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Paroles d'Actu
26 juin 2017

« 2017 : fin d'un cycle et tempête politique », par Philippe Tarillon

Philippe Tarillon, qui fut maire de Florange (Moselle) entre 2001 et 2014, a été comme nous tous le témoin de la déroute historique subie par sa famille politique, le Parti socialiste, en ces mois de mai et juin. Je lui ai proposé de nous livrer son analyse de la saison électorale qui vient de s’achever. Un texte sobre et pondéré, emprunt d’une vraie culture politique. Sur la gauche, celle qui se veut de gouvernement mais qui a eu la paresse coupable de repenser la société quand elle en avait le temps (le devoir ?), son jugement est sévère, mais pas sans espoir pour la suite, "si et seulement si"... Merci à lui pour cette nouvelle contribution. Une exclu Paroles d’Actu. Par Nicolas Roche.

 

Solférino

Le siège du PS, rue de Solférino. © Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro.

 

Nicolas Roche, pour « Paroles d’Actu », m’ayant demandé de réagir à l’actualité politique récente, c’est bien volontiers que je lui adresse cette contribution.

 

« 2017 : fin d’un cycle

et tempête politique »

Par Philippe Tarillonancien maire

socialiste de Florange (2001-14).

 

Les élections présidentielle et législatives de 2017 représentent un bouleversement majeur du paysage politique français, avec l’échec retentissant des deux partis politiques qui ont structuré la vie politique depuis des décennies. Aucune de ces deux forces n’ont accédé au second tour de l’élection présidentielle et ont vu leur représentation parlementaire fortement réduite pour les LR et presque annihilée pour le Parti socialiste. Il faut remonter à 1958 pour trouver un équivalent en termes de bouleversement du paysage politique.

D’autres aspects sont tous aussi importants :

  • Le Front national n’a pas transformé l’essai mais peut se targuer du nombre record de voix obtenues à l’élection présidentielle. Il n’a pas brisé le fameux plafond de verre et la campagne de nature identitaire et sectaire, menée au second tour par Marine Le Pen, s’est au final révélé contre-productive. Le système électoral majoritaire n’a pas permis au FN de constituer un groupe, compte tenu de son isolement. Pour autant, sa montée permanente est un élément majeur d’inquiétude.
     
  • La France Insoumise pourra, elle, constituer ce groupe. Mais Jean-Luc Mélenchon n’a pas pu ou pas su capitaliser sur son excellent score du 1er tour de l’élection présidentielle. La dynamique de FI est fragile dans la mesure où elle repose d’abord sur la fonction tribunitienne de son chef.
     
  • L’importance croissante du refus de vote, particulièrement importante pour les législatives. Un triste record a été battu, et la moyenne cache des réalités sur certains territoires qui ne se désintéressent massivement des débats politiques.

 

La victoire d’Emmanuel Macron est incontestable, mais doit être nuancée :

  • Au premier tour de l’élection présidentielle, il est arrivé en tête, poussé par le phénomène du vote utile de la part d’électeurs, notamment de gauche, qui voulaient éviter un second tour entre Le Pen, dont la qualification semblait acquise, et un François Fillon dont le programme droitier faisait peur, sans parler de la personnalité atteinte par les affaires qui ont plombé sa campagne. Il a aussi profité de l’affaiblissement du PS tout au long du quinquennat et de l’incroyable situation de la droite, plombée par les affaires de son candidat et qui a perdu une élection qui lui semblait promise.
     
  • Au second tour, il a bénéficié du réflexe du vote républicain mais ce mécanisme ne cesse de baisser en efficacité, notamment du fait de l’absence de consignes de la part de Jean-Luc Mélenchon.
     
  • Aux législatives, il a eu une nouvelle situation favorable : atomisation de ses adversaires, démoralisation, démobilisation. La forte abstention atténue cependant la portée de son triomphe, qui s’est d’ailleurs traduit par une forte majorité absolue, sans aller jusque la chambre introuvable qu’on pronostiquait au lendemain du premier tour.

« L’échec du processus des Primaires, à travers

les candidats désignés, confirme la perte

d’influence des appareils partisans. »

L’intelligence d’Emmanuel Macron a été de savoir surfer sur cette vague et de se faire passer pour l’homme du renouveau, alors qu’il est un pur produit du système. Mais il a su avec talent tenir un discours qu’attendaient de nombreux Français, déçus des alternances régulières entre PS et droite parlementaire, sans que pour autant ne soient apportées de réponses durables aux maux économiques et sociaux d’une France en plein doute. En mettant en avant le renouvellement, le rassemblement, le refus des « clivages artificiels », l’appel aux compétences et à la « société civile », Macron a permis que se fasse la rencontre entre un homme et une nation, ce qu’avait voulu le Général de Gaulle en faisant du Président la « clé de voûte » des institutions. Par contraste, l’échec du processus des Primaires, à travers les candidats désignés, confirme la perte d’influence des appareils partisans.

