaites au front jusques et y compris Sedan, bataille au cours de laquelle il cherche la mort au milieu de ses soldats. Il capitule et se retrouve prisonnier en Allemagne jusqu’à la conclusion de la paix. Bismarck se sert alors de lui comme d’une menace pour les républicains qui sont désormais au pouvoir. Libéré en 1871, il se réfugie en Angleterre.

 

Jusqu’à sa mort, il cherche à justifier l’entrée en guerre et la conduite des opérations. Il explique la défaite par l’infériorité numérique de son armée car le Corps législatif a refusé de voter la totalité de la réforme militaire préparée par son ministre de la Guerre, le maréchal Niel. Juste avant de mourir, il cherche à obtenir de son ami et confident le docteur Conneau confirmation que son armée et lui-même se sont comportés bravement à Sedan, de façon à partir en paix.

 

PdA : Dispose-t-on d'éléments susceptibles de nous informer sur ce qu'eurent été les projets, les ambitions de et pour l'Empire, s'il avait perduré ?

 

É.A. : Je ne me lancerai pas dans de l’histoire-fiction. Je dirai simplement que Napoléon III a tenté une « expérience politique », selon ses propres termes, à partir de décembre 1869, en mettant en place l’Empire libéral. Ce régime semi-parlementaire a initié des réformes importantes dans tous les domaines : fin de la candidature officielle, début de décentralisation, régime plus souple de la presse, liberté de l’enseignement supérieur, mesures favorables aux ouvriers.

 

Napoléon III cherchait à transmettre dans de bonnes conditions la couronne à son fils, le prince impérial, dès sa majorité, en 1874. La guerre et l’effondrement du régime n’ont pas plus permis d’assurer cette transmission que de mener à bien l’ensemble de ces réformes.

 

PdA : Avez-vous été étonné, frappé par des découvertes faites à l'occasion de la préparation et de l'écriture de votre Napoléon III (Éd. Tallandier) ?

 

É.A. : Étudier Napoléon III permet de se rendre compte qu’il incarne très bien le XIXe siècle, avec ses grandeurs et ses travers : la soif de découvertes, la foi dans le progrès, l’oscillation entre un idéalisme romantique et un réalisme froid, la volonté de clore la Révolution en trouvant un équilibre entre l’ordre et la liberté…

 

On est aussi frappé par la continuité de ses idées-forces dans tous les domaines. La plupart d’entre elles lui viennent de sa jeunesse et il a cherché à les mettre en œuvre tout au long de sa vie avec ténacité, mais plus ou moins de bonheur. S’il a commis certaines erreurs graves, il a indéniablement été un visionnaire dans de nombreux domaines, de la place qu’il a accordé à l’économie, unique parmi les chefs d’État de son temps, à sa conception des relations internationales.

 

PdA : Le second des Bonaparte ayant dirigé la France ne jouit pas forcément toujours d'une haute estime auprès des historiens. Vous comptez parmi ceux d'entre eux qui le connaissent le mieux. À quoi un bilan honnête et juste de son gouvernement devrait-il ressembler, de votre point de vue ?

 

É.A. : La plupart des historiens s’accordent à dire que le passage de Louis-Napoléon Bonaparte/Napoléon III aux affaires constitue un moment fondamental de la modernisation politique, économique et sociale de la France. Cette réévaluation ne signifie d’ailleurs pas qu’il faut renoncer à porter un regard critique sur chacun des aspects, mais simplement, que le pays a connu alors des transformations majeures, comme le reconnaissaient Gambetta, Hugo ou Zola, qui furent pourtant trois opposants au Second Empire. Que l’on songe à l’urbanisation, au développement des transports, à l’apprentissage du vote…

 

PdA : Cette période de notre histoire qui court de 1852 à 1871 vous inspire-t-elle l'extraction de quelques enseignements qui pourraient être utiles à la France d'aujourd'hui ?

 

É.A. : Faire retour vers cette période de notre histoire permet de comprendre certains blocages dont notre pays souffre encore aujourd’hui et l’impossibilité de faire passer certaines réformes qui sont devenues de véritables serpents de mer : l’État, l’organisation administrative et territoriale, la formation de l’élite, etc... Il est d’ailleurs fascinant de voir comment l’élite française peut reproduire, à plus d’un siècle de distance, et dans le cadre de régimes pourtant si différents, les mêmes erreurs. L’ouvrage que je publierai prochainement sur l’Empire libéral reviendra de façon détaillée sur ces aspects.

 

 

_ric_Anceau

 

 

Une réaction, un commentaire ?

 

 

Vous pouvez retrouver Éric Anceau...

 

8 octobre 2013

P.-Y. Bournazel : "Il faut en finir avec ce socialisme de l'héritage !"

Lors de notre entretien daté du mois de mai, le conseiller de Paris (18ème arrondissement) Pierre-Yves Bournazel était candidat au leadership de la droite dans le cadre de la primaire "pour l'alternance à Paris en 2014". La suite, chacun la connaît : Nathalie Kosciusko-Morizet l'a finalement emporté. Bournazel compte aujourd'hui parmi les porte-parole d'une équipe rassemblée et bien déterminée à mettre un terme aux mandatures Delanoë-Hidalgo. Il a de nouveau accepté de répondre à mes questions, je l'en remercie. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

P.-Y. BOURNAZEL

Porte-parole de la campagne menée par NKM à Paris

 

"Il faut en finir avec

ce socialisme de l'héritage !"

 

Pierre-Yves Bournazel 2

(Photo proposée à ma demande par Pierre-Yves Bournazel)

 

 

Q : 15/09/13

R : 08/10/13

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Pierre-Yves Bournazel. À l'époque de notre premier entretien, qui s'est tenu il y a quatre mois, vous étiez candidat à l'investiture de l'UMP pour la tête de la bataille des municipales à Paris. S'il y a eu une dynamique incontestable autour de votre campagne, votre score final a déçu. Comment l’expliquez-vous? Quelles leçons avez-vous tirées de cette expérience ?

 

Pierre-Yves Bournazel : En décidant de faire une primaire ouverte, l’UMP à Paris a choisi de donner la parole aux Parisiens. Tous les candidats ont pu présenter leur projet et leurs idées, ce qui, je le reconnais, a parfois pu donner lieu à quelques frictions. Je suis totalement convaincu que donner la parole aux Parisiens était la meilleure chose à faire, et les Parisiens ont fait choix de Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle en est sortie vainqueur. Elle est donc la candidate légitime. Dès le début, j’avais été clair : gagnant, je rassemblais, perdant, je me rangeais derrière le vainqueur. C’est donc en homme libre que je me suis associé aux côtés de Nathalie Kosciusko-Morizet.

 

Face à nous, on a vu les vieilles réalités politiques. Au début, les socialistes avaient prévu des primaires. Monsieur Le Guen le souhaitait… avant d’être convoqué par Monsieur Hollande dans son bureau. Ensuite, il a renoncé, laissant sa place à la dauphine de Delanoë. Il faut en finir avec ce socialisme de l’héritage. Les clés de l’Hôtel de ville n’appartiennent pas à Monsieur Delanoë et à Madame Hidalgo. Nous avons fait le choix de la transparence, eux le choix des combinaisons secrètes.

 

 

PdA : Vous êtes devenu l'un des porte-parole de l'équipe dirigée par Nathalie Kosciusko-Morizet, votre ex-concurrente lors de la primaire. Lors de notre interview du mois de mai, vous avez mis en avant l'ancienneté de votre implantation, de votre travail du terrain et des idées, que vous opposiez à quelque candidature "de dernière minute", votre "légitimité d'en bas" à quelque candidature "de la notoriété d'en haut". Que pouvez-vous nous dire aujourd'hui des qualités qui, de votre point de vue, font de votre tête de liste la meilleure des candidates à la mairie de Paris ?

 

P.-Y.B. : Nathalie Kosciusko-Morizet sait rassembler des hommes et des femmes différents. Elle porte le renouvellement et construit un projet novateur pour Paris et les Parisiens. Elle est fédératrice car elle s’appuie sur les forces vives de Paris. Elle est tournée vers les Parisiens et va à leur rencontre avec dynamisme, pragmatisme et bon sens. Elle incarne l’alternance dont Paris a besoin.

 

 

PdA : Je le suggérais à l'instant, le terrain, vous le sillonnez depuis des mois. Quel est, pour ce que vous avez pu en percevoir, l'état de l'opinion des Parisiens ? Leurs préoccupations majeures ? 

 

P.-Y.B. : Posons-nous les bonnes questions.

 

  • Les Parisiens sont-ils satisfaits de la politique fiscale ?

La hausse massive d’impôt sur les Parisiens est déjà une de leurs inquiétudes majeures. Les taxes ont concerné tous les Parisiens, quels que soient leur quartier, leur âge, leur condition sociale ou leur métier… Les ménages comme les entreprises ont souffert de la hausse d’impôts.

 

  • Pour financer quoi ?

10 000 fonctionnaires en 10 ans ! Madame Hidalgo nous dit que cela a permis de créer des places en crèche et de créer du logement. Heureusement qu’ils ont pu faire quelque chose de toutes ces dépenses ! Sauf que Madame Hidalgo se focalise sur le futile pour en oublier l’essentiel, car Paris a pris du retard, autant sur l’attractivité que sur le dynamisme économique et la compétitivité de la ville.

 

  • Les Parisiens sont-ils satisfaits de la politique du logement ?

La politique des socialistes a fait fuir les classes moyennes, reléguées au second plan. Aujourd’hui, c’est la double peine : non seulement le loyer est très cher mais en plus les impôts ont augmenté de 40%.

 

  • Les Parisiens sont-ils satisfaits de la politique de sécurité ?

Dans certains quartiers, comme dans le 18ème arrondissement, que je connais bien, il est devenu impossible à certains habitants de vivre en tout tranquillité. Cette situation est inacceptable. Il faut agir. Agir en créant une police de quartier pour la sécurité, des agents de la ville présents sur la voie publique pour éviter la délinquance et l’incivilité. Agir avec un deuxième plan de vidéoprotection, en ajoutant pas moins de 1 000 caméras, tellement indispensables pour repérer et identifier facilement et rapidement les délinquants. Nous voulons la sécurité avant les PV !

 

Demandez aux Parisiens : la vie quotidienne est devenue plus difficile à vivre. Il est nécessaire de remettre au cœur de la politique de l’Hôtel de ville l’amélioration de la vie quotidienne. Il faut absolument lutter contre l’incivisme. Pour améliorer la propreté de la ville, il faut abandonner la vision beaucoup trop centralisatrice des socialistes, qui est déconnecté de la réalité du terrain. Nous souhaitons accentuer les compétences déconcentrées dans les arrondissements et les quartiers, ce qui permettrait d’améliorer ce problème de propreté.

 

Maintenant, soyons honnête. Reconnaissons que tout n’a pas été mauvais dans la politique de Monsieur Delanoë. Mais nous ne sommes pas sectaires, et c’est pour cela que voter pour Nathalie Kosciusko Morizet, c’est faire un choix gagnant-gagnant : conserver les bonnes mesures de Monsieur Delanoë tout en comblant ses manques en matière de fiscalité, de logement, de propreté et de sécurité.

 

Au fond, dans cette campagne, la question est simple : pensez-vous que les Parisiens vivent mieux qu’il y a 13 ans ? En matières fiscale, de logement, de propreté et de sécurité, les Parisiens n’ont pas vu les progrès promis.

 

 

PdA : Nathalie Kosciusko-Morizet a récemment fait part dans la presse de son désir de voir les forces de l'UMP, de l'UDI et du MoDem partir rassemblées à Paris, dès le premier tour. Une ambition qui, si elle se concrétisait, bouleverserait probablement la carte électorale du scrutin. Ce dossier avance-t-il ? Vous y croyez ?

 

P.-Y.B. : Nathalie Kosciusko Morizet a raison de vouloir le rassemblement le plus large possible dès le premier tour. Elle souhaite rassembler tous ceux qui croient au progrès et à l’alternance. Il appartient à chacun de dire ce qu’il veut faire.

 

 

PdA : Quels sont les grands axes de votre projet pour la capitale ? Les piliers programmatiques sur la base desquels cette hypothétique union de la droite et des centres devra prendre forme ?

 

P.-Y.B. : Notre projet sera présenté au mois de novembre. Déjà, nous avons formulé des propositions fortes. Nous avons proposé la possibilité de travailler le dimanche avec l’extension des zones touristiques. Ensuite, nous voulons nous appuyer sur les munitions de certaines dépenses gâchées par les socialistes (ils ont aujourd’hui pas moins de 36 adjoints à Paris !)  pour renforcer la sécurité, et maîtriser la fiscalité. La dépense des socialistes n’est absolument pas adaptée à la gestion locale moderne et à la réalité du terrain.

 

 

PdA : Le Front national est au cœur de nombreuses discussions en ce moment dans votre parti. Je ne vous demanderai pas si vous pourriez envisager de voter pour l'un de ses candidats un jour, c'est une interrogation qui n'est pas d'actualité. Est-ce que vous pensez, en revanche, pouvoir travailler avec des élus issus du FN ?

