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Paroles d'Actu
27 février 2013

Geoffroy Didier : "Pas d'alliance avec les boutiquiers du FN"

4 juillet 2012 : j'invite Geoffroy Didier, avocat aux barreaux de New York et de Paris, à évoquer pour Paroles d'Actu l'avenir de son parti, l'UMP, après ses défaites du printemps. À l'époque, il est un quasi-inconnu sur la scène nationale. Ça ne va pas durer. Fin juillet, il annonce, avec Guillaume Peltier, la création de La Droite Forte, un mouvement se voulant l'héritier du sarkozysme et porteur de valeurs "incarnées par l'ancien président (...) le patriotisme, la récompense du travail et du mérite, l’autorité républicaine, le soutien aux PME, la lutte contre les fraudes et l’assistanat, la souveraineté et la maîtrise de notre destin". Quelques apparitions médiatiques plus tard, il est devenu l'une des figures montantes de la droite. Il séduit sur la forme. Et va bientôt triompher sur le fond. La motion Droite Forte, appuyée par une petite fraction des députés UMP, domine le vote des militants lors du Congrès du 18 novembre. Des motions passées un peu inaperçues, ce jour-là, soit dit en passant... Dans le nouvel organigramme - transitoire - du parti, Peltier devient vice-président. Didier est secrétaire général adjoint. Fidèle à son engagement de départ, il m'a finalement fait parvenir ses réponses. Du fond... Je l'en remercie. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

GEOFFROY DIDIER

Secrétaire général adjoint de l'UMP

Cofondateur de La Droite Forte

 

"Pas d'alliance avec les boutiquiers du FN"

 

Geoffroy Didier

(Photo fournie par Geoffroy Didier)

 

 

Q : 07/07/12

R : 26/02/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Pourriez-vous vous présenter en quelques phrases ? Qu'est-il utile, intéressant de savoir vous concernant ? (ce que vous faites, aimez, vos références dans la vie, ce qui vous a conduit à vous engager...) ?

 

Geoffroy Didier : D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu servir mon pays. L’action publique m'a toujours attiré, motivé, mobilisé. À l'âge de dix ans, j'organisais des meetings politiques dans ma chambre d’enfant où je conviais ma famille, mi-amusée, mi-inquiète. À douze ans, je créais ma propre revue politique - un seul exemplaire écrit à la main - où j'analysais par exemple la réélection de Francois Mitterrand. Je ne suis pas un héritier. J’ai la culture du travail et le goût de l’effort. Je n'ai pas de parent ministre ni de grand-parent sénateur de la IVème République. J'ai tout simplement trouvé la force et l'envie en moi. Il y a quelque chose de naturel donc d'inexplicable dans mon engagement.

 

 

PdA : Quel bilan faites-vous de la présidence de Nicolas Sarkozy ?

 

G.D. : Nicolas Sarkozy m'a toujours impressionné par sa capacité à bouger les lignes et bousculer les codes. D’abord par les mots, un parler vrai, un langage simple, proche du vécu de chacun, du quotidien de tous. Par les actes surtout, qu'il s'agisse de la réforme des retraites, du service minimum, du RSA, de la création d'une politique de maîtrise des flux migratoires, de l'interdiction du port de la burqa dans l'espace public...

 

Sur la scène internationale, Nicolas Sarkozy a agi en homme d’État. Il a rendu la France plus forte en Europe grâce à la présidence française de l'Union européenne, et plus forte dans le monde en agissant pour la paix en Géorgie, pour la démocratie en Côte d'Ivoire, pour la liberté en Libye. Sa capacité d’entraînement comme sa force de conviction ont marqué les esprits partout dans le monde. Qui peut croire sérieusement qu'il en est de même avec Francois Hollande ? C'est l'autorité de la France que l’on mesure à travers le visage de son président.

 

 

PdA : Comment avez-vous vécu sa défaite du 6 mai, et comment l'expliquez-vous ? Quelles leçons tirez-vous de ces échecs électoraux de 2012 ?

 

G.D. : Comme un succès est toujours une alchimie, une défaite est, de la même manière, nécessairement issue de plusieurs facteurs. Encore plus que la crise économique mondiale qui est venue frapper le quinquennat de Nicolas Sarkozy, je crois surtout que c'est le désir d'alternance qui a animé les Français. Cela faisait vingt-cinq ans qu'un socialiste n'avait pas été élu président de la République ! Mais ce qui m’a le plus impressionné durant cette campagne, c’est la capacité spectaculaire qu’a démontré Nicolas Sarkozy à remonter la pente malgré les forts vents contraires. Un an avant l'élection, on nous expliquait qu'il n'y avait plus un sarkozyste en France. Le 6 mai, ils étaient dix-sept millions…

 

 

PdA : Avec le recul, avez-vous des regrets par rapport à cette campagne ? Certaines choses auraient-elles dû être faites différemment ? Avez-vous toujours été totalement à l'aise avec la campagne menée ?

 

G.D. : Une campagne qui n’a pas remporté son objectif est nécessairement perfectible. Mais malgré un statut qui aurait pu l’éloigner du peuple, Nicolas Sarkozy a tenu à faire de ce dernier son unique boussole. Le rythme comme les modalités peuvent être débattus, la volonté était la bonne.

 

 

PdA : Quel regard portez-vous sur les débuts du président Hollande, de l'assemblée rose et du gouvernement Ayrault ? J'imagine que votre réponse ne sera pas totalement favorable, mais y'a-t-il au moins des points sur lesquels vous considérez qu'"à la limite", de bonnes choses sont réalisées ou en passe de l'être ?

 

G.D. : Avec d’autres, je veux porter une opposition ferme, mais pas fermée. Lorsque la majorité socialiste agit dans le bon sens, je n’hésite pas à le souligner. Je préfèrerai toujours la réussite de mon pays au succès de mon parti. Mais les réussites du gouvernement Ayrault sont malheureusement exceptionnelles : la loi sur le harcèlement sexuel allait, elle, dans le bon sens.

 

 

PdA : Quelle doit être, de votre point de vue, la "ligne politique" de l'UMP des cinq années à venir ?

 

G.D. : À droite, nous avons trop tergiversé sur nos valeurs. Plus besoin de tenir des colloques sur ce que nous sommes ! La situation est, en réalité, claire : si la droite est forte, c’est-à-dire fière de ses valeurs républicaines de patriotisme, de méritocratie, d’autorité et de respect de la loi, le Front national ne sera plus un problème. Si la droite est molle, alors nous offrirons un boulevard au FN. Je n’oublie pas que le PS est le meilleur allié stratégique du Front national et qu’en appelant à voter blanc au second tour de l’élection présidentielle de 2012, Marine Le Pen est devenue la directrice de campagne de François Hollande, avec pour adjoint François Bayrou !

 

 

PdA : Jusqu'où, et sur la base de quels piliers programmatiques la majorité bleue de demain aura-t-elle vocation à s'étendre ? Quid d'un hypothétique rapprochement avec le Front national ?

 

G.D. : Il n’est pas question d’alliance locale ou nationale avec les boutiquiers du Front national, le sujet n’est pas là. La mission d’un responsable public de droite est, en revanche, de ramener dans le champ républicain celles et ceux qui, par exaspération, s’en sont éloignés en votant Front national. Pour beaucoup d’entre eux, voter Marine Le Pen, c’est envoyer une bouteille à la mer. À nous de répondre à leurs préoccupations, leurs inquiétudes, leurs angoisses. N’est-ce pas cela le rôle d’un responsable public, écouter puis agir ? Je ne me lasserai pas de convaincre nos concitoyens qu’il existe bien une fracture entre le FN et nous qui se résume ainsi : l’UMP cherche des solutions, le FN se nourrit des problèmes. Le FN n’est qu’une boutique familiale qui a nos souffrances pour fonds de commerce.

 

 

PdA : Existe-t-il des sujets, de société notamment, sur lesquels vous souhaiteriez, à titre personnel, voir notre pays "bouger" peut-être un peu plus vite que ne le désirerait votre parti, qui reste essentiellement "conservateur" ? Des thèmes qui pour x ou y raison vous tiendraient à cœur alors qu'ils ne seraient pas prioritaires pour votre parti, voire pas opportuns du tout ?

 

G.D. : Ayant été visiteur de prison durant plusieurs années, je sais sans doute plus que d’autres à quel point l’état des prisons françaises est préoccupant. Mais je n’en tire pas d’enseignements angéliques ou laxistes car, pour moi, le droit des victimes doit rester supérieur à celui des détenus. Pour protéger davantage les honnêtes gens des crimes et délits, il faut des prisons dignes donc efficaces et pour qu’elles soient dignes, il faut qu’elles soient plus nombreuses. On a beau faire le tour de la question : nous avons besoin de multiplier le nombre de places de prison pour éviter que l’encellulement soit criminogène.

 

 

PdA : Un petit bond dans le futur... 2017 est en vue. Souhaitez-vous que des primaires ouvertes soient organisées par l'UMP et ses alliés ? Qui serait, dans l'idéal, VOTRE candidat(e) ? Croyez-vous en l'hypothèse d'un retour de Nicolas Sarkozy ? Le souhaitez-vous ?

 

G.D. : C’est tout le sens de l’action que nous menons, avec Guillaume Peltier, au sein de la Droite forte, qui est devenue le premier mouvement de l’UMP : mettre en œuvre aujourd’hui une opposition offensive pour préparer dès maintenant le match retour de 2017. Je respecte la volonté de silence de Nicolas Sarkozy. Chacun sent bien que s’il devait y avoir retour, c’est parce qu’il serait un recours.

 

 

 

Merci encore, Geoffroy Didier, pour vos réponses. Pour la fidélité témoignée envers vos engagements... Phil Defer

 

 

 

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27 février 2013

Thomas Misrachi : "BFMTV doit devenir incontournable"

Lors de l'interview qu'il m'avait accordée il y a quelques mois, Laurent Bazin me faisait part de cette réflexion à propos de l'information en continu : "C'est (...) une forme de zapping en continu... C'est la règle du genre. Je l'ai pratiquée.". Ce sentiment n'est pas nouveau. Sur les chaînes égrenant les titres de l'actu 24/24, une info chasserait l'autre, chacune étant traitée dans le feu de l'action, sans approfondissements ni véritables prises de recul... L'image est excessivement caricaturale, elle ne correspond évidemment pas à celle qu'avait à l'esprit le patron de la matinale de RTL. BFMTV, i>Télé, LCI ne manquent pas d'excellents journalistes et reporters, couvrant l'instantané et ses conséquences à moyen ou long terme. Sur chacune de ces antennes sont diffusés au quotidien des éditos, des débats de haute tenue. Il n'empêche, le cliché est tenace... Depuis l'automne dernier, BFMTV propose "7 jours BFM", un magazine d'information et d'investigations. Un regard différent, posé, sur l'actu de la semaine. À sa tête, un journaliste de talent, un parcours à suivre, sans le moindre doute... Thomas Misrachi a accepté de répondre à mes questions. Je l'en remercie. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

THOMAS MISRACHI

Rédacteur et animateur de "7 jours BFM", sur BFMTV

 

"BFMTV doit devenir incontournable"

 

Thomas Misrachi

(Photo fournie par Thomas Misrachi)

 

 

Q : 17/02/13

R : 25/02/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Thomas Misrachi. Vous êtes diplômé de Sciences Po Aix et de la London School of Economics. À cette époque, au milieu des années 90, vous vouliez déjà devenir journaliste ?

 

Thomas Misrachi : Non, pas nécessairement, même si j'étais intéressé par la presse et les médias, je ne me destinais pas forcément au journalisme. C'est arrivé un peu après. Un peu par hasard... Et il fait souvent bien les choses.

 

 

PdA : Vos débuts, vous les avez effectués dans des cadres assez originaux pour un journaliste français. Qu'avez-vous appris de vos expériences auprès de médias anglo-saxons tels que la BBC ou Bloomberg TV ?

 

T.M. : La rigueur et le travail. Dans notre métier, comme dans beaucoup d'autres, ces deux éléments sont indispensables. Chaque mot compte. Sortir ou bien comprendre une information prend du temps. De la persévérance. Et une très grande prudence.

 

 

PdA : En 2005, vous êtes de l'équipe qui lance BFMTV. Comment la rencontre s'est-elle établie ? Vous y croyez réellement, au départ ?

 

T.M. : Je travaillais à New York pour Bloomberg, à l'époque. Je faisais aussi les points bourses en direct du NYSE (New York Stock Exchange, la Bourse de New York, ndlr) pour BFM radio. J'ai eu l'occasion de rencontrer Alain Weill (le président du groupe NextradioTV) et Guillaume Dubois (directeur de BFMTV et à l'époque journaliste/présentateur sur BFM radio). Nous avions de bons rapports. Lorsqu'ils m'ont parlé du projet, j'ai été enthousiasmé. Malgré la présence de LCI et de i>Télé sur le PAF, il y avait, à mon sens, de la place pour un nouvel acteur, une chaîne info différente, un concept à l'anglo-saxonne en France. Je n'ai pas hésité bien longtemps. Et oui, j'y ai cru. Et j'y crois encore !

 

 

PdA : Quels sont les événements d'actualité qui vous ont marqué, que vous ayez été en leur temps journaliste ou simple téléspectateur ?

 

T.M. : J'étais à New York et sous les tours du World Trade Center le 11 septembre 2001. C'est quelque chose que je n'oublierai évidemment jamais.

 

Avant de devenir journaliste, de nombreux événements m'ont marqué. Parmi mes premiers souvenirs : l'élection de François Mitterrand, l'explosion de Challenger en 1986, la chute du mur de Berlin ou le "procès" du couple Ceausescu. Depuis, difficile de faire un choix. Je crois que récemment, les affaires DSK ou Merah ont marqué les esprits. La mort de Ben Laden et le printemps arabe sont aussi extrêmement importants à mon sens.

 

 

PdA : Quels ont été jusqu'ici, à vos yeux, les moments forts, émouvants de votre parcours ?

 

T.M. : Il y en a eu beaucoup, beaucoup trop pour en faire une simple liste, mais c'est précisément ce qui est formidable dans ce métier.

 

 

PdA : Quelles personnalités rêveriez-vous d'interviewer ? Quelles questions leur poseriez-vous ?

 

T.M. : La liste serait très, très longue ! Tous les gens qui, par leur démarche, leurs idées, leurs actes, réussissent à changer le monde, ou leur monde en tout cas. Tous les autres aussi, ceux, qui parfois, font des choses tellement terribles, tellement insensées que l'on peut se demander pourquoi. Les questions se feraient en fonction des personnes interrogées... En ce moment, je serai très curieux de savoir ce que pensent DSK ou Nicolas Sarkozy ! Je rêverais aussi d'aller interroger les preneurs d'otages du Cameroun. Mais cette réponse ne vaut que pour l'actualité de ces dernières heures !

 

 

PdA : Vous êtes à la tête de l'émission "7 jours BFM" depuis le mois d'octobre. C'est important de se poser, de s'offrir ce recul dans un monde où l'info en continu est reine ?

 

T.M. : 7 jours BFM est une autre façon de faire de l'info en continu. Ce qui est important à mon sens, c'est d'évoluer, de continuer a avancer dans une carrière, de ne jamais s'endormir. Depuis que je suis à BFMTV, j'ai présenté la matinale, le 12-15, le 15-18 puis, brièvement, le soir. J'ai fait du reportage et des opérations spéciales pendant près de 2 ans. Depuis octobre, 7 jours est une nouvelle aventure. J'y prends beaucoup de plaisir. J'y apprends aussi beaucoup. Mais il y a encore énormément à faire pour que cette émission soit un rendez-vous incontournable de l'actualité. Et nous y travaillons !

 

 

PdA : Accepteriez-vous de nous parler de l'élaboration de cette émission ? (votre rôle, le calendrier, ce qui motive le choix des sujets...)

 

T.M. : Nous travaillons le plus en amont possible, mais notre plus grande préoccupation, c'est de coller à l'actu de la semaine. Mon rôle est, principalement, un rôle de présentateur. J'écris et j'anime l'émission. Je propose aussi des thématiques de sujets sur certaines éditions. Pour le reste, il y a deux rédacteurs en chef, deux petites équipes dédiées aux 26 minutes. Pour les autres sujets, nous travaillons avec la rédaction de BFMTV.

 

 

PdA : BFMTV est née en 2005, nous le rappelions tout à l'heure. Quel regard portez-vous sur les huit premières années de la chaîne ?

 

T.M. : BFMTV est un très beau succès. C'est la preuve qu'en France, avec du travail, du sérieux et un peu d'audace, on peut encore créer, faire et réussir. Depuis 2/3 ans, nous sommes entrés dans une nouvelle phase de développement. Nous devons devenir LA référence incontournable de l'info télé en France. Nous débordons d'idées et de projets, et j'espère que les 8 prochaines années seront aussi riches que les (bientôt) 8 dernières.

 

 

PdA : La télé, vous la regardez ?

 

T.M. : La télé, je la regarde peu... Je regarde BFMTV et i>Télé. Les journaux de 20h des grandes chaînes en alternance et quelque émissions politiques comme C dans l'Air ou Dimanche plus, quand je le peux... Mais j'ai peu de temps à y consacrer...

 

 

PdA : Vous avez couvert les marchés actions U.S. à New York pour Bloomberg TV entre 2001 et 2005. Vous avez également produit et réalisé "Jim Maguire, A Life on Wall Street", un documentaire relatant la vie d'un trader du NYSE avec, en toile de fond, un demi-siècle d'histoire de la finance américaine. Comment avez-vous vécu, analysé les déflagrations qui ont ébranlé l'économie mondiale à partir de la fin 2008 ? En avez-vous été surpris ?

 

T.M. : Je n'ai pas été très surpris par la crise de 2007. De très nombreux spécialistes avaient mis en garde. Y compris ceux qui ont contribué à l'emballement général de la machine. Une partie du monde financier a perdu le sens des réalités. Malheureusement, cette partie-là a emporté avec elle un bon morceau de l'édifice. 

 

 

PdA : N'avez-vous pas tendance à penser, à propos de l'économie, qu'elle n'est pas assez enseignée en France, donc mal comprise par le public français ? Les médias pallient-ils efficacement ces insuffisances, à votre sens ?

 

T.M. : La formation et l'information (économique) existent. Et en France, elles sont de plutôt bonne qualité. Il suffit de s'en saisir. Faut-il en faire plus ? Peut-être... En revanche, je ne sais pas si c'est aux médias de "pallier" les lacunes éventuelles de l'enseignement en sciences économiques !

 

 

PdA : Êtes-vous optimiste quant au retour prochain d'une croissance solide et durable pour la France ? Les ingrédients sont-ils réunis pour ce faire ?

 

T.M. : Franchement, je n'en sais pas beaucoup plus que ce que peuvent dire la Commission européenne, le FMI, l'OCDE ou Bercy. J'espère que le plus difficile est passé. Visiblement, 2013 ne sera pas une bonne année. 2014 devrait être un peu meilleure. La situation est très compliquée. Il faut réduire les postes de dépenses (déficits, notamment... donc réduire le poids de la dette) sans pour autant peser sur la croissance. C'est un équilibre délicat, mais pas impossible. D'autres pays l'ont fait. Il faut avoir du courage politique. J'espère que nos dirigeants, présents et futurs, en feront preuve. Il faut aussi rester optimistes. Et ne pas penser que ce que l'on peut vivre est inéluctable. Il faut croire que les choses peuvent changer, s'améliorer, c'est un premier pas essentiel !

 

 

PdA : Vous coanimiez il y a quelques années une émission nommée "Aujourd'hui le monde", sur BFM TV. Quel jugement portez-vous sur celui dans lequel nous évoluons ?

 

T.M. : Aujourd'hui, le monde est passionnant. Les progrès techniques sont incroyables. L'humanité a tout pour réussir... Il ne reste plus qu'à se mettre d'accord... Visiblement, c'est ce qui pose problème à notre espèce. Il faut donc que chacun fasse sa part. Et espérer que les autres fassent de même !

 

 

PdA : Qu'est-ce qui, sorti de votre travail, vous détend, vous permet de décompresser ? D'ailleurs, réussissez-vous réellement à vous "déconnecter" ?

 

T.M. : Je sors avec des amis, vais au musée, au cinéma... Je profite de ma famille quand je peux... Bref, une vie normale... Même si j'ai un peu de mal à trop "décrocher", au bout de quelque jours, j'y arrive... C'est important de se laisser quelques plages de respiration...

 

 

PdA : Quels sont vos projets, vos rêves pour la suite ?

 

T.M. : Je travaille sur plusieurs projets d'émissions : qu'ils se réalisent !

 

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter ?

 

T.M. : De belles rencontres... et de beaux voyages !

 

 

PdA : Aimeriez-vous adresser un message à nos lecteurs ?

 

T.M. : Quoi que vous fassiez, soyez passionnés ! 

 

 

PdA : Un mot pour conclure ? Merci infiniment !

 

T.M. : Longue vie à "Paroles d'actu" !

 

 

 

Merci à vous, cher Thomas Misrachi. À mon tour d'émettre un double souhait : que votre parcours connaisse l'évolution que vous méritez ; que vos désirs se réalisent... Phil Defer

 

 

 

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25 février 2013

Alain Duverne : "Les Guignols devraient aller plus loin"

   Pour introduire ce nouvel entretien, je vais - une fois n'est pas coutume - laisser parler mon invité. Voici comment Monsieur Alain Duverne, concepteur en chef des Guignols depuis l'origine, avait répondu à ma sollicitation, à la fin du mois de janvier. Des mots que je ne pouvais pas ne pas inclure dans le présent document...

