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Paroles d'Actu
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30 décembre 2014

Jean-Christian Petitfils : "Le sursaut de l'aristocratie fut le moteur premier de la Révolution"

Pour cette dernière publication de l'année, c'est un invité de choix qui a accepté de répondre à ma sollicitation : l'historien de renom Jean-Christian Petitfils, auteur de nombreuses biographies - de rois de France, notamment - de référence. La thématique du jour : la Révolution, 225 ans après 1789. Je remercie M. Petitfils pour la bienveillance qu'il a manifestée envers ce projet ; pour sa générosité, dont témoignent les réponses qu'il a apportées à mes trois questions. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

QUESTIONS D'HISTOIRE - PAROLES D'ACTU

Jean-Christian PETITFILS

 

« Le sursaut de l'aristocratie fut

le moteur premier de la Révolution »

 

Le Serment du Jeu de paume

Le serment du Jeu de Paume le 20 juin 1789

(Jacques-Louis David)

 

Q. : 17/12/14 ; R. : 29/12/14

  

Paroles d'Actu : Bonjour, Jean-Christian Petitfils. La Charte « octroyée » par Louis XVIII en 1814 maintient, dans une large mesure, les acquis de la Révolution, l'égalité civile notamment. La Révolution a éclaté vingt-cinq ans plus tôt en partie parce que Louis XVI, attaché à d'anciennes traditions du royaume, avait rendu de leurs prérogatives - et de leur capacité d'opposition - aux privilégiés. S'ensuivit, face aux difficultés financières aiguës de l'État, face à l'immobilisme né de la restauration de ces corps intermédiaires, la convocation des états généraux - assemblée qui allait rapidement sur la question de sa représentativité, ou plutôt de sa non-représentativité, se rebiffer...

Louis XIV, marqué au fer du souvenir de la Fronde, avait en son temps installé, affermi le pouvoir personnel du roi, qui était souvent, jusqu'alors, menacé, par les reliquats puissants de la société féodale. L'erreur majeure des rois de France n'a-t-elle pas été, avant 1789, de n'avoir pas joué la carte de la représentation nationale, populaire face à une société de classes ? Une telle évolution eût-elle été possible, sérieusement envisageable ?

 

Jean-Christian Petitfils : La Charte constitutionnelle de 1814, « octroyée » par Louis XVIII, était une tentative, comme dit son préambule, de « renouer la chaîne des temps que de funestes écarts avaient interrompue ». Tout en acceptant les grands principes d’égalité civile et de liberté d’opinion, proclamés par la Révolution, la Restauration instituait une monarchie équilibrée, avec un pouvoir royal limité et une représentation du pays, chargée de voter les lois, au moyen d’une Chambre des pairs et d’une Chambre des députés, cette dernière désignée par le suffrage censitaire. En réalité, le régime revenait sur un événement majeur survenu dès le début de la Révolution, en juin-juillet 1789 : l’accaparement par les états généraux de la souveraineté nationale et, de ce fait, des pouvoirs législatif et constituant. De là avait surgi une nouvelle légitimité, sur laquelle il était bien difficile de revenir vingt-cinq ans plus tard. En tout cas, la monarchie rénovée n’eut pas le temps de s’ancrer dans le pays, et le régime fut emporté par suite des erreurs de Charles X, dernier petit-fils de Louis XV.

 

La monarchie d’Ancien Régime pouvait-elle installer un régime représentatif, comme l’avait fait l’Angleterre en 1688, avec la « Glorious Revolution » ? On observera que les Anglais s’épargnèrent de poser la question de la souveraineté et se contentèrent de limiter les prérogatives du trône par un contre-pouvoir de nature aristocratique. Aujourd’hui encore, la souveraineté pleine et entière appartient à la reine s’exprimant au milieu des conseillers du « Parliament ». Pure fiction sans doute, mais qui garde sa force symbolique et sa puissance stabilisatrice. Les habitants du Royaume-Uni sont à la fois sujets de Sa Gracieuse Majesté et citoyens de la démocratie la plus tolérante du monde. L’évolution institutionnelle s’est faite en douceur à partir du XVIIIe siècle.