 

P.-Y.B. : Il ne faut pas tomber dans le piège qui consiste à répondre aux questions qui ne se posent pas car, plus le FN monte, plus il fait le jeu de la gauche. Donner une voix au FN à Paris, c’est donner une demi voix à la gauche. L’UMP a toujours été clair : il n’y aura pas d’alliance avec l’extrémisme.

 

 

PdA : Quelles questions souhaiteriez-vous poser à Anne Hidalgo à l'occasion de cette interview ? Quels messages lui adresseriez-vous ?

 

P.-Y.B. : Il faut savoir être républicain et respectueux de ses concurrents, je lui souhaite donc une bonne campagne.

 

J’ai quand même quelques questions à poser à Madame Hidalgo : que pourrait-elle faire en 19 ans qu’elle n’a pas fait en 13 ans ? Madame Hidalgo nous a dit qu’elle voulait orienter sa politique en faveur des classes moyennes, mais elle avait 13 ans pour le faire. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? On juge le programme à l’œil de son client. Plutôt que nous présenter son projet, elle aurait dû nous présenter son bilan, et l’assumer.

 

Madame Hidalgo est fébrile, elle est sous perfusion de la dote programmatique fournie par les communistes. On perçoit cela comme l’année du programme commun : mais les Parisiens ne vivent plus en 1972 ! Encore une fois, les socialistes utilisent les vieilles méthodes politiques du passé, totalement dépassées.

 

C’est le moment d’écrire une nouvelle page de l’histoire de Paris et ça ne se peut se faire qu’avec le renouvellement que porte Nathalie Kosciusko-Morizet.

 

 

PdA : Pourquoi diriez-vous, finalement, que les listes que mènera Nathalie Kosciusko-Morizet au printemps prochain seront les plus à même de satisfaire l'intérêt des Parisiens ?

 

P.-Y.B. : Nathalie Kosciuisko-Morizet porte un projet novateur, courageux, qui améliore la vie des Parisiens et amène une véritable dynamique pour le rayonnement culturel de la capitale.

 

 

PdA : Quels sont vos projets, Pierre-Yves Bournazel ?

 

P.-Y.B. : Je veux aider, à la place qui est la mienne à Paris et dans le 18ème arrondissement, à convaincre les Parisiens de la nécessité de l’alternance. J’aurai une parole humble mais des actes concrets au service de la capitale. Pour Paris, je ne lâcherai jamais rien.

 

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci !

 

P.-Y.B. : J’y crois et j’appelle celles et ceux qui attendent un profond changement à nous rejoindre. La porte est ouverte à tous les Parisiens qui en sont convaincus.

 

 

 

La campagne pour Paris... @ suivre ! Merci d'avoir accepté de répondre une nouvelle fois à mes questions, Pierre-Yves Bournazel. Je tiens également à remercier Clarisse Coufourier, pour nos échanges. Et vous, que vous inspire cette élection municipale parisienne ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

Vous pouvez retrouver Pierre-Yves Bournazel...

 

Au coeur de la campagne NKM Paris ;

 

Sur son site, sur Facebook, ainsi que sur Twitter.

 

Si vous appréciez Paroles d'Actu, vous pouvez suivre le blog via Facebook et Twitter... MERCI !

17 juillet 2015

Jeunes FN - Lignes de Front (?)

Le 28 juin, j’entrepris de composer un nouvel article à « plusieurs voix » visant à donner la parole à des jeunes du Front national, à l’image du document « choral » réalisé en novembre dernier. L’ambiance au sein du parti frontiste a singulièrement changé depuis cette époque pas très lointaine, depuis le congrès de Lyon. Linterview controversée qu’a accordée Jean-Marie Le Pen, président d’honneur du FN, à Rivarol au mois davril, a semble-t-il achevé d’exacerber les tensions qui couvaient entre la direction nationale du parti et son fondateur. Début juin, le bureau politique du FN s’est prononcé pour la suppression de la dignité de « président d’honneur » des statuts du parti, une question qui a été soumise, entre autres sujets, au vote-courrier des adhérents. Les résultats de ce référendum interne étaient prévus pour le 10 juillet. « Étaient prévues », puisque la justice, saisie par lui sur la question de la régularité dun tel congrès « postal », a donné raison à Jean-Marie Le Pen et annulé la consultation sous cette forme. La présidente du Front national, Marie Le Pen, a aussitôt interjeté appel de cette décision. Voilà, à cette heure, pour la situation en interne.

La thématique sur laquelle j’ai souhaité interroger quelques membres du Front national de la Jeunesse (FNJ) effleure bien sûr les questions de personnes, omniprésentes dans les esprits. Mais cela va bien plus loin. Je n’y reviens pas ici, la proposition qui leur a été soumise est retranscrite dans les deux derniers paragraphes d’introduction. Le panel retenu n’est pas composé d’après une méthode scientifique. Je me suis refusé à toute synthétisation ou mise en perspective de ces témoignages ; pris bout à bout, ils constituent un reflet dune part de la pensée de jeunes militants du Front national. Car il est bon, je crois, d’écouter et d’entendre ce que disent, ce que veulent ces jeunes du FN auxquels on ne donne finalement que peu la parole. Je remercie celles et ceux  d’entre eux qui ont pris la peine d’au moins répondre à mes sollicitations et, parfois, de m’accorder un peu de leur temps pour élaborer une réponse. Celles et ceux qui, à un moment donné, en ont eu l’envie - ou l’auraient eue dans des circonstances autres que celles du moment ; ces circonstances dont j’ai souvent constaté qu’elles provoquaient chez nombre de jeunes un sentiment réel de malaise.

« La série récente d’escarmouches opposant l’actuelle direction du Front national et le clan resserré de Jean-Marie Le Pen semble participer, au-delà des griefs invoqués de part et d’autre, d’un mouvement plus profond visant la détermination de la doctrine d’un parti qui se veut aux portes du pouvoir. Nonobstant l’évidente différence des stratégies et tactiques adoptées, les divergences fondamentales paraissent réelles entre les tenants d’une ligne souveraino-étatiste relativement modérée sur les questions sociétales, tendance incarnée par Florian Philippot et soutenue pour l’essentiel par Marine Le Pen, et ceux qui se réclament d’une lecture plus traditionnelle de la société et du monde, dont, au premier chef, après son grand-père, la députée Marion Maréchal Le Pen. »

« Vous avez fait du chemin aux côtés du Front national et du Front national de la Jeunesse. J’aimerais vous demander d’évoquer pour nos lecteurs votre parcours de vie et les éléments qui ont contribué à forger votre conscience citoyenne et vos engagements ; de vous exprimer quant à la place qu’a pu tenir Jean-Marie Le Pen dans votre militantisme et aux questions qui le concernent directement aujourd’hui ; surtout, d’expliciter, sur la base de vos idées profondes et des conceptions que vous croyez les bonnes, votre positionnement relativement à la ligne qui, d’après vous, devrait être celle du FN. » Voilà pour la proposition. À eux la parole, maintenant. Par Nicolas Roche.

 

UNE EXCLUSIVITÉ PAROLES D’ACTU

Jeunes FN Lignes de Front (?)

 

FN

Illustration : LCHAM/SIPA (2014)

 

 

Le nom de Le Pen est associé à mon premier souvenir politique. Le soir du 21 avril 2002 en effet, j’avais dix ans et j’observais mes parents éberlués découvrir à la télé le résultat du premier tour de l’élection présidentielle. Ils avaient beau avoir voté pour Chirac, il leur semblait contraire à l’ordre naturel des choses que le candidat qui devait l’affronter en duel fût Jean-Marie Le Pen. Pourtant, dix années plus tard, lorsque j’eus enfin l’âge de voter, je donnai ma voix à un autre Le Pen : Marine. Aurais-je pu voter pour son père ? Je n’en sais rien, je ne crois pas, mais la question n’a pas beaucoup d’importance puisque lorsque je devins majeure, Marine avait déjà repris le flambeau du Front national pour y imprimer sa marque propre. Ma voix fut donc pour ce parti lors des présidentielles et des législatives de 2012, des municipales et des européennes de 2014, et, enfin, des départementales de mars 2015. Depuis, je décidai de m’encarter et de rejoindre le Front national de la Jeunesse. Puisqu’il s’agit d’expliquer ici les origines et les attentes de cet engagement – encore récent, il faut bien l’avouer –, commençons sans plus de préambule.

Née en 1992, je suis une enfant de Maastricht. Aussi suis-je de cette fameuse « génération Y », que l’on dit dépolitisée et désabusée, ainsi que peu portée à se laisser encadrer par les repères traditionnels que sont la famille ou la nation. Je ne me suis jamais reconnue dans ce portrait de la jeunesse occidentale que l’on dresse souvent à la télé. Grâce à l’éducation que j’ai reçue, ou par la nature de mon tempérament, je n’ai jamais eu l’envie d’être une blasée. Je veux croire qu’il existe des valeurs immuables. Les identités ne sont pas des prisons. Bien au contraire, un être dénué de ses caractéristiques culturelles, religieuses ou sexuelles ne serait qu’une substance abstraite, prisonnière du vide, réduite à l’état de simple consommateur. Un tube qui avale et défèque, le nouvel esclave de la société mondialisée ultra-libérale. Qu’on le veuille ou non, la famille et la patrie constituent des organes de protection et de solidarité naturels des individus contre le capitalisme sauvage. Or l’une et l’autre sont gravement menacées aujourd’hui : ce sont des constats criants d’évidence sur lesquels il n’est guère utile de s’appesantir ici. L’Union européenne qui la dilue, et le communautarisme qui la fragmente auront bientôt raison de la France si rien n’est fait urgemment. De ce fait, l’angoisse identitaire fut, naturellement, le moteur premier de mon adhésion au Front national.

Un sentiment, l’angoisse, donc. Mais pas que. Les électeurs du Front ne sont pas, comme certains médias et nos adversaires politiques aiment à les présenter, des animaux qui grognent, aveuglés par leurs émotions. S’ils sont en colère, et s’ils ont peur, c’est que leurs peurs et leur colère sont fondées. Nous ne votons pas seulement par rejet de l’UMPS, désormais « R-PS », nous votons aussi par adhésion au programme global du Front national, qui recouvre des thématiques variées pour chaque pan de la société. Aussi le vote FN est-il rationnel, et il serait malhonnête de prétendre le contraire. En mûrissant, j’ai pu apprécier la doctrine souverainiste que le Front propose afin de redonner à l’État français le pouvoir de prendre en main sa destinée. Une France étatiste, sociale et identitaire : voici notre idéal ! Il s’agit là, somme toute, d’un triptyque cohérent, dans lequel chaque donnée est la condition des deux autres.

Trop de commentateurs semblent s’étonner que nous proposions tantôt des mesures dites « de droite », tantôt « de gauche ». Mais nous ne sommes plus au temps de la Guerre froide ! Le clivage gauche/droite me semble révolu, et celui de mondialistes/antimondialistes m’apparaît plus pertinent. Quant à cette analyse mille fois ressassée, qui voudrait qu’un « FN de droite », incarné par Marion Maréchal-Le Pen, soit en conflit larvé avec un « FN de gauche », représenté par Florian Philippot, elle me semble bien superficielle. Marion Maréchal-Le Pen et Florian Philippot sont deux jeunes politiciens très talentueux au service d’une même cause, la cause nationale. Si le discours de l’un insiste sur des points différents par rapport au discours de l’autre, chacun reste en accord avec le programme général du parti. Ils ne sont donc pas adversaires mais complémentaires. Ensemble, ils parviennent à toucher un large spectre de l’opinion publique.

Les Français ont trop souvent vu les prédictions du Front national se réaliser pour que ce dernier ne pût continuer d’exister que grâce aux polémiques. À l’heure où la société n’est déjà que trop divisée, lancer telles des grenades des controverses aussi inutiles qu’anachroniques est une stratégie qui laisse perplexe d’incompréhension. J’espère profondément que le Front national saura guérir les blessures qu’a causées le départ de Jean-Marie Le Pen, afin que tous, nous restions unis derrière Marine, notre présidente, qu’il faudra faire parvenir à l’Élysée en 2017. Il en va de la survie de notre si beau pays.

Rien, absolument rien ne nous sera épargné. Nos adversaires dresseront tous les obstacles possibles et imaginables au travers de notre chemin. Face au Front national, ils jugeront légitime de recourir aux pires extrémités. Les chances de gagner sont minimes. Mais s’il en existe une, nous devons tout faire pour la saisir. C’est un impératif catégorique. Marine Le Pen, dans son discours du 1er mai 2015, avait cité cette phrase de Georges Bernanos : « l’espérance est un risque à courir ». L’espérance : voici pourquoi je suis partie pour le Front. Que la victoire soit ou non au rendez-vous, nous pourrons dire plus tard que nous nous serons battus. Et que notre combat aura été historique.

