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Paroles d'Actu
31 octobre 2013

Thomas Lauret : "Il faut supprimer les frontières mentales autour du 16e"

Le 8 octobre dernier, j'opérai la mise en ligne de mon interview du conseiller de Paris Pierre-Yves Bournazel. Deux jours plus tard, la liste des chefs de file censés mener, aux côtés de Nathalie Kosciusko-Morizet, la bataille pour l'alternance dans la capitale était dévoilée. Bournazel en est. Pour le 18e, qu'il connaît bien, même s'il sait que la tâche sera difficile : l'arrondissement est solidement ancré à gauche. Les noms des colistiers de la candidate socialiste Anne Hidalgo furent connus le 11 octobre. Parmi eux, Thomas Lauret, pour le 16e. Une place réputée imprenable, un bastion ultra-fortifié de la droite. Une réalité, implacable. Et quelques clichés tenaces... La tenue de cet entretien a permis à votre serviteur, qui n'est pas francilien, d'en apprendre un peu plus sur la géographie politique parisienne. Rencontre avec un militant enthousiaste. Confiant dans sa capacité à infléchir l'infléchissable. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

THOMAS LAURET

Tête de liste PS pour le 16e arrondissement de Paris

 

« Il faut supprimer les frontières

mentales autour du 16e  »

 

Thomas Lauret

(Photos proposées à ma demande par Thomas Lauret.

Ci-dessus : avec Anne Hidalgo. Crédit photo : Mathieu Delmestre et Ludovic Piron)

 

Q : 25/10/13

R : 30/10/13

  

Paroles d'Actu : Bonjour Thomas Lauret. Vous travaillez depuis plusieurs années dans l'administration d'hôpitaux de la région parisienne. Homme de centre gauche, vous êtes conseiller du 16e arrondissement de Paris (depuis 2008) et secrétaire de la section PS dudit arrondissement (depuis 2012). Ses militants vous ont élu, il y a quelques jours, pour mener au niveau du 16e la bataille des municipales de 2014, aux côtés d'Anne Hidalgo.

 

La réputation qui colle au 16e arrondissement de Paris est tenace : on pense immédiatement à des quartiers très bourgeois, à un bastion imprenable de la droite (Nicolas Sarkozy y a remporté le score colossal de 65% des suffrages dès le premier tour de la présidentielle de 2012, celle qui a vu l'élection de François Hollande). Ce cliché rend-il grâce à ce qu'est "votre" 16e ? Si vous nous le présentiez... ?

 

Thomas Lauret : Chaque arrondissement a son identité. Le 16e est riche de son histoire, mais autour de nous, le monde change, la France change et Paris change... « Mon » 16e, « notre » 16e est un arrondissement ouvert à ce changement, un arrondissement qui ose l’innovation avec Paris : nous ne devons pas nous vivre en marge du reste de Paris, c’est à dire un espace « sans histoires » et donc sans nouvelle Histoire. Nous trahirions d’ailleurs le passé culturel de l’arrondissement ou la vie foisonnante des villages d’Auteuil, de Passy et de Chaillot d’antan.

 

Nous devons envisager cette ouverture au changement comme un effort de cohésion avec notre environnement : le 16e doit s’inscrire dans le rayonnement culturel et universitaire de la capitale ; il doit aussi participer à l’innovation entrepreneuriale que les Français appellent de leurs vœux.

 

L’ouverture au changement que je propose aux électeurs du 16e n’est pas un reniement de nos valeurs mais un renouveau de l’esprit pionnier que le 16e a connu dans la première moitié du XIXème siècle et qui se traduit notamment dans son architecture. L’uniformité est ennuyeuse, le repli sur soi prôné par le maire du 16e (l'UMP Claude Goasguen, ndlr) est dangereux.

 

C’est pourquoi j’appelle de mes vœux un renouveau culturel et économique du 16e. La Fondation Louis Vuitton pour la création montre l’exemple au plan culturel. Le sport est aussi un vecteur de ce renouveau, qu’il soit amateur, grâce aux nouveaux équipements sur les pelouses d’Auteuil, ou professionnel, avec le très beau stade Jean Bouin et Roland Garros.

 

Le 16e doit aussi s’inscrire dans le développement de la nouvelle économie numérique, en lien avec le pôle universitaire de Dauphine.

 

Pour cela, nous devons être attractifs auprès des jeunes actifs, parfois rebutés par un certain manque d’animation de nos quartiers, grâce à une politique du logement qui favorise la remise sur le marché d’appartements vacants ou la transformation de bureaux en immeubles d’habitation.

 

Nous devons nous ouvrir enfin au tramway dont je soutiens la prolongation du pont de Garigliano à la Porte d’Auteuil et à terme jusqu’à la porte Maillot. Il est le symbole du refus de la vieille droite du 16e de connecter l’arrondissement à Paris.

 

Il faut supprimer ces frontières mentales autour du 16e. Bref, il faut oser le progrès et l’innovation !

 

PdA : Que retenez-vous des consultations entreprises, de vos rencontres avec les habitants du 16ème ? Quelles sont leurs préoccupations, leurs revendications principales, récurrentes ?

 

T.L. : Les habitants du 16e sont attachés à leur cadre de vie : les équipements sportifs, les espaces verts, le Bois de Boulogne, les musées, les écoles. Cette volonté de préservation se traduit par un besoin de sécurité bien naturel mais aussi, parfois, par une certaine crainte de la modernité, présentée comme un danger par un maire d’arrondissement souvent caricatural. En attisant les peurs, celles par exemple liées aux logements sociaux, ou à l’installation d’un cirque (Romanes dans le parc Parodi qui sera rénové à cette occasion), le maire du 16e tente de récupérer un certain électorat tenté par le repli sur soi.

 

Il suffit pourtant d’un mot aimable et de prendre le temps de développer des propositions concrètes et réalistes pour voir les visages s’ouvrir. Nous souhaitons améliorer notre cadre de vie : cela passe par exemple par la reconquête du Bois de Boulogne (pelouses d’Auteuil ouvertes à tous, nouveau carrefour des lacs faisant la part belle aux promeneurs, nouvelle promenade du Lac des patineurs). Nous souhaitons renforcer la sécurité, un droit pour tous, avec l’extension des équipes de veille et de prévention qui ont fait leurs preuves dans certains quartiers de Paris.

 

PdA : En quoi votre projet pour le 16e diffère-t-il sur le fond de ce qui a été fait jusqu'à présent, de la philosophie générale des majorités et des exécutifs de droite qui l'ont dirigé jusqu'ici ?

 

T.L. : Les électeurs du 16e auront le choix entre les conservateurs et les progressistes.

 

La droite du 16e a toujours été très conservatrice. Le maire depuis 2008 a même choisi l’opposition quasi-systématique aux projets portés par le maire de Paris : il lutte contre les logements sociaux en finançant sur sa réserve parlementaire certaines associations qui déposent des recours contre les permis de construire. Il excite les peurs et les pulsions d'exclusion à visée purement électoraliste. Il fustige les services publics, sans avoir pourtant engagé la moindre mesure d’économie dans la gestion de la mairie du 16e. Il s’est opposé à toute modernisation du 16e et de Paris : il était contre Vélib, contre Jean Bouin, contre les berges de Seine et même, au départ, contre les pelouses d’Auteuil ! Il n’a porté aucun projet d’envergure, mis à part son soutien à l’extension de Roland Garros. Son prédécesseur, Pierre-Christian Taittinger, avait au moins l’élégance de discuter avec le Maire de Paris des évolutions à apporter à son arrondissement.

 

Les valeurs que je porte sont très différentes : je soutiens la cohésion sociale, l’innovation et je raisonne dans une logique collective. Je cherche les conditions d’une vie harmonieuse et respectueuse de tous, mais sans angélisme sur les questions de sécurité.

 

La cohésion sociale, c’est notre capacité à vivre ensemble et non dans des ghettos isolés. Notre politique de logement vise par exemple à permettre aussi aux classes moyennes et aux jeunes actifs de vivre aussi dans le 16e : policiers, auxiliaires de puériculture, infirmières, cadres intermédiaires qui travaillent à Paris ne doivent pas en être exclus. Regardez sur mon blog (thomaslauret.unblog.fr) les professions de ceux qui sont logés dans les logements sociaux inaugurés vendredi 25 octobre au 60-62 rue de Passy : on est loin des clichés véhiculés par les plus farouches opposants à ces projets ! C’est cela la mixité sociale. Un programme mixte (moitié privés, moitié sociaux, avec 3 niveaux de loyers) de 350 logements et une crèche de 60 berceaux sont bloqués depuis 6 ans Gare d’Auteuil. Ce n’est pas acceptable.

 

L’innovation, c’est aussi le développement de la voiture électrique à Paris, l’installation de bornes de recharge, la possibilité pour ces véhicules d’utiliser les voies de bus. Cette innovation - qui implique d’ailleurs un illustre habitant d’Auteuil, capitaine d’industrie - est au service de la qualité de l’air et de la lutte contre la pollution.

 

Le collectif, c’est notre capacité à prendre soin de nos enfants, par la poursuite de la création de crèches collectives, sujet somme toute assez consensuel. C’est aussi notre volonté d’accompagner nos aînés dans l’âge, et d’appuyer leurs aidants. La dépendance des personnes âgées et une priorité dans le 16e. Outre les établissements, il nous faut soutenir les aidants, souvent eux-mêmes âgés, par la mise en place de structures de répit susceptibles de prendre en charge les personnes dépendantes pendant quelques jours, et par le développement d’associations de soutien et de formation.

 

PdA : J'imagine, sans vouloir vous offenser, que vous n'espérez pas réellement prendre la mairie du 16e. Quels sont vos objectifs sur cette compétition, en termes de pourcentages, de nombre d'élus ?

 

T.L. : L’enjeu dans le 16e est le pluralisme. Depuis 1995, la mobilisation des électeurs a permis la représentation de nos valeurs au Conseil de Paris et au Conseil d’arrondissement du 16e. Mais, avec 17 % des suffrages exprimés en 2008, nous ne sommes que trois conseillers d’arrondissement sur 39, dont un conseiller de Paris sur 13. Or, le 16e a besoin de représentants de gauche et du centre gauche pour porter les projets d’amélioration de son cadre de vie, en coopération et non pas en opposition avec la mairie de Paris. Le 16e a besoin de relais progressistes locaux qui soient puissants. Et au niveau parisien, le 16e peut contribuer à la victoire d’Anne Hidalgo avec 1 ou 2 conseillers de Paris sur les 82 qui constituent la majorité absolue pour être élue maire.

 

Nous ferons progresser nos valeurs et convaincrons ceux qui sont tentés par l’abstention ou les votes extrémistes : le danger est réel de voir l’extrême droite, dont les thématiques sont parfois reprises par notre actuel maire d’arrondissement, nous enfermer pour longtemps dans des peurs stériles qui mèneraient à l’exclusion des plus faibles et à la violence.

 

PdA : J'aimerais désormais vous inviter à envisager ensemble Paris dans sa globalité, Paris dans toute sa complexité. Quel serait, le plus objectivement possible, le bilan que vous dresseriez des douze années de mandatures Delanoë-Hidalgo ?

 

T.L. : Beaucoup a été fait, et beaucoup reste à faire. Mais après deux mandats de Bertrand Delanoë, Paris s’est transformé et personne ne peut l’ignorer.

 

Paris a gagné 118 000 habitants depuis 1999 (-170 000 entre 1985 et 2000). Un Paris qui se repeuple, c’est un Paris dynamique : plus d’habitants et, donc, plus de structures d’accueil, crèches (+ 10 000 places), écoles, collèges, équipements culturels et sportifs.

 

70 000 logements sociaux auront été financés, permettant de loger 200 000 personnes. Un Paris qui favorise la mixité sociale, c’est un Paris solidaire qui préserve la diversité et lutte contre l’exclusion.

 

70 hectares d’espaces verts supplémentaires, + 8% d’arbres. Un Paris qui soigne le cadre et la qualité de vie, c’est un Paris où il fait bon vivre avec toujours plus d’espaces verts, d’espaces mixtes, des modes de transports modernes, moins de voitures, moins de pollution et plus de respiration.

 

Dynamisme démographique, justice sociale et cadre de vie forment désormais son identité, à des années-lumière de la période Chirac/Tiberi. Une ville en mouvement, créative et généreuse, ouverte sur les autres et sur le monde, une ville vivante qui avance avec confiance.

 

Le nouveau stade Jean Bouin, les pelouses d’Auteuil rendues aux promeneurs et aux sportifs, la renaissance de la piscine Molitor, le maintien des internationaux de tennis sur le site de la porte d’Auteuil et bien d’autres réalisations encore sont pour le 16e arrondissement autant d’illustrations de cette ambition d’un Paris pour tous... et pour longtemps.

 

PdA : Anne Hidalgo a récemment annoncé vouloir « créer un choc sur la chaîne du logement ». Un enjeu majeur, peut-être le tout premier, eu égard à son poids dans les dépenses des ménages parisiens, dans un contexte de saturation, d'extrême tension sur l'immobilier. Outre la création annoncée d'une agence  publique privée, quelles réponses apporterez-vous à cette problématique pour en être à la hauteur et espérer véritablement changer la donne ? La réorientation de l'urbanisme parisien au profit de l'édification de tours d'habitations pourrait-elle constituer une piste sérieuse ?

 

T.L. : La réponse apportée par Anne Hidalgo est très innovante : l’Insee évalue à 7,8 % le nombre de logements vacants à Paris. Parmi ceux-ci, certains sont occupés occasionnellement mais d’autres pourraient être remis sur le marché moyennant la prise en charge de travaux de remise en état par cette agence et le versement de redevances au propriétaire. Il faut tenter cette solution.

 

Je ne suis pas convaincu de la pertinence des tours d’habitation qui ont quelques désavantages en termes d’entretien, de charges et de sécurité. En revanche, je pense que le modèle haussmannien de six étages qui s’expliquait par l’absence d’ascenseur a vécu et que dans certains nouveaux quartiers délimités, comme à Batignolles, il serait bon de prendre un peu de hauteur.

 

Il faut parallèlement simplifier le Code de l’urbanisme, dont certaines règles contradictoires favorisent les recours abusifs. C’est la tâche du gouvernement.

 

PdA : Où en sont vos réflexions sur ce que devrait être, à terme, le travail en commun et en communauté de Paris avec ses voisines ? En sept mots comme en cent : quelle est votre vision du "Grand Paris" ?

 

T.L. : La question du logement doit être aussi envisagée au niveau du Grand Paris, qui disposera de cette compétence. Le plus grand potentiel de terrains constructibles et de densification se situe en effet dans les communes périphériques.

 

Le Grand Paris, c’est aussi l’occasion de créer une identité commune entre les habitants de Paris et de la petite couronne, d’effacer la frontière du périphérique. L’histoire du 16e, rattaché à Paris en 1860, est dailleurs aussi l’histoire réussie d’un agrandissement de Paris. Il faut donc regarder le Grand Paris avec optimisme.

 

PdA : Quelles questions, quel message souhaiteriez-vous adresser à Nathalie Kosciusko-Morizet à l'occasion de cette interview ?

 

T.L. : Comment peut-elle prétendre porter la volonté de créer du logement social et être alliée au maire du 16e arrondissement qui finance depuis des années une lutte virulente contre les logements sociaux ?

 

PdA : Ne craignez-vous pas, en ces temps d'impopularité très marquée pour l'exécutif national, de subir les effets d'un vote en partie détourné de son objet premier, un vote "sanction" à la faveur duquel Paris risquerait de vous échapper ? Qu'aimeriez-vous dire aux Parisiennes et aux Parisiens pour les convaincre de ce que leur intérêt résiderait dans le vote "Thomas Lauret" pour le 16ème, dans l'élection d'Anne Hidalgo à l'Hôtel de Ville ?

 

T.L. : L’élection de mars 2014 est celle du maire et de son conseil. Il ne s’agit pas de désigner le gouvernement. Les Parisiens savent ce que le maire de Paris a fait pour le cadre de vie et la cohésion sociale et l’importance de son rôle dans la dynamisation de la cité. Je veux que le dynamisme que Bertrand Delanoë a insufflé à la ville se poursuive et que les habitants du 16e en bénéficient.

 

Ils ne sont d’ailleurs pas dupes de la posture populiste du maire d’arrondissement qui, en instrumentalisant les questions sécuritaires, s’adresse malheureusement plus souvent à nos pulsions qu’à notre intelligence.

 

Je crois que les habitants du 16e méritent le respect, la sincérité et la proximité. Cela passe aussi par le non-cumul des mandats entre député et maire. C’est notre culture politique, et c’est cela qui fait de Paris une ville beaucoup plus belle et respectée qu’elle ne l’était en 2001 à la fin du mandat de Tibéri, mandat pendant lequel Claude Goasguen était adjoint au maire.

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci !

 

T.L. : Je vous remercie de votre écoute et du sérieux de vos questions. Cette campagne dans le 16e a d’autant plus de sens que nos valeurs sont encore peu représentées. Je vous remercie de vous en faire l’écho.

 

Thomas Lauret 2

(Avec Pierre-Alain Weill et Audrey Keysers, rue de l'Annonciation, le 27 octobre 2013.)

 

 

Merci à vous, Thomas Lauret, pour vos réponses, pour votre implication. Si Claude Goasguen ou un de ses proches souhaite réagir, il est le bienvenuEt vous, que vous inspire l'élection municipale parisienne ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Vous pouvez retrouver Thomas Lauret...

 

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26 octobre 2013

Jules Sitruk : "Je rêve de travailler avec Lars von Trier..."

Son visage, vous le connaissez. Vous l'avez forcément vu au moins une fois, sur un écran, petit ou grand. Il n'avait pas neuf ans aux premières heures de son parcours de comédien, débuté un peu par hasard, en réponse à une petite annonce. Ses premiers gros succès publics, ceux que l'on associe naturellement à son nom, ont un peu plus de dix ans : Monsieur Batignole et Moi César, 10 ans ½, 1m39. Deux rôles mémorables, des rôles d'enfants. Jules Sitruk a vingt-trois ans, aujourd'hui. Quelques jolis films sont intervenus, entre temps. Méconnus, souvent. À découvrir, certainement. Il a accepté d'en citer quelques uns, d'évoquer deux ou trois souvenirs, pour Paroles d'Actu. Surtout, il nous parle de ses projets, de ses rêves. Rencontre avec un artiste de talent, un garçon très accessible. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

JULES SITRUK

 

« Je rêve de travailler

avec Lars von Trier... »

 

Jules Sitruk

(Photo proposée à ma demande par Jules Sitruk)

 

Q : 17/09/13

R : 21/10/13

  

Paroles d'Actu : Bonjour Jules. À l'origine de ton parcours de comédien, il y a cette petite annonce, une annonce de casting placée chez ton coiffeur. Tu as huit ans, à l'époque... Ton état d'esprit, à ce moment-là, c'est plutôt « Pourquoi pas ? » ? « Enfin ! » ?

