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Paroles d'Actu
16 octobre 2014

Jeunes centristes : Déclarations d'indépendance

   « Lors de son retour - officiel - sur la scène publique, Nicolas Sarkozy a fait part de sa volonté de recréer un grand parti qui puisse rassembler, en son sein, de larges pans de la droite et du centre-droit. Vous comptez parmi les jeunes militants centristes : j'aimerais vous demander ce que devraient être, à vos yeux, les orientations programmatiques et stratégiques ; le positionnement original sur l'échiquier politique de votre famille politique dans les années à venir ? En quatre mot comme en trente : quel centre pour demain ? ».

   Je remercie ceux qui, parmi les jeunes militants MoDem et UDI que j'ai contactés, ont accepté de répondre à cette question ; d'apporter à cet article leur contribution, pour Paroles d'Actu. Ils ne se sont pas concertés avant d'écrire, chacun, la sienne mais, prises collectivement et par-delà les « chapelles », elles sonnent résolument - davantage, sans doute, que les mots de leurs aînés - comme une déclaration commune : une double déclaration d'existence et d'indépendance. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

UNE EXCLUSIVITÉ PAROLES D'ACTU

Jeunes centristes Déclarations

d'indépendance

 

UDI MoDem 16-9

 

 

Antoine Carette

Antoine CARETTE

A. Carette est président des Jeunes Démocrates (branche jeunes du MoDem).

 

« Travaillons ensemble,

pas chacun pour sa chapelle »

 

   Le Centre a sa propre identité. Ce n'est pas le ni-ni comme on l'entend encore trop souvent. Non, le Centre n'est pas mou et doit continuer à porter son message singulier pour continuer à exister. Ce message est assez simple : c'est par le travail en commun de toutes les énergies modérées, des sociaux-démocrates à la droite sociale en passant par les libéraux que nous devons redresser la France. Bref, dialoguer et travailler ensemble plutôt que pour sa chapelle !

   C'est un message difficile à faire entendre dans la Vème République car les règles électorales (scrutins majoritaires) ont créé petit à petit les concepts complètement abstraits de "peuple de gauche" et "peuple de droite" qui s'opposent. J'aimerais savoir combien de Français se reconnaissent dans l'un de ces camps ! Aujourd'hui notre pays meurt de ce manque de pluralisme, des postures qui étouffent le fond, la réflexion, et l'intérêt général. Sarkozy propose de créer l'UMP, car c'est ça, ni plus ni moins, que sa volonté de fondre le centre et la droite dans un même bloc. On a vu le résultat de la création de l'UMP depuis 2002...

   Le Centre, dans les années qui viennent, devra retrouver la confiance des citoyens. Aujourd'hui, les Français se détournent de la politique, la démocratie vascille. Or sans participation des citoyens, sans adhésion des Français à un projet, il ne peut pas y avoir de démocratie, il ne peut pas y avoir de redressement.

   Le Centre devra continuer à porter ce message pourtant tellement évident, que nous avons besoin de toutes les forces vives de ce pays pour le reconstruire. Je pense aux jeunes entrepreneurs, aux créateurs, inventeurs, qui sont aujourd'hui anéantis par la lourdeur administrative. Je pense aux professeurs : l'Éducation est la base de toute société en bonne santé. Il faut créer du travail - plus que de l'emploi - pour que chacun puisse se sentir utile et vivre dignement. Pour cela, il faut libérer les énergies, encourager les initiatives. Bref, il faut sortir des postures de clan, regarder la réalité avec honnêteté pour réparer et changer ce qui ne fonctionne pas !

 

Propos recueillis le 03/10/14

Retrouvez Antoine Carette sur Twitter...

 

 

Romain Cherrier

Romain CHERRIER

R. Cherrier, conseiller municipal à Ennordres (Cher),

est prés. du MoDem Sciences Po et responsable de com. chez les Jeunes Démocrates.

 

« Faisons le choix de la liberté ! »

 

   Nicolas Sarkozy a émis l’idée de rassembler droite et centre sous un même parti. Cette stratégie n’est absolument pas une option envisageable pour nous. La démarche initiée par Nicolas Sarkozy s’apparente plus à celle d’une OPA sur le centre qu’à celle d’un rapprochement cohérent entre deux formations politiques. Or je suis persuadé que pour exister, le centre doit rester à tout prix libre et indépendant. Quelle qu’en soit la difficulté, quels qu’en soient les obstacles, et ils sont nombreux sous la Vème République, le centre doit rester autonome. Dès lors que le centre s’affilie à un grand parti de droite, il perd son identité, sa liberté, sa raison d’être.

   La question qui se pose pour le centre est toute simple : faisons nous le choix de la cohérence et de la liberté ? Choix qui requiert du courage et beaucoup de détermination. Ou faisons nous le choix de la soumission et de la facilité ? Choix qui apporterait un plus grand nombre d’élus et des financements plus importants grâce à des accords qui seraient passés en coulisse. À mes yeux, le choix que nous devons faire est évident : c’est celui de la liberté !

   Le système constitué de deux grands partis qui monopolisent la Vème République nous a déjà conduit à suffisamment de dérives et d’échecs. Les Français ne croient plus en la politique et les deux principaux partis ont une immense part de responsabilité dans cette situation. Dès lors, pourquoi suivrions-nous un modèle qui ne fonctionne pas depuis plus de 30 ans ?

   La vocation même du centre est justement de proposer une offre alternative en dépassant le clivage gauche-droite. Le débat politique français ne peut pas se cantonner à un débat entre l’UMP et le PS. L’existence d’un centre fort et indépendant, c’est le meilleur rempart possible face à une simplification mortifère, populiste et dangereuse des débats qui n’aurait d’autre conséquence que d’assurer la victoire au Front national.

   Concernant nos orientations programmatiques, là encore, elles s’entrechoquent frontalement avec les valeurs qu’incarne Nicolas Sarkozy. La course à l’extrême droite durant la campagne de 2012, l’obsession de l’immigration et des frontières, la conception de l’argent comme seule source de réussite, ce sont des éléments qui ne sont pas compatibles avec les valeurs humanistes du centre. Enfin, la moralisation de la vie politique est l’un des grands combats du Mouvement démocrate. Là encore, il y a une incompatibilité évidente au vu de toutes les « affaires » du moment (accusation de financement libyen de la campagne de Sarkozy en 2007, arbitrage Tapie, affaire Bygmalion…)

   En somme, travailler ensemble avec les modérés de gauche et de droite à la reconstruction du pays, oui ! Se ranger dans l’orbite d’un grand parti tel un satellite pour y perdre notre liberté et pour renouer avec les vieilles habitudes et les vieilles dérives des grands partis sous la Vème République, non !

 

Propos recueillis le 01/10/14

Retrouvez Romain Cherrier sur Twitter...

 

 

François-Xavier Hen

François-Xavier HEN

F.-X. Hen est membre du bureau de l'UDI Jeunes de Paris.

 

« Réhabilitons le collectif »

 

   Comme souvent chez les souverainistes, Nicolas Sarkozy est généreux de décisions appartenant à d'autres. S'il se présente à la tête de l'UMP, pour quelle raison un autre parti, l'UDI, se rangerait-elle derrière lui ? Pourquoi ne lui reviendrait-il pas d'épouser les valeurs du centre-droit s'il souhaite que le centre-droit le suive ? Hors de question d'être dans le même parti qu'un candidat qui, en 2012, a évoqué une sortie de Schengen et a fait un éloge de la frontière. Ceux qui souhaitent le rejoindre n'ont qu'à adhérer à son mouvement directement, l'UDI n'admet pas la double appartenance.

