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Paroles d'Actu
28 février 2022

Olivier Da Lage : « Vladimir Poutine, c'est certain, a déjà perdu son combat »

Depuis combien de temps n’avait-on pas placé parmi les premiers rangs de nos préoccupations, en Europe de l’ouest, le spectre du nucléaire militaire ? De ce point de vue-là, pour n’évoquer que lui, il semble bien qu’on ait effectivement changé d’époque : depuis jeudi dernier, le 24 février 2022 pour l’histoire, date du démarrage de la nouvelle invasion russe de l’Ukraine, la guerre se joue aux portes de l’UE, les assaillants assaillent, les défenseurs résistent, les sanctions répondent aux frappes, et les menaces aux menaces. En 2001, George W. Bush prétendait candidement avoir lu dans l’âme de Vladimir Poutine : bien malin serait celui qui, aujourd’hui, affirmerait connaître les plans et les limites de celui qui, depuis vingt-deux ans, dompte sans partage cet ours russe qui n’a jamais vraiment cessé d’inquiéter son entourage. Décryptage précis daté de ce jour, le 28 février, avec un habitué de Paroles d’Actu, M. Olivier Da Lage, journaliste à RFI spécialiste des relations internationales. Je le remercie chaleureusement. Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Olivier Da Lage : « Vladimir Poutine,

c’est certain, a déjà perdu son combat »

Vladimir Poutine 2022

Vladimir Poutine, le 21 février 2022. Source : capture vidéo.

 

L’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine et les tensions extrêmes entre Kremlin et Occident (on parle ouvertement de dissuasion et de force de frappe) nous ont-elles fait basculer dans quelque chose de nouveau ?

Clairement, et de manière spectaculaire  : c’est la fin d’une ère, celle faite d’espoirs – et de naïveté sans doute aussi – qui a suivi la chute du bloc soviétique au début des années 90. Beaucoup pensaient alors qu’avec la fin de la guerre froide, c’était aussi la fin des rivalités militaires, et en tout cas de la perspective de la guerre entre États sur notre continent. Certes, les guerres consécutives à la dislocation de la Yougoslavie ont montré que l’histoire n’était pas aussi linéaire, et ses horreurs mêmes renvoyaient aux guerres balkaniques du début du XXe siècle. Guerres ethniques, guerre civile  ? En tout cas, guerre spécifique qui ne pouvait concerner directement le reste de l’Europe autrement que par le souci d’y mettre fin (et en fait, ce fut réalisé grâce à l’intervention des États-Unis).

 

« Vladimir Poutine a remis en cause tout l’ordre

européen qu’ont fixé les accords d’Helsinki, en 1975. »

 

Là, il s’agit de l’intervention massive de la plus grande puissance européenne, la Russie, contre un autre État de taille imposante, dont la sécurité et la souveraineté avait été garantie par Moscou dans le Mémorandum de Budapest (5 décembre 1994) en échange de l’abandon par Kiev de ses armes nucléaires, transférées, justement, à la Russie. Dans ses longs monologues à répétition préludes comme consécutifs à l’invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine remet en cause tout l’ordre européen fondé sur l’intangibilité des frontières et la non acquisition de territoires par la force, qui sont au cœur de l’acte final d’Helsinki (1er août 1975) qui a mis en place la Conférence sur la sécurité en Europe, devenue l’OSCE en 1994. Non seulement la Russie est l’héritière des engagements de l’URSS mais elle est signataire en tant que telle de l’acte fondateur de l’OSCE. En fait, Poutine remet en cause jusqu’aux décisions prises par Lénine en 1922, lorsqu’est née l’Union soviétique. Bref, en quelques discours, le président russe a fait savoir qu’il ne se sentait lié par aucun engagement formellement pris par lui ou d’autres dans le passé.

 

Quel regard portez-vous justement sur l’action de Vladimir Poutine, et sur ses ambitions ? Est-on toujours en présence d’un acteur géopolitique rationnel, quand on songe à la violence de sa rhétorique et aux coûts exorbitants que va occasionner son agression pour la Russie et son peuple ?

Difficile à dire quant à sa rationalité. Il est toujours tentant de recourir à des arguments de type psychologique lorsqu’on ne comprend pas la rationalité de décisions politiques. Et on ne peut exclure que Poutine surjoue ce côté irrationnel et imprévisible afin de déstabiliser ses adversaires. Mais de toute évidence, il n’y a pas que les Occidentaux à être déstabilisés. La façon dont il a mis en scène à la télévision l’humiliation des plus hauts dirigeants civils et militaires du pays, notamment le chef des services de renseignements extérieurs, envoie une image, sans doute voulue, de pouvoir personnel sans limite et surtout, sans contre-pouvoirs. Cela associé à une rhétorique qui invoque de plus en plus fréquemment et explicitement le possible recours à l’arme nucléaire, il y a de quoi s’inquiéter.

