L’élection choc du Républicain iconoclaste Donald Trump à la présidence des États-Unis au milieu de cette semaine a été lue par beaucoup de commentateurs comme la manifestation dans les urnes d’un sentiment puissant - et jusqu’ici latent - de révolte d’une bonne partie du peuple américain. Révolte contre quoi, contre qui ? Sont pointées ces criantes inquiétudes qui touchent au déclassement économico-social dans un monde de plus en plus impitoyablement concurrentiel ; à des problématiques d’identité dans un monde à l’ouverture parfois anarchique et souvent poussée de manière quasi-dogmatique. Les mêmes ressorts que pour le Brexit du mois de juin. Derrière ces phénomènes, massivement ressentis dans un Occident en perte de repères, on croit voir la main d’une élite dont les intérêts divergeraient sur l’essentiel de ceux des peuples : élites économiques et financières, élites bureaucratiques... et bien sûr élites politiques. En France, le phénomène prend de plus en plus d’ampleur, en particulier s’agissant de ce dernier point : la défiance envers le politique atteint des niveaux considérables que ne peuvent qu’alimenter scandales ou « indélicatesses » indignes qui, bien trop souvent, éclaboussent des politiques et salissent nos démocraties ; les chiffres de l’abstention lors de chaque scrutin et les intentions de vote pour les anti-système le démontrent régulièrement.
Dans ce contexte, et alors même qu’à titre personnel je suis issu et me sens donc solidaire de ces milieux qui se sentent laissés pour compte (pour ne pas dire autre chose) ou trahis, j’ai souhaité pour cet article m’inscrire à contre-courant de ces mouvements dont on se surprend à chaque scrutin à découvrir la puissance. Parmi les intervenants qui, tout au long des cinq années et demie d’existence de Paroles d’Actu, ont répondu à mes sollicitations pour des interviews, j’ai été touché par l’accueil qui m’a été fait, immédiatement et de manière constante, par deux primo-députés de la mandature en cours : Pierre-Yves Le Borgn’, élu socialiste des Français de l’étranger (Europe centrale et orientale) et Virginie Duby-Muller, élue Les Républicains de Haute-Savoie. Combien de discussions, devant la machine à café, sur les « privilèges exorbitants » des députés ? Et combien, finalement, sur leur travail effectif - c’est-à-dire : tout sauf les questions au Gouvernement ? Mi-septembre, j’ai proposé à ces deux députés que nous ayons ensemble des échanges croisés (ils se sont déroulés jusqu’au début du mois d’octobre) portant sur le fond de leurs actions et engagements respectifs. La parole, donc, en ces temps de défiance profonde envers le politique, à deux élus de la République dont j’ai la conviction profonde qu’ils sont de ceux qui n’ont pas oublié d’où ils viennent, de qui ils tiennent leurs mandats, ni pour qui ils l’exercent. Des confidences précieuses, parfois touchantes, parfois révoltées... et qui sonnent justes. Une exclusivité Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.
PAROLES D’ACTU - PAROLES D’ÉLUS
« Virginie Duby-Muller et Pierre-Yves
Le Borgn’, députés de la République »

Photo pour Paroles d’Actu, datée du 9 novembre 2016.
Paroles d’Actu : Comment avez-vous vécu vos premiers jours, vos premiers pas à l’Assemblée nationale ? Votre vie, à l’un comme à l’autre, a-t-elle changé radicalement à partir de ce point ?
Virginie Duby-Muller : Mon élection fut évidemment un moment particulièrement fort et symbolique : après une campagne de terrain, je suis devenue députée de la Nation en juin 2012. Les résultats sont tombés le dimanche soir, et j’ai dûêtre à Paris dès le lendemain : à peine le temps de savourer la victoire, que nous sommes déjà dans la course du mandat.
Mon arrivée à l’Assemblée nationale restera évidemment un souvenir très important. Faisant partie des six députés les plus jeunes de l’Hémicycle, j’ai eu l’honneur d’être membre du « Bureau d’âge » lors du premier jour de séance, et d’assister le doyen qui préside cette séance inaugurale. Ce fut un moment particulièrement marquant et émouvant, où j’ai pu sentir la puissance symbolique du lieu, notamment en vivant moi-même le cérémonial d’entrée dans le Palais Bourbon, depuis l’Hôtel de Lassay jusqu’à l’Hémicycle, entourée par la Garde Républicaine, sous leurs roulements de tambours. Ce moment hors du commun m’a rappelé l’importance de la fonction, la responsabilité qui m’avait été confiée.
« Malgré mon élection, je ressentais ma présence
à l’Assemblée comme étant un peu étrange :
tout était à construire... »
Pierre-Yves Le Borgn’ : Je suis venu à l’Assemblée nationale le jeudi 21 juin 2012, quatre jours après mon élection. J’ai vécu avec beaucoup d’émotion ce moment-là, en particulier lorsque, conduit par un huissier, je suis entré dans l’Hémicycle, pensant à mes parents et à tous ceux qui, dans mon parcours de vie, m’avaient encouragé et touché, sans imaginer un instant que ce parcours me conduirait à la députation. Je revoyais le visage aimant de ma grand-mère, garde-barrière et veuve de guerre, décédée quelques mois auparavant à près de 100 ans, que cet instant aurait rendu très fière (« fi-ru », m’aurait-elle dit en breton). Je viens d’un milieu humble et simple. Sans l’école et les bourses scolaires, sans la volonté et le travail, rien de cela n’aurait été possible. Je me sentais tout petit dans cet Hémicycle silencieux, imaginant sur les bancs et à la tribune, les figures historiques de mon Panthéon personnel : Jean Jaurès, Léon Blum, Pierre Mendès France et François Mitterrand. J’avais gagné une élection et méritais d’être là, mais je ne pouvais m’ôter de l’esprit que ma présence était un peu étrange. Tout était à construire.