 

Pourquoi ?

Du côté de la droite, certains défendent l’idée que la situation est conjoncturelle, due au choix d’un candidat qui avait fait de sa « droiture » la clé de son succès inattendu aux Primaires et qui a fini par être rattrapé et submergé par ses contradictions et une image dégradée face aux affaires. Les mêmes font constater que la droite a limité la casse aux législatives.

Pour ma part, je rappellerai seulement l’évolution de long terme qui a vu la droite UMP, devenue LR-UDI, passer de 370 députés en 2002 à environ 120 en 2017. Situation qui va encore être aggravée par les profondes divisions entre tenants de la ligne dure et les « constructifs ».

« La droite n’a pas su rester une force de

rassemblement... la rançon de la ligne Buisson. »

La droite s’est en fait repliée sur un socle qui reste solide, de l’ordre de 20% du corps électoral. Elle n’a pas su rester une force de rassemblement, rançon de la ligne Buisson, portée par Nicolas Sarkozy, qui avait pour objectif de voler au FN ses thèmes de prédilection. Cela a fonctionné un moment, lors de l’élection présidentielle de 2007, mais a fait fuir sa frange modérée, qui s’est laissé séduire par le discours libéral et rassurant du candidat Macron.

La crise du PS est encore plus profonde, et le quinquennat de François Hollande fut celui de la fracture. Le PS fut longtemps un parti de militants, fort de ses réseaux d’élus locaux constitués lors des grandes victoires du socialisme municipal, en 1977 et plus proche de nous, en 2008. Les effectifs des sections, de leur côté, n’ont cessé de fondre. Cette anémie a été aggravée par les divisions profondes, l’affaiblissement considérable du réseau des élus locaux, après la série d’élections calamiteuses de 2014 et 2015.

« Le PS a passé dix ans dans l’opposition, de 2002

à 2012, à attendre l’alternance comme d’autres

attendaient Godot, sans se préparer, sans réfléchir,

sans mesurer les changements de la société. »

Pour remettre le PS à flots, Lionel Jospin, en 1997, avait su construire et mettre en œuvre un projet porteur, avec les 35 heures ou encore les Emplois jeunes. Rien de tel ne figurait dans le projet de 2012. Le PS a passé dix ans dans l’opposition, de 2002 à 2012, à attendre l’alternance comme d’autres attendaient Godot, sans se préparer, sans réfléchir, sans mesurer les changements de la société. Le PS et celui qui l’a incarné depuis 2002, a fait du « molletisme »  : un discours très à gauche dans les congrès et en campagne (« mon adversaire, c’est le monde de la finance »), et une pratique très modérée une fois revenu aux affaires. L’histoire revalorisera certainement le bilan du quinquennat, en particulier le nécessaire redressement des finances publiques et l’amélioration de la compétitivité des entreprises françaises. Mais cette politique n’a pas été remise en perspective et la situation réelle du pays en 2012 n’a pas été rappelé au départ. Pire encore, des fautes graves ont été commises, comme sur la déchéance de nationalité ainsi que le premier et grave coup de canif du Code du travail que fut la loi El Khomri. Les divisions ont pesé, et les frondeurs ont une forte responsabilité, même si au final je considère qu’ils ont été les lanceurs d’alerte. Comme pour l’échec historique du premier tour de l’élection présidentielle de 1969, avec à peine plus de 5% de voix, les pratiques molletistes (discours de gauche et politiques contraires aux engagements pris) ont conduit aux mêmes effets. On ne gouverne pas la France comme on gagne un congrès du PS.

Au-delà de ça, le PS, après avoir perdu au profit du FN, les classes populaires, a aujourd’hui perdu son socle, qui faisait de lui le parti des salariés, en particulier dans la fonction publique.

« Le PS doit trouver la voie centrale qui annonce

les idées progressistes de demain... »

Le PS survivra-t-il à 2017 ? Il lui faut pour cela analyser ce qui s’est passé, sortir de ces pratiques et trouver un discours politique clair. Sans renoncer à être une gauche de gouvernement, il lui faut trouver la voie centrale qui annonce les idées progressistes de demain, renonce aux pratiques droitières, sans tomber dans l’erreur que serait une dérive vers le gauchisme, qui deviendrait alors, pour détourner une parole de Lénine, « la maladie sénile du socialisme ». Au total, une voie étroite.

