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Paroles d'Actu
29 mars 2021

Frédéric Quinonero : « Dutronc se cache plus qu'il ne se montre, même au cinéma... »

En ces temps où l’actu n’est pas très joyeuse, et même carrément déprimante, toute plage d’évasion est bonne à prendre. Et quand il y a du rire, ou même du sourire à la clé, bingo ! La lecture de la nouvelle bio signée Frédéric QuinoneroJacques Dutronc, l’insolent (L’Archipel, mars 2021) procure son lot de moments souriants, parce que Dutronc, grand artiste de la chanson et du cinéma et homme complexe, est aussi doué d’un humour parfois grinçant mais qui souvent fait mouche. Quand on lui demande pourquoi il tient à tourner avec le réalisateur Wim Wenders, il répond : « Parce que j’ai vu les films de Gérard Jugnot, c’est moins bien. » Cette bio, riche et rigoureuse, nous fait suivre les traces d’un faux dilettante, d’un vrai timide un peu rebelle, un peu anar ; une « vieille canaille » qu’on aime bien et dont on aime savoir qu’elle est encore parmi nous, quelque part en Corse. 😉 Entretien, et confidences touchantes. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Frédéric Quinonero: « Dutronc se cache plus

qu’il ne se montre, même au cinéma... »

Jacques Dutronc

Entretien daté du 26 mars ; première mise en ligne sur le blog le 27 mars.

 

Frédéric Quinonero bonjour, et merci d’avoir accepté de répondre à mes questions faisant suite à la sortie de ton nouvel ouvrage,  Jacques Dutronc, l’insolent  (L’Archipel, mars 2021). Quelques années après ton livre sur Françoise Hardy, écrire une bio de Dutronc, ça sonnait pour toi comme une évidence ?

pourquoi Dutronc ?

Oui et non. Dutronc était une évidence, car il fait partie de mon panthéon personnel. Il est du pays de mon enfance. Je me suis souvenu en écrivant qu’il faisait la «  une  » du premier Salut les copains que mes parents m’avaient acheté au début des années 70. Il m’intimidait un peu, comme je l’explique en avant-propos. Il fallait que je me lance.

 

Le livre s’ouvre sur une préface sympathique écrite par Thomas Dutronc, et surtout est parsemé de témoignages riches et parfois très profonds de la part de Françoise Hardy. Le contact avec eux deux pour ce livre s’est-il établi facilement  ?

histoire de famille

Oui. Ce sont des gens simples, directs, généreux. Qualités rares dans ce milieu. Pour la petite anecdote, c’est à la faveur d’une chanson d’Antoine Élie, La Rose et l’Armure, que j’ai entamé une conversation à distance avec Françoise Hardy. Il y a un an et demi, cette chanson (et son CD tout entier) tournait en boucle chez moi et dans ma voiture. La première fois que je l’ai entendue, j’ai aussitôt pensé à Françoise. Je me suis dit que c’était exactement le style de chanson qu’elle devait adorer. Ne sachant pas comment l’aborder par courriel, ce fut le prétexte idéal. Le merveilleux, l’étrange, c’est que je ne savais pas que La Rose et l’Armure tournait aussi en boucle chez elle. Parmi les centaines voire les milliers de chansons qui sortent chaque année, j’avais pile choisi son coup de cœur du moment ! Nous en étions tous deux stupéfaits. Cette conversation commencée grâce à Antoine Élie a abouti à ce beau témoignage dans ma biographie de Jacques Dutronc. Dommage qu’on se soit bêtement loupés lorsque j’écrivais mon livre sur elle… La préface de Thomas est arrivée au dernier moment, comme la cerise sur la chantilly. Il a demandé à lire mon texte, je le lui ai fait imprimer et envoyer en Corse pendant le deuxième confinement. Il me faisait part de ses impressions tout au long de sa lecture. Ça lui a fait du bien, je crois, en ces temps troublés, de s’immerger dans la vie de ses parents et de ses grands-parents. Il m’a dit des choses très belles qui m’ont beaucoup touché.