   Cette stratégie du parti unique a non seulement échoué électoralement, mais elle témoigne en plus d'un mépris manifeste pour les idées que nous défendons. Quelle considération pour la dette publique de la France le « grand parti de la droite et du centre » a-t-il eu depuis qu'il existe ? Quel fédéralisme européen a-t-il promu depuis 2002 ? Quelle évolution sociétale a-t-il ne serait-ce qu'accompagnée toutes ces années où il était au pouvoir ?

   L'Union des Démocrates et Indépendants défend une république fédérale d'Europe contre les franco-béats qui orchestrent la sortie de l'Histoire de notre nation. Afin de protéger les intérêts et les droits des citoyens européens dans la mondialisation, mais aussi d'offrir au monde ce modèle, imparfait et cependant fonctionnel, d'un continent apaisé et relativement prospère, entièrement régi par le droit.

   Elle défend une décentralisation du territoire national, par démocratie, par efficacité et par bienveillance, quand la centralisation n'est qu'un mode de gestion par la crise et pour les crises. Elle promeut une république exemplaire, une démocratie réellement représentative, et un État de droit irréprochable ; une transparence puissante pour chaque élu ; et par dessus tout une lutte féroce contre la corruption, dont la moindre manifestation avilit toute notre société. À ce prix seulement pourrons-nous renvoyer les extrêmes dans les poubelles de l'Histoire, et engendrer estime et confiance chez nos compatriotes pour leurs élus.

   Je n'ai pas retrouvé ces propositions ailleurs qu'à l'UDI. À aucun autre endroit on ne m'a proposé un social-libéralisme tempéré à l'européenne, c'est-à-dire dans la compétition qui stimule, mais dans la solidarité qui unit ; promouvant l'idéal coopératif au sein d'entreprises qui rapprochent salariés et dirigeants.

   Dans aucun autre mouvement je n'ai eu le plaisir d'écouter une jeune sénatrice, ne faisant pas de la politique son métier, parler d'écologie de manière responsable et non dogmatique, afin d'engendrer une croissance durable et non-délocalisable.

   Le centre-droit aura son candidat en 2017. Ainsi nous pourrons démontrer aux Français que nous seuls anticipons véritablement l'avenir : parce que nous avons l'ouverture d'esprit suffisante pour précéder les évolutions sociétales sans susciter de peurs infondées ; parce que nous voyons dans l'éducation de nos citoyens un investissement stratégique aux bénéfices matériels comme immatériels ; parce que nous proposons une société collaborative de transparence, d'efficacité et de communication en réseau qui permettra enfin à notre pays, notre société et notre continent de faire face aux défis mondiaux qui se présentent.

   Rien ne se fait sans les individus, rien ne dure sans les institutions, disait Jean Monnet. À nous d'être ces personnes qui créeront les structures durables d'un monde meilleur. Y'a du boulot !

 

Propos recueillis le 09/10/14

Retrouvez François-Xavier Hen sur Twitter...

 

 

Vincent Fleury

Vincent FLEURY

V. Fleury est conseiller municipal de Montrouge (Hauts-de-Seine)

et vice-président des Jeunes Démocrates.

 

« Changeons et nous gagnerons

notre indépendance »

 

   Nicolas Sarkozy souhaite créer un grand parti de la droite et du centre, mais il échouera. L’UMP avait, à l’origine, la même ambition et s’y est cassée les dents. Le centre n’est pas et ne sera jamais la droite. Le centre a des valeurs propres et vocation à être indépendant. Pourtant, nous ne le sommes pas. Pas encore. Sans aller jusqu’à nous fondre dans un parti unique, nous devons pour le moment nous allier à la droite, et parfois à la gauche, pour exister. Cette contrainte existera tant que nous ne représenterons pas au moins 20% des électeurs, tant que nous ne pourrons pas amener un candidat au second tour de la présidentielle. Pour ce faire, l’alliance avec la droite ne peut pas être une fin en soi. La conquête de ces 20% doit l’être. Ces 20% sont notre indépendance, notre graal.

   Nous pesons aujourd’hui 10% de l’électorat. C’est peu ou prou notre base, et plus peu que prou. Trop peu, évidemment, pour pouvoir peser. Ce déficit de popularité a des causes multiples. Nous pouvons bien sûr accuser les institutions, qui ne nous permettent pas d’avoir une juste représentation à l’Assemblée, créant ainsi le cercle vicieux « absence de poids/déficit d’image/absence de votes ». Mais nous gagnerions à voir la réalité en face. Nous sommes en grande partie responsables de nos échecs. Je suis convaincu que nous ne changerons ni la politique, ni la France, si nous ne sommes pas capable de nous remettre en question. Je crois que nous avons trois caps à suivre pour réformer le centre et lui donner la place qu’il mérite.

   Premièrement, il faut un centre offensif. Nous devons enterrer l’image de centre mou. Nous ne sommes pas des ni-ni, pas plus que des oui-oui. Nous avons nos propres idées, nos propres valeurs. Nous devons les défendre. Quand Montebourg récupère le « produire en France » de la campagne présidentielle de Bayrou, nous devons rappeler avec acharnement que nous sommes à l’origine de ce combat et qu’il ne doit pas se faire sans nous. De la même façon, n’ayons pas peur de nous exprimer sur l’immigration, l’écologie, comme sur l’ensemble des sujets spoliés par d’autres partis. N’ayons aucun tabou et parlons avec force de tout ce qui préoccupe les Français. Car nous avons d’autres ambitions que celle de stagner à 10% de voix. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de nos derniers scores, même s’ils marquent une légère progression. Nous avons vocation à être le parti majoritaire, à regrouper autour de nous les réformistes de droite comme de gauche, et à faire gagner notre candidat à l’élection présidentielle. Nous devrions être la principale force politique français. Considérons nous comme tel et peut-être qu’alors, les citoyens nous considéreront ainsi !

   Deuxièmement, il faut un centre proche des gens, sur le fond et sur la forme. Cette proximité, nous la recherchons, nous la fantasmons, mais nous sommes incapables de l’avoir réellement. Beaucoup d’entre nous font de grandes études, se lancent dans une carrière exclusivement politique, théorisent les problèmes du quotidien mais ne les pratiquent pas. Nos programmes politiques, pertinents et pragmatiques, rivalisent d’intelligence, campagne après campagne. Mais cette intelligence est trop souvent celle des hautes sphères technocratiques, brillantes et lointaines. Comme les étoiles du ciel, leur lumière met des années à parvenir et éclaire bien trop faiblement. Ce n’est pas ainsi que nous réchaufferont les cœurs de nos concitoyens. De plus, pour beaucoup de centristes, simplicité et proximité sont synonymes de démagogie. Ceux-là ont peut-être raison, mais qu’importe ! Acceptons notre part de populisme, vulgarisons-nous. Vulgariser, dans le bon sens du terme, c’est donner envie d’en savoir plus, c’est finalement tendre à la finesse, pousser à la curiosité. C’est toucher le cœur pour atteindre l’esprit. Cet atout cœur, c’est celui qui nous fait cruellement défaut aujourd’hui, alors que nous avons le reste des cartes en main.

   Troisièmement, il faut un centre bienveillant. Nos valeurs le sont, pas nous. Nous prétendons changer la politique, mais nous sommes aussi politiciens que les autres. Nos guéguerres internes sont indignes, nos responsables cumulent tout en défendant le non-cumul, et certains prétendent agir pour l’intérêt général mais souhaitent l’échec des gouvernants - donc l’échec de la France - pour pouvoir prendre le pouvoir à la prochaine élection… Comme les socialistes, nous ne sommes pas à la hauteur de nos idées. Je crois que pour changer le centre, il faut aussi changer cela. Les citoyens attendent d’abord de nous que nous ayons un regard différent mais positif sur les camps adverses. Comment prôner une union nationale si nous leur tapons sans cesse dessus, si nous sommes incapables de reconnaître qu’ils ont parfois raison ? Je suis de ceux qui pensent que dans l’expression « opposition constructive » la notion de construction est plus importante que celle d’opposition.