 

Il en est allé autrement en France, pour au moins deux raisons. D’abord, le refus obstiné des Bourbons de s’appuyer sur une représentation de la nation (fût-elle différente de l’archaïque système corporatif des états généraux, réunis, pour la dernière fois avant 1789, sous la régence de Marie de Médicis en 1614). Ensuite, l’incapacité de la noblesse française à limiter la puissance royale, tout en contenant l’effervescence populaire. La noblesse, en effet, n’avait ni la richesse terrienne et commerciale de la Gentry anglaise, ni sa position dans la société. À la fin du règne de Louis XIV, ses effectifs étaient tombés, du fait de la Guerre de Succession d’Espagne, de 200 000 personnes à 130 000. Sous le règne de Louis XV, pas plus les anoblissements que les usurpations de noblesse ne furent suffisants pour combler les rangs du second ordre. Au contraire, au moment où une bourgeoisie industrieuse aspirait à s’y intégrer, on assiste à son repli identitaire. C’est certainement cette réaction aristocratique qui fut le moteur premier de la Révolution, qui commence en 1787 et non en 1789.

 

PdA : La tentative de fuite de Louis XVI, au mois de juin 1791, encouragée en partie par la violence de certaines factions révolutionnaires, contribuera à précipiter, dans leur déroulé tragique, les événements à suivre : l'entrée en guerre de la France contre l'Autriche et les couronnes européennes, la chute de la monarchie, l'exécution du roi déchu.

Quelle image, quels sentiments l'historien que vous êtes prête-t-il à l'homme, au souverain que fut Louis XVI ? A-t-il sincèrement été, bon an mal an, prêt à endosser, pour lui et la suite de sa dynastie, le costume du monarque constitutionnel ?

 

J.-C.P. : Louis XVI était un roi réformateur. Les historiens ne l’ont pas suffisamment souligné. Bien avant 1789, il avait pris conscience de la nécessité de transformer les institutions, en introduisant une fiscalité plus égalitaire et une représentation des administrés par la généralisation des assemblées provinciales, en pays d’états comme en pays d’élections. Les projets de Turgot, de Calonne et même ceux moins audacieux de Mgr de Loménie de Brienne se heurtèrent à l’obstruction systématique des ordres privilégiés et des parlements.

 

Après la fin de l’absolutisme et les tragiques journées d’octobre 1789, qui virent le retour du roi à Paris, Louis XVI a tenté de s’accommoder de la Révolution. Son discours du 4 février 1790 devant l’Assemblée nationale était, à mon avis, sincère. Il souhaitait trouver un terrain d’entente avec les parlementaires. Même après Varennes, il chercha la voie de la conciliation en jurant fidélité à la Constitution le 14 septembre 1791 : s’il n’en approuvait pas toutes les dispositions, il demeurait persuadé qu’avec le temps on en corrigerait les erreurs. En attendant, il les respectera scrupuleusement, se contentant d’exercer les prérogatives qui lui avaient été concédées, comme le droit de veto suspensif. Mais, la nouvelle assemblée, la Législative, nettement plus à gauche que la Constituante, sabota le système, s’acharnant à humilier le roi et à restreindre ses pouvoirs. Elle sera finalement balayée comme la monarchie constitutionnelle par le coup de force du 10 août 1792, préparé et déclenché par les sans-culottes.

 

PdA : Avançons dans le temps... Si l'on regarde son histoire, il apparaît que la France a mis longtemps avant de trouver, puis de stabiliser le régime dans lequel les valeurs issues de sa Révolution allaient, sur la durée, s'incarner. À quel moment positionneriez-vous l'installation de la République en tant qu'organisation stabilisée, légitimée pour de bon aux yeux du plus grand nombre ?

 

J.-C.P. : On peut estimer que le régime républicain ne se stabilise vraiment qu’après la Première Guerre mondiale, lorsque les catholiques, qui avaient combattu dans les tranchées avec les autres Français, mais qui s’étaient tenus à l’écart jusque-là de la République anticléricale, se rallièrent massivement aux institutions avec la Chambre Bleue horizon. Ultérieurement, le pays traversa sans doute de graves tensions, notamment lors du 6 février 1934 ou de l’arrivée au pouvoir du Front populaire, mais à aucun moment l’idée d’un retour à la monarchie ne parut sérieuse. De ce point de vue, la Révolution était close, le régime de Vichy n’étant qu’une tragique parenthèse.

 

Jean-Christian Petitfils

 

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Vous pouvez retrouver Jean-Christian Petitfils...