Ma vie a changé le 17 juin 2012. Après plus de 20 ans dans le secteur privé industriel, j’ai tourné une page. Je m’y étais préparé. Il y a cependant comme une forme de choc à ne plus tenir de conférence téléphonique avec les équipes, à ne plus avoir les yeux sur les comptes de résultats, à ne plus penser au business et même aux concurrents ! Ce quotidien s’est effacé pour faire place à un autre, commençant par le recrutement d’assistants parlementaires et l’installation de ma permanence à Cologne.
Paroles d’Actu : Comment les « anciens » vous ont-ils accueillis ? Avez-vous senti un soutien de leur part ?
Pierre-Yves Le Borgn’ : À l’Assemblée, dans les premières semaines, en l’absence de bureau attribué, je parcourais les salons devant l’Hémicycle… à la recherche du wifi. Et j’ai mis des jours à trouver la buvette des députés, n’osant pas demander mon chemin. Tout cela apparaîtra sans doute ridicule, mais j’avais l’impression d’entrer en 6ème et de porter l’étiquette de bizuth. Je connaissais quelques députés réélus, qui m’ont aidé et conseillé. Au sein du groupe socialiste, nous étions beaucoup de nouveaux et une forme de solidarité entre nous existait. Avec quelques limites cependant, certaines dents rayant déjà le parquet.
« Pas facile de tutoyer les anciens ministres...
mais on s’y habitue ! »
Virginie Duby-Muller : Au Palais Bourbon, j’ai ressenti un vrai soutien des « anciens », notamment de ceux de mon département. Une règle entre les députés favorise aussi cet esprit de cohésion : le tutoiement, que nous employons tous entre nous. Pas toujours facile de tutoyer des anciens ministres, mais on s’y habitue !
Paroles d’Actu : Comment avez-vous géré ce sentiment qui, comme je peux l’imaginer, vous habite en pareil cas : sentiment de responsabilité ; sentiment d’être « la représentation nationale » ?
Pierre-Yves Le Borgn’ : La responsabilité, je l’ai ressentie dès la première séance. La nouvelle majorité avait été élue sur une promesse de changement et les électeurs croisés en campagne attendaient que nous tenions nos engagements. J’avais le sentiment que nous devions assumer sans ciller un langage de vérité, expliquant nos initiatives, propositions et votes. Et les difficultés rencontrées aussi. Parler vrai, en somme. Venu à la politique dans le sillage des idées de Rocard et Delors, cette exigence de responsabilité m’habite depuis toujours. Sans doute avais-je déjà, en ces premiers jours de législature, la crainte que les jeux, postures et ambitions ne rendent l’action illisible et confuse. Cela n’a malheureusement pas manqué. Même si l’Assemblée reflète imparfaitement la diversité du peuple français, j’avais conscience que nous étions la représentation nationale et qu’il nous fallait agir avec rigueur, devoir et discipline. C’est pour cela que j’ai vécu l’affaire Cahuzac comme un échec collectif, voire une trahison du peuple souverain, les errements d’un homme éclaboussant la République et la vie politique, à rebours de la noblesse de l’engagement à laquelle je crois.
Paroles d’Actu : Comment avez-vous conçu votre rôle au sein d’un collectif à vocation bien précise (vous Virginie dans l’opposition, vous Pierre-Yves dans la majorité), avec tout ce que ça implique peut-être de « mise en scène » ou de postures au niveau d’un groupe (ça pose la question de la possibilité de travailler sereinement de manière trans-partisane, la distinction entre « plénière » et commission) ?
Virginie Duby-Muller : L’opinion publique a trop souvent tendance à réduire le travail parlementaire aux questions au Gouvernement du mardi et du mercredi. Cela donne souvent une image de brouillon, de politique agressive, d’interrogations uniquement rhétoriques, où chacun y va de sa petite phrase pour « piquer l’adversaire ». C’est surtout le travail en coulisses qui m’intéresse : celui des commissions, des groupes d’études, des rencontres en circonscriptions. J’y suis particulièrement attentive et assidue.
Être dans l’opposition pour un premier mandat, cela ajoute aussi du challenge à ce mandat. J’ai toujours voulu assumer mon appartenance au groupe des Républicains, tout en travaillant de manière constructive, pour des réformes nécessaires, et en valorisant le bien commun. En résumé, je fais partie d’un groupe, mais je souhaite conserver une liberté de parole, de ton et de vote. C’est une question de confiance avec les citoyens de Haute-Savoie, et de convictions.