 

Jules Sitruk : Disons que ça se rapprochait plus du « Pourquoi pas ». L’annonce cherchait un « garçon de huit-dix ans, pâle et au cheveux noirs ». Et puis le titre du film, Le petit prince cannibale, me plaisait bien.

 

PdA : Ton premier grand rôle marquant, c'est sans aucun doute celui du petit Simon dans Monsieur Batignole (2002), de et avec Gérard Jugnot. Tu y interprètes un enfant juif hébergé et finalement sauvé par le personnage éponyme, un boucher-charcutier sans histoire, durant les heures noires de l'Occupation. Un film qui tient une place particulière dans ton cœur, j'imagine...

 

J.S. : Bien sûr. Me projeter à cette sombre époque est particulièrement intense, notamment de par mes origines. De plus, c’est un film que je trouve particulièrement bien écrit. Très fin, très subtil. C’est un de mes plus beaux souvenirs de tournage.

 

PdA : Le long métrage que l'on associe peut-être plus volontiers, plus naturellement à ton nom, c'est probablement Moi César, 10 ans ½, 1m39 (2003), réalisé par Richard Berry. Trois gamins, dont toi, César, qui se posent énormément de questions, comme tous les gamins. Et qui vont finalement décider de partir à l'aventure, une aventure riche de rencontres, de découvertes... Quels souvenirs gardes-tu de ce tournage ?

 

J.S. : De super souvenirs aussi. Je me souviens avoir été particulièrement stressé la veille du premier jour de tournage. Je me mettais pas mal de pression. Je voulais être le meilleur possible, le plus professionnel aussi. Montrer que j’étais un acteur avant d’être un enfant. Et puis je me suis finalement détendu très vite ! Nous rigolions beaucoup sur le plateau, ce qui, je trouve, se ressent à l’écran.

 

PdA : J'en citerai un troisième, plus récent : Le Fils de l'autre (2012), un très beau film signé Lorraine Lévy. Un jeune Israélien, un jeune Palestinien : deux destins qui vont se croiser, et quelques certitudes qui vont, au passage, voler en éclat, lors d'une révélation, celle d'un échange - bien involontaire - à la naissance. Que retiendras-tu de cette expérience ?

 

J.S. : Énormément de choses, sur les plans professionnel et personnel. Lorraine, la réalisatrice, avait à cœur de faire un film fort, poétique, mais avant tout vrai. Il s’agit d’une aventure dans laquelle chacun a donné énormément de lui même. Il fut question de partage, et d’écoute. L’équipe était composée de Français, d’Israéliens et de Palestiniens. Chaque membre de l’équipe avait au préalable lu et accepté le scénario avant d’accepter le film, techniciens et acteurs. C’est une histoire très forte, qui commence comme un drame, et se révèle être une "ouverture". Et j’ai eu la chance de travailler avec de fantastiques acteurs, Emmanuelle Devos, Mehdi Dehbi, Pascal Elbé, Khalifa Natour…

 

PdA : Le tour d'horizon que nous venons de réaliser est partial, forcément partiel. Quelles sont, parmi tes autres collaborations (y compris les courts-métrages et les éléments de ta voxo), celles que tu aimerais inviter nos lecteurs à (re)découvrir ?

 

J.S. : Un film que j’adore, mais qui est malheureusement très peu connu en France : Son of Rambow (Le Fils de Rambow en français, ndlr), de Garth Jennings. Il s’agit d’une comédie anglaise dans laquelle j’ai joué il y a cinq ans. L’histoire, dans les années 80, de trois jeunes voulant réaliser une suite au film Rambo, tout juste sorti dans les salles de cinéma. Ce film est très drôle et poétique, un univers un peu à la Gondry.

 

Sinon, Vipère au poing, de Philippe de Broca. Je ne dirai jamais assez combien je suis honoré et heureux d’avoir pu jouer avec Jacques Villeret avant qu’il ne nous quitte.

 

PdA : Tes plus belles rencontres, jusqu'ici ?

 

J.S. : Je vais en revenir à Villeret, et de Broca. Si je commence, je peux citer 4 872 personnes, mais ces deux-là, parce que je garde d’eux d’incroyables souvenirs : Villeret me parlant du tournage du Dîner de cons, ou de Broca, le réalisateur le plus vieux mais le plus rapide avec qui j’aie tourné !

 

PdA : Être acteur, pour toi... ?

 

J.S. : Pour moi, un acteur n’est pas un artiste, mais un artisan. Le réalisateur est un artiste.

 

PdA : Quelle importance cette activité d'acteur revêt-elle dans ton quotidien ? Dans ta vie ?

 

J.S. : Je passe mon temps à écrire et à regarder des films, quand je ne suis pas en tournage. Le cinéma est ma première et plus grande passion. Je vis cinéma.

 

PdA : Quels personnages, quels genres de rôles aimes-tu et aimerais-tu incarner ?

 

J.S. : Disons que j’aimerais bien explorer des types de rôles que je n’ai encore jamais approchés, des rôles plus matures. Je pense que pour m’épanouir, j’ai besoin de me divertir, agrandir ma palette de jeu. Sinon, j’aurais bien voulu être Harry Potter !

 

PdA : Avec qui rêverais-tu de travailler ?

 

J.S. : Lars von Trier, Michael Shannon, Ricky Gervais, Jim Carrey, Jacques Audiard, Agnès Jaoui, Olivier Gourmet, Jacques Gamblin, Karin Viard, Bryan Cranston, Pierre Schoeller, Darren Aranofski, Steve Buscemi, Thomas Vinterberg, Mads Mickelsen, Quvenzhané Wallis…

 

PdA : Passer derrière la caméra, c'est quelque chose dont tu as envie ?

 

J.S. : Énormément. Ce sera d’ailleurs bientôt le cas : je réalise mon premier court-métrage début 2014.

 

PdA : Petit décrochage... Ton père, musicien, tient aujourd'hui un rôle essentiel auprès du groupe BB Brunes. Un peu grâce à toi, je crois... ? La musique, c'est un monde qui t'attire ?

 

J.S. : Effectivement. Adrien (le chanteur) est un ami de lycée. Un jour, je lui ai proposé de filer un CD de ce qu’il faisait à mon père, musicien, et jeune producteur. Mon père a tout de suite accroché. Depuis, c’est une affaire qui roule… Personnellement, je ne suis pas attiré par la musique, bien que j’adore ça. D’ailleurs, j’ai déjà joué de l’accordéon, du piano, du violon, et de la guitare… Mais pour des films !

 

PdA : Quels sont, ton art mis à part, tes passions, tes fenêtres d'évasion ?

 

J.S. : Encore une fois, le cinéma est ma principale source d’intérêt. Je travaille sur différents projets en écriture, qui me prennent le plus gros de mon temps. Sinon je fais de l’escalade, trois fois par semaine, et je joue régulièrement au foot avec mes potes. Je lis aussi beaucoup.

 

PdA : Quels sont tes projets ?

 

J.S. : Tout d’abord, la réalisation de mon court-métrage, Windows, pour début 2014. Puis je tournerai Marianne, tiré du roman de George Sand, qui sera réalisé par Bruno François-Boucher. Enfin, comme je l’ai dit, je bosse sur d’autres scénarios, notamment un que j’adore, pour le cinéma.

 

PdA : Tes rêves ?

 

J.S. : Jouer des rôles tous plus surprenants et intéressants les uns que les autres. Avoir la chance de réaliser mes films.

 

PdA : Que peut-on te souhaiter pour la suite, cher Jules ?

 

J.S. : Bonne route !

 

PdA : Si tu devais adresser un message à quelqu'un... ?

 

J.S. : Une bande démo à Lars von Trier.

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci infiniment !

 

J.S. : Merci !

 

 

Merci encore Jules, merci pour tout ! Bonne route... ;-) Et vous, qu'est-ce qui vous a marqué(e) dans la filmographie de Jules Sitruk ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Vous pouvez retrouver Jules Sitruk...

 

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26 octobre 2013

Bel Plaine : "On aime l'adrénaline du live !"

« Bel Plaine traduit l’urgence et la contemplation, l’insouciance et l’envie. Dans des contes romantiques et modernes interprétés rageusement par les deux chanteurs aux voix aussi lointaines que jumelles. Le groupe à cinq têtes, formé en 2011, délivre une musique efficace, teintée de douce nostalgie folk. Une pop soutenue par des harmonies vocales qui apaisent comme la parole rassurante soufflée au creux d’une oreille. » Ils ont été, avec deux autres groupes, les lauréats 2013 du fameux Prix Paris Jeunes Talents. Une consécration méritée, un tremplin vers de nouvelles aventures, tellement exaltantes... Morgan Renault et Antoine Blond sont les deux chanteurs et guitaristes de Bel Plaine. Ancelin Quinton est bassiste, Cédric Van Der Gucht, batteur, Alexis Pivot, claviériste. Un quintette gagnant. Écoutez leur musique. Leur chanson Summer Ends. Leur EP, Present. Allez les voir. En vidéo. En live, surtout. Bel Plaine, l'un des groupes les plus touchants, les plus prometteurs de la scène actuelle... Un groupe à suivre... Petite interview-présentation. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

MORGAN, ANTOINE

BEL PLAINE

 

« On aime l'adrénaline du live ! »

 

Bel Plaine 1

(Photos proposées à ma demande par Bel Plaine.

Ci-dessus, de g. à d. : Morgan Renault, Ancelin Quinton, Antoine Blond, Cédric Van Der Gucht.)

 

Q : 24/07/13

R : 19/10/13

  

Paroles d'Actu : Bonjour Morgan, bonjour Antoine. Vous êtes chanteurs, guitaristes au sein de Bel Plaine. D'où vous vient cet amour de la musique, à la base ?

 

Morgan : Pas de ma famille, en tous cas, car je n'ai pas été élevé autour de musiciens. Quoique... Je me souviens avoir été captivé, même très jeune, par un instituteur qui nous jouait de la guitare en classe. Après, c'est seulement à l'adolescence que je me suis mis à la musique, après avoir ramené une guitare d'Espagne.

 

Antoine : C'est marrant, moi aussi, c'est un instit' qui m'a donné l'envie de jouer de la guitare, mais à l'origine, je viens d'une famille de musiciens, donc j'ai toujours plus ou moins baigné dedans...

 

PdA : Parlez-nous de Bel Plaine, de l'histoire du groupe, qui est très récent je crois ?

 

Morgan : Oui, le groupe est né exactement le 31 décembre 2010, lors de ma rencontre avec Antoine. On était à la même fête du jour de l'An, on ne s'est pas calculés de la soirée, et c'est au moment de se dire au revoir que l'un de nous a fait une réflexion sur la musique qui passait, c'était un titre de The Drums. On a beaucoup discuté en se promettant de se revoir pour faire de la musique. On s'est recroisés le lendemain sur un quai de métro, par hasard…

 

PdA : Quels ont été jusqu'ici, à vos yeux, les moments forts de votre parcours ? Quels sont vos morceaux préférés, ceux que vous aimeriez inviter nos lecteurs à découvrir ?

 

Antoine : L'un des grands moments a été l'enregistrement de notre premier EP, Present, dans une ferme du Lot que nous avons transformée en studio. C'est là qu'Alexis, notre pianiste, est arrivé et que Bel Plaine est devenu un groupe à cinq têtes, ce qui correspond à la vraie naissance du groupe pour nous.

 

Un autre moment fort a été de gagner le prix "Paris Jeunes Talents" cette année. En effet nous avons humblement sorti notre EP en auto-production, sans aucune structure, donc ça a été énorme pour nous de gagner un tel prix, sachant qu'on a enchaîné avec une participation aux Francofolies…

 

Morgan : Pour ce qui est de nos morceaux préférés, allez écouter Summer Ends, puis notre EP, et ensuite venez nous voir en concert !

 

PdA : Le nom Bel Plaine vient d'un t-shirt. Si votre univers devait être représenté par un dessin, à quoi ressemblerait-il ?

 

Morgan : À un bison galopant au milieu d'une vaste prairie, chevauché par un couple nu.

 

Antoine : J'ai pas mieux.

 

PdA : Les retours de la presse et du public sont, pour le moment, plutôt positifs (voire très positifs). Quels sont ceux qui vous ont le plus touchés jusqu'à présent ? Quelle est votre "stratégie" pour toucher le plus grand nombre ?

 

Antoine : Ce qui nous touche beaucoup, ce sont les e-mails d'anonymes qui nous écrivent pour nous dire qu'ils écoutent notre musique et qu'elle leur fait du bien. C'est toujours étonnant de recevoir de tels messages.

 

Morgan : Et sinon, c'est toujours encourageant d'être soutenu par la presse, que ce soient les petits blogs ou bien les magazines à plus grosse parution.

 

PdA : Quels sont les artistes, les groupes d'hier et d'aujourd'hui, connus ou moins connus qui vous inspirent, que vous aimez et que vous voudriez nous faire découvrir à l'occasion de cette interview ?

 

Morgan : Allez dévorer l'album de Half Moon Run, un groupe montréalais, c'est notre coup de cœur du moment.

 

Antoine : Et autre belle découverte, Unknown Mortal Orchestra.

 

PdA : Quels sont vos projets ?

 

Antoine : Pour être concret, nous voulons sortir un EP au printemps prochain. On a composé de nouveaux morceaux que l'on a hâte de présenter aux gens.

 

PdA : Vos envies ?

 

Morgan : Nous voulons continuer à faire de la scène pour partager notre musique avec le plus de gens possible, car on aime vraiment l'adrénaline du live.

 

PdA : Vos rêves ?

 

Antoine : Peut être vivre un peu mieux de notre musique, histoire d'en faire plus...

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

 

Morgan : Encore plus de concerts. D'ailleurs, n'hésitez pas à venir nous voir le 31 octobre au Badaboum (nouvelle scène Bastille), le 16 novembre à la CLEF de St Germain-en-Laye et le 26 novembre aux Trois Baudets.

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci infiniment !

 

Antoine : Merci à toi et à bientôt.

 

Morgan : À bientôt dans une salle de concert.

 

Present

 

Merci Morgan, merci Antoine, pour vos réponses, pour votre enthousiasme ! Merci à Maëva Saurine, leur manager, pour nos échanges. 5 lettres pour la suite du parcours de Bel Plaine, mais je ne m'en fais pas, je sais qu'elle sera belle... ;-) Et vous, que pensez-vous de Bel Plaine ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Vous pouvez retrouver Bel Plaine...

 

22 octobre 2013

Julien Rochedy : "Le FNJ est le premier mouvement jeune de France"

   Il y a eu, ces derniers jours, les propos méprisables, ouvertement racistes proférés par l'une de ses adhérentes, sanctionnée depuis. Un débat un peu hors-sol sur la place qui devrait être celle du parti sur l'échiquier politique. Et puis il y a le mouvement de fond. La crise n'est pas uniquement économique et sociale, elle touche également au sens que l'on donne au vivre-ensemble, à notre rapport aux gouvernants, aux élites. Lorsque la confiance, la foi dans le système, dans l'avenir tel qu'il semble tracé s'effritent, des voies autres que celles traditionnellement admises sont promues au rang de possibilités. Les sondages, les scrutins successifs le démontrent : le Front national a le vent en poupe. Caricaturer son électorat ne revient-il pas à se voiler la face, à nier cette réalité ?

   « Quel parti politique est le plus à même de "réformer en profondeur le pays en surmontant les blocages au sein de la société française" ? » Le FN, pour 44% des sondés (CSA). Les intentions de vote pour les Européennes de 2014 ? La formation présidée par Marine Le Pen ferait la course en tête (24%), d'après l'institut Ifop. Une étude BVA suggérait il y a quelques mois le recul du rejet inspiré par le Front national, la montée en puissance de sa sélection en tant que "vote d'adhésion", et plus simplement de "protestation". La confirmation de son « potentiel électoral » élevé. Particulièrement chez les ouvriers (40%) et chez les jeunes (33%)...

   Julien Rochedy est le président du Front national de la Jeunesse. Forte de ses presque 20.000 adhérents, la branche junior du FN serait, selon ses termes, « le premier mouvement jeune de France ». J'ai souhaité m'entretenir avec lui, l'interroger sur son parcours, sur le fond de ses idées, le plus impartialement, le plus honnêtement possible. Je le dis d'autant plus facilement que je ne partage pas nombre de ses options. Je le remercie d'avoir accepté de jouer le jeu, avec sérieux et diligence. Ses propos susciteront des débats, forcément. Notre société ne pourra bientôt plus en faire l'économie... À vous de juger, sur pièces, de réagir, d'interpeller... Merci. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

JULIEN ROCHEDY

Président du Front national de la Jeunesse

 

« Le FNJ est le premier

mouvement jeune de France »

 

Julien Rochedy itw

(Photo proposée à ma demande par Julien Rochedy)

 

Q : 20/10/13 ; R : 22/10/13

 

Paroles d'Actu : Bonjour Julien Rochedy. Un « exemple », un « maître », un « professeur d'énergie ». C'est en ces termes que vous évoquiez la figure de Bonaparte l'année dernière, à l'occasion d'une interview accordée au blog Marine Le Pen 2012. Qui côtoierait-il au sein de votre panthéon personnel ?

 

Julien Rochedy : J’ai toujours du mal avec ces questions car, en réalité, je me passionne depuis mon plus jeune âge pour tous les hommes de l’Histoire qui ont réalisé de grandes choses pour leur patrie, leur peuple et leur civilisation. Pour moi, Napoléon les domine tous d’une tête, c’est pourquoi je le cite plus volontiers, et puis il est Français… Mais sinon, mon panthéon est très grand car, de l’Antiquité à aujourd’hui, les hommes exceptionnels ont été nombreux. Voyez, je viens de finir la biographie de Charles XII, et j’admire donc une nouvelle personne, un grand roi !

 

PdA : Qu'est-ce qui, dans votre parcours, dans votre vie, a contribué à forger votre conscience de citoyen ?

 

J.R. : Ça s’est passé au collège, lorsque, justement, j’ai commencé à m’intéresser à l’Histoire. J’ai pris conscience que mon être n’était pas, comme ça, hors sol. J’ai pris conscience que j’appartenais à une lignée, à un pays, à une histoire, et que tout mon avenir dépendait de cette filiation et d’une certaine fidélité à son égard. Avec l’Histoire, je me suis senti appartenir à un tout, à une communauté, et, ainsi, que je devais lier mon destin à celle-ci.