 

Dutronc débute son parcours d’artiste comme guitariste. Chanteur, il le devient un peu par hasard. Il y en aura eu beaucoup, des hasards, ou quand même pas mal de volonté, de plans dans sa carrière ?

par hasard ?

Tout lui est arrivé par hasard, la chanson comme le cinéma. De même, il a eu la chance de trouver aussi, sans trop le chercher, l’amour de toute une vie. C’est un homme qui a eu beaucoup de chance. Mais la chance il faut savoir l’inspirer et l’utiliser, elle est souvent associée au talent. Planifier  ? Ce n’est pas trop son genre. Il a plutôt tendance à laisser venir. Quand il s’engage sur un projet, cependant, il le fait sérieusement.

 

De sa collaboration avec l’auteur Jacques Lanzmann est né l’essentiel de ses succès musicaux, principalement entre 1966 (Et moi, et moi, et moiLes CactusLes Play-boys) et 1972 (Le Petit Jardin), en passant par Il est cinq heures, Paris s’éveille et L’Opportuniste (1968). Qu’est-ce qui les a réunis, et qu’est-ce qui, en dépit des brouilles, les  unissait, ces deux-là ?

les deux Jacques

On ne sait jamais précisément pourquoi l’alchimie prend dans un duo artistique… Le fait est qu’elle a été parfaite entre les deux Jacques, présentés l’un à l’autre par l’entremise de Jean-Marie Périer et de son patron Daniel Filipacchi. À l’origine, un autre Jacques, Wolfsohn, directeur artistique chez Vogue, cherchait un chanteur capable de concurrencer Antoine, qui venait d’être lancé par un autre grand producteur de la maison Vogue, Christian Fechner, qu’il détestait cordialement. Il fallait aussi un auteur qui sache capter l’esprit de son temps. Et ce fut l’union sacrée. La voix et la musique de l’un, ajoutées à son allure et sa personnalité, ont fusionné à merveille avec les mots de l’autre. De quel côté penche la balance  ? Dans un duo, chacun veut souvent tirer la couverture à soi, d’où les fâcheries. Qu’importe. Leurs chansons, pour la plupart, ont fait mieux que s’inscrire avec succès dans une époque, elles ont traversé le temps. Et leurs noms demeurent historiquement associés.

 

Avec Gainsbourg, il y a eu de la création musicale mais surtout, ils étaient potes ?

Gainsbourg & moi

Ils se sont d’abord détestés. C’est Françoise Hardy qui les a rapprochés. Et ils sont devenus les meilleurs amis du monde. Enfin, ils étaient surtout potes de beuverie. Ils aimaient finir la nuit dans les postes de police, buvant des coups avec les flics. Deux grands gamins ensemble  ! Cependant, au niveau création musicale, même s’il y eut quelques fulgurances musicales, la mystérieuse alchimie qui fait le succès ne fonctionnait pas.

 
 
Tes titres préférés parmi toutes les chansons de Dutronc, particulièrement parmi les moins connues ?

playlist dutronienne

Paris s’éveille est pour moi l’une des plus grandes chansons du patrimoine français  ! J’ai beaucoup dansé sur La Fille du père Noël. Enfant, j’adorais L’Hôtesse de l’air et L’Arsène. De la période Gainsbourg, je retiens surtout L’Hymne à l’amour (moi l’nœud). J’ai un faible pour Entrez, m’sieur, dans l’Humanité. Dans les moins connues, j’invite à découvrir La Pianiste dans une boîte à Gand, à l’ambiance jazz. Parmi les curiosités, je recommande L’âne est au four et le bœuf est cuit, qui avait heurté en son temps quelques bons paroissiens.

 

Il est cinq heures, Paris s'éveille (Live au Casino de Paris 1992).