   « J'entends des gens remercier l'école républicaine, ils disent qu'il lui doivent tout. Moi, elle a mis mon enfance dans la grisaille, mais je dois beaucoup à des gars comme Alain de Greef. Il aurait dû rester avec ses nombreux enfants, que nous avons élevés ensemble. Lui était le papa des Guignols, moi la maman. Ce n'était pas le mariage pour tous mais le mariage de l'intelligence et du fin bricolage. On marie aussi le cuivre et le zinc pour faire du bronze et je marie la sculpture d'un Guignol, avec l'écoute de livres audio, pour rendre le travail manuel aussi très intelligent. Il n'y a pas besoin d'utiliser le mot "mariage" venu des religieux au 11ème siècle pour un contrat civil d'union avec deux mêmes entités. Les responsables politiques qui tiennent à tordre ainsi le mot "mariage" touchent le fond de la démagogie chafouine... à moins que cela ne présage l'une des plus grandes conquêtes de l'histoire... ».

   Le décor est posé, place à l'Artiste ; un artiste engagé, un artiste passionné et passionnant... Après celle du papa, j'ai l'honneur et la joie de vous présenter mon interview de la maman des Guignols. Une bien belle famille... Et pour moi, un rêve de gosse... Merci infiniment, cher Alain Duverne, pour ce beau cadeau. Bonne lecture ! Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer. EXCLU

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

ALAIN DUVERNE

 

« Les Guignols devraient

aller plus loin »

 

Alain Duverne 1

(Photos fournies par Alain Duverne)

 

Q. : 17/02/13 ; R. : 22-25/02/13

 

Paroles d'Actu : Bonjour Alain Duverne. Comment allez-vous ?

 

Alain Duverne : Je vais à pieds, en vélo, en taxi, en métro, en bus... selon les lieux, selon les heures, selon les manifs, selon la pluie ou le beau temps. Je suis souple, je m'adapte.

 

PdA : C'était quoi votre vie, avant de construire des marionnettes, avant le Bébête Show ?

 

A.D. : Tu es une « petite nature », disait avec tendresse mon père, quand j’étais réfugié dans le giron de ma mère, pour conjurer mes chagrins scolaires. Tant qu’il y avait de l’encre dans le stylo des autorités éducatives, ces deux mots s’inscrivaient à répétition d’une année sur l’autre à travers les trimestres : « agité et bavard », « agité et bavard »... Petite nature, agité et bavard.

 

Après un service militaire marqué par la découverte d’un large échantillon de mes contemporains, j’ai passé quelques années en laboratoire de fiabilité de composants électroniques chez Ericsson pour travailler à l’obsolescence programmée. J’ai vite quitté ce bateau naufragé d’avance. J’ai commencé alors à vivre dans le maquis de l’existence pour apprendre à faire “ mon devoir d’être heureux ! ”.

 

Je découvre l’incroyable pouvoir d’expression des marionnettes de Philippe Genty. J’ai vu là les instruments qui me tombaient du ciel pour “ dire ”. Dire des réalités… Des vérités, celles qui sortent de la bouche des enfants ! Avec ces instruments, je peux m’amuser à mettre en lumière les surplus de tartuferies, construire des passerelles, échafauder des thèses… Mon luxe est caché là : par l’activité manuelle dans les fabrications, intellectuelle dans l’écriture, physique et expressive dans la mise en scène et manipulation.

 

La suite, en quelques mots : plus de 200 représentations des “ Œufs de Hasard ”, spectacle théâtral visuel et musical (qu'il a créé, ndlr). Sociétaire de la S.A.C.D. Nombreuses créations de marionnettes et écriture pour les programmes jeunesse de TF1 et Antenne 2. Puis le célèbre Bébête Show...

  

PdA : Le Bébête Show, c'est un concept très novateur pour l'époque... Une belle aventure ?

 

A.D. : C'était une première mondiale. Les chansonniers, humoristes... disparaissaient derrière les politiciens sculptés en mousse de polyuréthane. Depuis, une vingtaine de pays ont suivi cette comédie manipulable populaire. Je n'avais jamais fait que des marionnettes pour les enfants. Avec les playmates aux seins nus, j'étais servi, dans le programme de Stéphane Collaro ! À la télé, on acquiert la célébrité et on gagne de l'argent. J'ai pu me payer un atelier. L'estime, on la gagne au théâtre.

 

PdA : Dans les années 80, Français et Anglais rivalisent de bonnes idées en matière d'humour satirique. Le Bébête leur inspire Spitting Image. Le concept va intéresser un certain Alain de Greef... Les Guignols sont sur le point de naître, ou presque... Au départ, ça s'appelle Les Arènes de l'info...

 

A.D. : C'est le départ des Nuls qui amène Alain de Greef à tenter l'aventure des Guignols, inspirée de Spitting Image. En janvier 1988, j'ai fait les 10 premières marios, pour tourner un pilote. J'avais déjà mon équipe de manipulateurs, seulement, les auteurs entraînés au style humour anglais manquaient dans l'équipe. Les Arènes de l'info ont donc été écrites par les auteurs qui écrivaient pour les Nuls. Mais une marionnette ne sait pas jouer la finesse que pouvait faire passer la bande à Alain Chabat. L'écriture s'est améliorée par la suite pour culminer en 95 pendant les présidentielles.

 

PdA : Vous m'avez dit, évoquant les Guignols et Alain de Greef, « Lui était le papa, (...) moi la maman ». La suite, chacun la connaît : un couple heureux avec de beaux, de nombreux enfants. Des précurseurs ! Mais avant toute histoire d'amour, il y a une rencontre... Vous nous la racontez ?

 

A.D. : Ayant approché les arrogants énarques - ou équivalents - qui dirigeaient TF1 ou Antenne 2, mes premières rencontres avec Alain dans la tour Olivier-de-Serres, où l'équipe de Canal + oeuvrait à l'étroit, j'avais du mal à les prendre au sérieux. Ils ressemblaient à mes potes. Quant Alain de Greef m'apprit qu'il voulait faire Spitting Image, que je connaissais pour être allé les voir lors d'enregistrements, j'ai tout de suite dit, « Vous savez qu'un programme comme cela coûte au moins 80 000 francs la minute ? ». Il m'a répondu « oui ».

 

Sachant que la grosse chaîne française TF1 mégotait pour le Bébête Show, qui devait coûter dix fois moins, j'ai d'abord pensé qu'Alain s'était trompé d'un zéro ! Pas du tout, passé la porte de Canal, je changeais de pays. Pour la première fois, un dirigeant prenait la marionnette au sérieux. À l'époque, les émissions de variétés anglaises avaient quinze ans d'avance sur les françaises.

 

Nos enfants de caoutchouc ? Tous des fanfarons qui s'agitent dans la lumière et qui nous disent ce qu'on veut entendre. Si ce sont des présentateurs, des artistes ou des journalistes, pourquoi pas... mais les politiques sont pareils.

 

PdA : PPD, évidemment... Chirac... Johnny... Trois marionnettes, parmi les plus emblématiques. Leur design est-il venu naturellement ?

 

A.D. : En démocratie, nous sommes à peu près égaux devant la loi, mais en caricature nous ne le sommes pas du tout. Ces trois-là sont évidemment de bons clients, les présidents ou les premiers ministres de droite le sont aussi. Thatcher, Aznar en Espagne, Chirac, Sarkozy... leur dessin, je dirais que ça s'écrit comme ça se prononce. Ils ont des gueules qui marquent, une voix aussi. Il suffit de recopier en en retranchant là on il y en a le moins et en en rajoutant là où il y en a plus.

 

Plus ou moins, c'est pas rapport à un visage moyen, où toutes les parties sont moyennes. Si le front d'un sujet est large, il sera modelé encore plus large. Si les lèvres sont minces, elles seront encore plus minces. Si le menton est petit, il sera encore plus petit. Cela pour toutes les parties du visage. Le moindre détail qui sort de la moyenne, il faut lui faire un sort.

 

PdA : Sans faire de mauvais esprit... vous vous êtes arraché les cheveux, pour certaines réalisations ?

 

A.D. : J'ai perdu mes cheveux pendant les six ans d'un procès, au début des Guignols, suite aux manigances d'un producteur un peu trop audacieux... Et je me suis arraché ceux qui restaient avec Ségolène Royal, avec Strauss-Kahn, récemment avec Montebourg. Difficile de dire pourquoi, les stars de la caricature ont aussi des difficultés avec des têtes qui résistent et ne laissent pas montrer le bout par lequel il faut les prendre.

 

PdA : Je sais qu'on ne demande pas à une maman d'émettre ouvertement des préférences lorsque l'on parle de ses enfants... Quelles sont, malgré cela, les marionnettes pour lesquelles vous avez une tendresse particulière, et pourquoi ?

 

A.D. : Rien de très différent, comparé avec les stars reconnues par tous. Les auteurs ont su trouver des jeux fabuleux pour Jean-Paul II, une faconde craquante pour de Villiers, des dialogues dignes de Marcel Pagnol pour Papin et Cantona...

 

PdA : Pauvre Stallone... Il incarne, bien malgré lui, tout ce que l'Amérique, le business, la religion comptent d'excès, de cynisme éhontés. Vous n'avez pas honte ? ;-) Vous saviez à quelle sauce il allait être mangé avant de créer son Guignol ?

 

A.D. : Personne ne le savait, sauf que chacun tombe du côté de son penchant. C'est-à-dire que les auteurs ont la finesse de trouver le juste penchant de nos créatures.

 

PdA : Est-ce qu'il vous est déjà arrivé, d'ailleurs, de livrer telle ou telle marionnette avec à l'esprit, au-delà du physique, un trait de caractère, une personnalité ? "Je le vois bien comme ça, d'ailleurs j'ai accentué ce trait du visage pour souligner cet aspect du personnage". Vous êtes écouté par l'équipe, s'agissant de la vie post-création du Guignol ?

 

A.D. : Les auteurs n'ont pas souvent trop d'a priori, le personnage s'épure avec la voix, de sketch en sketch.

 

PdA : Combien de marionnettes avez-vous créées, à ce jour ?

 

A.D. : Je ne sais pas exactement... Entre 5 et 700. Il n'y a pas que les Guignols.

 

PdA : De quoi remplir un Musée des Guignols... Je vous garantis que ça marcherait ! Fantasme - assumé - de ma part... Réalisable, à votre avis ?

 

A.D. : Il ne s’agit ni d’une sculpture, ni d’une œuvre d’art mais d’un “ instrument de comédie ”. La musique a aussi les siens. Voir ces marionnettes immobiles, ça les tue un peu. 4 ou 5 footballeurs sont visibles au Musée des Sports.

 

PdA : Revenons à leur conception. Combien êtes-vous à créer les Guignols ? Vous nous parlez de votre équipe ?

 

A.D. : Franck Demory, au cheveu dru argenté, est devenu spécialiste des mécanismes. Il doit y avoir une trentaine de petites pièces par mécanisme des yeux - gauche, droite, et paupières. Avec ses deux bras, il fait comme s'il en avait quatre pour ajuster les iris, au dixième de millimètre près. Il est le maître de tous les accessoires et effets spéciaux qui rendent magiques les sketchs.

 

Bénédicte Fay, fine madone discrète au regard doux et mélancolique, fait les moules en résine stratifiée et les tirages en mousse de latex. C'est une cuisine délicate à mettre en oeuvre et à digérer.

 

L'énergique Alex Leseur chante et rit avec gourmandise. Elle peint à l'aérographe le maquillage avec du latex teinté. Elle a les nerfs solides, parce qu'il ne faut pas s'énerver, avec cette émanation gluante élastique, et néanmoins naturelle.

 

Annaïc Penon, taille mince comme un modèle haute couture et hauts talons, taille dans les perruques pour les ajuster sur des têtes patatoïdales et taille les bustes dans la mousse de polyuréthane.

 

L'air qui entoure la grande Sophie Coeffic n'a pas la même densité qu'ailleurs, sans qu'elle perde sa belle énergie, tous ses mouvements ondulent. Elle ne rate pas une occasion pour nous éclairer de son rire mais, a contrario, elle n'en rate pas une, cinglante, pour terroriser la bêtise et l'orgueil mal placé. Sophie est la première personne qui, arrivant ici, connaissait déjà 80% des secrets pour créer une marionnette. C'est normal, elle ondule aussi en rythmes dans l'atelier de mon maître Philippe Genty.

 

Laetitia Calzetta passe de Photoshop à l'imprimerie ; elle s'occupe de toutes les affiches, couvertures de presse, jaquettes de DVD guignolisés. Elle fabrique aussi tous les insolites accessoires. Elle est la dernière arrivée. Elle habite avec d'autres artistes et artisans, dans une usine en grande banlieue. Les trajets sont longs, elle organise méticuleusement son temps.

 

Corinne Bron est la patience, la gentillesse, la grâce et le savoir administratif qui font dormir le gérant d'Images et Mouvement comme un bébé. Elle fait aussi les mystiques feuilles de paie. Carolle et Léo sont restés plus de dix ans. Seb, Laurent aussi. Ils et elles continuent, à leur gré, notre artisanat particulier, plutôt en période de développement. Stéphane, pilote d'avion amateur, est mort d'une chute de ski... Philippe est parti dessiner des voiliers au Maroc. Christian, Sami sont les plus doués de tous. Thierry, Cyril, Véronique, Stéphane, Monique sont passés de l'atelier à la manipulation.

 

Tant d'autres sont passés au troisième étage de notre usine parisienne. Surtout des filles. Sur 100 CV reçus à la société, de gens venus globalement d'écoles d'Arts appliqués, plus de 95% sont des filles ! Cherchez l'erreur ou la juste conjugaison... J'ai aussi recruté une vingtaine d'autres manipulateurs, pour les Guignols.

 

Alain Duverne 2

 

PdA : Accepteriez-vous de nous narrer, en quelques étapes clés, la confection d'un personnage, celui de votre choix ?

 

A.D. : Beaucoup d’indices entrent en jeu pour dégager la vérité du personnage. Globalement, il s’agit des proportions du dessin du visage et de la disposition de chaque élément par rapport à l’ensemble. Tout ce qui se passe autour du regard est capital : la profondeur, la place et la grosseur des yeux par rapport à l’arcade sourcilière et aux joues ; l’écart entre les yeux, la grandeur de l’iris ; la position de l’axe des paupières vis-à-vis de l’iris ; la direction des lignes hautes et basses qui coupent l’iris ; l’épaisseur des paupières et des cils ; le dessin et le volume des sourcils. Chacun de ces éléments doit être chargé en fonction de leurs caractéristiques.

 

Pour tout le reste, c’est centimètre- cube par centimètre cube qu’il faudra négocier. Prenons le cas du nez, et de ses narines : à tout vent, auguste, timide, sec, busqué, tourmenté, dodu, pointu, poilu, aguicheur, retroussé, épais, épaté, moqueur, proéminent... ou le pilier en bas-relief du front, précieux, ornementé, strict, solide, crochu m’as-tu-vu. La nature est ainsi, son choix n’est pas si mal... le seul nez imbécile serait le nez normal.

 

C’est la position la plus caractéristique des lèvres pendant l’élocution qui sera choisie. Tout ce qui est poil et cheveux, quand c’est fait d’un manière très soignée, ajoute une touche très réaliste au Guignol. Les modifications apportés aux parties poussent à des corrections dans l’équilibre du tout. Si je grossis les joues et les maxillaires, le front et l’espace des yeux seront logiquement réduits. Si la bouche doit être agrandie, il faudra bien réduire l’épaisseur des joues si la mâchoire n’a pas à être élargie. Ces simples règles ont évidemment des exceptions.

 

Notre Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, est un épais aux petit nez tordu et petites narines. Il n'entre pas assez d'air dans ce corps rigide. Les lèvres et les joues sont plutôt petites mais épaisses aussi. C'est l'avancée du front et celle des arcades sourcilières touffues et proéminentes qui sont sa principale caractéristique. J'aurais pu en faire davantage, sur ce point. Nous sommes plutôt, aux Guignols, dans des charges caricaturales modestes.

 

PdA : Qu'est-ce qui différencie, techniquement parlant, les Guignols de la fin des années 80 de ceux de 2013 ?

 

A.D. : Tout est plus précis, plus soigné, plus sécurisé, plus solide, plus confortable pour la manipulation. Il n'y a que la mousse de latex que l'on connaît un peu mieux, mais c'est un produit naturel dont on ne maîtrise pas tous les caprices. Des têtes fonctionnent depuis quinze ans, d'autres deviennent bisquottes beaucoup plus tôt, malgré les anti-oxydants.

 

PdA : Êtes-vous, globalement, toujours en phase avec leur humour ? D'accord, à l'aise avec ce que les auteurs font dire à vos bébés ? ;-)

 

A.D. : Avec leur humour, je suis en phase. "La critique est aisée mais l'art est difficile". Ils sont bons, bûcheurs et acharnés. A contrario, c'est sur leur penchant politique que je souffre. Deux exemples :

1. Aux 9 suicides de France Télécom, il faut répondre par les 70 suicides de paysans, mais ne pas surjouer sur ce qui a été déjà dit par le PS.

2. Concernant l'eau de javel jetée sur tous les restes des cantines scolaires et des restaurants pour qu'ils ne soient pas réutilisés, il faut se révolter violemment contre ce gâchis organisé et décadent, mais les Guignols de Canal + approuvent ? J'ai bu toute mon enfance de succulents jus venant d'oranges abîmées dans des cageots que mon père, petit fonctionnaire libre d'esprit, ramenait régulièrement des Halles. Ce geste de mon père a été formateur pour la vie.

 

J'ai toujours pensé que le pouvoir des marionnettes autorisait, en visant juste, à blâmer les corruptions des pouvoirs mais plus encore, à dérouiller les conservatismes fâcheux des gentils mammifères humains grincheux autant acclimatés en France à la chicane qu’a la servitude volontaire, peu soucieuse de son avenir. Il n’y pas que les saillies capitalistes de l'Américain Mr Sylvestre qui coincent un pays, la lente avancée de ses propres arthroses est aussi très efficace. Nos fanfarons de caoutchouc pourraient afficher dans la rigolade ces stigmates de la décadence pour mieux les ringardiser. Mais voila, la machine Guignols, malgré son grand pouvoir pédagogique, agit comme les communicants et les chansonniers ; elle ne rebondit que sur des opinions et des croyances déjà entendus. "On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde", c’est la loi de la séductrice TV.

 

N’imaginez pas pour autant qu’un directeur d’édition à Canal + censure les auteurs, les auteurs des Guignols ont le génie d’écrire et d’inventer ce que nos spectateurs veulent entendre. C’est-à-dire, rester dans le politiquement correct, forme acceptée auprès d’un large public, au risque de s’attarder un peu trop dans la pensée unique bobocrate. Notre public, ce sont les 15-30 ans. Ceux qui s’éclatent dans le théâtre bondé de l’humoriste Dieudonné-le-proscrit, sont plutôt les 20-35 ans. Déjà, en son temps, Fernand Raynaud était beaucoup plus cinglant pour tout le monde en cabaret qu'à la radio. Coluche tapait autant sur les flics, les Belges, les syndicalistes, les juifs, les chrétiens, les musulmans. Tous les biens-pensants soumis aux maîtres obscurs le jugeaient raciste.

 

Maintenant, les ouvriers des groupes internationaux se font licencier. Ils aimeraient bien rester en place, puisque le groupe est bénéficiaire ? En fait, ces ouvriers français voudraient bien partager les bénefs que leurs patrons font sur le dos des ouvriers des usines du tiers-monde ! Un proverbe dit : "Le receleur est pire que le voleur"... Donc aujourd'hui, motus. Quel humoriste oserait rire de cela dans les grands médias ?

 

PdA : Les Guignols ont 25 ans... Quel regard portez-vous sur leur évolution depuis une génération ? Les points positifs ? Ce qui l'est un peu moins ?

 

A.D. : En 1973, le subtil observateur Alain Peyrefitte a écrit Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera. Un document des archives de l’INA montre, la même année, un autre ministre de Pompidou, Michel Debré, expliquer, suite au  premier choc pétrolier , à quel point utiliser le terme de crise était un contre-sens. Car, par définition, une crise connaît une montée, un pic paroxysmique puis, un retour à la normale. Mais, cette fois, le monde entier, dit-il, entre dans une “ guerre économique sans fin .

 

Plus le peuple découvre les quarante ans de mensonges politiques, plus il comprend l'état de décadence du pays... Les Guignols, eux, continuent d'avancer sur des oeufs... ils n'osent pas.

 

Le mariage pour tous est une extravagante mine d'humour. L’objectif est clair, il mettra sur le marché le futur bébé garanti par l’État et produit en utérus d’élastomère, bébé pour tous et pour toutes les bourses des papas pédés. Après « Tu n’accoucheras plus dans la douleur », qui rayait de la Bible « Tu accoucheras dans la douleur », et pour faire vraiment la nique aux catholiques, le bouquet de la mariée arrive ; « Tu n’accoucheras plus du tout, la techno-science s’occupera de ta ligne ». Les industriels sont bien sûr partants pour concrétiser cette utopie, les jeunes que j’ai interrogés dans la manif du mariage pour tous aussi et, à terme, beaucoup de femmes seront intéressées. Le marché de l'embryogénie du bébé est là.