 

PdA : Qu'est-ce qui vous a poussé à vous intéresser aux idées du Front national, puis convaincu d'adhérer à ce parti ? Votre décision a-t-elle coulé de source ? A-t-elle donné lieu à, disons, des débats avec vos amis, vos proches ?

 

J.R. : En vertu de ce que j’ai dit plus haut, tout s’explique : je ressentais le devoir de m’engager pour mon pays, pour son salut, sa gloire, sa survie ; la question était donc : "Par quel biais ?". Si je choisissais le biais politique, alors il n’y avait aucun doute, ce ne pouvait être qu’au Front national, parti qui me semblait le plus à même de tirer mon pays vers le haut.

 

PdA : Je vous ferai grâce de la question à la mode en ce moment, celle de la classification du FN sur l'échiquier politique : un parti d'« extrême-droite », « national-fasciste » diront certains, vous n'êtes pas d'accord avec cette analyse, chacun le sait...

La question que j'aimerais vous poser fait écho à celle à laquelle Marine Le Pen a déjà eu l'occasion de répondre : est-ce que, Julien Rochedy, vous assumez et reprenez à votre compte la totalité de l'histoire, de l'héritage du Front national ?

 

J.R. : Bien sûr ! Et, comme je l’ai déjà dit, je me moque des qualificatifs utilisés par nos adversaires pour nous discréditer. D’abord, parce qu’ayant une certaine connaissance historique, je relativise : pour ces gens-là, n’importe quel grand homme de l’Histoire eut été « d’extrême-droite ». Et puis, si n’être pas comme eux, c’est être « d’extrême-droite », alors je veux bien, même si, fondamentalement, c’est complètement faux.

 

PdA : Marine Le Pen n'a de cesse de fustiger le traitement réservé à votre parti par certains médias, notamment à l'occasion d'interviews. Le commentaire de "petites phrases" ou de photos présentées comme compromettantes amputerait d'autant le temps dévolu à l'exposé, à l'explication de votre projet.

Certains de vos militants donnent toutefois l'impression de tendre le bâton pour se faire battre, sapant par leurs actions ou leurs déclarations le travail effectué pour restaurer l'image du FN. J'ai évidemment à l'esprit cette femme, Anne-Sophie Leclère, pour ses propos ouvertement racistes à l'égard de Christiane Taubira. Et qui, d'ailleurs, a été sanctionnée par votre parti. Un cas qui n'est pas totalement isolé...

Quelle est la ligne du Front national de la Jeunesse s'agissant de ce type de comportement ? Quelles sont vos règles, vos réactions en la matière ?

 

J.R. : Il faut différencier deux choses. Premièrement, il faut éviter de céder tout le temps au politiquement correct qui fait que n’importe quoi d’un peu franc et viril passe pour un dérapage. C’est insupportable ! Mais nous devons faire très attention vis-à-vis des expressions pénalement répréhensibles, car elles ne représentent pas du tout la ligne de notre mouvement. Notre projet est républicain, et c’est bien cela qui embête nos adversaires, justement.

 

PdA : De nombreux sondages - y compris ceux sortis des urnes - ont indiqué ces dernières années, ces derniers mois, ces dernières semaines, que le Front national tenait désormais une place de choix dans celui des jeunes électeurs, parfois la première.

Ces jeunes, qu'ils soient militants ou "simples" sympathisants, vous êtes amené à les côtoyer au quotidien. Quel est leur profil, leur message ?

 

J.R. : C’est là une de mes rares sources d’espoir : énormément de jeunes nous rejoignent et ont à cœur de ne plus se faire avoir par les partis du système. Ces jeunes ont des profils différents, du jeune chômeur au jeune étudiant. Ils ont compris que leur avenir dépendait de celui de la France, que leur identité était menacée et que, pour la première fois depuis des dizaines d’années, on leur promet qu’ils vivront plus mal que leurs parents, etc. Ils se sont débarrassés de tous les mensonges bien-pensants qu’on leur a assénés depuis qu’ils sont jeunes et sont désormais fiers d’être des patriotes.

 

PdA : Que pouvez-vous nous dire, pour ce qui concerne le Front national de la Jeunesse, que vous présidez, des tendances du moment ? Les adhésions sont-elles vraiment plus nombreuses, de plus en plus nombreuses ? Vient-on vous voir plus facilement, plus "ouvertement" ?

 

J.R. : Oui, nous approchons les 20.000 jeunes, ce qui est un record. Actuellement, nous sommes le premier mouvement jeune de France. Désormais, les jeunes rejoignent avec beaucoup plus de facilité le Front national car, d’une, ils savent qu’ils n’ont pas vraiment le choix s’ils veulent un avenir, et, de deux, parce que l’image que nous avons est désormais à leur image : des Français qui souhaitent simplement mener une politique de bon sens, loin de l’extrémisme dont on a raconté qu’il était notre logiciel.

 

PdA : Je vous propose maintenant d'aborder quelques questions de fond, d'examiner ensemble quelques uns des grands axes de votre projet pour la France et les Français...

 

L'une de vos propositions fondatrices concerne notre monnaie. Vous souhaitez que notre pays quitte l'union monétaire, qu'il abandonne l'euro au profit d'un franc restauré... La France retrouverait alors sa souveraineté monétaire et, en théorie, sa capacité à jouer sur les taux directeurs donc sur l'économie, à monétiser une partie de la dette publique... Vous comptez sur la dévaluation qui ne manquera pas de suivre une telle décision pour relancer notre compétitivité-prix, donc nos exportations, donc notre activité.

De nombreux experts doutent du réalisme du postulat que vous posez et jugeriez salutaire : la disparition de l'euro suite à la défection française. Pour eux, sortir de l'euro s'avérerait désastreux : le poids de la dette exploserait, l'inflation deviendrait galopante et la confiance des investisseurs et des marchés en sortirait durablement affectée. L'Institut Montaigne (auquel vous opposerez probablement d'autres études, c'est votre droit le plus strict) prévoit qu'elle provoquerait la perte de 6 à 19 points de PIB, la disparition de plus d'un million d'emplois... Que leur répondez-vous ?

 

J.R. : Avant d’entrer dans les détails techniques, j’aimerais attirer votre attention sur une chose : ceux qui nous disaient il y a vingt ans, avec Maastricht, que l’adoption de l’euro serait le paradis sont les mêmes que ceux qui, aujourd'hui, nous disent que son abandon serait un enfer. Ils se sont complètement plantés sur le paradis, et je peux donc vous assurer qu’ils se plantent aussi sur l’enfer prévu…

 

Ensuite, vous devez savoir qu’aujourd’hui de très nombreux économistes considèrent que l’euro a été une gageure. De Sapir à Krugman (prix Nobel d’Économie), tous estiment désormais que l’euro est le boulet numéro un de la croissance et de l’emploi en Europe. Nous sommes donc loin d’être seuls dans nos analyses.

 

Pour faire rapide, récupérer notre outil monétaire nous permettrait de relancer l’économie avec un peu d’inflation. Et là-dessus, il faut arrêter de dire que ce serait une catastrophe ! Durant les Trente Glorieuses, (1945-1973, ndlr) la France a dévalué peut-être une dizaine de fois et, à chaque fois, cela relançait la croissance ! De même, le Japon vient juste de dévaluer et son économie est repartie…

 

[Retrouver la maîtrise de l'outil monétaire] nous permettrait de monétiser la dette et de pouvoir emprunter directement à la Banque de France à des taux à 0 ou 1%, ce qui nous libérerait du poids de la dette et de l’influence négative des marchés financiers. Enfin, cela reboosterait nos exportations, qui, je vous le rappelle, ont plongé depuis l’adoption de l’euro. Vous pensez que c’est un hasard ?

 

PdA : Votre philosophie européenne pourrait se résumer comme suit : une coopération inter-États sur la base du volontariat en lieu et place d'une intégration communautaire jugée par trop dogmatique (sur le commerce, notamment), bureaucratique et antidémocratique. Il y a objectivement des éléments qui alimentent ces critiques.

Pour autant, à l'heure de l'émergence de géants démographiques (la Chine, l'Inde, le Brésil...) sur les scènes économique et diplomatique, le sens de l'Histoire n'est-il pas, pour reprendre l'expression de Kissinger, au développement d'une Europe politique au « numéro » unique ? Quelles conditions poseriez-vous à la subsistance d'une structure, d'institutions supranationales en Europe ?

 

J.R. : Je vais profiter de votre question pour préciser une chose essentielle : être contre l’Union européenne, ce n’est pas être contre l’Europe ! Au contraire ! C’est précisément parce que j’aime l’Europe que je n’aime pas ce qui la chaperonne bien illégitimement, au mépris de ses peuples et de sa civilisation, à savoir l’UE. Nous sommes pour une grande alliance européenne, avec des partenariats stratégiques entre les Nations qui ont tout intérêt à travailler de concert.

 

Il faut savoir que l’Europe n’est forte que par les Nations qui la composent : plus celles-ci sont libres et disposées à prendre les décisions qui servent leurs intérêts, plus l’Europe progresse et se développe. Nous pourrons d’autant plus échanger et travailler ensemble quand chacun aura récupéré toutes ses marges de manœuvre et sa liberté. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne est destinée à mourir, en tout cas sous cette forme, car il n’est pas dans le logiciel de l’Europe d’être dominé par une structure supranationale.

 

PdA : Vous êtes souvent très critiques vis-à-vis des États-Unis et de l'esprit en général plutôt atlantiste des politiques français. Vous favorisez clairement un rapprochement avec la Russie, citée à de nombreuses reprises dans votre projet présidentiel de 2012.

Que partageons-nous, et qu'avons-nous vocation à partager avec la Russie, dont je rappelle au passage qu'une loi bannissant la "propagande" homosexuelle a récemment provoqué quelques remous, et pas uniquement en Occident ?

 

J.R. : Nous appartenons à une civilisation européenne qui a en réalité plus à voir avec la Russie qu’avec les États-Unis, qui se sont construits, historiquement, en rupture avec les principes et les valeurs européennes de la « Vieille Europe ». Mais ça, beaucoup d’entre nous l’ont oublié, gorgés comme nous le sommes par les films, les séries, les musiques, les produits américains…

 

En dehors de la civilisation, nos intérêts stratégiques communs sont immenses : l’Europe plus la Russie, c’est le cœur du monde (l’Heartland, que les États-Unis redoutent tant…) qui bat d’un même rythme. Nous redevenons la zone la plus puissante du monde.

 

Plus prosaïquement, nous partageons aujourd’hui le même souci pour l’émergence d’un monde multipolaire, la lutte (réelle) contre l’islamisme et, ajouterais-je, avec Vladimir Poutine, le même goût pour une société tout à fait moderne, mais qui ne méprise pas pour autant ses traditions.

 

PdA : Le thème "signature" du Front national, c'est l'immigration. Quelles modifications comptez-vous apporter aux règles relatives au droit de séjour des étrangers en situation régulière sur notre territoire ?

Qu'adviendrait-il, par exemple, d'un étranger intégré ayant travaillé, cotisé durant vingt ans ou plus, qui aurait fait sa vie en France et se retrouverait brutalement, durablement au chômage ? Aurait-il réellement vocation à être reconduit dans son pays d'origine ?

 

J.R. : C’est bien simple : un étranger en France, s’il veut rester, devra subvenir à ses propres besoins, comme dans la plupart des pays du monde. Un étranger ayant travaillé des années en France touchera le chômage qui lui est dû, et, lorsque ses droits au chômage seront terminés, alors, il devra soit trouver un autre travail, soit quitter le pays. Bon sang ! C’est normal à la fin !

 

Est-ce que vous et moi, nous nous dirions, « Tiens, si je partais en Argentine ou aux États-Unis, parce que j’aime ces pays, pour y toucher des aides ? » Non ! Vous et moi, on chercherait du travail dans ces pays. Si on en trouve, on y va. Si on n’en trouve pas, on reste chez nous. C’est normal.

 

PdA : Vous souhaitez réduire de manière drastique le nombre d'entrées légales sur notre territoire, qui seraient portées à environ 10 000 par an, je crois. Une telle restriction ne porte-t-elle pas en son sein le risque de nous priver du concours de gens qui souhaiteraient entreprendre, créer de la richesse en France ?

Par ailleurs, une politique active de codéveloppement serait-elle conduite pour contribuer à traiter d'une autre manière, en amont, les causes qui mènent aux migrations de désespoir ?

 

J.R. : [Le risque que vous évoquez ne se présenterait pas] car les 10.000 personnes qui entreraient encore en France seraient essentiellement des étudiants. Quant au reste des étrangers, ce seraient, comme je l’ai dit précédemment, des étrangers ayant un travail en France ou de quoi subvenir à leurs besoins, donc, en réalité, les étrangers qui apportent une plus-value à la France seront toujours présents. Seuls les chômeurs que nous ne pouvons plus assister ne viendront plus et, hélas, aujourd’hui, ils constituent 80% de l’immigration que nous connaissons chaque année.

 

PdA : En matières pénale et d'application des décisions de justice, vous préconisez, outre la création de nouvelles places de prisons, la tenue d'un référendum qui inviterait les Français à se prononcer pour ou contre l'instauration d'une perpétuité "réelle", irrévocable, pour ou contre le rétablissement de la peine de mort.

Admettons que ce référendum se tienne effectivement (il faudrait d'abord se retirer de plusieurs traités de défense des droits de l'Homme...), voteriez-vous, à titre personnel, pour la réintroduction de la peine capitale dans notre système judiciaire ?

 

J.R. : Personnellement, je voterais "Oui". Je pense que certains crimes doivent être punis de cette peine hautement symbolique.

 

PdA : Sans transition... Quelle serait votre stratégie pour défendre et promouvoir notre culture, notre langue au-delà des frontières nationales ? Quel doit-être notre rapport à la communauté francophone ?

 

J.R. : La francophonie est effectivement un bien dont on ne tire pas assez avantage. Nous devrions aller ouvrir beaucoup plus d’universités dans les pays francophones, nous devrions être inflexibles sur la défense du Québec, nous devrions réinvestir massivement dans la production et l’exportation de nos biens culturels. Et puis, vous savez, une maxime que j’affectionne dit « Concentration signifie attraction ». Lorsqu’un vent de patriotisme sera passé à nouveau sur la France avec l’élection de Marine Le Pen et que nous nous serons reconcentrés sur notre génie propre, alors la France attirera à nouveau dans le monde.

 

PdA : Deux chiffres : 14% et 0,5. Le premier, c'est le score du Front national lors du premier tour des législatives de 2012. Le second, votre part (arrondie) d'élus à l'Assemblée. Une situation contre laquelle vous vous insurgez, à juste titre à mon avis. L'écrasante majorité des pays d'Europe organisent leur démocratie selon le système de l'allocation des sièges proportionnellement (avec quelques correctifs) au nombre de suffrages obtenus.

Quelle dose de proportionnelle appelez-vous de vos vœux pour la chambre basse ? Quelles sont, plus globalement, les réformes institutionnelles qui vous semblent nécessaires ? Faut-il mettre fin à la dualité à dominante présidentielle de l'exécutif, opter pour un véritable régime parlementaire ?

 

J.R. : Nous souhaitons que la Vème République persiste, car nous pensons qu’elle correspond bien à la France. La France a toujours eu besoin d’un exécutif fort, et elle ne s’avilit que lorsque, justement, l’exécutif n’est pas à la hauteur, comme aujourd’hui… En revanche, nous sommes pour la proportionnelle intégrale, car nous pensons que l’Assemblée doit être totalement représentative des opinions politiques des Français.

 

PdA : Nous venons d'évoquer quelques idées importantes de votre programme, quelques questions qui comptent pour nos concitoyens, pour notre pays. Une sélection, forcément partielle. Voyez-vous d'autres points que vous aimeriez porter à notre connaissance, au jugement de nos lecteurs ?

 

J.R. : Ce qui me tient à cœur personnellement, c’est l’idée de l’État-stratège dont parle Marine Le Pen, c'est-à-dire un État qui pourrait investir dans des secteurs clefs déterminants pour l’avenir. Un exemple : personne ne s’occupe de notre espace maritime, alors qu’il est le plus riche du monde. Pourquoi ? Car son exploitation demande des investissements sur le long terme, ce que peu d’entreprises privées peuvent se permettre. Ici, l’État pourrait jouer son rôle, un peu comme l’État sous le général de Gaulle, lorsqu’il a eu l’intelligence d’investir dans le nucléaire et dans des projets comme le TGV ou le Concorde.

 

Cet État-stratège, que seule Marine propose de recouvrer, est quelque chose d’essentiel pour l’avenir de notre pays, et en tant que jeune, ça me parle particulièrement.

 

PdA : Ce qui vous sépare des autres partis, de la gauche de la gauche à la droite dite « républicaine » tient, disent-ils régulièrement, à une incompatibilité en termes de « valeurs ». Comment définiriez-vous les vôtres ?

 

J.R. : Nos valeurs sont la liberté, la justice, la souveraineté, l’identité, la probité, etc. Bref, autant de valeurs que, manifestement, nous ne partageons effectivement pas avec les partis du système !

 

PdA : La puissance de votre force d'attraction ne réside-t-elle pas, pour une part significative, dans ce qui découle de votre non-participation au pouvoir, à savoir : une absence de bilan, de votes à assumer, de compromis à réaliser... ? Pourrez-vous prétendre exercer le pouvoir un jour en faisant l'économie d'une coopération avec d'autres pour obtenir une majorité, d'un abandon de quelques éléments de votre "pureté idéologique" ?

 

J.R. : Vous savez, nous sommes en situation de crise, et à chaque fois que la France touche le fond se libère un espace pour un grand mouvement patriotique. C’est là toute l’histoire de France… Viendra un temps (que l'on espère très proche) où une majorité de Français se porteront sur nous, car nous serons les seuls à pouvoir sortir le pays du cataclysme dans lequel les autres l’auront mis.

 

PdA : Au printemps prochain, vous serez à la tête de la liste Front national - Rassemblement Bleu Marine pour la municipale de Montélimar, dans la Drôme. Comment sentez-vous cette élection ?

 

J.R. : Très bien ! Et même mieux que je ne le pensais préalablement ! Les attentes des citoyens sont extraordinaires, et beaucoup de Montiliens sont déjà prêts à m’aider pour faire du Front national et du Rassemblement Bleu Marine des forces incontournables dans la ville et, d’une manière générale, dans le département.

