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Paroles d'Actu
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18 octobre 2024

Marie-Paule Belle : « L'attente des retrouvailles avec le public m'a maintenue en vie »

À la mi-novembre 2023, Marie-Paule Belle avait eu la gentillesse de répondre à mes questions durant un long entretien téléphonique qui faisait suite à la parution de son dernier album en date, Un soir entre mille. Un opus tendre et mélancolique, son plus personnel, d’après ses propres mots. Elle se faisait surtout une joie de retrouver le public, après en avoir été éloignée longtemps, à cause du Covid et du cancer qui l’avait frappée. Ce fut chose faite à partir de janvier de cette année (Théâtre de Passy), puis en juin (même salle) suite au grand succès des premières dates.

 

Après un passage par la Nièvre début octobre, elle se produira dans une salle mythique qu’elle n’a jamais pratiquée, les Folies Bergères, le 2 novembre. Une belle occasion de l’interviewer à nouveau - cette proposition, elle l’a accepté avec enthousiasme. Je la remercie pour ses confidences et pour cet autre moment partagé. Si vous voulez écouter des chansons qui viennent du cœur, en piano-voix, allez l’applaudir sans hésiter : c’est comme retrouver une vieille copine qui, soyez en certains, sera au moins aussi émue que vous de vous revoir. Ou de vous rencontrer ? Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Marie-Paule Belle chantera aux Folies Bergères le 2 novembre prochain.

Crédit photo : Céline Dupas-Hutin.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU (11/10/24)

Marie-Paule Belle : « L’attente

 

des retrouvailles avec le public

 

m’a maintenue en vie... »

 

Marie-Paule Belle bonjour. Ça vous a fait quoi de retrouver physiquement le public, sur scène, après une longue attente ?

 

C’était une joie, je n’attendais que ça... Et je pense que c’était réciproque, un sentiment très fort. J’étais dans un très grand manque du public. Donc le retrouver, pour moi comme pour tous les artistes, c’est une très grande joie.

 

Comme une bouffée d’oxygène, quelque chose de vraiment revigorant...

 

Absolument, vous avez raison.

 

Comment le définiriez-vous ce lien qui vous unit au public ? VOTRE public ?

 

Comme je l’ai dit quand le manque est suivi de retrouvailles c’est toujours une très grande joie. Je vois cet attachement dans les commentaires que ceux qui me suivent m’envoient, sur les réseaux sociaux, etc. C’est très fort et j’ai la chance, moi qui chante depuis 50 ans, d’avoir un public vraiment fidèle qui souvent m’a vu débuter. C’est très précieux.

 

>>> Beau temps à Saint-Germain <<<

 

Avez-vous été surprise par l’accueil réservé par le public à telle ou telle chanson, celles notamment de votre récent album ?

 

Oui, je suis toujours surprise quand c’est un gros succès... Bien sûr, j’espère toujours que ça va marcher, et je suis très heureuse quand ça marche, de voir ce public si fidèle depuis si longtemps... C’est toujours très intense.

 

Avez-vous, au fil des dates, modifié, adapté votre tour de chant ?

 

Non il est le même partout. Je l’ai établi une fois pour toutes pour le présenter à Paris, en tournée... En général je ne le modifie pas.

 

Vous avez prévu de tourner dans toute la France justement ?

 

Je crois qu’elle est prévue et qu’elle est en train de s’organiser, ce sont les producteurs qui s’en occupent. Normalement ça doit se faire.

 

Vous serez aux Folies Bergères le 2 novembre. C’est un lieu qui vous est cher ?

 

Je ne me suis jamais produite aux Folies Bergères. C’est intéressant pour moi, parce que j’aime bien le théâtre à l’italienne, c’est un théâtre classique. L’acoustique est bonne en général dans ces lieux-là, on s’y sent proche du public, et c’est ce que je préfère, quand je suis seule au piano. Cela donne une intimité plus forte encore. Ma première fois dans cette salle, qui a vu défiler les plus grands noms, ce sera une émotion...

 

Et justement, avez-vous une affection particulière pour certaines salles où vous vous êtes produite ?

 

Bien sûr, les salles mythiques comme l’Olympia, le Casino de Paris, etc... On est ému par les âmes qui y ont laissé leur présence. On sent la force et l’intensité des souvenirs que les grands artistes ont laissés. Ce sont des salles qui sont habitées...

 

>>> Pays natal <<<

 

Petite anecdote : il y a quelques mois je déambulais dans les allées d’un disquaire, et une dame a demandé à un vendeur s’il avait des CD de Marie-Paule Belle. Moi je savais où était Un soir entre mille, alors je le lui ai tendu, geste auquel elle m’a répondu : "Merci mais j’ai déjà celui-ci. Elle n’est pas vraiment drôle dessus. Je préfère quand elle me fait rire". Ça vous fait plaisir que les gens vous associent essentiellement à des choses souriantes ?