 

Ce qui est positif, dans les Guignols comme dans mon atelier, c'est d'avoir toujours plus de perfectionnements techniques ; je pense aux costumes, aux lumières, aux perruques, aux trucages, aux réalisations des petits films... Les voix sont parfaites depuis le début, le plus-que-parfait n'existe pas chez nous. Le “ plus-que-parfait ” n'est qu'une bêtise qui emmerde les enfants à l'école, alors qu'avant 5 ans, ils ont déjà instinctivement intégré la grammaire.

 

En philosophie politique, je dirais que les Guignols, comme nos spectacles, sont du divertissement d'avant-guerre. C'est ainsi. Mais dormez tranquilles, il n'y aura pas de guerre, seulement un long carême venue de l'économie ; cette fois, la religion n'est pas dans le coup.

 

PdA : Quels sont, sur toutes ces années, vos grands moments avec les Guignols ; en coulisses comme en tant que spectateur ?

 

A.D. : En coulisses, les fêtes de l'époque d'Alain de Greef. En tant que spectateur, Le monsieur te demande... et Mangez des pommes (la campagne de J. Chirac pour 95, ndlr). Le couple Papin-Cantona...

 

PdA : Quels secrets, quels scoops pourriez-vous nous dévoiler à propos des Guignols ? Quelque chose qui n'aurait jamais été révélé au public... ?

 

A.D. : Une marionnette de Chirac a été volée... une de Stallone perdue. Pour le détail.

 

Pour beaucoup plus gros : Canal + a dû verser 3 millions de francs à un producteur, celui avec qui j'ai été longtemps en procès. Cet escroc avait déposé le projet du programme des Guignols, à son nom, à une société de protection industrielle. Il pouvait faire chanter Canal + en disant, "Vous faites mon programme". Canal + a payé, ne voulant pas être éclaboussée par un procès.

 

À cette époque, Mitterrand disait à ses ministres, "N'allez jamais en justice, surtout si vous n'êtes pas dans votre tort !". La maison de production a pris ses 3 millions de francs, et plus personne n'a jamais entendu parler d'elle. Elle était sur liste noire pour toutes les chaînes françaises et d'Europe.

 

PdA : Revoyez-vous toujours Alain de Greef ? Les "historiques" de Canal ? Êtes-vous, vous aussi, nostalgique d'un certain esprit dont on a dit qu'il avait animé la chaîne à ses débuts ?

 

A.D. : Depuis que j'ai l'imail d'Alain, je vais reprendre contact. Philippe Genty et lui sont mes deux mentors. Je ne suis pas nostalgique d'un certain esprit, mais plus d'une volonté collective de faire des choses avec amour pour une bonne cause. Faire des marios pour une TV tunisienne qui pense amener, grâce à elles, de la laïcité au Maghreb... ça, ça a de la gueule !

 

PdA : Quels programmes aimez-vous regarder, sur Canal ou ailleurs ? Quel jugement de téléspectateur portez-vous sur la télé d'aujourd'hui ?

 

A.D. : Parfois Paris Première, le soir. Les chaînes d'info en continu, LCP, en particulier, avec Bibliothèque Médicis. Des films sur le bouquet Canal +, des chaînes thématiques sur la nature... Le  gros du reste me fait penser au mot anglais “ entertainement ”, traduit par divertir, ou distraire.

 

Ce flot ininterrompu de gens en couleurs, agités et bavards, semble maintenir en survie une moitié de  France en léthargie. Si ça s'éteint, j'imagine cette demi-France s'avachir sur elle-même, en compote sur les canapés. Mais l'autre moitié de la France est en pleine santé. Il y a toujours deux France qui se regardent en chien de faïence, depuis Jeanne d'Arc, depuis l'édit de Nantes, depuis la Révolution, depuis la dernière guerre. Quand je vote, je vote Bayrou. 

 

PdA : Quelles sont vos autres passions, celles que l'on ne connaît pas forcément de vous ?

 

A.D. : Mon paradis est de modeler un Guignol en écoutant un livre audio ; le dernier, c'était Ayrault au modelage, et Chagrin d'école, de Daniel Pennac, à l'écoute.

 

PdA : Vos grandes fiertés ?

 

A.D. : Ma fierté, c'est d'avoir regroupé dans mon atelier des gens qui s'aiment, qui aiment travailler ensemble et partent en vacances ensemble.

 

PdA : Des sentiments d'échec ?

 

A.D. : Ce que j'ai raté, magistralement, c'est de n'avoir pas su défendre, à Canal +, l'intégrité de l'activité liée à la marionnette face aux corporatismes, potentiellement virulents à la TV. Les voix sont faites par d'excellents comédiennes et comédiens-imitateurs. Leurs talents contribuent étroitement aux succès des Guignols. J'aurais voulu former une grande équipe de marionnettistes pouvant passer de la fabrication à la manipulation des marios. Les auteurs de Spitting Image s'amusaient à manipuler. Les manipulateurs que j'ai recrutés ou qui sortent de mon atelier n'ont donc qu'à suivre les voix des comédiens-imitateurs. Mais face à des producteurs délégués lambda de la TV... Ils ont réussi à installer une mini-corporation d'“ artistes-interprètes ”, payés le double des gens - beaucoup plus longs à former - qui travaillent dans mon atelier.

 

C'est ma honte, parce ce que, ce que je reproche le plus au diplodocus éducatif, c'est sa faculté à classer les humains en deux infirmités : les manuels et les intellectuels. J’affirme que se résigner à ces deux “ infirmités ” est une calamité pour le genre humain, et cette dislocation est très vivace dans les traditions culturelles françaises. Ces “ mutilations ” sont souvent subies, mais aussi très souvent choisies. Car on ne peut pas ignorer le fait que les postes enviés de pouvoirs, petits et grands, et les postes administratifs qui servent ces pouvoirs, sont concentrés principalement dans les “ mains maladroites ” de ceux qui se sont laissés enfermer étroitement dans le moule de l’intelligence d’adaptation au microcosme scolaire.

 

PdA : Quels sont vos projets, vos rêves pour la suite ?

 

A.D. : J'ai écrit un film, aidé des frères Ringer, producteur et réalisateur, et j'ai créé une trentaine de personnages d'animaux humanoïdes pour ce film. Il s'agissait de démontrer que la décadence de notre démocratie n'est pas due qu'aux saillies capitalistes... Mais que la lente avancée de ses propres arthroses, inhérentes à sa culture de monoglote orthographeur assisté, plus cigale que fourmi dans sa non-anticipation, est aussi très efficace. Ce film est en stand-by pour l'instant, j'écris un livre audio pour le remplacer.

 

Alain Duverne 3

 

PdA : Aimeriez-vous adresser un message à nos lecteurs ?

 

A.D. : Pour vos enfants : n'attendez surtout pas grand chose de l'école, qui fait ce qu'elle peut, mais pensez bien que "c'est un devoir d'être heureux". C'est surtout valable pour les enfants qui n'ont pas une prédisposition naturelle pour le microcosme scolaire.

 

PdA : Un message... pour quelqu'un en particulier ?

 

A.D. : Pour Rodolphe Belmer, directeur de la chaîne Canal + :

 

Pourquoi ne pas faire un module de “ Guignols bis ” ? (plus tard dans la soirée, sur Canal Décalé, ou en rubrique spéciale dans les Guignols, avec éventuellement d’autres auteurs : “ La face cachée des Guignols ” ? “ L’antichambre des Guignols ” ?...)

 

Sous la forme d’une caméra cachée, dans des réunions privées. On y verrait, autour d’une table ronde (dans une cave à vin ?), autour d'un monsieur ou d'une madame tout-le-monde en latex, les hommes et les femmes politiques, chefs de partis et présidentiables, défaits de leur apparence publique, préparant un gouvernement d’union nationale. Ils chercheraient maladroitement les idées pour sortir par le haut des déclins du futur et chercher à refonder réellement la salle de classe.

 

Même si c'est faux, enfin montrer une capacité d'anticipation et d'innovation à la France...

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, cher Alain Duverne ?

 

A.D. : D'avoir moins mal aux genoux !

 

PdA : Quelque chose à ajouter avant de conclure ? Merci infiniment !

 

A.D. : Dario Fo sortirait, "Nous sommes dans la merde jusqu’aux narines, que personne ne fasse de vagues !"...

 

 

MERCI, merci encore, cher Alain Duverne, pour ce témoignage exceptionnel, pour votre enthousiasme hors du commun. Continuez, avec votre merveilleuse équipe, à nous faire rêver. En espérant que les Guignols prendront le parti de nous faire, à l'avenir, davantage réfléchir. Phil Defer. Un commentaire ?

 

 

Les Guignols : le site web

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Présentation remaniée : 04/11/14.

25 février 2013

Jean-Claude Dreyfus : "Avec Devos, nous sommes d'une même famille..."

Très vite, Jean-Claude Dreyfus a accepté, sur le principe, de se prêter au jeu des questions-réponses, pour Paroles d'Actu. Gracieusement, le grand acteur a bien voulu me parler de ses débuts, des gens qu'il aime bien, de son parcours. Parmi les figures qui l'ont émaillé jusqu'ici, il y a évidemment Jean-Pierre Jeunet. Dreyfus en parle avec pudeur, sans mentionner, à aucun moment, le drame qui vient de secouer le réalisateur du film Un long dimanche de fiançailles. Sans doute l'aurez-vous lu dans les pages les plus sérieuses de la presse people, sa chère Amélie Poulain vient en effet d'être retrouvée dans une barquette de lasagnes, mystérieusement estampillée « Trouvez-nous ». Chacun se souvient, cruelle coïncidence, de l'inquiétant boucher qu'interprétait Jean-Claude Dreyfus dans le film de Jeunet, Delicatessen. Troublant... D'ailleurs, n'a-t-il pas fait de pub pour...   STOOOP !!! On arrête ! Fin du cirque... De toute façon, J.-C.D. est davantage cochons que chevaux. Pas les « cochons » qui portent des récits à hauuute valeur informative et en assurent la médiatisation, non. Les vrais. Ceux auxquels il voue une vraie, une belle tendresse.

 

Cet entretien, dans l'idéal, nous aurions dû le réaliser, au départ, attablés à la terrasse d'un bistrot parisien. Des contraintes, principalement géographiques, ne l'ayant pas permis, l'échange s'est fait par textes. Ce n'est que partie remise... Je tiens ici à faire part à Monsieur Jean-Claude Dreyfus de mon amitieuse reconnaissance pour le temps qu'il a bien voulu me consacrer. Pour son humour, sa gentillesse à mon égard. Il vient de sortir le premier tome de son autobiographie, Ma bio dégradable : J'acte I. Et sera bientôt sur la scène du Théâtre du Petit Hébertot pour un hommage très vivant à Raymond Devos. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

JEAN-CLAUDE DREYFUS

Acteur... Auteur... Et bien plus enqueur...

 

« Avec Devos, nous sommes

d'une même famille... »

 

Jean-Claude Dreyfus 1

(Photos fournies par M. Jean-Claude Dreyfus ;

Portrait ci-dessus réalisé par Patrice Murciano.)

 

Q. : 13/02/13 ; R. : 25/02/13

 

Paroles d'Actu : La première question que j'aurais envie de vous poser aujourd'hui, c'est « Quand est-ce que la chaleur va revenir ? Vous avez des infos là-dessus ? L'hiver, c'est dur quand ça dure ! » Mais bon... tout bien réfléchi, je m'en tiendrai à un plus traditionnel « Comment allez-vous ? » (Vous avez sorti un bouquin intitulé Les Questions à la con il y a quelques années, j'espère que vous ne penserez pas ça des miennes... ouch... trop tard ?)

 

Jean-Claude Dreyfus : La chaleur chez moi est permanente. Pour éviter de dire, « Les chaleurs n'ont pas besoin de saisons, mes quatre saisons ne vivent pas chez Aldi »... Wouaf wouaf... c'est bien mauvais, mais effectivement, question à la con entraîne réponse très con. Mais vraisemblablement, ça réchauffe en rude hiver, et ça ne dure jamais, malgré les fameuses couches d'ozone qui répartissent bien les zones, qui dans nos pays d'Europe ponctuent les couleurs de l'année.

 

PdA : Votre bio, enfin, sa première partie, est parue au mois de septembre : Ma bio dégradable : J'acte I, au Cherche Midi. Comment l'idée vous est-elle venue de vous raconter ainsi ?

 

J.-C.D. : Après une série d'entretiens avec un monsieur qui m'entreprit pour raconter ma vie à son propre chef et désirant paraître "entretien avec" sur la couve première, et après avoir compris que lui ne comprenait jamais là où je voulais aller dans l'humour de mon parcours désuet... Après l'avoir gentiment "fait piquer", donc m'en être débarrassé, je repris tout a zéro, me pris au jeu de l'écriture. Vraiment, j'ai décidé de prendre mon pied, et même les deux, du plaisir de conter, de compter sur moi même, ce qui me paraît plus sûr pour m'entendre dire les vérités mensongères que je gère et digère, avec un petit verre de Fernet-Branca...

 

PdA : De quelle manière vous y êtes-vous pris pour mener cet ouvrage à terme ? A-t-il été long à écrire, éprouvant à composer par moments ? Sans doute a-t-il fait rejaillir en vous des souvenirs plus ou moins heureux ?

 

J.-C.D. : N'ayant pas relu l'ordre des questions, je pense avoir joliment répondu à celle-ci... Dans la mesure où les souvenirs « plus ou moins heureux » chez moi rejaillissent souvent travestis, trans-déformés en simple mémoire de moments revus et corrigés, à l'amiable.

 

PdA : Votre fibre écolo, on la retrouve dans le titre. À moins qu'il ne s'agisse d'une réflexion plus personnelle sur la biodégradation, celle qu'a priori nous connaîtrons tous (à échéance raisonnable évidemment !). Histoire d'être un peu sombres deux minutes, c'est une idée à laquelle vous pensez souvent ?

 

J.-C.D. : Vous voulez dire la mort... ? Moi, je ne songe qu'à l'amor qui mène ma vie et mon vit par ma main ou celle des autres... ou plus si raffinement. Et là, j'en viens au titre de mon livre, où je livre avec ambiguïté mon rapport éternel pour les bons produits mais aussi pour l'éphémère modasse et modeste de nos envies...

 

PdA : Qu'aimeriez-vous dire à nos lecteurs pour leur donner envie de lire votre livre ? Y retrouve-t-on de savoureux récits, voire... de croustillantes anecdotes ? ;-) Quelques exemples ?

 

J.-C.D. : Je leur dis qu'une bière et un morceau de pain autour d'une tranche de mon animal fétiche va leur coûter le même prix que mon appétissant bouquin, et que, même dégradable, celui-ci les nourrira d'amour et d'humour sans les alourdir...

 

Bio dégradable

(Photo : Dominique Desrue)

 

PdA : Le tome 2, c'est pour bientôt ?

 

J.-C.D. : J'ai déjà commencé J'acte II, bien sûr, et puis un roman, mais le tome 2 ne viendra que si mes spectateurs et lecteurs se privent de sandwichs au jambon pour que le Cherche Midi, autrement dit l'éditeur, ait l'envie de me rééditer...

 

PdA : Je vous propose maintenant d'évoquer ensemble quelques points de votre vie publique. Commençons par le commencement... J'ai découvert qu'avant de faire l'acteur, vous aviez été magicien. De belles images vous viennent à l'esprit en repensant à cette époque, j'imagine...

 

J.-C.D. : Oui, je fus magicien, mais je ne me faisais aucune illusion, la magie n'était pas vraiment mon "truc". Ce que j'adorais, c'était de voir les autres prestidigitateurs, qui me fascinaient. Savoir les moyens de créer l'illusion me paraissait illusoire. L'envers du décor gâchait mon envie... Alors, je suis passé a une autre forme d'allusion, celle du théâtre...

 

PdA : C'est évidemment d'abord pour votre parcours - le terme de carrière est assez laid dans ce cas - d'acteur que le public vous connaît, vous aime. Parlez-nous de vos débuts ? Quel a été le déclic qui a pu vous faire penser, à un moment donné, "Oui, décidément, c'est ça que j'ai envie de faire" ?

 

J.-C.D. : Mon chemin, de jeux, et non de croix, a toujours été sur les planches, essence de ce "métier", car même si l'on ne parle pas de carrière mais de long chemin à parcourir, de continuité, c'est le plaisir et l'envie de jouer qui m'ont sans cesse mené par le bout du nez. Bien sûr, il faut en avoir, "du nez", pour les textes et les aventures de saltimbanque. On est loin de la roulotte, mais la roulette chance m'a porté, souvent, vers de superbes projets...

 

PdA : Sur la base de votre expérience, justement, quels conseils pourriez-vous donner à un(e) jeune qui rêverait de vivre pleinement sa passion pour la comédie, voire d'en vivre ?

 

J.-C.D. : Pour une personne qui, comme moi, passe son temps à repartir de zéro, à éviter toute routine, il est complexe de donner des conseils à qui que ce soit. Le doute est permanent, le trac subsiste. La seule recommandation est de faire, défaire et refaire, et surtout savoir faire, avec un caractère de fer...

 

PdA : Tenter d'aborder l'ensemble de votre "carrière" serait vain, tant elle est conséquente. S'agissant du cinéma, vous avez tourné sous la direction des plus grands noms : Audiard, Lelouch, Mocky, Pinoteau, Rohmer, Annaud... Je vais peut-être m'attarder un peu sur une collaboration, peut-être la plus importante de votre filmo, je pense à Jean-Pierre Jeunet. Delicatessen, La Cité des enfants perdus puis, plus tard, Un long dimanche de fiançailles. Trois films qui ont fait date. Quelle place tient-il, à vos yeux, dans votre parcours, peut-être dans votre vie ?

 

J.-C.D. : J'ai une denture petite, de bébé, écartée devant au milieu. La chance donc m'accompagne dans des histoires belles et de qualité. Ma vie a pris souvent les chemins de traverse, qui mènent à certains succès sans pour autant vraiment en changer le cours...

 

PdA : Quelles ont été les expériences, les rencontres qui vous ont le plus marqué, touché durant les quarante premières années de votre petit bonhomme de chemin (théâtre, cinéma, télévision...) ?

 

J.-C.D. : La liste serait bien longue de décrypter ce qui aurait marqué quarante années de rencontres et expériences, entre l'éducation offerte par mes parents, celle de mes professeurs et aussi des partenaires côtoyés tout au long d'une, sans cesse, densité d'activités. Le mieux, je crois, est de lire mon premier livre, ma bio.

 

PdA : Une partie de la population - certes pas parmi les plus cinéphiles - aura immanquablement une réaction en voyant votre visage apparaître dans les médias, pour telle ou telle raison. "Oh, mais c'est Monsieur Marie !" Je sais que vous avez beaucoup d'humour. Mais ça n'est pas un peu agaçant, parfois, d'être à ce point populaire pour ce rôle-là alors que tant d'autres auraient davantage mérité une telle reconnaissance ?

 

J.-C.D. : Ça m'est complètement égal qu'il y ait des crétins réducteurs et incultes. Je reste, d'une façon ou d'une autre, un culte vivant...

 

PdA : Justement... On va essayer de remettre un peu de justice dans tout ça ! Quels sont, parmi vos films, - courts comme longs métrages - ceux pour lesquels vous avez une tendresse particulière, même s'ils ne sont pas forcément objectivement les meilleurs ? Ceux que vous aimeriez recommander à nos lecteurs ?

 

J.-C.D. : Mis a part les films de Jeunet et (Marc, ndlr) Caro, puis Jean-Jacques Annaud (Deux frères, ndlr), ou Mocky (Bonsoir, Le deal, Le bénévole, ndlr), justice serait faite auprès de vos lecteurs de s'emparer du sublime film de Rohmer, L'Anglaise et le Duc.

 

PdA : Ce que l'on demande entre autre au cinéma, c'est de nous faire oublier nos soucis, l'espace d'un film. De nous faire rêver, un peu... Quel est le cinéma qui vous fait rêver ? Le fait-il toujours aussi bien aujourd'hui qu'hier ?

 

J.-C.D. : Bien sûr, les films d'antan, avec tous ces acteurs hauts en couleurs. Et puis certaines grandes fresques cinémato et très graphiques, tournées dans des espaces et des lieux au sein d'histoires auxquelles je ne serai jamais confronté. Celles-ci me ferons toujours partir dans des rêves dont on ne voudrait jamais sortir...

 

PdA : Questions évidemment liées. Quels sont, hors les vôtres et toutes époques confondues, vos films préférés ?

 

J.-C.D. : Le Golem, Freaks, Sous le plus grand chapiteau du monde...

 

PdA : Vos acteurs de référence ?

 

J.-C.D. : Visconti, Michel Simon et Serrault, Madeleine Renaud, Annie Cordy... Merde, trop dur et compliqué comme question... Je n'aime pas les références, ma devise est de ne pas en avoir.

 

PdA : Vous serez bientôt sur la scène du Théâtre du Petit Hébertot - du 28 février au 27 avril 2013 - pour Devos - Dreyfus, d'Hommages sans interdit(s). Avec le maître Devos, vous vous attaquez à un monument de l'humour. Devos, c'est quelqu'un qui vous inspire ? Who else, comme pourrait dire l'un de vos confrères également star de pub ?

 

J.-C.D. : Pierre Desproges, Zouc, Muriel Robin, Pierre Palmade, Joly (Sylvie, pas Eva, ndlr), Jonathan Lambert, Gerra, Fernand Raynaud, Louis de Funès, Bourvil, Jacqueline Maillan... Et Raymond Devos.