 

PdA : Quels sont vos projets, vos ambitions pour la suite, Julien Rochedy ?

 

J.R. : Au niveau politique, je veux que le FNJ soit encore meilleur dans son implantation et dans sa communication, et je veux que le RBM et le Front national changent la donne dans la Drôme, avec mon concours.

 

PdA : Quelle évolution prédisez-vous au Front national pour les mois, les années à venir ? Le FN au pouvoir au niveau national, franchement, vous y croyez ?

 

J.R. : Bien sur que j’y crois ! Sinon, je ferais autre chose ! Je ne me bats pas pour rien. Comme le dit souvent Marine, nous ne sommes pas là pour témoigner, mais pour changer les choses !

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci !

 

J.R. : Merci à vous, et bon sang, croyez en la France !

 

 

Merci encore, Julien Rochedy, pour vos réponses. Et vous, que vous inspirent les idées du Front national ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

<<< Julien Rochedy avait accepté, il y a cinq mois, de prendre part à l'article choral Hollande : l'an 1 vu par de jeunes citoyens. Sa contribution, datée du 22 mai, est ici retranscrite... REPLAY

 

PdA : Bonjour Julien Rochedy. Qu'aimeriez-vous que nos lecteurs aient à l'esprit vous concernant avant d'aller plus loin ?

  

J.R. : Me concernant personnellement ? Que même si je suis au FN, je ne mange pas d’enfants et je n’ai jamais torturé de petits chats. Plus sérieusement, je suis diplômé d’un Master de Relations internationales, j’ai déjà écrit plusieurs livres mais n’en ai pour l’instant publié qu’un seul. Je suis engagé au Front national depuis 2006 et je suis un jeune bien ancré dans son temps, mais soucieux de l’amender pour notre salut.

 

PdA : François Hollande est à l'Élysée depuis un an. Établir un bilan sur 20% d'un parcours donné n'est pas forcément pertinent. J'aimerais plutôt vous demander ce que vous inspirent ses orientations politiques telles que vous les percevez, sa manière de gouverner et de représenter la France en Europe et dans le monde ?

  

J.R. : Ce sont les mêmes orientations qui ont guidé notre pays vers la catastrophe que nous connaissons. Il veut plus d’intégration européenne, ce qui signifie moins de souveraineté pour la France et plus de soumission à des intérêts qui ne sont pas les nôtres. Il continue une politique d’immigration qui se révèle tous les jours dramatique.

 

Il ne prend pas les mesures nécessaires pour endiguer l’insécurité qui frappe de plein fouet beaucoup de Français, parmi les plus fragiles. Enfin, il ne cherche pas d’autres modèles économiques en refusant le protectionnisme et la relance, seuls expédients qui pourraient nous faire retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi. 

 

PdA : Le "redressement", il en est beaucoup question en ces temps de crises, en tout cas dans les discours. Quelles sont les décisions, les actions que vous appelez de vos vœux pour les prochaines années pour atteindre cet objectif ? 

  

J.R. : J’aimerais que Hollande change son fusil d’épaule ! En tant que président de la République, il doit rendre le pouvoir aux Français, en l’arrachant s’il le faut à la Commission européenne et aux marchés financiers. Il doit cesser l’immigration au plus vite, car nous n’avons plus les moyens d’accueillir chaque année 200.000 personnes, sans parler des clandestins.

 

Il doit protéger notre économie et la relancer afin qu’elle ne sombre pas dans la récession, comme c’est le cas aujourd’hui. Je demande qu’il ait du courage et de la lucidité, qu’il ne reste pas dans les poncifs mondialistes, européistes et ultralibéraux qui ont fait tant de mal à notre pays.

 

PdA : Quel message souhaiteriez-vous adresser au président de la République ? 

 

J.R. : Qu’il faut croire à la France ! Si notre pays se dote d’une vision et de grands projets pour l’avenir, nous avons encore le potentiel de jouer dans la cour des grands. Nous avons le second espace maritime mondial, et peut-être le plus riche, or nous ne l’exploitons pas.

 

Nous avons des qualités immenses dans la recherche et dans l’énergie. Nous avons un savoir-faire incomparable dans notre industrie, pour peu qu’on l’aide. Nous avons enfin une position internationale qui nous permet de nous faire entendre. Alors bon sang, qu’il croie à la France ! 

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci !

 

J.R. : Le déclin généralisé que connaît la France vient des décisions politiques qui ont été prises de concert par l’UMP et le PS depuis des années. On ne soigne pas le mal avec le mal. Il faut donc changer de politique, et la seule alternative s’appelle Marine Le Pen, avec le Front national.

 

 

Vous pouvez retrouver Julien Rochedy...

 

 

Édition mineure de la présentation de l'article : 12/09/14.

16 octobre 2013

Laurence Abeille : "Les lobbies étouffent le politique"

C'est la lecture d'un article paru dans le magazine Time qui m'a donné envie de réaliser l'entretien suivant. Il y était question de la surmortalité observée depuis plusieurs années chez les abeilles d'Amérique et d'ailleurs, de ce que cela impliquait pour l'environnement, pour l'être humain. Je me suis alors souvenu d'avoir lu, quelques mois plus tôt, un papier dans lequel une élue évoquait ce phénomène inquiétant, son combat pour la cause des petites pollinisatrices. Son nom vous fera sourire, forcément. Allons un peu plus loin... Laurence Abeille est depuis juin 2012 la députée Europe Écologie Les Verts de la sixième circonscription du Val-de-Marne (Fontenay-sous-Bois, Vincennes, Saint-Mandé). Outre le sort des abeilles, sur lequel elle revient pour Paroles d'Actu, plusieurs sujets ont été abordés dans le cadre de notre interview : la participation des écologistes à la majorité et au gouvernement, le poids des lobbies au Parlement, et quelques uns des chevaux de bataille de cette infatigable militante pour les années à venir... Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

LAURENCE ABEILLE

Députée EELV de la sixième circonscription du Val-de-Marne

 

"Les lobbies étouffent le politique"

 

Laurence Abeille 2

(Crédit photo : François Lafite)

 

 

Q : 28/08/13

R : 11/10/13

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Laurence Abeille. J'aimerais évoquer avec vous la problématique de la surmortalité des abeilles, un phénomène qui vous inquiète. D'abord un rappel, peut-être, pour commencer ? Pourquoi les abeilles sont-elles importantes pour la planète et, peut-être un peu plus égoïstement, dans notre vie de tous les jours ?

 

Laurence Abeille : Les abeilles sont des « sentinelles de la biodiversité ». Leur présence – ou leur absence – indique l’état écologique du milieu. Mais il ne faut pas nous limiter aux abeilles, ce sont l’ensemble des insectes pollinisateurs qui informent sur l’état de santé d’un écosystème.

 

Et pour répondre à votre question, les pollinisateurs, par définition, sont essentiels à la pollinisation ! 35% de la production mondiale de nourriture est liée à l’action des pollinisateurs ! Cultures fruitières, cucurbitacées, tomates, poivrons, kiwi, colza, tournesol, oignon, persil, poireaux, luzerne, framboises, cassis, et des dizaines d’autres aliments dépendent en partie ou totalement de l’action des pollinisateurs ! Et ces données sur le rôle des abeilles dans la pollinisation ne proviennent pas de quelques associations environnementalistes qui feraient du catastrophisme, ce sont les données officielles publiées par les agences gouvernementales et internationales, comme l’ANSES ou la FAO.

 

 

PdA : Quels sont les chiffres, les données dont vous disposez qui vous permettent d'étayer vos craintes ?

 

L.A. : Comme je l’ai dit, les doutes sur l’effondrement des colonies ne sont plus permis. Les données existent, elles sont officielles. De plus en plus de colonies d’abeilles ne passent pas l’hiver, avec des pertes massives autour de 30% tous les ans.

 

 

PdA : Quelles sont les causes principales de cette situation ?

 

L.A. : Elles sont également connues. La cause principale : les pesticides, notamment ceux de la gamme des néonicotinoïdes. Plusieurs études ont montré les liens entre utilisation de ces pesticides et mortalité des abeilles. Le phénomène a été clairement étudié : les abeilles peuvent ne pas mourir directement sous l’effet des pesticides, mais ces substances agissent sur leur système de géolocalisation. Elles sont désorientées, ne retrouvent plus leur ruche et meurent d’épuisement par non-retour à la ruche. C’est pourquoi, lorsque ces pesticides sont testés, il convient également de prendre en compte les doses non létales qui ont également un impact sur la mortalité !

 

D’autres causes sont également à prendre en compte, et notamment le frelon asiatique, espèce exotique invasive, qui fait des carnages dans les colonies d’abeille, ou le varroa, acarien qui parasite les abeilles.

 

 

PdA : La Commission Européenne a décidé il y a quelques mois d'une interdiction partielle de trois pesticides dits "néonicotinoïdes", très néfastes pour les abeilles. Quelles sont, aujourd'hui, les recommandations que vous adresseriez aux acteurs concernés ? Je pense aux pouvoirs publics, bien sûr, je pense évidemment aux agriculteurs et aux industriels, je pense aussi à nos lecteurs...

 

L.A. : Ce moratoire a été salué, et c’est en effet un premier pas important. L’impact des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs est ainsi clairement affirmé, et il sera difficile de revenir en arrière sans subir la fronde des apiculteurs, des écologistes et d’une très grande partie des citoyens.

 

Pourtant, ce moratoire est à prendre avec prudence. Il ne concerne qu’une partie des pesticides systémiques, alors que d’autres substances sont également néfastes aux pollinisateurs. Il ne s’applique que pour deux ans, alors que les substances interdites persistent dans l’environnement pendant plusieurs années et peuvent donc continuer à tuer les abeilles. Surtout, le moratoire ne concerne pas toutes les cultures, ces trois pesticides n’étant interdits que sur certaines cultures !

 

Bref, ces trois substances et d’autres tout aussi néfastes vont continuer de tuer les abeilles, et si dans deux ans nous ne constatons pas une baisse de la mortalité, les lobbies industriel pourront en conclure que leurs substances n’avaient rien à voir avec la hausse de la mortalité des abeilles !

 

Il faut donc faire très attention et la vigilance est indispensable pour que dans deux ans, ce moratoire continue et surtout se renforce !

 

 

PdA : Quittons les champs, pour parler un peu plus directement de politique... Delphine Batho a perdu son portefeuille de Ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie début juillet : elle avait publiquement déploré des arbitrages budgétaires défavorables à son ministère et à ses missions. Il y a quelques jours, le gouvernement a timidement remis sur la table les termes de "transition énergétique", de "contribution climat-énergie" (taxe carbone)... Franchement, tout bien pesé, vous sentez-vous toujours à votre place, à votre aise au sein de la majorité ?

 

L.A. : L’écologie n’a jamais été une voie facile… Mais les idées écologistes progressent, inexorablement. Nous l’oublions souvent, préférant voir ce qui ne va pas. Mais entendre un président de la République, nourri à la croissance productiviste depuis toujours, dire que la France doit diminuer drastiquement sa consommation d’énergie, et donc entrer dans un schéma de décroissance énergétique, c’est une victoire ! Espérons que d’ici quelques années, nos leaders politiques tiennent le même discours sur le PIB et remettent en cause ce dogme de la croissance comme solution à tous nos problèmes. La croissance, on l’attend depuis 40 ans… Et, comme le disait Kenneth E. Boulding, pour croire à une croissance infinie dans un monde aux ressources finies, il faut être soit fou soit économiste…

 

Mais il est vrai que les écologistes attendent toujours plus, et plus vite, sur la reconquête de la biodiversité, sur les problèmes de santé environnementale comme le diesel, les ondes électromagnétiques, les pesticides, les perturbateurs endocriniens, sur la sortie du nucléaire, sur la réduction du temps de travail, sur les réformes sociétales, sur le développement de l’agriculture biologique. Nous œuvrons surtout pour voir émerger une autre modèle économique, un autre modèle de société qui ne soit pas fondé sur la croissance matérielle, le productivisme, la compétition et la publicité qui créent de fausses envies et de fausses valeurs.

 

Les écologistes sont à la fois idéalistes et pragmatiques, c’est pour ça qu’ils sont souvent déçus, mais nous savons que nos solutions sont les bonnes, qu’elles sont novatrices et dessinent un avenir meilleur, et c’est pour ça que nous continuerons à nous battre, même si la société et l’économie ont un rythme de changement qui nous paraît trop lent.

 

 

PdA : Quels éléments de bilan votre groupe Europe Écologie Les Verts observera-t-il au printemps 2017 pour se considérer satisfait (ou non) de l'action du gouvernement ? Quels résultats fermes, quels chantiers engagés... ?

 

L.A. : Faire le bilan de fin de législature alors que nous entamons seulement la deuxième année de mandat me paraît un peu précipité…

 

 

PdA : Vous siégez à l'Assemblée Nationale depuis juin 2012, en tant qu'élue de la Sixième circonscription du Val-de-Marne. Qu'avez-vous appris de votre expérience de Députée jusqu'ici ?

 

L.A. : Les forces de blocage, d’inaction, de stagnation sont très puissantes au Parlement et dans le monde politique. Ceux qui veulent que rien ne change, que notre modèle de société n’évolue pas, qui défendent leurs intérêts particuliers, sclérosent la politique et empêchent l’émergence d’idées nouvelles. Ces lobbies, puisque c’est eux dont il s’agit, étouffent le politique et détournent de la prise en compte de l’intérêt général. Et ces lobbies industriels et financiers sont nombreux et ont énormément de moyens pour défendre leur vision du monde, leurs intérêts sectoriels et particuliers.

 

Depuis que je suis députée, les invitations pleuvent à mon bureau ! Matin, midi, soir, il y a toujours le moyen de se faire inviter par des lobbyistes dans des grands restaurants. Ils savent se faire entendre, et en face de ces puissants lobbies, les associations et les défenseurs de l’intérêt général peinent à trouver leur place. Les pratiques de ces lobbies sont choquantes, il est plus que temps d’y mettre fin ! En tant que parlementaire, je refuse toute invitation, tout cadeau et tout déplacement qui serait payé par des industriels.

 

 

PdA : Sur quels sujets, sur quelles causes vous tenant particulièrement à cœur souhaiterez-vous faire entendre votre voix ?

 

L.A. : Des questions dont on ne parle jamais ou très peu au Parlement : protection des animaux, notamment des animaux de ferme, qui sont élevés dans des conditions horribles et qui sont réduits à de la simple marchandise, en contradiction totale avec nos valeurs humanistes et progressistes ; végétarisme et promotion des protéines végétales, puisque que nous savons qu’il sera impossible de nourrir la planète en prenant comme référence le niveau de consommation de viandes des pays occidentaux ; réforme des institutions avec la mise en place d’une dose de proportionnelle et l’instauration d’un système démocratique plus direct ; une meilleure prise en compte des problématiques de santé-environnementale, beaucoup d’autres sujets, mais je ne vais pas ici me lancer dans un programme politique qui pourrait faire des centaines de pages !

 

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci infiniment !

 

L.A. : Merci de m’avoir donnée la parole, et merci de relayer les idées écologistes pour que l’avenir soit meilleur !

 

 

 

Merci à vous, Madame, pour vos réponses. Je remercie également Christophe Castano et Yohan Wayolle, pour leur concours. Et vous, que vous inspirent les propos, les engagements de Laurence Abeille ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

Vous pouvez retrouver Laurence Abeille...

 

Sur le site de l'Assemblée Nationale ;

 

Sur son site, sur Facebook.

 

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10 octobre 2013

Barthélémy Courmont : "N'oublions pas l'héritage d'Hiroshima..."

   En août 2015, le Japon et le reste du monde se souviendront, à l'occasion de leur soixante-dixième anniversaire, des deux uniques bombardements atomiques de l'Histoire : Hiroshima, le 6 août 1945, Nagasaki, le 9 août 1945. Deux noms qui resteront à jamais associés à l'horreur qu'inspire cette arme : ses retombées, ses images, terrifiantes... Ses victimes, innombrables... Jusqu'à quatre cent mille morts, peut-être davantage... Des dommages irréversibles. Des stigmates qui se sont perpétués, transmis, et qui se transmettent encore. Les leçons, le message aussi : « Plus jamais ça ! ».

   Barthélémy Courmont est professeur de science politique à l'Université Hallym, en Corée du Sud, il est également chercheur associé à l'I.R.I.S. Il fut il y a quelques années l'auteur de l'ouvrage Pourquoi Hiroshima ? (L'Harmattan). Il a accepté d'évoquer pour Paroles d'Actu les coulisses de la décision de Truman, quelques aspects méconnus de la Guerre froide, les enjeux, les périls liés au nucléaire militaire au 21ème siècle. Tantôt terrifiant, tantôt rassurant, un document passionnant, dont je le remercie chaleureusement. Bonne lecture ! Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

BARTHÉLÉMY COURMONT

Rédacteur en chef de la revue trimestrielle Monde chinois, nouvelle Asie

Chercheur associé à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS)

 

« N'oublions pas l'héritage d'Hiroshima »

 

Hiroshima

(Hiroshima. AP)

 

Q. : 21/09/13 ; R. : 08/10/13

 

Paroles d'Actu : Bonjour Barthélémy Courmont... « Comme si la Lune, les étoiles, et toutes les planètes venaient de me tomber sur la tête ». Avril 1945. Franklin Roosevelt est mort. Harry Truman n'a que trop conscience du poids de la charge qui pèse désormais sur lui. Lorsqu'il est informé, quelques semaines plus tard, de la réussite du test d'une nouvelle arme surpuissante, il apparaît qu'il sera rapidement confronté à un choix extraordinairement lourd... Que sait-on de ses réflexions, de ses questionnements préliminaires ? A-t-il été sérieusement pris de doutes, de cas de conscience avant de valider l'utilisation du feu nucléaire contre le Japon ?