 

C’est restrictif. J’aime quand mon public sait que j’ai ces deux facettes, la facette nostalgique et la facette humoristique. Mon panel est plus complet. Mais je ne vais pas renier La Parisienne, quand les gens me reconnaissent dans la rue, quand ils m’en parlent, qu’ils me sourient en me voyant... C’est une carte d’identité, et donner le sourire évidemment c’est agréable.

 

Y a-t-il eu ou y aura-t-il une captation de cette série de concerts, ne serait-ce qu’en audio ?

 

Pour l’instant je ne sais pas... On en a parlé, mais ce sont les producteurs qui décideront de cela. Je ne sais pas où aura lieu cette captation, si ce sera cette fois-ci ou plus tard. Mais ce serait sympa oui.

 

J’ai eu cette année la chance d’interviewer Serge Lama, mais aussi, peu avant son décès, Françoise Hardy. C’est quelqu’un que vous aimez ? Vous l’aviez croisée ?

 

Oh... Je ne l’ai jamais croisée, sauf une fois, il y a très longtemps, quand elle faisait des thèmes astrologiques pour une radio. Elle avait fait mon thème et me l’avait commenté à la radio. Mais pour son activité artistique, nous n’avons jamais été sur le même plateau, c’est incroyable d’ailleurs qu’en tellement d’années ça ne se soit jamais présenté ! J’aimais beaucoup ce qu’elle faisait, et je n’ai jamais eu l’occasion de le lui dire...

 

J’aimerais aussi vous interroger un instant sur une autre chanteuse, qui fête cette année ses quarante ans de carrière et qui est sans doute la plus grande star de France : Mylène Farmer. On imagine que vos univers musicaux sont assez différents et en même temps peut-être pas tant que ça... Et certains lui trouvent une filiation avec Barbara. Vous suivez, admirez son travail ?

 
Je ne la suis pas particulièrement mais j’admire l’impact qu’elle a sur son public, qui est très, très fidèle depuis des années. Elle reste toujours semblable à elle-même, avec un joli filet de voix et toujours énormément de présence sur scène. Je ne l’y ai jamais vue, mais il n’y a pas de hasard, et on n’a pas un public comme ça par hasard ! Un grand charisme...

 

>>> Comme les princes travestis <<<

 

Et vous avez des thèmes en commun... Je pense à Sans contrefaçon...

 

Bien sûr, avec Comme les princes travestis...

 

Est-ce qu’il y a des artistes pour lesquels vous aimeriez pouvoir composer une musique, ou écrire un texte ?

 

J’aimerais bien, mais on ne me le demande pas, je ne sais pas pourquoi... Les gens pensent peut-être que, quand vous avez un univers, vous ne vous intéressez qu’à vous-même (rires). C’est un peu dommage. Moi j’aime bien, au contraire, aller vers l’extérieur, rencontrer d’autres artistes, d’autres univers, et travailler en fonction de cela. Mais l’occasion ne s’est pas présentée.

 
J’espère vivement qu’elle se présentera !

 

Ah, mais moi aussi !

 

Et à propos, vous m’en aviez parlé l’an dernier : vous diriez que vous avez plus d’aisance à écrire une musique qu’un texte ? Plus de plaisir à faire la première que le deuxième ?

 

Oui, je prends plus de plaisir à écrire une musique, parce que c’est plus spontané. La musique arrive souvent, presque toujours, sans que je le veuille, sans que je le "commande". Mon univers c’est la musique depuis que je suis enfant, ça fait partie de moi. Les mots c’est plus difficile, mais quand je sens qu’il y a une émotion, un thème qui ne peuvent être traduits par quelqu’un d’autre, à ce moment-là je me mets à écrire mes propres mots. C’est alors mon langage à moi, peut-être moins littéraire, mais écrit avec sincérité par rapport à ce que je ressens.

 
Et quand vous avez besoin de prendre du temps pour vous, d’aller vers une forme d’introspection, ou tout simplement de création, vous le faites aussi plus naturellement par le piano que par la feuille de papier ?

 

Oui, absolument. Je laisse courir mes doigts sur le piano et parfois, de temps en temps, il arrive quelque chose, une mélodie qui me surprend. À ce moment, et ça peut arriver n’importe quand, je l’enregistre vite sur mon iPhone, pour pouvoir ensuite l’enregistrer sur mon piano.