 

PdA : Une question pour inciter nos lecteurs à vous découvrir dans cette pièce... Qu'apportez-vous de votre univers à celui de Raymond Devos ? Pourquoi faut-il absolument voir ce spectacle ?

 

J.-C.D. : Je pense profondément que nous sommes d'une même famille. L'oeil sur la scène. En coulisse, de l'absurde poétique...

 

Dreyfus-Devos

 

PdA : Vous avez été nommé sur les listes de 2010 et 2011 pour le Molière du comédien pour la pièce Le Mardi à Monoprix. Quatre fois en tout, ce qui est exceptionnel... Si vous aviez un choix à faire entre ciné et théâtre, votre coeur pencherait davantage vers les planches, vers le vivant, j'imagine ?

 

J.-C.D. : Oui. OUI, quatre fois, pour ne jamais repartir avec. Ils ont spurement peur que ce trophée soit perdu dans mon immense collection de cochonneries, et puis sans doute s'attendent-ils à ce que je ne puisse plus le porter, à ce que je n'en aie plus ni la force, ni l'envie... ?

 

Quant à mon choix entre César et Molière... Quand je fais du théatre, je meurs d'envie de faire du cinéma et lycée de Versailles... car les vices sont ô combien versatiles…

 

PdA : J'écoutais récemment l'une de vos interviews, dans laquelle vous déploriez un certain manque de prises de risques de la part des producteurs et du public. Ce qui, in fine, tend à brider la création, à auto-alimenter un système dans lequel la qualité n'importe pas tant que la rentabilité. Êtes-vous malgré tout optimiste quant à l'avenir d'une création artistique de qualité ?

 

J.-C.D. : Moi je reste optimiste. Quand je choisis un auteur, par exemple Devos, j'arrive à trouver les moyens de le monter. Mais il faut bien savoir que deux personnes sur un plateau ne coûtent pas trop cher (je suis avec Thomas Février au piano). Mais arriver aujourd'hui à réaliser une création avec de nombreux comédiens devient de plus en plus complexe, voire impossible. Donc optimiste, mais pas rose comme l'on pouvait le croire pour la culture à gauche...

 

PdA : Ma prochaine question, ça ne sera pas celle du portrait chinois, non. D'ailleurs, je sais que vous avez déjà répondu à ce genre de sollicitations. J'aimerais inviter le comédien que vous êtes, qui a joué plus qu'à son tour en costume, à répondre à une question que je pose souvent, parce que je l'aime bien. Imaginons qu'un vieux type un peu fou, un savant fou en quelque sorte, que l'on appellerait, bah... "Doc", disons, invente une machine à voyager dans le temps, en avant ou en arrière. Je sais pas, un truc complètement loufoque. Une DeLorean qui nous permettrait de choisir le lieu et la date (pas mal mon idée, je devrais la proposer à un producteur). Un seul voyage par personne. Aller-retour, ou simple aller, c'est vous qui voyez... Alors, quel est votre choix ? 

 

J.-C.D. : Le voyage, à vrai dire, n'est pas complètement mon trip, même si je viens de faire 24h de vol pour Nouméa avec mon Devos. Et comme, à ce jour, j'ai plus de 24h de vol, le trajet, dear Doc', qui me paraîtrait le plus dépaysant serait de me faire tout petit et de rentrer dans la Batmobile Playmobil et de me rendre dans la Batcave pour repérer les meilleurs vins "pinard", crus... d'un autre monde...

 

PdA : Du Cochon considéré comme l'un des beaux-arts, c'est le titre de votre livre de 2005. Une bien belle passion, ma foi, même si elle étonne certaines personnes ! En avez-vous d'autres, moins connues ?

 

J.-C.D. : Ah oui, j'ai une nécessaire passion, à ce jour, pour les vitrines, avec plus de cinq-mille cochons. De port en porc, je dois enfermer, emprisonner cette énorme batterie porcine pour qu'elle ne me fasse pas partir en eau de boudin... et que je ne devienne pas le "mâle des truies" ou le "mal détruit"...

 

PdA : Un scoop, une info inédite pour Paroles d'Actu ?

 

J.-C.D. : Roseline Bachelor serait-elle un homme ? Ne serait-ce pas une idée folle, démente ou démentie... ? ...

 

PdA : Qu'est-ce qui, dans notre société, dans le monde, vous donne envie de réagir, de vous engager ?

 

J.-C.D. : Trop vaste cette question... il fallait la poser au début. Là, je suis fatigué du monde et de sa société. Je ne m'engage pas... mais je vais réagir…

 

PdA : Un message pour nos lecteurs ?

 

J.-C.D. : Plus de crise, faisons comme si... Ah oui, une crise de nerfs, de temps en temps, gratuite.

 

PdA : Un message pour quelqu'un en particulier ?

 

J.-C.D. : J'aime la personne que j'aime…

 

PdA : Quels sont vos projets, vos rêves pour la suite ?

 

J.-C.D. : Je projette des rêves pour les suites de chacun de nous tous... (il tousse)

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, cher Jean-Claude Dreyfus ?

 

J.-C.D. : D'être contraint au carcan de sa liberté !

 

PdA : Quelque chose à ajouter ? Merci infiniment !

 

J.-C.D. : Amitieusement à tous…

 

Jean-Claude Dreyfus 2  

Très heureux et flatté de cet échange, cher Jean-Claude Dreyfus... Merci encore ! Amitieusement... Phil Defer Et vous, quels rôles, quelles images vous viennent à l'esprit en pensant à ce grand acteur ? Postez vos réponses - et vos réactions - en commentaire ! Nicolas alias Phil Defer

 

 

Vous pouvez retrouver Jean-Claude Dreyfus...

 

Présentation remaniée : 15/01/14.

23 février 2013

Pierre-Jean Baillot : "Profondément optimiste !"

Mon stage de fin d'études, j'ai eu le privilège de le réaliser au sein de l'association Entreprise Rhône-Alpes International, auprès de son président, Monsieur Daniel Gouffé, et en contact permanent avec l'ensemble de ses équipes, en France comme à l'étranger. Une expérience enrichissante, qui m'a permis de vivre au quotidien le défi de l'international, tellement crucial pour la bonne santé économique de nos entreprises et de nos territoires. L'association soutient le développement des petites et moyennes entreprises rhônalpines, les aidant notamment à tenter l'aventure de l'export. Elle met en avant les richesses de la région pour inciter les investisseurs étrangers à s'y implanter. Elle favorise les rencontres, les interactions entre les différents acteurs en vue de l'émergence de pôles d'excellence. Trois grands axes qui constituent autant de clés pour le renforcement et la redynamisation de notre économie. Après Pierre-Alain Weill et le sénateur Jean Besson, Pierre-Jean Baillot, Directeur général adjoint d'ERAI, a accepté de répondre à mes questions. Je l'en remercie à nouveau, très chaleureusement. Les Français tendraient à redouter la mondialisation, plusieurs sondages l'indiquent, et l'actualité récente n'est pas pour arranger les choses... À cette vision, Pierre-Jean Baillot souhaite opposer la sienne. À contre-courant, elle est résolument optimiste. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

PIERRE-JEAN BAILLOT

Directeur général adjoint d'ERAI

 

"Profondément optimiste !"

 

Pierre-Jean Baillot

(Photo fournie par Pierre-Jean Baillot)

 

 

Q : 16/11/12

R : 22/02/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Pierre-Jean Baillot. Qu'aimeriez-vous que nos lecteurs aient à l'esprit vous concernant avant d'aller plus loin ?

 

Pierre-Jean Baillot : Nous sommes certes dans un contexte économique difficile, mais le pessimisme n’a jamais porté haut les couleurs de la réussite. Alors, oui soyons réalistes et conscients des difficultés pour mieux les surmonter, mais surtout soyons prêts à rêver, à entreprendre, à s’ouvrir au monde… car c’est à la découverte de nouveaux horizons que bien souvent de nouvelles opportunités apparaissent. 

 

 

PdA : Racontez-nous votre parcours. Comment votre chemin a-t-il croisé celui de l'agence Entreprise Rhône-Alpes International ?

 

P.-J.B. : Un début de carrière dans la banque (Banque Française du Commerce Extérieur, une banque régionale) et des synergies avec les équipes d’ERAI qui, à l’époque, m’avaient -car dossiers professionnels partagés- proposé de les rejoindre.

 

En fil rouge, et constamment : le partage de la passion de l’international !

 

 

PdA : Parlez-nous des grandes missions d'ERAI. De son bilan...

 

P.-J.B. : ERAI (Entreprise Rhône-Alpes International), créée en 1987, est l’agence pour le développement économique de la Région Rhône-Alpes à l’international.

 

150 collaborateurs sont mobilisés quotidiennement en région et dans 27 implantations à l’étranger pour aider les PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire, ndlr) rhônalpines à se développer à l’export et en parallèle, pour promouvoir auprès des investisseurs internationaux les compétences, réseaux et atouts de la région. Conjuguant ces savoir-faire complémentaires, ERAI dispose également d’une expertise reconnue en matière de conseil en financements internationaux et joue un rôle important dans l’internationalisation des « clusters » et des pôles de compétitivité présents sur le territoire, ce qui lui permet de proposer un accompagnement global qui intègre l’ensemble des composantes liées au développement export d’une entreprise.

 

Depuis juin 2011, ERAI est membre fondateur de L’équipe Rhône-Alpes de l’export qui réunit l’Etat, la Région Rhône-Alpes, la Chambre de Commerce et d’Industrie de région Rhône-Alpes et UBIFRANCE autour d’une stratégie commune et partagée pour un meilleur accompagnement des entreprises à l’international. Cette nouvelle dynamique porte ses fruits, notamment dans le rapprochement opérationnel entre ERAI et UBIFRANCE tant en France que dans tous les pays où nous sommes conjointement présents. Nous avons créé en  juin dernier un service commun le « VIE – IMPLANTIS » qui permet de mutualiser les ressources des deux structures au profit des entreprises qui souhaitent disposer d’une force commerciale à l’étranger encadrée dans les incubateurs Implantis® d’ERAI.

 

Autre axe fort sur lequel nous travaillons depuis plus de 20 ans : la Chine. ERAI gère et anime l’Espace Rhône-Alpes à Shanghai, seul et unique pavillon français pérennisé suite à l’Exposition Universelle de 2010. Situé au cœur de la nouvelle zone d’affaires de la plus grande mégalopole d’Asie du Sud Est, ce  bâtiment est dédié au développement des entreprises et acteurs économiques français en République Populaire de Chine.

 

En termes de chiffres clés, ERAI c’est chaque année plus de 3 500 chefs d’entreprises rhônalpins rencontrés, près de 800 prestations individuelles à l’export réalisées par nos implantations à l’étranger, plus de 350 entreprises conseillées en matière de financements internationaux, plus de 3 800 décideurs étrangers rencontrés en direct, ce qui nous permet in fine de générer environ 25 000 contacts d’affaires dans le monde.

 

 

PdA : Quel y est votre rôle actuellement ? À quoi votre quotidien ressemble-t-il ?

 

P.-J.B. : Je suis Directeur Général Adjoint. Comme ma fonction le précise, j’accompagne le Président et le Directeur Général d’ERAI dans la mise en place et le développement de la stratégie, dans le suivi de nos objectifs et de nos équipes en France comme à l’international. Je suis très souvent sur le terrain aux côtés de nos partenaires économiques, consulaires, clusters ou pôles de compétitivité. Notre métier est un métier de relations humaines, de réseau, de maillage comme diraient nos amis québécois.

 

Je ne peux pas parler de quotidien car si une chose est vraie concernant l’international, c’est que le quotidien n’existe pas, chaque jour est différent, il faut savoir être réactif, sinon même proactif, il faut savoir s’adapter. Il faut surtout aimer ce qu’on fait, et je peux dire que l’international est inscrit dans mon ADN, c’est donc pour moi une évidence.

 

 

PdA : Le but premier de l'agence, c'est d'aider les entreprises rhônalpines à franchir le cap de l'international. Le mur de l'export franchi, ce sont de nouveaux débouchés qui s'offrent à elles, donc une solidité accrue et un développement favorisé (emploi, etc...). Vous avez rencontré de nombreux chefs de petites, voire de très petites entreprises. Quels sont les "points de blocage" qui reviennent souvent chez eux ?

 

P.-J.B. : La capacité à investir sur le moyen – long terme par manque de financement, souvent le manque de ressources humaines internes permettant de suivre le développement export… d’où l’intérêt pour ces TPE de pouvoir s’appuyer sur des organismes tel qu’ERAI pour les accompagner tout au long de leur projet export, de la recherche de financement à l’implantation.

 

Le plus compliqué dans l’international est de passer le cap du « one shot », nombreuses sont les entreprises qui font une belle opération mais qui ont ensuite du mal à pérenniser leur présence et accroître considérablement leurs ventes à l’export… Là aussi, les organismes régionaux ont un rôle à jouer dans les solutions proposées. Les incubateurs IMPLANTIS® mis en place par ERAI à l’étranger depuis près de 20 ans proposent un package clé en main « recrutement, hébergement, encadrement » ce qui permet à l’entreprise de pouvoir assurer sa présence sur le marché dans un cadre sécurisé et optimisé.

 

Dernièrement nous avons développé avec UBIFRANCE une nouvelle offre le « VIE – IMPLANTIS » qui combine le programme VIE et les services d’IMPLANTIS® et permet à l’entreprise de disposer pour un coût optimisé d’une force commerciale encadrée et hébergée à l’étranger.

 

 

PdA : Quel message souhaiteriez-vous adresser au "petit" entrepreneur - pas forcément rhônalpin - qui lirait cet entretien ? Avec, en toile de fond pour lui, une frilosité liée à une inquiétude quant à son avenir, la survie de sa boîte ?

 

P.-J.B. : Le contexte actuel, porté par un marasme ambiant, est forcément difficile. Nous nous rendons bien compte au contact des entreprises au quotidien que les chefs d’entreprises sont inquiets quant à l’avenir économique du pays, et donc par répercussion de leur entreprise. Sans avoir la prétention de penser que l’international peut tout régler, je suis en revanche persuadé que l’international peut, pour certaines entreprises, en fonction de leurs produits ou process, s’avérer une solution porteuse de croissance et donc d’une nouvelle dynamique.

 

 

PdA : Question liée. Vous faites partie - je le dis sans malice, vous avez travaillé dur pour cela - d'une certaine élite ayant embrassé, consciente de ses bienfaits, la mondialisation. Nombre de nos concitoyens n'ont pas à l'esprit ses aspects positifs, et c'est bien légitime. Ce qu'ils en perçoivent immédiatement, ce sont surtout les menaces. Menaces sur l'emploi, menaces sur le niveau des salaires du fait d'une concurrence internationale féroce... Ce sont des craintes que vous comprenez ? Vos visions sont-elles conciliables ?

 

P.-J.B. : La concurrence a toujours fait peur, alors qu’elle doit être selon moi stimulante et permettre de grandir.

 

Le spectre de la mondialisation est à mon sens dépassé. Je comprends les craintes de nos concitoyens, mais je vois sur le terrain les bienfaits d’une ouverture à l’international. L’entreprise qui, sur le marché français, voit ses parts de marché stagner, peut par la mise en place d’une stratégie export aborder des marchés qui lui permettront de générer un chiffres d’affaires qui lui permettra de ré-investir dans son outil de production, de maintenir, voire de créer de nouveaux emplois.

 

Il en va de même quant au spectre de l’investisseur étranger qui s’implante sur le territoire, et même si certains derniers exemples nous prouvent le contraire, nombreux sont les investisseurs qui par leur implantation ont permis à une entreprise d’être sauvegardée, à des emplois d’être créés….

 

Le but in fine de notre action est bien de créer des richesses, de la croissance et des emplois et absolument pas de fragiliser un territoire et ses entreprises. Sans international, il est difficile d’envisager un développement pérenne et croissant de l’entreprise.

 

 

PdA : Louis Gallois a remis il y a peu son rapport sur la compétitivité française au Premier ministre. Imaginons un instant que, sur la base de votre expérience en matière d'entreprises et d'économie mondialisée, le gouvernement vous demande d'en rédiger un avec pour objectifs le renforcement de notre tissu industriel et une présence accrue sur les marchés émergents. Quelles seraient vos recommandations ?

 

P.-J.B. : Déjà, je ne pense pas, très humblement, avoir les talents de Monsieur Gallois. Je peux sincèrement dire que je partage nombre de ses idées. C’est ensemble, tous réunis, que nous serons plus performants, c’est pourquoi nous proposons aux entreprises de travailler sous forme de consortium ou de missions collectives à l’étranger. Le financement des entreprises dans leur projet de développement est également essentiel et peut leur permettre de passer le cap nécessaire.

 

 

PdA : L'orientation générale de la politique impulsée depuis plusieurs mois par le président de la République, François Hollande, vous paraît-elle aller dans le bon sens s'agissant d'un retour à une bonne santé économique et financière de la France (pour ne parler que d'elle) ?

 

P.-J.B. : Oui, sans retenue !

 

Mais nous ne sommes pas seuls, il ne s’agit pas uniquement de la France, mais aussi et surtout d’une dimension englobant désormais l’approche européenne.

 

 

PdA : Des taux de chômage très élevés. Des taux de croissance en berne, notamment dans les pays que l'on qualifiait jadis d'"industrialisés". Des États hyper-endettés, condamnés à mener des politiques d'austérité néfastes pour la croissance immédiate. L'inquiétude, en tout cas l'absence d'optimisme - nous parlions tout à l'heure de frilosité - chez les différents acteurs, avec au final une paralysie des financements, des investissements, de la consommation, des échanges... La crise... une réalité omniprésente aujourd'hui. Elle frappe depuis cinq ans de larges pans du monde. Quel regard portez-vous sur cette situation ? Avez-vous réellement perçu, depuis la fin 2008 en particulier, une modification du climat des affaires, en France comme à l'étranger ?

 

P.-J.B. : Oui comme nous l’avons déjà observé, la situation est complexe, mais nous faisons aussi face à de nombreuses opportunités. En sortant des pré-carrés des pays industrialisés, en allant sur les pays émergents voire très émergents, de nombreuses places sont encore à prendre, et c’est aujourd’hui que les entreprises doivent se positionner.

 

 

PdA : Vous avez "vu du pays", si je puis dire, depuis votre arrivée à ERAI. Quels sont les visages, les lieux, les instants qui vous ont particulièrement marqué jusqu'ici ? Ceux dont vous vous souviendrez sans doute pendant longtemps ?

 

P.-J.B. : Je crois que chaque pays, chaque rencontre peut être marquant, du moment qu’on y prête attention, qu’on prend le temps d’écouter, de voir, de ressentir… Il m’est impossible de faire un choix, mais comment ne pas parler de l’Exposition Universelle à Shanghai, un événement hors normes dans une mégapole aux mille visages, à la réalité surprenante, à l’efficacité déroutante et à l’accueil sincèrement touchant. Je garde avec la Chine un lien particulier, c’est un pays qui s’ouvre de plus et plus, culturellement comme économiquement, je crois que nous avons encore de beaux projets à mener sur place. Plus près de nous, le Maghreb, et plus particulièrement le Maroc : là aussi un lien particulier, un attachement fort car dynamisme et optimisme sont liés. Tous les pays en fait m’ont marqué car tous sont porteurs de découvertes et de remise en question. 

 

 

PdA : Quelles sont les grandes leçons que vous avez tirées à titre personnel de ces voyages dans tant de pays différents ? Sur les différences au niveau du business, comme peut-être sur la façon de voir la vie ? Qu'aimeriez-vous nous transmettre ?

 

P.-J.B. : Travailler à l’international, c’est avant toute chose bannir les a priori, c’est être en mesure de recevoir et d’apprendre dans chaque rencontre faite. L’interculturel n’est pas un vain mot, les différences culturelles sont à prendre en compte dans la manière d’aborder le milieu des affaires de chaque pays. Vous n’allez pas négocier en Chine comme au Japon, même si ces deux pays sont sur le continent asiatique. Il en va de même au Canada, avec toute la spécificité du Québec, qui se distingue des États-Unis.

 

 

PdA : La découverte d'autrui permet sans nul doute de porter un jugement plus lucide sur sa propre situation. Quel est celui que vous portez sur la France ? Sur ses faiblesses ? Sur ses forces ? Sur son avenir ?

 

P.-J.B. : La France est un formidable pays. Ce sont les Français qui en ont une mauvais image, mais je peux vous dire que la France fait rêver de nombreux étrangers. Nous avons certes quelques points en notre défaveur, comme la complexité administrative, mais c’est aussi le cas du Brésil par exemple… Notre cadre de vie est envié par beaucoup et la capacité d’innover de nos entreprises recherchée. C’est à nous tous de travailler en faveur de l’image de la France.

 

 

PdA : Qu'est-ce qui fait l'importance d'une structure comme ERAI pour notre économie ? Pourquoi d'autres collectivités territoriales auraient-elles intérêt à s'inspirer de son modèle ?

 

P.-J.B. : ERAI est sur le terrain aux côtés des entreprises depuis plus de 25 ans, nous connaissons notre métier, nous nous sommes implantés à l’étranger dès l’ouverture des marchés européens.

 

La force d’une structure comme la nôtre est sa capacité à anticiper, s’adapter, avancer avec et pour les entreprises. C’est une équipe jeune, soudée autour d’une stratégie partagée et d’objectifs ambitieux.

