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Paroles d'Actu
29 décembre 2017

« Crise catalane : l'heure des référendums », par Anthony Sfez

Quelques jours après les élections au Parlement de Catalogne qui ont vu la victoire des listes indépendantistes dans un contexte politiquement chargé, où en est-on, de l’autre côté des Pyrénées ? Quelles perspectives pour une sortie de crise aussi apaisée (ou, disons, aussi peu conflictuelle) que possible ? Je suis heureux, pour ce dernier article de l’année, de donner à nouveau la parole à Anthony Sfez, jeune doctorant et pensionnaire de la Casa de Velázquez qui est en train (et c’est heureux !) de devenir un spécialiste reconnu de la question catalane. Il y a un mois et demi, il avait répondu, de manière très détaillée, à toutes mes interrogations sur ce sujet ; dans cette tribune, datée du 29 décembre, il nous propose, en exclusivité, sa proposition de solution, qui vaut ce qu’elle vaut (à mon sens, pertinente en ce qu’elle replace le raisonnable au cœur du processus, le débat est ouvert et bienvenu !) mais qui, en tout cas, provient pour une fois de quelqu’un qui connaît très bien les enjeux. Merci, Anthony. Et, pour toutes et tous, je formule le vœu que ces fêtes de fin d’année vous soient réjouissantes, douces. Nicolas Roche.

 

Manifestation à Barcelone

Manifestation d’unionistes à Barcelone. Source de l’illustration : RTE.

 

« Crise catalane : l’heure

des référendums »

Par Anthony Sfez, le 5 décembre 2017.

Les indépendantistes ont remporté les élections au Parlement de Catalogne. Certes, Cuidadanos est arrivé en tête du scrutin (25%), mais les véritables gagnants, ce sont les trois listes indépendantistes qui ont remporté 70 sièges sur 135, soit la majorité absolue au Parlement, ce qui devrait leur permettre de constituer un gouvernement. Ainsi, si aucune solution politique n’est trouvée au «  problème catalan  », la confrontation institutionnelle entre la Communauté autonome catalane et l’État espagnol devrait se poursuivre et, peut-être même, s’intensifier dans les années qui viennent. Une issue politique à cette crise, qui semble insoluble, est-elle à présent envisageable ? Pour essayer de répondre à cette question, il faut revenir à la racine du conflit : la question du référendum d’autodétermination concerté.

Le conflit entre la Catalogne et l’Espagne tient, en réalité, en une phrase : depuis 2012, le Parlement catalan revendique l’organisation d’un véritable référendum d’autodétermination concerté en Catalogne, comme les Écossais l’ont eu en 2014, mais l’État espagnol s’y refuse. Depuis, entre Barcelone et Madrid, c’est une épreuve de force dans laquelle l’un pousse pour obtenir ce référendum concerté et l’autre résiste. M. Rajoy a cru que la force de l’inertie l’emporterait : il suffisait à l’État espagnol de dire «  non  » au référendum concerté suffisamment longtemps pour obtenir gain de cause. Mais les Catalans sont allés bien plus loin que M. Rajoy ne l’avait envisagé  : afin de forcer l’État à négocier l’organisation de ce référendum concerté, ils ont organisé unilatéralement leur propre référendum, puis, ils ont, symboliquement, déclaré l’indépendance de la Catalogne. Toutes ces actions avaient, en réalité, comme objectif principal, non pas d’obtenir immédiatement l’indépendance de la Catalogne, ce que les nationalistes savaient impossible, mais d’internationaliser le conflit dans l’espoir que l’État espagnol, sous la pression de l’opinion européenne, finisse par céder et organiser ce référendum «  à l’écossaise  ».

« Ce que réclament les nationalistes catalans,

ce n’est pas forcément l’indépendance,

mais le droit d’avoir un référendum. »

Ce conflit entre la Communauté autonome catalane et l’État, qui s’est cristallisé autour de la question du référendum d’autodétermination, n’est, en réalité, rien d’autre que la manifestation d’un conflit plus profond portant sur la question du titulaire de la souveraineté en Catalogne. Depuis plus d’un siècle qu’il existe, le nationalisme catalan clame que le titulaire de la souveraineté en Catalogne est le peuple catalan. Cela ne veut pas dire que les nationalistes catalans réclament l’indépendance de la Catalogne. La souveraineté n’est pas nécessairement synonyme d’indépendance. Ce que revendiquent les nationalistes catalans, c’est le droit pour les Catalans de s’autodéterminer, c’est-à-dire le droit de décider s’ils souhaitent appartenir à l’État espagnol. Au contraire, pour le gouvernement espagnol, c’est l’ensemble du peuple espagnol, Catalans compris, qui est souverain sur l’ensemble du territoire espagnol y compris en Catalogne. De sorte que si la question de la sécession d’une partie du territoire espagnol devait se poser, c’est l’ensemble des Espagnols qui devraient décider, dans le cadre d’un référendum à l’échelle de toute l’Espagne. Admettre qu’une partie du Tout puisse décider, sans que le reste de la collectivité ne soit consulté, de son appartenance à l’État, c’est nier la souveraineté du peuple espagnol.

Ainsi posé, le problème est insoluble, car il revient à opposer deux prétentions à la souveraineté : celle du «  peuple catalan  » à celle du «  peuple espagnol  ». Or, par définition, la souveraineté est une et indivisible. On peut partager des compétences, déléguer des fonctions, mais la souveraineté - qui n’est pas le pouvoir de tout faire mais d’avoir le dernier mot - est indélégable et impartageable. En d’autres termes : soit le pouvoir du dernier mot appartient au peuple espagnol, soit il appartient aux Catalans, mais il ne peut, en aucun cas, appartenir aux deux peuples. On pourrait rétorquer que le problème ne devrait même pas se poser, car la Constitution espagnole ne reconnait qu’un seul souverain : le peuple espagnol. Certes, mais une fois que l’on a dit cela, on n’a pas beaucoup avancé. Il ne s’agit pas ici de déterminer qui a raison d’un point de vue juridique, mais d’essayer de réfléchir à une issue politico-juridique acceptable pour tous.