   Nos électeurs potentiels attendent aussi que nous arrêtions de nous donner en spectacle. Nos guerres d’égos sont irresponsables. Nous réclamons souvent des gouvernants qu’ils fassent de grandes réformes quitte à sacrifier leur popularité, et parfois leur poste, pour le bien commun. Or comment pourrions-nous avoir ce courage une fois au pouvoir si, déjà en interne, nous privilégions notre carrière au détriment de l’union – et donc de la réussite – de notre camp ? L’extrême droite comme l’extrême gauche capitalisent sur l’agressivité et le ressentiment, le PS et l’UMP sur le rejet de l’autre camp, mais personne n’a une démarche bienveillante envers soi et envers les autres. Il y a sans doute là quelque chose à faire, une singularité à marquer, un créneau à prendre.

   Un centre offensif, proche des gens et bienveillant, voilà qui ferait bouger les lignes. Je sais bien que Rome ne s’est pas faite en un jour, et que ce ne serait pas une petite (r)évolution pour notre famille politique, mais je suis convaincu que sa reconnaissance et son indépendance sont à ce prix. Tant que nous ne changerons pas, nous ne pourrons pas demander aux gens de changer leur regard sur nous.

 

Propos recueillis le 05/10/14

Retrouvez Vincent Fleury sur Twitter...

 

 

Vincent Métivier

Vincent MÉTIVIER

V. Métivier est président des Jeunes UDI des Hauts-de-Seine

et délégué national des Jeunes UDI (aux réseaux et relations institutionnelles).

 

« Révolutionnons-nous pour

transformer la société »

 

   La dernière décennie a été pour le Centre en France une période d’expérimentations politiques – si on peut le dire ainsi –, source de nombreuses désillusions. Nous avons tenté la fusion avec la droite républicaine, nous y avons perdu notre identité et notre singularité, devenant inaudibles et incapables d’imposer nos idées. Nous avons également tenté de créer une force centrale, se défiant du clivage droite/gauche, mais constamment contrariée par des alliances tactiques aussi nécessaires que chaotiques. Cela n’a été que des échecs cuisants.

   Ce n’est qu’en 2012, avec la création de l’Union des Démocrates et Indépendants (UDI), que le Centre a retrouvé une voix forte, un positionnement clair et les capacités de peser à nouveau dans le paysage politique français. La meilleure preuve de cela, ce sont les succès électoraux enregistrés depuis lors par l’UDI, à toutes les élections, montrant que nous avons réinvesti un espace politique délaissé et répondu aux attentes d’une part de la population. En deux ans seulement, nous nous sommes rehaussés au rang de troisième parti de France !

   Pourtant, nous ne pouvons pas céder à l’euphorie et à l'autosatisfaction, le contexte actuel ne s’y prête pas. Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon… quel que soit le meneur de la droite en 2017, celui-­ci voudra avoir le Centre sous sa coupe pour s’assurer la victoire. C’est pour nous une menace délétère. Nous ne voulons pas d’une une fusion/absorption, nous avons déjà été échaudés. L'indépendance est la clef de notre existence. Et puis, il y a la vigueur grandissante de l’extrême droite, l’aggravation de la situation socio­-économique du pays, l’affaiblissement inquiétant de l’Union européenne… Plus que jamais, le Centre a un rôle crucial à jouer et nous devons nous y préparer.

   D’abord, en maintenant une ligne politique claire, au centre­-centre droit. Comme le théorise finement Jean­-Louis Bourlanges, nous ne pouvons nous allier ni avec la gauche archaïque française, qui n’est pas encore parvenue à se défaire de ses réflexes socialo-­communistes, ni avec une droite trop conservatrice, complaisante voire compromise avec l’extrême droite. Par ailleurs, la configuration des institutions de la Vème République, poussant au bipolarisme, ne nous permet pas de progresser seuls.

   L’enjeu pour le Centre, dans les mois et les années à venir, est donc d’atteindre une masse critique, de fédérer largement pour devenir l’un des pivots incontournables du paysage politique, de susciter des ralliements plutôt que d’y être nous-­mêmes contraints. Pour y parvenir, nous devons faire notre propre révolution – au double sens étymologique de rupture et de retour à des fondements originels – pour révolutionner ensuite la société française. Cet aggiornamento centriste impose de relever plusieurs défis difficiles.

   En premier lieu, devenir un parti de masse et non plus un parti de cadres. Les centristes n’ont pas vraiment la fibre militante. Il y a un travail conséquent de formation à réaliser pour créer et développer cet état d’esprit militant, qui revient à considérer qu’après l’étape de la réflexion et l’esquisse de grandes idées, il y en a une autre : l’étape déterminante du terrain. Nous devons surmonter l’atavisme centriste de l’« intellectuel immobile ». Il faut convaincre, défendre soi-­même ses idées, se rendre visible et apprendre à communiquer, recruter et multiplier les effectifs, les relais…

   En second lieu, il nous faut impérativement développer et proposer une vision concrète et cohérente du monde et de l’avenir. La France souffre aujourd’hui d’avoir des partis politiques aux idéologies rances, qui ne proposent plus une manière globale d’envisager la société et de la réformer, prostrés sur des visions fragmentaires et généralement fallacieuses. Les Français ont envie de croire en l’avenir, de croire que tout peut et va s’améliorer, mais personne ne suscite plus cet espoir, hormis les extrêmes.

   Le Centre est en capacité de réunir derrière lui une majorité de citoyens, car le pragmatisme qui le caractérise est à la fois ce qui peut créer le plus d’engouement et répondre avec efficacité aux problèmes de notre société. Pragmatisme politique ne signifie pas consensus mou. C’est au contraire affirmer avec vigueur que la solution au bénéfice de l’intérêt général n’est pas un juste milieu entre les exagérations des uns et des autres, qu’elle se situe ailleurs.

   Nous devons par conséquent proposer un nouveau modèle de société, fondé sur un retour aux valeurs premières de notre République. Il est intolérable que l'idéal républicain, la Patrie, la laïcité… soient aujourd’hui des thèmes largement abandonnés. Pire, profitant de ce vide, c’est le Front national qui s’en saisit par opportunisme, allant ainsi à contre­-courant de tout le passif historique de l’extrême droite. Les centristes doivent réinvestir ce domaine politique, être les nouveaux « hussards de la République » et soumettre au vote des Français un programme structuré, ayant pour fondement la revivification de la République et son adaptation au XXIème siècle.

   Jean-­Louis Borloo a tracé des voies innovantes qui méritent d’être prolongées, telles que la rénovation urbaine comme moteur d'intégration et de cohésion sociale, l’écologie source de croissance économique… Tout cela fait partie d’un ensemble plus vaste, à partir duquel il nous faut redonner à chaque citoyen les moyens de sa réussite et à la société les atouts pour sa pérennité. Réformer entièrement l’École, le système de retraites, le système de Sécurité sociale, l’organisation des collectivités, envisager l’industrie à l’ère numérique, la démocratie à l’ère collaborative… Les sujets abondent, le monde a évolué et personne n'en a pris acte.

   La France meurt de se reposer sur des mécanismes et une pensée passéistes, inadaptés au monde actuel. Toutefois, c’est en prenant appui, c’est en réactualisant et en faisant perdurer des principes directeurs pluriséculaires comme ceux de la République, que nous pourrons trouver l’élan nécessaire pour faire cette révolution et transformer la société, à l’image du programme du Conseil national de la Résistance, en 1945.

   Je crois sincèrement que les centristes sont les seuls à pouvoir mener à bien ce travail, enclencher cette mobilisation réformatrice et progressiste au bénéfice de la France et des Français. Nous ne devons pas nous croire investis d’une mission mais ayons conscience du rôle que nous pouvons jouer et, sans doute, du risque pour nous-­mêmes et nos enfants.