Pierre-Yves Le Borgn’ : Je crois à la fidélité. Je tiens aussi à l’exigence de vérité et à l’indépendance de jugement. Enfin, je me défie de tout sectarisme. Je me suis engagé à fond dans le travail de la Commission des Affaires étrangères, construisant peu à peu, rapport après rapport, au sein du groupe socialiste comme de la Commission elle-même, une spécialisation sur l’environnement et la lutte contre les dérèglements climatiques, les droits de l’homme et la matière fiscale internationale. J’ai pris mes tours de permanence dans l’Hémicycle pour les débats législatifs, enchaînant (tout en les redoutant) les séances de nuit à n’en plus finir. J’ai souvent pesté contre cette organisation foutraque de nos travaux, le Bundestag, dont je suis familier, me renvoyant en boomerang l’image d’une institution organisée, prévisible et sereine. Je me suis endormi une nuit à mon banc, cuit de fatigue, entraînant un commentaire cinglant au micro d’un collègue de l’opposition, avec qui j’ai eu le lendemain matin une explication de gravure. J’ai défendu mon premier amendement de député à 5 heures 10 du matin en juillet 2012. Sur la vidéo, je ressemblais à Gainsbourg…
« Les différences existent, pas besoin
de les mettre en scène dans l’outrance »
J’ai vite découvert les postures, trucs de séance et autres colères surjouées pour la galerie et plus encore pour la télévision. Je m’y suis toujours refusé. Je ne juge pas cela utile ni digne. Les différences existent, il n’est pas besoin de les mettre en scène dans l’outrance. C’est pour cela que j’ai perdu en quelques mois l’intérêt que j’avais initialement pour la séance des questions au Gouvernement, même si je m’y rends toujours. Flatter le Gouvernement d’un côté, hurler à la ruine de l’autre, tout cela n’a pas grand sens et contribue malheureusement au regard désabusé que portent nos compatriotes sur l’institution parlementaire. J’ai défendu fidèlement le Gouvernement sur tous les textes où j’étais en accord. J’ai aussi assumé publiquement tous mes désaccords en m’abstenant ou en votant contre des textes soutenus par mon groupe parlementaire (loi renseignement, suppression des classes bi-langues, déchéance de nationalité, fiscalité sur les Français de l’étranger). Cela m’a valu parfois un purgatoire politique plus ou moins prolongé, si ce n’est une réputation de type pas facile. J’ai assumé, même si ce n’était ni agréable ni juste.
Paroles d’Actu : Est-ce que vous vous connaissez bien, tous les deux ? Avez-vous déjà eu des occasions de vous côtoyer, de travailler ensemble ?
Virginie Duby-Muller : Nous avons surtout eu l’occasion de travailler ensemble lors des réunions du groupe d’amitié France-Allemagne, que préside Pierre-Yves et qui organise de nombreuses auditions. Nous accueillons également chacun un stagiaire franco-allemand tous les ans à Paris dans nos bureaux, dans le cadre d’un échange mis en place entre l’Assemblée et le Bundestag.
Nous nous entendons très bien, la preuve que l’appartenance politique ne fait pas tout ! Pierre-Yves Le Borgn’ est un excellent député, pointu et consciencieux sur ses dossiers. Nous avons un peu la même manière d’évoluer à l’Assemblée et de définir notre mandat : avec une liberté de parole, des convictions que nous respectons, et beaucoup de travail !
Pierre-Yves Le Borgn’ : Nous avons en effet fait connaissance au sein du groupe d’amitié France-Allemagne, que je préside. J’ai tout de suite apprécié l’échange franc, direct et sympa avec Virginie. Peut-être y avait-il là une forme de solidarité entre primo-députés, mais pas seulement. Je m’attache à l’unité des gens, à leur sincérité et à leur force, au-delà des différences partisanes et de vote. Tout cela n’est pas très politique, mais je revendique cette approche personnelle, corollaire de l’horreur absolue dans laquelle je tiens le sectarisme. J’ai noué des relations fortes avec des collègues de l’opposition, voire même des liens d’amitié, et j’en suis heureux. Pour une large part, c’est le travail en commun au sein du groupe d’amitié France-Allemagne, l’attachement à l’Allemagne qui nous rassemble, qui y a conduit. C’est ainsi par exemple que, comme elle l’a rappelé, Virginie et moi nous retrouvons chaque année à travailler tous deux avec un(e) stagiaire allemand(e). J’ai souvenir aussi que Virginie avait mentionné mon désaccord sur la suppression des classes bi-langues dans une question qu’elle posait à Najat Vallaud-Belkacem et mes oreilles avaient beaucoup sifflé après coup au sein du groupe socialiste !
Paroles d’Actu : Quels sont les grands moments de la vie du parlement et de la vie de la Nation qui vous ont marqués, en tant que citoyens comme en tant que députés ?
Virginie Duby-Muller : Je pense d’abord au Parlement réuni en Congrès à Versailles, le 16 novembre 2015. C’est un moment que j’aurais préféré vivre dans d’autres circonstances. Après l’horreur des attentats, je crois que nous étions tous un peu sonnés, l’émotion dans la salle était palpable. C’était un après-midi très solennel, où la nécessité d’union et de solidarité face à la barbarie a été rappelée.
J’ai également été marquée par le vote de la loi sur le mariage pour tous, qui s’est révélée profondément clivante. Les débats étaient particulièrement agressifs et offensifs dans l’Hémicycle, et m’ont laissés un souvenir amer. C’est souvent le cas pour les votes parlementaires sur des sujets de société, qui instaurent des discussions pesantes, exacerbent les passions, encouragent la démesure des réactions.
« Le débat sur le mariage pour tous était important,
les arguments des uns et des autres
étaient légitimes ; cela aurait mérité
de vrais échanges, plus apaisés »
Le débat était pourtant important, des arguments étaient légitimes des deux côtés de la mobilisation : cela aurait mérité davantage d’échanges apaisés et dans la co-construction.