 

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19 décembre 2014

Pierre-Yves Le Borgn' : "Andreas Schockenhoff, mon ami"

   Le 14 décembre, à dix-huit heures, le député Pierre-Yves Le Borgn', dont la fidélité à Paroles d'Actu m'honore, écrivait sur son mur Facebook le message suivant : « J'ai appris ce soir avec une très grande peine le décès d’Andreas Schockenhoff, président du groupe d’amitié France-Allemagne au Bundestag. Depuis près de trois ans, Andreas et moi étions devenus plus que des alter egos : de vrais complices. » N'étant pas particulièrement au fait de la vie parlementaire quotidienne, pas davantage des échanges internationaux qu'elle suppose - deux questions qui, pourtant, m'intéressent grandement -, je ne connaissais pas Andreas Schockenhoff. J'ai voulu voir, via Google News, si sa disparition était évoquée par des médias français. Rien, ou presque rien, plusieurs heures après.

   Je me suis fait cette réflexion : on parle beaucoup, s'agissant de la relation franco-allemande - un constat valable pour bien des thématiques -, de ce qui ne marche pas, de ce qui agace dans le comportement des uns et des autres. Bref, de ce qui tend à diviser. Et jamais de ce qui marche. Le 14 au soir, j'ai proposé à Pierre-Yves Le Borgn' de composer pour le blog un article, un texte sur et pour son collègue, son ami. Il a aimé l'idée et l'a acceptée, avec la bienveillance qui le caractérise - et dont je le remercie à nouveau. Ses mots, ici retranscrits, me sont parvenus ce jour, au lendemain des obsèques de M. Schockenhoff. L'hommage émouvant d'un ami à un ami... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

PAROLES D'ACTU - LA PAROLE À...

Pierre-Yves LE BORGN':

« Andreas Schockenhoff, mon ami »

 

Le Borgn - Schockenhoff

« Une photo d'Andreas et moi, prise le mois passé à Paris, lorsque nous avions reçu tous les deux

les jeunes de l'Office franco-allemand pour la Jeunesse... »

 

   Le 13 décembre, l’Allemagne a perdu un grand parlementaire : Andreas Schockenhoff. Andreas s’est éteint chez lui à Ravensburg, victime d’un malaise cardiaque. Il avait 57 ans. Enseignant de formation, Andreas avait été élu pour la première fois au Bundestag en octobre 1990, lors des premières élections d’après la chute du Mur. Le Bundestag siégeait alors à Bonn. Il me confiera un jour qu’il fut l’un des très rares députés du sud-ouest de l’Allemagne à avoir voté pour Berlin, quand il revint aux parlementaires allemands de décider qui, de Bonn ou de Berlin, deviendrait la capitale de l’Allemagne réunifiée. Andreas avait choisi Berlin parce que là-bas s’écrirait selon lui l’avenir de la nouvelle Allemagne, malgré son plaisir de travailler à Bonn, sur les bords du Rhin. Il adorait le pays souabe d’où il venait. Né à Ludwigsburg, la vie professionnelle, personnelle et politique l’avait conduit à Ravensburg. Il y revenait toutes les fins de semaine, quittant son petit studio de Berlin pour retrouver sa maison, sa famille, ses amis.

   J’avais fait la connaissance d’Andreas Schockenhoff il y a trois ans seulement et j’ai pourtant l’impression que je le connaissais depuis toujours. Curieux sentiment, lié à cette chaleur, cette attention et cette discrète affection qu’Andreas savait toujours mettre dans l’échange. Ce sont nos fonctions de présidents des groupes d’amitié France-Allemagne et Allemagne-France à l’Assemblée et au Bundestag qui nous avaient rapprochés. Il présidait le groupe d’amitié depuis 1994. Vingt ans de passion franco-allemande, qui avaient fait de lui le « Monsieur Allemagne » pour l’Assemblée nationale. Andreas était aimé au Palais Bourbon, par-delà toutes les affinités politiques. Il y était chez lui et n’oubliait jamais d’arborer sa rosette au moment de venir nous rendre visite. La France, pour Andreas, était d’abord un bonheur, celui d’une année d’études à Grenoble, celui, aussi, de l’échange culturel qu’il prisait tant. Il parlait un français saisissant, tout en finesse, d’une voix douce et juste.