   Si nous ne sommes pas ceux qui font l’effort ardu d'impulser ce changement profond, alors acceptons de porter la culpabilité du déclin, de livrer la République aux extrêmes et de nous préparer à des jours plus sombres. Ce n’est pas ce que nous voulons, à nous d’agir et de reprendre le destin de la France en mains.

 

Propos recueillis le 14/10/14

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Jérémy Coste

Jérémy COSTE

J. Coste est adjoint au maire de Vanves (Hauts-de-Seine)

et porte-parole des Jeunes Démocrates Européens.

 

« Associés, les progressistes

construiront la France de demain »

 

   Vaste question… Tout d’abord, et autant évacuer ce sujet dès le début, je ne crois pas en l’homme providentiel, pas plus en Nicolas Sarkozy comme sauveur du pays. Ce temps-là est révolu ! La France a besoin d’un cap, les Français de retrouver confiance en eux. Cela passe par la construction collective d’un projet ambitieux, innovant et rassembleur, au-delà des clivages anciens. Voilà notre mission.

   Si je ne partage pas l’envie d’une partie des Français de voir Nicolas Sarkozy revenir aux affaires, je suis néanmoins d’accord avec l’ancien président sur le constat selon lequel les vieux schémas ne correspondent plus à nos attentes. Droite, gauche, extrême droite, extrême gauche, économie sociale, communiste, conservatrice et libérale... cela représente à mes yeux le passé, des réponses à la (re)construction de la France d’après-guerre.

   Aujourd’hui, le monde a changé. Nous sommes pleinement entrés dans une société du savoir et du partage. Le rôle de « guide » des partis n’a plus lieu d’être. Au contraire, les nouvelles générations attendent des dirigeants et formations politiques qu’ils réussissent à associer les citoyens dans la construction d’idées et la prise de décision.

   Nous devons désormais faire face à une troisième révolution. Concrètement, la révolution industrielle que nous connaissons à travers les livres d’histoire s’est déplacée dans d’autres régions du monde, économiquement moins avancées que l’Occident. Cela crée une compétition, souvent des tensions. La seconde révolution, numérique cette fois, est également en train de se déplacer dans les pays émergents. Ces pays nous rattrapent. C’est positif, mais cela inquiète !

   En France, Internet est une réalité pour tout le monde, mais elle doit devenir une base de données sur laquelle s’appuyer pour inventer le monde de demain, un monde de l’« intelligence ». C’est selon moi cela qui intéresse les jeunes et les progressistes, et c’est la question que notre sensibilité doit se poser : "Comment faire entrer complètement la France dans cette troisième révolution qui fait du partage des savoirs et idées ainsi que de la coopération la base nouvelle du vivre ensemble ?"

   Pour entrer dans le 21ème siècle, je suis convaincu qu’il faut abandonner nos vieilles recettes et oser penser l’impossible. Il est temps d’opérer un changement radical de nos institutions et de notre modèle économique et social. De faire « avec les citoyens » plutôt que « pour les citoyens » ! Cela nécessite de faire évoluer la 5ème République, pourquoi pas d’en faire émerger une nouvelle.

   Nous devons imaginer une nouvelle façon de gouverner. Dans nos sociétés industrielles et technologiques, chacun ne peut que constater la difficulté de nos dirigeants à s’adapter au monde actuel, car ces derniers appartiennent naturellement à un monde ancien. Cela ne signifie pas pour autant qu’une partie d’entre eux ne peut s’adapter et comprendre ce monde nouveau - certains y parviennent parfaitement -, mais les codes sociaux et les pratiques ont tellement - et rapidement - évolué qu’un fossé naturel se creuse entre les générations, entre ceux qui dirigent et ceux qui subissent les décisions publiques.

   Parallèlement à cette réalité, je vois l’essoufflement des partis politiques classiques et deux sensibilités qui n’ont pas encore gouverné par eux-mêmes : les démocrates/progressistes ainsi que les écologistes. Cela s’explique selon moi par leur analyse prématurée des problèmes du monde et l’inquiétude que leurs réponses suscitent pour une population encore trop tournée vers la jouissance personnelle. Je crois fondamentalement que les progressistes et les écologistes ont souvent eu une longueur d’avance dans la compréhension des problématiques du monde. J’illustrerai ce point en prenant deux exemples.

   Pour les uns, la thématique de l’environnement. Les écologistes – je ne parle pas d’EELV mais initialement des associations écologistes - ont compris avant tout le monde la nécessité de repenser notre modèle économique et social afin de protéger la planète et préserver l’avenir des générations futures. Dans les années 60, l’écrasante majorité des scientifiques et gouvernants prenait ces « alerteurs » pour des illuminés. Aujourd’hui, on les remercie ! Toute action publique moderne se doit de prendre en compte les réglementations en faveur de la protection environnementale.

   Pour les seconds, la thématique de la coopération. Les démocrates/progressistes – je ne parle pas exclusivement des centristes mais des millions de structures coopératives et associatives rejetant l’alternative droite/gauche – ont défendu le principe du dialogue en politique. Cela a commencé avec les pères fondateurs de l’Europe. Ces derniers ont compris que le monde évoluait de façon multipolaire autour de grands ensembles démographiques, culturels, militaires et politiques et qu’il était primordial de mutualiser nos forces par la coopération pour préserver nos intérêts et notre modèle de société basé sur la solidarité. Cette conception de la politique s’est également manifestée à quelques époques par la décentralisation et le rôle donné aux acteurs locaux dans la prise de décision, par la confiance accordée à la jeunesse avec la majorité à 18 ans ou encore l’émancipation des femmes avec l’avortement…

   Nous devons concevoir un nouveau modèle. La défense de l’environnement, les principes de mutualisation des richesses et de dialogue en politique ont ainsi permis l’émergence d’une ère de la coopération. Il n’y a quasi plus une décision publique (dialogue social), une guerre (droit international) ou une stratégie (OMC, OMS…) qui ne soit décidée collectivement. Ces notions sont si fortes que malgré l’incapacité des écologistes et des progressistes à gouverner par eux-mêmes, ces idées sont présentes dans toute la société.

   En France, chacun est conscient de l’importance de la protection de l’environnement et de la pertinence des échanges et du dialogue social. Plus personne ne veut d’une société qui pollue ni d’une société caporaliste où le citoyen suivrait aveuglément un chef. Nous sommes nombreux à vouloir une société « verte », équitable et responsable, où chacun peut s’épanouir dans un environnement sain. Un régime politique qui écoute, respecte et associe chacun d’entre nous aux décisions publiques. Ces phénomènes sont le résultat des combats des écologistes et des démocrates/progressistes.

   Il est fini, le temps où nous n’avions pas tous accès à l’enseignement, où de nombreux citoyens ne savaient pas lire ou comment s’informer. Aujourd’hui, grâce à l’enrichissement de la France pendant les Trente glorieuses, grâce aux nouvelles technologies et à Internet, chacun peut comprendre le monde dans lequel il vit et tenter de contribuer à son amélioration. Il est même fréquent que certains citoyens non-élus soient plus compétents que leurs représentants. Ceci peut provoquer un choc, une confrontation et finalement une crise de confiance entre le citoyen et le système politique.

   Cette série de bouleversements, la troisième révolution, la remise en cause de la gouvernance, et le modèle à réinventer, provoquent une fracture sociale et un besoin de nouvellement. Quel devrait être notre comportement face au changement ? D’un côté, il y a ceux qui voient ce changement arriver et préfèrent conserver le modèle ancien en essayant de le réformer à la marge car il leur apporte encore le confort nécessaire. De l’autre, on trouve ceux qui voient ces bouleversements et comprennent la nécessité de réfléchir à un nouveau modèle.