 

 

PdA : Nous avons énormément parlé d'économie, de sujets finalement assez lourds... Je vous propose, si cela vous dit, de parler un peu de vous. Qu'est-ce qui, en dehors de vos heures de travail, vous détend, vous permet de vous ressourcer ?

 

P.-J.B. : C’est très simple : je suis profondément un homme des montagnes !!! J’aime pouvoir retrouver mes alpages le week-end venu, entre randonnée, ski et ….bon(s) repas entre amis.

 

 

PdA : Souhaiteriez-vous adresser un message à quelqu'un en particulier ?

 

P.-J.B. : Pas une mais quelques unes -rares !- : celles qui m’ont fait confiance et qui m’ont aidé à avancer.

 

Ces personnes en particulier me sont chères... très chères !

 

 

PdA : Un message pour nos lecteurs ?

 

P.-J.B. : Deux messages valables à mon sens, tant d’un point de vue personnel que professionnel : Oser prendre des risques et S’ouvrir aux autres.

 

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, Pierre-Jean Baillot ?

 

P.-J.B. : Continuer à voir le monde sous un œil -bleu et pétillant aussi longtemps que possible !- profondément optimiste ! 

 

 

PdA : Un dernier mot ? (Pour approfondir une question traitée précédemment ou parler d'autre chose...) Merci infiniment !

 

P.-J.B. : Il n’est d’aventure que partagée et collective.

 

 

 

Encore merci, cher Pierre-Jean Baillot, pour votre bonne humeur, pour votre message résolument positif. Phil Defer

 

 

 

Un commentaire, qu'il soit positif ou négatif, est toujours apprécié...

 

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20 février 2013

Julien Diez : "L'erreur de l'UMP est historique"

Le 12 février, l'Assemblée nationale adoptait en première lecture le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples homosexuels. Une première victoire tangible pour ses partisans, après des semaines de débats intenses, pas toujours de haute tenue de part et d'autre... Le clivage sur cette question de société se fait - pour faire très simple - entre "progressistes" et "conservateurs", tous étant persuadés, souvent de bonne foi, d'être dans le vrai s'agissant de défendre la famille, de protéger l'enfant. 329 voix pour. 229 voix contre. La majorité parlementaire a globalement fait bloc autour du "oui", l'opposition a largement défendu le "non". Seuls deux députés UMP ont voté le texte. Après l'interview de Frédéric Gal, directeur général du Refuge, après celle de Pierre-Henri Bovis, voici Julien Diez. Il est membre du bureau politique de GayLib, une association associée à l'UMP. À l'heure de nos premiers contacts, au mois de décembre, il est conseiller national auprès du parti. Mais ça, c'était avant... Merci à Julien Diez pour ses réponses à coeur ouvert ! Bonne lecture. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

JULIEN DIEZ

Membre du bureau politique de GayLib

Ex-conseiller national de l'UMP

 

"L'erreur de l'UMP est historique"

 

Julien Diez

(Photos fournies par Julien Diez)

 

 

Q : 09/02/13

R : 14/02/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Julien Diez. Qu'aimeriez-vous que nos lecteurs sachent à votre sujet avant d'aller plus loin ?

 

Julien Diez : La question me paraît piège. Disons que j'ai pour blason un triptyque de valeurs : la Disponibilité, l'Enthousiasme et l'Endurance. Je suis disponible pour tous les échanges, tous les débats. Je vis mon travail d'artiste et mes actions militantes avec un enthousiasme qui rend les choses bien plus faciles. Et je n'ai pas pour habitude de m'essouffler quand une chose me tient à coeur...

 

 

PdA : Lors de notre premier échange, au mois de décembre, vous êtes conseiller national de l'UMP, en charge des sujets de société et de l'économie créative... Qu'est-ce qui vous a poussé à vous engager de la sorte ?

 

J.D. : Je tiens à apporter une précision : les conseillers nationaux n'ont pas de charges précises. Ils peuvent être spécialisés dans certaines questions, certains aspects, mais ils ne sont pas "en charge de...".

 

Précisions à part, mon engagement libéral et humaniste, dans sa forme actuelle, a pris source lors de mes études aux beaux-arts de Londres en 2006-2007. La situation sociale de certains Londoniens, l'état des services de santé, le communautarisme à la carte... ont fini de m'ouvrir les yeux sur les valeurs et la grandeur du modèle républicain français.

 

En rentrant en France, je ne pouvais pas occulter la prise de conscience qui avait été la mienne en Grande-Bretagne. Artiste de métier, l'engagement, le partage, la communication, l'échange font partie de ma vie. Le déplacement de cet engagement vers un engagement politique et militant s'est fait assez naturellement. Aujourd'hui, je ne puis même plus parler de glissement tant l'action d'artiste et l'action politique sont pour moi forgées dans une même démarche.

 

 

PdA : En parallèle, vous êtes membre du bureau politique de GayLib, un mouvement alors associé à l'UMP et qui, d'après votre site, "œuvre en faveur de l’égalité pour les personnes LGBT, dans un esprit républicain et humaniste". Pouvez-vous nous en dire davantage ?

 

J.D. : GayLib est pour moi un engagement supplémentaire, je ne puis exclure ce que je suis dans ma vie intime et amoureuse.

 

Gaylib, c'est aussi pour moi l'idée qu'il n'y pas de différences entres les citoyens français, quels que soient leur sexe, leur ethnie, leur confession. J'avais complètement adhéré au slogan de l'UMP lors de son université d'été 2011, "le parti des droits et des devoirs". Mais encore faut-il que ceux qui ont les mêmes devoirs, aient les mêmes droits.

 

Plus jeune, j'ai eu des amis qui en ont fini avec la vie du fait d'être homosexuel(le)s, et de ne pas pouvoir assumer le rejet social, de leur famille, et/ou de leur entourage. Ce sont des événements qui marquent l'histoire d'un individu. Cette histoire, c'est aussi la mienne, comme beaucoup d'homos qui en ont vu d'autres se détruire du fait du rejet des autres. Le suicide comme les phénomènes d'auto-destruction sont des fléaux dont la responsabilité est (au moins partiellement) une responsabilité collective.

 

Pour autant, l'adhésion à un mouvement LGBT n'allait pas de soi, pour moi. Je ne voulais pas devenir le "Gay de droite" ou entrer dans une case bien établie. Je ne voulais pas devenir la caution homosexuelle de ma famille politique, comme il peut en exister à gauche à Bordeaux et qui, malheureusement, sont loin de se distinguer par de brillantes interventions.

 

Ce qui m'a conduit à adhérer à Gaylib, puis à monter la délégation Aquitaine du mouvement, c'est la conviction qu'ici, à Gaylib, il n'y a pas de place pour les communautarismes à la carte.

 

L'idée première est celle d'une France plus juste, plus belle, méritocratique et qui respecte sa devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité. À la différence de quelques autres associations LGBT, nous ne débattons pas qu'avec ceux qui sont préalablement d'accord avec nous, bien au contraire, nous allons à la rencontre de ceux qui nous sont les plus hostiles. On ne fait rien avancer à cultiver l'entre-soi.

 

Mon engagement à Gaylib pourrait se résumer par une phrase de Roselyne Bachelot devant l'Assemblée pour défendre le PACS : "La France ne reconnaît qu'une communauté, la République".

 

J'invite d'ailleurs tous ceux qui ont un profond respect pour notre devise républicaine à nous rejoindre. S'il n'y a pas besoin d'être noir pour se battre contre le racisme, il n'y a évidemment pas besoin d'être lesbienne, gay, ou trans pour se battre contre l'homophobie ou la transphobie.

 

 

PdA : Les jours passent... Quelques déclarations controversées sur le mariage pour tous et l'ouverture du droit d'adopter aux couples homosexuels en tant que tels... Une participation visible à la manif nationale également estampillée "pour tous". Janvier 2013 : "GayLib quitte l'UMP". Le communiqué dénonce un "parti réduit à son expression la plus rétrograde". Vous vous dites quoi, à ce moment-là ? "Trop, c'est trop" ?

 

J.D. : Tout d'abord, je tiens à vous remercier de citer cet excellent communiqué de la présidente de Gaylib, Catherine Michaud. Il me semble qu'il en dit long sur ce qui a mené à cette dénonciation des accords qui nous associaient à l'UMP. Il traduit aussi un consensus chez les Gaylibiens. Notre mouvement avait pour devoir de quitter l'UMP, nous n'avions plus d'espace pour y travailler plus longtemps.

 

Il y a bien des personnes qui ne sont pas (encore) favorables au mariage, et pour qui j'ai de la considération. Il y a bien des élus qui sont hostiles à l'adoption par des couples de même sexe et pour qui j'ai du respect, et avec qui j'ai pu travailler en bonne intelligence. Tout le monde n'évolue pas à la même vitesse sur ces sujets.

 

Par contre, ce que je ne supporte pas, c'est que la démagogie devienne un processus idéologique. Comme celle qui consiste à dire que l' Union civile, qui était au programme de Nicolas Sarkozy en 2007, est abandonnée sous couvert d'une prétendue inconstitutionnalité en 2009. Et retomberait dans le passage clouté de la Constitution avec la perte de toutes les élections intermédiaires par ceux qui l'avaient mise dans leurs programmes. L'UMP veut nous faire croire que ce qu'ils n'ont pas fait étant au pouvoir, ils le feraient en étant dans l'opposition ?

 

Au delà de la médiocrité qui qualifie, à mon sens, la démarche précédemment citée, la ligne rouge a été franchie quand mon ancien parti politique a appelé à manifester, main dans la main avec le FN, pour que des citoyens français aient moins de droits que d'autres. Ce type d'appels à la manifestation ne correspond pas à ma conception d'un mouvement politique responsable, ni à ma vision de la République.

 

Quand des centaines de milliers de personnes défilent en famille, avec de jeunes enfants, des pré-adolescents, avec des slogans haineux à l'endroits des homosexuels, sous prétexte de la défense des enfants à venir... ceux-là pensent-ils que statistiquement, au moins 8% de ces enfants seront eux aussi des homosexuels ? Ceux-là même qui ont défilé en janvier contre le mariage pour tous avec ces discours ségrégationnistes, pensent-ils au séisme que cela produira quand ces enfants se rendront compte de leur propre homosexualité ? Ils disaient défendre les enfants en refusant des droits à d'autres, ce qui est certain, c'est que beaucoup ont détruit leurs enfants, durablement.

 

Je ne suis pas partenaire de cette démagogie, de ces manifestations haineuses ou de ce mépris pour le principe de réalité. Et puisque je parle souvent de responsabilité, je me devais à moi-même de me l'appliquer. Voulant demeurer intègre, je n'avais plus que le choix de la démission et du départ.

 

 

PdA : L'UMP, dont vous étiez membre il y a encore quelques semaines, est un parti essentiellement conservateur. Espériez-vous sincèrement que ses membres allaient épouser majoritairement cette cause, clairement libérale au plan sociétal ? Avez-vous réellement été déçu par l'UMP ?

 

J.D. : Je n'ai pas feint ma déception. Si je m'attendais à quelques dérapages (il serait faire preuve de langue de bois que de ne pas le dire), j'imaginais que l'UMP saurait tirer l'expérience du PACS... Mais il est vrai que je ne m'attendais pas à ce que l'UMP tombe dans cette course à l'horreur.

 

Ce qui continue de m'étonner depuis mon départ de l'UMP, c'est qu'aucune sanction n'ait été émise contre les députés qui ont entaché leurs écharpes de gras et de honte pour la fonction qu'ils représentent.

 

Pour moi, l'erreur de l'UMP est à la fois historique et politique, comme l'avait dit Emmanuel Blanc, ancien président de Gaylib, dans d'autres circonstances.

 

Une faute historique, d'abord. Que sont devenus ceux qui étaient contre la fin de l'esclavage, contre la fin de la ségrégation, contre le droit de vote des femmes, contre le droit à l'IVG, contre la fin de la peine de mort... ? Peu de choses, sinon des personnalités dont on rit, et dont on a oublié le reste des travaux, occultés par le ridicule de leur opposition d'alors. Concernant le mariage pour tous, l'Histoire ne fera probablement pas exception, rieuse de ceux qui n'ont pas vu qu'ils avaient déjà 15 ans de retard.

 

Une faute politique ensuite. L'UMP est ce mouvement qui a permis les journées de lutte contre l'homophobie en milieu scolaire grâce à Xavier Darcos, qui a permis la journée mondiale de lutte contre l'homophobie avec l'IDAHO (International Day Against HOmophobia, ndlr) et Rama Yade. L'UMP a aussi permis l'inscription de la réalité des familles homoparentales, de la théorie du genre dans les livres scolaires. Pour ne parler que de l'aspect éducatif du bilan de Gaylib et de l'UMP lors de la dernière législature, c'est un bilan qui a durablement préparé la société française à être favorable à l'Egalité des droits pour tous, et y compris pour les homosexuels.

 

Je suis aussi déçu de ce manque de clairvoyance. Je ne pensais pas que les cadres de l'UMP allaient commettre cette double erreur, qui les coupe d'une partie importante de la population française.

 

 

PdA : Vous imaginez-vous adhérer à nouveau à l'UMP un jour ? Auriez-vous un message à adresser à vos anciens camarades ?

 

J.D. : Je pense pouvoir faire à nouveau la campagne d'élus de droite un jour, oui. Je le souhaite pour les municipales, avec une exigence bien plus pointue envers celles et ceux auxquels j'apporterai mon soutien. Je ne suis pas devenu un homme de gauche en 15 jours, mes valeurs n'ont pas changé. De là à reprendre une carte à l'UMP aujourd'hui, cela me paraît inconcevable... J'ai d'ailleurs adhéré à l'UDI, comme beaucoup d'humanistes qui ont quitté l'UMP.

 

Pour mes anciens camarades, à Bordeaux, il règne un climat politique plus paisible, la figure tutélaire d'Alain Juppé n'y est certainement pas pour rien. Ils sont cependant nombreux à ne pas renouveler leur adhésion à l'UMP, lassés de se voir passer pour des extrémistes. Je les invite alors à faire une démarche de militant, à ne pas épuiser leurs énergie à écoper le Titanic avec une bouteille de 50 cl, et à rejoindre l'UDI.

 

En disant cela, je ne puis m'empêcher d'avoir une pensée pour nombre d'entre eux dont je connais le talent, et en particulier à quelques élus de la région bordelaise qui ont su grandir ma vision de l'UMP et pour qui je garde une amitié sincère. Je pense à Anne-Marie Cazalet, Laetitia Jarty, Pierre de Gaétan ou Nicolas Florian, par exemple. Pour moi, ils n'ont en rien perdu de leurs superbe, malgré les événements récents.

 

Il y a maintenant une force de droite à construire avec les énergies libérales, humanistes et républicaines. Cette force, c'est l'UDI, et c'est là que se porte mon engagement aujourd'hui.

 

 

GayLib

 

 

PdA : Revenons au fond, au coeur du sujet... Vifs, les débats l'ont été, et cela continue... Dans la société, au parlement... Dignes ? Pas toujours... Que vous inspire cette "séquence" de la vie publique ?

 

J.D. : Souvent, j'espère des coupures électriques dans les antennes d'émissions de nos chaînes de radio, de télévision. Des panne de rotative chez les imprimeurs... J'espère secrètement... Puis, je me dis que l'information libre, c'est la force d'une Démocratie saine.

 

Parfois, je suis tellement affligé par ce que je peux entendre... que j'en deviendrais grossier. Alors, je coupe la télévision ou ferme mon journal.

 

Les Français n'ont pas la mémoire courte. Je "crains" le même avenir qu'aux anciens députés de la "droite populaire", décimés par les urnes aux dernières législatives. Il y a ici des députés indignes de porter l'écharpe tricolore.

 

 

PdA : Quelle sont, à titre personnel, vos positions sur les questions du mariage pour tous, de l'ouverture du droit à l'adoption pour les couples homosexuels en tant que tels ? Quid de la procréation médicalement assistée (dont la gestation pour autrui), serait-il légitime, d'ailleurs, de traiter ce sujet en même temps que les autres ?

 

J.D. : Je suis favorable à tout cela. Au mariage pour les couples de même sexe. À l'ouverture du droit à l'adoption pour les couples homosexuels. Pour la procréation médicalement assistée et pour la gestation pour autrui encadrée.

 

Je distingue la PMA (Procréation Médicalement Assisté) et la GPA (Gestation pour autrui). La procréation médicalement assistée existe déjà depuis 30 ans en France, elle ne justifiait donc pas une ouverture du conseil d' éthique dans la mesure où la technique n'a pas changé. Dans la mesure où l'on accepte la France comme étant réellement le pays des Droits de l'Homme et des libertés, si les homosexuelles sont des citoyennes comme les autres, alors oui, elles doivent avoir droit à cette ouverture aux mêmes dispositifs que ceux que peuvent avoir les hétérosexuelles. La PMA pouvait, pour moi, être traitée en même temps que la question du mariage.

 

Pour la GPA, il en va autrement. Le risque demeure que la marchandisation du corps, contraire au droit français, soit amorcée par ce biais. Le gestation pour autrui nécessite donc un encadrement bien spécifique, avec des structures, et des parcours à établir, en cela ce dispositif nécessite un débat à part. J'y suis favorable. Regardons, par exemple, du côté de la Grande-Bretagne, où les femmes qui l'utilisent le font surtout par générosité, altruisme, envie d'aider, et libération de leur corps. Si je suis pour la GPA, je ne le suis pas à n'importe quelles conditions.

 

 

PdA : Sur la base de quels témoignages, de quels arguments souhaiteriez-vous tenter de convaincre les sceptiques sur l'ensemble de ces points ? Vous avez la parole...

 

J.D. : Cela pourrait être long. Le plus simple est encore de venir à notre rencontre. Chaque exemple, chaque argument se doit d'être personnalisé. Je vais simplement tenter d'être le plus synthétique possible.

 

Je pense avant tout que la parole de l'Amour est celle qui a la plus grande valeur. Celle d'une femme qui aime profondément une autre femme. Celle de ces dizaines de milliers d'enfants qui vivent déjà dans des familles homoparentales, et qui sont dans un consensus extrêmement large sur leurs modèles familiaux.

 

Il y a aussi le fait qu'en août 2011, l'Association internationale de (pédo-)psychiatrie a conclu la plus longue étude de son histoire, statuant que rien ne s'opposait dans le développement de l'enfant à ce qu'il soit éduqué par un couple de personnes de même sexe. Cette année, en France, l'association des psychanalistes a également rédigé une lettre ouverte dans ce sens. Ceux qui s'inquiètent du développement de l'enfant sont-ils réellement plus savants que ceux-là ?

 

 

PdA : Vous vous êtes impliqué sans compter dans cette bataille. Une vidéo l'illustre... Ce combat est presque gagné. Il y a des images, des instants, des rencontres qui resteront gravés en vous ? Dans quel état d'esprit êtes-vous aujourd'hui ?

 

J.D. : Des images, des rencontres, il y en a évidemment beaucoup. D'autant plus que ce n'est pas un combat récent. Je pense à cette dame de l'âge de ma propre mère qui est venue me voir en marge d'une manifestation pour me remercier de ce que je faisais pour son garçon, me disant qu'elle avait mis longtemps à comprendre à quel point c'était difficile pour lui, et son besoin de soutien familial, comme tout un chacun. Une rencontre confession, extrêmement émouvante.

 

Au milieu de ces instants, il y a évidemment plusieurs discours de Madame Taubira, plusieurs de ses réponses à l'Assemblée Nationale, qui marqueront l'Histoire. Je ne partage pas ses positions politiques, mais comme il est permis à un homme de gauche de saluer le travail de Madame Veil, je n'ai aucun mal à applaudir le travail et le courage de Madame Taubira.

 

Je pense aussi à ce journaliste un peu brusque, qui interviewant un couple de mères avec leur petite fille, tend le dictaphone à la petite pour lui demander si elle sait pourquoi elle manifestait ce jour là, et la petite fille de répondre, "Oui, pour que ma maman là, ça soit aussi ma maman pour de vrai"... Une émotion m'avait alors parcouru tout entier devant la vérité de cette spontanéité.

 

Concernant mon état d'esprit, il demeure combatif. L'ouverture du mariage aux couples de même sexe a été voté hier. Le moment est historique, mais les combats qu'il reste à gagner ne sont pas des défis à la marge pour moi.

 

 

PdA : Vous êtes un spécialiste de ce que l'on appelle la transidentité au sein de GayLib. Un problème dont on entend peu parler...

 

J.D. : La transidentité est pour moi un volet extrêmement important. Il montre aussi comment parfois au sein de la communauté LGBT, (lesbiennes, gays, bi, trans) le "T" peut être oublié par les autres. La situation des trans, que se soit vis-à-vis des parcours de santé ou de l'accès aux papiers d'identités est souvent proche de l'inhumanité. Il y a un travail immense à abattre ici.

 

Roselyne Bachelot, avec la dépsychiatrisation des trans, a profondément changé la perception de ces personnes. Michèle Alliot-Marie a elle permis une plus grande liberté pour que les juges puissent accorder des papiers d'identité dans des parcours de dignité. Plus qu'une directive ministérielle, nous avons aujourd'hui besoin de lois pour protéger ces citoyens.

 

Il est vrai que les embûches mise au devant des trans pour les ralentir dans leurs processus est inacceptable. Leurs interlocuteurs comprennent hélas rarement qu'il en va de leurs survie que de rétablir une identité conforme à ce qu'ils sont au fond d'eux, et le rejet de leur accès à de nouveaux papiers d'identité ne peut que les pousser dans des situations de détresse sociale inacceptable.