Tout cela veut-il dire que les deux partis historiques sont devenus des cadavres politiques ? Je reste convaincu de la pertinence du clivage droite-gauche, dès lors que la droite républicaine assume ses valeurs et ne cherche plus à faire du « Le Pen light » et que le PS réussisse à se refonder, un nouvel Epinay en quelque sorte, ce qui ne sera pas facile pour un parti exsangue, tant en adhérents qu’en élus nationaux et locaux.

Le contexte sera aussi important. Macron ne bénéficiera pas toujours de l’alignement des planètes. L’application d’un programme qui comprend des mesures brutales et clivantes ne manquera de réveiller les oppositions et de changer la donne.

En ce qui me concerne, je continuerai à suivre ce débat et à y prendre part, même si je donnerai la priorité absolue au local, dans la perspective des municipales. Je retiens de la stratégie de Macron ce qui est à reprendre : rassemblement, compétences, représentativité, poids de la « société civile », ce qui ne veut pas dire que les valeurs sont mises dans la poche et que des militants ne réunissent pas toutes ces qualités. Une chose est sûre : on ne peut plus faire une liste, dans une commune de 12.000 habitants comme la mienne, avec la règle à calcul et les seuls critères politiques. Nous sommes sortis d’une séquence politique. Et comme quoi, dans tout épisode, même les plus douloureux, il y a des leçons à retenir.

texte daté du 25 juin 2017

 

Philippe Tarillon avec Jaurès

Le texte suivant a été choisi par Philippe Tarillon pour illustrer cette photographie...

« Le courage, c’est de dominer ses propres fautes, d’en souffrir, mais de n’en pas être accablé et de continuer son chemin. Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »

Jean Jaurès, Discours à la Jeunesse, 1903.

 

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21 juin 2017

« Autour de Françoise Hardy », Emma Solal et Frédéric Quinonero

Il y a deux mois sortait, chez l’Archipel, la nouvelle biographie signée Frédéric Quinonero, fidèle des interviews Paroles d’Actu. Ce dernier opus en date, sous-titré Un long chant d’amour, est consacré comme une évidence au vu du parcours de l’auteur, à Françoise Hardy, artiste élégante, délicate et touchante dont les problèmes de santé ont inquiété les nombreux amateurs, ces dernières années. Lorsqu’il a été convenu d’un nouvel échange autour de ce livre, Frédéric Quinonero a eu à coeur de m’orienter également vers une artiste que je ne connaissais pas, Emma Solal, interprète de reprises solaires et délicates, réappropriées par elle, de chansons plus ou moins connues qu’avait chantées Françoise Hardy. Le tout s’appelle « Messages personnels ». À découvrir, parallèlement bien sûr à la lecture du livre de Frédéric Quinonero, somme d’infos connues de toute une vie mais aussi fruit d’enquêtes inédites, le tout dans un style agréable, un must pour tout amateur de l’artiste... Merci à eux deux pour cet article, pour les réponses apportées à mes questions datées du 18 juin (Frédéric Quinonero le 18, Emma Solal le 19). J’espère que Françoise Hardy lira cet article, et surtout qu’elle aura loisir de découvrir leur travail. Puisse cette publication vous donner envie, aux uns et aux autres, de vous y plonger, en tout cas... Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche...

 

ENTRETIENS EXCLUSIFS - PAROLES D’ACTU

« Autour de Françoise Hardy »

Françoise Hardy 

Crédits photo : Virgin Emi.

Emma Solal et Frédéric Quinonero

 

Paroles d’Actu : Parlez-nous de votre parcours, et de vous, Emma Solal ?

Parcours et premiers pas.

Emma Solal : Je suis une chanteuse (auteur et interprète) parisienne d’origine italienne. Je pianote au clavier sur scène et j’ai un très joli ukulélé chez moi que j’aimerais pouvoir utiliser bientôt sur scène également. J’ai des influences musicales variées dont le Jazz, la chanson française, la musique brésilienne, italienne, l’opéra, les musiques plus électroniques également, tout une palette d’inspirations donc ! Après avoir sorti un premier album de chansons jazzy, « Robes du soir » et deux EP digitaux, j’ai travaillé sur ce projet « Messages personnels », de reprises de chansons de Françoise Hardy.

 

PdA : Qu’avez-vous mis de vous, de votre univers, "votre" patte personnelle dans « Messages personnels », cet album de reprises de chansons de Françoise Hardy ?