   J’aimais ses appels téléphoniques, réguliers, qui commençaient toujours par le même « Bonjour, c’est Andreas ». Lui, le démocrate-chrétien, et moi, le socialiste, étions devenus amis et complices. Nous organisions les rencontres communes de nos parlements et groupes d’amitiés. Nous intervenions ensemble sur divers sujets, comme les conflits franco-allemands d’autorité parentale l’été dernier, adressant un courrier commun aux ministres française et allemande de la Famille pour les presser d’agir. Ou plus récemment sur la crise politique en Macédoine. Nous voyagions ensemble, comme le 6 avril 2014 à Izieu, pour la commémoration des soixante-dix ans de la rafle des enfants. Les familles et membres de la communauté juive avaient été très touchés qu’un député allemand se rende pour la première fois à Izieu. Je me souviens de l’émotion d’Andreas durant la visite de la maison et l’échange avec les derniers témoins de cette tragédie. Une photo, que je chéris, nous représente tous les deux, devant la maison et les gerbes de fleurs déposées.

   Ce voyage à Izieu fut l’occasion de longues conversations dans le petit hôtel de Savoie où nous étions descendus. Andreas, par pudeur, se livrait peu. Ce soir-là, il avait fendu l’armure, me racontant sa vie, ses combats, ses coups durs, sa passion pour ses enfants. Et j’en avais fait de même de mon côté. La vie politique est si souvent superficielle, au point de ne jamais conduire à la rencontre de l’autre, de son unité et de son histoire. Andreas m’a permis de le connaître, personnellement en plus de politiquement. J’ai aimé ces moments. Je n’aurais jamais imaginé qu’ils devraient être si brefs. La vie est cruelle. Je pense à ses enfants : Theresa, Ferdinand et Philipp. Je pense à ses amis du Bundestag, rencontrés hier à la messe de requiem à Berlin. Je pense à notre dernière conversation téléphonique, il y a juste deux semaines, conclue par un « Salut ! », qui voulait dire « À tout bientôt ». Salut, mon ami. Je ne t’oublierai pas. Nous serons nombreux à faire vivre ton idéal et tes passions, à continuer le chemin avec toi et pour toi.

 

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16 décembre 2014

Florian Bunoust-Becques : "La culture, un art made in France"

À la suite de conversations que nous avons eues autour de sujets divers et variés, politiques ou non, j'ai eu envie d'inviter Florian Bunoust-Becques, étudiant, jeune citoyen engagé dans la "vie de la cité", à écrire pour Paroles d'Actu un texte, une sorte de tribune portant sur une thématique dont je savais qu'elle lui importait et qu'elle était fortement susceptible de l'inspirer : la culture. Sa réponse m'est parvenue le 15 décembre. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

PAROLES D'ACTU - LA PAROLE À...

Florian BUNOUST-BECQUES: « La culture,

un art 'made in France' »

 

Florian Bunoust-Becques

Crédits photo : Xavier Santagata.

 

   Elle est le reflet de nos songes, ceux de nos jours opaques et de nos soleils quotidiens. Si la musique « adoucit les mœurs », la culture est le reflet de nos pensées obscures et de nos joies. L'art canalise les sens, il concentre l'instant d'émotion en une matérialisation abstraite. Décoder l'art, c'est vouloir pénétrer dans l'intimité de l'artiste. Se faire le psychiatre de Picasso, Lamartine, ou Mozart... Vaste ambition. Art et culture sont indissociables et complémentaires. C'est un monde parallèle qui sommeille. Des vieilles pierres aux collages plastiques, la démarche solitaire vers la culture ne doit pas être considérée comme une fatalité. Au contraire.

   À l'heure où notre quotidien est tourné vers l'individualisme des modes d'expression et de communication, chacun détient ses propres sources d'accès au savoir. Une société qui tend vers un matérialisme exacerbé. Soit. Acceptons-le ou refusons-le, mais ne combattons pas la démarche personnelle qui consiste, un jour ou l'autre, à franchir la porte de l'un de nos 1 200 musées, à vouloir visiter une bibliothèque ou une exposition. Chercher à pousser, par des moyens maladroits, le citoyen vers des lieux concentriques est une erreur. Encourager l'accès à des lieux de rencontres et d'échanges est, je crois, préférable. C'est d'ailleurs, à mes yeux, la solution qui permettra de développer davantage l'éveil culturel, et notamment chez les plus jeunes.