 

 

PdA : Quelles devront être, demain, les barrières à abattre pour tendre à l'accomplissement de ce principe qui vous tient tant à coeur, celui d'égalité ?

 

J.D. : Aujourd'hui, je vous propose de prendre quelques jours pour savourer le vote du mariage. Pour ma part, le combat ne s'arrête pas là, notamment vis-à-vis de la question "trans" dont on a abordé certains des problèmes quotidiens. Si la solidarité de tant d'hétéros envers l'égalité des droits me ravit, je ne puis me défausser. Je ne suis pas trans moi-même, mais je tiens à me battre contre cette injustice qui me révolte profondément.

 

Concernant l'égalité, il y aura la gestation pour autrui à encadrer, la procréation médicalement assistée à faire voter, la question du don du sang dont les homosexuels sont toujours exclus... L'exclusion familiale, les maisons de retraites peu ou pas adaptés pour les couples de personnes de même sexe, la prévention contre les violences homophobes... les trans.... Sur tous ces sujets, il y a encore énormément à faire.

 

 

PdA : Que peut-on vous souhaiter, Julien Diez ?

 

J.D. : Il y a quelque temps, on m'avait fait une demande en mariage, non sans humour. Une jolie alliance et un costume de cérémonie ne serait pas de refus. Dans un village perdu ou dans une petite capitale régionale faisant face à la mer... 

 

Ceci dit, suite à ce combat, j'ai quelque peu délaissé mes expos, mon travail d'artiste et mes créations. Les retrouver avec le même succès que le vote d'hier ne me déplairait pas.

 

Vous pourriez aussi me souhaiter de voir disparaître Gaylib, parce que, tous autant que nous sommes, nous n'accepterons complètement cette disparition que quand nous aurons la conviction que nous avons mené toutes nos missions à bien. Je conçois que ça soit quelque peu utopique, mais on ne se bat pas pour que les choses ne soient qu'à moitié réalisées.

 

 

PdA : Un message pour nos lecteurs ? Pour quelqu'un en particulier ?

 

J.D. : Oui. Un mot pour le lecteur qui aura eu la patience et l'envie de lire cette interview jusqu'au bout. Je lui note un intérêt dont je ne peux que le remercier. Merci de ce temps.

 

S'il le souhaite, il peut continuer à suivre Gaylib depuis notre site www.gaylib.org. Il peut y adhérer pour nous aider à continuer notre combat.

 

Ce lecteur peut aussi nous rejoindre sur les réseaux sociaux, sur Facebook, sur le groupe Gaylib Aquitaine pour mes voisins régionaux, ou sur Twitter @Gaylib.

 

Par ailleurs, mon site retrace et développe bien des éléments abordés ici www.juliendiez.fr. Il est ouvert aux commentaires et à l'appréciation de chacun.

 

 

PdA : Un dernier mot ? Merci infiniment !

 

J.D. : Mon dernier mot, de mon côté, consistera naturellement en un renouvellement de mes remerciements pour m'avoir donné la parole avec tant de précision dans vos questions.

 

À bientôt !

 

 

 

Merci encore, Julien Diez, pour votre témoignage touchant. Pour l'enthousiasme avec lequel vous défendez les causes qui vous sont chères ! Phil Defer

 

 

 

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17 février 2013

Samuel Grzybowski : "D'abord se parler..."

À la mi-janvier, j'ai proposé à Samuel Grzybowski de l'interviewer pour Paroles d'Actu. Il m'a donné son accord, avec enthousiasme. Mes questions, qui lui ont été transmises le 20 janvier, portent sur l'objet, l'organisation et les activités de l'association Coexister, qu'il a fondée et qu'il préside. Sur le grand "tour" interreligieux qu'il entreprendra bientôt. Sur l'Église, celle de Vatican II, celle de demain. Fervent Catholique, Samuel Grzybowski plaide inlassablement pour que dialogues et échanges s'établissent entre les différentes religions. Un véritable sacerdoce. Peu après l'envoi de mes questions, une décision vécue comme "injuste, incohérente et scandaleuse" est intervenue. Une décision relayée par la presse : l'association Coexister perd son statut d'intérêt général. Un nouvel obstacle qui n'entamera pas la détermination sans faille de ce jeune homme d'à peine 21 ans...

 

Ses réponses, Samuel Grzybowski me les a transmises oralement, le 10 février (j'ai souhaité retranscrire l'enregistrement en en conservant la spontanéité). Quelques heures plus tard, une nouvelle est annoncée, elle fera réagir bien au-delà des frontières du monde catholique : le pape Benoît XVI renonce à sa charge, estimant qu'étant donné l'avancement de son âge, ses forces ne lui permettent plus de l'assumer convenablement. Une décision sage, empreinte de lucidité et d'humilité venant d'un homme, Joseph Ratzinger, qui a eu le courage de reconnaître, tout pape qu'il était, qu'il était humainement faillible. Samuel Grzybowski a accepté de me confier sa réaction (17 février), en marge de notre entretien : "Je suis particulièrement admiratif de cette décision. Sa capacité a surprendre révèle la force d'une Église éternellement jeune, toujours renouvelée !" Voilà pour l'actualité. Place à Samuel Grzybowski, 21 ans à peine. Place à demain, un demain résolument optimiste quant à une coexistence pacifique des Hommes... Merci ! Bonne lecture. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

SAMUEL GRZYBOWSKI

Président-fondateur de l'association Coexister

 

"D'abord se parler..."

 

Samuel Grzybowski

(Photo fournies par Samuel Grzybowski)

 

 

Q : 20/01/13

R : 10/02/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Samuel Grzybowski. Avant d'aller plus avant, qu'aimeriez-vous que nos lecteurs sachent à votre propos ? Quelle place la foi tient-elle dans votre vie ?

 

Samuel Grzybowski : Je suis étudiant en double licence Science Politique - Histoire politique à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Cela fait trois ans que j'étudie au sein de cette université, je suis en troisième année de licence.

 

Je suis également et surtout le président et fondateur de Coexister, le mouvement interreligieux des jeunes dans lequel je me suis engagé il y a maintenant quatre ans et dans lequel je crois discerner une part importante de ma vocation.

 

La foi tient une place fondamentale dans mon existence. C'est en m'engageant que je donne corps, que je donne cohérence à cette foi.

 

 

PdA : Vous êtes le président de l'association Coexister, que vous avez créée en 2009. Racontez-nous ce cheminement personnel qui vous a conduit à vous engager ainsi, pour cette cause ?

 

S.G. : Mon cheminement, je le décrirais en trois temps.

 

D'abord, l'école primaire dans laquelle j'étais. Sur 300 élèves, 42 nationalités étaient représentées. 7 religions, et trois principales sphères sociales. Des enfants d'ambassadeurs, qui étaient là puisqu'il y avait un internat pour les jeunes d'écoles primaires. Des enfants placés par la DDASS. Des enfants de la petite bourgeoisie du 15è, dont j'étais issu. Dans cet établissement, les jeunes de toutes sensibilités, de toutes religions, de toutes cultures coexistaient de façon pacifique. Du coup, j'ai eu la chance de pouvoir banaliser, dans le bon sens du terme, la diversité dès mon plus jeune âge comme quelque chose de constructif et de favorable à l'épanouissement. J'avais créé un club des cinq dans lequel il y avait deux Asiatiques, un Arabe et deux Occidentaux. Je leur rends hommage encore aujourd'hui, ils m'ont beaucoup apporté pendant cinq ans. On était une bande d'amis inséparables. J'ai pris conscience que les liens se tissaient notamment sur l'importance de la différence.

 

Un deuxième évènement fondateur, c'est le scoutisme. J'ai été scout pendant plus de huit ans. J'ai participé au Jamboree mondial en 2007 à Londres, qui avait lieu pour les cent ans du scoutisme sur les traces du premier camp scout. Celui-ci était sur Brownsea Island, juste en face de Londres, dans la mer, évidemment. Là-bas, j'ai fait une autre rencontre, une autre prise de conscience assez fondamentale. Déjà, que le scoutisme n'était pas chrétien, il était d'abord musulman. Il y a plus de scouts musulmans sur terre que de scouts chrétiens. Et que le scoutisme abritait une diversité phénoménale. On prenait conscience, une fois sur place, qu'il y avait des scouts du monde entier, unis par le foulard, unis par la chemise, unis par des valeurs communes, comme celles de Baden-Powell. Unis par des citations, des phrases affichées en grand au-dessus de la scène principale. Je me souviens de cette phrase, "Essayez de repartir de ce monde un peu plus beau que vous ne l'avez trouvé en arrivant" ou "Soyez le changement que vous voulez voir advenir pour le monde". Et en même temps, au-delà de cette unité très forte, il y avait une très grande diversité. Beaucoup de religions, beaucoup de cultures. Évidemment des milliers d'origines géographiques. 50 000 scouts qui venaient de 195 pays, de mémoire. Quelque chose de colossal. Ce paradoxe entre l'unité et la diversité m'a beaucoup appris. J'ai découvert très tôt que c'est par le caractère irréductible de nos différences que l'unité devient, elle, indestructible. L'unité ne peut pas s'appuyer sur des ressemblances, parce que les ressemblances ont tendance justement, parfois, à oublier la différence comme quelque chose de coercitif. Et à tort, on considère que la différence est inférieure ou subordonnée à la ressemblance. Je pense que c'est un risque, puisque la différence, les identités singulières reviennent souvent sur le devant de la scène. Si l'on n'apprend pas très tôt à les appréhender comme quelque chose de favorable à l'unité, ça pose problème. Très sincèrement, je dirais, de par mon expérience que c'est justement l'irréductibilité de nos différences qui rend indestructible l'unité.

 

Troisième évènement dans ce cheminement, la participation au train de la mémoire. Vers Auschwitz, en novembre 2008. J'ai participé à une expédition hors du commun. 28 heures de train dans un sens, 28 heures de train dans l'autre. Avec deux amies, une amie juive, une amie musulmane. Avec elles, j'ai eu la chance de lire les noms, en plein milieu du camp d'Auschwitz-Birkenau. Cette lecture à trois voix a aussi changé ma vie. C'était juste trois mois avant la création de Coexister. C'est donc en janvier 2009, trois mois plus tard, au moment de l'Opération Plomb durci que je participe à une manifestation contre l'importation du conflit en France. C'est au sein de cette manifestation que je lance un appel, un peu improvisé. Je propose alors aux jeunes de se joindre à moi pour créer une initiative interreligieuse entre jeunes.

 

 

PdA : À quoi la vie de l'association ressemble-t-elle ? Quelles sont ses activités au quotidien ?

 

S.G. : La vie de l'association au quotidien, c'est du travail ! (Rires) D'abord. Du travail, beaucoup de travail, encore du travail. Il y a beaucoup de projets à organiser. Il ne se passe pas des choses tous les jours mais il y a de gros évènements, plusieurs fois par an. Coexister oriente son action autour de cinq domaines :

- le dialogue interreligieux. Comment est-ce qu'on se parle, comment est-ce qu'on se respecte... ;

- la solidarité interreligieuse. Le fait d'agir ensemble avec des personnes de provenances différentes mais avec une destination commune ;

- la sensibilisation interreligieuse. Éveiller les consciences des lycéens, des collégiens, des étudiants... ;

- la formation interreligieuse. Pour donner des outils concrets, des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être ;

- les voyages interreligieux. Pour mettre dans un même "panier de crabes" des jeunes de différentes religions, ensemble, H24, nuit et jour, et les laisser appréhender, apprendre ce que cela implique.

 

Pour mener de front ces cinq domaines d'actions qui sont réalisés par nos dix groupes locaux aujourd'hui, nous avons une équipe nationale avec 37 jeunes actifs dont 10 qui constituent le comité de direction de l'association. Chaque groupe local est dirigé par un comité de pilotage d'au moins 7 jeunes aidé par un service civique volontaire à plein temps. Au niveau national, nous avons 9 temps partiel et un temps plein qui travaillent. Tous ces jeunes qui travaillent participent à donner du corps au mouvement. Je suis frappé au quotiden par ce travail, toujours dans la bonne humeur, parfois l'humour. Certains observateurs qui viennent nous voir disent qu'ils ont l'impression de voir une start-up, c'est-à-dire le contraste entre beaucoup de sérieux, beaucoup de professionalisme et en même temps beaucoup de déconnade. Il y a du café qui traîne, il y a de quoi manger partout... On est vraiment dans une logique de création et de croissance.

 

 

PdA : Quel bilan établissez-vous de la vie de Coexister depuis sa fondation ?

 

S.G. : Il faut laisser les chiffres parler, quatre ans plus tard. On était 11 au départ, on est 300 maintenant. Il n'y avait qu'un seul groupe, on en a 10. On n'avait réalisé qu'un seul projet, on en a réalisé plus d'une cinquantaine. On a rencontré 7000 jeunes. On en a formé 150. Emmené 75 en voyage. Pratiquement 500 jeunes ont participé à des programmes de dialogue. Le budget de l'association est également révélateur, il est passé de 900 à 30.000€ en trois ans. On a un prévisionnel de 100.000 cette année.

 

Au-delà des chiffres, pour moi, le bilan est très positif. On constate que l'avion décolle et qu'il est loin d'avoir atteint sa vitesse de croisière. Surtout, on a le sentiment de répondre à une vraie demande. Coexister n'a rien provoqué pendant trois ans, rien. On n'a fait que répondre à des demandes, à des besoins. Quand on crée un programme de dialogue, c'est parce que sur place, des jeunes ont envie de se rencontrer. Les opérations de solidarité marquent peut-être l'exception dans le sens où c'est vraiment le seul type de projet que l'on initie nous-même. Les 150 sensibilisations réalisées en deux ans ne sont que des réponses à des sollicitations d'établissements. Nous n'avons jamais fait de pub auprès d'un établissement. C'est toujours eux qui viennent nous chercher parce qu'il y a besoin de sensibiliser les jeunes sur place. Nos formations répondent à une demande en interne. Nos voyages également.

 

 

PdA : Vous vous apprêtez à entreprendre un tour du monde interreligieux (InterFaith Tour) visant à encourager des initiatives d'échange et de coopération entre les grandes fois monothéistes. Parlez-nous de cet ambitieux projet ?

 

S.G. : Il ne s'agit pas tout à fait d'encourager les initiatives d'échange et de coopération entre les grandes fois. C'est plutôt aller rencontrer ce qui existe déjà dans le monde. Nous, on pensait qu'on allait galérer comme des oufs pour chercher des initiatives. En fait, le plus difficile n'a pas été de les chercher mais de les choisir. Il y en a partout. Dans tous les pays, dans tous les continents, il se passe des choses interreligieuses. On sent que notre génération a cette double spécificité d'être à la fois engagée sur le terrain du social, l'action sociale - ce sont des projets qui rassemblent, donc le but n'est pas de s'accorder sur nos fois mais d'accorder nos fois sur la paix. Ça, c'est la première spécificité. La deuxième, c'est que ce sont les jeunes qui se munissent souvent de ce dialogue, sous différentes formes. J'en relève trois, de mes observations internationales :

- les sections jeunes de mouvements internationaux d'adultes, très important. Je voudrais rendre hommage, en particulier, à l'International Council of Christians and Jews (ICCJ), qui est en fait l'Amitié judéo-chrétienne mondiale. Sa section Jeunes, le Young Leadership Council, est très active. Elle rassemble des Juifs et Chrétiens du monde entier, une fois par an, dans une ville. D'ailleurs, cette année, c'est plutôt étonnant, c'est à Aix-en-Provence que ces jeunes se rassemblent. Coexister est heureux et fier d'accueillir le bureau de cette Amitié judéo-chrétienne mondiale des jeunes, une semaine en mars pour les préparatifs. Voilà, pour l'actualité.

- les organisations "umbrella" (parapluie). Elles rassemblent des représentants. Les jeunes ne sont pas là en tant qu'eux-mêmes, ils sont là pour représenter des organisations juives, musulmanes, chrétiennes.

- la typologie Coexister. Des jeunes sont là en tant qu'eux-mêmes, qui ne sont pas une section d'un mouvement plus grand. Là où il y a vraiment une vie associative indépendante et autonome. Sur Terre, on en relève seulement deux. Interfaith Youth Core, à Chicago, fondée et dirigée par Eboo Patel, un Musulman américain très connu. Et Coexister, en France.

 

Le projet va durer 12 mois. Nous partons vers l'est. Nous nous arrêterons un mois dans chacun des pays suivants : Israël-Palestine, Turquie, Inde, Malaisie, États-Unis. Nous ferons des road-trips de deux mois en Europe, un mois en Afrique, un mois en péninsule indochinoise, un mois en Amérique du sud. Nous finirons ce tour, après dix mois de globetrotting, par deux mois de tour de France. Le programme est déjà prêt. Si vous voulez nous inviter chez vous, c'est avec grand plaisir, partout où vous êtes, partout où on nous le demande. Nous allons passer à peu près une demi-journée ou un jour par département en France. Nous ferons tous les départements. Donc, n'hésitez pas à nous prévenir et nous dire que vous êtes intéressé, que vous soyez une collectivité territoriale, une association, une entreprise, un établissement scolaire...

 

 

PdA : Quels sont, d'après vous, les obstacles majeurs à l'harmonie interreligieuse à travers le monde ? Ces troubles trouvent-ils essentiellement leur origine dans une incompréhension de la foi d'autrui, d'ailleurs ? Les religions ne sont-elles pas, souvent, instrumentalisées par quelques excités extrémistes, utilisées à dessein, sans scrupule et sur le terreau de problèmes politiques, économiques, sociaux, identitaires pour imposer leurs idées ?

 

S.G. : La réponse est dans la question : c'est évident que oui. Les problèmes sont souvent liés, dans leur immense majorité, à des problèmes politiques, sociaux, économiques.

 

Les obstacles, on les connaît. J'en relève deux, en fait :

- le premier obstacle regroupe, à mon avis, tous les autres. C'est celui de vouloir imposer son identité à l'autre parce que c'est la bonne, c'est la vérité, le droit chemin... ;

- le deuxième écueil, tout aussi dangereux à mon avis, c'est celui de vouloir se dissoudre dans l'autre. C'est un peu la mode actuelle... On entend beaucoup dire que la différence est un problème... Comme si la ressemblance était plus élevée que tout. Je ne suis pas d'accord avec cette conception. Je pense que la différence a une place noble dans les relations entre les gens. Qu'il faut respecter cette place, justement pour respecter les identités singulières et dépasser cette logique selon laquelle seule la ressemblance rassemblerait. La différence rassemble, il faut qu'on arrête de vivre ensemble "malgré" les différences. Il faut vivre ensemble "grâce" aux différences." La différence est coercitive quand on décide de l'appréhender ainsi.

 

Le terrain politique, économique, social, c'est évident. On fait toujours ce rapprochement entre la carte de la liberté religieuse sur Terre. On voit une coïncidence entre les zones rouges de l'absence de liberté religieuse qui correspondent aux zones vertes, où l'Islam est le plus dense. Le problème, c'est que cette carte coïncide avec une autre carte, qui est la véritable cause du problème. Celui-ci n'a rien à voir avec l'Islam. Cette carte coïncide avec le taux d'éducation. Les zones rouges de la carte des libertés religieuses correspondent à celles du manque d'éducation. D'ailleurs, certains pays hautement musulmans, pour ne pas dire les premiers pays musulmans - un Musulman sur deux est asiatique - sont des pays où la liberté religieuse est totalement respectée. Mais le niveau d'éducation y est plus haut. Je pense notamment à l'Indonésie. Voilà, tout simplement, l'explication est là.

 

 

PdA : Quelles sont les petites et les grandes actions qui, d'après vous, devraient être entreprises par les différents acteurs concernés pour apaiser les tensions interreligieuses ?

 

S.G. : D'abord se connaître. Se dire bonjour. On a tous des voisins de différentes religions maintenant, un peu partout sur Terre. Il faut leur parler. Il faut les inviter à boire le thé. Je voudrais saluer cette initiative incroyable des Musulmans de Norvège. Ils ont invité l'ensemble de leurs concitoyens, un jour. Chacun, chaque famille musulmane a ouvert les portes de son domicile pour inviter les familles norvégiennes à boire le thé. Je pense que c'est ce genre d'initiatives qui favorisent incroyabement la paix entre les individus. Il faut commencer par là, et ensuite, pourquoi pas, aller plus loin. Mais d'abord, se parler, ça, c'est une initiative de taille abordable.

 

 

PdA : Les dialogues œcuméniques et interreligieux ont été largement encouragés à l'occasion du Concile Vatican II, à partir duquel les messes en langue locale ont supplanté celles, traditionnelles, en latin. Sur d'autres sujets tels le contrôle des naissances, Paul VI et la curie ont choisi le statu quo. Cinquante ans après, quel est l'héritage de Vatican II ?

 

S.G. : Oulà, là, on touche à un autre domaine ! Je ne suis pas sûr d'être habilité à m'exprimer sur la question. Je voudrais juste citer ce passage du Concile Vatican II, que je trouve incroyable... Sur les différentes religions, l'Église rappelle qu'elle exhorte les croyants à faire grandir, mûrir les valeurs spirituelles, morales, sociales, culturelles qui se trouvent chez les croyants d'une autre religion. C'est quelque chose de très fort. L'Église ne se contente pas de dire, "Vivez ensemble parce que c'est important", elle dit aux Chrétiens, "Permettez aux autres religions de s'exprimer, de grandir en humanité". Et ça c'est très fort.