La préférée des deux contributeurs de cet article. Avec la flûte magique ! 😍

 

À partir d’un film fait avec l’ami Jean-Marie Périer, au début des années 1970, son parcours est de plus en plus axé ciné. A-t-il trouvé dans cet exercice-là (faire l’acteur) un nouveau type de challenge qui peut-être, l’implique davantage ? Peut-être, celui où il s’épanouit le plus ?

l’acteur

S’il mésestime la chanson («  un métier d’escroc  », dit-il), Jacques Dutronc considère le cinéma comme un art majeur, ce qui lui pose problème lorsque Jean-Marie Périer insiste pour lui faire franchir le pas. Par respect, il préfère être spectateur qu’acteur. Il a tort, et va le prouver. Car il a une vraie nature d’acteur. Un charisme de dingue, une aura particulière. Il lui suffit d’«  être  », de s’approprier un personnage, d’en restituer les émotions. Tout en sobriété. L’air de rien. Ce n’est pas si simple. Et ça demande plus de sérieux et d’engagement qu’on ne croit. S’y épanouit-il  ? Sûrement. Le métier d’acteur va bien aux timides, il leur permet de mieux se cacher derrière un personnage. Dutronc se cache plus qu’il ne se montre. Même au cinéma. Jouer la comédie a des vertus thérapeutiques. À condition d’être en confiance, de faire les bons choix. Si l’on prête attention à la filmographie de Jacques Dutronc, on remarque qu’il a tourné avec les plus grands cinéastes de son temps, de Zulawski à Pialat, en passant par Lelouch, Deville ou Sautet. Truffaut, Wenders et Spielberg ont rêvé de lui pour un film. Dutronc n’est pas si dilettante qu’on se le figure.

 

Quels films avec Dutronc mériteraient, à ton avis, d’être découverts ou redécouverts ?

filmo sélective

Son talent dramatique est révélé par Andrzej Zulawski dans L’important c’est d’aimer. Incontournable dans la carrière d’acteur de Dutronc, tout comme Van Gogh, qu’il incarne au sens strict du terme – César du meilleur acteur en 1992. Pour retrouver sa beauté renversante, il faut le revoir dans Le Bon et les Méchants de Lelouch, Violette et François de Rouffio ou Sale rêveur de son ami Jean-Marie Périer. Je le préfère sensible et émouvant dans C’est la vie, de Jean-Pierre Améris, où il forme avec Sandrine Bonnaire un irrésistible couple de cinéma. Parmi les films à (re)découvrir, Malevil est une curiosité dans le genre des films de science-fiction. Et si l’on revoit l’excellent Merci pour le chocolat, c’est surtout pour Isabelle Huppert, machiavélique à souhait, et le génie de Claude Chabrol, avec qui Jacques Dutronc avait lié amitié.

 

Comment décrire sa relation iconique et en même temps, très atypique, avec Françoise Hardy ? Au fond, ces deux-là ne sont-ils pas avant tout, bien qu’aussi différents qu’on peut l’être, les meilleurs amis du monde ?

Françoise et Jacques

Ils le sont devenus. Jacques Dutronc a eu la chance de tomber sur une épouse aimante et surtout patiente. D’autres seraient parties depuis longtemps. Françoise Hardy a fait de ses longues heures à attendre son amour toute son œuvre artistique. Elle avoue aujourd’hui que Dutronc est l’homme de sa vie et considère qu’elle aussi a eu beaucoup de chance de l’avoir rencontré. Ils ne se sont jamais autant parlés que depuis ces dernières années. Ils sont désormais des confidents et éprouvent une tendresse infinie l’un pour l’autre. «  Aimer l’autre pour ce qu’il est et non pour ce qu’on voudrait qu’il soit  », tel est l’amour absolu selon Françoise Hardy.

 

Bon et finalement, Dutronc, ce Corse d’adoption qui a si bien chanté la capitale, il aime plus Paris ?

On court partout ça l'ennuie ! 😉

 

Alors, finalement, après avoir mené cette enquête, c’est qui, Jacques Dutronc ? Agaçant parfois, souvent attachant, ok. «  Insolent  », soit, anticonformiste,  est-ce qu’il l’est vraiment ? Qu’est-ce qui, chez lui, est carapace à l’image de ses fameuses lunettes noires, et quelle est sa vérité ?