 

Barthélémy Courmont : Il convient de replacer le moment où Harry Truman est informé de l’existence du Projet Manhattan par Stimson (le secrétaire à la Guerre, ndlr), en avril 1945, dans son contexte. Roosevelt vient de disparaître et, en vertu de la Constitution, c’est le vice-président qui devient immédiatement président des États-Unis. Truman est alors aux antipodes de ce que fut Roosevelt. L’homme du New Deal, élu quatre fois (cas unique dans l’histoire des États-Unis), au fort charisme et garant d’une présidence forte, laissait sa place à un sénateur du Missouri, arrivé à la Maison Blanche consécutivement à l’élection de novembre 1944, et qu’il avait, aux dires des historiens, choisi comme co-listier pour ne pas être encombré d’une personnalité trop forte. Autant dire que rien ne prédestinait alors Truman à la présidence des États-Unis. Ajoutons à cela que la guerre n’était pas terminée, ni en Asie, ni en Europe, et qu’il lui restait donc non seulement à finir le travail, mais aussi et surtout à préparer les États-Unis au nouvel ordre mondial issu du conflit. Truman n’avait pas la moindre idée de l’existence du Projet Manhattan, que Roosevelt avait souhaité garder secret au point de ne pas en informer son vice-président. Trois semaines plus tard, l’Allemagne capitulait sans conditions, puis venait le temps des empoignades avec Staline à Postdam, tandis qu’exactement au même moment, le premier essai nucléaire était mené avec succès à Alamogordo, dans le désert du Nouveau-Mexique, le 18 juillet 1945. Ces premiers mois de la présidence Truman furent d’une richesse exceptionnelle, un véritable moment historique, et c’est sur les épaules d’un président peu expérimenté que des décisions d’une importance cruciale pesèrent. Il fit front avec détermination, et, si on peut bien sûr lui reprocher d’avoir été le seul homme d’État à utiliser le feu nucléaire, il convient de tenir compte de ce contexte très particulier.

 

Dès l’annonce officielle de la destruction d’Hiroshima, Harry Truman a reconnu avoir pris la décision seul, après consultation de ses conseillers militaires et diplomatiques, mais considérant qu’il s’agissait de la décision la plus sage. Dans ses Mémoires, Truman est revenu sur cette décision, qu’il reconnaît avoir été l’une des plus importantes de sa vie. S’il n’exprime pas le moindre doute sur le fait qu’il a pris la bonne décision, c’est en s’appuyant sur le lien de cause à effet entre le bombardement nucléaire et la capitulation japonaise (même s’il est difficile de savoir si le Japon n’aurait pas, de toute façon, capitulé à très courte échéance), et sur le fait que ce choix était selon lui le “moins pire”, notamment si on se réfère aux évaluations des pertes consécutives à une invasion du Japon, comparable à la campagne menée en Europe. N’oublions pas non plus le volet financier du projet, qui a coûté à l’époque deux milliards de dollars, en d’autres termes un immense sacrifice, d’autant que les États-Unis étaient en guerre sur deux fronts, et ne pouvaient dès lors se permettre des dépenses inutiles. En utilisant le résultat de ces recherches coûteuses, Truman justifiait ces dépenses, notamment auprès des membres du Congrès, dont il convient de rappeler qu’ils n’en étaient en rien informés. Dans ces conditions, il va de soi que, dans les réflexions du président américain, le sort des victimes japonaises n’entrait pas en considération.

 

Aux côtés de Truman, deux personnages jouèrent un rôle décisif : Henry Stimson et James Byrnes. Le secrétaire à la Guerre, qui fut le premier à informer Truman de l’existence du projet Manhattan, n’appréciait pas le principe du bombardement des villes, et fut celui qui demanda le retrait de Kyoto (l'ancienne capitale impériale, ndlr) des cibles nucléaires. Il accepta l’idée que la bombe atomique était un choix permettant l’économie de vies humaines, mais il serait erroné de considérer qu’il s’en accommoda pleinement. De son côté, Byrnes, que Truman nomma au Département d’État à la place de Stettinius, était plus concerné par la confrontation éventuelle avec les Soviétiques qu’avec la fin de la guerre du Pacifique. Pour lui, la bombe atomique permettait de porter un coup à Moscou autant qu’à Tokyo, et pour cette raison il fut dès le départ enthousiasmé par le projet. Notons en parallèle que les scientifiques ayant contribué au Projet Manhattan s’élevèrent contre une utilisation de leur engin une fois la capitulation allemande validée, par le biais d’une pétition, mais qui resta lettre morte. L’utilisation de la bombe atomique, c’est le passage de relais du monde scientifique aux décideurs politiques, qui deviennent les seuls maîtres du feu nucléaire.

 

Enfin, en août 1945, la haine vis-à-vis des Japonais atteignait aux États-Unis son paroxysme, avec notamment les douloureuses expériences d’attaques kamikazes, et si elle ne put influencer directement la décision d’utiliser l’arme nucléaire, elle joua en revanche un rôle important dans les préparatifs de l’attaque, notamment en laissant de côté des questions humanistes et moralisatrices qui auraient été soulevées dans le cas d’un bombardement atomique d’une ville allemande. Ainsi, là où l’utilisation de l’arme nucléaire contre l’Allemagne aurait sans doute été à l’origine d’un vaste débat de société, même a posteriori, de telles considérations ne furent jamais évoquées à un tel niveau dans le cas d’Hiroshima, et il fallut attendre la Guerre froide et la crainte d’une guerre nucléaire avec des pertes civiles potentiellement inacceptables pour que le souvenir des horreurs d’Hiroshima et de Nagasaki ne s’impose dans des débats sur la discrimination raciale.

 

PdA : Parmi les arguments invoqués pour justifier cette décision : la fanatisation de l'État-major japonais qui eût requis, pour l'obtention d'une paix sans condition par des voies conventionnelles, une victoire militaire totale, donc une invasion, forcément terriblement coûteuse au plan humain ; la volonté d'affirmer la puissance et la résolution des États-Unis face à une Union soviétique de plus en plus entreprenante en Europe de l'est. Quel est le jugement des historiens d'aujourd'hui, votre jugement s'agissant de l'éventuel "bien-fondé" de l'arbitrage final de Truman ?

 

B.C. : Comme sur de nombreux autres points, les historiens restent divisés sur cette question essentielle, et notamment en ce qui concerne les tentatives de négociation d’une capitulation honorable par la diplomatie japonaise dans les semaines qui précédèrent le double bombardement nucléaire. C’est cependant au milieu des années 1960, sous l’impulsion de jeunes historiens comme Gar Alperovitz ou Barton Bernstein (qui publièrent par la suite un nombre important d’ouvrages et d’articles scientifiques), qu’un nouveau regard, beaucoup plus critique, fut porté sur la décision d’utiliser la nouvelle arme et les premières semaines de l’administration Truman. Qualifiés de révisionnistes, ces historiens remirent en cause les arguments “officiels”, en apportant les preuve des efforts des diplomates japonais, et en replaçant la décision de Truman dans le cadre d’une Guerre froide qui ne disait pas encore son nom.

 

Nous avons vu que plusieurs membres de l’administration Truman, Byrnes en particulier, étaient incontestablement partisans d’une ligne dure vis-à-vis de Moscou. Le nouveau secrétaire d’État considérait ouvertement, en juillet 1945, alors que s’organisait la conférence de Postdam, que la confrontation avec l’Union soviétique était, d’une manière ou d’une autre, inévitable. Dès lors, s’il était décidé d’adopter une position de fermeté dans les négociations diplomatiques qui opposaient Truman à Staline, tous les moyens pouvant permettre de prendre un avantage décisif devaient être prises en considération. Ces éléments nous amènent à penser que l’arme nucléaire fut dès lors pensée comme une asymétrie dans ce qui deviendra officiellement la Guerre froide, offrait à Washington une avance dans sa rivalité avec Moscou. Il est nécessaire ici de revenir sur les conditions dans lesquelles les relations russo-américaines se détériorèrent après la conférence de Yalta, les points de divergence, ainsi que les questions relatives aux informations concernant l’utilisation de la bombe atomique, l’entrée en guerre de l’Union soviétique contre le Japon, et la stratégie « pré-Guerre froide » telle qu’elle fut développée à Washington.

 

Reste la question de l’estimation des pertes américaines consécutives à la prolongation du conflit, qui joua un rôle important dans le processus décisionnel. Elle mérite quelques éclaircissements sur lesquels je me suis penché. Dans les mois qui précédèrent la capitulation du Japon, et plus encore après la fin des hostilités en Europe, les autorités politico-militaires américaines se penchèrent sur les différents scénarios permettant de mettre un terme à la guerre du Pacifique. Après la fin des hostilités en Europe, les premières troupes américaines furent transférées sur le théâtre du Pacifique, en vue d’un éventuel débarquement sur les côtes japonaises, suivi d’une progression terrestre, à la manière de ce qui avait été effectué un an plus tôt en Europe.

 

Le 10 mai 1945, au lendemain de la première réunion de la commission provisoire chargée d’étudier les différentes options offertes dans la guerre contre le Japon, Henry Stimson assista à une réunion des chefs d’état-major dont l’objectif était d’étudier les différents aspects de l’invasion du Japon, et de préparer cette invasion. La première conclusion des chefs militaires était que l’entrée en guerre de l’Union soviétique n’était pas nécessaire au succès du débarquement, et que les troupes américaines avaient la capacité technique de faire plier les forces japonaises sans avoir besoin d’une assistance de Moscou. Cela supposait bien entendu un sacrifice important, mais celui-ci permettait d’éviter un partage des bénéfices une fois la victoire obtenue. D’un autre côté, les chefs d’état-major reconnaissaient qu’une invasion de la Mandchourie par l’Armée rouge pouvait être suffisante pour pousser le Japon à la capitulation, et ce avant même que les troupes américaines ne doivent s’engager dans un débarquement coûteux en vies humaines. S’opposaient ainsi deux conceptions, l’une favorisant une invasion et la non-participation de l’Union soviétique, l’autre privilégiant une économie de vies humaines et l’entrée en guerre de l’Armée rouge. Mais, tandis que les hostilités venaient de prendre fin en Europe, les dirigeants politiques américains continuaient d’espérer que Moscou se joigne rapidement aux opérations dans le Pacifique. La priorité des dirigeants américains, y compris des militaires, était de parvenir à une reddition du Japon à moindre coût humain, et, pour cette raison, la participation de l’Armée rouge était vivement souhaitée. Pour autant, la possibilité d’une invasion ne fut pas écartée, et les chefs d’état-major furent chargés de réfléchir aux différentes options.

 

Le 25 mai, le Joint Chiefs of Staff approuva un plan d’invasion du Japon prévu par un débarquement sur l’île de Kyushu le 1er novembre 1945, sous le nom d’opération Olympic. Considérant que la poursuite des bombardements conventionnels et du blocus maritime ne pouvait être suffisante pour faire plier l’empereur, les chefs militaires américains décidèrent de préparer un plan d’invasion comparable à ceux en Europe, qui apporterait des résultats significatifs malgré des pertes lourdes. Le président Truman donna son accord le 18 juin, considérant à ce moment que la situation politico-militaire du Japon justifiait un débarquement, qui malgré les pertes énormes aurait été un succès et aurait mis fin aux hostilités. Cette opération nécessitait la participation de l’allié soviétique qui, en attaquant la Mandchourie, aurait occupé le plus gros de l’armée japonaise, rendant le débarquement possible. L’opération Olympic supposait donc, comme cela avait été prévu à Yalta, la coopération de Staline contre le Japon. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la date du 1er novembre avait été retenue, soit trois mois après la date limite prévue pour l’entrée en guerre de l’URSS contre le Japon, c’est-à-dire à un moment où le gros des forces japonaises aurait été mobilisé en Mandchourie.

 

L’opération Olympic, dans l’hypothèse où elle n'aurait suffi à faire capituler le Japon, devait être suivie d’une autre opération, du nom de Coronet, qui consistait, à partir de Kyushu, à débarquer sur l’île principale de l’archipel, Honshu, puis de progresser jusqu’à Tokyo, à la manière de ce qui avait été fait en Allemagne. Le début de cette opération était prévu pour le 1er mars 1946, supposant au préalable le succès d’Olympic et l’implantation des forces américaines dans l’archipel.

 

Le général George C. Marshall était favorable au plan d’invasion, qu’il avait cautionné comme étant à son avis la seule possibilité de venir à bout des forces japonaises. Si certains, comme l’amiral Ernest J. King, souhaitaient multiplier les assauts sur les positions japonaises en Chine et en Corée avant d’attaquer l’archipel, Marshall considérait qu’un débarquement sur Kyushu était possible, et aurait été couronné de succès. Avant que la bombe atomique ne vienne s’installer comme un adversaire de taille à la stratégie de l’invasion, Marshall s’était imposé à Washington parmi les autres chefs militaires comme l’homme providentiel apportant enfin une solution à une guerre trop longue et coûteuse. L’Army prenait le dessus sur la Navy, profitant des effectifs mis à disposition de ces opérations après leur démobilisation en Europe, et offrant la solution la plus radicale, permettant à coup sûr un succès sur le Japon, même au prix de lourdes pertes.

 

Les principaux amiraux, King à leur tête, considéraient pour leur part que l’invasion du Japon n’était pas nécessaire, et en ce sens ne partageaient pas le point de vue des généraux de l’Army. Pour eux, les opérations Olympic et Coronet n’auraient jamais dû être préparées, puisque tout débarquement sur les côtes japonaises aurait été plus meurtrier que la poursuite des raids aériens et du blocus maritime. Cependant, et ce point est important, dans les discours qui ont immédiatement suivi le bombardement d’Hiroshima, aucune mention n’a été faite de la possibilité de poursuivre le blocus maritime, tandis que l’invasion était annoncée comme étant la seule alternative à la bombe. Il semble donc que les choix stratégiques de l’Army aient fortement influencé les dirigeants américains, tandis que les options de la Navy furent négligées. Cela s’explique en partie par l’image dont bénéficiaient les généraux de l’Army, auréolés de victoires en Europe, par rapport aux amiraux de la Navy.

 

Les options proposées par la Navy, qui reposaient sur une stratégie de long terme visant à affaiblir un Japon totalement isolé, et un usage limité de la violence, restèrent ainsi sans écho, et ne furent révélées que par la suite, notamment dans les mémoires des amiraux concernés. Intensifier le blocus maritime, et le poursuivre pendant plusieurs mois, aurait ainsi, selon la Navy, permis d’éviter Hiroshima et Nagasaki, et rendu inutile toute tentative de débarquement. Il convient donc de s’interroger sur les choix de l’état-major et de la Maison Blanche, qui dès leurs premières réunions concernant la préparation de la dernière phase de la guerre du Pacifique, semblèrent écarter des stratégies d’essoufflement. En fait, à l’inverse des généraux de l’Air Force, les officiers de la Navy n’estimaient pas indispensable une intensification des bombardements contre les villes japonaises, considérant que l’endiguement aurait pu être suffisant.

 

La conférence du 18 juin autour du président Truman rassembla les principaux acteurs militaires et politiques américains, les généraux Marshall et Ira C. Eaker (représentant le chef d’état-major des forces aériennes, Henry H. Arnold), les amiraux Leahy et King, le secrétaire à la Marine Forrestal et le secrétaire-adjoint à la Guerre John McCloy. Le secrétaire à la Guerre Henry Stimson était souffrant et avait au départ annoncé qu’il serait absent (et remplacé par McCloy), mais il se présenta pourtant à la Maison Blanche au début de la réunion. Si ce fut à l’occasion de cette rencontre que Truman donna son aval à l’opération Olympic, les différentes personnalités présentes montrèrent leurs divergences, et masquèrent leurs préoccupations concernant la participation de l’Union soviétique à l’effort de guerre. Les chefs militaires avaient été convoqués quatre jours plus tôt, le 14 juin, avec comme recommandation de présenter des estimations concernant les pertes humaines dans le cas d’une invasion terrestre du Japon, de l’intensification des bombardements, ou d’un blocus naval. Dans le memorandum conviant les participants à la réunion, Leahy notait ainsi que « Truman souhaite être informé de ce que nous souhaitons que les Russes fassent ». Illustrant l’importance de l’événement, Truman nota dans son journal la veille de la réunion : « Je dois prendre une décision concernant la stratégie à adopter au Japon. Devons-nous envahir le Japon ou le bombarder et préparer un blocus ? C’est la décision la plus importante à ce jour, mais je la prendrai une fois que j’aurais tous les éléments entre les mains ».

 

Stimson avait entretenu McCloy de ses préoccupations la veille de la réunion, et devant le silence du secrétaire-adjoint lors de la conférence, Truman lui demanda son avis alors que celle-ci se terminait. McCloy le lui donna, selon ces termes, qui restent l’un des témoignages les plus importants concernant les débats entourant l’utilisation de l’arme nucléaire : « Il suggéra alors une solution politique… Quelque communication au gouvernement japonais qui énoncerait nos conditions, où nous n’emploierions pas les mots de ‘reddition inconditionnelle’, mais qui nous procurerait tous nos objectifs. ‘Quelles seraient ces conditions ?’ me demanda le président. J’improvisai : nous ne menacerions pas leur existence en tant que nation ; nous les autoriserions à choisir leur propre forme de gouvernement, y compris le maintien du Mikado (l'institution impériale, ndlr), mais uniquement sur la base d’une monarchie constitutionnelle, etc. ‘Bon ! J’y avais pensé, dit le président. Pourriez-vous mettre cela en forme, le donner au secrétaire d’État pour voir ce que nous pourrions en faire ?’ ‘Je suis très heureux que cette question ait été soulevée’, observa M. Stimson. Je demandais alors s’il ne fallait pas leur dire que nous avions la bombe atomique. Le mot produisit comme un saisissement. On n’avait pas le droit de le prononcer, pas plus que de parler de tête de mort et de tibias dans un cercle distingué à Yale. Cela ne se faisait pas ! ‘Je pense que notre position morale serait meilleure si nous leur donnions un avertissement spécifique au sujet de la bombe’ ajoutai-je. Un désaccord se manifesta. ‘Nous ne savons pas si elle éclatera, objecta-t-on. En cas d’échec, notre prestige serait grandement atteint.’ ‘Mais, répondis-je, tous les savants assurent que la chose explosera ; il est précisément question de l’essayer, mais ils sont tout à fait certains, d’après les rapports que j’ai vus, de la réussite. L’avantage moral que nous prendrions devrait faire accepter le risque d’un essai raté. Parlons au moins en termes généraux de sa puissance. Annonçons qu’une seule bombe détruirait une ville entière. Ils comprendraient.’ ‘Envoyez votre mémorandum au Département d’État, dit le président ; nous étudierons la question.’ Le point de vue des soldats et des marins présents était intéressant. Ils se montrèrent tous soucieux d’employer leurs propres forces pour mettre fin à la guerre. L’amiral Leahy, qui était une sorte de conseiller général et ne commandait aucune force, me parut seul d’accord pour rechercher un règlement politique… Je m’en souviens très nettement… Le général Marshall prit position. L’utilisation de la bombe, dit-il, aurait des conséquences politiques si formidables qu’il laisserait les civils prendre toutes les décisions à son sujet. Il comptait n’y intervenir d’aucune manière. Cependant, je ne l’entendis jamais exprimer l’opinion qu’il ne fallait pas l’utiliser… ».