« Patte personnelle ».

E.S. : Il s’agit d’un album que nous avons arrangé et enregistré avec Paul Abirached (guitares), Philippe Istria (percussions) et Pierre Faa (mixages et collaborations variées). C’est un album qui a été enregistré dans le prolongement du spectacle « Messages personnels », joué au théâtre Les Déchargeurs à Paris avec Paul et Philippe et mis en scène par Stéphane Ly-Cuong en janvier-février 2015 puis en novembre-décembre 2016. L’idée originale en revient à mes amis Éric Chemouny, qui est auteur et journaliste, et Pierre Faa, auteur-compositeur-interprète avec qui j’ai fait mes premiers albums.

« J’ai eu envie de redonner, à ma manière,

des couleurs aux chansons de Françoise Hardy »

L’univers de Françoise Hardy m’a toujours beaucoup touchée, notamment au travers de l’exploration du lien amoureux et de la complexité des sentiments, qu’elle décline depuis quelques années maintenant ! Je suis admirative de ses textes ciselés, de son parcours, de la richesse de ses collaborations musicales… J’ai eu envie de proposer ma vision de son univers, en premier lieu bien sûr car il me fait vibrer, mais également car ses chansons ont très peu vécu sur scène, Françoise Hardy ayant cessé de faire des concerts à partir de 1968. J’ai eu envie de leur redonner des couleurs, à ma manière ! Et nous avons tâché avec Paul, Pierre et Philippe, d’orner les treize chansons de l’album de couleurs musicales variées et différentes des titres originaux. Une relecture personnelle et un hommage, en somme.

 

Messages personnels

 

PdA : Pourquoi avoir choisi, Frédéric, de consacrer cette nouvelle bio à Françoise Hardy ? Est-ce qu’elle tient, dans ton esprit, une place particulière dans cette période chère à tes yeux et sur laquelle tu as beaucoup travaillé, les années 60 ?

Pourquoi ce livre sur F. Hardy ?

Frédéric Quinonero : Françoise Hardy a été avec Sylvie Vartan et Sheila l’incarnation d’un prototype de jeune fille moderne dans les années 60. Toutes les trois ont marqué les esprits, ce n’est pas un hasard. J’avais écrit sur Sylvie et Sheila, je rêvais depuis longtemps d’une biographie de Françoise Hardy, mais je voulais quelque chose d’abouti, de complet, pas du déjà vu.

 

PdA : Comment t’y es-tu pris pour composer cet ouvrage ? As-tu pu t’appuyer notamment sur des témoignages inédits, sur des recherches que tu aurais entreprises ? Et dirais-tu que tu as encore gagné en aisance dans l’exercice, alors que tu signes ton 16 ou 17è livre ?

Le livre, coulisses.

F.Q. : Je ne me suis pas contenté des archives que l’on trouve facilement sur les sites de fans. J’ai interrogé une dizaine de témoins, surtout des personnes qui n’ont jamais ou très peu été sollicitées. J’avais besoin d’informations exclusives et pertinentes pour illustrer mon propos. J’aurais pu, par exemple, contacter Jean-Marie Périer qui est quelqu’un d’absolument adorable et que j’avais interviewé pour ma biographie de Johnny. Mais il a déjà tout dit sur Françoise… En revanche, trouver des musiciens qui l’ont côtoyée dans les années 1960, à l’époque où elle chantait autour du monde, me semblait plus intéressant… On gagne en aisance à chaque livre, il me semble. Même si parfois on se demande si on va arriver au bout. C’est à chaque fois comme un petit miracle. Quant au style d’écriture, je pense que le temps le bonifie. Le temps, l’expérience, les lectures diverses.

 

Un long chant d'amour

Françoise Hardy, un long chant d’amour (l’Archipel, 2017)

 

PdA : Si vous deviez ne choisir pour les emporter que 5 chansons de Françoise Hardy, lesquelles, et pourquoi ?

5 chansons, pas une de plus...

 

E.S. : Françoise Hardy n’a pas forcément écrit et/ou composé les cinq chansons que je choisirais mais elles me touchent tout particulièrement :

« Message personnel » pour sa mélancolie et les superbes texte et musique de Michel Berger.

 

« Même sous la pluie » : elle met si bien en scène l’attente de l’être aimé, la douleur et parfois une certaine complaisance  à se retrouver dans cette posture.

 

« Soleil » : j’aime ses évocations de plage, de sable, qui parlent à l’italienne que je suis, tout en restant dans une couleur très mélancolique qui me parle aussi…

 

« Étonnez-moi Benoît » : son côté léger, enlevé, moqueur… Et j’adore Patrick Modiano, j’ai lu beaucoup de ses romans.