   En France, contrairement aux idées reçues, et malgré un contexte économique difficile, le nombre de visiteurs des lieux touristiques et culturels a augmenté de manière significative (il sétablissait à 62 millions en 2013). Si les étrangers sont friands de la culture et du patrimoine hexagonaux, les Français eux-mêmes tendent à s'intéresser davantage à leur propre richesse culturelle. Ils sont même de plus en plus nombreux, depuis quelques années, à privilégier les séjours français par rapport aux destinations européennes. Un repli sur soi, diront certains, un choix économique et aussi... patriotique pour d'autres. Le succès du « Puy du Fou », en Vendée, classé meilleur parc au monde par le Thea Classic Award 2012, a récompensé un projet qui a su mettre en scène l’histoire par une approche ludique et familiale ; rien de mieux pour séduire petits et grands. Quoi qu'il en soit, la France attire. la France rapporte : la valeur ajoutée directement liée au tourisme était estimée, en janvier 2014, à 57,8 milliards d'euros - soit 3,2% du PIB.

   Pour favoriser cette démarche, plusieurs moyens s'offrent à nous, ou plutôt à ceux qui ont les pouvoirs d'engager ces grandes dynamiques : les pouvoirs publics. N’en déplaise à Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, la politique culturelle engagée depuis de nombreuses années consiste à promouvoir les artistes modernes, au détriment de notre patrimoine historique. Dans ce domaine, c'est la part belle faite aux contemporains face aux érudits du classicisme, relégués au second rang, non faute de public, mais, ai-je envie de dire, par idéologie. Un constat que partage Ben Lewis, critique d'art et réalisateur britannique : « Je ne dis pas que l'art contemporain n'est pas de l’art. Je dis que c'est du mauvais art. Britannique et témoin direct de l'émergence de la scène anglaise, je connais nombre des artistes qui ont fait de l'art contemporain ce phénomène financier, émotionnel et envahissant. » On est saisi par ce contraste aisément perceptible entre, d'un côté, le financement d'expositions mettant à l'honneur un artiste, parfois pour plusieurs millions d'euros - bien souvent, des caprices de riches mécènes -, alors qu'au même moment, nombreuses sont les fondations, associations, galeries d'art, théâtres et compagnies artistiques qui crient famine et errent à la recherche de la moindre subvention, de quelques milliers d'euros. Oui, la politique culturelle entretient aujourd'hui un fossé extraordinaire d'inégalités des dotations et des financements de l’État et des donateurs privés. Un État qui, au même moment, tente de passer en force sur le régime des intermittents du spectacle. Un non-sens loin d'être profitable à l'image des artistes et des acteurs culturels en France. Un secteur qui, pour information, génère près de 670 000 emplois directs et contribue sept fois plus au PIB que l’industrie automobile.

   Si la dynamique ne vient pas d'en haut, elle doit venir de la base. L'échelle locale est actuellement la plus active et généreuse dans la promotion culturelle. Communes et collectivités locales ont pris depuis plusieurs années le relais de l’État sur ce sujet, notamment par la promotion et le financement de nombreux festivals, salons et fêtes thématiques associant patrimoine et terroir - du "Made in France" local apprécié à la fois par les autochtones et par les nombreux touristes de passage chez nous. Les milieux associatifs sont aujourd'hui de puissants relais, mais aussi développeurs de culture. Ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes qui participent à la vie des 25 000 associations culturelles qui se créent chaque année. Une tendance en sursis, compte tenu des coupes budgétaires et de la baisse des dotations envers les collectivités. De l'argent en moins qu'il va falloir économiser ailleurs. La culture en première ligne, dans l’ombre de la précarité.