 

Manon C

Manon C. (29 juin 2015)

 

-         -         -

 

Après un court passage par l’UMP, en tant que sympathisant, j’ai décidé de rejoindre le rassemblement patriote mené par Marine Le Pen. Nicolas Sarkozy, qui s’était fait élire en 2007 sur des points très précis (consultation des Français concernant l’Europe, réforme de Schengen, limitation du taux d’immigration, application du « Kärcher », etc…) n’a rien fait de son quinquennat, et cela a été une véritable catastrophe. Le fameux coup de Kärcher, lui, n’a été qu’un simple coup de vaporisateur.

La France se meurt, nous sommes abandonnés. Nos gouvernements successifs encouragent l’immigration massive, l’insécurité, et vendent notre indépendance à Bruxelles. Notre culture est détruite, notre patrimoine est effacé, notre histoire est piétinée. Nous ne sommes plus respectés, nous n’avons plus aucun droit. C’est principalement pour ces raisons-là que j’ai rejoint le Front national, car moi, je crois en la France.

Mes multiples expériences au sein du Front national m’ont enrichi, tant sur le plan des relations humaines que sur le plan intellectuel. J’ai pu voir, vivre, et partager de nouvelles choses. J’ai pu rencontrer des personnes, discuter, et débattre. Je suis heureux et fier de dire aujourd’hui que je vote Front national. Nous devons et nous pouvons être fiers de nos convictions, nous n’avons rien à envier à ceux qui ont détruit notre pays depuis tant d’années.

Aujourd’hui au sein de Front national, j’ai trouvé mes repères, et des personnes qui préfèrent l’action au « blabla ».

En ce qui concerne le récent conflit entre Jean-Marie Le Pen et la direction du Front national, je soutiens Marine à 100% ; c’est pourquoi j’ai voté pour la modification des statuts du parti, ce qui supprimera la fonction de président d’honneur.

Je trouve important de souligner que, pour ce qui me concerne, je n’aurais jamais pris ma carte dans ce parti si Jean-Marie Le Pen en avait encore été président. Ses dérapages réguliers, ses prises de position, qui ne représentaient que lui, ne me plaisaient pas.

Aujourd’hui, au Front national, nous n’avons qu’une seule ligne, un seul leader, et un seul programme. Nous devons et nous allons tous aller vers la même direction, suivre le chemin qui mènera Marine Le Pen à l’Elysée en 2017.

 

Victor Catteau

Victor Catteau (5-14 juillet 2015)

 

-         -         -

 

« Qui ne dit mot consent » ai-je souvent entendu… Ne pouvant supporter de n’être qu’une spectatrice de la déliquescence laxiste, progressiste et mondialiste de notre société, la fibre militante est née en moi il y a désormais plus de cinq ans, suite aux blocus lycéens. Je n’ai réellement commencé à militer pour le Front national qu’au moment des élections européennes de 2014, après avoir participé activement à de nombreux rassemblements pour la famille - aux côtés de la Manif pour Tous - puis pour la Syrie.

En 2002 et 2007, bien que fort jeune, je voyais déjà en Jean-Marie Le Pen une figure de l’Histoire, un candidat incomparablement plus honorable que les Bayrou ou les Ségolène. En grandissant, cette perception s’est accentuée ; quand on essaie de rejoindre les FFL à seize ans et qu’on quitte son siège de député pour prendre les armes et défendre son drapeau, on n’est pas un simple politicard mais bel et bien un héros de la Nation. Hors toutes considérations partisanes. Le fondateur du Front national demeure - je pense - la figure politique patriote française par excellence au 20e siècle, un ancien combattant à qui nous devons le respect, un homme libre de ses actes et de ses paroles qui a créé ce dont nous sommes les héritiers. Je ne me permettrais évidemment pas de juger cet Homme avec un grand H auquel je n’arrive pas à la cheville. Toutefois, à 85 ans passés, il est probablement plus que temps de mettre un terme à la politique politicienne… On aurait d’ailleurs pu espérer le voir se retirer avec dignité plutôt que de charger politiquement et désormais judiciairement le FN.

In fine, je soutiens totalement Marine dans sa décision de confier la tête de liste de la Région PACA à Marion Maréchal Le Pen.

Vouloir absolument distinguer deux « lignes » au sein du mouvement patriote est assez manichéen. Des partisans des libertés économiques nationales, sur le plan micro-économique, ne pourraient-ils être modérés sur les questions sociétales ? Des partisans d’une « lecture traditionnelle de la société » ne pourraient-ils être, sur le plan macro-économique, en faveur d’un certain souveraino-étatisme ? Les parcours de chacun d’entre nous nous font nous engager pour et nous intéresser davantage à telle ou telle thématique, mais nous sommes tous pour l’arrêt de l’immigration, la priorité nationale, la défense de la famille, la baisse des impôts ou encore la fermeté pénale.

Si je prends mon cas en exemple, je me sens, sur les questions sociétales, très proche de la benjamine du palais Bourbon ; sur les questions géopolitiques, totalement en phase avec mon député, Aymeric Chauprade. Mais je suis également sensible aux questions de souveraineté, du fait notamment de mes études en droit franco-allemand, tout en étant portée sur la défense du secteur public et de l’État fort, me rapprochant en cela de la pensée de Florian Philippot…

Il ne s’agit à vrai dire pas réellement de divergences ou de divisions, mais davantage de choix de communication et de thèmes plus ou moins mis en avant ; qu’aucun ne prédomine sur les autres au point de les occulter, voilà un point essentiel. Marine, en tant que présidente de parti, se doit d’incarner - et elle incarne - une synthèse des différentes personnalités et sensibilités ; après tout, « le FN n’est pas un parti stalinien » !

Les questions sociétales, migratoires et géopolitiques sont non-négociables dans mon engagement ; j’espère donc que mon parti ne tiédira pas sur ces thématiques, mais je pense que nos cadres et nos élus sauront se focaliser sur les vrais combats d’aujourd’hui : l’islamisme, la mondialisation, l’immigration, la marchandisation du corps humain, la crise grecque, l’asphyxie économique de nos entrepreneurs, ou encore l’Ukraine et la loi renseignement.

Les fondamentaux du FN demeurent, mais les combats d’hier, qui appartiennent désormais à l’Histoire plus qu’à la politique, ne suffiront pas (voire même nous affaibliraient s’ils devaient être de nouveau débattus) pour mener le mouvement patriote aux responsabilités… Le premier des objectifs, c’est le pouvoir, afin de mettre en œuvre nos propositions, pour le bien de la France et des Français ! « Unis, les Français (et les frontistes) sont invincibles. »

 

Euryanthe Mercier

Euryanthe Mercier (5-7 juillet 2015)

 

-         -         -

 

L’engagement du militant implique la plupart du temps l’effacement individuel au service d’idées qui le transcendent. Évoquer mon parcours personnel est de fait un exercice très inhabituel pour moi.

Je n’ai pas grandi dans un milieu propice au militantisme, et moins encore au patriotisme. Comme beaucoup de Français, mes parents évitent les conversations politiques, et votent sans grande conviction, à droite ou à gauche. C’est de fait dans un constat personnel que se trouve la source de mon engagement. Ce constat, il fut celui d’un monde moderne qui m’apparaissait naturellement comme n’étant qu’une anomalie, faite d’une humanité destructrice de sa propre planète, reniant ses racines et ses traditions, renonçant progressivement à sa liberté pour jouir de ses tentations, et surtout bien consciente que son monde court à la catastrophe mais ne s’en inquiétant guère, et bien superficiellement.

Si ce constat peut sembler fort malheureux voire déprimant, ma conviction n’en est pourtant pas moins optimiste. Car je n’ai jamais cru l’homme fondamentalement mauvais. L’homme moderne l’est, ou plutôt on lui a appris à l’être, mais de la même manière que l’état médical normal d’un individu est la pleine santé, ma foi se trouve dans l’idée que l’état normal d’une société est la civilisation, au sein de laquelle les hommes peuvent se faire grands d’une spiritualité, d’une culture et d’une identité qui permettent de vivre heureux, en harmonie avec les lois de la nature.

La décadence moderne, mondialiste et dominée par des logiques financières, n’est pas une fatalité. Elle est seulement acceptée par des individus qui renoncent à leurs responsabilités, et ne sont ainsi plus des hommes ni des femmes à part entière.

J’ai donc lâché ma télécommande, ma manette de PlayStation et ma souris pour aller à la rencontre d’autres personnes qui savaient s’organiser collectivement, dans le but de réaliser ce changement qui devra arriver un jour. J’ai découvert des gens pour qui le combat était avant tout culturel, pour d’autres il est spirituel, pour d’autres encore il est avant tout médiatique, et parfois, certains l’imaginent politique. Je crois quant à moi que chaque forme que prend ce combat a son importance, mais on ne peut pas tout faire, et c’est en politique que mon engagement personnel s’est concrétisé.

On me demande dans cet article de commenter les « divergences » entre les uns et les autres au Front national. Mais ce serait une erreur que de croire que Marion Maréchal Le Pen incarnerait un courant fondamentalement opposé à Florian Philippot, comme le suggère la question qui m’est posée. Aujourd’hui le combat est avant tout national, de lui dépendent la liberté et la souveraineté de la France, ainsi que sa liberté à s’auto-gérer et à se gouverner elle-même, par son peuple.

C’est ainsi, et pas autrement, qu’elle pourra se protéger des lois que lui impose le monde de la finance internationale, ces règles qui enrichissent une poignée d’hommes tout en appauvrissant les peuples. C’est ainsi qu’elle pourra aussi libérer le travail des Français, et permettre à l’initiative individuelle de prospérer au sein d’une économie nationale plus juste. Mais pour en arriver là, il faudra sortir de l’Union européenne, et retrouver le contrôle de notre propre monnaie.

C’est ce combat, pour la Patrie, qui ne s’occupe pas des orientations que certains classent tantôt à « droite » ou à « gauche », sur des critères souvent obscurs, que se battent aujourd’hui des gens comme Florian Philippot ou Marion Maréchal Le Pen. Et c’est uni, avec des personnalités sans aucun doute différentes, mais surtout complémentaires, que le Front national pourra continuer à être le seul parti crédible dans cette bataille, pour véritablement faire « front », à l’échelle de toute une nation, au service d’un bien commun objectif.

Mais il me semble aussi important de ne jamais oublier ce qu’est la politique. Son champ d’action est limité d’une part, et surtout, elle se pratique selon des règles qui lui sont propres. Si certains estiment que ces règles sont difficiles à supporter, ou qu’elles sont contraignantes, je le comprends. Mais, dans ce cas, la meilleure chose à faire est de changer d’activité afin de donner une autre forme au combat que l’on souhaite mener. Si certains, au sein du Front national, s’entêtent à ne pas respecter les règles de ce jeu, je ne trouve pas anormal qu’ils soient écartés.

Aujourd’hui, force est de constater que Marine Le Pen a su rendre son parti efficace au service d’idées nationales que nous partageons tous. Je suis donc fier de la soutenir, à mon humble niveau.

 

Sylvain Marcelli

Sylvain Marcelli (6 juillet 2015)

 

-         -         -

 

En tant que militante du Front national depuis maintenant trois ans, je me retrouve comme de nombreux autres adhérents confrontée aux « histoires de la famille Le Pen ». Cependant je ne pense pas que celles-ci doivent entacher en quoi que ce soit notre amour de la France et le dynamisme que nous ne cessons de déployer pour la sauver. Il est évident que Marine Le Pen, comme Jean Marie Le Pen à son époque, se bat pour son pays et pour les Français. Cette affaire de famille ultra-médiatisée tend à insinuer la dissension au sein du parti. Bien sûr, Jean Marie Le Pen est le père fondateur du parti, et nous lui sommes reconnaissants de son dévouement. Mais Marine en est aujourd’hui la présidente, les temps ont changé, les problèmes à résoudre aussi.

Marine s’est fait élire sur un programme. Son père a créé le parti. Elle travaille à l’améliorer, à réinventer nos propositions en prenant en compte les priorités des Français, et ils le savent. L’acharnement médiatique, je le pense, est vain. De fait, ces histoires, avec leurs apparences de contradictions, n’ont fait démissionner personne, et tout le monde reste uni autour dun seul but : la défense des intérêts de la France et des Français.

Quant à mon parcours de vie, puisque c’est la question d’introduction, je dirais, pour rebondir sur mon développement précédent, que mes convictions sont orientées vers l’avenir de mon pays. Les valeurs de la France et son identité sont mises à mal chaque jour. L’UMPS a, depuis quarante ans, déconstruit notre société : l’immigration massive est devenue insupportable, la fiscalité étouffe les entreprises, l’Europe impose ses diktats et les lois anti-famille achèvent la décomposition de notre société.

Mais c’est parce qu’il n’est jamais trop tard que je me suis engagée au FN et au FNJ.