Pierre-Yves Le Borgn’ : Le moment le plus impressionnant pour moi restera également cette réunion du Congrès du Parlement à Versailles, le surlendemain des attentats terribles du 13 novembre 2015. Nous étions en état de choc collectif. La guerre venait de nous être déclarée par une organisation terroriste s’en prenant aux valeurs et à l’art de vivre de la France. Je repense aussi au discours de Manuel Valls devant l’Assemblée en janvier 2015, suite aux attentats à Charlie Hebdo et à l’Hypercasher de la Porte de Vincennes. Et cet instant où notre collègue Serge Grouard, député du Loiret, lança une Marseillaise a capella totalement inattendue, que nous avions reprise tous ensemble. Au rang des souvenirs heureux, je revois le moment où je pousse sur le bouton « pour » et contribue, en mai 2013, à l’adoption définitive de la loi sur le mariage pour tous. J’ai dans mon entourage de très proches amis homosexuels et je savais combien cette égalité-là, ce droit d’épouser l’être aimé et de construire une famille, était le combat de toute leur vie. J’en ai eu les larmes aux yeux sur l’instant. À tort ou à raison, j’avais le sentiment d’un moment historique, comme lors de l’adoption, des décennies avant, de la loi Veil ou de l’abolition de la peine de mort.
Paroles d’Actu : Un focus bien sûr sur ces événements si particuliers qu’on a vécus et que vous venez d’évoquer, à travers le prisme peut-être particulier de l’Assemblée et du travail en circonscription (questions, attentes, craintes des citoyens) : les attentats en France.
Virginie Duby-Muller : À Paris comme en Haute-Savoie, toute la France a été touchée par la brutalité et la barbarie de ces attentats. J’ai reçu beaucoup de questions sur l’islamisme, sur nos capacités à agir, sur notre action en tant que députés face à cette guerre contre Daech. J’ai vite ressenti un malaise en circonscription, dû à beaucoup de désinformation sur les attaques et sur nos actions en tant que députés.
Etant élue dans une zone frontalière, je suis aussi confrontée à d’autres problématiques spécifiques de l’état d’urgence, notamment celle des douanes. A l’heure où on les menace de suppression, je les défends sans relâche depuis de nombreuses années.
« L’obsession de voir sa tête, à la faveur
d’un bon mot ou d’un tweet, sur les antennes
des chaînes d’info en continu est un poison »
Pierre-Yves Le Borgn’ : Après les attentats, mais plus généralement aussi sur les textes majeurs examinés au cours de la législature, j’ai ressenti l’attente exigeante de nos compatriotes : des résultats bien sûr, mais aussi de la dignité. Être efficace, juste et respectueux. Ne jamais se donner en spectacle. Les gens ont pris la crise en pleine poire. La désindustrialisation est un drame humain, le chômage des jeunes tout autant. Bosser sans en rajouter dans le jeu de rôles, c’est respecter nos compatriotes. Nous n’y sommes pas toujours parvenus et je le regrette. Le microcosme qu’est le Palais Bourbon ne contribue pas à la sérénité. L’obsession de voir sa tête, à la faveur d’un bon mot ou d’un tweet, sur les antennes des chaînes d’info en continu est un poison. Le travail en circonscription et le contact avec nos compatriotes me ramènent toujours à l’exigence de sérieux et de sobriété. Une seule fois, je me suis mis en colère dans l’Hémicycle et je n’en suis pas spécialement fier. J’avais réagi vivement aux propos d’un collègue de l’opposition me traitant de « meurtrier » en raison de ma défense des droits des enfants nés par GPA à l’étranger. J’en ai été blessé comme homme et comme père. Pour ma part, je n’ai jamais invectivé personne.
Paroles d’Actu : Qu’est-ce qu’être député implique sur un plan personnel, humain : vous avez des enfants en bas âge tous les deux, on imagine que ça n’est pas forcément évident de gérer cela, y compris sur le plan émotionnel, peut-être de la culpabilité ressentie, quand on a une activité aussi prenante (et aussi mobile) que la vôtre ?
Pierre-Yves Le Borgn’ : Lorsque j’ai été élu député, mon petit Marcos avait dix mois. Je le revois encore, à mon retour de l’Assemblée nationale le 21 juin au soir, suçant ma toute nouvelle cocarde tricolore qu’il croyait être une glace. Pablo et Mariana sont nés depuis. Je me suis organisé pour être régulièrement avec eux et mon épouse, même si cela conduit à des nuits courtes et des départs très matinaux. Je suis un père avant d’être un député. J’ai renoncé à des missions et responsabilités pour être avec eux. La vie politique peut ruiner une vie de famille. Je ne veux pas que ce soit le cas pour la mienne. Certains collègues se sont moqués de moi pour cette raison. J’assume et je les plains quelque part. Vivre avec sa famille, voir ses enfants grandir et contribuer à leur enfance, c’est ce qu’il y a de meilleur. Pour eux, pour soi-même aussi. Dans plusieurs de mes interventions et nombre de mes votes, j’ai pensé à mes enfants. Notamment dans mon discours de rapporteur de l’Accord de Paris sur le changement climatique. Je veux leur laisser un monde meilleur. Et je veux aussi qu’ils se souviennent, le jour venu, de leur papa comme quelqu’un qui aura accompagné leur vie, tendrement et sûrement.