Je laisse le soin aux lecteurs de s’en faire une idée. De mon côté, je vais tout relire et je réponds après (rires).

 

 
 
Trois adjectifs, pour le qualifier ?

Insolent, caustique, attachant.

 

Entre 2014 et juillet 2017, Dutronc a formé un trio mythique avec deux potes, Johnny et Eddy, connus à l’époque bénie du Golf-Drouot. Ces trois-là, inutile de le rappeler ici, ont chacun réalisé un parcours superbe, chacun dans son style, et chacun à sa manière. Est-ce qu’ils partageaient tous trois une conception du show-biz propre à leur époque (On veut des légendes) et qui ferait défaut aux artistes d’aujourd’hui ?

Vieilles Canailles

Aujourd’hui, la communication et le marketing sont devenus des composantes plus importantes que les qualités artistiques  ! Pour toucher un artiste, il faut passer par une armée de managers et de conseillers en image. Le show-biz est représentatif de son époque. On ne mise plus désormais sur la durée, on ne considère que l’instant. Il faut que ça rapporte. Les chanteurs ont perdu la faculté de faire rêver. Le temps des idoles est révolu. Les gamins préfèrent les footballeurs. Johnny, Eddy et Jacques ont connu le temps béni où tout était à créer et à rêver. Les choses se faisaient encore de façon artisanale. Avec fraîcheur, spontanéité et insolence. L’avenir était permis.

 

De 2014 à 2017, on a eu trois légendes...

 

Parmi les témoignages les plus intéressants de ton livre, il y a, avec ceux de Françoise, toutes les confidences que t’a faites le photographe légendaire de  Salut les copains, Jean-Marie Périer. Lui aura été, comme un fil rouge dans ces parcours 60s que tu as suivis, depuis tes débuts de biographe : Johnny bien sûr, Sylvie, Sheila, Jane, Françoise et Jacques... N’est-il pas lui aussi, définitivement, un acteur essentiel de ces années-là ?

Périer, l’ami, l’âme des 60s à la française ?

Tout à fait. Il est à peu près du même âge que les chanteurs que tu cites et faisait partie de la «  bande  ». Pour officialiser l’union de Françoise et Jacques, c’est à lui qu’on fait appel. De même, il est le témoin du mariage de Sylvie et Johnny, qu’il accompagne en voyage de noces  !... Je ne pense pas qu’il ait photographié Jane, cependant. C’est plutôt Tony Frank qui était le photographe attitré du couple Birkin/Gainsbourg… Ayant beaucoup écrit sur les idoles de cette époque, j’ai souvent interviewé Jean-Marie Périer. Pour me parler de son ami Jacquot, il a voulu que je le rejoigne dans sa retraite aveyronnaise et m’a fait découvrir une auberge à la lisière du Lot où l’on déguste une cuisine du terroir absolument divine  !... Je n’ai rencontré que de belles personnes, au cours de l’écriture de ce livre.

 

Je crois savoir que tes projets à venir, consisteront, notamment, en une bio (attendue !) de Serge Lama, et en un nouvel ouvrage sur Julien Doré. D’autres envies, d’autres thèmes ou pourquoi pas, des envies d’ailleurs ?

projets

Je voudrais pouvoir écrire des choses plus personnelles. J’ai des bouts de textes qui traînent dans les tiroirs, des romans inachevés… Et, de façon moins impérieuse, une biographie de temps en temps. Sur un sujet choisi. Il me faudrait trouver une autre activité qui me le permette. J’aimerais qu’on fasse appel à moi pour certaines de mes compétences, pour mes connaissances sur la chanson française, par exemple… En attendant, j’espère que ma façon d’écrire et la bienveillance avec laquelle j’aborde les biographies vont finir par trouver un écho dans ce milieu. Les compliments de Thomas Dutronc me le laissent croire.

 

Un dernier mot ?