Nous sommes dans un pays démocratique. Dans un état de droit, c’est des urnes que sortira le chef d’État capable de mettre en pratique son programme. Or Marine Le Pen est la seule capable aujourd’hui de sauver la France. En tant que jeunes, il s’agit de mettre notre espoir dans le parti qui servira le pays et de travailler à son unité. « Unis les Français sont invincibles ».

Voyons plutôt l’avenir de notre pays, et laissons les petites querelles de côté. Il est déjà bien tard pour le sauvetage complet de notre pays, mais nous devons mobiliser tous les Français patriotes pour éviter le pire. Il s’agit de conserver, au sein même du Front, ces sensibilités différentes qui font la richesse de la réflexion et nous aideront à avancer.

Marine sera la future présidente de la République et, tous ensemble, nous devons travailler sur les sujets qui préoccupent les Français (limmigration, le chômage, l’insécurité, lEurope…) afin d’aider nos concitoyens dans leur vie quotidienne, rendue sans espoir par ceux de l’UMPS.

 

Manon J. (8 juillet 2015)

 

-         -         -

 

Alsacienne âgée de vingt et un ans, je suis adhérente au Front National depuis 2012. J’ai décidé de prendre ma carte à l’aune de mes dix-huit ans, révoltée par le paysage politique français en désuétude, meurtri par des années de bipartisme n’ayant que peu à faire de la res publica.

Mon engagement politique s’inscrit tout à la fois dans la continuité de mon parcours universitaire, étant licenciée en droit, ainsi que dans l’affirmation des valeurs qui me sont chères, telles que l’identité nationale et le respect de notre culture, de nos traditions.

Pour mener à bien ce combat qui me tient assurément à cœur, je me suis présentée aux élections municipales en 2014, dans mon village natal, à savoir Rustenhart, sur la liste menée par Jean-François Bintz. J’ai renouvelé cette expérience en me portant candidate aux côtés de José San Juan, lors des dernières élections départementales dans le canton d’Ensisheim. Nous formons un trio politique incarnant trois générations, ce qui favorise - avantage indéniable ! - la prise de décisions pondérées et aide à garder les pieds sur Terre. Cette coordination nous assure une solidarité sans faille.

J’ai compris que, pour me réaliser, il fallait que j’affirme ce en quoi je croyais vraiment et, autant que possible, dialoguer avec les gens pour les amener vers un déclic, une prise de conscience.

Concernant les propos tenus par Jean-Marie Le Pen, je pense que le Front national a pris les mesures qui s’imposaient. Il est aberrant de vouloir détruire ce qu’on a créé. Il fallait prendre des mesures ; il en allait de l’intérêt supérieur du parti. Cela dit, je respecte cet homme. Pour la richesse de son parcours ; pour son esprit visionnaire : il a osé aborder des questions aussi sensibles que l’immigration et l’insécurité très tôt, dès les années soixante-dix. Pour autant, Jean-Marie Le Pen n’a pas réellement joué de rôle dans mon militantisme, j’ai davantage été saisie par la femme charismatique qu’incarne Marine Le Pen.

Au delà d’une querelle politique, il ne faut pas oublier que cette discorde a également un retentissement familial. Je suis outrée par l’utilisation que les médias peuvent faire de ces divergences. Souvent, ils vulgarisent cette affaire, à l’image dun mauvais feuilleton.

Quoi qu’il en soit, nous, patriotes, devons rester unis malgré ces évènements, nonobstant le soutien de chacun à différentes personnalités. Des millions de Français souhaitent être gouvernés par le Front national et qu’ainsi les idées patriotes soient appliquées. Nous devons accomplir notre devoir pour sauver les valeurs de notre république, là prend tout le sens de notre engagement.

 

Cassandra Rotily

Cassandra Rotily (13 juillet)

 

-         -         -

 

Je suis adhérent au Front national depuis un an et demi. Voyant la situation de mon pays se dégrader, il me semblait important de m’engager dans le parti politique qui, selon moi, comprend le mieux la situation de la France actuellement et apporte les solutions les plus pertinentes, à savoir, donc, le Front national. D’après moi, la jeunesse a un devoir moral de s’impliquer dans la vie politique de son pays. Il est important que les jeunes puissent décider de leur avenir. Ainsi, logiquement, ils se doivent de tenir une place prépondérante sur la scène politique.

Mon engagement au Front national est né du déclin, chaque année plus important, de la puissance de notre pays, ainsi que de sa souveraineté. Seule Marine Le Pen propose des solutions claires et cohérentes par rapport à la situation actuelle. Contrairement aux autres partis, de droite comme de gauche, le Front national a toujours été honnête avec ses électeurs et les Français. À chaque élection, lorsqu’on vote FN, on vote effectivement pour un candidat FN, alors que, du côté des Républicains, au Parti socialiste, ainsi que chez tous les autres partis satellites, les appels à tel ou tel vote fusent, ce en fonction du candidat qui est opposé au candidat du Front national. Ne nous étonnons donc plus de voir le PS voter pour les Républicains, ou bien les Républicains voter pour le PS. Tout ceci est absolument scandaleux, et clairement anti-démocratique, le choix du peuple se trouvant bafoué dans la grande majorité des cas par cette caste « RPS ». L’alternative pour la France est donc bien dans les mains du Front National et de Marine Le Pen. 

Le « Menhir » Jean-Marie Le Pen est le fondateur du Front national. Il a, pendant quarante ans, construit les fondations du parti. Rien que pour cela, déjà, nous lui devons tous le plus grand respect. Aucun de nous ne serait au Front national sans Jean-Marie Le Pen. Je pense que sil avait été davantage écouté dans les années 80-90 sur plusieurs thèmes, comme l’immigration, ou bien l’insécurité, de nombreux problèmes actuels auraient pu être évités. Sur ces points-là, il a été un visionnaire.

De mon côté, je milite pour Marine Le Pen au niveau national, et pour Marine Le Pen et Florian Philippot dans l’est de la France. Jean-Marie Le Pen reste une icône du Front national, mais la présidente du parti est Marine Le Pen, et la personne à suivre est donc Marine, et non Jean-Marie.

Nous avons aujourd’hui atteint des scores inimaginables pour le Front national il y a encore quelques années, et cela est le fruit du travail effectué par Marine Le Pen et Florian Philippot. Retrouver notre souveraineté, retrouver une monnaie nationale, rétablir nos frontières, stopper l’immigration massive, autant des points du programme qui permettront à la France de briller à nouveau. La ligne du Front national est toujours la même : elle privilégie un État fort plutôt qu’une entité supranationale qui n’a aucun sens, l’avènement dun franc nouveau qui relancerait notre économie et permettrait à la France de redevenir compétitive ; elle vise la suppression de Schengen, afin de pouvoir contrôler qui et ce qui entre et sort de notre territoire, ce qui, au passage, nous protégera également beaucoup mieux de la menace terroriste.

Marine Le Pen est aux portes du pouvoir, et nous misons tout notre espoir en elle. Dans quelques années, après son élection à la présidence de la République, je souhaite pouvoir dire, « Nous avons tellement eu raison d’y croire... », et voir la France briller à nouveau.

 

Pierre-Henri Eisenschmidt

Pierre-Henri Eisenschmidt (13 juillet)

 

-         -         -

 

Comme une grande partie des jeunes adhérents du Front national, je me suis intéressé dès l’adolescence à la politique, car comprendre le monde qui m’entoure et agir pour l’intérêt général apparaissait déjà pour moi comme quelque chose de fondamental.

Et, comme beaucoup d’électeurs, j’ai été influencé par le charisme de Nicolas Sarkozy, et très vite déçu par le fossé entre les promesses faites et celles qui ont été réellement mises en œuvre.

Plus que de simples promesses non réalisées, ces propositions non suivies ont fragilisé la croyance des citoyens français dans la capacité des hommes politiques à répondre à l’appel des Français et, plus largement, dans la capacité des institutions de la République à résoudre les problèmes posés.

Étudiant en quatrième année de Droit, je suis imprégné des notions de rigueur, de justice, d’écoute par rapport au monde qui m’entoure. Ce parcours juridique n’est pas un hasard ; il s’inscrit dans une volonté de défendre une conception de la société en conformité avec les valeurs de la République française, qui sont les miennes. Alors, passer des idées aux actions me paraissait évident, car pour faire bouger les choses, il faut d’abord se mobiliser soi-même. Mon adhésion au Front national est venue naturellement, puisque c’est le parti qui répondait le mieux à mes convictions personnelles, celle d’une France forte, souveraine, unie et protectrice de ses citoyens.

Je ne me considère ni de gauche, ni de droite. Si je considère que le capitalisme est le système le moins imparfait, la manière dont il se dévoile aujourd’hui dans ses plus grandes inégalités me semble être une dérive, une dérive cautionnée par une pseudo Union européenne des droits de l’Homme qui n’hésite pas à exploiter tout un peuple, tel que le peuple grec, pour satisfaire les créanciers. Il apparaît alors comme fondamental de prendre les mesures nécessaires pour réguler ce capitalisme et revenir sur une situation d’équilibre, avec un meilleur partage des richesses, tout en valorisant les entrepreneurs dynamiques.

À ces fins, il convient de redonner au peuple français le pouvoir de décider de son propre destin, tant en matière économique que sociale, juridique et culturelle. Cela passera sans nul doute par une sortie de l’Union européenne, qui a pour projet de faire des États souverains d’Europe un bloc homogène, sans identité ni racine. En effet, un peuple sans repère ni identité est un peuple disposé à se déplacer plus facilement pour satisfaire à la volonté des grandes entreprises ; autrement dit, les peuples européens seraient une force de production malléable au cœur d’une Europe des grands capitalistes, à laquelle je suis fermement opposé. Je suis en revanche en faveur d’une Europe des Nations, une conception qui n’est pas incompatible avec le Traité de Rome de 1957 qui établit une Europe économique respectueuse de la volonté des États souverains.

Sur le plan juridique et sociétal, m’engager auprès du Front national était un moyen de dire « stop » à tout ce laxisme en matière d’éducation et de justice. Je suis consterné de voir qu’aujourd’hui le système transforme trop souvent les victimes en coupables et les coupables en victimes. Les droits profitent davantage aux délinquants qu’aux victimes innocentes. Quelle logique ? Quelles valeurs pour demain ? Il faut répondre fermement à la délinquance quand les actes sont établis et remettre clairement l’accent sur l’éducation et l’apprentissage des valeurs morales dans notre pays, en redonnant aux parents, aux enseignants et aux forces de l’ordre, les moyens pour répondre aux missions qui sont les leurs.

Ces valeurs et principes que je défends sont ceux défendus par le Front national, qui ose remettre les priorités dans le bon sens, ce face au lobbying du politiquement correct, qui détruit chaque jour un peu plus l’unité nationale.

Si, en effet, apparaissent, chez les cadres du Front national, différentes sensibilités que vous avez rappelées, à savoir, l’attachement de Marion Maréchal Le Pen (députée du Vaucluse) à une société plus traditionnelle, conservatrice et libérale, et, chez M. Philippot (député européen et conseiller de Marine Le Pen), une sensibilité qui va davantage à l’interventionnisme étatique, ainsi qu’à certaines mesures sociales, il n’en demeure pas moins que l’objectif qui nous réunit tous est l’avenir de la Nation. Le Front national dépasse les sensibilités politiques et les égos de chacun pour répondre à l’appel des millions de Français qui voient dans le Front national, une alternative, un espoir.

C’est dans cette logique que, face aux derniers évènements internes du parti, ma position est à la modification des statuts concernant la présidence d’honneur.

Si Jean-Marie Le Pen est le cofondateur du parti et, à la fois, un homme brillant, son statut ne lui donne pas tous les droits. La ligne du parti et celle que je supporte est celle de Marine le Pen. Jean-Marie le Pen a certes permis au parti de voir le jour, mais c’est bien par le travail de l’actuelle présidente et de ses proches collaborateurs que le parti prend toute son importance sur la scène politique française. Je respecte Jean-Marie le Pen pour ce qu’il a fait. Cependant, je ne partage pas toutes ses idées. Et je pense qu’il faut savoir se retirer au bon moment, et faire preuve de sagesse.

 

J. Capelli (13 juillet)

 

-         -         -

 

Je suis le produit de la France. Nous le sommes tous. Descendant d’une ligne paternelle de Français de la terre peut-être aussi vieille que la France, et d’une ligne maternelle d’enfants perdus d’Europe, d’orphelins adoptés tant symboliquement que réellement par la France, je suis fier de mon pays. Ce pays est celui des Philippe-Auguste, des Saint-Louis, des Colbert, des De Gaulle tant que celui des Mazarin, des Bonaparte, des Senghor et des Manouchian. Ma famille comporte des Justes, des résistants communistes, des soldats qui défendirent le sol de France. Elle comporte aussi des ouvriers, des paysans, des gens « lambda » qui ne durent leur quiétude qu’à leur sueur et leur sang, mais à aucun esclavage, pillage ou apartheid. Quand bien même mes racines auraient-elles été plus sombres, je ne crois pas l’erreur héréditaire, ni qu’il existe une culpabilité par héritage, comme certains voudraient nous le faire penser. D’une famille et d’une éducation de gauche, je me suis longtemps cru socialiste. 