Virginie Duby-Muller : L’articulation entre la vie familiale et les mandats est parfois compliquée. Je suis devenue député quand ma fille avait à peine six mois et je me déplace à Paris deux jours par semaine. Il n’y a malheureusement pas encore de crèche à l’Assemblée nationale !
Nous sommes d’ailleurs peu de femmes de moins de 40 ans dans la vie politique. Pour ce faire, il faut donc une bonne logistique, l’appui de son conjoint, de sa famille et une bonne nounou. Je n’accepte pas toutes les sollicitations, en particulier le dimanche après-midi, et je fais en sorte de préserver des moments exclusifs pour ma vie de famille, privilégier la qualité à la quantité. Et j’emmène aussi ma fille avec moi sur le terrain en Haute-Savoie, lors de déplacements moins officiels !
Je pense que la famille peut parfaitement évoluer avec une maman député : j’ai d’ailleurs toujours eu pour modèle des femmes actives, qui m’ont poussée dans mes études et incitée à être indépendante.
Paroles d’Actu : Comment vous vivez l’articulation, peut-être le « fossé » entre les phases « Hémicycle » et « circonscription » de vos mandats ? Quelques mots peut-être sur l’échange que vous pouvez avoir avec les habitants de vos circonscriptions respectives ?
Virginie Duby-Muller : J’accorde dans mon travail une grande place au terrain, sinon on peut très vite être déconnecté des réalités. J’effectue chaque année « une tournée » sur les 53 communes de ma circonscription. La circonscription et l’Hémicycle sont complémentaires : des problèmes remontent au niveau local, que nous pouvons régler au niveau national. Mon objectif, c’est d’être un relai efficace entre ce que je constate sur le terrain et ce qui peut être fait et voté à l’Assemblée nationale.
« Une bonne articulation Hémicycle/circonscription
est essentielle en ces temps
de crise de confiance citoyenne »
Cette articulation Hémicycle/circonscription permet aussi d’avoir un rôle pédagogique, pour expliquer ce que nous faisons à Paris, comment nous votons les lois, comment nous travaillons à l’Assemblée. C’est profondément nécessaire, à l’heure de la crise de confiance citoyenne et des préjugés sur les élus. C’est ce que je fais, le plus souvent possible, notamment en accueillant des groupes de visiteurs de mon département au Palais Bourbon.
Pierre-Yves Le Borgn’ : Je préfère la circonscription à l’Hémicycle. La vraie vie, la première des valeurs ajoutées, c’est le contact humain, la rencontre in situ avec les compatriotes et la résolution des questions qu’ils portent à mon attention. À chaque déplacement que je fais en circonscription, je tiens une permanence qui me permet de recevoir individuellement les gens, puis j’enchaine avec une réunion publique de compte-rendu de mandat. Je réponds à tous les courriers et courriels individuels que je reçois, sans aucune exception. Je prépare tous les trimestres une lettre d’information précise, qui présente dans le détail mes interventions et fait le point sur tous les dossiers affectant la vie des Français établis dans les 16 pays de ma circonscription d’Europe centrale et balkanique. Je tiens un blog dans lequel j’écris plusieurs fois par semaine. Je trouve que la vie politique communique mal et trop peu. Les gens n’attendent pas de moi que je les appelle à voter pour le Parti socialiste ou que je me comporte comme la brosse à reluire du Gouvernement. J’ai à leur égard à tout le moins une obligation de moyens et j’y rajoute une obligation de résultats.
Paroles d’Actu : Un point qui m’intéresse : de par vos circonscriptions respectives, vous êtes l’un et l’autre pas mal en rapport avec l’étranger, vous Virginie le transfrontalier, vous Pierre-Yves l’international. On a l’impression que beaucoup de vos collègues raisonnent quand même pas mal en des termes très « franco-français ». Est-ce qu’il y a une espèce de « communauté » particulière des parlementaires qui touchent à l’international ?
« Nous avons un devoir de curiosité d’esprit,
qui commence par l’exercice régulier
de la législation comparée »
Pierre-Yves Le Borgn’ : Il y a en effet une sorte de solidarité informelle des députés connaisseurs de l’étranger. D’une certaine manière, la vingtaine de collègues régulièrement présents depuis quatre ans aux manifestations du groupe d’amitié France-Allemagne que j’organise en est un exemple. Il faudrait que nous mobilisions davantage les groupes d’amitié dans cette perspective. Certains groupes n’ont aucune activité et c’est regrettable. Je suis membre de France-États-Unis, en souvenir d’une lointaine vie en Californie au début des années 1990. J’avais demandé au printemps dernier au président du groupe, durant la campagne des élections primaires américaines, d’organiser une réunion avec des journalistes américains à Paris pour parler des phénomènes Trump et Sanders. Il n’en a jamais rien fait. L’on s’étonne après de la tournure franchouillarde ou chauvine de certains débats… Nous avons un devoir de curiosité d’esprit, qui commence par l’exercice régulier de la législation comparée. Soyons fiers de notre pays, reconnaissons aussi qu’il n’est pas une île et que la connaissance de l’étranger est une chance pour bien légiférer.
Virginie Duby-Muller : [Ce contact avec l’étranger] est en effet une chance et un atout dans ma circonscription : notre proximité avec la frontière suisse amène de nouvelles problématiques, comme le travail des frontaliers, les relations économiques avec le bassin suisse, les questions de mobilité… Je pense que cette ouverture à l’international est primordiale aujourd’hui, et que nous ne pouvons plus nous permettre de raisonner uniquement sur du « franco-français ».