   Ces derniers, je crois, sont proches d’une grande partie de la population qui ne profite plus des richesses produites et qui constate, impuissante, qu’elle est lésée. Ces Français qui souffrent au quotidien d’un manque de confiance en l’avenir, à cause du chômage notamment, et qui voient l’inégalité se creuser, ont le sentiment de ne pas pouvoir entraîner la société vers un modèle qui réponde à leurs attentes. Cela crée une frustration dangereuse. C’est ce moment précis que nous vivons.

   Ce trouble touche en premier lieu les nouvelles générations, qui souffrent du manque de ressources et d’emplois, les éloignant ainsi de ceux censés leur trouver des solutions. La jeunesse souffre également d’une forme d’impuissance face à l’accroissement de la misère dans le monde que les médias nous renvoient à la figure et qui crée en nous un sentiment de culpabilité et de colère parfois.

   Deux France s’opposent donc : ceux qui, suffisamment puissants, détiennent le pouvoir et souhaitent conserver un système qui les rassure - en entraînant derrière eux les plus effrayés par le changement - et ceux qui, puissants ou pas, désirent vivre dans un pays qui respire, prend des risques et innove pour redonner du sens à leur vie et par conséquent au destin commun.

   Personnellement, je suis persuadé que nous tous, citoyens, détenons chacun une partie de la solution et qu’il est du rôle de notre sensibilité de changer en profondeur nos méthodes. Nous devons avant tout écouter, non pas pour faire plaisir, mais pour entendre les craintes, tenter de les comprendre et transformer en actes politiques concrets et efficaces.

   Évidemment, souhaiter un nouveau modèle demande du courage et nécessite aussi d’être réaliste. Il ne s’agit pas de tomber dans l’utopie. Tout le monde ne peut pas réécrire la Constitution française, ni même écouter avec patience ce que chacun à dire. Cela demande des compétences techniques, des qualités personnelles particulières, de l’organisation et de la pédagogie. Mais chacun, confronté à ses propres difficultés, peut donner son idée pour que celles-ci inspirent ce que doit être la France de demain. C’est ce que j’attends de ma famille politique.

   Évidemment, plus qu’une indépendance politique vis-à-vis des conservateurs de droite et de gauche, cela nécessite une liberté de pensée absolue, le dépassement des clivages, et l’association de tous les progressistes. La première richesse de la France, ce sont ses ressources humaines (nous !).

   Alors, sur tous les territoires, écoutons-nous plus largement qu’au sein des partis, partageons nos idées avec la société civile et ces milliers de coopératives, et imaginons ensemble une France nouvelle. Voici mon vœu.

 

Propos recueillis le 17/10/14

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Marine Denis

Marine DENIS

M. Denis est présidente de l'UDI Sciences Po.

 

« Ayons du courage et de l'ambition ! »

 

   Oui, le grand retour médiatique de Nicolas Sarkozy est un échec ; un échec qui doit nous redonner confiance en notre liberté et notre indépendance politique. Nous ne pouvons associer l'avenir de l'UDI à celui d'un ancien chef d'État poursuivi pour des affaires de corruption et de trafic d'influence. Il en va de notre crédibilité, mais surtout de notre responsabilité politique, en tant qu'élus et militants centristes.

   Si les Français sont lassés d'un paysage politique majoritaire gauche/droite, où seuls les extrêmes semblent pouvoir se frayer une place pour venir contrebalancer l'équilibre UMP-PS par un discours violent et stérile, c'est à notre tour de replacer le centre au cœur de l'échiquier politique. Il n'y a pas de politique de droite ou de gauche au pouvoir, il n'y a qu'une politique du centre fondée sur une realpolitik ambitieuse et modérée, celle du juste équilibre, celle que nous défendons.

   Nos axes de réflexion et d'engagement politique sont tracés, il faut désormais en faire un véritable plan d'architecte de projet politique pour 2017. Assurons notre indépendance intellectuelle et politique par les idées et les projets de réformes politiques ! Intervenons sur des sujets techniques, car nous avons les experts compétents, et emparons-nous des sujets d'actualité qui défraient la chronique pour nous donner une véritable visibilité médiatique ! Il est de la responsabilité des élus, mais aussi des militants, de produire des idées et de les mettre en valeur. Décentralisation, Union européenne, immigration, politique de santé... : le centre, loin de rejeter systématiquement toutes les propositions portées à gauche et à droite, doit s'appuyer sur les points forts que sont sa modération et son expertise technique pour constituer le projet politique le plus ambitieux, réaliste et proche des grands enjeux locaux, nationaux, européens et internationaux de la France.

   Pour exister sur la scène extérieure, nous devons nous assurer d'un modèle politique viable et démocratique en interne. Le centre compte et s'appuie sur un électorat qui est présent mais qui tend à se conforter dans de vieilles positions. Soyons modernes, appuyons-nous sur les idées des jeunes militants qui nous rejoignent, écoutons-les et donnons leur une voix ! L'organisation de commissions de réflexion rassemblant élus et militants, jeunes et aînés, doit devenir notre force et notre distinction à l'égard des autres partis politiques français, où le lien démocratique interne existe trop peu, dévoré par l'ambition et l'ascension hiérarchique.

   Une famille se doit d'avancer ensemble, le centre doit reconstruire ce maillon qui constitue le lien entre les différents mouvements internes. Nous défendons des idées, nous aimons la chose publique, nous sommes républicains et convaincus que la politique n'est pas uniquement affaire de stratégie et de batailles pour le pouvoir. Quand nos idées sont similaires, ne laissons pas l'ambition personnelle dépasser l'ambition politique. Le climat politique délétère et les affaires, récurrentes, sont à la source du mépris et du désespoir des citoyens français à l'égard de la sphère politique gouvernante. Tâchons de ne pas reproduire les mêmes erreurs en nous perdant dans des errances purement politiques et stratégiques ! Ayons le courage politique de rester indépendants pour 2017 !

 

Propos recueillis le 22/10/14

Retrouvez Marine Denis sur Twitter...

 

 

Olivier Gloaguen

Olivier GLOAGUEN

O. Gloaguen est vice-président des Jeunes Forces Démocrates, en charge du projet.

 

« Le centre se doit de se faire entendre »

 

   Quel centre pour demain ? Eh bien, la réponse tient en un seul mot : « conquérant » ! En effet, le centrisme, c’est-à-dire les forces progressistes, fédéralistes européennes, écologistes, réformatrices, humanistes, décentralisatrices et pro-entrepreneurs de l’échiquier politique français ont devant elles une grande opportunité, mais aussi une grande responsabilité.

   Après plus de trente années d’échecs successifs menés sans fracas ni trompettes par la gauche comme par le droite, la France paye désormais son immobilisme. Tout naturellement, les Français sont dégoûtés et ils ont bien raison : élections après élections, on leur promet monts et merveilles (« travaillons moins pour que tous travaillent » un jour, et « travaillons plus pour gagner plus » le lendemain) et… rien. Alors, ils ne croient plus en la parole des partis politiques et tentent de se réfugier, faute de mieux, dans le vote frontiste, ce parti démagogique qui n’attend que ça car là où il sait le mieux proliférer, c’est sur la misère, la rancœur et le désespoir.

   Le délitement de la classe politique, désormais flagrant, et les divisions surannées gauche-droite s’estompent face à de nouveaux axes de choix de société : replis identitaire ou ouverture ? Europe fédérale ou des nations ? Progrès ou conservatisme ? Réformes ou immobilisme ? Décentralisation ou concentration ? Transition énergétique ou laisser-faire ? Soutien résolu à l’innovation et l’entrepreneuriat ou empilement des contraintes ?