En fait, je ne suis que français, un « étatiste gaulois », un colbertiste et un Gaulois, avec tout ce que cela comporte d’anarchisme anti-totalitaire et de fierté anti-fédéraliste. Ainsi, ni de droite ni de gauche, je découvrais le Front national au moment où Marine Le Pen en prenait la tête, en 2011. Ayant déjà aperçu les limites de l’UMP comme du PS, j'ai voulu approfondir ma connaissance de ce parti qui m’était alors quasi inconnu. Mû par ma raison autant que par la sensation étrange d'y trouver, dans ce monde d’Alésia, un peu de Gergovie, je résolus de m'y engager pleinement. 

Nous voici, aujourd’hui. En ce 14 juillet 2015, je suis le secrétaire départemental du FNJ Rhône. Mon parti m’a permis de rencontrer et de me lier à des personnes de grande qualité, de tous les âges, professions et catégories socioculturelles. Si Jean-Marie Le Pen n’est pas notre préoccupation principale, nous ne ferons honneur à son combat pour la France, par-delà les polémiques, qu'en le continuant. Nos élites ont été contaminées par le projet de destruction de l’héritage français, notamment celui de De Gaulle. Il ne fut pas compliqué de les convaincre, la comparaison avec ce père spirituel qui serait « tellement déçu » étant si peu flatteuse. Tels Robert Fischer Junior dans le film Inception, leurs épaules étaient de toute façon trop frêles. Marine Le Pen n’est pas tombée dans ce piège. Elle sait que poursuivre une œuvre aussi importante que le Front national lui permettra de redresser le pays, allant ainsi plus loin que le simple entretien d’un héritage paternel. Car la dédiabolisation ne consiste pas à cacher les ombres de lhistoire sous le tapis, mais à les éclairer afin qu’elles soient enfin comprises dans leur justesse. 

Il n’y a qu’une ligne au Front national, mais une ligne subtile en ce qu’elle est concrète et composite. Les médias sont souvent réducteurs alors que le programme, par rapport auquel les militants et les sympathisants se déterminent, est très complet. Il propose une synthèse d'autorité et de liberté, de culture de l’État et d'initiatives. Certes, le programme a évolué, devenant plus étatiste, à mesure que l'État français se désengageait de l'économie, laissant le pays en proie à l'ultralibéralisme. Mais cette évolution du programme impulsée par Marine Le Pen lui a permis, en réalité, de rester fidèle à l’idée du FN : redresser la France par tous les moyens. Sur les sujets sociétaux, il me semble que la parole du peuple doit prédominer, avec le recours aux référendums. Pour ce qui est des déboires familiaux du Front national, je me permettrai un seul commentaire, « tuer le père » symboliquement aurait suffi, le « tuer » politiquement aurait sans doute pu être évité.

 

Timothée Courberand

Timothée Courberand (14 juillet)

 

-         -         -

 

Je suis né à Fréjus, ville de 53 000 habitants, aujourd’hui gérée par le Front national. J’y ai grandi, fait ma scolarité et mes études avant de partir pour Nice, pour le travail, puis d’y revenir.

Étant blanc et blond aux yeux bleus, j’ai rapidement connu le racisme, l’injustice, la violence, la haine de la différence et le choc des cultures. Mon premier souvenir politique remonte au 21 avril 2002, une date importante de mon engagement actuel. J’avais douze ans. Je ne comprenais pas l’acharnement, la peur et la diabolisation de cet homme, Jean-Marie Le Pen, qui pourtant disait des choses évidentes, et me posais les questions suivantes : pourquoi avoir peur d’une justice ferme ? pourquoi la notion de « France française » est-elle devenue quasiment injurieuse ? pourquoi les autres personnalités politiques, sans cesse critiquées, ne perdent-elles jamais leurs places ?

Plus tard, j’ai été conquis par le discours de Nicolas Sarkozy sur les banlieues et le Kärcher qu’il devait y passer, mais jai déchanté bien vite. Alors, j’écoutai avec attention les discours de chacun, avec cette envie que les choses changent mais, je l’avoue, avec le doute que cela soit possible, tant le Front national peinait à acquérir des succès électoraux. Et puis, mon parcours de vie personnelle se faisant, j’ai rencontré David Rachline en 2014. Rapidement, il m’a convaincu d’aller sur le terrain, convaincu puis prouvé que les choses pouvaient changer. Depuis la détermination de prendre le pouvoir pour redresser notre pays m’habite.

Aujourd’hui, le mouvement avance à grands pas ; malgré quelques tourmentes, l’objectif ne doit pas être perdu de vue.

Jean-Marie Le Pen est un véritable résistant, celui qui, avant les autres, a vu et dit la vérité. Celui qui, depuis toujours, défend la France. Celui qui, pour toujours, se battra pour la France. Et, en cela, il mérite un respect sans faille. Cependant, le monde évolue et, de ce fait, le programme et la stratégie doivent suivre. Jamais le Front national n’a été aussi fort que depuis 2011, la nouvelle direction tient pour elle un bilan de réussite qui doit lui permettre de pouvoir continuer sereinement son travail. Je suis de ceux qui pensent que le linge sale se lave en famille, et non pas sur la place public. Par conséquent, les acteurs des polémiques récentes devraient, d’un côté comme de l’autre, mesurer leurs propos. Quand on voit une France qui décline autant, et que nous souhaitons accéder au pouvoir pour la redresser, nous nous devons de présenter une image à la hauteur de l’enjeu.

Concernant le fond de la ligne politique, les nuances d’opinions sont saines et se doivent d’être constructives. À l’heure de la confrontation des projets pour les échéances présidentielles de 2017, les Français seront face à des choix cruciaux. Dans la configuration dans laquelle nous sommes aujourd’hui, je prône l’équilibre sur la question économique. La voie libérale n’est pas une mauvaise voie en soi, au contraire, mais elle doit être complétée dans certains domaines par une intervention de l’État, afin que la création de richesses profite au plus grand nombre. La liberté d’entreprendre et l’émergence de fortes richesses pour quelques-uns ne sont pas antagonistes à l’enrichissement modéré et équilibré pour tous. Au milieu de cette globalisation sauvage, il faut pouvoir se protéger et protéger les intérêts de la France. Il faut que l’État insuffle au pays une vision économique, une orientation stratégique, une dynamique de grands travaux. Par conséquent, une part d’interventionnisme est nécessaire.

Quant aux questions sociétales, je suis un fervent conservateur des symboles de notre société. La décadence croissante de celle-ci, aggravée par un libéralisme à outrance, ne doit pas pervertir nos lois en se justifiant par une simple existence. Ce que certains pensent être une avancée de la société n’est en fait que l’effet pervers d’une économie qui asservit les masses pour ouvrir des marchés supplémentaires. Je défends donc avec fermeté la conservation de nos structures traditionnelles.

Voilà donc ma nuance personnelle. Jean-Marie Le Pen restera à jamais le premier homme à avoir dit la vérité et à avoir montré le chemin. Désormais, place à ceux qui, en adéquation avec le monde d’aujourd’hui, exécuteront un programme efficace pour le redressement de la France.

 

Florent Erard

Florent Erard (16 juillet)

 

-         -         -

 

Étudiant en master d’architecture à Strasbourg, je suis adhérent au Front national depuis l’âge de dix-neuf ans. Originaire de la région lyonnaise, c’est en Alsace que je poursuis mes études. Bien avant mon engagement politique, je partageais les constats et les solutions de Jean-Marie Le Pen ; par la suite ceux de sa fille. Ma pensée politique s’est forgée relativement tôt. Je suis issu d’une de ces nombreuses familles de droite qui affectionnent le combat mené par Jean-Marie Le Pen. Ma conscience a toujours été nationaliste. Il m’a toujours semblé évident que la Nation est le fondement social indispensable. Que sommes-nous sans une nation qui tire dans ses racines le sens de son identité ?

Si j’ai voulu m’investir au Front national, c’est pour plusieurs raisons. La première étant évidemment de vouloir agir pour mes convictions. Mais agir pour ses idées nécessite aussi un environnement militant structuré. C’est donc dans la perspective de construire une cellule locale que je mène mon combat. À Strasbourg, nous étions orphelins d’une direction structurée. Les élections municipales ont été un élément déclencheur pour la mise en place de nouveaux cadres dynamiques, chose primordiale. Et tout cela a été rendu possible par l’implication de Marine Le Pen.

Je n’ai que vingt-deux ans, alors que le Front national existe depuis quarante-trois années. C’est donc avec un œil nouveau que je juge ce qu’il se passe dans notre formation. On m’a posé cette question des dizaines de fois : « Auriez-vous rejoint le FN sous Jean-Marie Le Pen ? » Ma réponse est certaine : OUI.

Je crois qu’il a toujours existé plusieurs lignes politiques au FN. Avec des différences assez minimes, rien de comparable avec ce que l’on peut voir aujourd’hui. Mais, paradoxalement, je n’ai pas l’impression de voir actuellement deux lignes politiques en opposition. Il me semble plus juste de voir au sein du Front national une bulle dans laquelle évoluent des personnes aux aspirations plus étatistes, qui se définissent souvent par le sobriquet de « national-républicain ». Il est évident pour quelqu’un comme Florian Philippot, un énarque, de proposer une politique étatiste. C’est un positionnement qui découle de sa formation. Son action s’agissant de la ligne politique n’est certainement pas négligeable dans la progression qu’a enregistrée le FN aux dernières élections. C’est l’apport d’un programme social qu’on peut voir en décalage face à l’héritage plutôt poujadiste de Jean-Marie Le Pen.

J’ai le plus profond respect pour la personne de Jean-Marie Le Pen. Il s’est battu avec convictions au fil des années et des élections, et a mis sur pied une force politique importante. Sans lui quel serait le paysage politique français ? Quand je regarde les débats, les discours qu’il a pu mener depuis des décennies, je suis admiratif. Le discours d’Arras de 2009 sur la mondialisation reste pour moi le plus marquant de tous.

Je crois qu’il faut distinguer deux périodes dans les derniers rebondissements. La première se résumant à la position attentiste de Jean-Marie Le Pen, durant laquelle s’est joué l’emballement médiatique, ainsi que celui du bureau politique. La sanction à l’encontre de Jean-Marie Le Pen me semble disproportionnée. On peut tout à fait critiquer le fait de donner une interview au journal Rivarol. Il n’était pas donné meilleure occasion aux ennemis de Marine Le Pen pour semer le trouble. M. Spieler (ex-FN puis ex-MNR), en recueillant cette interview, a réussi un coup médiatique qui doit encore le faire jubiler.

La deuxième partie de cet évènement débute à mon sens lorsque riposte Jean-Marie Le Pen. Et, en la matière, on peut dire que le Menhir reste fidèle à lui-même. On ne va pas le changer à quatre-vingt-sept ans. On a le sentiment qu’aucune sortie de crise n’est souhaitée. C’est regrettable et triste. Mais beaucoup de choses devraient encore se passer, ne tirons pas de conclusions trop hâtives.

Cependant, j’émets une critique de l’image qu’a pu donner le parti. Le Front national a des valeurs de droite. Dans ces valeurs, nombreuses, il faut voir le respect de la famille, des aïeux. Et lorsque je vois le père fondateur se faire traiter en renégat, je crois que beaucoup de monde, notamment de droite, est choqué par le traitement dont est victime Jean-Marie Le Pen. Nous ne devons pas oublier que nous sommes un parti avec des valeurs que d’autres ont piétinées, et nous nous devons de rester fidèle à ces valeurs.

C’est un épisode qui fait les choux gras des médias. Voir une dissension à l’intérieur d’un parti politique est toujours savoureux pour ces gens-là. D’autant plus quand il s’agit du Front national. Il n’y a pas meilleure occasion pour masquer les préoccupations cruciales des Français. La situation n’a que peu d’impact en réalité. C’est un conflit de personnes comme il y en a tant d’autres. Nous devons, en tant que militants, comme éveillés, ne pas nous laisser distraire par de tels évènements. Notre combat se place au-dessus de ces histoires personnelles, aussi désagréables soient-elles. Alors, serrons les rangs, et en avant !

 

Lionel Charrin

Lionel Charrin (16 juillet)

 

-         -         -

 

Né en Russie, je m’installe dans la Drôme en 2005. Je suis naturalisé Français en juillet 2011. J’adhère au Front national en avril 2012, dans la foulée du meeting de Marine Le Pen à Lyon. Je participe à la campagne des élections législatives en tant que simple militant, aux côtés de Richard Fritz. En septembre de la même année, je rencontre Julien Rochedy, alors directeur national du FNJ, à l’université d’été de La Baule. L’année suivante, je participe à la refondation du FNJ en région Rhône-Alpes. Au cours de la campagne municipale, je m’engage sur la liste de Valence tout en militant avec Julien Rochedy à Montélimar. À cette occasion, il me nomme chargé de mission FNJ de Valence. En juin 2014, je présente ma candidature au Comité central du Front national. Durant l’année 2015, je milite pour les  élections départementales et régionales.