« Il faudrait non pas un mais deux référendums :

le premier, national, porterait sur le principe

d’un vote d’autodétermination ; si approuvé,

celui-ci suivrait, dans un climat apaisé. »

Revenons donc à notre problème : comment concilier deux prétentions contradictoires d’avoir le dernier mot, deux prétentions de détenir la souveraineté ? En les faisant converger. Plus précisément, en organisant non pas un mais deux référendums. Un premier sur l’ensemble du territoire espagnol, Catalogne comprise bien évidemment, où l’on poserait la bonne question à tous les Espagnols, à savoir s’ils sont favorables non pas à l’indépendance de la Catalogne, mais à ce que soit organisé un référendum d’autodétermination concerté en Catalogne. En cas de réponse positive des Espagnols, l’organisation dans la foulée d’un tel référendum en Catalogne ne violerait en rien la souveraineté du peuple espagnol, bien au contraire, car ce serait lui, et lui seul, qui aurait souverainement pris la décision, pour mettre fin à la crise catalane, de l’organiser. M. Rajoy ne pourrait, ainsi, plus s’opposer à l’organisation de ce référendum catalan au nom de la «  souveraineté du peuple espagnol  », précisément parce que l’organisation dudit référendum résulterait d’une décision souveraine prise préalablement par le peuple espagnol. De récents sondages, qui ont été réalisés avant les élections du 21 décembre, montrent qu’une large majorité d’Espagnols est contre l’indépendance de la Catalogne (90%), mais, aussi, qu’une majorité importante est pour un référendum concerté en Catalogne (54%).

« Le pari, c’est de dire que si les Catalans

se sentent considérés par le peuple espagnol,

ils pourraient bien décider de ne pas le quitter. »

Ainsi, une fois le peuple espagnol consulté sur cette question, et en cas de réponse positive de ce dernier, on pourrait, alors, organiser un véritable référendum concerté en Catalogne. Et le plus intéressant dans toute cette opération, c’est que celui-ci se déroulerait dans un climat tout à fait nouveau : un climat de réconciliation. Un peuple espagnol qui dirait directement «  oui  » à la revendication catalane d’un référendum concerté, c’est un peuple catalan qui, se sentant reconnu par les autres Espagnols dans sa singularité, dirait probablement «  non  » à la question de savoir s’il veut quitter l’Espagne. L’image de millions d’Espagnols se rendant aux urnes pour dire «  oui  » à la Catalogne effacerait l’image des policiers chargeant la foule le 1er octobre dernier. J’ai conscience que cette solution n’est pas parfaite. Elle pose des problèmes techniques et suppose certainement une révision constitutionnelle. Par ailleurs, les Espagnols pourraient parfaitement dire «  non  » au référendum concerté. Mais, il me semble que, dans le contexte actuel, c’est la moins mauvaise issue pour évoluer vers une éventuelle résolution du conflit. La Communauté autonome de Catalogne, avec sa revendication non pas d’indépendance mais d’un référendum concerté, pose un problème politique à toute l’Espagne. Laissons les Espagnols le trancher.

 

Anthony Sfez

Anthony Sfez est doctorant en droit public à l’Université Paris II Panthéon Assas.

 

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14 décembre 2017

Eric Chemouny : « Johnny est parti, mais il n'aurait pas aimé que nous soyons tristes »

« J’ai pas toujours trouvé les motsPour bercer tes rêves d’enfantsEnsemble, on est devenu grand...De bons points en double zéroParalysés par tant d’amourOn s’apprivoise au jour le jour... »

« Je n’ai jamais su trouver les gestesQui pouvaient soigner tes blessuresGuider tes pas vers le futurÀ tous les signaux de détresseDis, comment j’aurais pu faire facePris entre le feu et la glace... »

« Au-delà de nos différencesDes coups de gueule, des coups de sangÀ force d’échanger nos silencesMaintenant qu’on est face à faceOn se ressemble sang pour sang... »

Qui ne s’est pas trouvé ému, ou au moins touché en écoutant cette chanson, Sang pour sang, issue de l’album éponyme (1999), le 42è studio de Johnny Hallyday ? C’est la confrontation d’un père et d’un fils, qui mettent à plat les non-dits accumulés sur des décennies, et se rendent compte qu’ils sont faits du même bois. Quand on n’a plus son père... ce titre prend tout son sens, et devient plus douloureux parce que cette redécouverte mutuelle ne viendra plus. Et, s’agissant de Johnny, de sa vie, de ses rapports avec son père, et aussi avec ses enfants, quand on les connaît, on sait à quel point la chanson est importante et forte de signification, dans son répertoire. À la compo, comme pour tout l’album, son fils David... Et à l’écriture, un nom, trop peu connu : Éric Chemouny.

Après la triste et marquante disparition de Johnny il y a huit jours, j’ai souhaité contacter cet auteur, l’inviter à témoigner, à évoquer l’artiste. J’ai à cette occasion découvert qu’il était très impliqué dans une belle initiative éditoriale, le webmagazine « Je suis musique », qui a consacré dans l’urgent numéro à celui qu’on appelait jadis « l’idole des jeunes ». Dont un article signé par M. Chemouny et qui revient sur l’histoire de Sang pour sang, à découvrir, en complément du présent. J’ai posé des thèmes, illustrés par des titres de chansons du « Taulier », M. Chemouny a rempli les blancs et ouvert son cœur. Merci à vous Éric, et que personne n’en doute : les grands artistes ne meurent pas. Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Q. : 12/12/17 ; R. : 13/12/17.

Éric Chemouny: « Johnny est parti, mais il

n’aurait pas aimé que nous soyons tristes »

Sang pour sang

L’album Sang pour sang (Universal, 1999). DR.

 

« Noir c’est noir » : Johnny est parti...

Johnny est parti, mais il n’aurait pas aimé que nous soyons tristes. Il n’a jamais été aussi présent ; les jeunes générations redécouvrent la carrière extraordinaire de notre rocker, entré dans la légende. Et ce n’est pas fini, il y aura sans doute d’autres émissions hommages, des biopics, des comédies musicales autour de son destin...