   Alors, oui, dans ce contexte, les centristes peuvent, s’ils s’en donnent les moyens et s’ils en ont véritablement l’ambition, proposer une alternative crédible et attendue par les électeurs. Une alternative crédible car ce ne sont pas des centristes qui sont aux manettes depuis trente ans. Nos idées ont été souvent reprises (car ce sont les plus sensées et les plus logiques), mais aussi malheureusement trop souvent dénaturées (un exemple : la TVA sociale). Attendue, car contrairement aux populistes, nous ne vivons pas prostrés dans le souvenir d’un passé nécessairement meilleur, mais nous regardons résolument vers l’avenir et proposons des réponses sans tabous aux problèmes d’aujourd’hui.

   Sauf que le centre n’est pas assez entendu. Sa chance dans les années qui viennent est justement de disposer d’un espace qui s’ouvre entre une droite profondément divisée et une gauche sans programme et qui se cherche. Un espace dans lequel il sera possible de faire émerger un centre uni et fort, mené par des hommes et des femmes politiques nouveaux. Un centre qui prenne la peine de parler à tous les Français, un centre qui n’a pas peur de conquérir le pouvoir, qui va jusqu’au bout de ses ambitions et surtout qui s’en donne les moyens.

   Pour cela, la recette n’est pas compliquée, mais elle requiert de la volonté : il faut fédérer, regrouper, rassembler au delà des petites ‘chapelles’ et des petits partis, des courants et des ‘écuries’ présidentielles sans lendemains. Il faut structurer, attirer des militants, les former, les écouter, les faire élire à tous les échelons, bâtir une machine de conquête et ne pas s’en cacher, affirmer notre indépendance, changer notre langage et parler celui des Français, de tous les Français, sans tomber dans la démagogie, mais en leur disant nettement ce qu’il en est, où nous comptons aller et comment le faire.

   Nos concitoyens « ne sont pas des veaux », ils ont bien compris la situation actuelle et se doutent de ce qu’il faut faire. Mais ils attendent désormais un leader crédible, c’est-à-dire quelqu’un capable de leur montrer le chemin et le but à atteindre. Quelqu'un qui leur redonne confiance en eux-même. Ils attendent une nouvelle génération de centristes, une génération qui a envie d’un centre conquérant, pour une France conquérante.

 

Propos recueillis le 23/10/14

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6 octobre 2014

Nicolas Marié : "La politique mérite mieux que des réactions émotionnelles"

   Dans la première saison des Hommes de l'ombre, la série de politique-fiction de France 2, Nicolas Marié incarnait Alain Marjorie, candidat socialiste à la présidence de la République. La seconde, dont la diffusion a débuté mercredi dernier, s'ouvre sur les scènes de liesse populaire d'une soirée de victoire - empruntées, pour l'anecdote, à celle de François Hollande en 2012. Dès la deuxième scène, on entre dans le vif du sujet. Un an après. Alain Marjorie est à l'Élysée. Et il va être confronté, bientôt, à de nombreuses, à de graves difficultés, tant aux plans politique que personnel.

   Nicolas Marié est de ces acteurs dont le visage nous est familier, sans pour autant réussir toujours à lui associer un nom. J'espère que cet article contribuera à pallier cette lacune imméritée, tant l'acteur est talentueux et l'homme attachant. Il a répondu tout de suite à ma sollicitation : je tiens à le remercier pour la gentillesse dont il a fait preuve à mon égard. Il nous livre quelques confidences à propos du tournage des Hommes de l'ombre ; nous parle de son personnage, du regard - affûté - que lui-même porte sur le monde politique. Surtout, il évoque pour nous son métier, avec une passion communicative. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

NICOLAS MARIÉ

 

« La politique mérite mieux

que des réactions émotionnelles »

 

Nicolas Marié 1

(Source des illustrations : Les Hommes de l'ombre, France 2.

Sauf : photo n°3, tirée du site Cinéma Passion.)

 

Q. : 04/10/14 ; R. : 06/10/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Nicolas Marié. Ce mercredi étaient diffusés sur France 2 les deux premiers épisodes de la deuxième saison de la série de politique-fiction Les Hommes de l'ombre. On ne se dit à aucun moment, à propos du personnage que vous y campez, le président de la République, Alain Marjorie, qu'il "sonne faux". Comment vous êtes-vous préparé pour cette interprétation ?

 

Nicolas Marié : Je n’ai pas eu de préparation particulière pour incarner ce Président. Il m’est arrivé dans ma vie de côtoyer assez fréquemment des hommes politiques. Ajoutez à cela le déferlement quotidien d’images sur le monde politique. Avec un texte bien écrit et suffisamment évocateur quant à l’autorité qui doit présider à ce type de rôle, il n’y avait plus qu’à se laisser porter par son instinct…

 

PdA : L'action se déroule un an après l'élection de votre personnage. L'état de grâce, s'il a existé, est derrière lui. Les difficultés s'accumulent. Sa majorité de coalition, précaire, vient de survivre à une motion de censure à l'issue incertaine. Surtout, deux affaires menacent de ruiner sa présidence : un scandale politico-financier et un faits-divers tragique ; la seconde ayant pour protagoniste principal son épouse (qu'interprète par Carole Bouquet) et pour dissimulateur en chef l'ex-ministre de l'Intérieur, éclaboussé par la première affaire et "démissionné" depuis.

« On ment pour protéger les siens et on ment ensuite parce qu’on a déjà menti ». Cette réplique qui fait mouche est lâchée par un Alain Marjorie manifestement désabusé. Un homme dont on ne doute pas, parce que ça se sent, qu'il est honnête et qu'il voulait faire de la politique "autrement". Cet état d'esprit s'accorde-t-il au vôtre lorsque vous considérez le monde politique ?

 

N.M. : Je crois qu’il y a un grand espace entre le mensonge et la trahison. On a le droit de mentir. Bien mentir est une qualité. Un bon acteur est un bon menteur. Il se sert de la couverture d’un personnage et d’un texte pour exprimer une vérité. Sa vérité. Alors le mensonge devient un outil de vérité.

 

Pour Marjorie, comme pour tout homme politique, le mensonge est aussi un outil. C’est un bon outil s’il est un outil nécessaire dans un objectif légitime. L’histoire regorge de mensonges d’hommes politiques ou de militaires et de stratèges (l’opération « Fortitude » aura été l’exemple même du mensonge salutaire…) qu’il ne viendrait à l’idée de personne de condamner dès lors qu’ils ont permis de gagner des guerres, de sauver des vies humaines. « Mensonge » ne veut pas forcément dire « malhonnêteté »… Ici, Marjorie prend simplement conscience des vraies difficultés de l’exercice du pouvoir. Comme il y a un grand espace entre « mensonge » et « trahison », il y a un grand espace entre « compromis » et « compromission »…

 

Pour ce qui me concerne, je ne me voyais pas aborder ce Président sans une haute idée de ce que doit être la politique et l’idée que s’en ferait mon Président… Je suis issue d’une famille de résistants de la 2nde Guerre mondiale qui ont été déportés en Allemagne et qui ont été sauvés grâce au courage et à la détermination de ces grands responsables politiques qui nous ont libérés de la bête immonde. Quelquefois grâce à des mensonges meurtriers, qui n’en étaient pas moins nécessaires… Je ne pouvais incarner un de ces responsables sans avoir chevillé au corps leur sens aigu du patriotisme. Cette réplique n’aura donc été que la traduction d’une interrogation légitime. Un instant d’intimité, de doute. Un constat qui ébranle mais ne remet pas en question l’objectif de grandeur.

 

PdA : La politique, c'est un engagement qui, dans une autre vie, aurait pu vous séduire, vous tenter... ?