Il y a une seule ligne au sein du Front national, et ce depuis sa création. Il a toujours été un parti trans-courant dont l’ambition était, au-delà d’une simple victoire électorale, un bouleversement profond de la société française. Au sein du parti, il y a des différences d’approches car les parcours, les époques sont différents. Ces approches ne sont pas contradictoires mais complémentaires. Ainsi, lorsque l’on oppose libéraux-conservateurs aux nationaux-républicains, on oublie que l’on peut être à la fois conservateur sur le plan politique, et social sur le plan de l’économie. De même, la liberté d’entreprendre n’implique pas le libéralisme : on peut à la fois soutenir la petite entreprise et lutter contre la finance internationale.

Le Front national doit conserver son caractère anti-système qui n’attire pas seulement un vote protestataire, mais qui appelle une alternative au libéralisme de droite (libre circulation des capitaux) et de gauche (libre circulation des personnes). Ce qui est en jeu, ce n’est pas tant l’arrivée au pouvoir qu’une révolution sociale, un changement de consciences et de modes de vie. Cette révolution ne pourra pas se faire sans contrôle de la production, même avec le soutien du système médiatico-politique. C’est pourquoi il est fondamental que le FN puisse compter dans ses rangs des chefs d’entreprises moyennes (en cela le collectif Audace est une initiative à soutenir), et que chaque adhérent s’efforce de produire de la richesse économique pour échapper au salariat.

Certains pensent que le Front national devrait délaisser son projet social pour plaire à l’électorat de droite. Or, le parti a raison sur son programme économique, mais il est nécessaire d’insister sur des aspects microéconomiques pour tenir compte de la porosité entre sympathisants FN et UMP. Le changement de système monétaire est une nécessité, mais il ne suffira pas de supprimer l’euro et rétablir un système qui a pu exister par le passé pour mettre fin à l’injustice sociale. Il faut repenser de fond en comble notre vision du monde et de la nature. La population doit être réduite notamment par le retour au pays de nombreux immigrés non assimilés. L’économie sera relocalisée au plus près des lieux de vie. L’usure sera de nouveau prohibée et les banques nationales financeront les États sans percevoir d’intérêts.

L’émergence d’un pôle européen ne doit pas se faire au détriment de la Russie. Actuellement, ce sont les États-Unis qui poussent l’UE à l’affrontement contre les Russes, particulièrement en Ukraine. Or, la Russie ne menace pas l’indépendance des pays européens, contrairement à l’OTAN qui colonise militairement l’Europe et cherche à s’élargir vers l’Est. L’avenir est au dialogue entre partis patriotes pour une Europe des peuples, reconnaissant la liberté de chacun de ses membres et portant un projet commun de civilisation. Le Front national l’a compris en promouvant à la fois une coopération avec la Russie (comme lors du référendum en Crimée) et la création d’un groupe au parlement européen (Europe des Nations et des Libertés).

 

Vladimir Berezovski

Vladimir Berezovski (16 juillet)

 

-         -         -

 

J’ai adhéré au Front national en 2010, à l’âge de vingt ans. Je me suis toujours intéressé à la politique depuis mon adolescence. Vivant dans le Val-de-Marne (le dernier département communiste de France) depuis toujours, j’ai toujours pu observer de près les conséquences néfastes de l’immigration sauvage en France.

Évidemment, cela a participé à ma prise de conscience. Quand on est témoin quotidiennement d’une substitution de population, on a le choix entre l’indifférence et la réaction. J’ai choisi. Voilà pourquoi, dès mon premier vote, lors des régionales du printemps 2010, j’ai voté pour Marie-Christine Arnautu (FN). Je n’ai d’ailleurs jamais voté autre chose que FN.

Cela étant, un vote me paraissait un engagement bien faible. J’ai donc décidé de m’encarter au FN. J’ai participé à toutes les campagnes électorales, en militant d’abord, puis en 2014 j’ai décidé de « monter » une liste dans ma ville, à Ormesson-sur-Marne, où j’ai été élu conseiller municipal (seul élu FN). Lors des dernières élections départementales, j’ai également été candidat dans mon canton (regroupant des villes UMP, PCF…), lors desquelles je me suis qualifié pour le second tour, après avoir éliminé le conseiller général sortant PCF au premier tour.

La figure de Jean-Marie Le Pen a naturellement été une des raisons principales de mon engagement.

Ayant toujours été admiratif devant Le Pen, son combat, seul contre tous depuis des décennies, a été comme un modèle, qui me faisait comprendre que mes risques et mon engagement n’étaient pas grand-chose à côté de la vie de Jean-Marie Le Pen. Son refus du politiquement correct, son refus de soumission face à la pensée unique, son franc-parler m’ont toujours fasciné.

Voilà pourquoi je me sentirai éternellement redevable envers Le Pen. Il m’a poussé à me former politiquement, idéologiquement. Sans Le Pen, je ne pense pas qu’un mouvement patriote aurait pu atteindre de tels scores en France, et que, par conséquent, nous en serions là aujourd’hui. Il suffit de regarder certains pays voisins, comme l’Espagne ou l’Allemagne, pour nous rendre compte que, sans figure politique charismatique, les mouvements patriotes ou de droite nationale n’ont eu que peu de succès.

Je n’ai pas envie d’avoir le choix entre une ligne souveraino-souverainiste et une simple ligne identitaire luttant contre l’islamisme.

Elles sont selon moi complémentaires. Je pourrais reprocher aux « nat-rep » un manque de profondeur. D’après moi, retrouver notre souveraineté nationale n’est qu’une étape, et non une fin en soi. À quoi sert d’être souverainiste si l’on souhaite appliquer, par la suite, une politique non identitaire ?

Je souhaite que la France, et les pays européens, retrouvent leur souveraineté afin d’être totalement libres de se défendre face au mondialisme. Cela implique donc, par la suite, une lutte contre l’immigration, pour la survie de nos peuples, mais également une politique qui soit un rempart face à l’idéologie progressiste, qui est l’arme idéologique du mondialisme.

Je pourrais également reprocher aux « identitaires », ou du moins à ceux pour qui l’islamisme (par ailleurs totalement soutenu par les mondialistes, la situation en Syrie l’a démontré) est le problème principal, un manque de perspicacité. S’attaquer à l’islamisme est, selon moi, s’attaquer à des conséquences, et non à des causes. De plus, l’islamisme en France n’est pas né du néant, il est évidemment lié à la forte immigration africaine depuis des décennies. Que je sache, il n’y a pas de problème d’islamisme en Amérique du Sud. Et pour cause, il n’y a pas de populations provenant de pays de culture islamique. Cette immigration en Europe, elle a été encouragée, organisée. Subie par les Français, mais organisée par l’oligarchie. Nous devons donc identifier les responsables, qui sont les véritables ennemis.

Par ailleurs, je serais tenté de dire que j’ai plutôt de l’admiration envers les individus qui placent le spirituel avant l’individualisme occidental actuel, tout en ayant conscience que, dans le cas des gens issus de l’immigration africaine et maghrébine, il s’agit plus d’un réflexe identitaire que d’une réelle croyance, et tout en ayant conscience qu’il ne s’agit pas non plus d’une population ayant majoritairement une vocation pacifiste sur notre sol européen, et une folle envie de sy assimiler (les évènements d'actes de terrorisme ou de défiance de notre culture, particulièrement chez moi, dans le 94, le prouvent régulièrement). Je crois que le spirituel est surtout ce qui fait défaut aux Européens d’aujourd’hui, qui sont totalement néo-occidentalisés. Entre un musulman intégriste en France et un Européen « de souche » baignant dans le progressisme, je ne vois aucun « ami ».

En revanche, s’attaquer à l’implantation de mosquées, ou au nombre de burqas, ne me paraît absolument pas primordial. Si, demain, tous les descendants de l’immigration extra-européenne se convertissent au catholicisme, ou mieux encore (pour l’establishment), au laïcisme, je ne serais pas satisfait pour autant, bien au contraire. Ils deviendraient simplement de bons produits occidentalisés, et se mêleraient définitivement au sein de nos peuples. Je comprends tout à fait, au contraire, les réflexes identitaires, quels qu’ils soient. Ainsi, voilà pourquoi je ne peux pas reprocher aux musulmans ou aux extra-européens de penser et d’agir en tant que communautés. Cependant, la France étant un pays européen, je souhaite évidemment qu’à terme, nous cessions de vivre dans un melting-pot culturel et de peuple, et que nous retrouvions notre identité naturelle.

Voilà pourquoi je pense qu’il faut lutter contre la mondialisation, en reprenant le contrôle de nos institutions, mais en gardant bien à l’esprit que cela doive servir à la protection de notre identité, aujourd’hui indéniablement en péril.

Au sein du Front national, il est évident que ces deux lignes existent (et d’autres encore), et je pense que cela est une force. Plusieurs courants ont toujours existé, cela est naturel, et il est important pour la survie du mouvement de ne pas vouloir imposer un modèle unique à tous les adhérents ou militants, la liberté d’esprit et d’opinion étant un des socles du Front national, me semble-t-il.

Pour finir, et étant présent sur le « terrain » depuis plusieurs années, je peux affirmer sans aucun problème que les électeurs du Front national, qu’ils viennent de droite comme de gauche, ont le sentiment avant toute chose de voir disparaître leur pays et leur identité. Il s’agit là de la raison principale de la forte adhésion de la population à notre mouvement, et il est évident que les Français sont de plus en plus réceptifs à un discours radical (pas extrémiste, mais radical) concernant notre identité ; ce n’est donc pas le moment de nous laisser dépasser par les discours de marketing de la droite pro-UE et mondialiste française.

 

Alexandre Pallares

Alexandre Pallares (17 juillet)

 

-         -         -

 

Tout est parti d’un petit rien, d’une envie qui était et est toujours ancrée en moi, l’envie de changer les choses, d’apporter un regard nouveau, de donner mon avis, j’avais alors à l’époque tout juste dix-sept ans lorsque j’ai décidé d’adhérer au Front national.

Étant jeune et relativement peu informé du fonctionnement interne des partis, je pensais devoir atteindre ma majorité pour pouvoir rejoindre un parti politique, mais un soir, alors que je participais à un énième débat sur Facebook quant à l’importance des valeurs françaises et patriotes, un ami m’a envoyé un message qui a changé cette donne ; à partir de là, de ce contact, j’ai su que je pouvais agir.

Nous prîmes alors rendez-vous avec le responsable local du Front national afin de, premièrement, voir si cela correspondait à mes attentes, mais également dobtenir ce fameux sésame, la carte qui ferait de moi un membre à part entière de cette faction.

Je ne m’étais pas trompé. Peu de temps après, je recevai ma première carte et, surtout, j’ai milité pour la première fois. Un grand moment. Ce fut l’occasion pour moi de rencontrer d’autres jeunes qui avaient les mêmes affinités que moi, mais également de montrer ma détermination et ma motivation. J’avoue qu’en y repensant j’étais très anxieux à l’époque, j’étais empli de l’image véhiculée par les médias et je me demandais comment les gens allaient réagir à ce tract politique que je venais distribuer ; au final ce fut une agréable surprise, les gens ont réservé un très bon accueil au groupe de jeunes patriotes que nous formions.

Le temps à passé. Je m’investissais davantage à chaque réunion, chaque action, chaque meeting, j’étais photographe, graphiste, je donnais des coups de main, à gauche, à droite, l’idée était de rendre service autant que possible !

Puis vint le premier mai. Un moment magique. En parler me fait encore frissonner. Cette ambiance... La première rencontre avec Marine, avec Jean-Marie, avec Florian Philippot, puis avec d’autres cadres, les liens qui se tissaient avec les autres militants.

Entre deux évènements du parti, j’ai également lancé une initiative populaire, basée sur une page Facebook et un slogan, « Touche pas à l’Alsace », qui servait de cheval de bataille afin d’enrayer la réforme territoriale, la fusion des Régions, que la majorité des Alsaciens trouvaient stupides.

En septembre 2014, j’ai eu l’occasion d’aller aux universités d’été du Front national de la Jeunesse à Frejus, cela a eu pour conséquence de renforcer mes contacts avec les collègues d’autres départements, mais également de me confronter à la presse. En novembre, je me suis rendu au congrès et ai, par la même occasion, été chargé par le nouveau président du FNJ, Gaëtan Dussaussaye, de gérer les jeunes dans le département du Haut-Rhin. Ce fut en quelque sorte la récompense à mes deux ans de militantisme, la chance de pouvoir donner une nouvelle impulsion au parti chez les jeunes près de chez moi !

J’ai également été investi candidat dans le canton de Colmar-1 lors des dernières élections départementales, une chance pour moi de faire mes preuves sur le terrain. Ce fut extrêmement enrichissant. J’ai beaucoup appris de cette expérience, autant des autres candidats que des gens rencontrés au fil des tractages sur le marché. Je n’ai pas gagné, mais mon but était de donner une alternative au vote habituellement de droite dans le canton. Le Front, qui n’y était plus implanté depuis plus de dix ans, y étant arrivé, ma satisfaction fut complète.