 

J'ai 100 000 raisons d'espérer pour l'Église de demain, et même l'Église d'aujourd'hui. Je ne suis pas sûr d'avoir envie de parler de "statu quo", de problèmes quelconques... Il y a des difficultés, comme partout. Je ne suis pas sûr que ce soit forcément lié à la question de l'interreligieux... Moi, j'applaudis l'Église à deux mains pour le travail incroyable qu'elle fait sur l'interreligieux. En particulier Monseigneur (Jean-Louis) Tauran, qui dirige le Conseil pontifical pour les Relations interreligieuses.

 

  

PdA : Récemment, Rome a décidé de réintégrer au sein de l'Église les prêtres de la Fraternité Saint-Pie-X (les lefebvristes), dont l'un des membres, M. Williamson avait tenu des propos assez difficilement compatibles avec l'esprit de réconciliation de Vatican II. D'autre part, Benoît XVI a libéralisé, de nouveau, la messe en latin. Franchement, au vu de votre combat, quel est votre sentiment face à ces gages apportés sans concession aux mouvement les plus réactionnaires de l'Église catholique ?

 

S.G. : Je ne suis pas d'accord avec cette affirmation. Je ne crois pas que Benoît XVI ait donné de gages aux mouvements les plus réactionnaires de l'Église. Ou en tout cas, il en a donné autant aux autres. J'ai été invité et reçu très tôt par Monseigneur Tauran à la Curie romaine pour soutenir l'engagement de Coexister. Le Saint Père nous a fait l'honneur de nous inviter aux rencontres d'Assise, en novembre 2011.

 

Je crois que Benoît XVI est un pape formidable, qui travaille à l'unité des Chrétiens. Non sans peine. Il a beaucoup de difficulté à communiquer et à gouverner. Ce ne sont pas ses atouts. C'est d'abord un intellectuel, un homme de grande envergure avec un esprit profond et large. Je pense qu'on ne peut pas lui demander ce qu'il ne sait pas faire. Je trouve qu'il fait un travail extraordinaire sur le rapprochement avec les autres religions et l'ouverture de l'Église. Il prépare l'Église de demain. Je crois qu'il rend un grand service à ses successeurs, qui n'auront pas à faire le sale travail qu'il a fait.

 

Maintenant, effectivement, il y a des choses sur lesquelles il faut des garde-fous. Je trouve très positif que Benoît XVI ait refusé au final la réintégration de la Fraternité Saint-Pie-X. Ceux-ci se refusaient en effet à reconnaître le Concile Vatican II. L'argument est clair : le Concile est donc le point de rassemblement de tous les Catholiques du monde. En dehors de Vatican II, pas d'Église.

 

 

PdA : Un point d'unanimité entre les différentes religions : le rejet du mariage pour tous, et de ce qui va avec. Mon idée n'est pas de vous inviter à un énième débat sur le sujet. J'aimerais par contre vous faire réagir à propos d'une déclaration faite par Frédéric Gal, directeur général du Refuge, lors de notre interview. "Le fait religieux est (...) extrêmement présent avec une référence régulière à l'homosexualité comme un véritable péché impardonnable". Évidemment, l'Église ne va pas, demain, célébrer de mariage homosexuel, c'est compréhensible, personne ne le lui demande, d'ailleurs. Mais ce sentiment que peuvent avoir certains homosexuels, parfois croyants, d'être rejetés, voire stigmatisés pour un amour, un mode de vie qu'ils n'ont pas choisis, ça vous inspire quoi ?

 

S.G. : Je ne suis, là encore, pas sûr d'être compétent sur le sujet. Pour rebondir, je voudrais souligner et applaudir le Conseil pontifical de la Famille qui vient de lancer un ultimatum aux grands pays du monde qui n'ont pas encore dépénalisé l'homosexualité.

 

 

PdA : Nous parlions de Vatican II tout à l'heure. Le mot d'ordre du pape de Jean XXIII à l'époque : "Aggiornamento". Mise à jour. Quelles mesures un Aggionamento des années 2010-2020 devrait-il comprendre, à votre avis ? Encore une fois, que l'Église refuse le mariage religieux de deux hommes ou de deux femmes, cela se conçoit. Quid, en revanche, de l'adoption d'une position de neutralité, sinon de bénédiction de la contraception dans un monde toujours rongé par le Sida (pour, in fine, préserver la vie, si chère à l'Église). Quid de l'ordination de femmes à la prêtrise ? Quid de la fin du célibat imposé pour les prêtres ? En un mot comme en cent : quel Vatican III appeleriez-vous de vos voeux ?

 

S.G. : Aucun ! D'abord, Vatican II n'est pas qu'un Aggiornamento. Il l'a été dans les voeux de Jean XXIII, mais l'a-t-il été réellement ? Pour moi, Vatican II, c'est d'abord une continuité de l'Église après 2000 ans d'histoire. Le Concile vient puiser à la source des pères de l'Église, à la source des Apôtres. Il en fait ressortir toute la splendeur pour le 21è siècle. L'Église prend conscience avec Vatican II que Dieu n'est pas seul à rentrer dans l'Histoire. Elle le fait elle-même. Elle n'est pas immuable, elle n'est pas absolue. Elle n'est pas éternelle. Elle est relative, construite par les individus. Et en même temps, elle a cette double identité d'être l'Église du Ciel et le corps du Christ.

 

L'Église a certainement beaucoup de progrès à faire, puisque l'Église est humaine. Ce sont en tout cas les hommes qui la composent qui ont des progrès à faire et doivent marcher vers la sainteté. Ces progrès passent-ils par des questions aussi simples que celles de l'ordination des femmes, du mariage des prêtres... peut-être ! Peut-être pas. Je ne suis pas sûr que ce soit la priorité aujourd'hui.

 

Si l'on devait réfléchir, pour moi, à des mesures pour les années 2010-2020, ce serait d'abord d'approfondir tous les textes, tout l'esprit du Concile Vatican II. Il faudrait aller plus loin dans l'ensemble des chantiers entrepris après le Concile. J'en vois douze, d'après le travail que j'ai accompli dans le cadre de l'association Youcoun (Vatican II pour les jeunes, ndlr). Douze grands chantiers sur lesquels les Chrétiens et l'Église peuvent encore travailler pour les dix années à venir.

- la lecture régulière de la parole de Dieu et sa compréhension ;

- la formation à la célébration liturgique ;

- l'engagement dans la vie de l'Église, qui va également avec l'amour pour l'Église ;

- l'engagement pour l'unité des Chrétiens, avec Taizé ;

- des espaces de discernement pour les vocations, et peut-être adapter de nouvelles vocations... comprendre qu'il y ait d'autres vocations que celles que l'on connaît déjà ;

- former les Chrétiens à leurs responsabilités de croyants ;

- former les Chrétiens à leurs responsabilités de citoyens, c'est l'engagement politique ;

- former ces derniers, chantier évidemment très important, à leurs responsabilités de citoyens s'agissant cette fois de la solidarité et du service du Pauvre ;

- la dignité de l'être humain, sur laquelle l'Église a ouvert un chantier phénoménal d'anthropologie au nom du Concile et dans lequel il y a encore tant à faire ;

- la Mission, qui prend un jour neuf et dynamique avec la nouvelle évangélisation ;

- l'usage des médias et des réseaux sociaux ;

- l'interreligieux, douzième chantier, pour moi.

 

Effectivement, si ces douze chantiers, avec leurs chantiers parallèles (l'engagement des laïcs, etc...) sont approfondis, je pense que l'Église a encore de belles heures et de beaux siècles devant elle.

 

 

PdA : Êtes-vous optimiste quant à un futur où les différences de religions ne seraient plus un motif de conflits, de souffrances, de malheur, mais peut-être, finalement, de richesse culturelle ?

 

S.G. : Bien sûr que je suis optimiste ! J'en suis même convaincu. La question, c'est "Quand ?". Demain. À la fin du mois. L'année prochaine. Dans un siècle. (Rires) J'espère voir un petit bout de ce monde où les religions s'apportent les unes aux autres avant de mourir.

 

 

PdA : En cette période de voeux, que peut-on vous souhaiter pour 2013 et pour la suite, cher Samuel Grzybowski ?

 

S.G. : D'entendre l'appel. Le bon.

 

 

PdA : Quel message souhaiteriez-vous adresser à nos lecteurs ?

 

S.G. : Cessez la coexistence passive pour passer en mode "coexistence active".

 

 

PdA : Souhaiteriez-vous en adresser un à quelqu'un, à un groupe en particulier ?

 

S.G. : Oui. Je voudrais souhaiter des voeux sincères, amicaux, et surtout d'estime à tous mes amis qui travaillent dans Coexister, ces 300 jeunes militants dans toute la France. Ils font un travail extraordinaire. Ils portent aujourd'hui les valeurs de la coexistence active et ils en défendent le message. Un message neuf, un message extrêmement dynamique. Je pense qu'ils portent une très grande vitalité, que nous espérons défendre encore pendant longtemps longtemps. Merci beaucoup !

 

 

 

Merci à vous, Samuel Grzybowski, pour vos réponses enthousiastes et passionnées. Et bravo pour votre engagement au service d'un monde un peu plus fraternel. Longue vie à Coexister ! Phil Defer

 

 

 

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10 février 2013

Patrick Adler : "L'essentiel est de faire rire dans l'élégance"

Être prof d'allemand mène à tout, semble-t-il. Il en est qui deviennent Premier ministre. D'autres, de talentueux humoristes. Bon, pour être franc, je n'ai qu'un exemple en tête pour chacune de ces catégories. Pas de généralisation ni d'amalgame... pas de polémique ! En 1989, Patrick Adler quitte le monde de l'éducation nationale pour celui, a priori plus exaltant, plus fou, plus fun... du Music-Hall. Depuis, il a tracé sa voie. Libre ! Il est un imitateur, un humoriste de grande qualité. Un auteur authentique... qui n'a pas l'intention de se laisser enfermer dans telle ou telle case ! On l'a beaucoup vu dans les médias dans les années 90. Moins depuis... Mais qu'on se le dise : Patrick Adler est toujours là, il continue son bonhomme de chemin, accompagné d'un public fidèle. Il a, plus que jamais, des projets plein la tête. Son univers du moment, à l'heure de nos contacts, c'est un cabaret. Demain, une nouvelle aventure... Un grand merci cher Patrick Adler pour vos réponses généreuses, parfois mordantes, souvent empreintes de tendresse. Le texte est agrémenté de vidéos que j'ai souhaité inclure pour vous permettre, chers lecteurs, de joindre le son et l'image à cette lecture qui, je l'espère, vous intéressera. Bonne (re)découverte ! Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

PATRICK ADLER

Auteur, imitateur, comédien...

 

"L'essentiel est de faire rire dans l'élégance"

 

Patrick Adler

(Photo fournies par Patrick Adler)

 

 

Q : 07/02/13

R : 10/02/13

 

 

 

Paroles d'Actu : Bonjour Patrick Adler. (...) On apprend sur votre bio en ligne que vous avez fait votre propre révolution en 1989, deux siècles après la grande. Envoyant valser études et enseignement pour le monde déjanté du Music-Hall. Quel regard le Patrick de 2013 porte-t-il sur ce jeune fou qu'il était il y a (presque !) un quart de siècle ? ;-)

 

Patrick Adler : Je porte un regard amusé et très distancié sur mes débuts. Passer de la petite estrade à la grande scène n'a pas été si simple, je n'y étais pas préparé. J'étais, comme tout bon prof qui se respecte (j'enseignais l'allemand en lycée à des futurs bacheliers) formaté : préparation des cours, correction de copies, cours, conseils de classe et... direction de colonies pendant les vacances scolaires. Il n'y avait pas trop de place pour la fantaisie, à part le week-end, où j'animais déjà des soirées en discothèque.

 

En arrivant dans le monde du Music'Hall, en dépit de la rigueur qu'il faut avoir pour tenir sur scène - il faut, à l'instar des sportifs, une certaine hygiène de vie - il y avait de grandes plages libres, ce qui a pu un temps me déstabiliser mais rapidement, j'ai trouvé à m'occuper (écriture, cours de chant lyrique, sport).

 

 

PdA : On vous connaît surtout pour vos imitations. Comment est-ce que tout cela a commencé ?

 

P.A. : Il aura suffi d'une missive - paraît-il amusante et bien tournée - à Michel Drucker, accompagnée d'une cassette (c'était au siècle dernier, en 1989) pour que, d'emblée, l'intérêt soit suscité. Apparemment, personne alors ne s'était engouffré dans cette brèche : j'étais et reste encore un des rares imitateurs à tenir les voix féminines.

 

 

PdA : Vous maîtrisez de nombreux personnages. Quelles sont, parmi vos interprétations, celles pour lesquelles vous avez une tendresse particulière ? Pourquoi ?

 

P.A. : J'ai évidemment une tendresse particulière pour mes "femmes" : Zézette, qui est une sorte de Candide, au bon sens populaire, Barbara, à qui je voue une admiration sans bornes, Véronique Sanson, qui m'émeut souvent. Je ne délaisse pas pour autant mes "hommes" : Benoît Poelvoorde pour ses excès qui traduisent une certaine fragilité, voire une fêlure, Dominique Besnéhard dont l'indolence et le chuintement m'amusent, d'Ormesson pour son éternelle jeunesse et bien d'autres... 

 

 

PdA : Comment vous y prenez-vous, typiquement, pour acquérir la voix d'une célébrité ?

 

P.A. : Il n'y a pas de recettes pour imiter, ça se saurait ! Les voix que je choisis de "travailler" sont, d'une, fonction de l'actu - je fais rarement les morts -, secundo, fonction de ma tessiture. Étant dans le registre "ténor", j'aurais beaucoup de mal à imiter des voix très graves. Je suis en revanche spécialisé dans les voix dites "cassées" ou simplement "voilées" (Adamo, Lenorman, Eicher, Pacôme, Jeanne Moreau, Régis Laspalès,... pour ne citer qu'eux).

 

 

PdA : Il y a, j'imagine, des gens plus faciles à imiter que d'autres...

 

P.A. : Il y a des voix qui, en fonction de ma tessiture, sont facilement imitables. Ce fut le cas de Claude Piéplu qui, une fois parti de ce monde, a laissé place à Maria Pacôme par le biais d'une différente intonation. Zézette fut aussi une évidence, comme Tina Turner, Bonnie Tyler, Lana del Rey qui sont, apparemment spectaculaires pour le public et d'une désarmante simplicité pour moi. J'ai eu, curieusement, plus de difficultés à trouver un angle pour l'ex-première Dame de France que pour Zucchero. Allez comprendre lol !

 

 

PdA : Comment les "croqués" réagissent-ils, en général ? Vous avez des retours ?

 

P.A. : Je n'ai pas toujours des "retours" à proprement parler. Imiter une célébrité, c'est déjà la consacrer. Quand Chantal Ladesou - que j'imitais déjà quand nous étions en tournée sur la pièce de Jean-François Champion "Ainsi soit-il", mise en scène par Jean-Luc Moreau - devient aujourd'hui une de mes cibles, c'est parce qu'elle est devenue une incontournable dans la comédie. Elle adore cela car elle a beaucoup d'humour. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à l'imiter. Liane Foly s'y emploie aussi. Et même les travestis de chez Michou l'ont inscrite dans leur nouveau tour. Dominique Besnéhard est fan, Marie-Anne Chazel - la première à avoir interprété Zézette - aussi. Maria Pacôme, Anémone sont plus dubitatives. Véronique Sanson, Vanessa Paradis un peu gênées. Je reconnais qu'il n'est pas simple de voir son "double". Les autres ne se sont pas encore prononcés.

 

 

PdA : Avez-vous eu à regretter telle ou telle imitation qui aurait pu, en son temps, blesser la personne concernée ?

 

P.A. : Je n'ai pas l'impression d'avoir blessé qui que ce soit dans mes spectacles, donc... La seule limite que je m'impose est l'attaque sur la vie privée.

 

Pour le reste, je m'autorise beaucoup de libertés (ton, gestuelle). L'essentiel est que cela fasse rire. Dans l'élégance.

 

 

Zézette

 

 

PdA : La France vous a découvert chez Drucker, vous avez été élève de la Classe, chroniqueur avec Ruquier... Outre vos one-man shows, il y a eu des pièces de théâtre et quelques passages sur les écrans. Quels ont été, pour vous, les grands moments, les rencontres décisives de votre carrière jusqu'ici ?

 

P.A. : Ma rencontre décisive a été le 14 février 1989, celle de Michel Drucker, ce fut mon premier "Champs-Elysées". Il y eut ensuite Laure Chaubaroux, programmatrice de feu "La Classe", puis Patrice Laffont  dans "les Bons Génies", sans oublier mes amies "les Vamps" qui m'ont accordé de faire l'Olympia en 1ère partie de leurs "adieux"en 1991/92 et un an de tournée dans les plus grandes salles de France, Belgique et Suisse. Un grand merci aussi à Hélène Ségara qui a réitéré ce cadeau en 2002/2003, avec le Palais des Sports de Paris en sus. J'éprouve avec le temps un certain regret d'avoir quitté Gérard Louvin, de ne pas l'avoir écouté assez à l'époque. Je refusais de "faire de la politique" alors qu'aujourd'hui j'écris des papiers dans un blog politique (Tak.fr) et je parle politique dans mes spectacles. On n'évolue pas tous à la même vitesse !

 

  

PdA : On vous voit beaucoup moins dans les médias traditionnels en ce moment. Si vous voulez mon avis - même si vous ne le voulez pas, je vous le donne - je trouve ça regrettable. Je ne vais pas vous demander de dire du mal de vos petits camarades, les Canteloup & cie, mais plutôt de me dire si la télé vous manque à l'heure d'internet ?

 

P.A. : La télé ne me manque pas, la radio, en revanche, oui. Il y a une liberté de ton que j'aimerais retrouver mais l'heure est un peu au "jeunisme".

 

Chaque antenne est à la recherche de "nouveaux talents". C'est tout à fait légitime. personnellement, je m'inscrirais plus, si j'étais Directeur des Programmes ou simple Programmateur dans la "mixité des talents", la rencontre inter-générationnelle. Nous avons tous à apprendre les uns des autres.

 

Ce combat des "Anciens et des Modernes", clivant, est un combat d'arrière-garde mais il n'est pas impossible que le rire soit générationnel, comme disait feu Michel Serrault car je ne me reconnais pas beaucoup dans l'humour ado de certains confrères (Kev Adams, Max Boublil...). En revanche, je salue l'arrivée de nouveaux talents comme le Comte de Bouderbala, Gaspard Proust, Rudy Milstein, Nicole Ferroni, les Lascars Gays.

 

Je n'ai pas d'avis sur mes collègues imitateurs : j'aime profondément Laurent Gerra, qui est un ami. Je trouve Canteloup talentueux en radio , moins sur scène (trop indolent, pour moi). J'apprécie le surdoué Michael Grégorio, mais il s'inscrit plus dans la performance d'un André-Philippe Gagnon, moins dans l'humour. Gustin suit gentiment son chemin avec des textes très lisses, à son image. Je préfère de loin la corrosion d'un Gerra. Moi-même, je suis monté en gamme et fais davantage grincer les dents depuis quelques années.

 

 

PdA : Patrick Adler, ce sont des voix... mais aussi des textes ! Je pense à ceux de vos spectacles évidemment, mais aussi à ceux, remarquables, de vos billets (et j'aime autant le dire à nos lecteurs pour leur donner envie de les découvrir, vous ne mâchez pas vos mots). Où puisez-vous votre inspiration ? Qu'est-ce qui, dans la vie, dans le monde, vous donne envie de réagir, de prendre la plume ? (Bon, d'accord, le clavier...)

 

P.A. : Je suis un fou de l'actu. Donc, je puise dans les journaux toute mon inspiration. Et il y a de quoi faire !

 

 

PdA : "L'accouchement, c'est maintenant !", ou plutôt à partir de septembre, à Paris. Parlez-nous de ce bébé ?

 

P.A. : Je voulais donner une fin élégante à mon personnage fétiche : Zézette. En voyant les affiches de la campagne de François Hollande, m'est venu le titre de mon prochain Opus : "L'Accouchement, c'est maintenant !". En gros, ce sera un peu, pour paraphraser Woody Allen, "Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'accouchement sans jamais oser le demander". Une mise bas en 60 à 80 voix parlées et chantées. Ce sera sans doute mon dernier one-man show car j'aspire de plus en plus à travailler en équipe, à refaire de la radio, mais aussi à continuer de mener la revue en cabaret, à tourner pour le cinéma et la télévision.

 

La retraite, ça n'est pas pour demain car j'ai un projet par heure ! lol

 

 

PdA : En attendant, il y a toujours "Même pas changé ?!", votre show adapté en permanence à l'actualité. Une formule gagnante, et de beaux moments avec le public, j'imagine...

 

P.A. : En attendant que le spectacle voie le jour, je peaufine en fonction de l'actu "Même pas changé ?!" et m'amuse encore beaucoup.

 

 

PdA : Où pourra-t-on vous applaudir prochainement ?

 

P.A. : On ira m'applaudir à Paris en septembre 2013... mais rien n'est signé, donc vous en saurez plus en consultant mon site www.patrick-adler.com.