 

N.M. : Ma réponse à la question précédente implique forcément une réponse affirmative à celle-ci. La désillusion, le désenchantement, le refuge vers les extrêmes, ne sont que réactions émotionnelles. La politique (avec un grand P) mérite mieux que cela.

 

PdA : Revenons à la série. Pour cette nouvelle question, c'est à une sorte de numéro d'équilibriste que j'ai envie de vous inviter. Je le disais, pour l'heure, deux épisodes sur six ont été diffusés. À la fin du deuxième épisode, le président Marjorie est pris d'un malaise dont on avait déjà pu percevoir, ici ou là, des signes avant-coureurs... Parlez-nous de la suite de l'intrigue, sans rien en révéler, évidemment ?

 

N.M. : Le Président, très malade, ne va pas mourir. L’exécutif va être confronté à une courte période de vacance du pouvoir, qui sera prétexte à montrer au public comment nos responsables gèrent ce type de situation extrême.

 

PdA : Que retiendrez-vous de cette expérience ? Quels souvenirs en garderez-vous ?

 

N.M. : Ces six épisodes ont été tournés en crossboarding. Ce qui signifie que, dès le premier jour, nous tournions des scènes du 6 avec des scènes du 3, du 5 et du 1. Le lendemain, des scènes du 2, du 4, du 3, du 1 et du 5… et ce pendant trente jours… C’est un exercice exaltant, mais qui demande beaucoup de travail et une grande rigueur. Il faut dès le premier jour de tournage avoir construit la ligne générale de son personnage et en fonction des péripéties auxquelles il est confronté, avoir ajusté très précisément son évolution au fil des scènes de chaque épisode. Et respecter bien entendu scrupuleusement cette évolution pendant le tournage de chaque scène de ce grand puzzle.

 

Carole Bouquet, Bruno Wolkovitch, Aure Atika, Philippe Magnan, Yves Pignot, Emmanuelle Bach, sont des camarades de jeu délicieux, et nous avons été encadrés par un réalisateur talentueux et imaginatif et une production exigeante et attentive. Quelles qu’aient donc été les difficultés de ce type d’exercice, j’en garde un excellent souvenir.

 

Nicolas Marié 2

 

PdA : Quand on entreprend de regarder ce qu'a été votre parcours d'artiste jusqu'à présent, Nicolas Marié, on est impressionné, forcément. Vous êtes de ces visages, de ces voix que l'on a tous croisé au moins trois ou quatre fois, au détour d'un film, d'une série, sans forcément pouvoir mettre de nom dessus. Le nombre de pièces, de productions télé auxquelles vous avez participé force le respect. Vos voxo et filmographie noirciraient à elles seules pas mal de pages. S'agissant du cinéma, il conviendrait évidemment de citer 9 mois ferme, de votre ami Albert Dupontel, auquel on pourrait accoler 99 francs (J. Kounen), Micmacs à tire-larigot (J.-P. Jeunet), entre autres...

Quelles seraient, justement, sur l'ensemble des œuvres auxquelles vous avez collaboré, celles que vous aimeriez inviter nos lecteurs à découvrir ou redécouvrir, et pourquoi ?

 

N.M. : Comme une vie d’homme, la carrière d’un acteur est multiple. Je revendique cette multiplicité, elle m’a nourri au fil des années. Je l’ai encouragée, provoquée. Donc ce n’est pas une oeuvre en particulier que je mettrais en avant, mais la grande diversité des supports (théâtre, cinéma, télévision, radio, synchro..), des réalisateurs, des textes, qui a jalonné mon parcours.

 

PdA : Qu'est-ce qui vous rend fier, quand vous regardez dans le rétro et autour de vous ?

 

N.M. : Une vie d’adulte nourri d’abord par le bonheur d’aimer et d’être aimé.

 

PdA : Voulez-vous nous parler de vos projets ?

 

N.M. : Mon professeur d’art dramatique lorsque j’avais vingt ans disait toujours qu’on n’est pas sûr d’avoir le rôle tant que la dernière représentation n’est pas jouée… Les acteurs sont très superstitieux… Rares sont ceux qui dévoilent leurs projets… Je peux donc juste vous confier que mes projets sont multiples eux aussi… Dans les quatre mois qui viennent, il y a du théâtre, du cinéma, de la synchro et de la télé.

 

PdA : Des envies, des rêves, pour aujourd'hui ou demain ?

 

N.M. : Continuer de respirer à pleins poumons le grand air de la vie, en continuant de jouer avec le support du mensonge pour exprimer ma vérité…

 

PdA : « Au fond de moi, je n'ai pas le souvenir d'avoir voulu faire autre chose que comédien, c'est terrible ! D'une certaine manière, je n'avais pas d'autre choix ! (rires) J'ai toujours eu envie de faire ça. » Voici ce que vous déclariez lors d'une interview à Allociné, l'année dernière.

Quels conseils donneriez-vous à un(e) jeune qui se poserait aujourd'hui les mêmes questions que vous à l'époque, qui rêverait de devenir tragédien(ne) ou de jouer la comédie et, idéalement, d'en faire sa vie ?

 

N.M. : Un seul conseil : faire. Il n’y a que dans le « faire » qu’on apprend, crée, se grandit, vit. Faire. Faire. Faire. Un projet, aussi banal apparaît-il, sera plus fondateur pour un jeune acteur que tous les discours. S’il ressent donc l’appel de ce métier, qu’il embrasse avec avidité, avec gourmandise, tous les projets qu’il se soumet à lui-même, toutes les sollicitations qui se présentent à lui.

 

PdA : Un dernier mot ?

 

N.M. : Peter Brook termine un de ses livres (L’Espace vide) par : « Jouer sur une scène demande de gros efforts. Mais quand le travail est vécu comme un jeu, alors ce n’est plus du travail. Jouer est un jeu… ». Pour un acteur, la vie est un immense terrain de jeu. Vive la vie. Vive le jeu.

 

Nicolas Marié 3

 

 

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3 octobre 2014

Michel Goya : "Les États irakien et syrien sont morts et vivants à la fois"

   La Turquie vient officiellement de grossir les rangs de la coalition ad hoc formée contre l'État islamique. Cette organisation extrémiste, qui contrôle à ce jour de larges pans de territoires irakien et syrien - ressources incluses -, vise à établir, en lieu et place d'États sécularisés en voie de décomposition, un califat se réclamant des interprétations les plus radicales de l'Islam sunnite. Pour les théoriciens du Daech, les ennemis à combattre et à réduire pour accomplir leur dessein sont tout désignés : ceux qu'ils voient comme des "hérétiques" (les Chiites), des "infidèles" (les Chrétiens d'Orient, notamment), plus leurs alliés de circonstance. Assiste-t-on, nonobstant l'issue de l'expérience criminelle E.I., à un rebattement profond des cartes dans cette région déjà tellement troublée ? La carte du Proche-Orient sortira-t-elle inchangée de ces nouvelles convulsions ?

   J'ai souhaité poser quelques questions au Colonel Michel Goya, l'inviter à évoquer cette situation infiniment complexe et ses implications potentielles pour la suite. Cet auteur et analyste de renom, régulièrement consulté par les hautes autorités militaires, avait consacré il y a cinq ans l'ouvrage Irak : les armées du chaos à la guerre voulue par George W. Bush en 2003 - et dont l'héritage pèse lourd, aujourd'hui. Il a accepté de nous apporter quelques éclairages, ce dont je le remercie bien sincèrement. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

MICHEL GOYA

Auteur de l'ouvrage Irak : les armées du chaos

 

« Les États irakien et syrien

sont morts et vivants à la fois »

 

Irak__les_arm_es_du_chaos

 

Q. : 14/09/14 ; R. : 02/10/14

 

Paroles d'Actu : Bonjour, Michel Goya. Il y a cinq ans, dans Irak : les armées du chaos, votre ouvrage publié aux éditions Economica, vous traitiez de la gestion par l'Amérique de sa guerre d'Irak, débutée en 2003...