J’ai été inspiré, au fil du temps, par de nombreuses personnalités politiques. Néanmoins, si l’on restreint ce nombre à celles qui sont au Front national, il est clair que je suis arrivé au parti pour Marine Le Pen. En tant que militant, on ne peut qu’espérer une victoire en 2017. Mais ma position quant à la ligne du Front national est toute relative, je considère qu’il n’y a qu’une ligne à suivre, celle de notre présidente. Il peut m’arriver d’avoir quelques discordances avec cette dernière, mais nous devons nous réunir derrière elle. Après, je suis partisan de la multiplicité des annexes qui découlent de cette ligne, celle de Marion et Jean-Marie, plus identitaire, ou celle de Florian Philippot, beaucoup plus gaullienne.

À ce propos, une définition, pour nos lecteurs : « Le terme "gaullien" fait référence à la personnalité même du Général de Gaulle, aux postures liées très directement à sa personne, à son tempérament, à sa manière de parler alors que le terme de "gaulliste" renvoie lui aux conceptions politiques, à l’idéologie qui au fil des années, pendant et après le Général, ont et continuent d’irriguer la vie politique française. »

Je possède cette part identitaire, mais également cette part gaulienne ; je pense qu’il faut puiser dans tous les courants et les idées qui nous entourent pour réaliser les meilleurs choix, mais également pour diversifier notre champ de vision ! Pour moi, tout est une question de bon sens, bien que ce dernier varie beaucoup selon l’appartenance politique.

Quant à savoir si Jean-Marie le Pen a influencé ma façon de militer, c’est avec assurance et confiance que je répond OUI ! Ce grand monsieur incarne énormément de valeurs aujourd’hui perdues, il représente la résistance, la ténacité, le combat, il est notre « Menhir », l’homme sans qui le parti n’existerait pas, et il occupe effectivement une belle place dans mon esprit militant. Bien que je ne cautionne pas ses récents propos dans Rivarol, ce quotidien d’extrême droite, je pense qu’il ne devrait pas être mis à la porte d’une façon aussi violente. Jean-Marie est un homme passionné, un homme amoureux de son pays et de ses valeurs, il est encore apprécié par nombre de jeunes et c’est bien mieux ainsi, il est un peu notre grand-père à tous !

Et même si les récents évènements nous ont montré dispersés, désunis, au final nous finissons tous par nous réunir pour un même idéal, car dans le fond, nous cherchons tous la même chose, changer les choses, rendre la France meilleure et nous nous battrons pour elle, quoi qu’il en coûte ! La jeunesse de France se mobilise et montre clairement son amour de la nation, Vive la France !

 

Romain Thomann

Romain Thomann (17 juillet)

 

-         -         -

 

C’est avec prudence que j’avance ici être né dans une « famille de droite », non que je doute de leurs convictions, mais plutôt parce que j’évite de leur coller une étiquette, d’autant plus que le clivage gauche/droite ne veut plus rien dire depuis longtemps.

Aux présidentielles de 2007, la « tradition familiale » (terme que je n’aime pas, mais qui montre bien ma conscience politique limitée d’alors) aurait logiquement dû m’amener à voter pour Sarkozy.

Qu’a-t-il bien pu se passer pour que, quelques années après son élection, j’en arrive à envoyer mon courrier d’adhésion à Nanterre alors que le système scolaire m’avait bien appris à repousser la soi-disant menace fasciste lepéniste ? Je dirais que c’est l’explosion de la dette, la création du CFCM, sa trahison daprès le référendum de 2005 ajoutés à son atlantisme carabiné qui m’ont convaincu de la nocivité des orientations UMPistes.

C’est en lisant le programme du FN, qui s’avère être en réalité un ensemble de propositions d’une cohérence remarquable, que j’ai eu envie de le défendre, d’où mon engagement en 2013, puis en 2014, pour les municipales. Nous avons, le candidat tête de liste et moi, réussi à monter une liste de cinquante-trois personnes à Créteil et avons obtenu trois élus au conseil municipal, dont je fais maintenant partie.

Pourquoi le Front national, me demanderez-vous ? Tout simplement parce qu’il me paraît être le seul mouvement qui n’ait pas trahi la France et les Français. Le mondialisme n’est-il pas une réalité, l’hégémonie américaine une évidence ? L’abdication de nos élites étant actée depuis des décennies, seul le FN a maintenu et maintient toujours cette flamme de l’espoir national face à la décadence.

Quand la gauche internationaliste prétend défendre le peuple, alors qu’elle n’est en réalité que la caution humaniste du système, la droite ultra-libérale, elle, ne cache pas sa volonté d’imposer un nouvel ordre mondial. J’ai choisi de ne pas être l’idiot utile de ceux qui rêvent de tuer la France.

Notons que leur « bel aujourd’hui » est en train de nous faire gagner le combat des idées. Un retour aux valeurs, à la morale et au bon sens est maintenant souhaité par une majorité de nos compatriotes.

En ce qui concerne les querelles internes, je pense qu’à long terme elles nous seront profitables. Elles ont le mérite de mettre en lumière différentes sensibilités, qui je le pense augmenteront l’ampleur du report de voix. Un Front en pointe sur le combat anti-immigration (axe identitaire qui, je le crois, sera capable de rassembler la droite au-delà des différends en matière d’économie) et un Front présent sur le social, donc en pointe sur le combat contre l’euro et pour la souveraineté.

Tous ces éléments me confortent dans l’idée que la stratégie « ni droite ni gauche » est la bonne, et que le Front national est plus que jamais notre seul espoir.

 

Raphaël Quinart

Raphaël Quinart (18 juillet)

 

-         -         -

 

La politique est avant tout pour moi une passion. Le débat, la prise de parole, le combat, la compétition, la confrontation… la politique est une arène, et nous en sommes les gladiateurs.

Avant même d’avoir eu des convictions, j’ai toujours été attiré par ce monde politique. Avant de vivre dans une atmosphère paisible en Seine-et-Marne, j’ai vécu dix ans à Fleury-Mérogis, ville connue pour… sa prison, la plus grande d’Europe. Je n’ai jamais été agressé ou racketté, mais j’ai vu des vols, une crèche brûlée aux cocktails Molotov, des agressions, des bagarres de gangs… bref, une insécurité chronique. Insécurité qui poussa mes parents à déménager.

Dans le contraste de l’atmosphère de cette ville du 91, mes parents m’ont inculqué les valeurs du respect, du travail, du patriotisme, et de la famille. De par léducation qu’ils m’ont transmise, ils m’ont indirectement mené sur la route du Front national.

C’est en 2012 que j’ai véritablement commencé à m’intéresser au discours du FN. J’avais quatorze ans, j’étais en quatrième, et je découvrais ce parti que je connaissais jusqu’alors comme celui du « diable de la République ». Mes parents ne m’ont pas inculqué de convictions politiques (tout du moins pas directement). De Nicolas Sarkozy à Philippe de Villiers, mes parents n’ont pas toujours été des « frontistes convaincus » ; ils n’ont voté pour le Front national pour la première fois qu’en 2012. Niveau politique, je suis donc un « autodidacte ».

Très vite, le discours de Marine Le Pen m’a séduit. Ses références, son vocabulaire, son dialecte, son charisme… tout. Mais je voulais en savoir plus. Plus sur son parcours, sur son programme, sur l’histoire de ce parti. De reportage en reportage, de documentaire en documentaire, j’ai commencé à entamer un véritable travail de recherche sur le Front national. J’ai découvert le Front à ses débuts, sa traversée du désert, ses premiers succès électoraux, sa scission, ses déboires, ses polémiques, et surtout… son menhir, Jean-Marie Le Pen.

Cet homme qui pourrait être mon arrière-grand-père me fascine, m’intrigue. C’est un homme politique comme on n’en fait plus, un « vieux de la vieille », qui s’est construit tout seul. Marin pêcheur, soldat en Algérie puis en Indochine, chef d’entreprise, puis chef de parti, cet homme qui a eu mille et une vie devient très vite un modèle pour moi, une référence.

En m’intéressant à l’histoire, à l’actualité, à certains grands économistes, je me suis construit de véritables opinions. Dès mes quinze ans, je suis passé d’un engagement basé exclusivement sur des valeurs (la patrie, le travail, la famille…) à un engagement plus complexe, plus « politique ». Une Europe des Nations souveraines, une réforme structurelle de notre fiscalité et de notre système social, une revalorisation de la France sur la scène internationale, une justice plus autoritaire, une éducation tournée vers les valeurs fondamentales : le respect, l’autorité, la hiérarchie, et la valorisation des filières techniques… ma vision de la société française et du monde était née.

Très vite, je me suis promis de ne jamais rester spectateur de tout cela, mais d’être un acteur, un acteur du changement, du vrai changement. La politique n’était donc plus une passion, mais bel et bien une vocation, un devoir. À seize ans, j’adhérais au Front national. Tractages, réunions de circonscription, congrès, j’ai vite pris goût à cet univers. Il y a quelques mois, je devenais le vice-président du groupe FN-RBM du Parlement des Étudiants. Une autre étape de mon engagement.

Depuis quelque temps, j’assiste, comme tous les autres militants, à ces tensions qui secouent le Front. Si la vie n’est pas un long fleuve tranquille, la politique l’est encore moins. Mais je regrette de voir que beaucoup d’adhérents ont enflammé le débat sur les réseaux sociaux, insultant tantôt notre présidente de « traître », tantôt notre fondateur de « vieux débris ». Je pense que la logique aurait été de se taire, au lieu de servir de la soupe sur un plateau d’argent à nos adversaires qui se délectent de notre « crise ».

En ce qui me concerne, je n’ai pas une vision manichéenne de ce conflit, et ne tiens pas à faire partie d’un « camp », car je veux encore croire à l’union, et non à la division. Notre présidente Marine Le Pen a pris les décisions qu’elle devait prendre, et a démontré ses capacités de chef d’État en prenant une décision difficile, sans rebrousser chemin. Je la soutiens, et la soutiendrai toujours, car en la soutenant, je soutiens la France. En la soutenant, je soutiens ses idées. En la soutenant, je soutiens un avenir meilleur.

En revanche, je ne tomberai jamais dans l’ingratitude envers notre fondateur. Cet homme que j’admire, et que j’admirerai toujours, a dirigé le Front pendant quarante ans. La reconnaissance qu’on lui doit est imprescriptible, intemporelle. Sans lui, le Front n’existerait pas. Sans lui, nous n’en serions pas là. Alors oui, il est vrai que je continue de le soutenir. Mais je ne pense pas que le soutenir fasse de moi une sorte de « frondeur ». Certains militants préfèrent retourner leur veste et le vilipender sur les réseaux sociaux, alors qu‘ils l‘idolâtraient il y a quelques mois, mais moi je ne suis ni un arriviste ni un ingrat. Je respecte mon président d‘honneur. Et tout bon frontiste devrait faire de même.

Le Front n’a pas besoin de guerre entre ses militants. Chacun doit rester à sa place, participer aux prochaines élections, continuer la bataille des idées, mais ne pas sombrer dans l’anarchie. Marine Le Pen et son père sont assez grands pour régler leurs déboires. Espérons juste que leur conflit idéologique ne fasse pas émerger des listes concurrentes aux élections. Ce serait une grossière erreur. Car je n’oublie pas que si je me suis engagé au Front, ce n’est ni pour Marine, ni pour Jean-Marie, mais pour la France.

Des divergences avec le programme du Front National, j’en ai. Tout le monde en a. Et heureusement, car c’est ce qui permet d’avancer. C’est cette confrontation idéologique qui permet de construire un programme solide et fiable. Qui choisira la ligne du Front ? La majorité, tout simplement. C’est pourquoi un militant qui a des divergences avec le programme frontiste ne doit en aucun cas quitter le parti, enflammer la Toile, ou demander la démission d’un cadre. Il doit conserver ses convictions, évoluer avec, et tout faire pour les imposer de façon démocratique, par le débat, par le vote.

Le Front national n’est pas sectaire. Un homme de convictions et de compétences peut facilement évoluer dans le parti, afin de proposer ses idées. La ligne d’un parti évolue lorsqu’un certain nombre de cadres portent des idées nouvelles, et non lorsqu’un groupe de militants menacent de quitter le parti ou de le détruire. Alors, à nous de nous serrer les coudes, peu importent nos divergences, afin de s’unir, et non de se fragmenter. Nos ennemis ne sont pas au Front, mais au pouvoir. Unissons-nous face à eux. Car unis, les Français sont invincibles.