 

>>> Les petits dieux de la maison <<<

 

Y a-t-il parmi vos chansons des textes si personnels que vous auriez du mal à envisager que quelqu’un d’autre que vous les chante ?

 

Peut-être des chansons plus personnelles, comme par exemple celles qui parlent de ma mère. Les petits dieux de la maison, des choses comme ça... Ce texte, Françoise Mallet-Joris l’avait écrit parce que je lui avais beaucoup parlé de ma mère, donc ça décrit bien cette réalité, et je ne le vois pas tellement chanté par quelqu’un d’autre. Mais je crois qu’en général la chanson est plutôt universelle, et comme je chante beaucoup de chansons d’amour, tout le monde peut les chanter.

 

Cette question je l’avais posée à Françoise Hardy, qui m’avait confié avoir du mal à imaginer que certaines chansons très intimes soient chantées par d’autres, et à Serge Lama qui lui était moins fermé à l’idée, considérant que chacun pouvait s’approprier une chanson tant qu’il le faisait avec du cœur.

 

Serge Lama a réellement vécu cela avec Je suis malade. On oublie que c’est Dalida qui l’a fait connaître. Il a ensuite continué sur la lancée...

 

À propos de Serge Lama d’ailleurs, il m’a dit qu’il n’avait pas forcément dans l’idée de refaire un autre album, est-ce que vous avez et allez essayer de le convaincre du contraire ?

 

(Rire) Je ne fais que ça ! Je n’arrive pas à le convaincre. Moi j’attends, comme tout son public. Mais vous savez, il n’arrête jamais d’écrire. Tout le temps, toute la journée. Pour sa compagne, pour moi-même parfois, des petits poèmes en SMS... C’est extraordinaire, la facilité et l’imagination qu’il a. Serge est tout le temps dans la création.

 

Espérons ! Et vous auriez envie de refaire des choses ensemble j’imagine ?

 

Bien sûr. C’est comme mon frère. Mes meilleurs souvenirs c’est avec lui, en tournée, dans ma jeunesse, c’était formidable.

 

Une belle amitié !

 

On s’aime beaucoup. Notre relation est vraiment très forte et particulière...

 

Octobre évoque évidemment Octobre rose et vous avez combattu on le sait un cancer du sein il y a peu. Qu’est-ce que vous auriez envie de leur dire, à vos sœurs de combat qui en ce moment luttent contre ce mal ?

 

Déjà, il faut se faire dépister, parce que c’est comme ça qu’on s’en rend compte. En tout cas, pour ce qui me concerne, c’est comme ça qu’on a détecté mon cancer du sein. C’est extrêmement important de se faire examiner... Il est aussi extrêmement important de se dire qu’on en guérit, à partir du moment où c’est pris à temps. Faites-vous examiner !

 

Et qu’elles ne baissent pas les bras surtout... Je crois avoir lu qu’il y avait eu des avancées dernièrement...

 

Oui il y a des avancées, et encore une fois, on en guérit. Il faut s’accrocher. La volonté et le mental sont très importants. Sur deux personnes atteintes des mêmes symptômes, celle qui va se laisser aller aura sans doute des chances amoindries par rapport à celle qui sera combative...

 

Et pour ce qui vous concerne, vous diriez que l’appétit de retrouver votre public a été un moteur...

 

Essentiel ! Je peux vous le dire : il n’y a que cela qui m’a fait tenir. Par rapport à la force, à l’intensité de ce qu’on vit sur scène, le reste est loin derrière. Moi, ça m’a maintenue en vie.

 

Beaucoup d’artistes présentent la scène comme une thérapie, une vraie thérapie...

 

Oui, vous savez, même quand, concrètement, physiquement, on a mal quelque part, quand on est sur scène, toutes les douleurs s’en vont. Moi je me souviens d’avoir chanté avec des glaçons sur le ventre pour ne pas avoir mal, et le lendemain on m’opérait en urgence d’une appendicite. On est comme transcendé.

 

>>> Celles qui aiment elles <<<

 

Autre question un peu intime. Sur votre précédent album il y avait une très belle chanson, Celles qui aiment elles. Est-ce que vous diriez qu’on a tout de même progressé vers une société de tolérance et d’apaisement à l’égard de l’homosexualité en Occident, ou pas tant que ça ?

 

Je ne pense pas... Je trouve que l’homophobie est grandissante, surtout avec le développement des réseaux sociaux, tous ces gens qui se cachent derrière un pseudonyme. Le fait de pouvoir s’exprimer anonymement libère beaucoup de violence, etc. Tout cela existait avant, bien sûr, mais c’est encore plus présent aujourd’hui, et ça m’est insupportable.