 

 

PdA : Sans transition, une question totalement décalée mais que j'aime bien poser à mes invités du monde culturel. J'espère qu'elle vous amusera, vous avez déjà joué en costume, après tout. Imaginons donc que la DeLorean d'un type un peu fou surnommé "Doc" permette réellement de voyager dans le temps et dans l'espace. Chaque personne a droit à un voyage, un seul. Aller-retour, ou aller simple. Où elle veut, à l'époque de son choix. Quel est le vôtre ?

 

P.A. : Je m'inscris bien dans mon temps, donc je n'ai aucune nostalgie et me retourne rarement sur le passé, alors que -contradiction oblige - j'adore l'Histoire, mais notre époque me convient bien. Pas de voyage interstellaire me concernant. Peut-être un Aller-retour Paris-New York car j'aime éperdument cette ville, comme Mahdia, mon lieu de villégiature préféré en Tunisie. J'y écris avec bonheur.

 

 

PdA : Allez, on revient sur la terre ferme... Quoique... ? Quels sont vos projets, vos rêves pour la suite ?

 

P.A. : J'espère surtout refaire de la radio et continuer à travailler comme je le fais depuis 23 ans.

 

 

PdA : Aimeriez-vous adresser un message à nos lecteurs, à ce public qui vous suit et vous aime depuis des anneés ? Que peut-on vous souhaiter, cher Patrick Adler ?

 

P.A. : Je n'ai aucun message à distiller, je ne suis pas "leader d'opinion". Je souhaite juste conserver et élargir ce public, si enthousiaste et participatif, à mes spectacles !

 

 

PdA : Un dernier mot, pour conclure ? Merci infiniment !

 

P.A. : Merci à vous de m'avoir laissé cet espace de liberté. A très bientôt. Je vous embrasse.

 

 

 

Patrick Adler 2

 

 

 

C'est moi qui vous remercie, cher Patrick Adler. Merci pour votre générosité, bravo pour votre talent, pour votre travail. Quant aux souhaits que vous formulez, j'espère de tout coeur qu'ils se concrétiseront. Si un responsable de radio lit ces quelques lignes... Merci à vous ! Phil Defer

 

 

 

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Sur son site officiel (dont : spectacles à venir) ;

 

Sur le site Tak.fr ;

 

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5 février 2013

Mathieu Rosaz : "Un plaisir physique, instinctif... un exutoire, aussi"

À l'automne dernier, j'avais souhaité converser avec Monsieur Didier Millot, biographe de Barbara et membre fondateur de l'association Barbara Perlimpinpin à l'occasion du quinzième anniversaire de la disparition de la grande « dame brune ». Avec générosité et une passion communicative, il s'était prêté au jeu, pour Paroles d'Actu. Nous y évoquâmes longuement la vie, la carrière de l'artiste. Et celles et ceux avec lesquels, d'après la jolie expression de Didier Millot, « les chansons de Barbara traversent le temps ».

Plusieurs noms illustres sont cités : Marie-Paule Belle, Jean-Louis Aubert, Calogero, Raphaël... Daphné... Et un nom qui, alors, ne me parle pas. Mathieu Rosaz. Depuis, je me suis renseigné sur lui. J'ai lu, un peu. Écouté, surtout. Si vous aimez Barbara et plus généralement la belle chanson française, vous allez l'aimer, c'est sûr... Mathieu Rosaz, notez bien son nom. Vivants poèmes - Mathieu Rosaz chante Barbara, son tout nouvel album. Il a accepté de répondre à mes questions, de se livrer sincèrement, je l'en remercie mille fois. Une exclusivité Paroles d'Actu. Par Nicolas Roche, alias Phil Defer.  EXCLU

 

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D'ACTU

MATHIEU ROSAZ

Auteur-compositeur-interprète

 

« Un plaisir physique, instinctif...

un exutoire, aussi »

 

Mathieu Rosaz

(Photo de Philippe Matsas, fournie par Mathieu Rosaz)

 

Q : 30/01/13

R : 05/02/13

 

Paroles d'Actu : Bonjour Mathieu Rosaz. Né en 1975, vous vous êtes fait un nom avec vos hommages et vos apports à la belle chanson française. Comment cette histoire d'amour est-elle née ?

 

Mathieu Rosaz : Bonjour Nicolas. Je ne viens pas d'un milieu de musiciens et je crois que la chanson est l'art que l'on peut le plus facilement recevoir et apprécier, sans avoir une instruction musicale particulière. C'est un art avant tout populaire, ce qui lui vaut peut-être à tort cet injuste surnom de "parent pauvre" des arts…

 

J'ai d'abord aimé la chanson dite commerciale, celle qu'on entendait à la radio ou à la télévision, la plus accessible, a priori. Ma curiosité m'a ensuite tout naturellement poussé à creuser et m'a donné envie de connaître l'histoire des chansons et de la chanson en général. Et puis, il y a eu, très tôt le plaisir du chant. Un plaisir physique, instinctif et un exutoire aussi.

 

PdA : Barbara a rejoint le paradis des poètes, c'était il y a un peu plus de quinze ans... Sa place est centrale dans votre univers artistique. Vous lui avez consacré deux albums et plusieurs spectacles, dont l'actuel. Que représente-t-elle pour vous ? Qu'a-t-elle apporté à la chanson française ?

 

M.R. : Barbara n'aimait pas qu'on la dise poète, même si elle reconnaissait la couleur poétique de certains de ses textes. Je ne suis pas certain qu'elle serait ravie d'être au paradis des poètes. Je préfère l'imaginer au paradis tout court si toutefois il existe…

 

J'ai découvert les chansons de Barbara à l'adolescence, vers 15 ou 16 ans. Barbara était peu diffusée à la radio et ne passait plus à la télévision par choix. Il fallait donc qu'il y ait une sorte de rencontre puisqu'on ne nous l'imposait pas. La première image que j'ai vue d'elle est celle du clip de la chanson Gauguin (lettre à Jacques Brel) en 1990, son unique clip. Ce clip était diffusé sur la chaîne M6, de temps en temps. J'ai d'abord été intrigué. À l'époque je devais être encore fan de Jeanne Mas, dont la carrière s'effondrait… Puis, je suis tombé, dans un livre, sur un extrait du texte de L'Aigle noir. J'avais l'impression d'en connaître la musique. J'avais dû l'entendre tout petit et elle avait dû marquer mon inconscient. Je me suis ensuite tout simplement procuré une compilation de Barbara et là, cela a été le coup de foudre intégral. L'impression de rencontrer une âme soeur, quelqu'un qui me comprenait, que je comprenais et qui pansait mes plaies. Elle parlait à l'humain, pas au "consommateur". C'est ainsi qu'elle a déjoué toutes les stratégies commerciales et toutes les lois de ce métier.

 

Barbara est un formidable contrexemple de la société de consommation des années 1960 à 1990. C'est une exception culturelle à elle toute seule ! Elle représente pour moi l'exigence et la liberté. Dans la chanson française, Barbara a participé plus activement que l'on pense au mouvement de libération des femmes des années 60 et 70, par le simple fait de son existence, sans pour autant insister sur un quelconque engagement. En partant de son histoire personnelle, elle a touché à l'universel.

 

Son oeuvre est aussi avant tout un acte de résilience, le moyen de sublimer l'irréparable pour survivre et vivre. Avec les années, ses chansons d'amour adressées à l'autre sont devenues des chants adressés aux autres en général : Perlimpinpin, Mille chevaux d'écume, Le jour se lève encore, Vivant poème… C'est une oeuvre résolument moderne, intemporelle et transgénérationnelle.

 

PdA : Quel est, s'agissant de Barbara, le sens de votre démarche artistique ? L'interpréter avec le respect et la conviction qui sont les vôtres, c'est une façon de perpétuer son oeuvre, de continuer à la faire vivre ?

 

M.R. : C'est tout cela à la fois, et j'essaie de le faire du mieux que je peux, comme je peux. Je me sers bien sûr de ma propre histoire, je choisis les chansons en fonction de mon vécu. Je ne chante rien par hasard. C'est pour cela qu'il m'a parfois fallu des années avant de pouvoir chanter tel ou tel titre. Il me fallait attendre de l'avoir vécu pour mieux le comprendre. J'ai en face de moi une oeuvre écrite par une femme depuis ses 30 ans environ, jusqu'à ses 66 ans. Et je suis un homme de 37 ans. Je dois tenir compte d'un souci de crédibilité d'ordre physique, une crédibilité liée à mon apparence, et une autre beaucoup plus intime, liée à mon évolution personnelle, à ma vie intérieure. Il faut que tout cela coïncide, pour que ça sonne et que le message passe. Cela peut paraître compliqué, mais c'est finalement très simple, très instinctif comme travail. Plus simple à exécuter qu'à expliquer.

 

J'y ai ajouté une autre exigence : celle de tenter de faire découvrir, au milieu des succès, des titres méconnus. C'est le cas actuellement de chansons comme Je t'aime, Pleure pas, Le minotaure, entre autres, que je chante sur scène et que je viens d'enregistrer. Je ne cherche pas à révolutionner le son de Barbara mais juste à prolonger, à ma manière, la vie de chansons que j'aime, à travers le prisme de la scène, avant tout. Les enregistrements de Barbara sont là et si un public les découvre ou les redécouvre grâce à moi, c'est mon plus grand bonheur. J'essaie d'être un passeur.

 

PdA : J'ai lu que, peu avant sa disparition, elle avait soutenu très symboliquement dans la poursuite de vos rêves - on pourrait presque parler de passage de flambeau - le tout jeune homme que vous étiez alors. Voulez-vous nous en parler ?

 

M.R. : Non, non, Barbara ne m'a passé aucun flambeau, on ne peut pas dire ça. Elle m'a envoyé un télégramme en septembre 1997 dans le cabaret où je chantais, ce qui m'a infiniment touché. Je lui avais fait parvenir une vidéo de mon spectacle, dans lequel je chantais une ou deux de ses chansons, et elle m'a fait ce petit signe. Elle était très à l'écoute de ce qui se faisait, que cela ait un rapport ou non avec elle. Elle vivait recluse mais était restée en contact, à sa manière, avec le monde extérieur, ce qui est finalement assez rare chez les artistes de cette dimension. Elle avait gardé la curiosité et le goût des autres.

 

PdA : Nous célébrions il y a quelques jours le cinquantième anniversaire du Traité de l'Élysée, qui marqua une nouvelle étape dans la réconciliation franco-allemande. Vous avez chanté Göttingen à Göttingen, un moment très fort, j'imagine ?

 

M.R. : Un moment intense. C'était le 9 juin 2007, jour de l'anniversaire de Barbara, qui aurait eu 77 ans. C'était au Junges Theater, rebaptisé le cinéma Lumière, là où Barbara est venue chanter en 1964 et là où elle a créé la fameuse chanson, après l'avoir écrite en une demi-heure dans le petit jardin qui jouxte le théâtre. J'ai l'impression que le théâtre n'a pas changé depuis les années 60. C'est fou le chemin de cette chanson. Le public la savait par cœur et j'ai dû la chanter deux fois dans le spectacle. Elle est vraiment devenue l'hymne de cette réconciliation franco-allemande. Le lendemain, j'ai visité l'ancien camp de concentration de Dora, pas loin de Göttingen. Une "Rose Barbara" est discrètement et symboliquement plantée près de l'entrée du réseau de tunnels dans lesquels les détenus travaillaient et mouraient…

 

PdA : Vous venez de vous produire au Vingtième Théâtre, à Paris, pour Mathieu Rosaz chante Barbara. Quel bilan en tirez-vous ? Quel est votre rapport à la scène, au public ?

 

M.R. : D'abord, je constate que, même sans tapage médiatique, le public est là, avec les fidèles qui viennent et reviennent et les nouveaux, entraînés par le bouche à oreille. Je retiens l'intensité de l'échange avec certains après le spectacle, la sincérité évidente de leurs témoignages. C'est ce qui me donne envie aussi de continuer. Je constate que, pour l'instant, le temps joue en ma faveur. J'ai gagné en sobriété, en puissance et en intériorité. Je me sens de plus en plus dans l'épure et dans le détachement par rapport au "modèle", de plus en plus connecté à moi-même, à la fois plus perméable mais aussi plus fort, plus solide. Je force moins la main, je laisse les gens venir à moi. Je ne cherche pas à les regarder par exemple, ni particulièrement à leur plaire. Je ne suis plus trop dans la tentative de séduction. En quelque sorte, je laisse au public un plus grand droit de regard. Je n'impose rien, je propose. Ils prennent ou pas, ils se servent, nous partageons les chansons. Et nous respirons mieux qu'avant, je pense.

 

PdA : Parmi ces références que vous reprenez, je note qu'il y a également quelqu'un que j'aime beaucoup, Véronique Sanson...

 

M.R. : Véronique Sanson est, avec Barbara, l'artiste qui m'a le plus touché. C'est aussi quelqu'un qui est allé très loin dans l'intime. Presque trop loin, parfois, car elle se protège moins que Barbara, ou, du moins, différemment. Elle s'expose beaucoup plus aussi, notamment sur le plan médiatique, à une époque où ce qu'on appelle le "buzz" règne… C'est avant tout une grande musicienne de la période post-Beatles, au carrefour de beaucoup d'influences, que ce soit dans la pop, la musique brésilienne, le jazz, le blues, la musique classique où la chanson française traditionnelle. Une personne d'un grand magnétisme. Bref, je l'aime.

 

PdA : Quels sont, dans le patrimoine comme sur la nouvelle scène, les artistes que vous aimez, que vous suivez ?

 

M.R. : Comme je le dis plus haut, la chanson française (et internationale) me passionne. Avec une nette préférence pour les musiciennes. Donc, je peux m'intéresser autant à l'apport d'une Yvette Guilbert  il y a plus de cent ans, qu'à celui d'une Camille aujourd'hui. Sans pour autant connaître absolument toutes leurs chansons. Mais ce sont deux artistes qui ont, entre autres, fait avancer les choses et qui, tout en restant fidèles à une tradition, renouvellent ou ont renouvelé le genre scéniquement.

 

J'ai, avec un ami, créé une page Facebook qui s'appelle "Les chanteuses échevelées" et qui nous permet d'évoquer toutes ces figures connues ou méconnues. Nous avons choisi une marraine virtuelle : Marie Laforêt. Marie Laforêt est un véritable cas, pas toujours connue pour les bonnes raisons. Elle a dit un jour : « Je suis la fille légitime de Sheila et Barbara » ! Du pain béni pour nous! Laforêt fut, on le sait peu, une pionnière de la world music en France. L'une des premières notamment à importer en France et à faire voyager dans le monde des chants d'Amérique du Sud, des musiques Yiddish, à chanter dans 5 ou 6 langues, bref, à prendre des risques, quitte à brouiller bien des pistes ! C'est ce qui nous intéresse. Sur cette page Facebook, vous entendrez parler aussi bien de Brigitte Fontaine que d'Isabelle Mayereau, Maria Bethania, Blossom Dearie, Dusty Springfield, Marie-Paule Belle, Marie-José Vilar, Anne Sylvestre, Juliette Gréco, Claire Diterzi, Ute Lemper, Anna Prucnal, Amalia Rodriguez, Mercedes Sosa, Barbara Carlotti, Ingrid Caven, Elisa Point, Cora Vaucaire, Michèle Bernard, Pascale Borel, Françoise Hardy... et beaucoup d'autres ! 

 

PdA : Nous avons beaucoup parlé de vos hommages à d'autres artistes jusque là. Il serait injuste de ne pas évoquer vos créations originales, qui gagnent réellement à être connues. Comment définiriez-vous votre univers, Mathieu Rosaz ?

 

M.R. : Mon univers découle d'une multitude d'influences musicales, bien sûr, mais aussi cinématographiques, car je suis devenu assez cinéphile, au fil du temps. J'ai ainsi écrit, il y a quelques années, une chanson en hommage à Éric Rohmer, Comme dans un film de Rohmer, qui est une de mes chansons préférées de mon répertoire, mais pas forcément la plus représentative.

 

Et puis, j'essaie, tout simplement, de mettre des mots et des notes sur ce que je vis, rêve ou vois, quand ça vient… Je suis en quête de mélodies et j'aime les textes clairs, concis, précis. Je crois au mot juste, et je le cherche. Je ne le trouve pas toujours. J'aime les formes classiques pour pouvoir aussi mieux m'en éloigner, parfois. J'aime les univers feutrés, je refuse le clinquant, le "bling-bling musical". J'écris peu, par paresse, doute, et démotivation aussi. Je me sens encore écrasé par certaines influences. Si j'ai une idée, je me dis souvent qu'untel l'a déjà très bien traitée, et je trouve cela vain de recommencer, en moins bien. Mais je me soigne ! Il faut qu'une chanson s'impose à moi, que je ne puisse plus lui résister. Je crois que j'ai peur d'écrire. Je m'interdis encore beaucoup trop de choses !

 

PdA : Quelles sont, dans votre répertoire, les chansons pour lesquelles vous avez une tendresse particulière ? Ces cinq ou dix titres que vous aimeriez inviter nos lecteurs à écouter pour mieux vous découvrir ?

 

M.R. : Mon album La tête haute quitte à me la faire couper !, paru en 2009, est mon disque le plus abouti. Particulièrement des titres comme Banale, Pour ne plus retomber, À tes côtés, Fils de famille, Comme dans un film de Rohmer, Promeneur solitaire. Ce disque doit beaucoup aux arrangements musicaux d'Elvire Aucher. Dans mon album de 2005, Je préfère les chansons tristes…, je suis assez fier d'un texte qui a mis certains mal à l'aise car il évoque un sujet délicat, traité à la première personne du singulier (même si ce n'est pas mon histoire personnelle) : Banquette arrière. J'aime les chansons-portraits comme Madame vit à Paris ou les chansons carte-postale comme Je respire à Buenos-Aires ou Triste à Saint-Tropez. Il y a aussi Fragile équilibre, dans une veine romantique que je ne peux renier, ou encore la Chanson de l'acrobate, qui tente de parler de la scène…

  

PdA : La crise de l'industrie musicale, on en entend régulièrement parler. C'est quelque chose qui vous inquiète, qui vous touche ? À quoi votre "modèle économique" (l'expression est laide lorsque l'on parle d'art, mais elle est parlante) ressemble-t-il ?

 

M.R. : J'ai l'impression d'avoir toujours été en crise donc, en fait, la situation actuelle ne change pas grand chose pour moi. Le nouveau disque et le spectacle actuel ont été produits par les Concerts parisiens (agents et producteurs) qui sont, à la base, spécialisés dans la musique classique. Ils ont un réseau de diffusion qu'ils ont développé au fur et à mesure de ces vingt dernières années, mais rien n'est simple. Il y a des artistes pour qui l'agent organise et gère les propositions. En ce qui me concerne, c'est l'inverse, ou presque. Il faut aller au charbon, co-réaliser le spectacle à Paris, louer les espaces publicitaires, trouver et engager une attachée de presse assez courageuse pour défendre un cas pas évident. C'est un réel investissement sur le plan financier, et un vrai risque. Ensuite, il faut vendre le spectacle en démarchant les salles, en les relançant. C'est aussi un gros investissement en terme de temps, d'énergie, de ténacité.

 

En ce qui concerne ce que j'ai chanté en dehors de Barbara, j'en ai toujours été aussi le producteur (3 albums, un single, plusieurs spectacles). Aujourd'hui, il est vrai que je n'ai personnellement absolument plus les moyens financiers de produire un disque, sachant qu'il se vendra peu et de moins en moins physiquement, et que le numérique est très loin de combler pour le moment le manque à gagner de la dématérialisation. Si j'écris de nouvelles chansons, je crois qu'elles prendront vie sur scène, quitte à ne publier ensuite que des versions enregistrées en public, on verra…

 

À mon sens, l'unique moyen de nous sortir de cette crise de l'industrie musicale est de prélever enfin une taxe sur les abonnements aux divers fournisseurs d'accès à internet et sur les disques durs. Taxe reversée proportionnellement aux différents ayant-droits de ce métier. C'est le principe de la licence globale. J'ignore pourquoi nous n'en sommes pas encore là. De toute évidence, en raison d'histoires de très gros sous dans de très hautes sphères. Mais je ne vois aucune autre solution.

 

PdA : Où pourra-t-on vous applaudir prochainement ?

 

M.R. : À Mâcon les 22, 23 et 24 mars, et puis dans diverses salles (programmation en cours), pendant la saison 2013-2014. Et sans doute au Festival d'Avignon, en 2014 !

 

PdA : Quels sont vos projets, vos rêves pour la suite ?

 

M.R. : De la scène avant tout et, un jour peut-être, avoir mon propre théâtre, ou du moins un lieu où l'on chante et où l'on puisse aussi parler, se rencontrer. On a beau tout dématérialiser, on aura toujours besoin des autres en chair et en os !

  

PdA : Un dernier mot, pour conclure ? Merci infiniment !

 

M.R. : Merci à vous !

 

 

Merci encore, cher Mathieu Rosaz, pour cet échange. Bravo pour votre talent, pour votre travail que j'ai eu grand plaisir à découvrir - et que je vais désormais suivre. J'ai pris le temps d'agrémenter le texte de notre entretien de nombreux liens pour vous permettre, amis lecteurs, de rencontrer vous aussi cet artiste qui, définitivement, gagne à être connu. Parcourez sa chaîne YouTube, suivez son actu, achetez son dernier album, si vous êtes séduit(e) ! Merci à vous ! Phil Defer... Un commentaire ?

 

 

Vous pouvez retrouver Mathieu Rosaz...

 

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