On se retrouve d’ailleurs, avec Pierre-Yves Le Borgn’, sur cette question, ce qui nous amène à avoir des positions communes. Ce fut notamment le cas dans notre opposition à la suppression des classes bi-langues, lors de la réforme des collèges de Najat Vallaud Belkacem. Etant tous les deux sensibles aux relations internationales et aux relations frontalières, nous connaissons l’importance de cet enseignement et les réussites de ces classes pour l’ouverture des élèves sur le monde.
D’une manière globale, les notions d’international et de transfrontalier sont fondamentales : en tant que représentants de la Nation, nous avons besoin d’avoir une ouverture sur le monde. J’ai eu l’opportunité d’effectuer plusieurs missions parlementaires à l’étranger, car il est important, effectivement, de s’ouvrir au monde, de faire preuve de curiosité, pour voir ce qui se passe ailleurs, et faire du « benchmarking ».
Paroles d’Actu : Parlez-nous de quelques uns de vos grands moments de joie, mais aussi de déception, peut-être parfois de découragement ?
Virginie Duby-Muller : Être élue de l’opposition n’est pas toujours facile, tant le fait majoritaire nous contraint dans l’Hémicycle. Mes principales déceptions (mais toujours pas de découragements !) viennent donc de là, de toutes ces occasions ratées où j’ai vu un sujet important et des mesures nécessaires être refusées par la majorité en place.
Mes moments de joie sont donc souvent des « petites victoires », comme lorsque ma proposition de loi relative à la déclaration de domiciliation fut examinée dans l’Hémicycle, mais malheureusement rejetée par la majorité socialiste.
Pierre-Yves Le Borgn’ : J’en ai déjà un peu parlé pour ce qui est de la joie ou à tout le moins des moments heureux, en référence notamment au vote de la loi sur le mariage pour tous. Mes moments de satisfaction sont cependant bien plus sur les dossiers que je traite en circonscription que dans l’Hémicycle. Avoir contribué, par exemple, à mettre un terme au prélèvement indu opéré par les caisses d’assurance-maladie allemandes sur les retraites complémentaires de l’AGIRC et de l’ARRCO perçues en Allemagne. Avoir bataillé pour le remboursement de la CSG prélevée à tort sur les revenus des personnes non-affiliées à la sécurité sociale française. Ce sont des centaines d’heures de travail et de batailles, que j’ai eu la chance de mener à bien. Les déceptions, c’est quand rien n’avance, que le Gouvernement dit quelque chose et que l’administration fait l’exact inverse, quand une promesse est faite et qu’elle n’est pas tenue, quand les courriers aux ministres ne reçoivent pas de réponse. Je n’ai jamais été découragé. Je n’ai pas le droit de l’être, outre que ce n’est pas non plus dans ma nature. Je me suis fâché parfois, fort même, face à l’incurie, au manque de rigueur et à la duplicité. Cela me vaut de croiser des ministres qui ne me saluent plus et me zappent de toute information lorsqu’ils se rendent dans ma circonscription. Ce n’est pas drôle, mais je préfère le résultat à la courtisanerie.
Paroles d’Actu : Comment vivez-vous cette espèce de défiance très perceptible des citoyens envers le politique, qu’on sent par moments assez explosive ? Qu’est-ce qui à vos niveaux pourrait être fait pour y répondre (réformes institutionnelles ou démocratiques notamment) ?
Pierre-Yves Le Borgn’ : Je la vis mal, surtout lorsque se rattache à cette défiance une présomption d’incompétence et de malhonnêteté. Cela me met en rage. Mais si la vie politique française en est là, c’est parce que l’on promet tout le temps et abuse ensuite les gens. Les déclarations de matamore dans les campagnes électorales ou les petits coups tactiques font le plus grand mal. Voyez Sarkozy et Hollande, qui avaient promis par écrit aux pupilles de la Nation de la guerre de 1939-1945 un dédommagement, par extension de décrets datant de 2000 et 2004. Parvenus aux responsabilités, l’un comme l’autre n’en ont rien fait. Près de 10 000 personnes, les pupilles de la Nation, le vivent aujourd’hui cruellement. C’est inacceptable. Avec Yves Fromion, député LR du Cher, j’ai déposé une proposition de loi transpartisane, co-signée par 30 collègues PS, LR et UDI, pour que ces promesses soient tenues. À l’arrivée, parce que cette proposition de loi inédite rappelait chaque camp à ses engagements, ni le groupe socialiste ni le groupe LR n’ont accepté l’inscription de notre proposition à l’ordre du jour de l’Assemblée. C’est affligeant.
« La vie politique crève d’un entre-soi coupable :
la démocratie participative doit être l’une
des réponses à privilégier »
Je voudrais par exemple pouvoir imaginer une organisation institutionnelle plus simple permettant un droit effectif de pétition citoyenne, contraignant pour l’examen d’un texte au Parlement. Je pense aussi que les tâches de contrôle du Parlement devraient être renforcées, quitte à prendre du temps sur le travail législatif, obstrué par des centaines, voire des milliers d’amendements inutiles car hors du domaine de la loi et impossibles à mettre en musique au plan réglementaire. On perd un temps infini à discuter du sexe des anges à 4 heures du matin dans l’Hémicycle, juste parce qu’un ou plusieurs collègues entendent coller leurs noms derrière un amendement dont tout le monde sait, à commencer par les intéressés, qu’il ne débouchera jamais sur aucune action publique que ce soit. Il me semble également qu’il faudrait mieux rendre publiques les études d’impact et y associer bien davantage les Français. La vie politique crève d’un entre-soi coupable, alimentant l’idée – injuste – d’une caste. La démocratie participative doit être l’une des réponses à privilégier.