 

La réunion commença à 15h30. Après avoir présenté l’enjeu de la réunion, Truman donna la parole à Marshall, en tant que chef du Joint Chiefs of Staff. Celui-ci se montra favorable à un débarquement à Kyushu, considérant qu’il s’agissait de l’option la moins coûteuse en vies humaines. Marshall estimait que la conquète de Kyushu était essentielle à la bonne poursuite des bombardements des villes d’Honshu, et indispensable à l’éventuelle formation d’un blocus. Le chef du J.C.S. expliqua ensuite que le débarquement devrait être programmé avant le 1er novembre 1945, afin de ne pas laisser à l’industrie japonaise le temps de se réorganiser et de produire de nouvelles capacités de défense. S’attardant sur la question du calcul des pertes dans le cas d’une invasion, Marshall considéra enfin que toute projection était déplacée, mais qu’il ne pensait cependant pas que le nombre de victimes américaines puisse dépasser le chiffre de la prise de Luzon (Philippines), c’est-à-dire 31 000 morts et disparus. Les arguments de Marshall, appuyés par l’Army et la Navy, étaient que la victoire sur le Japon ne pourrait être obtenue uniquement depuis les airs, et qu’il fallait par conséquent se résoudre à considérer un débarquement comme la seule option permettant d’envisager la victoire finale. Marshall rappelait souvent que les bombardements n’avaient pas été suffisants pour faire définitivement plier l’Allemagne nazie, et qu’il avait fallu attendre le débarquement sur les côtes normandes, et la progression vers Berlin pour que la victoire finale se dessine enfin. L’amiral King se montra totalement favorable à la proposition de Marshall, considérant que Kyushu était la « clef de toute opération », et que l’invasion d’une des principales îles de l’archipel japonais aurait des effets importants, permettant même une éventuelle fin des hostilités avant même l’invasion d’Honshu.

 

Suite à ces présentations, l’amiral Leahy contesta les estimations de Marshall concernant le nombre de victimes, considérant que les pertes dans le cas d’un débarquement à Kyushu seraient comparables à celles d’Okinawa. Il avança donc le chiffre de 49 000 morts en opposition aux 31 000 de Marshall. King se montra immédiatement sceptique, considérant que la marge de manœuvre à Kyushu serait nettement supérieure à celle d’Okinawa, et que pour cette raison, le nombre de victimes ne dépasserait pas celui de Luzon, ou de très peu, mais en aucun cas ne serait aussi élevé qu’à Okinawa. En réponse à cette réaction, Leahy décrivit les différentes raisons rendant l’invasion de Kyushu difficile et particulièrement meurtrière, appuyant une fois de plus sur l’idée selon laquelle les pertes seraient plus proches de celles d’Okinawa que de Luzon.

 

Truman se montra nerveux, et conclua que, d’une façon ou d’une autre, l’opération proposée pouvait avoir pour conséquence, dans le pire des cas, de provoquer des pertes aussi lourdes qu’à Okinawa, ce à quoi les personnalités présentes ne purent que se montrer d’accord, notamment le général Eaker, qui mentionna au passage avoir également l’accord d’Arnold. Les personnes présentes tombèrent également d’accord sur le fait que le temps était favorable aux Japonais, et qu’il fallait dans ces conditions préparer un plan d’invasion dans les délais les plus brefs possibles, et sans retard. Le président Truman conclua la séance en considérant que, malgré le coût humain important d’un débarquement à Kyushu, à certains égards comparable à Okinawa, cette opération s’avérait être l’option la plus crédible, et c’est donc à cette occasion qu’il donna son feu vert à la préparation du plan d’invasion.

 

Enfin, et ce point est important, lors de la conférence, le général Marshall cita l’opinion du général MacArthur, qui n’était pas présent. Ceux-ci se présentaient ainsi : « Les risques et les pertes du débarquement seront grandement réduits si les Russes attaquent en Sibérie suffisamment à l’avance pour obliger l’ennemi à engager le gros de ses forces. A mon avis, rien ne doit être changé à Olympic ». Truman comprenait le désir des militaires de voir l’Armée rouge entrer en guerre, mais, d’un autre côté, souhaitait limiter autant que possible la participation de l’Union soviétique à la guerre contre le Japon, afin de se placer en position de force une fois l’armistice signée. Indiscutablement, dans l’esprit du président américain, du succès de l’essai nucléaire dépendait le choix de la stratégie à adopter pour remporter la victoire finale. Si, en juin, l’opération Olympic était l’option la plus acceptable, car elle permettait de conduire à la défaite du Japon, les conditions évoluèrent rapidement, et ,un mois plus tard, les perspectives d’un débarquement furent laissées de côté au profit d’une option nettement moins coûteuse, et plus rapide.

 

Cependant, considérer que, dès le départ, les considérations entourant le projet d’un débarquement étaient une fausse piste est une erreur dans la mesure où, malgré les rapports des scientifiques, rien n’indiquait que la bombe serait opérationnelle dans les délais prévus. Ce qui préoccupait Truman n’était pas de savoir si les États-Unis disposeraient un jour de la bombe atomique, et si celle-ci serait effectivement aussi puissante que prévu, mais à quel moment elle serait opérationnelle et utilisable. Dans le cas d’une entrée en guerre de l’Union soviétique, les États-Unis devaient être prêts à lancer une offensive permettant de remporter la victoire finale, même si cela devait supposer un coût humain excessivement important. Cependant, il convient de s’interroger sur les conditions dans lesquelles l’opération Olympic a peu a peu été abandonnée au profit du bombardement atomique, et les arguments qui furent avancés par les autorités américaines.

 

PdA : 6 août 1945 : Hiroshima... 9 août 1945 : Nagasaki... et leurs suites... Quels sont les chiffres, les images dont vous estimez qu'ils devraient rester gravés dans l'esprit de nos lecteurs comme ils le sont dans le vôtre ?

 

B.C. : Au-delà de son caractère sinistre, la question des chiffres concernant les victimes est intéressante en ce qu’elle continue de diviser, près de soixante-dix ans après les deux bombardements nucléaires, les historiens. La raison est propre à la nature même des engins utilisés, dont on sait que les victimes succombèrent à quatre catégories de facteurs : le souffle de l’explosion; l’extrême chaleur dégagée lors de l’explosion; les incendies qui se propagèrent dans des villes construites essentiellement en bois; et, bien entendu, les radiations. L’évaluation des victimes dues aux radiations est beaucoup plus difficiles que les trois catégories précédentes, en raison de la période d’étude, et de l’identification de conditions au-delà desquelles les victimes ne seraient pas considérées comme directement exposées.

 

Dans ces conditions, le nombre de victimes exact est difficile à déterminer, et varie de données dites “basses” (80 000 pour Hiroshima et 60 000 pour Nagasaki) à “hautes” (plus de 400 000 pour les deux bombardements réunis), selon la place qu’on accorde aux victimes de cancers des années après l’évènement, et pour lesquels le lien avec l’exposition aux radiations est hautement probable, mais ne constitue pas toujours une évidence. Prenons l’exemple d’Hiroshima. Plusieurs années après l’explosion atomique, les habitants se sont dispersés. Certains sont restés à Hiroshima, d’autres par contre ont quitté à jamais cette terre maudite. C’est notamment le cas de ceux qui avaient perdu biens et proches, ou plus simplement de ceux qui ont trouvé refuge dans d’autres régions, une fois la guerre finie. Il est par conséquent difficile de retrouver des traces de tous les habitants pour les comptabiliser parmi des victimes d’Hiroshima. De plus, rien ne prouve, malgré les soupçons, que ces personnes sont décédées des suites d’Hiroshima, et les nombreux cas de cancers peuvent, même pour une part infime d’entre eux, ne pas être dus aux radiations dégagées le 6 août 1945. Dans cette catégorie sont également comptés tous les enfants nés de victimes d’Hiroshima, et qui souffraient de maux transmis par leurs parents, et transmirent ces maux par la suite. Là encore, il est particulièrement difficile de compter combien de personnes sont décédées vingt, trente ou cinquante ans plus tard des suites des radiations dégagées. Enfin, cette catégorie souffre du rapport victimes/population qui n’est pas quantifiable. Si 300 000 personnes sont décédées directement ou indirectement des suites de la destruction d’Hiroshima depuis 1945, comme l’affirment certaines sources, la population de la ville reste difficile à connaître, à moins de faire une somme de tous les renouvellements de population depuis cette période, ce qui semble impossible.

 

Un chiffre mérite cependant à mon sens d’être retenu : 1. Il a fallu une seule bombe pour détruire chaque ville, là où le bombardement de Tokyo en mars 1945 (plus de 300 000 morts) a nécessité la mobilisation de milliers de bombardiers, et d’un nombre incalculable de bombes incendiaires. Ce chiffre est encore plus éloquent dans le cas d’Hiroshima, quand on sait que cette ville n’avait pas été victime d’un seul raid aérien avant le 6 août 1945. Une seule bombe fut donc nécessaire pour détruire à près de 90% une ville importante, et les images prises dans les jours qui suivirent les deux bombardements se passent à ce titre de commentaires. L’image d’une déshumanisation, qui contraste, quand on visite les magnifiques et terrifiants à la fois musées d’Hiroshima et de Nagasaki, avec l’humanisme que ces deux villes souhaitent désormais véhiculer.

 

Pourquoi H

 

PdA : Au-delà de l'horreur qu'elles évoquent, peut-on dire de ces dates qu'elles marquent le début de quelque chose de profondément nouveau, différent, dans la manière d'aborder les relations internationales notamment ?

 

B.C. : Incontestablement. La capacité de destruction de l’arme nucléaire ouvrit une nouvelle ère des relations internationales, dont la Guerre froide fut le catalyseur pendant plus de quarante ans, et dans laquelle les rapports de force sont totalement bouleversés.

 

De fait, depuis soixante-dix ans, l’arme nucléaire s’impose comme le symbole de la puissance par excellence. Avec elle, l’humanité a été mise en possession de sa propre mort car, si la planète a survécu à toutes les guerres, y compris deux à échelle mondiale, qu’elle a subies, chacun a conscience qu’elle aurait été anéantie par la troisième si celle-ci avait été nucléaire. Lancés dans une formidable course aux armements, qui les a conduit à posséder chacun jusqu’à plus de 13 000 armes nucléaires déployées, et autant en réserve, Moscou et Washington avaient de quoi faire disparaître trente à quarante fois le monde. Cependant, conscients de leurs responsabilités, les deux superpuissances ont toujours évité, depuis Hiroshima et Nagasaki, d’utiliser ces armes dont elles savaient qu’elles pourraient les entraîner au-delà de l’irréparable.

 

On peut considérer qu’avec l’arme nucléaire, l’Homme devint maître de son propre destin, mais cette maîtrise est placée entre les mains de certains. En d’autres termes, à partir de 1945, certaines personnes disposèrent du pouvoir de destruction de tous, eux-mêmes compris. La victoire était celle de l’État (et des théories réalistes des relations internationales), mais pas de l’individu, là où des armes plus simples restaient accessibles au plus grand nombre, comme le prouve l’importance des trafics d’armes de petit calibre. En ce sens, le progrès technique réalisé avec la bombe atomique ne peut être comparé avec les différentes évolutions dans l’histoire de la guerre, aucune arme n’ayant jamais eu de capacité décisive aussi marquée. C’est non seulement l’intensité de la destruction, mais aussi la nature de celle-ci, reposant sur le pouvoir décisionnel d’un petit nombre, qui furent totalement bouleversées. De même, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’Homme en possession de l’arme nucléaire pouvait avoir le contrôle de la terre, avec tous les risques que cela implique. La guerre restait la « poursuite de la politique par d’autres moyens », selon les termes de Carl von Clausewitz, mais l’arme nucléaire offrit la possibilité de contrôler l’avenir de l’humanité toute entière. Ces « moyens » devenaient quasi irrationnels, dans la mesure où ils pouvaient apporter une destruction totale et sans aucune distinction.

 

Admirée, redoutée, fascinante, terrorisante, déshumanisante aussi, l’arme nucléaire a ainsi été génératrices de sentiments contradictoires. Gage de paix et de sécurité pour les uns, annonce de l’apocalypse pour les autres ; partisans de la dissuasion nucléaire ou avocats d’un désarmement nucléaire général et complet convaincus de l’urgence absolue d’un tel programme ; pays dotés d’armes nucléaires ou pays qui par choix ou par impossibilité juridique, scientifique ou financière n’en sont pas pourvus ; responsables politiques, chefs militaires, essayistes ou experts, du Nord au Sud, tous restent persuadés du caractère absolu de l’atout nucléaire. Les pays qui en sont pourvus, qu’on les jalouse, les admire ou les condamne, restent malgré tout considérés comme au-dessus du lot, dotés d’un avantage incomparable à tous les autres. Ainsi, depuis soixante-dix ans, les pays nucléaires règnent sur l’Olympe de la puissance, et l’arme suprême sert de moteur aux relations internationales.

 

PdA : J'aimerais, pour cette question, faire appel à votre intime conviction. La possession par chacun des deux camps d'arsenaux pléthoriques, l'assurance qui en a découlé d'une destruction mutuelle certaine en cas de conflit nucléaire ont contribué à éviter, précisément, les conflits directs et à grande échelle entre les deux blocs. La situation aurait-elle été la même si l'arme nucléaire n'avait pas été développée ? La "guerre froide" serait-elle restée "froide", je pense en particulier au théâtre européen ?

 

B.C. : Il est bien sûr difficile de répondre à cette question sans tomber dans une forme de politique-fiction, ou d’extrapolations qui resteront de toute façon invérifiables. Il convient d’abord de rappeler que, si l’arme nucléaire a, de fait, réduit les risques de confrontation entre Washington et Moscou, elle n’est pas parvenue, selon la formule de Raymond Aron, à assurer la paix entre les deux blocs. Par ailleurs, plusieurs conflits, même par acteurs interposés, confirment que les deux blocs n’en restèrent pas à des rhétoriques et des politiques de dissuasion, mais n’hésitèrent pas en certaines occasions à passer à l’attaque. Le cas de la Guerre de Corée est à ce titre particulièrement intéressant, considérant que les deux puissances possédaient déjà le feu nucléaire (Moscou ayant procédé à son premier essai en 1949), et que la puissance de ces armes était suffisamment limitée (en comparaison avec les armes thermonucléaires développées plus tard) pour en « permettre » l’utilisation. La question fut évoquée côté américain, pour endiguer l’offensive des « volontaires » chinois, mais elle resta sans effet, et la déclassification des archives des deux pays n’indique pas une volonté d’utiliser l’arme nucléaire afin de prendre l’avantage sur l’autre bloc.

 

Cela signifie-t-il que l’opposition idéologique et politique entre Moscou et Washington n’aurait pas été au-delà de ce qu’elle fut sans l’équilibre de la terreur imposé par l’arme nucléaire ? Difficile de se prononcer, mais il serait erroné de considérer l’origine des conflits, et les motivations de ceux-ci, sur la simple base des capacités militaires à la fois offensives et défensives. La guerre est analysée de multiples manières, et les théories sur le dilemme de sécurité nous offrent un regard pertinent sur les risques de déclenchement d’un conflit. Mais de là à en conclure que, sans l’arme nucléaire et les capacités de représailles, la guerre froide aurait dégénéré en un conflit ouvert entre les deux blocs, il y a un pas. N’oublions pas que les deux pays disposaient, en marge de leur arsenal nucléaire, de capacités dites conventionnelles considérables, qui ne furent cependant jamais utilisées à grande échelle, et ce malgré l’existence de « plans », desquels étaient d’ailleurs exclues les armes nucléaires.

 

Vous faites cependant référence, dans votre question, à la possibilité de voir les deux grandes puissances s’affronter sur d’autres théâtres d’opérations, et cette question fait écho à la crise des euromissiles. Moins célèbres que les fusées de Cuba, les forces nucléaires intermédiaires (FNI), plus communément appelées euromissiles, ont cependant donné lieu à la plus grande controverse stratégique des années 1980, et à certains égards de toute la Guerre froide. L’Union soviétique avait déployé au milieu des années 1970 des SS-20, missiles nucléaires terrestres qualifiés d’« euromissiles », car leur portée ne leur permettait d’atteindre que le sol européen, et laissait le territoire américain à l’abri. Les dirigeants européens, au premier rang desquels les Allemands de l’Ouest, craignaient un « découplage » de la défense de l’Europe de celle des États-Unis. Si l’Union soviétique utilisait les SS-20, les Américains étaient certains de ne subir aucun dommage chez eux, ce qui ne devait pas nécessairement supposer que la puissance nucléaire américaine soit utilisée au même titre qu’elle le serait dans le cas d’une attaque contre le territoire américain.

 

Pour répondre au défi, les Européens demandèrent aux Américains de déployer leurs propres euromissiles, l’objectif étant de dissuader Moscou de se lancer dans une bataille nucléaire sur le sol européen, dont les conséquences auraient été aussi terribles de part et d’autre. En 1979, l’OTAN adoptait ainsi la « double décision ».

 

Les États-Unis déployèrent des missiles de croisière et des Pershing II à partir de 1983, mais entre temps, une négociation soviéto-américaine s’engagea et aboutit sur un accord mutuellement acceptable. Moscou choisit l’intransigeance en profitant du décalage entre l’ouverture des négociations et le déploiement des missiles américains. Les autorités soviétiques espéraient qu’en durcissant le ton, elles feraient peur aux gouvernements européens qui, du coup, renonceraient au soutien apporté par les missiles américains. Alors que Moscou avait déployé ses SS-20 plusieurs années auparavant, les Soviétiques accusaient Washington de relancer la course aux armements. Finalement, malgré une mobilisation d’une partie des opinions publiques ouest-européennes contre le déploiement des missiles, les Occidentaux gardèrent le cap et, devant l’échec de la négociation - que l’Union soviétique, jouant la carte de l’intimidation, n’avait jamais prise au sérieux -, les premiers déploiements de Pershing eurent lieu en novembre 1983. Les Soviétiques réagirent vivement en rompant les négociations nucléaires de Genève. Mais après une courte période de bouderie diplomatique, Moscou allait revenir à la table de négociation. De façon réaliste, elle enregistrait que son opération de découplage non seulement n’avait pas réussi, mais se retournait contre elle. Elle comptait obtenir un avantage stratégique, mais se retrouvait finalement sous la menace de missiles terrestres à dix minutes de Moscou. Les États-Unis, de par leur éloignement, n’étaient pas pour leur part dans la ligne de mire des euromissiles, ce qui était un avantage considérable. Cette crise est en ce sens révélatrice de l’absence de situation totalement symétrique, en Europe comme à Cuba vingt ans plus tôt, et c’est peut-être cette absence de symétrie qui fut, dans le cas de la Guerre froide, la meilleure garantie de non-utilisation de la force armée, et de sa composante nucléaire.