 

Qu’est-ce que vous auriez envie de dire aux gens qui vous aiment bien pour les inciter à venir vous voir sur scène ?

 

Déjà, à tous ces gens, notamment ceux qui me suivent depuis longtemps, qui aiment mes chansons, je veux dire merci. Le moment du partage est magique. Quand on est dans la création on est concentré sur la meilleure façon de partager une émotion. Pour tout, merci, vraiment.

 

Merci... et "venez me voir sur scène" ?

 

Oui ! (Rires) Surtout ceux qui ne me connaissent pas. J’espère ne pas décevoir ceux qui me connaissent. Leur montrer que je suis toujours la même, mais aussi différente, sinon ce serait lassant. Avec aussi des surprises, des ruptures qui font passer d’une émotion à l’autre, c’est ça qui est intéressant. Et à ceux qui ne me connaissent pas je veux dire : faisons connaissance !

 

C’est une belle réponse. Vous m’aviez dit la dernière fois avoir pas mal de textes en attente. Envisagez-vous dans un futur proche de sortir un nouvel album, ou au moins d’autres chansons ?

 

Pour l’instant non. Je suis dans la promo pour les Folies Bergères. Quand on est pris par la promo on a moins de temps pour la création. J’ai dû pour l’instant délaisser un peu mon piano...

 

Diriez-vous que vous avez atteint une forme de contentement, de bonheur aujourd’hui ? Êtes-vous heureuse ?

 

Oh oui... Mais est-ce que ça existe, le bonheur ? Le bonheur, c’est l’absence de malheur, alors... On a toujours des choses qui ne vont pas dans la vie, tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir. Il faut déjà savoir savourer ce que l’on possède. Ne pas systématiquement avoir des envies d’aller voir ailleurs... Moi je suis heureuse d’avoir ce que j’ai, et je dis merci pour tout ce qu’on me donne.

 

>>> La Parisienne <<<

 

Vous avez des envies ?

 

L’envie que ce soit toujours comme ça, avec de plus en plus de public, de partage, d’émotion vécue ensemble. Après, chacun reprend sa route avec son propre vécu, après avoir partagé le même rêve éphémère, dont on se souvient comme un rêve, ce qui est magique. Ce que je vis est extraordinaire, et je ne connais pas d’autre métier où ça existe. Du partage avec autant d’intensité, c’est formidable.

 

Et j’ajoute que vous avez mis en ligne depuis quelques mois l’essentiel de vos albums, ce qui peut permettre à des publics nouveaux de vous découvrir ou redécouvrir...

 

Oui, il y a beaucoup de jeunes qui ne me connaissent pas, ou qui connaissent La Parisienne par leurs parents. Encore une fois je ne la renie pas : elle est ma carte d’identité. Mais il y a d’autres climats, d’autres émotions que j’aimerais faire connaître au public qui ne me connaît pas.

 

>>> L’Enfant et la mouche <<<

 

Justement, à une jeune fille de 15 ans qui aimerait ou en tout cas serait curieuse de la chanson française, quelles chansons de vous lui suggéreriez-vous ?

 

La Parisienne est tellement moderne, je ne peux pas y échapper. Une autre que j’aime beaucoup, c’est Quand nous serons amis. D’autres avec des descriptions d’images qui sont très fortes et que j’ai toujours beaucoup aimées, comme L’Enfant et la mouche.

 

Très belle chanson sur l’indifférence et les cruautés qui passent pour anodines...

 

Et tout cela fait le monde tel qu’il est aujourd’hui... Merci à vous.

 

Si vous pouviez voyager dans le temps, et voir la petite Marie-Paule à 10 ou 15 ans, vous lui diriez quoi ?

 

(Rires) Continue... Ne t’occupe pas de ce qu’on dit autour.

 

>>> Amour et allergies <<<

 

Qu’est-ce que je peux vous souhaiter pour la suite ?

 

La même chose. En plus grand. En plus gros. Et en plus fort (rires) !

 

Parfait. Et merci. Avez-vous un dernier mot ?

 

C’est moi qui vous remercie d’avoir passé du temps avec moi.

 

L’album Un soir entre mille (2023), toujours disponible.

 

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4 octobre 2024

Clément Lagrange : « J'ai voulu mettre en avant le côté humain de Mylène Farmer... »

Le 1er octobre s’achevait, par trois dates exceptionnelles au Stade de France, la tournée monumentale Nevermore de Mylène Farmer. « Nevermore », une allusion directe au poème Le Corbeau d’Edgar Allan Poe, auteur cher au cœur de l’artiste : son show, comme son tout premier il y a trente-cinq ans, s’inspire largement de l’imagerie macabre de Poe. Mais « Nevermore », est-ce que ça signifie aussi « Jamais plus » ? Ambiguïté, forcément, peut-être levée, in extremis, à la fin du dernier concert, lorsque, des lettres de « NEVERMORE » n’ont plus subsisté que les quatre dernières : « MORE ». Alors, Mylène Farmer : encore ?