 

« De l’amour » : Une semaine d’hommages populaires

Au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer ! C’était très réconfortant de voir les Français se mobiliser, dans la communion autour d’un artiste que tout le monde aimait. Il a tellement donné de lui toute sa vie, et d’amour à son public, que c’était un juste retour des choses.

 

« Souvenirs, souvenirs » : Mon histoire avec Johnny

J’aimais beaucoup Johnny, comme mes parents, qui avaient pas mal de 45 tours : enfant, je me rappelle en particulier des pochettes si belles de San Francisco, et de J’ai un problème... Mais je n’imaginais pas le rencontrer un jour : il me paraissait si inaccessible... La vie a eu plus d’imagination que moi, et j’ai découvert un homme extrêmement timide, généreux, plein d’humour, et curieux des autres. Dans l’intimité, en studio notamment, il était au même niveau que les musiciens, juste soucieux de donner le meilleur de lui-même. Un immense artiste.

 

« J’ai un problème » : Sylvie, David, histoires d’amitié?

David et Sylvie sont avant tout des amis, avant d’être mes interprètes. La musique n’a fait que resserrer nos liens. On a les mêmes valeurs, si bien qu’on se comprend souvent sans se parler. Ce ne les empêche pas d’être exigeants avec moi en tant qu’auteur.

 

« Sang pour sang » : Genèse, coulisses et retombées d’un titre très intime devenu tube

J’ai raconté la genèse de Sang pour sang, dans Je suis musique, mais je suis très ému de constater aujourd’hui que cette chanson est restée comme une des préférées du public, pour le symbole universel qu’elle représente et la place particulière qu’elle a eu dans la discographie de Johnny. 18 ans après, je recois encore des messages de sympathie à ce sujet, de gens anonymes comme d’artistes reconnus. Jean-Michel Jarre et La Grande Sophie notamment, l’ont citée à sa disparition, comme leur titre préféré de Johnny. C’est très touchant.

 

Je suis musique

« Je suis musique », le numéro spécial Johnny.

 

« Je veux te graver dans ma vie » : Ce que j’ai appris et que je retiendrai de l’homme derrière le mythe Johnny

Me concernant, j’ai appris qu’il faut croire en ses rêves et que rien n’est impossible, si on travaille pour cela et qu’on se donne les moyens de les réaliser. Je crois que c’est aussi valable pour Johnny qui ne s’est jamais reposé sur ses lauriers, a toujours cherché de nouveaux talents, pour progresser et se renouveler ; le travail, toujours le travail... et cet instinct animal, cette intelligence qui le caractérisaient sont aussi à l’origine de son succès incroyable.

 

« Toute la musique que j’aime » : Johnny, mes chansons préférées...

J’aime beaucoup de chansons de Johnny bien sûr, mais j’ai une préférence pour le Johnny lyrique et mélancolique, ses grandes ballades : J’la croise tous les matins, Elle m’oublie, Le coeur en deux, Requiem pour un fou, Mirador, J’ai oublié de vivre, Derrière l’amour... La liste est trop longue... Et je suis le premier fan de son interprétation de Ceux qui parlent aux étoiles, que j’ai écrite pour lui, sur une musique de David, mais passée un peu inaperçue sur l’album « À la vie, à la mort », suite à l’écrasant triomphe (mérité) de Marie.

 

« Ça n’finira jamais » : Et maintenant, Johnny?

Je pense que l’hommage de la Madeleine n’est que le début de la mesure de son immense popularité : je suis certain que beaucoup de rues et d’écoles dans les villes de France vont porter son nom...

 

« L’envie », « Vivre pour le meilleur » : Projets, désirs et vœux

Vivre pour le meilleur, et au jour le jour est une belle philosophie... Profiter de chaque instant, en essayant de progresser dans son domaine, sans oublier de rendre aux autres un peu de ce bonheur que la vie nous apporte... C’est un peu le rôle de la musique.

 

Éric Chemouny est parolier et journaliste.

À découvrir, son webmagazine, « Je suis musique ».

 

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10 décembre 2017

Valéry Freland : « La francophilie est forte en Nouvelle-Angleterre »

Valéry Freland est depuis septembre 2015 Consul général de France à Boston, soit, le représentant des Français établis dans la région de Nouvelle-Angleterre (États-Unis), dont il doit à ce titre protéger et défendre les intérêts (et cette mission n’est pas vide de sens en ces temps de terrorisme globalisé et imprévisible). Il participe également un peu de ce qu’on appelle la « diplomatie d’influence » française, en ce qu’il est, à l’étranger, aux premières loges de causes aussi importantes pour le rayonnement national que la promotion de la langue et de la culture françaises. Il a accepté, un an et demi après mon interview de Gregor Trumel, ex-Consul général à La Nouvelle-Orléans (il est aujourd’hui rattaché à l’ambassade de France à Alger), de répondre à mes questions pour Paroles d’Actu. Je l’en remercie et salue M. Trumel, sans qui le présent article n’aurait sans doute pas vu le jour, et pour la fidélité de nos échanges. Trois objectifs, pour ces articles : 1/ connaître les Français établis à l’étranger et sonder l’état de la francophonie dans le monde ; 2/ positionner la lumière sur de hauts fonctionnaires méconnus mais dont l’action est utile à la nation ;  3/ donner au lecteur, via d’appétissants conseils touristiques, le goût du voyage, ou comme dirait notre regretté Johnny, l« envie » d’évasion. Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche.

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Q. : 03/10/17 ; R. : 04/12/17.

Valéry Freland: « La francophilie

est forte en Nouvelle-Angleterre »

Valéry Freland 13 novembre 2015

« Le 15 novembre 2015, cérémonie de recueillement à Boston après les attentats de Paris.

De g. à d. : le Gouverneur du Massachusetts Charlie Baker, la U.S. Sénatrice Elisabeth Warren,

le Consul général de France Valéry Freland, le Maire de Boston Marty Walsh, le Consul général

d’Allemagne Ralf Horlemann. Cette photo a été prise par le photographe Greg Cookland. » DR.