 

« Ses ambitions ? La reconstitution la plus complète

possible de ce que furent la puissance et l’espace territorial

de l’URSS, et avant elle de l’empire russe. »

 

Quant à ses ambitions, il n’en fait pas mystère  : la reconstitution la plus complète possible de ce que furent la puissance et l’espace territorial de l’URSS, et avant elle de l’empire russe. Cela ne signifie pas qu’il ait en tête de façon précise les frontières de ce futur territoire mais il avance en marchant, et sa façon de marcher est la coercition, militaire s’il le faut, à l’encontre de ses voisins, notamment ex-soviétiques, comme on l’a vu tour à tour avec la Géorgie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie, la Biélorussie et maintenant l’Ukraine. Quant aux pays baltes, anciennement soviétiques, Moscou leur rappelle en permanence son attention au sort des minorités russes qui y résident. Pologne, Modavie, Bulgarie, Roumanie et autres ex-démocraties populaires savent qu’elles figurent aussi en bonne place dans les projets de Poutine qui est allé jusqu’à menacer d’actions militaires la Suède et la Finlande s’il leur prenait l’envie de rejoindre l’OTAN. Oui, Poutine fait peur, mais il n’est pas sûr qu’à moyen terme, cela rende service à son pays ou même à ses ambitions. J’y reviendrai.

 

On a une impression d’unanimité quant à la réaction à l’agression russe, mais c’est sans doute une vision biaisée en tant qu’Européen : quelle est la réalité ailleurs dans le monde, et dans quelle mesure les intérêts économiques conditionnent-ils la capacité à s’indigner ?

Oui, en Europe, l’unanimité s’est faite en quelques jours, ce qui n’est pas rien si l’on songe aux multiples sujets de désaccord entre Européens. Cette unanimité est à la hauteur de la peur que je viens d’évoquer. Ailleurs dans le monde, c’est plus contrasté, mais là aussi, les opinions évoluent rapidement. En Afrique de l’Ouest, où l’hostilité à l’égard de la France est élevée depuis quelques années, et où les Russes ont marqué des points, notamment au Mali (après la Centrafrique), les premiers commentaires privés favorables à l’intervention russe ont laissé place après quelques jours à des positions plus nuancées, ou du moins plus diverses, car les Ukrainiens ne sont pas perçus comme colonialistes ou hostiles à l’Afrique, et la déclaration très ferme du Kenya au Conseil de sécurité de l’ONU contre l’intervention russe a montré que Moscou ne pouvait pas compter sur le soutien automatique ou même la neutralité du continent africain.

 

« Les pays qui se sont tus parce que dépendants

de la Russie (pour l’énergie ou les armes) sont en train

de se demander s’ils ont fait le bon choix. »

 

Au Moyen-Orient, de nombreux pays ne souhaitent se fâcher ni avec Washington, ni avec Moscou, mais à mesure que la situation va s’enliser en Ukraine et que montera le nombre de victimes, cette position sera de plus en plus difficile à tenir, tout comme l’Inde qui a adopté l’abstention comme mode d’expression politique, mais cette position habituelle et traditionnelle pour New Delhi dans les crises internationales commence à provoquer des débats inhabituels dans la presse indienne. Enfin, la Chine elle-même, dont le rapprochement avec la Russie est une des évolutions les plus spectaculaires de ces dernières décennies, s’est abstenue au Conseil de sécurité au lieu d’opposer son veto comme Moscou. Tout semble indiquer que Pékin ne veut pas se laisser entraîner par Poutine sur des terrains que la Chine n’aurait pas elle-même choisis. C’est sûrement une déception pour Vladimir Poutine qui s’était personnellement rendu dans la capitale chinoise, à l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver, pour rencontrer longuement Xi Jinping et, du moins peut-on le présumer, se coordonner avec lui à quelques semaines du conflit qu’il allait déclencher à son retour. Ceux qui se sont tus parce qu’ils sont dépendants de la Russie pour leurs approvisionnements en énergie ou en armes sont en train de se demander s’ils ont fait le bon choix et s’ils ne devront pas ajuster leur position à l’évolution des événements.