 

L’occasion est en tout cas parfaite pour vous présenter, via cette interview, l’ouvrage ambitieux qu’a écrit Clément Lagrange, que j’avais déjà interviewé il y a quelques mois (Mylène Farmer, journal d’un fan : Toutes les scènes 1989-2024 chez Hors Collection). Pour ce livre, il a pris le parti de passer en revue chacune des dates de concert de Mylène Farmer, depuis sa première à Saint-Étienne en 1989, jusqu’à 2023, juste avant le Stade de France. Pour chaque show, un récit précis, basé sur le recueil méticuleux de toutes les données actuellement disponibles, et sur ses propres souvenirs. Les fans aimeront forcément revivre tel ou tel show qu’ils ont aimé. Et c’est un document, le plus précis à ce jour sur la carrière live de la plus grande star française. Jetez-y un œil, en picorant comme ça, vous rentrerez vite dans l’ambiance, ou bien vous la retrouverez. En attendant son prochain retour. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Mylène Farmer, journal d’un fan : Toutes les scènes 1989-2024, Hors Collection, 09/2024.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU (Q. : 29/09/24 ; R. : 03/10/24)

Clément Lagrange : « J’ai voulu

 

mettre en avant le côté humain

 

de Mylène Farmer... »

 

Clément Lagrange bonjour. Comment t’est venu ce projet ambitieux et un peu fou de rassembler dans un livre l’ensemble ou presque des infos dont on dispose sur chaque date de concert de Mylène Farmer depuis ses tout premiers en 1989 ?

 

Bonjour Nicolas ! Depuis longtemps déjà, j’avais compilé et partagé beaucoup d’informations sur les représentations de plusieurs des spectacles sur le net. Quand je les partageais, on me disait régulièrement que ça serait une bonne idée d’en faire un livre mais je ne prenais pas cette idée au sérieux. Et puis, de tournée en tournée, j’ai écrit des récits de plus en plus précis et ai fini par me laisser séduire par l’idée. J’ai proposé l’idée à Hors Collection en début d’année et tout s’est fait très vite ensuite.

 

>>> Intro + Peut-être toi (2006) <<<

 

À qui s’adresse cet ouvrage dans ton esprit ? Intitulé Journal d’un fan, n’est-il pas surtout une "Chronique pour un fan ?", une mine d’info, une invitation à la nostalgie aussi pour que chacun se replonge ou se plonge dans un concert qu’il a connu, ou mieux qu’ il n’a pas connu ?

 

La formule est galvaudée mais ici c’est clairement un livre fait par un fan pour les fans. Il n’y a qu’un fan qui peut s’attacher à rechercher et rapporter autant de détails et il n’y a qu’un fan qui peut être intéressé par le résultat de ce travail ! L’idée principale qui m’a animé est que tous ces éléments qui s’envolent dès qu’ils ont eu lieu soient immortalisés, noir sur blanc. 

 

Comment t’y es-tu pris pour réaliser ce livre ? Et, notamment, sur quelle documentation t’es-tu appuyé ?

 

J’ai collecté, regardé, écouté l’ensemble des archives partagées par les fans au fil des années, et ce depuis très longtemps. Les vidéos amateurs sont nombreuses, et s’il en existe 10 pour une seule chanson d’un même soir, j’ai regardé les 10 car en multipliant les angles on peut parfois saisir un détail absent ou moins précis sur les autres sources. Plus on avance dans le temps et plus les dates sont documentées... voire archi-documentées ! Qu’il s’agisse de photos, d’enregistrements audios ou vidéos, tout est source d’information ! J’ai également retrouvé dans les fanzines plus anciens ou dans les commentaires de certains sites les souvenirs que partageaient des fans qui étaient présents de soir en soir en retenant ce qui était digne de l’être. C’est un travail de synthèse qui devait être fait un jour : c’est chose faite !

 

>>> Comme j’ai mal (1996) <<<

 

Raconte-nous un peu "ton" histoire personnelle avec Mylène Farmer ? Ça a démarré quand ? Sais-tu précisément combien de fois tu l’as vue en concert ?