 

Paroles d’Actu : Valéry Freland bonjour, et merci d’avoir accepté de répondre à mes questions pour Paroles d’Actu. Vous exercez depuis plus de deux ans la charge de Consul général de France à Boston (Massachusetts) et opérez à ce titre sur le territoire des États dits de la « Nouvelle-Angleterre ». Quels furent vos premiers contacts, vos premiers échanges avec les États-Unis, et en quoi l’image que vous en aviez alors a-t-elle évolué au fil du temps ?

Nouvelle-Angleterre, premiers contacts

Valéry Freland : Bonjour et merci de vous intéresser à l’action du Consulat général de France à Boston ! Ma circonscription comprend toute la Nouvelle-Angleterre, à l’exception du Connecticut, rattaché à notre Consulat général à New-York. Je suis donc en charge à la fois de la communauté française et de notre diplomatie d’influence dans cinq États : le Massachusetts, qui, avec Boston pour capitale, est le principal État de la région sur le plan démographique et économique, le Rhode Island, le New Hampshire, le Vermont et le Maine. C’est une région qui, compte tenu de son histoire et de ses paysages notamment, a une forte identité.

Je suis en poste à Boston depuis septembre 2015, mais je suis déjà venu dans cette ville en 1987 et 1990, alors que j’étais encore étudiant, notamment pour un séjour linguistique d’un mois à Tufts University, l’une des principales universités de la région. A l’époque, j’étais tombé amoureux de l’architecture élégante de Boston et des splendides plages de Cape Cod et de l’île de Martha’s Vineyard, qui me rappellent celles de mon enfance, en Charentes. Outre le fait que Boston est souvent présentée comme la «  nouvelle Athènes  », ce qui est très attirant et stimulant, c’est également la magie de ces paysages que j’ai souhaité retrouver en postulant pour ce poste.

« La force de la réaction américaine après

les attentats de novembre 2015 en France m’a ému

et nous rappelle à quel point nous sommes liés. »

Mes premiers contacts avec les États-Unis, lors de ma prise de poste, ont été marqués par les terribles attentats de Paris de novembre 2015 : j’ai été impressionné et ému par la force de l’amitié américaine exprimée à l’égard du peuple français à cette occasion. Au-delà de nos différences culturelles, des différends qui existent parfois entre nos deux nations qui ont l’une et l’autre une prétention à l’universel – j’ai longtemps traité de cette question lorsque je travaillais sur la notion d’exception culturelle dans le domaine du cinéma – ces évènements tragiques et la réaction américaine nous ont rappelé la force des liens qui nous unissent et notre communauté de valeurs.

 

PdA : Plusieurs « clichés », quand on considère la Nouvelle-Angleterre : un des cœurs historiques de l’Amérique (Boston) ; de jolis paysages de bord d’océan ; quelques-unes des plus grandes universités du monde ; une population globalement plus « progressiste » que la moyenne nationale (en ce sens, relativement proche des Européens), plus aisée aussi (il y a entre autres l’image des Kennedy)... Dans quelle mesure ces clichés sont-ils vrais ou faux, et que manque-t-il pour une bonne première vision d’ensemble ?

clichés et réalités de terrain

« 250 entreprises françaises contribuent

au dynamisme de l’économie du Massachusetts. »

V.F. : C’est vrai, la Nouvelle-Angleterre, c’est un peu tout cela. Mais c’est aussi une autre dimension que l’on n’a pas forcément en tête en France : Boston n’est pas seulement une ville d’art et d’histoire, c’est également une cité à la pointe de la modernité. Elle dispose aujourd’hui d’un écosystème parmi les plus dynamiques au monde. Sur quelques km², vous trouvez à Boston – et Cambridge, de l’autre côté de la Charles River - parmi les meilleurs et les plus importants au monde centres de recherche, universités, incubateurs, entreprises, financeurs… Le quotidien Le Monde a ainsi titré récemment que Boston était «  la capitale mondiale de la biotech  » ! La ville accueillera d’ailleurs du 4 au 7 juin prochain le grand rendez-vous de ce secteur, le BIO International Convention, et la France compte bien y être représentée en masse  ! Boston est également un centre important de la High-Tech et une cité financière de premier rang (capital-risque, assurances…). Le Massachusetts peut ainsi se flatter d’être aujourd’hui l’État dont l’économie est la plus dynamique des États-Unis ! Et il y a ici environ 250 entreprises françaises qui contribuent à cette croissance et à la force du lien avec notre pays.

 

PdA : Quel est, à supposer que l’on puisse en établir un, le profil type du Français établi en Nouvelle-Angleterre ? Et combien sont-ils, notamment, à fréquenter ces universités d’élite (Harvard, MIT, Yale...) dont les noms rayonnent dans le monde entier ?

les Français en Nouvelle-Angleterre

V.F. : Nous avons aujourd’hui, pour les cinq États, près de 9000 Français inscrits au registre consulaire, ce qui laisse à penser que le nombre de nos compatriotes tourne autour de 20 000, une grande majorité d’entre eux étant concentrée dans la région de Boston. Nos compatriotes sont ici pour plusieurs raisons : pour y poursuivre des études (à Harvard, au MIT, mais aussi à Boston University, Brown, Tufts, Northeastern… il y a 150 universités et collèges dans la région – Yale étant dans le Connecticut), pour y enseigner, pour travailler comme expatrié dans une grande entreprise française (comme Sanofi, Ipsen, Veolia, Dassault Systèmes, Saint-Gobain, Natixis, Schneider Electric, Keolis, etc.), ou encore y développer leur startup. Cette population est en croissance : plus 4% entre 2016 et 2017.