L'émergence et la progression spectaculaire de l'État islamique en Irak et au Levant, groupe extrémiste qui souhaite instaurer un califat de doctrine sunnite et en finir avec ce qu'ils appellent l'« hérésie chiite », ce phénomène-là ne signe-t-il pas de la manière la plus claire qui soit le naufrage du « Freedom Agenda », projet chimérique - et vicié d'une méconnaissance coupable des réalités de terrain - que portèrent de concert l'ex-président américain George W. Bush et son entourage néoconservateur ?

 

Michel Goya : Dans cette application de la théorie des dominos, l’idée était de provoquer une démocratisation du monde arabe par l’exemple vertueux du « nouvel Irak ». Le résultat est pour le moins mitigé. L’Irak est effectivement devenu une démocratie, quoique très fragile et très imparfaite, et son économie est en croissance. Le lien avec les soulèvements du « Printemps arabe » est difficile à établir mais on ne peut l’exclure. On notera à cet égard que le peuple tunisien a été beaucoup plus efficace dans l’application du Freedom Agenda que l’armée américaine. Pour autant, bien sûr, ces transformations ont suscité des réactions fortes. Pour Mao Zedong, une crise, c’est la révélation et la résolution de contradictions cachées. Le monde arabo-musulman a révélé ainsi ses contradictions mais ne les a pas, loin de là, résolues.

 

À la confluence des lignes de fractures confessionnelles entre Sunnites et Chiites, ethniques entre Arabes, Perses, Kurdes et Turcs, l’Irak constituait une clé de voute et Saddam Hussein était la pièce maîtresse de cette clé de voûte. La destruction brutale du système de pouvoir saddamiste a alors entraîné la fin de l’équilibre sociétal, irakien d’abord, puis régional. En deux ans, les États-Unis ont débarrassé l’Iran de deux ennemis majeurs, Saddam Hussein et les Taliban, tout en se présentant comme une menace majeure pour Téhéran. La « débaasification », la suppression de forces de sécurité dominées par les Sunnites, la mise en place d’institutions démocratiques, tout favorisait la mainmise des grands partis chiites irakiens. Pour autant, avec une pratique politique différente, le nouveau basculement des Sunnites dans la rébellion était peut-être évitable.

 

PdA : Avec cette question, justement, je rebondirai sur la précédente. Le pouvoir sorti des urnes après cette guerre d'Irak a fait la part belle aux Chiites, majoritaires dans le pays, ce qui a sans doute contribué à conforter des franges importantes de la minorité sunnite, ancienne tenante du pouvoir, dans une posture d'opposition potentiellement dangereuse. Quelques années plus tard, dans un contexte général de « Printemps arabe », le soutien occidental apporté aux rebelles combattant en Libye a permis la chute de Kadhafi. Aujourd'hui, la Libye n'est pas loin du chaos.

Aussi difficile soit-elle à admettre pour qui, de bonne foi, souhaiterait projeter des idéaux louables dans les affaires du monde, aussi dérangeante soit-elle sur le plan des principes, cette situation ne pousse-t-elle pas à opposer à la vision idéaliste un réalisme affirmé en matière d'affaires étrangères, un réalisme qui ne serait pas dénué de cynisme mais nous imposerait de constater qu'il y avait, sous Kadhafi, sous Hussein, la présence d'États forts, à même de "tenir" et de combattre leurs extrémistes, tandis que le caractère sunnite du pouvoir baasiste irakien constituait, en soi, un pion essentiel à l'équilibre général des forces dans la région, au regard notamment de l'Iran chiite ?

Cet état de fait, d'affaiblissement général des États au profit des groupuscules terroristes ne va-t-il pas faire de Bachar el-Addad, le paria d'il y a un an, un partenaire incontournable pour la suite ?

 

M.G. : Il y a une alternative entre les régimes autoritaires et l’opposition islamiste. Les problèmes de la Libye viennent aussi de l’absence de projet international de stabilisation du pays après la chute du régime. Les causes en sont connues depuis l’enlisement afghan jusqu’aux réticences du monde arabe à voir à nouveau des troupes occidentales sur son sol mais aussi avec ses contradictions paralysantes. Les exemples du Cambodge, de la Bosnie et du Kosovo, témoignent pourtant qu’avec une volonté forte et des moyens militaires importants, on peut parvenir à stabiliser une région. Le problème est qu’entre les errements américains, la faiblesse des Européens et la division des Arabes, il est difficile d’avoir une politique cohérente. Quant à une alliance avec Assad, ce serait militairement inutile (d’ailleurs Daech et l’armée d’Assad ne se combattent pas) et politiquement désastreux.

 

PdA : Quels devraient être, de votre point de vue, le montage et la stratégie de la coalition pour vaincre l'E.I.I.L. et, surtout, pacifier la région ? Devrions-nous prendre part à ce second objectif, d'ailleurs ?

 

M.G. : Le problème tactique est complexe. De 2001 à nos jours, aucune organisation armée du Grand Moyen-Orient, du Hezbollah libanais au réseau Haqqani en passant par l’armée du Mahdi, n’a jamais été détruite. Le seul exemple de succès est le rétablissement de la sécurité en Irak en 2008, et le facteur principal en a été le retournement des organisations nationalistes sunnites contre les groupes radicaux de l’État islamique en Irak. Celui-ci s’est retrouvé réduit et marginalisé, sinon complètement détruit. La vraie force de l’État islamique est d’avoir su renouer avec les groupes sunnites, il est vrai en réaction à l’attitude du gouvernement de Bagdad et, bien sûr, de celui de Damas. L’État islamique apparaît ainsi comme le plus puissant défenseur des Sunnites de la région, surtout après sa victoire spectaculaire de Mossoul.

 

La lutte contre l’État islamique doit donc se dérouler simultanément dans les champs militaire et politique, les deux devant se nourrir et non se contredire. Militairement, les frappes aériennes ne suffiront évidemment pas et il sera nécessaire de reprendre le terrain. Il reste à déterminer qui sera capable de reprendre ce terrain entre les Peshmergas (les combattants kurdes, ndlr), l’armée irakienne et les forces sunnites alliées à la coalition. Cette reprise de contrôle ne servira cependant à rien si les causes politiques qui ont permis le développement de l’État islamique sont toujours là.

 

PdA : Je signalerai également, à ce stade de notre entretien, que vous êtes un fin connaisseur en matière d'histoire militaire et d'histoire tout court. Celle notamment de la Première Guerre mondiale, à laquelle vous avez consacré plusieurs études.

Vous savez ce qu'il y a d'artificiel dans la carte des frontières du Proche-Orient, dessinée pour l'essentiel après l'effondrement de l'Empire ottoman, il y a un peu moins d'un siècle. Les voyez-vous évoluer, ces frontières, dans les prochaines années ? Si oui, voulez-vous expliciter pour nous cette prédiction ?

 

M.G. : De fait, les frontières issues des accords Sykes-Picot n’existent plus, puisque la Syrie et l’Irak sont durablement divisés. Pour autant, on ne voit pas émerger avant longtemps de structure politique cohérente dans le chaos des provinces sunnites. Ces deux États sont donc à la fois morts et vivants et cela peut durer longtemps. Le Kurdistan irakien est indépendant de fait mais pas officiellement depuis vingt-huit ans. On peut imaginer la création officielle d’un Sunnistan syro-irakien, mais il s’agit d’une perspective très lointaine.

 

PdA : Quels sont vos projets, Michel Goya ?

 

M.G. : Je suis en train d'écrire une "Histoire de la France en guerre depuis 1962". Je m'attaquerai ensuite à une "biographie tactique" d'Erwin Rommel.

 

Michel_Goya

 

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