   La culture n'est pas uniquement - et ce depuis longtemps - le monopole des toiles, sculptures, concerts... Elle est un mode de vie, une trace du passé et la figure de l'avenir. Elle est cette sève qui coule dans les veines d’un pays. La culture, c'est le rapprochement de la terre aux racines, à l'attachement spirituel et philosophique de l'homme avec un grand « h ». Ce qui est visible et imperceptible. Ce que, parfois, seul l'imaginaire peut transcrire… La culture vient nourrir l'art, celui du quotidien comme des grandes manifestations populaires. L'un se faisant le reflet de l’autre. Miroir chronophage de ces artistes, les « beaux-arts » ont tendance à devenir la transgression du vrai et du réel. Irriguée par des empreintes fortes, la culture française nourrit une passion dévorante pour certains, un regard dubitatif pour d’autres. Cette culture séculaire où sont brocardés, à coups de jugements tutélaires ou prohibitifs, tel ou tel témoignage de l'histoire et du temps. Une idée partagée avant l'heure par André Malraux dans La Métamorphose de Dieu : « L'œuvre surgit dans son temps et de son temps, mais elle devient œuvre d’art par ce qui lui échappe. » Autant dire que les occasions de promotion de la culture sont multiples, même si le contexte actuel n'est malheureusement pas toujours enclin à tirer celle-ci vers les sommets auxquels elle pourrait prétendre. Là où l'art s'exprime, la communauté bat son plein, les idées naissent, foisonnent et fusionnent, les projets se concrétisent, et la France s'épanouit.

 

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10 décembre 2014

David Carmier : "La capacité de rebond est inscrite dans la tradition française"

Il y a quelques semaines, j'avais proposé à David Carmier, jeune maire-adjoint de Sartrouville, conseiller communautaire de la C.C. de la Boucle de la Seine (Yvelines) et, en parallèle, maître de conférences à Sciences Po, de rédiger pour Paroles d'Actu un texte, une sorte de tribune portant regard sur l'avenir de sa famille politique (l'UMP) et, au-delà, sur la France telle qu'il la percevait, telle qu'il la pensait ; la France de 2014, celle à (re)construire pour demain. Sa réponse m'est parvenue le 9 décembre, dix jours après l'élection de Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP (64,5%) - scrutin également marqué par le score relativement remarquable (29,2%) de Bruno Le Maire, « le » candidat de David Carmier. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

PAROLES D'ACTU - LA PAROLE À...

David CARMIER: « La capacité de rebond

est inscrite dans la tradition française »

 

David Carmier

 

   Depuis le 29 novembre dernier, l’UMP est enfin dotée d’un chef légitime. Après les défaites de 2012, la « guerre des chefs » pour la présidence de l’UMP et les divers scandales financiers, nous sommes désormais en ordre de bataille pour nous reconstruire et proposer aux Français un véritable projet d’alternance crédible, novateur et ambitieux ! Avec près de 30% des suffrages, Bruno Le Maire symbolise le besoin de renouveau et la nécessité de faire émerger une classe politique irréprochable, davantage à l’écoute de nos concitoyens.

   S’il est question de nouveau départ, celui-ci doit être associé à des décisions fortes et incontestables. Le courage doit être le moteur de notre action politique, il sera la clé de notre crédibilité et de nos succès futurs. Mettons un terme à la politique du compromis permanent qui dilue le message et renforce les baronnies. Trop de concessions ont été faites par le passé, affaiblissant ainsi la parole politique et mettant en doute la capacité de nos élus, voire leur volonté, à influer sur le cours des choses. Ce que les Français attendent, ce ne sont pas des discussions, des débats ou des rapports, ce sont des actions et des décisions améliorant leur quotidien et celui de leurs enfants.

   Profitons de notre passage dans l’opposition pour réfléchir, débattre et proposer des solutions audacieuses. Le défi auquel notre famille politique est aujourd’hui confrontée ne se limite pas à l’élaboration d’un projet d’alternance en 2017 mais réside en l’édification d’un nouveau corpus idéologique qui façonnera la droite française du 21e siècle. Nous devons réaffirmer avec force nos valeurs et nos principes fondateurs : le rétablissement de l’autorité de l’État et son recentrage sur les fonctions régaliennes, l’affirmation de la méritocratie et, enfin, la promotion de la liberté individuelle. À force de vouloir tout faire, l’État est devenu impuissant et incapable de répondre aux préoccupations de nos concitoyens. Si la France ne se réforme pas rapidement, nous serons contraints de remettre en cause l’État-providence édifié à la Libération, sans pour autant sauver notre appareil régalien, indispensable pour assurer la sécurité de tous.

   Notre pays a un passé glorieux, héritage de plusieurs siècles d’Histoire qui ont façonné notre identité et notre modèle. De la déliquescence du royaume mérovingien à la guerre de Cent Ans en passant par les soubresauts de la Révolution française, nous sommes toujours parvenus à faire face à l’adversité. Pourquoi notre génération serait-elle différente ? La capacité de rebond et de renaissance est inscrite dans notre tradition historique. Nous disposons d’atouts dans nombre de domaines. L’avenir ne devrait pas être une source d’angoisses, mais une source d’inspiration. C’est pourquoi je vous invite à vous engager pour construire la France de demain, la France éternelle, celle qui gagne ! Alors maintenant, au travail !