 

« Je suis moi » : là encore une collaboration avec Michel Berger et une chanson de libération de la femme, teintée de joie et d’une certaine sérénité, ce qui est un peu rare dans le répertoire de Françoise Hardy !

 

F.Q. : Sans réfléchir :

« Tant de belles choses », un chef-d’œuvre d’émotion pure : je ne peux l’entendre sans pleurer.

 

« Message personnel », parce que c’est un tube intemporel, mais surtout pour le passage parlé qui est de sa plume et qui fait selon moi la magie de la chanson.

 

« Ma jeunesse fout le camp » : elle est avec « Il n’y a pas d’amour heureux » de ces grandes chansons que Françoise a sublimées, car elle porte en elle la mélancolie qu’elles véhiculent.

 

« Soleil », car elle est la première chanson d’elle que j’ai entendue quand j’étais petit garçon. Je la trouvais d’une beauté et d’une douceur remarquables.

 

« L’amitié »  : une des plus belles chansons jamais écrites sur ce thème, je ne me lasse pas de l’entendre.

Et il y a beaucoup d’autres pépites dans son répertoire…

 

PdA : Michel Berger est très présent dans votre liste de cinq chansons, Emma. Nous commémorerons bientôt les 25 ans de sa disparition, bien trop prématurée. J’aimerais vous inviter à nous parler un peu de lui. Est-ce qu’il compte parmi les gens, les artistes qui vous inspirent vraiment ? Qui d’autre, à part lui, et Françoise Hardy ?

 

E.S. : En effet, Michel Berger compte parmi les artistes qui m’inspirent et que j’ai beaucoup écouté. J’apprécie beaucoup sa sensibilité, ses mélodies, sa délicatesse, son élégance aérienne et profonde à la fois…

 

Michel Berger

Illustration : RFI Musique.

  

J’ai aussi beaucoup écouté, dans le désordre, Brel, la Callas, Barbara, Ella Fitzgerald, Vinicius de Moraes, Tom Jobim, Mozart, beaucoup d’influences variées donc pour ne citer qu’eux parmi ceux qui ne sont plus tout jeunes ou plus de ce monde !

 

PdA : Une époque, une image à retenir de Françoise Hardy ?

« Une » Françoise Hardy ?

 

E.S. : Les années 1960, Courrèges, son allure sublime et élégante, une icône !

« Dans les années 60, elle triomphait

dans toute l’Europe et elle était une des rares

vedettes françaises à être aimée des Anglais...  »

F.Q. : Cette époque magique où elle était à la fois une pop star dans le monde entier et l’incarnation de la femme française, habillée par Courrèges. Contrairement aux idées reçues, elle a beaucoup chanté sur scène à cette période, elle était reçue comme un chef d’État en Afrique du Sud, au Brésil… Elle triomphait en Italie, en Espagne, dans toute l’Europe. Et elle était une des rares vedettes françaises à être aimée des Anglais – elle a chanté à quatre reprises au Savoy, ce qui est exceptionnel pour une artiste française.

 

PdA : Comment qualifierais-tu, Frédéric, sa relation devenue légendaire avec Jacques Dutronc ? Que t’inspire-t-elle ?

Hardy, Dutronc...

F.Q. : Elle a formé avec Dutronc un couple mythique, comme Johnny et Sylvie, et tellement atypique ! Je comprends qu’on puisse être séduit par un personnage comme Jacques Dutronc. Je trouve leur fin de parcours exceptionnelle, et Françoise admirable de s’être sacrifiée pour son bonheur à lui. C’est un bel acte d’amour que peu de gens sont capables d’accomplir.

 

Françoise Hardy et Jacques Dutronc

Crédits photo : Mano.

 

PdA : La question "regards croisés" : un mot, l’un(e) sur l’autre, sur son parcours et son travail ?

"Regards croisés"

 

E.S. : J’avoue ne pas avoir encore lu le livre de Frédéric mais il est déjà dans ma valise pour mes vacances en Sardaigne cet été ! Mais je connais d’autres biographies écrites par Frédéric, que j’avais lues avec plaisir ! Je souhaite à Frédéric un très beau succès avec sa biographie de Françoise Hardy.

 

F.Q. : Je connais peu le parcours d’Emma, que j’ai découverte avec son album de reprises de Françoise. Je vais pouvoir désormais m’y intéresser de plus près. J’ai beaucoup aimé son album « Messages personnels », justement parce qu’elle s’est approprié les chansons. Elle a choisi des titres souvent peu repris, comme « Rêver le nez en l’air », qui est une réussite. Il y a une belle pureté chez cette artiste. Elle a su aborder le répertoire de Françoise avec simplicité et élégance. Je lui souhaite une longue route.