 

La cause de la défense de l’Ukraine doit-elle à votre avis être considérée comme d’intérêt vital pour l’Europe et de fait, est-elle perçue ainsi ? L’idée de défense continentale commune fait-elle son chemin ?

Elle l’est, et c’est ainsi que presque tout le monde la ressent, de Budapest à Londres en passant par Rome, Paris, et Stockholm. Et plusieurs de ces pays avaient naguère encore de très bonnes relations avec la Russie. Pour que l’Union européenne, pour la première fois de son existence, se comporte en puissance, coupant l’accès des banques russes au mécanisme Swift, gelant les avoirs de la Banque centrale russe, décidant de financer l’envoi de matériel de guerre «  létal  » aux forces ukrainiennes et de les acheminer sur place, pour qu’enfin, le chancelier allemand annonce au Bundestag une rupture complète avec la doctrine militaire en vigueur depuis la fin de la Serconde guerre mondiale et porte le budget de la défense à 2 % du PIB (comme le demandaient avec insistance mais en vain plusieurs présidents américains successifs), c’est qu’il s’est vraiment passé quelque chose. Cette défense continentale commune des Européens, au vu du contexte actuel, passera nécessairement par l’OTAN qui, seule, est outillée pour ce faire, d’autant que l’idée française de défense européenne et d’autonomie stratégique est loin de rencontrer le consensus nécessaire au sein de l’UE.

 

Votre sentiment, votre intuition pour la suite de cette crise ?

Sur le plan militaire, difficile à dire. Si l’on écarte le scénario du pire (le recours à l’arme nucléaire) car, dès lors, il n’est plus nécessaire de prévoir quoi que ce soit, il me semble que le pari de Poutine est perdant, à moyen et long terme, et ce, même s’il remporte une victoire militaire initiale sur le terrain et décapite les autorités ukrainiennes. L’histoire récente de l’Afghanistan donne une idée de ce qui pourrait arriver. Il existe une énorme différence entre conquérir et occuper. Et l’esprit de résistance des Ukrainiens est déjà manifeste, et ils peuvent compter sur de multiples soutiens parmi les puissances européennes et nord-américaines, au minimum. D’ores et déjà, les actions de Poutine ont fait perdre à la Russie sur plusieurs tableaux  : le soft power russe est durablement réduit à néant. Ses alliés européens, notamment parmi les partis d’extrême-droite, sont des victimes collatérales de ses actions et perdent en influence tout en étant obligés de se distancier de Moscou. L’Allemagne, l’Italie, la Hongrie qui, pour des raisons et de façon différentes, avaient des relations étroites avec la Russie, sont désormais des adversaires proclamés du pouvoir russe  ; enfin, et de manière paradoxale (mais en apparence seulement), c’est Poutine lui-même qui a ressuscité l’OTAN en lui faisant du bouche-à-bouche alors que voici tout juste deux ans et demi, Emmanuel Macron la déclarait «  en état de mort cérébrale  » dans un entretien à The Economist.

Vladimir Poutine, c’est certain, a déjà perdu son combat. Mais bien avant que la Russie (et les autres nations) aient la possibilité de tourner cette page, un nombre incalculable de victimes, d’incommensurables dommages, la ruine de dizaines, de centaines d’individus, de foyers ainsi que de nombreux pays auront été le prix payé pour cette volonté d’un homme de mettre en œuvre ses rêves de grandeur et de prendre sa revanche sur une histoire qui lui déplaît, et qu’il a réécrite pour correspondre à son narratif.

 

Olivier Da Lage 2022

 

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2 février 2022

Alain Pompidou : « Ce qui comptait pour mon père, c'était le bonheur des Français. »

Alors que la présidentielle de ce printemps approche à grand pas, je vous propose avec cet article, un peu de recul, en fait, une petite plongée 50 ans en arrière. Au tout début des années 1970, l’Élysée avait pour locataire un intellectuel qui aimait les Français, Georges Pompidou. Mais la mémoire des hommes est sélective, et quand on songe aux présidents de la Cinquième République, on oublie toujours un peu Pompidou, coincé entre la grandeur gaullienne et les modernisateurs autoproclamés Giscard et Mitterrand. Le décès prématuré du successeur du Général a marqué les esprits, son bilan sans doute pas assez. Pour évoquer cette époque, et quelques éléments de la nôtre, voici donc une interview réalisée le 28 janvier avec M. Alain Pompidou, scientifique et homme politique, fils unique de Claude et Georges Pompidou. Je le remercie pour ses réponses, et pour sa constante bienveillance à mon égard, et j’en profite pour saluer au passage amicalement César Armand. Exclu, Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

EXCLU - PAROLES D’ACTU

Alain Pompidou : « Ce qui comptait

pour mon père, c’était le bonheur des Français. »

Georges et Alain Pompidou

 

Georges et Alain Pompidou. Collection personnelle.