 

PdA : Comment se porte la francophonie sur ces terres, qui n’ont jamais été françaises ? Existe-t-il, dans le Massachusetts comme ailleurs, des communautés culturelles francophones vivaces qui réussissent à percer hors de leur cercle de base ? Des livres, des films, des chanteurs et artistes français ou francophones qui ont réussi, récemment, à se faire une place chez les Yankee ? Et de quel « jeu » la diplomatie culturelle française dispose-t-elle en la matière ?

empreintes et implantations « franco »

V.F. : En réalité, peut-être parce que cette terre se nomme la «  Nouvelle-Angleterre  », on n’imagine pas à quel point la mémoire «  française  », la francophilie ou la francophonie y sont présents. D’abord, n’oublions pas que le nord de la Nouvelle-Angleterre a été découvert par des Français, qui y ont fait souche : le premier établissement européen dans le Maine a eu lieu en 1604, sur l'île Sainte-Croix, par le saintongeais Pierre Dugua de Mons, et le nord du Maine a par la suite fait partie de la possession française de l'Acadie.

« 20 à 25% des populations du Vermont, du

New Hampshire ou du Maine ont des

origines "françaises". »

Ensuite, il existe dans la région une importante communauté de «  Franco  », c’est-à-dire de Québécois ou de Canadiens francophones, qui ont émigré dans toute la région de la fin du XIXème siècle aux années 1970, pour des raisons économiques : ils sont venus travailler dans les usines de textile notamment, important leur langue (le français) et leur culture (fortement marquée par le catholicisme). Et si la maîtrise de la langue française a progressivement décliné au sein de cette communauté, son attachement à ses racines reste très vif  : on peut le constater notamment dans la région de Lewiston-Auburn, dans le Maine, où existe un très actif «  Centre culturel franco-américain  ». On estime que 20 à 25% des populations du Vermont, du New Hampshire ou du Maine ont des origines «  françaises  », comme en témoignent de nombreux patronymes. Imaginez-vous que j’ai parlé français avec le Gouverneur du Maine, d’origine «  franco  »  !

Plus récemment, ont émigrés dans la région des populations francophones venues d’Haïti (100 000 Haïtiens à Boston), du Maghreb ou d’Afrique, notamment des Grands Lacs à Portland (Maine).

Il faut enfin ajouter à cela l’intérêt croissant des familles américaines pour l’enseignement bilingue, notamment français-anglais.

Par conséquent, il n’est pas rare d’entendre parler français dans les rues ou les taxis de Boston ! La vitalité de la francophonie en Nouvelle-Angleterre est le fruit de la profonde transformation, avec les mouvements migratoires contemporains notamment, de la géographie de l’espace francophone.

La francophonie est également un enjeu politique : chaque État la célèbre officiellement un jour de mars, en présence des plus hautes autorités locales et des représentants des communautés «  francophones  » ou «  franco  ».

Dans ce contexte, l’une des priorités de ce Consulat général est de faire vivre cette francophonie. Nous nous appuyons naturellement pour cela sur le patrimoine culturel français : à cet égard, les écrivains les plus connus dans la région demeurent les grands classiques de la littérature française, de Victor Hugo à Camus en passant par Proust. On observe également, compte tenu de la présence des universités, un intérêt pour certains penseurs français de la seconde moitié du XXème siècle (comme Foucault, Derrida ou Levi-Strauss…). Mais les écrivains français régulièrement invités au Boston Book Festival suscitent aussi l’intérêt, comme cette année Christine Angot, Christophe Boltanski et Édouard Louis.

En musique, si Aznavour et Piaf restent les références incontournables, certains jeunes artistes français se produisent avec succès à Boston, comme récemment Christine and the Queens, qui chante en français et en anglais. Et on attend Carla Bruni en février prochain !

Au-delà de la culture française, la francophonie vit aussi ici à travers la diversité des cultures du monde francophone.

 

PdA : Quelles perspectives entrevoyez-vous pour la francophonie aux États-Unis de manière générale ?

la francophonie aux États-Unis

« Nous manquons de professeurs pour enseigner

le français et en français. »

V.F. : Je constate un intérêt substantiel pour l’apprentissage de la langue française en Nouvelle-Angleterre, phénomène sans doute valable pour l’ensemble des États-Unis, en dépit de la forte concurrence d’autres langues, comme l’espagnol ou le mandarin. Cela se traduit notamment par le succès des écoles françaises – nous avons un lycée à Boston et une école dans le Maine et le Rhode Island – des cours en «  after school  » proposés par les alliances françaises notamment, ou des programmes bilingues des écoles publiques américaines. Le développement de cette offre d’enseignement français ou en français butte toutefois sur le manque de professeurs, enjeu majeur sur lequel nous travaillons.

 

PdA : Quelques-uns des épisodes les plus marquants de la Révolution américaine se sont déroulés dans la région - je pense notamment au fameux « Boston Tea Party  ». On sait quel a été le rôle tenu par la France, par La Fayette notamment, dans la lutte d’émancipation des colons d’Amérique face à la métropole britannique (ce qui au passage contribua à assécher les finances royales et à déclencher la Révolution française, mais c’est une autre histoire). Est-ce qu’on regarde toujours la France d’un œil particulier, par rapport à cela ?

la France et la révolution américaine

« La Fayette est certainement la personnalité

historique française la plus connue et

vénérée en Nouvelle-Angleterre. »

V.F. : Oui, et j’avoue que je ne m’y attendais pas. La Fayette est très certainement la personnalité historique française la plus connue et la plus vénérée en Nouvelle-Angleterre, plus qu’en France d’ailleurs ! Par exemple, chaque année en mai, nous célébrons sa mémoire au pied du monument qui lui est consacré dans le Boston Common, le grand parc du centre de Boston : quel symbole !

 

Timbre La Fayette

Timbre américain en l’honneur de La Fayette. Éd. in 1952.

 

Ceci m’a donné l’idée de confier à un jeune étudiant français le soin de reconstituer «  numériquement  » le grand voyage triomphal que La Fayette a fait aux États-Unis en 1824-1825 : vous pouvez retrouver ce trajet sur le site http://www.thelafayettetrail.com. L’objectif ici est double : promouvoir la mémoire de cette figure symbolique de l’amitié franco-américaine et contribuer à l’attractivité touristique de la Nouvelle-Angleterre. Ce projet, qui a vocation à se développer dans tous les États-Unis, a reçu un accueil enthousiaste de la part des autorités locales.