 

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8 décembre 2014

Martial Passi : "Réagissez, M. le Président, la maison France prend feu..."

   « Vous êtes, Martial Passi, de ces élus locaux dont les mandats trouvent leur source, à l'origine, dans des engagements pour des luttes sociales, teintées d'idéaux progressistes. Membre du Parti communiste, vous êtes depuis plus de vingt ans à la tête d'une ville populaire, Givors (Rhône). La gauche de la gauche est très critique vis-à-vis des orientations de l'exécutif national. J'imagine que vous avez pourtant voté pour François Hollande lors du second tour de la présidentielle de 2012 et, donc, contribué à sa victoire. J'aimerais vous demander, M. Passi, de me dire, le plus franchement possible ce que serait, en tant qu'élu local, en tant qu'homme de gauche, le message que vous souhaiteriez adresser au chef de l'État ? ».

   Le document qui suit est la reproduction du texte que M. Martial Passi, maire de Givors depuis 1993, vice-président du Grand Lyon, conseiller général du Rhône et vice-président de l'AMF a bien voulu rédiger, en exclusivité pour Paroles d'Actu. Un message fort et sans concession; son message à l'attention du président de la République. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

PAROLES D'ACTU - LA PAROLE À...

Martial PASSI: « Réagissez, Monsieur le Président,

la maison France prend feu... »

 

Martial Passi

 

   Monsieur le Président de la République,

   Comme une majorité de nos compatriotes, j'ai voté et appelé à voter en 2012 pour battre Nicolas Sarkozy, sa politique et promouvoir une politique de gauche qui réponde aux besoins de la France, de nos territoires et de leurs habitants.

   À la moitié de votre mandat, la situation est malheureusement catastrophique :

- La marée du chômage massif ne cesse de s'aggraver, frappant notamment les territoires et les populations les plus fragiles, et de plus en plus d'acteurs économiques, notamment les plus petits, qui constituent le cœur du dynamisme économique local et multiplient les cris d'alarme devant la baisse de leurs carnets de commandes.

- Les populations font face à une accumulation de difficultés dans tous les domaines, d'abord en termes de pouvoir d'achat et d'emploi, avec une vie minée par la précarité et l'incertitude, mais aussi devant des services publics asphyxiés par l'austérité.

- Les collectivités territoriales et les élus locaux vivent une réforme territoriale décidée sans aucune concertation qui engage l'avenir de notre pays et sont exposés à une baisse sans précédent des finances locales qui génère des situations budgétaires de plus en plus inextricables, impliquant tout à la fois de réduire l'investissement utile et le service rendu, et d'augmenter l'endettement et les impôts locaux.

- La société est minée par une crise politique et morale qui nourrit un rejet profond de la gauche et de l'action politique, menace nos valeurs républicaines, le lien social et le vivre ensemble, et fait le lit d'extrémismes dangereux.

   Ça ne peut plus durer.

   Soldats de la République directement exposés aux conséquences de politiques d'austérité qu'ils n'ont pas décidées et qui les dépouillent des moyens d'y faire face, les élus locaux sont dans leur très grande majorité profondément inquiets et en colère. Exclus des choix, placés en première ligne comme des boucs émissaires, de plus en plus dénigrés et représentants de collectivités menacées dans leur existence même, les élus locaux n'en peuvent plus.

   L'autorité de l’État est en question, la démocratie locale est directement menacée, le pacte républicain vacille sous les coups de boutoir d'une crise qui n'en finit plus et d'une politique d'austérité, érigée en dogme suicidaire, qui aggrave le mal au lieu de le soigner. La conscience collective et nationale est profondément déstabilisée et les forces et les énergies de notre pays sont abîmées, gâchées et dangereusement divisées.

   Ça ne peut plus durer, Monsieur le Président de la République. « Le changement commence maintenant », disiez vous au printemps 2012. À l'automne 2014, le feu est dans la maison France. Il est plus qu'urgent de changer de cap, sinon nous allons au devant d'une terrible catastrophe.

 

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