 

Alain Pompidou bonjour. Cette année 2022 sera celle de vos 80 ans : quel regard portez-vous sur le chemin parcouru ?

Il s’est passé beaucoup de choses. J’ai fait une très belle carrière. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’adoraient, tout le monde était merveilleux avec moi. Je dois vous dire que j’ai passé une enfance extrêmement heureuse. Quand j’étais petit, mon père, qui était un grand érudit - il fut premier prix du Concours général de grec - s’asseyait à côté de moi et il me racontait Ulysse résistant aux chants des sirènes, attaché au mât du bateau.

 

A

Extrait choisi de Georges Pompidou - Lettres, notes et portrait (1928-1974),

Robert Laffont, 2012. Ce texte fait partie du témoignage d’Alain Pompidou.

 

Peut-on parler, sinon de cassure définitive, en tout cas d’une espèce de fêlure entre Georges Pompidou et Charles de Gaulle, durant la période qui va de la fin mai 68 jusqu’à l’affaire Markovic ?

Là, il y a véritablement une rupture. Les gaullistes étaient jaloux de mon père, et je dois vous dire que ça a été une période terrible.

La rupture entre mon père et le Général a eu lieu du fait de l’affaire Markovic, qui fut très blessante pour ma famille, mais ensuite, mon père a continué à servir la Fondation Anne de Gaulle.

 

Deux moments médiatiques du président Pompidou ont marqué particulièrement les esprits en leur temps : sa réaction poétique au suicide de Gabrielle Russier (septembre 1969) et son annonce de la mort du général de Gaulle ("la France est veuve", novembre 1970). Quels souvenirs intimes et familiaux gardez-vous de ces deux évènements ?

Gabrielle Russier était professeure comme lui, dans les quartiers nord de Marseille. Quand il y a eu à l’époque, un scandale à propos d’une situation aujourd’hui acceptée par beaucoup de gens (une histoire d’amour entre celle-ci et un lycéen, ndlr), mon père a été très malheureux de voir qu’on s’en prenait à cette femme alors qu’il n’y avait pas de raison majeure de le faire. Et c’est là que, dans une conférence de presse, et sans aucune préparation, il a cité le poème d’Éluard.

 

 

S’agissant de la mort du Général, mon père s’est senti véritablement orphelin. Il en a été extrêmement malheureux. Il savait que le général de Gaulle comptait sur lui, donc il avait déjà l’idée de se présenter - il l’avait d’ailleurs déclaré à Rome en janvier 1969. Je dois dire que cela a été son dernier choc, non pas personnel mais politique. Il est apparu à la télévision avec un visage tragique en annonçant effectivement que "la France (était) veuve".

 

 

Il me semble que les Français d’aujourd’hui, parmi les plus jeunes en tout cas, ne saisissent plus que des bribes de ce que fut la présidence Pompidou, située entre les vents d’Histoire qu’incarnait de Gaulle, et ceux de la modernité qu’ont pu incarner, chacun à leur manière, Giscard et Mitterrand. Qu’auriez-vous envie de dire à ceux-là, et que faut-il retenir pour rendre justice à ce que fut la présidence de Georges Pompidou ?

Ce qui caractérise la présidence de mon père, c’est d’abord la politique industrielle, avec le TGV, le nucléaire, l’espace (avec la fusée Diamant), mais aussi en matière industrielle, l’intéressement des employés. Sur le plan politique, Jacques Chirac disait : "Le général de Gaulle, c’est la France, Georges Pompidou, c’est les Français". Il marquait ainsi la proximité de mon père avec les Français de son époque.

 

Et en effet, quand on évoque cette politique industrielle aujourd’hui, ça laisse songeur...

Oui, comme je vous l’ai dit, c’est à cette époque qu’est né le TGV, après la fusée Diamant sont apparus les gros satellites et la fusée Ariane en particulier... Toute une politique industrielle qui a été menée remarquablement par son conseiller en la matière, Bernard Ésambert.

 

Diamant

La fusée Diamant. Photo @CNES.

 

Que savez-vous des projets qui eurent été ceux de Georges Pompidou pour la France s’il avait vécu ?