 

PdA : On reste sur l’Histoire. De qui se composerait votre panthéon des personnalités que vous admirez le plus, et pourquoi ?

références historiques

V.F. : Un personnage historique se distingue nettement pour mo : le général de Gaulle. C’est d’ailleurs sans doute parce que je me faisais, et me fais toujours, une certaine «  idée de la France  », de sa culture, de ses valeurs, de son rôle sur la scène internationale, que j’ai embrassé la carrière diplomatique. J’admire l’écrivain, l’homme d’Etat et le personnage historique. Je suis fasciné par l’intelligence de situation d’un homme qui, de formation très classique, a su faire entrer la France dans la modernité. Ses mémoires demeurent d’une étonnante actualité.

« Aurais-je été aussi brave que ces hommes ? »

Et puis, de manière générale, j’admire ceux qui par leur courage ont, au quotidien, pesé sur le cours de l’histoire. Je pense notamment à ces vétérans américains de la seconde Guerre mondiale à qui j’ai remis ces derniers mois les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur. À chaque fois, je me dis : aurais-je été aussi brave qu’eux ?

 

Valéry Freland Vétérans

« Remise de la Légion d’Honneur à trois vétérans de la deuxième Guerre mondiale

à Providence, Rhode Island, à l’occasion des fêtes du 14 juillet 2017. » DR.

 

PdA : On change de sujet, sans transition... un peu violent, mais la violence est tellement inhérente à ce sujet... C’est la question du terrorisme, malheureusement omniprésente dans les esprits aujourd’hui, au Moyen-Orient bien sûr, en Europe, et aux États-Unis notamment. Boston avait, elle, été touchée, on se rappelle les bombes lors du marathon de 2013 qui avaient fait trois morts. Est-ce que vous sentez que la peur du terrorisme tient aujourd’hui une place plus importante, lorsque vous échangez avec les Français dans le cadre de vos activités auprès du consulat, ou bien en général, dans les rues de Boston ou autre ? Et est-ce qu’en tant que diplomate, vous sentez sur vous le poids d’une responsabilité particulière en ces temps troublés ?

le consulat face au terrorisme global

V.F. : Un consulat général a toujours une responsabilité particulière vis-à-vis de la communauté française : celui de veiller à sa sécurité. C’est naturellement, dans le contexte actuel, une absolue priorité. Il ne s’agit pas d’entretenir un sentiment d’inquiétude, mais de redoubler de vigilance et de nous tenir prêts. C’est ainsi que nous mettons régulièrement à jour notre plan de sécurité, qui doit nous permettre de répondre aux risques naturels, industriels ou terroristes qui peuvent frapper une région comme la Nouvelle-Angleterre. Nous y travaillons avec les différents représentants de notre communauté et en lien étroit avec les autorités américaines.

 

PdA : Petit aparté : je lis dans votre bio que vous avez débuté votre carrière au CSA, il y a une vingtaine d’années. Est-ce qu’un outil comparable de régulation existe aux États-Unis, au niveau fédéral ou peut-être des différents États et, si non, diriez-vous que ce serait souhaitable ?

la régulation de l’audiovisuel

V.F. : J’ai effectivement commencé ma carrière comme juriste au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), de 1994 à 1997, et ai fait mon mémoire de DEA sur «  la notion de régulation audiovisuelle en droit public français  ». Mais tout cela me semble un peu lointain ! Il existe aux États-Unis une instance de régulation, la Federal Communications Commission, créée en 1934 et chargée de réguler les télécommunications ainsi que certains contenus. Son champ d’intervention couvre grosso modo celui du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de l’Autorité de Régulation des Télécommunications électroniques et des Postes (ARCEP). Au-delà, les modèles français et américains restent relativement différents : pour plus d’informations, je vous renvoie au site du CSA !

 

PdA : Retour à Boston, mais on va quitter un peu votre bureau... Pour cette question, j’aimerais comme je l’avais fait avec Grégor Trumel, qui était jusqu’à cet été consul général à La Nouvelle-Orléans, vous inviter à devenir l’espace d’un instant, pour Paroles d’Actu, un « guide de luxe ». Considérons quelqu’un, un Français, qui aurait envie de découvrir les États de la Nouvelle-Angleterre et se serait assigné une semaine pour ce faire : que devrait-il absolument voir et visiter ? Quelles bonnes adresses à ne pas manquer, à Boston et ailleurs ?

voyage en Nouvelle-Angleterre

V.F. : D’abord, une semaine c’est sans-doute trop court pour visiter toute la Nouvelle-Angleterre : n’oublions pas qu’il y a près de 600 kms entre Newport (Rhode Island), au sud de ma circonscription, et l’Acadia National Park, dans le nord du Maine, à la frontière canadienne. Et je pense que, lorsqu’on voyage, il faut prendre le temps de flâner, de rencontrer les gens, «  d’humer  le pays  ».

À Boston, mes lieux favoris sont les quartiers historiques – et élégants - de Beacon Hill et de Back Bay, le Museum of Fine Arts, qui dispose d’une remarquable collection, et le Isabella Stewart Gardner Museum, palais et cloître vénitiens d’un charme absolu. La Kennedy Library et l’Institute of Contemporary Art (ICA) sont également deux magnifiques bâtiments au bord de l’eau. Je vous engage aussi à faire du vélo le long de Charles River, afin d’admirer la silhouette de Boston et de découvrir Harvard et le MIT, mais aussi de suivre la piste cyclable «  Minute man  » qui vous conduira jusqu’à Concord, charmante ville historique à 20 milles de Boston. Je suggère également une étape au nord de Boston, du côté des villes historiques et charmantes de Salem – le Peabody Essex Museum et ses collections de porcelaine et sa traditionnelle maison chinoise - Marblehead et Rockport, et le long des plages de Cape Ann.