 

Enfant, j’ai des souvenirs de Mylène Farmer à la télévision et des clips au Top 50 chaque samedi, évidemment. Mais c’est la sortie de l’album Anamorphosée à la rentrée 1995 qui m’a donné l’envie d’acheter mon premier disque - ce n’est pas rien, la première fois qu’on s’achète un disque ! Quant aux concerts, eh bien après un rendez-vous manqué en 1996, c’est avec le Mylenium Tour que j’ai pu la voir pour la première fois sur scène. Et depuis j’ai été fidèle à chaque rendez-vous, avec le plaisir d’assister à plusieurs représentations de chaque spectacle : de quoi multiplier les points de vue mais aussi, bien sûr, le plaisir d’être là !

 

Précisément y’a-t-il parmi toutes les entrées de ton ouvrage des dates particulièrement chères à ton cœur, pour des raisons que tu voudrais raconter ou pas d’ailleurs ?

 

Non. J’ai abordé chaque date de la même manière, "à froid" si je puis dire ! Ou du moins purement d’un point de vue factuel. Mais bien sûr, pour toutes les dates où j’étais présent, j’ai pris plaisir à ajouter des petits détails que j’avais gardés en mémoire et qui, à défaut d’avoir été captés d’une façon ou d’une autre, se retrouvent aujourd’hui immortalisés !

 

>>> Sans logique (2019) <<<

 

Des concerts en particulier que tu aurais adoré vivre ?

 

Je n’ai pas vu "en vrai" les deux premiers. Mon préféré restera toujours le Tour 96 et je regrette de n’avoir pu le voir. Chaque date était folle, pleine de spontanéité et de surprises... À l’époque, une partie de la tournée avait été reportée suite à l’accident de Mylène Farmer sur scène mais je n’ai pas perdu au change puisqu’à la place j’étais allé applaudir Céline Dion !

 

On va en reparler. Ce qui ressort de cette masse d’info c’est me semble-t-il l’image de shows "farmeriens" moins réglés au millimètre qu’on ne pourrait le croire, ce qui in fine rend la chose plus humaine : il y a des cafouillages au niveau des musiciens ou de la technique, elle se plante parfois dans les paroles et souvent se laisse déborder par ses émotions. C’est vraiment cet aspect que tu veux mettre en avant avec ce livre ?

 

Oui, exactement. On a sans cesse recours aux termes "show millimétré", "spectacle à l’américaine" mais on oublie toujours une composante essentielle : la dimension humaine. Au milieu de toute cette machine très calée, Mylène Farmer reste toujours très humaine et spontanée. Quant à la technique, elle n’est pas infaillible et cela donne parfois lieu à des petits moments de complicité avec le public quand un élément déraille !

 

>>> Libertine (1989) <<<

 

Comment expliques-tu sa longévité exemplaire, et surtout celle du lien si particulier, cette espèce de communion qu’elle a su tisser avec ses fans ? Est-ce qu’à cet égard, 1989 a été l’année où tout s’est décidé ?

 

Le public ne s’y trompe pas : Mylène Farmer est sincère dans tout ce qu’elle fait. Sa personnalité, mélange d’inhibition et d’extravagance, est probablement ce qui fait la différence d’avec d’autres artistes et fait qu’on a plaisir à la suivre et la retrouver : elle est très attachante ! Le spectacle de 1989 est fondamental dans sa carrière, car elle a probablement découvert dès le premier soir qu’elle pouvait le faire, qu’elle avait ça en elle et, comme elle l’a dit, elle y a pris goût de date en date. Elle s’est sans doute révélée à elle-même en même temps que le public a découvert une artiste de scène unique.

 

>>> Ainsi soit je (1989) <<<

 

Elle flanche presque tout le temps émotionnellement parlant sur des chansons qui lui sont très personnelles ou lui parlent au cœur : Ainsi soit-je, Rêver, Laisse le vent emporter tout (inspirée par son père décédé), Pas le temps de vivre (inspirée par son frère décédé). Comment toi ressens-tu et analyses-tu ces moments-là ? Elle s’y livre vraiment ?

 

Sans aucun doute, ça convoque des choses très personnelles chez elle. C’est très dur à décrypter et je ne m’y risquerai pas : c’est son petit monde intérieur et le partager sur scène face à des milliers de personnes doit en effet être très fort émotionnellement. Ca pourrait être très impudique mais finalement ça devient un grand moment de partage.

 
 
Avis perso, son vrai hymne, son chant de ralliement, de communion avec le public, c’est Désenchantée, ou bien c’est Rêver ?

 

Je ne saurais pas forcément quoi répondre, à part peut-être un constat amusé : Désenchantée est son tube qui fait danser alors que les paroles sont empreintes de pessimisme, alors que Rêver fait pleurer malgré ses paroles lumineuses et positives !