 

Mathieu Latrille de Lorencez

Mathieu Latrille de Lorencez (18 juillet)

 

-         -         -

 

Le Front national est le premier parti politique chez les moins de vingt-cinq ans, c’est une donnée très importante car elle signifie que c’est le parti qui incarne l’espérance. Chaque militant frontiste considère le Front national comme le dernier moyen légal de sauver la France et les Français, de retrouver la prospérité et la gloire. Avant de parler de ce qui, dans mon parcours personnel, m’a conduit à adhérer au mouvement national, je souhaite évoquer rapidement une caractéristique très importante du Front national, celle qui m’a convaincu. Le Front national est un parti patriote, qui défend la France en tant que nation, peuple et civilisation. Cette idée est très importante pour moi, permettez-moi de vous dire pourquoi.

Je suis né dans la banlieue Est parisienne, plus précisément dans la banlieue rouge, à Champigny-sur-Marne, dans le Val-de-Marne. La ville historique de Georges Marchais, qui fut le secrétaire général du Parti communiste français jusqu’en 1994. Mon père est un ancien communiste, devenu socialiste avec l’âge, et ma mère est centriste ; je n’ai pas vraiment grandi dans une atmosphère Front national. Passionné d’Histoire depuis ma plus tendre enfance, j’ai appris à aimer celle de mon pays et je suis devenu très tôt patriote. Longtemps, un de mes rêves a été de participer au défilé du 14 juillet. Le premier choc qui a réveillé ma conscience politique se produisit au collège, j’étais alors en cinquième ; une camarade de classe d’origine algérienne me dit, parlant des Algériens : « Nous, on est là pour l’argent et on s’en fout de la France ». À partir de ce moment, j’ai compris que j’étais Front national. C’était en 2005-2006, et tous les évènements qui ont suivi n’ont fait que confirmer mon positionnement politique.

Au départ, je ne pensais m’engager en politique mais, en terminale, j’ai eu un déclic. Un bon matin, je me suis levé en me disant : « C’est bien beau de se plaindre, mais il faut agir pour changer les choses ». J’ai pris ma carte par internet en septembre 2012, et voilà comment je suis entré dans le grand mouvement pour la renaissance française. Je suis aujourd’hui conseiller municipal à Villiers-sur-Marne et secrétaire départemental FNJ du Val-de-Marne.

Le Front National traverse aujourd’hui une période difficile. La figure de Jean-Marie Le Pen est assez contrastée à mes yeux. A la fois, j’ai une grande admiration pour lui, sa vie et ce qu’il représente. C’est un ancien combattant qui a quitté son mandat parlementaire pour défendre la grande France ; il a résisté à son niveau pendant la Seconde Guerre mondiale et a dirigé pendant quarante ans le Front national qui, sans lui, n’aurait surement jamais connu de succès. Mais, d’un autre côté, de par ses provocations néfastes pour le mouvement, il nuit à la progression du Front national et à son arrivée au pouvoir. Or, notre pays a besoin de nous, de Marine pour se relever. La ligne que je suis est celle qui place la France avant tout. Par conséquent, j’aurais rejoint, hier, le Front de Jean-Marie Le Pen, et je me sens pleinement à ma place dans celui de Marine Le Pen aujourd’hui. Mais c’est dans Marine que je place tous mes espoirs pour l’avenir ; si Jean-Marie est un frein, un obstacle, il devra être écarté, car la cause est plus grande.

Les convictions propres ne sont pas importantes quand on est membre d’un parti politique comme le Front national. Nous avons une seule ligne politique, elle est décidée par le bureau politique, et chacun doit s’y tenir. Certes, nous avons des débats en interne ; il est normal qu’il y ait plusieurs sensibilités au sein d’un grand parti comme le Front national. Cela fait aussi notre force. Nous sommes un parti qui continue à produire des idées, des propositions novatrices pour l’avenir de notre pays. La ligne du mouvement est assez riche pour que celui ou celle qui souhaite réellement que la France renaisse y trouve son pain, c’est là notre but à tous.

 

Gilles Parmentier

Gilles Parmentier (26 juillet)

 

Une réaction, un commentaire ?

Suivez Paroles d'Actu via Facebook et Twitter... MERCI !

20 octobre 2015

« Alain Duverne, mon héros devenu mentor », par Rayane Messagier

Durant les quelques jours où, au début de l’été, les discussions sur les réseaux sociaux ont été vives, franchement vives sur le sort réservé aux Guignols par Vincent Bolloré, patron de Canal+, j’ai eu la chance d’échanger, un peu, avec quelques anciens de la chaîne et fidèles de l’émission créée par le regretté Alain de Greef.  Sur le site dont le logo est un « f » minuscule principalement. Parmi eux, Rayane Messagier, un tout jeune amateur de marionnettes, devenu membre attitré du « fan club » informel d’Alain Duverne, « maman » aux doigts d’or des Guignols (lire notamment, pour mieux le connaître, linterview qu’il m’avait accordée en février 2013). Sur mon invitation, Rayane Messagier a accepté de raconter son parcours pour Paroles d’Actu. La naissance d’une belle passion aux lendemains prometteurs et un hommage à un grand bonhomme, l’ami Alain Duverne. Une exclusivité Paroles dActu, par Nicolas Roche.

 

 

« Alain Duverne, mon héros devenu mentor... »

par Rayane Messagier, le 18 octobre 2015

Pour moi, la marionnette est plus qu’une passion. Au début, je pensais que c’était un art, mais je me suis rendu compte que non, car comme le dit Alain Duverne, la maman des Guignols : « Quand je fabrique des marionnettes, je ne fabrique pas une œuvre d’art, mais un instrument de comédie. »

J’ai quatre ans. Mes parents allument la télévision, ils mettent Canal+. Il était 19:55, et je regardais pour la première fois Les Guignols de l’info. Je fus émerveillé par ces marionnettes. À cet âge, je ne savais pas ce qu’était une marionnette, et je pensais que ces personnages de latex étaient réels. Et vous allez rire, mais quand j’étais petit, j’en faisais parfois des cauchemars. J’imaginais que PPD allait débarquer dans ma chambre pour « me manger tout cru », comme je le disais à mes parents à cette époque.

Cette répulsion, ou plutôt cette phobie, a cessé à l’âge de huit ans, quand j’ai découvert, sur internet, un reportage réalisé pour l’INA qui se déroulait dans l’atelier de fabrication des Guignols : Images et Mouvements (qui a été revendu à Canal+ il y a quelques mois). On voyait toute l’équipe en train de tailler des loups, qui devaient être fabriqués pour un sketch, dans de la mousse de polyuréthane. Et puis, je vois, tout d’un coup, un homme âgé avec une moustache grise à la Salvador Dali, expliquant comment manipuler un Guignol. Cet homme, c’est Alain Duverne, le créateur des marionnettes du Bébête Show, des Minikeums, et surtout, de celles des Guignols de l’info. Je ne me rendais pas encore compte, en regardant cette vidéo, de ce que tout cela allait bientôt représenter pour moi. J’étais encore un enfant, mais j’étais impressionné... Hypnotisé, passionné par ce que faisaient ces personnes.

Fin 2012, j’apprends via les réseaux sociaux que Les Guignols seront présents au Palais de Tokyo à l’occasion de la Nuit Blanche. Je supplie mes parents pour y aller. J’ai essayé de les convaincre de me laisser y aller pendant une bonne semaine, jusqu’à ce qu’ils cèdent. Le 6 octobre 2012, je me rends avec ma mère et deux amis au Palais de Tokyo. Arrivé dans le sous-sol du musée, voyant le décor de l’émission avec les marionnettes en vrai, j’ai eu l’impression de rêver. Totalement. Et, pour la première fois, j’aperçois Alain Duverne et toute l’équipe d’Images et Mouvements. Trop timide pour aller parler à Alain, je reste juste derrière lui à admirer la nouvelle « Guignol », sculptée dans l’argile : Laurence Ferrari. À ce moment-là, Alain Duverne se retourne et me dit : « C’est joli hein ? Regarde, c’est comme de la pâte à modeler ! ». J’esquisse un énorme sourire en voyant toute l’équipe de fabrication. Il y avait Annaïc Penon qui sculptait un buste de Guignol dans de la mousse de polyuréthane, Alain qui discutait avec beaucoup de passants, et Franck Demory qui faisait essayer aux visiteurs le mécanisme des yeux. C’est à ce moment précis que je me suis dit que, plus tard, je voudrais être marionnettiste.

 

MAI_121006_0197_BD

« Première rencontre avec Alain Duverne,

lors de la Nuit Blanche au Palais de Tokyo, en 2012. »

 

Fin 2013, mon professeur de technologie voit mes marionnettes et me conseille de prendre contact avec l’atelier des Guignols pour effectuer mon stage de 3ème dans leur entreprise. Coup de bol : je trouve le numéro d’Images et Mouvements sur Pages Jaunes et je les appelle. Et là, c’est Alain Duverne qui décroche ! Je suis hyper-intimidé parce que cet homme est, en quelque sorte, mon héros, mon idole. C’est lui et Jim Henson (The Muppets, Sesame Street) qui m’ont donné envie de devenir marionnettiste. Et là, j’étais tellement intimidé que je me suis mis à parler avec une toute petite voix. Énorme chance : l’entreprise accepte tous les élèves de 3ème. Et j’ai pu obtenir mon stage aux Guignols.

En décembre 2013, j’effectue donc mon stage chez Alain Duverne pendant une semaine. Je me souviens que la marionnette en fabrication était Stromae, et que je n’arrêtais pas de prendre des photos. Pour vous donner une idée, sur une semaine, j’ai pris près de 150 photos à l’atelier ! En fin de semaine, mon stage se termine, et Alain Duverne me dit que je serais toujours le bienvenu dans l’atelier. Et là, je me dis que ça a été vraiment la plus belle semaine de ma vie.

Depuis mon stage, je me suis beaucoup documenté sur l’univers des marionnettes. Ces recherches vont m’en apprendre beaucoup sur un grand monsieur qui sera ma deuxième idole : Jim Henson. L’univers qu’il a créé à travers les Muppets, The Dark Crystal, ou encore Sesame Street, c’est quelque chose qui m’a captivé dès le premier regard. Je me suis, donc, de plus en plus interessé au monde des Muppets. J’ai pu découvrir à travers des reportages, des tutoriels sur internet, ou des livres, les étapes de fabrication d’une marionnette style Muppet Show.

 

IMG_20140818_133309

 

Depuis, j’ai effectué quelques stages en plus dans l’atelier d’Alain Duverne pour tout savoir sur la fabrication et la manipulation des marionnettes les plus célèbres de France. J’ai pu apprendre, grâce à lui et à l’équipe d’Images et Mouvements, tous les secrets de fabrication d’un Guignol. Et, grâce à ces nombreux stages et visites, j’ai pu rencontrer et rester en contact avec d’autres marionnettistes, comme Mehdi Garrigues, le créateur de Jean-Marc, la créature de Jeff Panacloc, qui est devenu au fil des années un très bon ami. Alain Duverne répète sans cesse que Mehdi et moi sommes son fan club ! Ce qui est complètement vrai.

J’ai pu rendre visite à Alain Duverne à plusieurs reprises depuis cette fameuse crise à Canal+. Contrairement à ce qui peut être raconté dans les médias, l’atelier d’Alain se porte plutôt bien. Il a reçu depuis août une bonne dizaine de commandes, ce qui est un record depuis 1988 pour Images et Mouvements. Alain Duverne forme en ce moment quelques sculpteurs pour Les Guignols, avant de se retirer en juin 2016 pour prendre une retraite bien méritée après quarante ans de bons et loyaux services en tant que marionnettiste.

 

manip-atelier2

« L’élève et le maître en plein travail. »

 

Malgré mon jeune âge, j’ai plein d’envies, de projets. Je suis en train de réaliser un documentaire sur Les Guignols que j’aimerais proposer au CVL de mon lycée. J’ai un autre projet, un peu plus important, une web-série de marionnettes style Muppet Show, mais aussi style Guignols/Minikeums. Je n’en dévoile pas plus pour le moment, car ceci n’est qu’un projet, et si ce projet voit le jour, j’aimerais garder cet effet de surprise lors de la diffusion du premier épisode.

Étant donné que mon rêve de pouvoir côtoyer Alain Duverne et l’équipe des Guignols est devenu réalité, mon nouvel objectif serait de pouvoir, un jour, travailler pour la Jim Henson Creature Shop. Je sais que c’est un rêve assez dingue, mais je suis prêt à travailler très dur pour pouvoir faire de ce rêve, une réalité...

Pour terminer : je n’aurais jamais pensé que mon héros, mon idole depuis presque dix ans, Alain Duverne, puisse devenir, en quelque sorte, mon mentor. Et ça, c’est la plus belle chose qui me soit arrivée pour l’instant dans la vie. 

 

IMG_0484

« La photo préférée dAlain Duverne. Lui et Franck Demory se moquant de Manuel Valls,

qui quant à lui se méfie de ces deux trublions... »

 

IMG_0736

 

IMG_0740

« Alain Duverne, en chair et en latex ! »

 

Une réaction, un commentaire ?

Suivez Paroles d’Actu via Facebook et Twitter... MERCI !

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 > >>
Paroles d'Actu
Publicité
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 1 057 065
Publicité