 

PdA : « Tant de belles choses », tu la citais Frédéric, c’est une chanson très récente de Françoise Hardy, émouvante et adressée à son fils. "Tant de belles choses", l’expression est jolie et parlante. Qu’est-ce qu’elle vous inspire à tous les deux, quand vous pensez à la chanson, à ce qu’il y a derrière, à Françoise Hardy et à la vie... ?

« Tant de belles choses »

 

E.S. : « Tant de belles choses », en effet, c’est une chanson superbe et si émouvante, sur la transmission, l’amour entre les parents et les enfants. C’est également la teneur de ce que je souhaiterais dire à mon fils, sur le fait de profiter et d’être à la hauteur de cette vie qui nous est offerte…

« Son texte le plus beau, le plus spirituel... »

F.Q. : Elle fait partie de mes chansons préférées. Sur un thème délicat, celui d’une mort prochaine, elle livre son texte le plus beau, le plus spirituel. Elle exprime sa croyance en l’éternité de l’esprit et de l’âme, ce en quoi je crois également. C’est une chanson consolatrice pour exprimer la force des sentiments, qui nous survivent. Françoise l’a écrite après avoir appris qu’elle souffrait d’un lymphome. C’est un message d’amour à son fils.

 

PdA : Quel serait si vous en aviez un le "message personnel" que vous aimeriez adresser à Françoise Hardy, qui lira peut-être cet article, cette double interview ?

Message personnel à F. Hardy ?

 

F.Q. : Je le lui dirai en privé si elle fait la démarche de me contacter ‑ elle a mes coordonnées. Nous partageons nombre de points communs, si l’on exclut la politique (rires), nous pourrions bien nous entendre.

« Je serais ravie de pouvoir inviter Françoise Hardy

à chanter un duo ensemble ! »

E.S. : Je serais ravie de pouvoir inviter Françoise Hardy à chanter un duo ensemble !

 

PdA : Trois mots, adjectifs ou pas d’ailleurs, pour la qualifier ?

Françoise Hardy en 3 mots ?

 

F.Q. : L’élégance, la franchise, la mélancolie.

 

E.S. : Elégance, pop, intemporelle.

 

PdA : Lors d’une interview précédente Frédéric, tu me faisais part d’une certaine lassitude, par rapport au métier d’auteur, à la difficulté d’en vivre... et tu évoquais l’idée de chercher un autre job plus stable en parallèle. Où en es-tu par rapport à cela ? Es-tu plus "secure", plus optimiste par rapport à ce métier ?

Du métier d’auteur.

 

F.Q. : J’en suis au même point. À une différence près, qui n’est pas négligeable : j’ai le sentiment qu’on reconnaît davantage mes qualités d’auteur. Pas seulement dans le fond, mais aussi dans la forme. Et j’en suis content.

  

PdA : Tu as consacré plusieurs ouvrages à Johnny Hallyday, que tu avais qualifié lors de notre interview citée à l’instant de « frère » que tu n’avais pas eu. Il se bat aujourd’hui courageusement (comme, certes, bien des malades) contre cette saleté qu’on appelle cancer, et remonte même sur scène en ce moment. Comment l’observes-tu dans cette séquence de sa vie, toi qui la (et le !) connais si bien ?

Johnny face à la maladie...

« J’ai du mal à imaginer la vie sans Johnny... »

F.Q. : Je suis très inquiet, bien sûr. Je ne peux m’empêcher de penser à Piaf et aux derniers temps de sa vie, l’époque des tournées suicide. En même temps, la scène ne peut lui être que bénéfique. Alors, courage à lui ! J’ai du mal à imaginer la vie sans Johnny. Toute ma vie a été marquée par ses chansons. Je ne voudrais pas avoir à lui dire adieu.

 

Johnny, la vie en rock

Johnny, la vie en rock (l’Archipel, 2014)

 

PdA : Quels sont tes projets, tes envies pour la suite ? Frédéric, une nouvelle bio en perspective ou des désirs de bio ? Quid, peut-être, d’écrits de fiction ? Et vous Emma ? Que peut-on vous souhaiter ?

Des projets, des envies ?