 

>>> Rêver (2013) <<<

 

Question que beaucoup de gens se posent : chante-t-elle toujours en live ?

 

Tous les petits savonnages dans les paroles que j’ai relevés dans mon livre (lapsus, erreurs, oubli...) parlent d’eux-mêmes. On en revient d’ailleurs à la dimension humaine. Il faut cependant prendre en compte que les spectacles tels que Mylène Farmer les conçoit sont joués avec des programmations qui contiennent beaucoup d’éléments pré-enregistrés, tant musicaux que vocaux ce qui parfois peut provoquer de la confusion chez certains spectateurs qui s’étonnent d’entendre sa voix alors qu’on ne la voit pas chanter. En cela, ses spectacles sont bien équilibrés puisqu’ils laissent toujours la place à des titres interprétés en configuration 100% live, voix et musique. Je trouve toujours injuste quand, sans chercher plus loin que le bout de leur nez, certains crient un peu vite au playback alors qu’il faudrait au contraire saluer la préparation vocale qu’entreprend Mylène Farmer à chaque spectacle.

 

Tu rends hommage, par le détail, à toutes ses équipes, musiciens, danseurs, etc. Qui faut-il citer absolument ?

 

Absolument ? Mais tout le monde ! Mylène Farmer le fait d’ailleurs régulièrement sur scène, elle a cette reconnaissance des équipes qui l’entourent et n’hésite jamais à les mettre en avant. Dans le monde du spectacle, il y a certes une tête d’affiche, mais sans musiciens, sans danseurs, sans techniciens, pas de concert non plus !

 

>>> Avant que l’ombre (2006) <<<

 

Quels auront été pour toi, ses grands moments de gloire en concert, s’agissant notamment des mises en scène ?

 

Chaque spectacle a vraiment son moment marquant, ça me paraît difficile d’en extraire un plutôt qu’un autre. Dans la bouche des fans, c’est la sortie de scène d’Avant que l’ombre... à Bercy qui revient le plus. C’est un final splendide, c’est vrai. Et à lui seul il résume le talent des mises en scène pensées par Mylène Farmer et Laurent Boutonnat : en soi, elle ne fait rien d’autre que monter un escalier mais pourtant c’est sublime et intense. Des adjectifs qui peuvent aussi décrire sa remontée en milieu de show depuis le centre du Stade de France vers la scène principale lors de la version outdoor de sa tournée de 2009 : en plus de la charge émotionnelle que cette procession au milieu de la foule revêtait, il y avait la force du visuel avec une haie d’honneur de lumière sur son passage, deux transis majestueux qui se dressaient. Quelle force ! Et puis je voudrais aussi citer l’entrée en scène du Mylenium Tour, magnifiquement pensée, avec chaque étape de la scénographie qui épouse la musique. N’oublions pas non plus la fin du spectacle de 2019 au son de "L’Horloge" où Mylène traversait un rideau de flammes avant de disparaitre en haut d’un brasier : là aussi, sublime et intense.

 

>>> Intro + L’Amour naissant (1999) <<<

 

Les titres qu’à la faveur d’orchestrations nouvelles ou d’un emploi récurrent elle aura su magnifier sur scène ?

 

Tu fais bien d’aborder ce sujet, car si les productions studio de Mylène Farmer sont toujours extrêmement travaillées, il faut reconnaitre que certains titres de son répertoire ont été sublimés par le live. Je pense par exemple à une chanson comme Je t’aime Mélancolie qui, pour moi, a vraiment trouvé sa bonne tonalité lorsqu’elle a été interprétée pour la première fois sur scène. Elle a gagné quelque chose de plus direct et d’ailleurs, la chanson est restée dans cette tonalité sur toutes ses interprétations suivantes. Il en va de même pour "Désenchantée" qui avec une orchestration farouchement live comme celle du Tour 96 dégage une énergie indépassable. C’est très vrai qu’à chaque nouveau spectacle, on attend de découvrir les réarrangements des anciennes chansons -enfin, moi le premier en tout cas ! Je reconnais d’ailleurs être moins friand du travail proposé dans ce domaine par Olivier Schultheis sur les deux derniers shows en date...

 

>>> Je t’aime mélancolie (1996) <<<

 

Ceux qui, à titre personnel, te touchent le plus ? En somme ton panthéon "farmerien" ?

 

Ma chanson préférée est Laisse le vent emporter tout, alors la voir intégrer la version stades du show de 2009, faire son retour après tant d’années sans avoir été interprétée, c’était forcément une surprise toute particulière pour moi !

Ainsi Soit Je... est toujours un moment fort aussi, surtout avec ce très bel arrangement créé en 1996 et qui pour moi surpasse, là encore, la version originale de la chanson.