Virginie Duby-Muller : La défiance envers nos institutions, envers les « politiques », envers notre fonctionnement législatif et exécutif n’a jamais été aussi forte. On parle de « crise du politique », du « tous pourris », de scandales médiatiques, de crise de confiance envers les représentants du peuple. On reproche à l’administration ses structures verticales, ses hiérarchies pesantes, son management basé sur la méfiance, avec peu de place pour la créativité…
Bref, la fracture est imminente, et tout l’enjeu est d’agir rapidement et efficacement, pour adapter notre gouvernance. Nous sommes des citoyens du 21ème siècle avec des institutions conçues au 20ème, voire au 19ème siècle !
Un des bouleversements que nous subissons, c’est le numérique. Notre démocratie doit s’adapter à l’ère internet, et nous devons trouver comment. Nous sommes aujourd’hui à un tournant.
Et je pense que le numérique n’est pas la fin de la politique, mais c’est une révolution de la politique, un formidable outil pour la moderniser, et permettre une démocratie plus directe, ouverte, simplifiée, réactive et contemporaine. C’est une chance pour révolutionner l’engagement citoyen, et plus modestement améliorer la relation administration/citoyen. En France, les initiatives ne manquent pas. Il ne s’agit plus de projets futuristes encore dans les cartons. Ce sont par exemple des projets de co-production législative, comme c’est permis par le site internet « Parlements et Citoyens » : cette plateforme propose, en quelques clics, d’associer les citoyens à la rédaction des propositions de lois sur lesquelles nous, parlementaires travaillons. C’est un vrai travail de collaboration, pour arriver à un texte législatif au plus proche des intérêts des Français. Je pense aussi à la création de « La Vie Publique », émission qui propose sur YouTube de décrypter les questions au Gouvernement, avec la possibilité d’interagir en direct via un tchat intégré. Des applications se développent aussi dans les villes et métropoles, comme c’est le cas à Marseille, à Saint-Étienne, à Asnières, qui proposent une application portable permettant à n’importe quel habitant de signaler les problèmes de propreté. La mairie reçoit directement les géolocalisations, et peut ainsi agir, au plus grand bonheur des usagers. Je m’intéresse également à la Blockchain, qui permet aux personnes de réaliser entre elles des opérations garanties sans l’interaction d’un tiers de confiance. C’est évidemment une remise en question latente des institutions et de leur rôle d’intermédiaire dans bien des domaines.
« Le numérique devient une formidable opportunité
pour nos concitoyens en mobilisant l’innovation,
l’intelligence collective, la co-création »
Bref, le numérique devient une formidable opportunité pour nos concitoyens, en mobilisant l’innovation, l’intelligence collective, la co-création. Il leur permet de devenir eux même acteurs directs de leurs institutions, et partenaires dans les collectivités territoriales.
Paroles d’Actu : Un regard peut-être, lié, sur la nette poussée prévisible des anti-système en 2017 ?
Virginie Duby-Muller : Ces anti-système, extrême-droite et extrême-gauche, sont une menace réelle pour notre état de droit, et je les combattrai sans relâche. Ils profitent des faiblesses de notre société et surfent sur la peur des citoyens. Sur la forme, ils sont bien souvent excellents à ce jeu. Heureusement, sur le fond, leurs propositions sont biaisées par leur idéologie, et ne tiennent pas la route.
Le vote vers les extrêmes révèle avant tout un déficit d’adhésion, un vote par défaut, parce que notre politique actuelle est entachée par des « affaires », à gauche comme à droite. Nous devons faire preuve d’exemplarité, pour défendre le rôle des élus. Nous devons aussi nous réinventer, nous moderniser dans notre façon d’appréhender la politique. Et c’est mon engagement.
Pierre-Yves Le Borgn’ : Les anti-système surfent sur nos échecs, nos silences coupables et nos promesses inconsidérées. À ne pas dire toute la vérité, à la travestir ou à promettre sans tenir, on récolte la colère. Je crois à l’exigence de vérité, même lorsqu’elle est dure à entendre. Et face à la démagogie des anti-système, il faut se battre. Le racisme du Front national est insupportable. Tout cela doit se combattre frontalement, au nom des valeurs de la République. De même, raconter que l’on va sortir des traités européens et vivre notre vie de notre côté, c’est dire n’importe quoi, le savoir pertinemment et berner ainsi les gens à dessein. Voulez-vous d’une France autarcique, raciste, haineuse, ruinée et ridiculisée à l’échelle internationale ? Voilà ce qu’il faut dire face à tous ces oiseaux de malheur qui réapparaissent dans les périodes électorales, fuyant toute éthique de responsabilité, imbus d’eux-mêmes tant il est facile, avec le délire incantatoire pour seul fonds de commerce, de se payer de mots et de se faire applaudir.
Paroles d’Actu : Comment jugez-vous, l’un et l’autre, votre action depuis quatre ans et demi ?
Virginie Duby-Muller : En 2012, j’ai axé ma campagne autour de valeurs - travail, mérite, liberté - et me suis fixé une ligne de conduite - assiduité, transparence, disponibilité. Quatre ans et demi après, je trouve avoir tenu mes engagements, et je m’applique ces principes.