Une boutade dutronienne  ? «  « J’ai arrêté de croire au Père Noël le jour où, dans une galerie marchande, il m’a demandé un autographe. »

 

Frédéric Quinonero 2021

 

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22 mars 2021

Sébastien Mirek, anesthésiste-réanimateur : « En 2020, nous avons tous été obligés de nous réinventer... »

La semaine dernière, le 17 mars plus précisément, nous nous souvenions qu’un an auparavant débutait en France un confinement général de deux mois pour cause de coronavirus. Pas de ces anniversaires qu’on commémore avec plaisir. Pour tous, celui-ci avait plutôt un goût amer : un an après, un autre confinement national a eu lieu à l’automne, d’autres ont été et seront peut-être encore décrétés localement, et depuis des mois un couvre-feu est instauré. Surtout, depuis un an, le bilan humain de la pandémie est lourd : plus de 92.000 décès en France, plus de 2,7 millons à l’échelle du monde.

En première ligne pour lutter contre la COVID-19, toujours, les soignants, et en particulier, en dernier ressort, le plus critique, celles et ceux qui s’affairent dans les services de réanimation, là où la mort est une issue probable, là où on peut encore l’empêcher. J’ai la chance, une fois de plus, de vous proposer aujourd’hui une interview-bilan avec un médecin anesthésiste-réanimateur, le docteur Sébastien Mirek, qui officie au CHU Dijon Bourgogne. Je le remercie pour ses réponses, et pour les photos faites par ses soins et qu’il m’a transmises. Une exclu, Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

SPÉCIAL SANTÉ - PAROLES D’ACTU

Sébastien Mirek: « En 2020, nous avons

tous été obligés de nous réinventer... »

 

Sébastien Mirek

En direct du bloc opératoire des urgences du CHU, en préparation avec les équipements

de protection individuelle pour accueillir un patient COVID.

 

Bonjour Sébastien Mirek. Pourquoi avez-vous choisi de faire médecine, et comment en êtes-vous arrivé à la réanimation ?

Tout d’abord un grand merci de me donner l’opportunité de partager mon vécu et ressenti de terrain sur la crise sanitaire que nous traversons depuis maintenant plus d’un an.

J’ai toujours voulu faire médecine, déjà depuis mon enfance. Je voulais sauver des vies. C’était un peu comme un rêve qui est devenu réalité. Mes parents et ma famille m’ont beaucoup aidé pour cela. Ils m’ont transmis ces valeurs d’être au service des autres. Je leur dois beaucoup, si ce n’est tout.

Originaire du Creusot en Saône-et-Loire, je suis issu d’une famille modeste, qui a immigré de Pologne. Très fier de ma famille et de mes origines, je me devais de travailler pour rendre fiers mes proches.

J’ai commencé médecine en 2000, à la faculté de médecine de Dijon. J’ai été interne en anesthésie-réanimation à Dijon, docteur en médecine spécialisé en anesthésie-réanimation en 2012, et maintenant praticien hospitalier au CHU de Dijon Bourgogne. Je suis passionné par mon métier, par ma spécialité, que je défends.

 

« Ce qui me plaît le plus, c’est l’imprévu, le non

programmé, l’urgence grave. C’est là

où je me sens le plus utile, le plus compétent. »

 

J’alterne mon activité clinique entre le bloc des urgences, la réanimation traumatologique et neurochirurgicale et des gardes au SAMU 21. Ce qui me plaît le plus, c’est l’imprévu, le non programmé, l’urgence grave. C’est là où je me sens le plus utile, le plus compétent. Notre métier d’anesthésiste-réanimateur n’est pas de souhaiter que les patients viennent nous voir mais de tout faire en ayant anticipé la prise en charge, quand les patients viennent nous voir après un accident de la route par exemple. Prévoir l’imprévu, pas toujours facile, mais tellement passionnant et motivant. Je suis aussi médecin réserviste capitaine dans le service santé des armées et spécialisé dans la médecine tactique et la médecine en situations sanitaires exceptionnelles.