 

F.Q. : Je suis ouvert à tous projets, à condition d’avoir la possibilité de les mener à bien. Aujourd’hui, concernant la biographie, je pense avoir franchi un cap (voir réponse à une question précédente) et j’aspire à un travail en complicité avec un artiste. J’ai envie d’aventures humaines. Nous y réfléchissons, mon éditeur et moi. En attendant, je travaille sur un nouveau livre (une biographie) destiné à un nouvel éditeur. J’espère que le résultat sera à la hauteur de mes attentes.

 

E.S. : Je travaille sur un nouvel album de compositions originales, qui aura une couleur plus pop justement.

Pour la suite, je serais heureuse de réussir à trouver un plus large écho auprès du public, aussi bien pour l’album « Messages personnels » que pour mes prochains albums… et je serais très heureuse d’échanger avec vous à l’occasion d’un prochain album depuis les coulisses de l’Olympia !

 

Un dernier mot ?

 

Frédéric Quinonero

À suivre…

 

Frédéric Quinonero p

 

Emma Solal

Merci beaucoup à vous Nicolas pour cette interview!

 

Emma Solal (2017)

 

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5 juin 2017

Olivier Da Lage : « C'est un quasi-blocus qui frappe le Qatar... »

Olivier Da Lage, journaliste à Radio France internationale, est spécialiste des questions géopolitiques touchant au sous-continent indien (voir sa publication récente, L’Inde : désir de puissance, chez Armand Colin, 2017) et à la péninsule arabique (il est auteur notamment des ouvrages Qatar, les nouveaux maîtres du jeu, Démopolis, 2013, et Géopolitique de l’Arabie saoudite, éd. Complexe, 2006). Alors que nous apprenions, ce matin, la décision collective et unilatérale de rupture par l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et Bahreïn de leurs relations diplomatiques avec le Qatar (information lourde de sens s’il en est), j’ai souhaité poser quelques questions à M. Da Lage. Je le remercie vivement d’avoir accepté de se prêter à l’exercice, d’autant plus que le timing ne lui était pas favorable ; c’est sa quatrième participation à Paroles d’Actu (après une interview sur l’Inde en mars 2017, une tribune sur le terrorisme islamiste en juillet 2016 et un échange sur... l’Arabie et le Qatar, en janvier 2016). Des réponses pour décrypter, un article pour éclairer une situation obscure et complexe, toujours... Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche...

 

ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU

Olivier Da Lage: « C’est un

quasi-blocus qui frappe le Qatar... »

Entretien réalisé le 5 juin 2017.

 

Qatar

Illustration : drapeau du Qatar. Source : aawsat.com...

 

Paroles d’Actu : Olivier Da Lage bonjour. L’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et Bahreïn viennent d’annoncer, et l’information a tout du séisme, la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar, accusé de « soutien au terrorisme », y compris al-Qaïda, le groupe État islamique, le Hamas et les Frères musulmans. Comment réagissez-vous, à chaud, vous qui connaissez bien la région ? Est-ce une vraie surprise ?

la rupture, une surprise ?

Olivier Da Lage : Oui et non. Non, car la tension entre le Qatar et ses voisins dure maintenant depuis longtemps. Pratiquement depuis 1995, en fait. En 2014, plusieurs monarchies du Golfe avaient même retiré leurs ambassadeurs pendant neuf mois pour se plaindre du soutien du Qatar aux Frères musulmans et au Hamas, jusqu’à ce que Doha cède, du moins en apparence. Mais depuis plusieurs mois, on voyait bien que la ligne du Qatar, qui refuse de rompre avec l’Iran et qui continue de témoigner une certaine bienveillance, pour ne pas dire un soutien à la mouvance frériste, irritait au plus haut point l’Égypte, l’Arabie saoudite, et les Émirats arabes unis. Quant à Bahreïn, dont le pouvoir est (discrètement) proche des Frères musulmans, il est violemment hostile à tout rapprochement avec l’Iran, considéré comme l’organisateur de l’opposition chiite à la dynastie sunnite des al-Khalifa au pouvoir à Bahreïn.

« Rompre les relations diplomatiques est une

décision grave, belliqueuse ; il n’y a qu’une

étape suivante, c’est la guerre... »

Mais oui, car rompre les relations diplomatique est infiniment plus grave que de retirer ses ambassadeurs. C’est une décision belliqueuse que l’on réserve en principe à un ennemi. Il n’y a qu’une une étape suivante et c’est la guerre. Or, le Qatar est membre fondateur, avec les autres monarchies de la Péninsule arabique, du Conseil de coopération du Golfe (CCG) créé en 1981 et il fait partie de l’alliance militaire dirigée par l’Arabie saoudite qui intervient au Yémen contre les rebelles houthis.