 

Tsar Bomba

La Tsar Bomba soviétique (1961) fut l'arme la plus puissante jamais utilisée par l'Homme.

Elle équivalut aux explosions combinées d'Hiroshima et de Nagasaki... multipliées par 1 400...

Elle représenta l'apogée d'une course folle aux armements. Le début d'une sérieuse prise de conscience...

 

PdA : Avançons un peu dans le temps... 2003 : l'Irak est envahi par l'Amérique de Bush. Le rapport de forces est totalement disproportionné, le régime écrasé. 2006 : la Corée du nord effectue son premier essai nucléaire. Une assurance-vie à l'efficacité redoutable... Un moyen d'entamer de sérieuses négociations, de pouvoir faire valoir son point de vue, en tout cas. L'appel d'air n'est-il pas préoccupant s'agissant de la non-prolifération ?

 

B.C. : Ce qui est intéressant dans cette question, c’est l’attitude de Pyongyang face à l’invasion de l’Irak en 2003. Le régime de Saddam Hussein ne disposait pas d’armes de destruction massive, ce qui précipita la campagne militaire américaine. De son côté, la stratégie du fou ou du pire de Pyongyang repose sur sa force nucléaire supposée et déclarée, et des capacités balistiques démontrées à l’occasion de plusieurs essais. Si elle n’est pas officiellement formulée, la stratégie de dissuasion nord-coréenne, qui doit assurer la survie du régime et favoriser les négociations avec les adversaires désignés, s’appuie sur deux piliers sans lesquels elle n’aurait aucune portée : la menace permanente d’une utilisation, et une opacité complète sur les réelles capacités nucléaires dont dispose ce pays. Cette double caractéristique est essentielle pour permettre à Pyongyang d’énoncer une stratégie pouvant être couronnée d’effet. Elle est fragile et dangereuse, mais si elle bien maniée, elle offre à ce petit pays exsangue une capacité de nuisance, et donc de marchandage, totalement disproportionnée.

 

Les États proliférants s’efforcent généralement, une fois qu’ils ont constitué un arsenal nucléaire, de définir une doctrine de dissuasion informant les agresseurs éventuels des réponses auxquelles ils devraient s’attendre. L’Inde et le Pakistan se sont ainsi échangé des signaux très clairs en ce sens après leurs campagnes d’essais en 1998, et instauré une sorte d’équilibre de la terreur calqué sur le modèle de la guerre froide. Pyongyang a pour sa part choisi de terroriser ses voisins en brandissant la menace de l’emploi, et allant même jusqu’à l’annoncer en réponse à ce qui serait perçu comme une provocation. Il s’agit là d’une nouvelle forme d’utilisation de l’arme nucléaire, qualifiée de stratégie du fou en ce qu’elle s’inspire de la Mutual Assured Destruction (MAD), et est renforcée par le caractère souvent jugé imprévisible du régime nord-coréen. Le message pourrait ainsi être caricaturé en ces termes : « Ne m’approchez pas de trop près où je fais tout sauter ! ». En terrorisant ses adversaires, et en utilisant à cet effet son arme nucléaire, là où ses capacités conventionnelles dépassées n’ont pas le même impact, Pyongyang pratique une forme de dissuasion par le chantage. Il faut remonter, toutes proportions gardées, à l’époque où les États-Unis détenaient le monopole du nucléaire, entre 1945 et 1949, pour retrouver une situation similaire, avant que l’équilibre de la terreur ne s’impose. La différence de taille est que la Corée du Nord place son existence dans la balance, ce qui a pour effet de bouleverser les comportements habituels qui définissent la dissuasion nucléaire.

 

L’autre pilier de la stratégie de dissuasion de Pyongyang est l’opacité de ses capacités. Les adversaires désignés du régime nord-coréen sont ainsi dans l’incertitude la plus totale, non seulement en ce qui concerne ses intentions, mais aussi et surtout les moyens permettant de les mettre à exécution. Or, dans un bras de fer de cette nature, le plus important n’est pas l’information dont on dispose sur le niveau de ses propres forces, mais l’information à laquelle l’autre n’a pas accès. Pyongyang joue sur cette incertitude, et l’alimente en permanence, à coup d’annonces et de tests dont les succès réels ne peuvent être démontrés et restent flous. Ici, le message serait : « Ne m’approchez pas de trop près car vous ne savez pas de quoi je suis capable ! ». Face à ce discours, la prise de risque est totale. Qui se lancerait ainsi dans une offensive militaire contre un pays dont on ne connaît que trop peu les capacités, et qui prétend par ailleurs disposer de moyens de riposte disproportionnés ?

 

L’opacité des capacités nucléaires de Pyongyang peut être interprétée comme la preuve de son manque de consistance. En d’autres termes, nous sommes en droit de nous interroger si la Corée du Nord dispose d’une véritable force de frappe nucléaire (à savoir des ogives pouvant être montées sur des missiles), et même si elle dispose de l’arme nucléaire tout court. Après tout, on pourrait tout aussi bien considérer que Pyongyang ne dispose pas de l’arme, ou en tout cas d’une arme utilisable, et pratique ainsi une forme inédite de dissuasion nucléaire sans le nucléaire. En ce sens, l’arme nucléaire nord-coréenne peut être qualifiée d’arme du pauvre, moins coûteuse que des capacités conventionnelles auxquelles le régime ne peut prétendre, mais qui lui permet par son potentiel destructeur de se hisser au niveau des grandes puissances. Et le résultat est plutôt spectaculaire pour un petit pays dont on imagine difficilement le régime capable de survivre sans l’arme nucléaire, ou plus exactement sans le doute qu’il laisse planer sur la possibilité qu’il la possède. À ce petit jeu, il y a de fortes chances que Pyongyang poursuive cette stratégie tant qu’elle sera en mesure de le faire, et on pourrait même imaginer d’autres régimes tentés par la même forme de dissuasion, suggérant un risque de prolifération de telles pratiques.

 

PdA : Il est difficile d'imaginer qu'un État, quel qu'il soit, utilise l'arme (thermo)nucléaire de nos jours, sauf en cas de péril mortel. Les retombées seraient incalculables, la désapprobation internationale unanime. Est-il réaliste, en revanche, de craindre que certaines ogives puissent tomber entre les mains de groupes extrémistes ? On a beaucoup parlé du Pakistan comme possible "maillon faible" du club nucléaire. Le club compte-t-il des "maillons faibles" évidents, aujourd'hui ?

 

B.C. : Il est évident que des groupes terroristes se dotant de l’arme nucléaire imposeraient une nouvelle grille de lecture de la dissuasion. Cette dernière repose sur le rôle central de l’État, et sur la rationalité qui l’accompagne. Il est ainsi de fait assez difficile d’imaginer un dirigeant s’exposer à des représailles massives, également qualifiées de disproportionnées, se mettre à dos la communauté internationale, sans même faire mention des effets possibles de l’utilisation de sa propre arme contre lui-même. Le scénario d’Hitler dans son bunker, prêt à toutes les extrémités pour entrainer avec lui sa propre population, reste heureusement très rare, mais il ne doit cependant pas être exclu, et sert de mise en garde contre ceux qui détiennent le feu nucléaire. Dans le cas des États, s’il est souhaitable que la dissuasion repose sur les épaules d’un individu, afin d’en assurer la crédibilité, elle doit également être entourée de garde-fous, afin d’éviter le pire. Dans le cas des groupes terroristes, de tels garde-fous n’existent pas nécessairement, selon la nature et les revendications du groupe terroriste bien entendu. Les attentats de New York et Washington du 11 septembre 2001 eurent pour effet de renforcer la crainte de voir des groupes terroristes se doter d’armes de destruction massive (il s’agissait notamment d’un des aveux d’Oussama ben Laden, enregistré en 1998), et d’imposer de nouveaux codes de conduite en matière de contrôle des activités pouvant être détournées par des groupes terroristes. C’est ainsi que le Conseil de Sécurité de l’O.N.U. adopta en 2004 une de ses résolutions les plus importantes de ces dernières années, la 1540, dont l’objectif est de réduire les risques de prolifération par des acteurs non étatiques, en imposant aux États de renforcer les contrôles et les dispositifs juridiques liés à la protection des sites dits sensibles.

 

Pour autant, les armes de destruction massive constituent-elles la principale menace à laquelle des puissances comme les Etats-Unis doivent faire face ? Utilisées de façon classique, à savoir par le biais d’un vecteur balistique, elles restent l’apanage des États, et la politique de dissuasion permet d’en limiter la portée. Dès lors, les regards se tournent vers la possibilité d’utiliser de façon à la fois efficace et asymétrique les armes N.B.C (nucléaire, biologique, chimique), et d’obtenir des résultats aussi « satisfaisants » pour leurs commanditaires que les attentats du 11 septembre 2001. Par ailleurs, des groupes terroristes peuvent-ils réellement atteindre une capacité de nuisance en matière d’armes N.B.C. sans l’aide d’un État ? Enfin, la couverture médiatique des nouvelles armes, comme les agents bactériologiques, n’a-t-elle pas pour effet de favoriser la prolifération, de fait que surestimer la puissance des armes biologiques pourrait inciter les terroristes à les acquérir ? En fait, il convient d’établir une distinction entre les armes nucléaires d’une part, et les armes chimiques et bactériologiques de l’autre, bien que toutes appartiennent à la catégorie des armes de destruction massive. Si les risques de prolifération des armes chimiques et bactériologiques sont plus importants que dans le cas des armes nucléaires, la capacité destructrice de ces dernières reste nettement supérieure, ce qui justifie une attention particulière.

 

La résolution 1540 tend vers une réduction des capacités de développement de telles armes en se procurant les matériaux nécessaires, reste l’hypothèse d’une « association de malfaiteurs » avec des États, ou des responsables dans des États ne bénéficiant pas de mesures de contrôle suffisamment strictes. C’est ici que le Pakistan est souvent montré du doigt comme un maillon faible, non pas en raison des dirigeants, mais du fait des difficultés relatives au contrôle de ses activités. En février 2004 (deux mois avant l’adoption de la résolution 1540), le Pakistan reconnaissait ainsi que le directeur de son programme nucléaire, Abdul Kader Khan, a transmis des informations à d’autres pays. Le « pays des purs », État fragile et menacé d’implosion, est sans aucun doute le maillon faible, malgré lui. Mais il ne faut pas exclure d’autres scénarios. Après tout, l’ex-U.R.S.S. fut, dans les années qui suivirent sa disparition, un territoire identifié comme à hauts risques en matière de possibilité d’accès à des matières fissiles et des composants nucléaires. Et la Corée du Nord, à l’agonie, pourrait très bien être tentée par la vente de quelques composants à des groupes terroristes transnationaux. Le risque est donc réel, il serait cependant exagéré de parler de menace pour les raisons évoquées.

 

PdA : Quels seront, à votre sens, les périls, les enjeux liés au nucléaire militaire dans les prochaines années  ?

 

B.C. : Ils sont de deux ordres, que j’estime en continuité avec la trajectoire de ces armes depuis 1945. D’abord, les risques liés à la prolifération, fut-elle horizontale (augmentation du nombre de pussances nucléaires) ou verticale (augmentation des stocks d’armes nucléaires). La possibilité de voir le nombre de puissances nucléaires augmenter reste entière, malgré des traités internationaux et des dispositifs de contrôle efficaces. Nous sommes certes très loin de la prolifération généralisée annoncée dans les années 1950, et le fait que le club des puissances nucléaires – officiellement reconnues par le Traité de non prolifération ou non – reste inférieur à dix est à mettre au crédit de ces initiatives multilatérales. Cela ne doit cependant pas nous écarter de l’impératif d’une mise en garde permanente adressée à tous les candidats potentiels, et quelles que soient leurs motivations.

 

En Asie, la question de la prolifération verticale reste d’actualité. La Chine continue d’augmenter son arsenal, et la rivalité Inde-Pakistan s’est traduite par une augmentation des arsenaux de ces deux pays. Tandis que les autres puissances nucléaires se sont engagées dans un processus de désarmement, ces trois pays continuent leur progression. La Corée du Nord est bien entendu un problème encore plus sérieux, compte-tenu des incertitudes concernant la rivalité avec le Sud et les réactions des États de la région, mais la prolifération de Pyongyang n’a, d’un point de vue légal, rien de différent de celle de New Delhi et d’Islamabad. Elle s’est effectuée au mépris du Traité de non prolifération et, quelle que soit la position que ces États aient manifesté à son égard, sa portée universelle en fait des actes de violation. Le problème nord-coréen est donc ailleurs. Si l’Inde et le Pakistan sont les principales puissances militaires en Asie du Sud, la nucléarisation de la Corée du Nord pourrait à terme entraîner celle de la Corée du Sud, du Japon, voire de Taiwan, ces trois entités disposant de la technologie et des matières fissiles (par le biais de leurs programmes civils) pouvant leur permettre de franchir le pas en l’espace de quelques mois, au point qu’on évoque parfois le principe de dissuasion virtuelle pour ces pays, à savoir des capacités indiscutables, mais sans que le seuil du nucléaire n’ait encore été franchi. C’est donc, assez logiquement, en Asie du Nord-est que les risques liés à la prolifération restent les plus sensibles, et ne sont pas forcément liés à la nature des régimes, mais à des réactions justifiées par une perception négative de leur propre sécurité.

 

L’autre risque est lié à une forme de banalisation de l’arme nucléaire, qui laisserait la porte ouverte à son emploi. Le souvenir d’Hiroshima et Nagasaki s’éloigne un peu plus de nous chaque jour, et le nombre de survivants – les fameux Hibakusha porteurs d’un message d’espoir, de tolérance mais aussi d’intransigeance face à la bombe – se réduit. Que restera-t-il de cet héritage une fois les derniers témoins disparus ? Quel regard porteront les générations futures sur un évènement appartenant au passé, et auquel se sont superposés une multitude d’autres évènements depuis ? Il est indispensable d’entretenir la mémoire des bombardements atomiques, au même titre que la mémoire de l’Holocauste, et à ce titre les efforts des municipalités d’Hiroshima et Nagasaki doivent être loués mais aussi encouragés, pour que leur drame ne soit jamais reproduit ailleurs.

 

PdA : Pour vous, le désarmement nucléaire doit-il être, à terme, un objectif ?

 

B.C. : S’il doit être un objectif, afin de s’assurer que plus jamais de telles armes ne seront utilisées ? Sans aucun doute. S’il est possible ? Je reste malheureusement très méfiant sur ce point. Les premiers appels au contrôle international des armes nucléaires ont été formulés par les scientifiques du Projet Manhattan, dès 1945, avant même la formulation de politiques de dissuasion et des pratiques proliférantes. Ces appels furent répétés un nombre incalculable de fois, mais ne reçurent qu’un faible écho, bipolarité oblige. La fin de la Guerre froide accéléra le processus de désarmement de Moscou et Washington, mais elle fut également marquée par l’intrusion de nouveaux acteurs proliférants. De fait, la prolifération ne s’est jamais si bien portée que depuis la fin de la Guerre froide, si on tient compte du fait que trois nouveaux États, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord, ont procédé à des essais.

  

Le geste le plus fort, le plus symbolique aussi, en matière de désarmement nucléaire total ces dernières années est le discours de Barack Obama à Prague en avril 2009, en marge d’une tournée en Europe. Ce discours s’impose comme une mise en garde à l’attention des proliférants, mais aussi comme un appel à une réflexion considérant la possibilité de sortir du nucléaire. Le souhait de Barack Obama se heurte cependant à des limites qu’il convient de mentionner. Le principal défi vient du Congrès américain, qui pourrait contrecarrer les souhaits de ratifier le T.I.C.E., comme il l’avait fait en 1999, au grand dam de Bill Clinton, qui était alors favorable à un engagement plus net de Washington dans ce domaine. Les Républicains, pourtant nettement minoritaires, pourraient contrer les projets américains, et l’administration Obama devra convaincre de la nécessité du changement dans un domaine qui a sérieusement divisé la classe politique américaine ces dernières années. Sur la scène internationale, l’accord passé avec la Russie n’est que l’arbre qui cache une forêt touffue, et qu’il sera difficile de franchir sans encombre. Les points de désaccord restent ainsi nombreux, comme le bouclier antimissile, ou le traitement des États proliférants.

 

Mais c’est surtout sur la relation avec les États dits « voyous » que les regards se portent. Les souhaits de Barack Obama se heurtent en effet aux gesticulations de Pyongyang et Téhéran (et potentiellement d’autres États proliférants), mais également au bon vouloir de la Chine, puissance nucléaire reconnue par le T.N.P., et élève parfois dissipé de la lutte contre la prolifération nucléaire. En se replaçant sur la question du désarmement tout en gardant la main sur la lutte contre la prolifération, l’administration Obama donne de nouveaux espoirs au contrôle des armes nucléaires, et à la conférence d’examen du T.N.P., dont on craignait il y a encore peu de temps qu’elle perde en crédibilité. Mais les défis n’en demeurent pas moins importants, et à la bonne volonté de Barack Obama devra s’ajouter la complicité de l’ensemble des États, en vue de restaurer un environnement de confiance propice au désarmement et à une lutte plus efficace contre la prolifération. Un vœu aussi pieux que difficile à concrétiser, et le président américain n’est d’ailleurs jamais parvenu à transformer son discours en des actes concrets.

 

Dans l’hypothèse, pour l’heure improbable, où l’ensemble des puissances nucléaires – reconnues ou non par le T.N.P. – s’accordaient pour détruire tous les stocks, le problème ne disparaîtrait pas pour autant. L’arme nucléaire, c’est avant tout un savoir, une accumulation de techniques qui, en associant plusieurs composants, mettent au point l’arme la plus puissante jamais produite. Si les stocks disparaissent, le savoir ne s’effacera pas, et le risque de voir, pour des raisons multiples, des acteurs choisir de se lancer à nouveau dans des programmes nucléaires restera entier. On peut ainsi poser la question dans l’autre sens et se demander si les armes nucléaires ne sont finalement pas la meilleure garantie face à leur prolifération incontrôlée. La réponse à cette question serait de donner les clef du nucléaire à la communauté internationale dans son ensemble – en reprenant exactement les souhaits des scientifiques en 1945 – mais si l’espoir est permis, il convient de douter du succès d’une telle entreprise.