J’exerce aussi une partie de mon activité en enseignement, auprès des collègues et des autres professionnels de santé sur le centre de simulation en santé du CHU, USEEM. Nous entraînons les professionnels sur des simulateurs de haute technologie mimant la physiologie humaine sur des situations critiques potentiellement graves. Avec toujours le même objectif  : «  jamais la première fois sur le patient  ». En s’entraînant en situation réelle, on est meilleur quand la situation clinique se présente au bloc opératoire ou en réanimation en urgence vitale. Ce type de formation en simulation est inspiré des pilotes de ligne. Vous monteriez, vous dans un avion dont le pilote ne s’est pas entraîné sur un simulateur de vol avant  ?

 

Simulateur USEEM CHU Dijon

Simulateur haute-fidélité HAL® Gaumard au centre

de simulation USEEM CHU Dijon Bourgogne.

 

Pourquoi avoir choisi la spécialité d’anesthésie-réanimation ?

La réponse est simple, c’est la plus belle des spécialités  ! Je ne regrette pas du tout mon choix. Et s’il était à refaire, je choisirais cette même spécialité.

Pouvoir à la fois faire mon métier d’anesthésiste-réanimateur au bloc opératoire sur des patients graves, et enchaîner avec la prise en charge de ces patients en réanimation avec la casquette réanimateur-anesthésiste : une vraie polyvalence permettant une prise en charge dans la globalité, et aussi une vraie complémentarité.

Comme je le dis plus haut, j’ai toujours voulu faire médecin pour aider les gens. Au début de mes études, j’étais très intéressé par la chirurgie réparatrice maxillo-faciale. J’ai fait un super stage en chirurgie maxillo-faciale, où les collègues avaient reconstruit le visage d’un patient suite à un traumatisme ballistique. C’est ensuite, en faisant mon stage en réanimation chirurgicale en 4e année de médecine, que j’ai vraiment eu le coup de foudre pour l’anesthésie-réanimation. Ce sont des rencontres avec des collègues qui m’ont donné cette envie. Un de ces collègues d’ailleurs était à ce moment-là interne, et il a été à l’origine de cette passion. Il a été mon directeur de thèse de médecine que j’ai faite sur les polytraumatismes et les traumatisés crâniens graves. Il se reconnaîtra. C’est aujourd’hui mon collègue en réanimation traumatologique. Je crois peu au hasard mais beaucoup au destin.

 

Racontez-nous votre expérience de cette année passée, soit depuis avant le premier confinement (mi-mars 2020) ?

Cette année 2020 aura été une année ou nous avons toutes et tous été obligés de nous réinventer, et tout particulièrement au niveau de notre système de santé. Nous sommes sortis de notre zone de confort pour pouvoir continuer à faire notre métier, avec comme objectif d’apporter les meilleurs soins à tous les patients que nous devrions prendre en charge, COVID ou non-COVID. J’ai fait ce choix de carrière à l’hôpital public, de surcroît universitaire et j’en suis fier. Je suis fier de notre système de santé qui a su trouver les ressources nécessaires pour pouvoir faire face à cette crise d’ampleur internationale face à un virus émergent, dont nous ne connaissions pas grand-chose en ce début d’année dernière. Malgré cela, nous avons su à titre collectif nous organiser, modifier nos procédures, parfois plusieurs fois par jour, modifier nos parcours de prise en charge, jusqu’à modifier nos locaux en créant des lits de réanimations éphémères dans nos salles de réveil du bloc opératoire, recevant normalement des patients en post-opératoire d’une chirurgie. Oui, nous avons dû sortir de cette zone de confort, mais nous avons apporté des soins de qualité à l’ensemble des patients qui devaient en avoir. C’est collectivement que nous avons pu réaliser cela. Notre hôpital à rayonnement régional est un hôpital de recours pour bon nombre de pathologies au niveau de notre territoire sanitaire régional. Nous avons réorganisé nos réseaux et mis en place des collaborations fortes avec les autres établissements publics, mais aussi privés, pour notamment mettre en place de la chirurgie délocalisée dans ces établissements.