Enfin, la décision prise va même au-delà de la simple rupture des relations diplomatiques et s’apparente à un quasi-blocus puisque les voisins du Qatar bloquent ses frontières terrestres (il n’y en a qu’une : avec l’Arabie), maritimes, et aériennes ce qui revient pratiquement à empêcher Qatar Airways de fonctionner.

 

PdA : La tiédeur de Doha dans la lutte sans merci qu’entend livrer l’Arabie saoudite, championne autoproclamée des sunnites dans la région, à l’influence grandissante de l’Iran chiite, semble avoir pesé lourd dans la décision de ce jour. Peut-on expliquer le non-alignement du Qatar sur les positions de Riyad, tout simplement par une volonté de ne pas se laisser enfermer dans des luttes d’influence destructrices, par une volonté de continuer à parler et à échanger avec tout le monde, ou bien y a-t-il, derrière, des manoeuvres, des calculs moins honorables de la part du Qatar ?

le Qatar, pays non-aligné, ou des eaux plus troubles ?

O.D.L. : Il y a les deux. Mais même si l’on n’est pas obligé de croire sur parole toutes les explications données à Doha, et si le comportement du Qatar vis-à-vis de certains groupes jihadistes en Syrie et en Irak est discutable (mais il ne se différencie pas sur ce sujet de celui de l’Arabie ou de Bahreïn), tout le monde peut comprendre deux facteurs expliquant la politique de Doha :

• Le Qatar partage avec l’Iran l’exploitation d’une gigantesque poche de gaz naturelle se trouvant sous les eaux du Golfe et ne peut donc se permettre d’avoir des relations d’hostilité avec l’Iran ;

« Le Qatar refuse d’être réduit au rôle

de satellite de l’Arabie saoudite »

• Il ne veut pas être réduit au rôle de satellite de l’Arabie saoudite et à tenté depuis vingt ans de s’en différencier en recourant au soft power que ses ressources lui permettent de déployer, dans un premier temps avec talent et efficacité, et, depuis les Printemps arabes de 2011, plus maladroitement et avec des résultats beaucoup plus discutables.

 

PdA : L’accusation de « soutien au terrorisme » portée contre le Qatar dans les termes utilisés par les communiqués en question vous paraît-elle outrancière ou justifiée ? Et si elle est justifiée, la France doit-elle en tirer des conséquences franches quant aux rapports qu’elle entretient avec Doha ? La question vaut aussi pour la Coupe du monde de football 2022, organisée comme chacun sait au Qatar...

le Qatar, sponsor du terrorisme ?

« De ce point de vue, l’Arabie saoudite peut

difficilement se poser en donneuse de leçons »

O.D.L. : Elle est très discutable, malgré les ambiguïtés déjà mentionnées. Et, de ce point de vue, l’Arabie Saoudite peut difficilement se poser en donneuse de leçons. Mais il est vrai que la pression actuelle est pratiquement insupportable pour le Qatar, en partie de son propre fait, mais pas seulement. Dans ces conditions, il n’est pas certain que la Coupe du monde pourra bien avoir lieu comme prévu en 2022 car en ce domaine, Doha doit également affronter les critiques des syndicats et des ONG de défense des droits de l’Homme.

 

PdA : Est-on en train d’assister à votre avis à un rebattement profond des cartes du jeu diplomatique dans la région moyen-orientale ? Pour parler clair : le Qatar va-t-il, de facto, intégrer une zone d’influence iranienne qui n’était pas nécessairement la sienne jusqu’à présent, et quelles conséquences prévisibles cela aurait-il ?

région : vers un bouleversement ?

O.D.L. : Impossible de prévoir les conséquences de ce qui vient de se passer, mais elles sont potentiellement très graves. C’est un avertissement pour tous les pays musulmans qui, comme Oman, le Pakistan, l’Indonésie ou la Malaisie, refusent de s’aligner sur la politique agressive suivie par Riyad depuis deux ans. Mais de là à imaginer un alignement du Qatar sur l’Iran, non, je ne le crois pas du tout.

« Il est très possible que l’Arabie et les Émirats

s’activent pour fomenter un coup d’État

familial au Qatar, des signes vont dans ce sens... »

Il est très possible, en revanche, que l’Arabie et les Émirats s’activent pour fomenter un coup d’État familial au Qatar où tout le monde n’est pas nécessairement favorable à la politique d’indépendance de l’émir. Il’y a des signes qui vont dans ce sens.

 

Olivier Da Lage

Olivier Da Lage est journaliste à Radio France internationale, spécialiste

du sous-continent indien et de la péninsule arabique. 

 

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