Sur la forme, j’ai toujours voulu faire preuve de disponibilité pour les citoyens, avec une permanence ouverte et accueillante, des déplacements et des permanences annuelles dans chaque commune de la circonscription, l’accueil de nombreux groupes de visiteurs à l’Assemblée nationale. Cela passe aussi par du travail de terrain, des visites d’entreprises et d’associations, des journées d’immersion (police, gendarmerie, pompiers).
Sur le fond, j’ai défendu de multiples dossiers, avec plus de 5000 interventions auprès des ministères, des collectivités, des administrations pour établir un projet de développement cohérent pour notre territoire, et relayer les préoccupations des citoyens : sur l’Education, sur le Logement, l’Emploi, le Transport, la Culture, les Relations transfrontalières, l’Agriculture, le Développement durable, le Commerce et l’Industrie…
Le tout, en m’appliquant à moi-même les valeurs de transparence et d’intelligibilité de mon travail : j’ai voulu rendre compte de mon mandat tous les jours, via mon site internet et les réseaux sociaux, et avec une newsletter hebdomadaire et d’une lettre annuelle. Je publie également chaque année ma réserve parlementaire.
N’oublions pas que le mandat n’est pas fini : mes électeurs seront les seuls juges en juin 2017 !
« En entreprise, je n’aurais jamais accepté
cette inefficacité qu’en politique
je déplore au quotidien »
Pierre-Yves Le Borgn’ : J’ai sincèrement tout donné pour les compatriotes de ma circonscription, obtenant des succès dont j’ai parlé un peu plus haut. Je pense avoir fait avancer des sujets importants, localement et à l’Assemblée (notamment sur la lutte contre les dérèglements climatiques). J’ai aussi enregistré des frustrations face à des dossiers qui n’avancent pas, parce que le politique dit oui et que les instructions ne suivent pas. Je pense notamment aux drames des conflits d’autorité parentale dans les ex-couples franco-allemands. J’en suis à 14 réunions ministérielles en tête à tête, 10 en France et 4 en Allemagne. Les échanges sont toujours intéressants, si ce n’est prometteur, mais rien ne suit après coup. Cette impuissance du politique m’insupporte car il y a derrière cela des tas de petites vies d’enfants bousillées. Je repense parfois à ma vie d’entreprise. Jamais je n’aurais toléré que des instructions ne soient pas exécutées et que l’inaction, la pusillanimité et les tergiversations soient une manière de faire. Je n’ai pas été un député spectaculaire et médiatique tant je me défie de l’agitation personnelle et de l’autopromotion. Cependant, peut-être aurais-je dû parfois mieux m’appuyer sur la presse pour dénoncer l’inaction et le manque de résultats que je déplore ici.
Paroles d’Actu : Comment voyez-vous la suite, pour vous... et « accessoirement »... pour la France ?
Pierre-Yves Le Borgn’ : Je souhaite me représenter en 2017 pour un second mandat de député. Je dois pour cela solliciter la confiance des membres de mon parti dans le cadre d’une élection primaire ouverte à d’autres candidatures éventuelles. En tout état de cause, si j’étais réélu, ce second mandat serait le dernier. Je suis partisan du non-cumul des mandats, dans le nombre et dans le temps. Le Président Sarkozy avait dit un jour quelque chose de très juste en assurant qu’il arrivait dans la vie politique un moment où l’on passe plus de temps à durer qu’à faire (sauf qu’il ne semble pas y avoir pensé pour lui-même…). Deux mandats, c’est le bon timing pour moi : s’investir, bosser, avoir des résultats et transmettre le témoin. J’ai eu une vie avant d’être député, j’entends en avoir une après, notamment pour mes enfants. Cela ne veut pas dire se désintéresser de la chose publique, cela veut dire y participer différemment. La classe politique (expression que je n’aime guère) retrouvera le crédit qui lui manque si elle sait se renouveler.
Pour la France – et ce n’est aucunement accessoire, cher Nicolas – je souhaite un débat électoral vif, profond et serein, qui consacre l’urgence de réformes pour remettre le pays sur les rails d’une croissance pourvoyeuse d’emplois. La source de tous nos malheurs, de la désespérance et du pessimisme terrible du peuple français, c’est l’absence de jobs et de perspectives. Si la croissance ne revient pas, nous ne pourrons plus financer nos stabilisateurs sociaux. Et la croissance ne se décrète pas. Ce sont les entreprises qui créent l’emploi. Il faut travailler à un cadre économique et fiscal stable, qui encourage l’investissement, la recherche et l’embauche. J’ai tendance à croire que la majorité à laquelle j’appartiens peut y parvenir. Je m’emploierai à en convaincre, dans le respect de la diversité d’opinions des Français et de leur vote final.
Virginie Duby-Muller : Je souhaite me représenter aux législatives de 2017, parce que j’ai l’impression d’avoir encore beaucoup de choses à accomplir, de nombreuses autres batailles à mener au service de mon pays. Je reste aussi particulièrement vigilante sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes qui sont encore loin d’être acquises.
Enfin, la France est actuellement soumise à ses contradictions : nous devons réformer, libérer l’État, les énergies créatrices, les initiatives individuelles, tout en garantissant la sécurité de nos concitoyens et en assumant nos valeurs. En un mot : nous avons besoin d’audace.

Photo pour Paroles d’Actu, datée du 9 novembre 2016.
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