Distinguons la première de la seconde vague.

 

« Depuis un an, la société a les yeux

rivés sur nos métiers. Je pense qu’il y aura

un avant et un après-COVID. »

 

Au cours du premier confinement, nous savions peu de choses sur la COVID-19. La société a été comme sidérée par l’annonce de ce confinement total, et il y avait une énergie incroyable collective. À titre personnel, je n’ai absolument pas vécu le confinement comme la population l’a vécu, et je pense que cela a été le cas d’un certain nombre de collègues. Nous avons fait notre travail de médecin anesthésiste-réanimateur, en passant plus de temps à l’hôpital, sans réelle déconnexion. L’énergie transmise par la population nous a permis encore plus de nous dépasser. Le revers de la médaille est que tous les regards étaient tournés vers nos réanimations, comme si tout notre pays découvrait notre métier et nos techniques de prise en charge que nous faisions déjà avant l’épidémie. Je pense notamment à la mise en décubitus ventral d’un patient en détresse respiratoire. Quelle stupeur de voir ces images de patients en décubitus ventral sur les chaînes d’information en continu, avec de soi-disant experts médicaux expliquer tout et son contraire sur cette technique que nous pratiquions déjà avant la COVID. Je ne reviens pas sur les différentes polémiques des traitements contre le virus. À ce moment-là, je me suis dit que la société avait les yeux rivés sur nous et qu’il y aurait un avant et un après-COVID. Notre pratique de la réanimation, et même de la médecine au sens large, ne sera plus vraiment la même après cette pandémie.

Pour ce qui est de la seconde vague, le ressenti a été totalement différent. Toujours de l’énergie collective qui permet d’avancer mais beaucoup de fatigue et un sentiment de lassitude des professionnels de santé. Quand arriverons-nous à sortir de cette épidémie  ? Après combien de vagues  ? Ce sont les questions sous-tendues, tout à fait légitimes que nous entendons. Avec une difficulté supplémentaire qui est le sentiment de défiance d’une partie de la population face à cette épidémie et face aux décisions prises par le gouvernement.

Notre objectif en tant que réanimateurs est de tout faire pour le patient ne vienne pas en réanimation. On vient en réanimation, quand on a une pathologie grave avec une ou plusieurs défaillances d’organes. Le pronostic vital est en jeu. Nous entendons tout faire pour prévenir les contaminations, pour que les personnes ne se contaminent pas et de ce fait, ne fassent pas de formes graves de la COVID-19. Il est là notre objectif. C’est là qu’interviennent toutes les mesures barrières (masques, lavage des mains, distanciation physique), et les mesures de confinement permettent de diminuer la circulation du virus en diminuant les interactions sociales.

Un point de mon activité de ces derniers mois sur lequel je souhaite revenir est ma participation dans la formation des professionnels. Une formation indispensable face à un virus émergent, afin de pouvoir protéger les professionnels de santé des contaminations, et aussi en formant des équipes de soignants à la prise en charge en réanimation dans le cadre de la réserve sanitaire et devant le besoin accru en matière de soins. Nous avons formé plus de 700 apprenants sur le territoire et nous sommes encore en train de déployer ces formations innovantes en simulation in situ, directement dans les services de soins critiques dans les établissements publics et privés. C’est en s’entraînant et répétant, en situation réelle, que nous gérerons mieux la crise si celle-ci se produit.

 

Quelle est la situation sur le front de la COVID-19 aujourd’hui ? Partagez-vous, pour ce qui concerne la région de Dijon, et pour ce qui concerne le pays tout entier, les inquiétudes de vos confrères ?