Depuis Boston, on peut se rendre en bateau à Provincetown, principale ville de Cape Cod : vous pourrez y louer des vélos et parcourir les pistes cyclables qui traversent les pinèdes et longent de magnifiques plages. Descendez vers le sud et rejoignez en bateau, depuis Woods Hole (Massachusetts), les îles de Martha’s Vineyard et Nantucket, ou visitez Providence, siège de Brown University, et Newport, et ses splendides mansions.

 

Marthas Vineyard Lighthouse

Phare de Martha’s Vineyard, DR.

 

Visitez également les Berkshire, dans l’ouest du Massachusetts : le Clark Museum, Williams College, le MassMOCA - pour les amoureux d’art contemporain - le Rockwell Museum - pour l’art POP américain - ou encore la demeure The Mount, pour les admirateurs d’Edith Wharton.

Dans le New Hampshire, arpentez le charmant village de Woodstock (pas celui du festival, ndlr) et les White Mountains et leurs lacs aux eaux limpides. Dans le Maine, visitez Portland et sa baie, puis longez vers le nord la côte déchiquetée, parsemée de villages de pécheurs, jusqu’au Acadia National Park. Là, visitez la maison de Marguerite Yourcenar à Mount Desert. Traversez le Vermont et ses paysages de collines jusqu’à Burlington, sur les bords du Lake Champlain, et arrêtez-vous au Shelburne Museum.

 

White Mountains

Les White Moutains, DR.

 

Enfin, n’hésitez pas à visiter les différents lieux de mémoire «  Franco  » (Woonsocket (RI), Lowell (MA) ou Lewiston (ME), pour découvrir la vie de cette communauté francophone de Nouvelle-Angleterre.

 

PdA : Quand vous regardez dans le rétro, vous êtes fier du parcours accompli jusqu’à présent ?

un bilan

V.F. : Je suis plus fier de ce que j’ai fait de concret, au cours de mes différents postes, que de mon parcours en tant que tel. Fier notamment de ce qu’avec mon équipe nous avons fait en Tunisie, où j’étais Conseiller de coopération et d’Action culturelle de 2010 à 2013, au lendemain de la Révolution, pour renforcer les liens entre les sociétés civiles tunisienne et française. Ici, encore, à Boston, nous avons organisé deux symposiums, l’un sur «  diversité et intégration  », avec des étudiants de la Harvard Kennedy School, l’autre sur «  l’éducation pour l’égalité femmes-hommes  », avec Wellesley College, afin d’apporter notre modeste contribution au dialogue franco-américain sur ces questions et au combat pour l’égalité.

 

PdA : Vos envies, vos projets pour la suite ? Que peut-on vous souhaiter ?

what’s next ?

V.F. : Je suis encore à Boston pour près de deux ans  : il y a encore beaucoup de choses concrètes à faire pour renforcer les liens économiques, universitaires et scientifiques entre nos deux pays, et promouvoir la francophonie dans la région. Souhaitez à mon équipe et moi-même plein succès dans nos projets !

 

Valéry Freland Ecole

« Lors de l’inauguration d’un nouveau bâtiment du Lycée International de Boston,

avec l’ambassadeur de France à Washington Gérard Araud, quelques élèves, des membres

du Conseil d’administration de l’école et des représentants de l’entreprise française

Dassault Systèmes, en octobre 2017. » DR.

 

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7 décembre 2017

« À toi Johnny », par Frédéric Quinonero

La mort de Jean-Philippe Smet, plus connu sous le nom de Johnny Hallyday, hier dans la nuit (pourquoi a-t-il fallu que cela survienne un jour de Saint-Nicolas ?), a provoqué une onde de choc émotionnel à la mesure du personnage. Johnny, c’était presque 60 ans de carrière, 110 millions de disques vendus, un univers perpétuellement renouvelé et, surtout, une pêche, un enthousiasme, et une voix qui emportaient tout. On pouvait râler parce qu’on le voyait trop, mais franchement, que celui qui n’a jamais aimé ne serait-ce qu’une de ses chansons, que celui qui a eu la moindre occasion dans sa vie de le trouver antipathique jette la première pierre sur son cortège mortuaire. Johnny était respecté parce qu’il était un showman hors du commun, et il était aimé parce qu’il était aimable. La France de plusieurs générations ressent aujourd’hui un deuil sincère, sans doute comparable à celui que l’on ressentira, outre-Manche, au départ d’Elizabeth. Il était quelque chose comme un lien, un pont entre des gens parfois très différents. En ce sens, si Jean-Philippe vient de s’éteindre, Johnny, lui, son oeuvre, son sourire, son exemple, tout cela restera. Johnny immortel, c’est précisément le titre de la version définitive de la bio qui lui a été consacrée par Frédéric Quinonero et dont il vient, à grand peine, de boucler les chapitres finaux. J’ai eu une grosse pensée pour lui quand j’ai su pour Johnny, pour lui qui le qualifiait, lors d’une interview pour Paroles d’Actu il y a trois ans, de « grand frère qu’il n’avait jamais eu ». Frédéric a accepté d’évoquer Johnny dans un nouveau texte, nostalgique et touchant, je l’en remercie bien amicalement... Une exclu Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Johnny immortel

Johnny Immortel, de Frédéric Quinonero (l’Archipel, décembre 2017).

 

« À toi, Johnny »

Par Frédéric Quinonero, le 7 décembre 2017.

 

Quelques fragments de vie avec toi, mon Johnny...

Ton apparition dans le poste en noir et blanc, dans Que je t’aime à la fin des années 60 et un petit garçon de six ans qui tombe sous le charme.

Le même petit garçon qui veut chanter ta chanson dans un radio-crochet sur la place d’Anduze, sa ville d’enfance, et l’organisateur qui ne sait comment lui expliquer d’en choisir une autre, que celle-là n’est pas pour son âge ; plus tard, mes parents qui m’expliquent avec un peu de gêne que «  quand tu ne te sens plus chatte et que tu deviens chienne  » ou «  mon corps sur ton corps lourd comme un cheval mort  », ce genre de phrases pose problème dans ma bouche et devant mon air hébété : «  Tu comprendras plus tard  »...