 

>>> Laisse le vent emporter tout (1996) <<<

 

Tu viens d’assister aux derniers concerts au Stade de France, avec Seal en super guest pour interpréter leur titre Les Mots. Sais-tu ce que tu aurais écrit d’autre sur ces shows ?

 

La présence de Seal et l’ajout de leur duo, incarné pour la première fois sur scène ensemble, est bien sûr le fait le plus notable mais il y a eu aussi plein, plein de petits détails sur chacune des trois représentations que je prendrai plaisir à rapporter, c’est certain !

 

Après ça, ton avis personnel : "NEVER MORE" ?

 

En jouant autant la carte du retour aux sources, il y avait en effet de quoi se poser la question jusqu’au bout. Mais dans les derniers instants de la dernière représentation, Mylène semble avoir répondu elle-même à la question en faisant disparaître les premières lettres du mot sur l’écran qui referme la scène pour ne laisser exceptionnellement que le mot MORE. Une façon amusante et complice avec le public de dire que ce n’est pas fini !

 

>>> Que je devienne (2023) <<<

 

Comment rangerais-tu ses huit saisons de concerts depuis 89 d’après tes préférences et ta sensibilité personnelles, en prenant en compte non pas la spécificité de chaque lieu, mais les setlists et les mises en scène ?

 

Je ne suis pas très bon dans l’exercice du classement, je ne vais pas m’y risquer. Simplement, le Tour 96 reste mon préféré à tous les niveaux et Timeless 2013 celui où j’ai le moins trouvé mon compte. Mais c’est à porter à son crédit : en me replongeant dans chacune de ses 39 dates pour mon livre, j’ai revu mon jugement avec un peu moins de sévérité.

 

>>> Dessine-moi un mouton (1999) <<<

 

Si tu pouvais à l’occasion de cette interview lui poser une question ou juste lui envoyer un message, ce serait quoi ?

 

Oh, pas de long discours, juste lui dire : chapeau... et plaisir partagé à chaque fois !

 

>>> Hymne à l’amour (2024) <<<

 

Céline Dion a ébloui une bonne partie de la planète avec sa reprise de l’Hymne à l’amour de Piaf, durant la cérémonie d’ouverture des JO de Paris. Crois-tu qu’on la reverra prochainement sur des scènes, comme avant ?

 

C’est certain que sa prestation sur la Tour Eiffel et plus globalement son séjour à Paris, elle qui n’avait plus quitté l’Amérique du Nord depuis cinq ans, est un signal fort sur sa volonté de reprendre le cours de sa carrière. Lors de l’une de ses interventions, elle n’a d’ailleurs pas caché travailler à monter un nouveau spectacle, mais curieusement ça n’a pas été tant relevé que ça. Donc, oui on va la revoir sur scène, c’est sûr. Maintenant, quand et surtout où, c’est la question... ! Une chose est absolument certaine : elle en a envie et, sans prétendre parler à sa place, elle en a probablement aussi besoin.

 

Quels arguments pour le fan, et surtout pour le non fan, pour qu’ils donnent sa chance à ton livre ?

 

Pour les fans, la promesse est unique : celle de revivre les concerts où ils sont allés et pouvoir vivre les dates qu’ils n’ont pas faites. C’est assez unique ! Et puis l’idée du livre est aussi d’être participatif. Il n’y a pas de prétention à l’exhaustivité, alors si les lecteurs ont des souvenirs qui ne sont pas présents dans ces récits, ils sont les bienvenus pour les partager -c’est déjà arrivé depuis la sortie- et peut-être aurai-je l’occasion de les ajouter dans le futur.

Pour le non-fan, s’il a la curiosité de jeter un œil à quelques entrées, il aura sans doute une idée différente de Mylène Farmer sur scène, sans doute plus spontanée qu’il le croyait.

 

Tes projets et surtout tes envies pour la suite ?

 

J’aimerais beaucoup refaire quelque chose sur Céline Dion, plutôt sous l’angle des chansons, cette fois. Et puis autour de Mylène Farmer, j’ai le plaisir de participer à un projet très enthousiasmant sous une forme qui n’a encore jamais été abordée pour parler de sa carrière. Il est en train de se monter. Quant au podcast Histoires de...Mylène Farmer dont je m’occupe avec d’autres, eh bien il nous reste à mes complices et à moi-même à traiter le dernier album et le dernier spectacle en date : ça sera bientôt chose faite !

 

>>> Désenchantée (2009) <<<

 

Un dernier mot ?

 

Toujours le même : quand on aime la musique, on aime toutes les musiques !

 

 

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