Je le redis encore une fois. La COVID n’est pas une «  grippette  » comme certains le disaient et continuent de le faire croire. Nous faisons face à une pandémie mondiale liée à ce coronavirus qui est une pathologie grave, qui n’épargne personne, encore plus avec l’apparition des différents variants plus contagieux. Ce n’est que collectivement que nous réussirons à nous en sortir. Nous avons eu une année 2020 plus que particulière. Qui aurait pu penser, prédire que nous aurions dû faire face à une pandémie mondiale liée à un virus émergent, la COVID-19 (ou son nom scientifique, le SARS-CoV-2) ? Prédire, anticiper, gérer le risque et la complication avant qu’ils ne se produisent est pourtant bien mon métier de médecin anesthésiste-réanimateur. Et pourtant, nous avons dû totalement nous réorganiser pour pouvoir faire face à cette épidémie, qui a changé bien des repères dans nos vies personnelles et professionnelles.

Nous, soignants, agents de service hospitalier, aides-soignants, infirmiers, psychologues, kinésithérapeutes, médecins et toutes les corps de métier de nos hôpitaux publics et privés, nous avons fait notre travail comme beaucoup d’autres professions et nous continuerons à le faire. Je suis fier de notre système de santé, même si nous pouvons toujours faire mieux, être meilleurs. Collectivement, nous pouvons en être fiers et nous devons nous soutenir les uns les autres.

Nous devons aussi faire confiance au monde médical et scientifique, mais aussi à nos dirigeants et notre gouvernement. Notre rôle est de transmettre l’information et surtout la bonne information car depuis un an, nous avons fait face à une vague d’infox en tous genres qui a brouillé totalement la parole publique.

 

Réa SSPI éphémère 1

Salle de surveillance post-interventionnelle transformée en réanimation SSPI éphémère.

Réa SSPI éphémère 2

 

Quelles leçons tirer, collectivement, et quelles leçons tirez-vous à titre personnel de cette éprouvante séquence Covid-19 ? En quoi vous aura-t-elle transformé ?

Nous avons beaucoup appris sur ce virus en un an, nous apprenons encore. Nous avons traversé une période difficile qui n’est malheureusement pas terminée, mais nous devons continuer à faire face ensemble, et tenir ensemble. Au niveau des soignants, nous ne sommes pas des héros comme on a essayé de nous le faire croire lors du premier confinement, juste des citoyens engagés et passionnés au service des autres. Je ne vous cache pas que cet élan de solidarité à notre égard nous a boostés et a permis de nous réinventer encore plus, mais nous savions aussi que cette phase serait éphémère et que le retour à l’état de base n’en serait que plus dur.

Cette période nous aura toutes et tous changés et bouleversés dans nos habitudes, nos croyances, nos vies. Nous ne l’oublierons jamais.

Pour finir avec ces quelques pensées et ressentis retranscrits brièvement, je voudrais vous faire un rappel des gestes de prévention. Le meilleur moyen de ne pas être hospitalisé dans mon service de réanimation est bien de ne pas se faire contaminer. Rappelons tout de même qu’un séjour en réanimation n’est jamais anodin et signe une gravité importante engageant le pronostic vital. Continuons de respecter les gestes barrières : distanciation sociale de 2 mètres avec l’apparition de nouveaux variants ; lavages répétés des mains à la solution hydroalcoolique si possible, à défaut au savon ; port du masque en respectant les règles de mise en place et changement toutes les 4 heures ; aérer les pièces en respectant la règle des 6 personnes à table dans votre cercle de personnes que vous côtoyez ; installer l’application Tous Anti-Covid, indispensable dans la stratégie de « tester, tracer, isoler ». Un dernier point rapide concerne la vaccination, un formidable espoir contre la COVID, résultat d’une mobilisation extraordinaire de toute la communauté scientifique internationale. Lorsque ce sera votre tour, faites-vous vacciner selon le schéma vaccinal proposé. Nous avons cette grande chance par rapport à il y a un an, d’avoir maintenant des vaccins disponibles, profitons-en...

   

Un dernier mot ?

Espérance.

Continuons d’avoir confiance en l’avenir et restons optimistes malgré cette phase troublée.

Nous y arriverons collectivement. Nous tiendrons ensemble. Prenez soin de vous...

 

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