L’ «  album au bandeau  » au pied du sapin le matin de Noël et le verre de liqueur sur la table, bu par le Père Noël ; et moi surpris que le Père Noël te connaisse, toi, Johnny Hallyday.

Mon premier show de toi dans les arènes de Nîmes et moi hypnotisé, comme devant une apparition miraculeuse, tandis que des jeunes filles tombées dans les pommes sont évacuées sur des brancards ; puis, dans la voiture, l’air ahuri de mes parents quand je leur dis que je veux faire «  Johnny Hallyday  » comme métier.

Puis, mon dernier show des années plus tard, au même endroit, sans savoir quil serait le dernier.

Un communiant de onze ans entonnant dans son aube blanche ton dernier tube, Prends ma vie, à la fin du repas familial et les premières phrases : «  Je n’ai jamais mis les pieds dans une église, je ne sais pas prier  », entre autres, qui choquent l’assistance, en particulier une cousine très pieuse qui ne s’en est jamais remise.

L’affiche géante de la tournée Johnny Hallyday Story – toi vêtu de jean, posant allongé sur fond rouge - longtemps punaisée au mur de ma chambre d’adolescent, place Émile-Combes à Montpellier ; puis, longtemps après, celle du Stade de France 1998 au-dessus de mon bureau dans l’appartement de Saint-Maur.

Mon copain Bruno et moi sur ma Mobylette orange partant t’applaudir aux arènes de Palavas  et t’attendre le lendemain devant ton bungalow au Reganeous ; te voir sortir, boitillant – tu étais tombé dans la fosse la veille -, avec Sylvie préoccupée par l’état de ta jambe et ne se souciant pas de son petit chien venu vagabonder vers nous et devenu prétexte idéal pour vous approcher l’un et l’autre.

Mon premier spectacle parisien de toi, au Zénith, et tous les autres qui vont suivre...

Ton entrée chez Graziano où je travaille pour payer les cours de théâtre ; tous ces gens qui s’arrêtent de dîner, les couverts levés ; puis moi tremblant comme une feuille en servant le champagne à ta table et toi le remarquant qui m’adresses un sourire à faire fondre la banquise.

Ta voix dans le téléphone – «  Bonjour c’est Johnny  » - lorsque tu appelles pour réserver et moi, qui manque de tomber du tabouret où je m’étais assis.

Ta première interprétation de Diego en 1990 à Bercy et l’émotion qui nous a cueillis, mon amie Muxou et moi.

Tes messages à distance qui mettaient du baume au coeur au petit garçon devenu ton biographe.

Des souvenirs, souvenirs en pagaille…

Et maintenant, mon Jojo, à quoi ça va ressembler la vie sans toi  ?

 

Frédéric Quinonero JH

 

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5 décembre 2017

« Au revoir et merci », Jean d'Ormesson vu par François-Henri Désérable

Parmi les impondérables inévitables de la vie, il y a la mort. Il fallait bien que celle de Jean d’Ormesson, tout immortel qu’il fût, survienne un jour. Il vient tout juste de s’éclipser, sans doute avec flegme et mots tombés à pic, lui qui n’était que Lettres et élégance. Il aimait écrire et lire, les échanges et les débats, les femmes et la bonne chère ; bref, il aimait la vie. Il était une source d’inspiration, y compris pour des gens qui ne lisent pas, ou trop peu ; ses écrits resteront et lui aussi, parce qu’on n’oublie pas un Immortel quand il est charmant.

Lorsque j’ai appris, ce matin, la triste nouvelle, j’ai immédiatement proposé à François-Henri Désérable, jeune auteur de grand talent qui lui aussi signe chez Gallimard (ce qui, reconnaissez-le, n’est pas la plus honteuse des cartes de visite pour un écrivain), de coucher sur papier quelques mots au sujet de son illustre aîné, qu’il avait rencontré. Je suis heureux, et disons-le flatté qu’il ait accepté. Bel hommage qu’il lui rend ici. Quant à moi jai aussi, en cette heure, une pensée émue pour l’ami Maxime Scherrer, parti beaucoup trop tôt et qui, lui aussi, l’aimait... Une exclu Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Jean d'O FHD

 

« Au revoir et merci »

Par François-Henri Désérable, le 5 décembre 2017.

 

La première fois que j’ai rencontré Jean d’Ormesson, c’était à Lyon, fin 2011 ou début 2012. Il nous avait parlé tout au long du dîner – d’Aragon, de Pessoa, de Bonaparte, etc. –, avec mille digressions, «  à sauts et à gambades  », mais toujours en retombant sur ses pieds, et je me souviens m’être dit : «  le voilà, le fameux esprit français  ». J’étais avec une jeune fille qui deviendrait ma femme. L’ayant vue, il avait laissé, en guise de dédicace, sur mon exemplaire d’Histoire du Juif errant : «  Vous avez bien de la chance  ».

La dernière fois que j’ai vu Jean d’Ormesson, c’était il y a un peu plus d’un mois, un vendredi après-midi d’octobre, dans le hall des éditions Gallimard. Ce jour-là, il faisait beau. Il m’avait dit : «  À votre âge, j’avais un cabriolet décapotable. Le vendredi après-midi, s’il y avait du soleil, il m’arrivait de partir cheveux au vent avec une amie, et de rouler toute la nuit. Il y a quatorze heures de route entre Paris et Rome. Nous prenions le petit-déjeuner sur la Piazza Navona.  »

J’avais rétorqué : «  J’ai un scooter, Jean. Un 50 cm3. Il roule à 50 km/h, 53 si la route est en pente. Il me faudrait quatre jours pour rallier Rome.  »

À quoi il avait répondu : «  Partez maintenant, et mardi matin, caffè ristretto sur la Piazza Navona.  »

Une petite chose, enfin : il avait le génie du titre  – des vers, souvent, qu’il empruntait à des poètes : Odeur du temps, Et toi mon cœur pourquoi bats-tu, Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit… Nous pouvons le dire aujourd’hui : c’est une chose étrange à la fin que le monde sans Jean d’Ormesson.

 

Jean d'O

 

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