 

Sans doute faut-il donc se résoudre à vivre avec le nucléaire, comme nous n’avons fait depuis soixante-dix ans, et surtout s’assurer que les doctrines de dissuasion n’évoluent pas vers des doctrines d’emploi, tout en imposant un cadre multilatéral en matière de contrôle. Et partir du principe simple mais incontournable que le danger ne vient pas tant de l’arme elle-même que de celui qui la possède et pourrait être amené à l’utiliser.

 

PdA : Quels sont vos projets, Barthélémy Courmont ?

 

B.C. : En marge de mes activités universitaires, je travaille actuellement sur des projets de recherche très différents, mais qui traitent essentiellement des questions politiques et sécuritaires en Asie-Pacifique, ainsi que des stratégies des grandes puissances. Mon prochain livre, qui paraîtra en décembre, s’intitule Une guerre pacifique, et traite de la relation Pékin-Washington. J’ambitionne cependant, en vue de la célébration des soixante-dix ans du bombardement d’Hiroshima, de consacrer un nouveau travail à cette ville, portant sur une analyse du nucléaire par le biais de mes propres expériences en relation avec ce sujet pour lequel j’ai consacré ma thèse de doctorat en science politique présentée en 2005. Je proposerai un synopsis à plusieurs éditeurs, et espère pouvoir produire un petit essai invitant à un devoir de mémoire, mais aussi de réflexion sur le sens à donner à ces évènements tragiques des 6 et 9 août 1945.

 

Barthélémy Courmont

 

Merci infiniment, cher Barthélémy Courmont, pour votre investissement, pour vos réponses passionnantes. Et vous, quelle décision auriez-vous prise, à la place de Truman ? Quels seront, de votre point de vue, les périls, les enjeux liés au nucléaire militaire dans les mois, les années à venir ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Vous pouvez retrouver Barthélémy Courmont...

 

8 octobre 2013

P.-Y. Bournazel : "Il faut en finir avec ce socialisme de l'héritage !"

Lors de notre entretien daté du mois de mai, le conseiller de Paris (18ème arrondissement) Pierre-Yves Bournazel était candidat au leadership de la droite dans le cadre de la primaire "pour l'alternance à Paris en 2014". La suite, chacun la connaît : Nathalie Kosciusko-Morizet l'a finalement emporté. Bournazel compte aujourd'hui parmi les porte-parole d'une équipe rassemblée et bien déterminée à mettre un terme aux mandatures Delanoë-Hidalgo. Il a de nouveau accepté de répondre à mes questions, je l'en remercie. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

P.-Y. BOURNAZEL

Porte-parole de la campagne menée par NKM à Paris

 

"Il faut en finir avec

ce socialisme de l'héritage !"

 

Pierre-Yves Bournazel 2

(Photo proposée à ma demande par Pierre-Yves Bournazel)

 

 

Q : 15/09/13

R : 08/10/13

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Pierre-Yves Bournazel. À l'époque de notre premier entretien, qui s'est tenu il y a quatre mois, vous étiez candidat à l'investiture de l'UMP pour la tête de la bataille des municipales à Paris. S'il y a eu une dynamique incontestable autour de votre campagne, votre score final a déçu. Comment l’expliquez-vous? Quelles leçons avez-vous tirées de cette expérience ?

 

Pierre-Yves Bournazel : En décidant de faire une primaire ouverte, l’UMP à Paris a choisi de donner la parole aux Parisiens. Tous les candidats ont pu présenter leur projet et leurs idées, ce qui, je le reconnais, a parfois pu donner lieu à quelques frictions. Je suis totalement convaincu que donner la parole aux Parisiens était la meilleure chose à faire, et les Parisiens ont fait choix de Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle en est sortie vainqueur. Elle est donc la candidate légitime. Dès le début, j’avais été clair : gagnant, je rassemblais, perdant, je me rangeais derrière le vainqueur. C’est donc en homme libre que je me suis associé aux côtés de Nathalie Kosciusko-Morizet.

 

Face à nous, on a vu les vieilles réalités politiques. Au début, les socialistes avaient prévu des primaires. Monsieur Le Guen le souhaitait… avant d’être convoqué par Monsieur Hollande dans son bureau. Ensuite, il a renoncé, laissant sa place à la dauphine de Delanoë. Il faut en finir avec ce socialisme de l’héritage. Les clés de l’Hôtel de ville n’appartiennent pas à Monsieur Delanoë et à Madame Hidalgo. Nous avons fait le choix de la transparence, eux le choix des combinaisons secrètes.

 

 

PdA : Vous êtes devenu l'un des porte-parole de l'équipe dirigée par Nathalie Kosciusko-Morizet, votre ex-concurrente lors de la primaire. Lors de notre interview du mois de mai, vous avez mis en avant l'ancienneté de votre implantation, de votre travail du terrain et des idées, que vous opposiez à quelque candidature "de dernière minute", votre "légitimité d'en bas" à quelque candidature "de la notoriété d'en haut". Que pouvez-vous nous dire aujourd'hui des qualités qui, de votre point de vue, font de votre tête de liste la meilleure des candidates à la mairie de Paris ?

 

P.-Y.B. : Nathalie Kosciusko-Morizet sait rassembler des hommes et des femmes différents. Elle porte le renouvellement et construit un projet novateur pour Paris et les Parisiens. Elle est fédératrice car elle s’appuie sur les forces vives de Paris. Elle est tournée vers les Parisiens et va à leur rencontre avec dynamisme, pragmatisme et bon sens. Elle incarne l’alternance dont Paris a besoin.

 

 

PdA : Je le suggérais à l'instant, le terrain, vous le sillonnez depuis des mois. Quel est, pour ce que vous avez pu en percevoir, l'état de l'opinion des Parisiens ? Leurs préoccupations majeures ? 

 

P.-Y.B. : Posons-nous les bonnes questions.

 

  • Les Parisiens sont-ils satisfaits de la politique fiscale ?

La hausse massive d’impôt sur les Parisiens est déjà une de leurs inquiétudes majeures. Les taxes ont concerné tous les Parisiens, quels que soient leur quartier, leur âge, leur condition sociale ou leur métier… Les ménages comme les entreprises ont souffert de la hausse d’impôts.

 

  • Pour financer quoi ?

10 000 fonctionnaires en 10 ans ! Madame Hidalgo nous dit que cela a permis de créer des places en crèche et de créer du logement. Heureusement qu’ils ont pu faire quelque chose de toutes ces dépenses ! Sauf que Madame Hidalgo se focalise sur le futile pour en oublier l’essentiel, car Paris a pris du retard, autant sur l’attractivité que sur le dynamisme économique et la compétitivité de la ville.

 

  • Les Parisiens sont-ils satisfaits de la politique du logement ?

La politique des socialistes a fait fuir les classes moyennes, reléguées au second plan. Aujourd’hui, c’est la double peine : non seulement le loyer est très cher mais en plus les impôts ont augmenté de 40%.

 

  • Les Parisiens sont-ils satisfaits de la politique de sécurité ?

Dans certains quartiers, comme dans le 18ème arrondissement, que je connais bien, il est devenu impossible à certains habitants de vivre en tout tranquillité. Cette situation est inacceptable. Il faut agir. Agir en créant une police de quartier pour la sécurité, des agents de la ville présents sur la voie publique pour éviter la délinquance et l’incivilité. Agir avec un deuxième plan de vidéoprotection, en ajoutant pas moins de 1 000 caméras, tellement indispensables pour repérer et identifier facilement et rapidement les délinquants. Nous voulons la sécurité avant les PV !

 

Demandez aux Parisiens : la vie quotidienne est devenue plus difficile à vivre. Il est nécessaire de remettre au cœur de la politique de l’Hôtel de ville l’amélioration de la vie quotidienne. Il faut absolument lutter contre l’incivisme. Pour améliorer la propreté de la ville, il faut abandonner la vision beaucoup trop centralisatrice des socialistes, qui est déconnecté de la réalité du terrain. Nous souhaitons accentuer les compétences déconcentrées dans les arrondissements et les quartiers, ce qui permettrait d’améliorer ce problème de propreté.

 

Maintenant, soyons honnête. Reconnaissons que tout n’a pas été mauvais dans la politique de Monsieur Delanoë. Mais nous ne sommes pas sectaires, et c’est pour cela que voter pour Nathalie Kosciusko Morizet, c’est faire un choix gagnant-gagnant : conserver les bonnes mesures de Monsieur Delanoë tout en comblant ses manques en matière de fiscalité, de logement, de propreté et de sécurité.

 

Au fond, dans cette campagne, la question est simple : pensez-vous que les Parisiens vivent mieux qu’il y a 13 ans ? En matières fiscale, de logement, de propreté et de sécurité, les Parisiens n’ont pas vu les progrès promis.

 

 

PdA : Nathalie Kosciusko-Morizet a récemment fait part dans la presse de son désir de voir les forces de l'UMP, de l'UDI et du MoDem partir rassemblées à Paris, dès le premier tour. Une ambition qui, si elle se concrétisait, bouleverserait probablement la carte électorale du scrutin. Ce dossier avance-t-il ? Vous y croyez ?

 

P.-Y.B. : Nathalie Kosciusko Morizet a raison de vouloir le rassemblement le plus large possible dès le premier tour. Elle souhaite rassembler tous ceux qui croient au progrès et à l’alternance. Il appartient à chacun de dire ce qu’il veut faire.

 

 

PdA : Quels sont les grands axes de votre projet pour la capitale ? Les piliers programmatiques sur la base desquels cette hypothétique union de la droite et des centres devra prendre forme ?

 

P.-Y.B. : Notre projet sera présenté au mois de novembre. Déjà, nous avons formulé des propositions fortes. Nous avons proposé la possibilité de travailler le dimanche avec l’extension des zones touristiques. Ensuite, nous voulons nous appuyer sur les munitions de certaines dépenses gâchées par les socialistes (ils ont aujourd’hui pas moins de 36 adjoints à Paris !)  pour renforcer la sécurité, et maîtriser la fiscalité. La dépense des socialistes n’est absolument pas adaptée à la gestion locale moderne et à la réalité du terrain.

 

 

PdA : Le Front national est au cœur de nombreuses discussions en ce moment dans votre parti. Je ne vous demanderai pas si vous pourriez envisager de voter pour l'un de ses candidats un jour, c'est une interrogation qui n'est pas d'actualité. Est-ce que vous pensez, en revanche, pouvoir travailler avec des élus issus du FN ?

 

P.-Y.B. : Il ne faut pas tomber dans le piège qui consiste à répondre aux questions qui ne se posent pas car, plus le FN monte, plus il fait le jeu de la gauche. Donner une voix au FN à Paris, c’est donner une demi voix à la gauche. L’UMP a toujours été clair : il n’y aura pas d’alliance avec l’extrémisme.

 

 

PdA : Quelles questions souhaiteriez-vous poser à Anne Hidalgo à l'occasion de cette interview ? Quels messages lui adresseriez-vous ?

 

P.-Y.B. : Il faut savoir être républicain et respectueux de ses concurrents, je lui souhaite donc une bonne campagne.

 

J’ai quand même quelques questions à poser à Madame Hidalgo : que pourrait-elle faire en 19 ans qu’elle n’a pas fait en 13 ans ? Madame Hidalgo nous a dit qu’elle voulait orienter sa politique en faveur des classes moyennes, mais elle avait 13 ans pour le faire. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? On juge le programme à l’œil de son client. Plutôt que nous présenter son projet, elle aurait dû nous présenter son bilan, et l’assumer.

 

Madame Hidalgo est fébrile, elle est sous perfusion de la dote programmatique fournie par les communistes. On perçoit cela comme l’année du programme commun : mais les Parisiens ne vivent plus en 1972 ! Encore une fois, les socialistes utilisent les vieilles méthodes politiques du passé, totalement dépassées.

 

C’est le moment d’écrire une nouvelle page de l’histoire de Paris et ça ne se peut se faire qu’avec le renouvellement que porte Nathalie Kosciusko-Morizet.

 

 

PdA : Pourquoi diriez-vous, finalement, que les listes que mènera Nathalie Kosciusko-Morizet au printemps prochain seront les plus à même de satisfaire l'intérêt des Parisiens ?

 

P.-Y.B. : Nathalie Kosciuisko-Morizet porte un projet novateur, courageux, qui améliore la vie des Parisiens et amène une véritable dynamique pour le rayonnement culturel de la capitale.

 

 

PdA : Quels sont vos projets, Pierre-Yves Bournazel ?

 

P.-Y.B. : Je veux aider, à la place qui est la mienne à Paris et dans le 18ème arrondissement, à convaincre les Parisiens de la nécessité de l’alternance. J’aurai une parole humble mais des actes concrets au service de la capitale. Pour Paris, je ne lâcherai jamais rien.

 

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci !

 

P.-Y.B. : J’y crois et j’appelle celles et ceux qui attendent un profond changement à nous rejoindre. La porte est ouverte à tous les Parisiens qui en sont convaincus.

 

 

 

La campagne pour Paris... @ suivre ! Merci d'avoir accepté de répondre une nouvelle fois à mes questions, Pierre-Yves Bournazel. Je tiens également à remercier Clarisse Coufourier, pour nos échanges. Et vous, que vous inspire cette élection municipale parisienne ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

 

Vous pouvez retrouver Pierre-Yves Bournazel...

 

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7 octobre 2013

Augustin Trapenard : "Antoine de Caunes a gagné son pari"

"À ce stade, ce n’est même plus une passion : c’est une névrose obsessionnelle !" Cet amour des livres, Augustin Trapenard le partage avec bonheur et un enthousiasme communicatif avec les téléspectateurs du Grand journal (Canal +), avec les auditeurs du Carnet du libraire et du Carnet d'or (France Culture). Il a accepté d'évoquer pour Paroles d'Actu les débuts d'Antoine de Caunes à la tête du talk phare de la chaîne cryptée. Et de nous livrer quelques précieux conseils de lecture. Je l'en remercie. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

AUGUSTIN TRAPENARD

Chroniqueur littéraire au sein du "Grand journal" de Canal +

 

"Antoine de Caunes a gagné son pari"

 

Augustin Trapenard

(Photo proposée à ma demande par Augustin Trapenard)

 

 

Q : 26/08/13

R : 06/10/13

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Augustin Trapenard. Vous êtes depuis la saison dernière en charge de la chronique littéraire du Grand journal de Canal +. Quel bilan tirez-vous de l'expérience jusqu'ici ?

 

Augustin Trapenard : Un bilan plus que positif puisque le Grand Journal de Canal Plus est la seule émission d’infotainment du paysage audiovisuel à faire le pari d’une chronique littéraire. Ce qui compte pour moi, c’est de pouvoir partager avec le plus grand nombre le plaisir de la lecture et de donner la possibilité d’approfondir un sujet d’actualité par le prisme d’un livre. Par ailleurs, je dois dire que je m’amuse beaucoup, tous les soirs, avec la fine équipe constituée par Antoine de Caunes.

 

 

PdA : L'émission s'est renouvelée en 2013-2014. Michel Denisot a, effectivement, cédé son fauteuil à Antoine de Caunes, qui a promis de faire du programme un "show à l'américaine". Quel regard portez-vous sur la nouvelle mouture du Grand journal ?

 

A.T. : Il est vrai qu’une partie du Grand Journal d’Antoine de Caunes s’inspire des show américains tant dans la forme que dans le ton. J’ai moi même été soufflé par la créativité de certaines rencontres imaginées avec les artistes invités : c’est une façon de faire de la télévision qui n’existait pas en France. Cela dit, la première heure reste très axée sur l’actualité, dans le sillage du Grand Journal de Michel Denisot. Après plus d’un mois, il me semble qu’Antoine a gagné son pari : lémission est renouvelée et le public est au rendez-vous.

 

 

PdA : La littérature... Vous en parlez avec passion à chacune de vos interventions. Vous l'avez d'ailleurs enseignée, à l'ENS de Lyon. D'où vous vient cet amour des livres ?

 

A.T. : À ce stade, ce n’est même plus une passion : c’est une névrose obsessionnelle ! J’ai toujours été un rat de bibliothèque et je me souviens même avoir fait le pari, tout petit, de lire tous les livres du monde. Ce que j’aime aujourd’hui dans l’acte de lire, c’est la possibilité de prendre son temps et de réfléchir. C’est une gageure à l’heure de l’urgence généralisée et de la course à la rentabilité.

 

 

PdA : Quels sont les ouvrages récents (disons, cinq ans maximum) qui vous ont particulièrement plu, touché, marqué ?

 

A.T. : J’aime les romans qui interrogent autant le monde que l’écriture, les romans qui me rappellent que la littérature est un art. À ce titre, j’ai été particulièrement marqué, cette rentrée, par le western poétique de la Française Céline Minard (Faillir être flingué, Rivages) et par le grand roman amérindien de Louise Erdrich, (Dans le silence du vent, Albin Michel).

 

 

PdA : Votre liste des chefs d'œuvre ultimes, intemporels, à avoir lu au moins une fois dans sa vie ?

 

A.T. : Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë, Tendre est la nuit de Fitzgerald et Le bruit et la fureur de Faulkner. Pour commencer. Je n’en cite que trois mais soudain je pense à dix autres…

 

 

PdA : Dans quel univers de littérature, dans la peau de quel personnage ou type de personnages choisiriez-vous de vivre si vous en aviez la possibilité, ne serait-ce que pour quelques heures ?

 

A.T. : Peut-être dans le peau d’Alice, qui pénètre le temps d’un rêve, dans un pays des merveilles entièrement dédié au langage. Le pays des merveilles, n’est-ce pas celui de la lecture ?

 

 

PdA : Quels sont vos projets ? Vos envies ? Vos rêves ? Que peut-on vous souhaiter, cher Augustin Trapenard ?

 

A.T. : De continuer à m’amuser, tant sur Canal Plus que sur France Culture où j’officie du lundi au vendredi à 14h55 dans Le Carnet du libraire, et le samedi à 17h00 dans Le Carnet d’or. Deux émissions dédiées au plaisir de lire qui me tiennent vraiment à cœur.

 

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci infiniment !

 

A.T. : C’est moi qui vous remercie pour ces « Paroles d’actu » drôlement bien ficelées.

 

 

 

Les rendez-vous sont pris ! Merci pour tout, cher Augustin Trapenard. Et vous, quels sont les livres que vous aimeriez inviter les autre lecteurs à découvrir ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

  

Vous pouvez retrouver Augustin Trapenard...

 

Sur Canal Plus : Le Grand journal (du lundi au vendredi, à 19h10) ;

 

Sur France Culture :

 

Sur Facebook, ainsi que sur Twitter.

 

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