Je pense tout d’abord à ce projet majeur qu’il avait déjà quand il était à la banque Rotschild : il passait régulièrement devant le plateau Beaubourg, qui était alors un terrain vague avec quelques voitures et quelques prostituées. Et il a dit à ma mère un jour : "C’est là qu’on fera un grand centre culturel", et c’est ainsi qu’allait naître à cet emplacement le futur Centre Georges-Pompidou.

 

Avec le succès que l’on sait. Et sur des points plus politiques : qu’aurait-il fait si la mort ne l’avait prématurément emporté ?

Il naviguait à vue et il se déterminait en fonction des Français. Je crois qu’il avait véritablement une propension à chercher avant tout ce qu’était le bonheur des Français.

 

Quels traits de caractère pensez-vous avoir hérités de Claude et Georges Pompidou ? Quels goûts bien ancrés vous ont-ils laissés en héritage ?

Là, c’est un peu plus difficile. Je crois, pour rebondir sur la réponse précédente, que ce qui comptait pour mon père c’était le bonheur des Français. Il s’adaptait aux besoins des uns et des autres. Moi j’ai essayé de toujours satisfaire autour de moi. Je pense avoir hérité de mes parents un regard sur les autres, un sentiment très prégnant qui me permet souvent de faire le diagnostic de quelqu’un qui passe à côté de moi dès son arrivée.

 

L’art est-il essentiel à vos yeux comme il le fut aux leurs ? Êtes-vous tout à fait sensible aux mêmes types d’expression artistique que vos parents ?

Je suis passionné d’art. J’ai connu la première toile qu’ils avaient achetée, en 1947, et ce tableau de Chapoval, Bière moussante me séduisait énormément. C’est une peinture qui ressemble un peu à ce que faisait Fernand Léger, qui s’inspirait de Picasso.

 

Bière moussante, Chapoval, 1947.

 

Quel regard portez-vous, comme scientifique et comme citoyen, sur la crise sanitaire que nous traversons actuellement ? Je pense aussi à ce vaste mouvement de scepticisme envers la médecine et la science auquel nous assistons, un peu partout dans le monde : ça a toujours existé ?

Cette crise sanitaire est grave. Je crois qu’on va s’en sortir, qu’Omicron va s’estomper tout doucement et qu’on va bientôt faire en sorte qu’il n’y ait plus que le virus actuel. Quant aux antivax, de mon point de vue ce sont des gens qui sont totalement irresponsables.

 

Vous avez notamment présidé l’Office européen des brevets (2004-2007). Il a beaucoup été question, dans les premiers temps de l’apparition de vaccins contre le Covid-19, de la levée des brevets pour une massification de la fabrication des doses et pour une démocratisation de leur distribution. De telles idées sont-elles envisageables, et même souhaitables ?

Non, je pense qu’il faut garder les brevets, c’est très important comme il est essentiel que l’inventeur puisse être récompensé de son geste.

 

Je le rappelais il y a quelques minutes, vous avez eu une formation scientifique et médicale très poussée et avez longtemps exercé dans ces domaines. Comment voyez-vous les perspectives de la médecine, et de la science, et quelles sont les avancées, celles à portée de main ou celles qu’on entrevoit à horizons plus lointain, qui vous enthousiasment ?

Moi, ce qui me fait rêver surtout, c’est essentiellement les percées de la médecine, qui sont absolument remarquables, et je suis optimiste en la matière pour les temps à venir.

 

Nous évoquions tout à l’heure la présidence de Georges Pompidou, nous allons revenir à la politique dans un instant. Comment jugez-vous notre époque par rapport à, justement, la première moitié des années 70 ?

Je dirais qu’à mon avis, notre époque a un peu perdu le sens des valeurs. Il y aurait à faire...

 

Comment voyez-vous les échéances électorales de cette année? Aura-t-on une chance, cette année, d’assister à des débats se jouant réellement sur des projets?

Rien n’est sûr, je l’espère en tout cas.

 

L’architecture générale de la Cinquième République correspond-elle toujours à la France et à la classe politique d’aujourd’hui ?

Je pense en effet que la Cinquième République reste parfaitement adaptée à la France.

 

Vous avez été député européen (1989-1999), mais avez-vous jamais eu la tentation de candidater à des mandats exécutifs ? Ou bien le fait d’avoir été témoin, avec votre père, de la dureté induite a-t-il agi comme une sorte de vaccin contre cette idée ?

Non pas vraiment, j’aurais pu le faire. En tout cas je ne ferai plus de politique, c’est certain.

 

Vos projets et surtout, vos envies pour la suite ?

Oh, surtout d’être heureux avec mon épouse, et les petits enfants.

 

Alain Pompidou

Alain Pompidou. Collection personnelle.

 

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